Consignataire Et Agent Maritime (Droit)

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UNIVERSITE DE DROIT, DECONOMIE ET DE SCIENCES DAIX-MARSEILLE IIIFACULTE DE DROIT ET DE SCIENCES POLITIQUES DAIX-MARSEILLE

CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS

LE CONSIGNATAIRE DE NAVIRES ET LAGENT MARITIME

Mmoire pour le Master 2 Droit Maritime et des Transports

Directeur de recherche: M. Christian SCAPEL, Matre de confrences lUniversit dAix-Marseille III

Prsent par Sarah BOUKERBOUT

Anne de soutenance : 2008 2009

REMERCIEMENTS

Je voudrais remercier en premier lieu, mes professeurs, M. Christian SCAPEL pour mavoir fait dcouvrir le droit maritime et pour mavoir fait lhonneur de me recevoir au sein du Centre de Droit Maritime et des Transports sans quoi rien naurait t possible, et M Pierre BONASSIES pour ses prcieux enseignements et conseils.

Mes remerciements vont galement lensemble des professeurs et intervenants professionnels du Centre de Droit Maritime et des Transports pour la qualit de leurs interventions et leurs soutiens.

Je remercie Me Marc GUERIN, pour ses conseils et ses remarques qui mont t dune aide prcieuse et son extrme disponibilit.

Sans oublier M. Alexis LOBADOWSKY, dlgu gnral de la Fdration des Associations des Consignataires de navires et Agents Maritimes de France, pour laide matrielle quil ma apporte, et Me Jacques BONNAUD, pour ses conseils.

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Liste des Abrviations

Bull.civil : Bulletin civil BTL : Bulletin des transports et de la logistique C.A : cour dappel (court of appeal) Cass. Com : Chambre commerciale de la cour de cassation (The commercial chamber of the supreme court) Cass. Civ : Chambre civile de la cour de cassation (The civil chamber of the supreme court) Civ.1 : 1ere chambre civile de la cour de cassation (The 1st civil chamber of the supreme court) CJCE : Cour de Justice des Communauts europennes (The court of justice of the european communities) CPC : Code de Procdure Civil D : Dalloz Dc : Dcret Dir.cons : Directive conseil (council directive) DMF : Droit Maritime Franais F.A.C.A.M : Fdration des associations des consignataires de navires et agents maritimes de France (The federation of ship agents and shipping agents associations) Fasc : Fascicule GP : Gazette du Palais JO : Journal officiel JCP : Juris classeur priodique (Semaine Juridique) L : Loi Obs : observations Rec : Recueil Rev : Revue Rev Scapel : Revue de droit franais commercial, maritime et fiscal RTDC : Revue trimestrielle de Droit Commercial S : Dalloz Sirey Suiv : Suivant Trib. Com : Tribunal de Commerce (commercial court)

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Sommaire INTRODUCTION : ............................................................................................................. p5 I-Historique .................................................................................................................... p6 II-Dfinitions et textes applicables ............................................................................. p10 III-Critres de distinction ........................................................................................... p13 PARTIEI : Rgime juridique du contrat de consignation et du contrat dagence ..... p17 Chapitre 1 : Prsentation gnrale des contrats de consignation et dagence ........ p18 Section 1 : Nature juridique des contrats ................................................................. p18 Section2 : La loi applicable aux contrats ................................................................. p27 Chapitre 2 : Formation et cessation du contrat de consignation et du contrat dagence ................................................................................................ p31 Section 1 : Les rgles rgissant la formation du contrat .......................................... p31 Section2 : La cessation du contrat ........................................................................... p33 PARTIE 2 : Contenu du contrat de consignation et du contrat dagence ................... p44 Chapitre1 : Les obligations de lagent maritime et du consignataire de navire .... p45 Section1 : La mission du consignataire de navire .................................................... p45 Section2 : La mission de lagent maritime .............................................................. p55 Chapitre 2 : Les droits du consignataire de navire et de lagent maritime ............. p59 Section1 : Les droits du consignataire de navire ...................................................... p59 Section2 : Les droits de lagent maritime ................................................................. p65 PARTIE 3 : La responsabilit du consignataire de navire et de lagent maritime ..... p74 Chapitre1 : La responsabilit contractuelle ............................................................. p75 Section1 : La responsabilit lgard du mandant .................................................. p75 Section 2 : Rgime spcial de responsabilit applicable au consignataire de navire p80 Chapitre 2 :La responsabilit du consignataire et de lagent maritime envers les tiers. .............................................................................................................. P82 Section 1 : La responsabilit dlictuelle .................................................................. p82 Section 2 : Responsabilit du consignataire pour les contraventions de grande voirie ....................................................................................................... p85 Section 3 : Laction en responsabilit contre le consignataire de navires et lagent maritime ................................................................................................... p87 CONCLUSION .................................................................................................................. p90 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................ p92 ANNEXES ..................................................................................................................... p.100 TABLES DES MATIERES ............................................................................................ p132 4

INTRODUCTION

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De la marine voile la marine de nos jours, en passant par les navires vapeur, le transport maritime a connu un vritable bouleversement ce qui a suppos un largissement des activits et un changement profond dans lexploitation des navires. Ce dveloppement a donn naissance de nouvelles professions qualifies dauxiliaires maritimes dont le rle est dagir dans lintrt du navire en effectuant des tches diverses et varies.Les hommes habilits remplir ce rle sont notamment les consignataires de navires et les agents maritimes qui sont tous deux des mandataires de larmateur, dans un port o ce dernier na ni tablissement principal ni succursale. Dans lhistoire de la marine marchande lactivit de ces deux oprateurs reste intimement lie entranant ainsi une certaine confusion entre les deux professions, cette situation pose de nombreuses difficults quelles soient dordre pratique ou juridique, cest lobjet de la prsente tude.

I-HISTORIQUE :

Il convient dans un premier temps de revenir sur lapparition de ces deux oprateurs dans le monde du transport maritime, il ne sagit pas l de faire uvre dhistorienne mais seulement de faire un petit retour dans lhistoire afin de mieux apprhender les raisons qui ont menes confondre le consignataire de navires et lagent maritime.

Ds les prmices du transport maritime, le capitaine jouait un rle des plus important dans lexpdition maritime, que le capitaine agisse au nom de larmateur ou pour son propre compte, celui-ci occupait une place prpondrante lors du voyage maritime. En effet, le capitaine qui ne bnficiait videmment pas des merveilles technologiques qui peuvent exister aujourdhui, tait pendant toute la dure du voyage maritime coup de tout contact avec la terre et de ce fait devait assumer seul toutes les responsabilits qui pouvaient dcouler du transport ; cest ainsi que le capitaine avait la charge de diverses tches telles que lembarquement des marchandises bord du navire, lachat de lavitaillement, du combustible la ngociation avec le chargeur ou encore la livraison de la marchandise au port darrive. Pour illustrer limportance de ses fonctions, il convient de rappeler ladage selon lequel le capitaine tait le seul matre bord aprs Dieu , adage qui lui seul donne toute sa signification au rle du capitaine.

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Ainsi les auxiliaires de transport quil sagisse du consignataire de navires ou de lagent maritime navaient cette poque quun rle subsidiaire. Comme le relve P.Jauffret 1 cette poque encore le consignataire de navires navait pas pour fonction de se substituer au capitaine mais seulement de prter son concours au capitaine qui sacquittait personnellement de toute la tche qui lui incombe et ce nest finalement quavec les progrs de la navigation maritime que le consignataire prendra la place quon lui connat aujourdhui et quil se prsentera comme agent de larmateur substitu au capitaine pour laccomplissement dune partie de la tche de ce dernier. En effet, avec laccroissement du volume des changes commerciaux, les armateurs voulant engranger le plus de profit possible vont prendre conscience de la ncessit doptimiser un maximum lexploitation de leurs navires et de rduire les temps descale. Le capitaine ne pouvant alors accomplir seul et de manire productive toutes les oprations que suppose le transport maritime, celui-ci va lentement cder les diffrentes fonctions techniques et commerciales quil occupait au profit dauxiliaires terrestres. Les armateurs vont alors de faon constante avoir recours ces oprateurs dont lexprience du pays, de la langue et des usages du port, vont tre dune aide prcieuse, cest ainsi quils feront appel des agents permanents lorsquil sagit de lignes rgulires ou des consignataires de navires lorsque larmateur voudra se faire reprsenter dans un port pour un navire donn.

Nanmoins, en dpit du rle croissant que jouaient le consignataire de navires et lagent maritime, ils ne firent pas lobjet dune attention particulire de la part du lgislateur. En effet, si le consignataire de navires a t reconnu par le lgislateur ce nest que trs tardivement par les rformes de 1966 et 1969 ; lagent maritime quant lui a tout simplement t ignor et na pas fait lobjet de dispositions lgislatives particulires.

Sagissant du consignataire de navires, il convient de relever que cest dans un grand imbroglio que le terme gnrique de consignataire est n. Dj dans lordonnance de la marine de Colbert de 1681, Valin clbre jurisconsulte de lpoque faisait allusion au consignataire de navires en ces termes 2 : Il ny a point dexception faire en faveur des commissionnaires auxquels les matres de navires se sont adresss pour dire que ces commissionnaires ont droit de les reprsenter leffet que les dclarations quils feront pour les matres et marchands soient regards comme si elles taient faites pour eux mme.1

P.Jauffret, thse de doctorat le consignataire du navire 1931, Aix en Provence p12

2

Commentaire sur larticle 14 livre 1 titre VII Les matres et marchands qui voudraient agir

par eux-mmes ne seront tenus de se servir dintermdiaires ou de courtiers 7

Alors que Valin utilise le terme de commissionnaires , la jurisprudence consulaire de Marseille dsigne le consignataire de navires par le terme recommandataire sagissant de ceux qui donnent leurs soins au nolissement du navire, c'est--dire au fret, le code de commerce de 1807 ne faisait mention que du consignataire de la marchandise 3 . Seul le dcret du 12 dcembre 1806 sur le service du pilotage parle des courtiers et consignataires de navires trangers 4 .

Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi les rdacteurs du code de commerce ont omis dtablir un statut lgal propre au consignataire de navires, la premire de ces raisons est que le code de commerce de 1807 est une reprise de lordonnance de la Marine or comme le relvent justement Patrick Pestel-Debord et Jacques Bonnaud5

lpoque de la rdaction du

code de commerce la consignation de navires ne constituait quun mode particulier dexercice de la profession de commissionnaire, laquelle, en revanche, tait lobjet de dispositions spciales, tant dans le code de commerce que dans le code civil, par rfrence aux rgles du mandat . La deuxime de ces raisons est sans nul doute historique, en effet le code de commerce de 1807 na fait lobjet dune refonte globale que trs rcemment par lordonnance n 200-912 du 18 septembre 2000, or le transport maritime na cess dvoluer partir du XIXe sicle.

Finalement ce nest quavec les rformes de 1966 et de 1969 que le lgislateur prend rellement compte de lvolution des pratiques maritimes et va doter le consignataire de navires dun statut juridique prcis.

Pour ce qui est de lagent maritime, la loi maritime ne prend gure en compte cet oprateur, il a donc fallu se tourner vers la rglementation applicable aux mandataires et la loi du 25 juin 1991, dite Doubin, qui a notamment remplac le dcret de 1958 sur lagence commerciale. La situation de lagent maritime peut tre rapproche de celle du transitaire dont le rgime juridique nest fix par aucun texte spcifique et qui se voit de la mme manire appliquer les dispositions du droit commun relatives au mandataire.

3

4

Article 285 et 305 du code commerce La convention de Bruxelles du 10 mai 1952 sur la saisie conservatoire des navires fait quant elle rfrence

celui qui agit en tant qu agent pour le compte du navire ou de son propritaire article 1er5

Patrick Pestel-Debord et Jacques Bonnaud dans leur ouvrage agent consignataire de navire en France p 13 sagissant du commentaire de Valin (cit supra)

8

Lintervention du lgislateur aurait t pourtant bien ncessaire pour distinguer le consignataire de navires de lagent maritime. En effet, le plus souvent le mme oprateur cumule les deux fonctions, ce qui rend en cas de litige, lapplication de la loi bien difficile pour les juges.

Si le consignataire de navires a pour mission de recevoir les marchandises embarquer, de la prendre en charge jusqu sa livraison et de ravitailler le navire lescale et de mener bien toutes les oprations que le capitaine neffectue pas lui-mme, lagent maritime a galement des activits commerciales, celles-ci consistent principalement en la recherche de clients pour son mandant. Mais ses fonctions stendent souvent ceux du consignataire dont la mission est complmentaire aux activits propres de lagent maritime do un cumul de mandat et un risque de confusion important entre les deux fonctions.6 Un arrt de la Cour dappel de Paris du 13 novembre 1986, 7 relve Que les multiples fonctions de l'agence maritime ne lui confrent pas une qualification juridique propre et ne s'opposent nullement ce qu'elle soit mandataire de l'armateur . La cour dappel de Rouen est alle dans le mme sens dans un arrt du 12 janvier 19958

et

affirme que si une socit peut tre amene effectuer les tches dun consignataire, [mais que] ceci nenlve rien sa qualit dagent maritime.

La possibilit de cumul des deux professions ajoute au fait que le lgislateur est rest plus quimprcis sur ltendue du rle de lagent maritime et du consignataire de navires a entran un vritable trouble en la matire. La doctrine elle-mme na pu apporter une rponse claire, une terminologie nouvelle a mme t suggre, celle dagent consignataire . 9 Le doyen Rodire quant lui, note que larticle 1er du dcret du 13 dcembre 1958 sur les agents commerciaux applique la qualit dagent commercial toute personne qui ngocie et ventuellement conclut des achats, des ventes des locations ou des prestations de services au nom et pour le compte de producteurs, dindustriels ou de commerants , conclut que le consignataire de navires est un agent commercial au sens du dcret de 1958 si lon songe la mission plus complexe qui fait de lui un remplaant du capitaine et pratiquement lengage agir comme le ferait le chef dagence si larmateur avait une succursale dans le port . 10

67 8

Voir Lamy transport, Tome 2, 2009 n460

C.A Paris, 13 novembre 1986, Charles Le Borgne c/ SCTT, Lamyline CA Rouen, 12 janvier 1995, DMF 1996, 156, note Y.Tassel 9 Voir P.Pestel-Debord et J.Bonnaud, Lagent consignataire de navire en France, 1983 10 Trait gnral de droit maritime Tome III Ren Rodire, n881, p89

9

Conscients de lincertitude quant la qualification donner ces deux oprateurs, certains praticiens ont entendu apporter un peu plus de clart en la matire. Cest en ce sens qua travaill la Fdration des Associations des Consignataires de navires et Agents Maritimes de France (FACAM) en adoptant en 2001 une dfinition distincte des consignataires de navires et des agents maritimes, dfinition qui est venue complter les textes lgaux applicables.

II- DEFINITIONS ET TEXTES APPLICABLES

Issue de lassemble gnrale extraordinaire de la FACAM du 26 juin 2001, la nouvelle dfinition du consignataire de navires et de lagent maritime, a eu le mrite dtre claire, celle-ci prcise la loi applicable chacun des deux oprateurs et leur rle conomique. Il convient donc de revenir sur cette dfinition. 11

Le consignataire de navires :

Le statut lgal du consignataire de navires est rgi par la loi n 69-8 du 3 janvier 1969 relative larmement et aux ventes maritimes et son dcret dapplication n69-679 du 19 juin 1969 ainsi que le dcret n 66-1078 du 31 dcembre 1966, cest ce que vient rappeler, en premier lieu, les nouveaux statuts de la FACAM.

Ainsi, au terme de larticle 49 du DC du 31 dcembre 1966 sur les contrats daffrtement et de transport maritime: Le capitaine ou le consignataire du navire doit livrer la marchandise au destinataire ou son reprsentant .

Larticle 16 alina 1 du DC du 19 juin 1969 relatif larmement et aux ventes maritimes vient confirmer lvolution lgislative en la matire : Aux lieux et place du capitaine, le consignataire du navire procde au dpart la rception, larrive la livraison des marchandises

11

Voir DMF 2001, page 1041, note de J.Bonnaud dfinition du consignataire de navire et de lagent maritime franais

10

Selon le doyen Rodire, la consignation de navires est le contrat par lequel une entreprise est charge deffectuer au port dembarquement ou au port de dbarquement les oprations que le capitaine neffectue pas lui-mme, et ce trait positif sajoute ce trait ngatif que la consignation de navires nengage le consignataire aucune obligation concernant le sort de la marchandise quand elle nest pas entre ses mains. Si lun ou lautre manque, on nest pas en prsence dun pareil contrat .12

Larticle 5 des nouveaux statuts de la FACAM oprations de consignation :

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vient donner un expos complet des

Le consignataire de navires est un mandataire salari. Il agit au nom et pour le compte de son mandant, larmateur pour les besoins du navire et de ce quil transporte. Il effectue toutes les oprations que larmateur excuterait lui-mme sil tait sur place ou auxquelles le capitaine pourrait procder. Ltendue du rle du consignataire de navires est fonction du mandat que lui attribue son mandant, larmateur, quil soit armateur propritaire et/ou armateur exploitant technique et /ou armateur transporteur maritime par rapport un navire dtermin. Le consignataire intervient dans un port ou dans une zone gographique contractuellement dlimite. ()

Les oprations de consignation sont des actes commerciaux accomplis pour le compte de larmateur qui consistent notamment en :

-

au dpart, rceptionner la marchandise et mettre les connaissements, larrive la livrer au destinataire,

-

pourvoir aux besoins normaux du navire et de lexpdition, prparer lescale, assister le navire pendant lescale, grer tous les problmes conscutifs lescale,

-

assurer la gestion des supports ou units de transport multimodaux de la marchandise (conteneurs, remorques routires, remorques esclaves) pour le compte de son armateur,

-

recevoir tous les actes judiciaires ou extrajudiciaires, destins larmateur que le capitaine est habilit recevoir,

12 13

Trait Gnral de Droit Maritime, tome 3. 1970 n 883 Voir annexe 1

11

-

accomplir toute autre mission confie par larmateur.

Lagent maritime :

Concernant lagent maritime, la FACAM fait expressment rfrence la directive communautaire du 18 dcembre 1986 relative la coordination des droits des tats membres concernant les agents commerciaux indpendants 14 , transpose en droit franais par la loi du 25 juin 1991 15 , depuis codifie aux articles L 134-1 et suivants du code de commerce. Larticle L 134-1 alina 1er du Code de Commerce dispose : Lagent commercial est un mandataire qui, titre de profession indpendante sans tre li par un contrat de louage de services, est charg, de faon permanente de ngocier et, ventuellement, de conclure des contrats de vente, dachat, de location ou de prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, dindustriels, de commerants ou dautres agents commerciaux.

Lalina 2 de cet article prcise toutefois que :

Ne relvent pas des dispositions du prsent chapitre les agents dont la mission de reprsentation sexerce dans le cadre dactivits conomiques qui font lobjet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions lgislatives particulires.

En outre, il ny a aucun doute que lagent maritime revt la qualit dagent commercial, en effet sagissant de la formule prestations de services employe lalina 1er, celle-ci englobe certainement le secteur du transport et la limite apporte lalina 2 concernant lexistence dune lgislation particulire, ne fait pas obstacle lapplication du statut dagent commercial lagent maritime puisque la loi maritime ne se rfre quaux consignataires de navires, excluant ainsi de son champ dapplication lagent maritime.

Par ailleurs, la dfinition de la FACAM vient apporter quelques prcisions supplmentaires.14 15

Dir.Cons. CE n 86/653, JOCE 31 dcembre, n L 382, p17 L n 91-593, 25 juin 1991, JO 27 juin p 8271

12

Lagent maritime est un agent commercial qui opre dans le secteur maritime. Il agit pour son mandant, larmateur, et accomplit toutes les missions quil lui confie. Cest son reprsentant permanent. () La zone daction de lagent maritime est dfinie contractuellement. Elle est constitue dun ou de plusieurs Etats ou dune ou plusieurs rgions. () Il est ainsi notamment charg de ngocier et conclure les contrats, de la gestion des finances, de recherche de fret, de la mise en place dune politique commerciale, de contacts avec la clientle, de relations avec les autorits en charge des problmes maritimes et ce, dans la zone qui le concerne.

La mthode numrative utilise par la FACAM semble tre la mthode la plus efficace pour dissocier lagent maritime et le consignataire de navires. Le Doyen Ripert lui-mme disait lagent consignataire ne peut se dfinir que par rapport aux tches plus ou moins complexes dont il va tre investi par son mandant . 16 Nanmoins, il nen demeure pas moins qu il subsiste en la matire une certaine confusion provenant probablement de ce que les deux professions peuvent tre exerces de faon cumulative . En cas de litige il faudra donc tenir compte de la nature des oprations ralises par lauxiliaire. 17

III - CRITERES DE DISTINCTION

Lanalyse des rapports entre armateur et agent maritime ou armateur et consignataire de navires nest daucun secours pour distinguer les deux oprateurs. Le consignataire de navires est un mandataire salari du transporteur et il en va de mme pour lagent maritime.

Lon serait alors tent pour qualifier un contrat de consignation de navires ou dagence commercial de se rfrer simplement la qualification juridique donne par les parties, mais l encore lon sait que les juges ne sont aucunement lis par la qualification donne et quil leur appartient de donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans sarrter la dnomination que les parties en auraient propose . 18 Cette rgle a dailleurs tait rappele rcemment par la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation qui a confirm que lapplication du statut dagent commercial ne dpend ni de la volontG.Ripert, trait de droit maritime , tome I, 4e dition TC Com, Marseille, 9 juillet 2002, Midi France Distribution c/Maersk India LTD, Rev Scapel 2002 page 108 , cit dans LAMY Transport 2009, n908 page 461 18 Article 12 Code de procdure civile17 16

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exprime par les parties dans le contrat, ni de la dnomination quelles ont donn leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles lactivit est effectivement exerce . 19

Quels peuvent tre alors les critres permettant de diffrencier lactivit dun consignataire de navires celle dun agent maritime ?

Si lon se penche sur la dfinition donne par la FACAM, on constate que le consignataire de navires accomplit tous les actes pour les besoins et le compte du navire et de lexpdition, cela concerne notamment la marchandise, les conteneurs ou encore les actes extrajudiciaires.Le rle de lagent maritime est plutt ax sur la captation dune nouvelle clientle. Ces oprations telles quelles sont nonces par la FACAM peuvent servir de premier lment de qualification du contrat. Ainsi, si la mission de loprateur a pour unique but de rechercher du fret et la conclusion de nouveaux contrats, alors cela pourrait tre un indice que celui-ci agissait comme un agent maritime. Cest ce critre que la Cour dAppel de Rouen a utilis dans un arrt du 12 janvier 1995 20 . En lespce, la socit Anglian Shipping avait, en 1986 confi la socit Sogena la reprsentation au Havre de sa ligne Caibtainer . Il est mis fin cet accord, il a fallu ainsi apurer les comptes. Le juge des rfrs est alors saisi par Anglian Shipping dune demande de provision. Sogena faisait valoir quelle tait intervenue en qualit de consignataire de navire et non dagent maritime, quelle bnficiait de ce fait de la prescription annale et quen consquence la demande est prescrite. Les juges pour dterminer la qualit juridique de la socit Sogena vont analyser le contenu du mandat. La cour relve ainsi que les courriers changes entre les parties mettent en vidence que la mission de Sogena allait bien au-del de celle dun simple consignataire puisquelle consistait en particulier prospecter lensemble des clients potentiels la Cour en dduit alors que laction de larmateur contre lagent maritime est soumise la prescription dcennale.

Yves Tassel qui commenta cet arrt se montra favorable une telle dcision et affirma : il ne fait aucun doute que la qualit juridique dpend directement du contenu et de lexcution du mandat confi. Est il limit au service du navire, cest dun consignataire de navires quil sagit ; stend-il la prospection de la clientle, on passe une convention autre. Il sagit l finalement de qualifier le contrat laide dactivits caractristiques.

19 20

Cass.com, 10 dcembre 2003, n 01-11.923, Bull civ IV, n 198 et D 2004 p 210, obs, Chevrier C.A Rouen 12 janvier 1995, DMF 1996, 156, note Y.Tassel

14

Le tribunal de commerce de Marseille a galement statu en ce sens par un jugement du 5 mars 1991 21 , les juges ont notamment relev : Attendu quau vu des factures et relevs reprenant les oprations accomplies par la Socit Daher pour le compte de son mandant, il chet de constater que ces oprations ont un caractre purement technique relevant du pilotage, battelage, droits de port (), quainsi la socit ne dmontre pas avoir accompli de mission caractre commercial que remplissent gnralement les agents maritimes .

Nanmoins, il ne peut sagir l lvidence que dun simple indice et non pas dun critre dterminant car si lagent maritime a pour fonction principale de prospecter des clients, cela peut galement relever de lactivit du consignataire de navires puisquil peut accomplir toute autre mission confie par larmateur 22 et il en va de mme pour dautres oprations notamment en ce qui concerne la dlivrance du connaissement qui relve en principe des attributions du consignataire mais pour laquelle lagent maritime peut tre expressment mandat. Dailleurs, selon le Professeur Bonassies 23 , cette dcision est critiquable car il est difficile de distinguer entre agent maritime et consignataire de navires. Bien que les textes prcisent que le consignataire effectue pour le besoin et pour le compte du navire et de lexpdition, les oprations que le capitaine naccomplit pas lui-mme on ne saurait voir par l, selon le Professeur Bonassies, une quelconque limitation des activits du consignataire du navires la simple conclusion de contrats de transports et carter par l dautres types doprations telles que la prospection de clients alors mme que lensemble de ces oprations paraissent lies.

Toutefois, ce critre peut prendre tout son intrt lorsque les oprations commerciales impliquent lexistence dune clientle propre. En effet, lagent maritime se distingue du consignataire en ce quil possde une clientle propre, lactivit de lagent maritime suppose de faire du commerce pour le compte de larmateur mais aussi pour le sien propre, de crer et daugmenter une clientle commune 24 .

Une autre distinction entre le contrat de consignation et le contrat dagence peut tre releve : celle de ltendue du mandat dans lespace. En effet, contrairement lagent maritime, le consignataire de navires doit ncessairement intervenir dans un port.

21 22

Rle n 9007596 Article 17 dcret du 19 juin 1969 23 Droit positif franais en 1996, DMF 1997, n40 p 37, hors srie n1 24 T.C Marseille, 5 mars 1991, rle n 9007596 ou encore C.A Paris, 5e ch.B, 13 novembre 1986, rle n L 18480

15

Sil peut aussi intervenir dans une zone gographique contractuellement dtermine, celle-ci doit obligatoirement inclure des ports qui seront contractuellement prvus et o le consignataire de navires exercera son activit. La zone dactivit de lagent maritime est, elle, entendue beaucoup plus largement puisquil peut sagir dun ou de plusieurs Etats ou dune ou plusieurs rgions. Ainsi le fait que le port dans lequel loprateur est install ne soit pas desservi par le trafic de larmateur permet dcarter la qualification de consignataire de navires. Cest en ce sens qua statu le Tribunal de Commerce de Marseille dans un jugement du 30 juin 2004. 25

Enfin, une distinction doit galement tre apporte entre le contrat dagence et le contrat de consignation en ce qui concerne leur tendue dans le temps. En effet, si le consignataire de navires reprsente larmateur pour un navire dtermin supposant alors une mission ponctuelle, lagent maritime est le reprsentant permanent de larmateur ce qui implique une reprsentation durable. De plus, pour bnficier du statut dagent commercial, il faut que le mandataire dploie personnellement une ventuellement conclure de nouveaux contrats. Cest ainsi que relevant labsence dune relle activit dagent maritime et de toute action personnelle directe et permanente auprs de la clientle, la Chambre Arbitrale de Paris carte la qualification dagency agreement . 26 activit permanente pour rechercher et

Tous ces lments permettent vraisemblablement de diffrencier agent maritime et consignataire de navires. Lintrt de la distinction de ces deux oprateurs rside dans le fait quils sont soumis un rgime juridique diffrent.

La prsente tude a pour but de confronter les deux systmes juridiques applicables au consignataire de navires et lagent maritime mais aussi de traiter de manire distincte des difficults qui peuvent apparatre lors de lexercice de chaque profession. Il sera dabord trait du rgime juridique applicable au contrat de consignation et au contrat dagence, puis de leur contenu et enfin de la responsabilit de ces deux oprateurs.

Voir T.C Marseille 30 juin 2004, n 2001/F.504, Cargo ship c/ Carga DMF mars 2005, 221 notes Jacques Bonnaud 26 Chambre arbitrale Paris, 10 octobre 2005, n 1117, DMF 2006, p 528

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PREMIERE PARTIE :REGIME JURIDIQUE DU CONTRAT

DE CONSIGNATION ET DAGENCE MARITIME

17

Afin de faciliter la comprhension du rgime applicable tantt lagent maritime tantt au consignataire de navires, il convient danalyser successivement les deux contrats, den tudier tout dabord les caractres gnraux puis les rgles applicables la formation mais aussi la cessation de ces contrats.

CHAPITRE 1 : PRESENTATION GENERALE DES CONTRATS

Avant dentamer ltude approfondie du contrat de consignation et du contrat dagence, il convient dans un premier temps de dfinir la nature juridique de chacun de ces contrats et la loi applicable.

Section 1 : Nature juridique des contrats de consignation et dagence

Si pour lagent maritime la nature du contrat ne fait pas lobjet de difficult, pour le contrat de consignation il en va autrement. En effet, lagent maritime tant soumis aux dispositions relatives aux agents commerciaux, il lui est reconnu un mandat dintrt commun. Pour ce qui est du consignataire les choses sont moins claires.En effet, si le lgislateur a prcis quil sagissait dun mandataire salari de larmateur, celui-ci na pas pour autant dtermin la nature du mandat, savoir sil sagit dun mandat dintrt commun ou dun mandat ordinaire.

I- Le contrat de consignation, mandat ordinaire :

Les rformes lgislatives de 1966 et 1969 ont mis fin aux controverses doctrinales sur la nature juridique du contrat de consignation, 27 dsormais, cest bien dans le mandat quil convient de caractriser les rapports juridiques liant le consignataire de navires larmateur.

Ainsi, Larticle 51 du dcret du 31 dcembre 1966 dispose : Le consignataire du navire reprsente le transporteur. Il rpond envers lui des fautes dun mandataire salari.

27

Voir Juris-Classeur commercial, 1999 Fasc. 1196

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Larticle 11 de la loi du 3 janvier 1969 reprend la mme rgle: Le consignataire de navire agit comme mandataire salari de larmateur () . Sagissant dun contrat de consignation ponctuel concernant un navire en escale occasionnelle, seule la qualification de mandat ordinaire peut tre admise ce qui sous entend un droit de rvocation ad nutum. La jurisprudence est dailleurs constante en ce point. Ainsi, la Cour dappel dAlger, par un arrt du 17 mai 1950 28 a jug que ctait vainement que le consignataire soutenait que le mandat tait irrvocable parce quil tait la fois consenti et accept dans lintrt du mandataire et du mandant, tant donn que le consignataire du navire na aucun intrt direct lexcution de mandat, en rmunration duquel il reoit une commission. Dans un deuxime arrt du 16 novembre 1954 29 , la cour confirme sa jurisprudence et juge que le consignataire tait un reprsentant de larmateur li ce dernier par un contrat de mandat rvocable ad nutum, sans indemnit, sauf abus de droit par le mandant. 30

Les rformes lgislatives de 1966 et 1969 ont confirm la tendance jurisprudentielle, et nont eu de cesse daffirmer que le consignataire de navires ne peut se prvaloir dun mandat dintrt commun. 31

La rponse de la jurisprudence est donc unanime, une succession de mandats ponctuels caractrisant la fonction de consignataire de navire ne caractrisent pas un mandat dintrt commun. 32

Ces solutions sexpliquent par le fait que le mandat dintrt commun implique une convergence dintrts du mandant et du mandataire alors que dans le mandat ordinaire, les intrts du mandant sont seuls en cause, ceux du mandataire sont tout au plus lis la perception de sa rmunration, ce qui semble bien tre le cas pour le consignataire de navires. 33

28 29

C.A Alger, 17 mai 1950 DMF 1951 p 274 C.A Alger, 16 novembre 1954, DMF 1955, p 734 30 Dans le mme sens, cass.com 16 avril 1951, navire William Prouss, DMF, 1951 p 378 31 Trib.com.paris 13 fvrier 1974, DMF 1975 p 93, Trib com Marseille 16 avril 1974, DMF 1975 p50, Paris 18 avril 1974 p 524 ou encore Rouen 7 fvrier 1980, DMF 1981 p 81 32 Trib.com. Marseille, 5 mars 1991 BTL 1991 n2446 p.638 et suiv 33 Cass.com. 20 janvier 1971, Bull.civ.IV n20

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Au contraire, lagent maritime bnficie du statut protecteur mis en place par le lgislateur pour les agents commerciaux ce qui permet de qualifier son contrat de mandat dintrt commun.

II- Le contrat dagence maritime, mandat dintrt commun

Larticle L 134-4 du code de commerce donne la qualification juridique du contrat dagence : les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans lintrt commun des parties.

Lanalyse du mandat dintrt commun montre que deux lments sont ncessaires :

-

la permanence de la collaboration la finalit commune du mandat

Ces deux notions se retrouvent indiscutablement dans le mandat de lagent maritime ; reprsentant permanent de larmateur, celui-ci est notamment charg de ngocier et de conclure de nouveaux contrats ce qui implique la cration et le dveloppement dune clientle dans lintrt commun du mandant et du mandataire. La jurisprudence est alle dans ce sens, ainsi la cour dappel de Versailles a-t-elle jug concernant un agent recruteur de fret que lactivit de recherche de fret dploye par le mandataire pour le compte du mandant servait les intrts des deux parties do il rsulte lexistence dun mandat dintrt commun. 34

La reconnaissance lagent maritime du statut dagent commercial et par l mme dun mandat dintrt commun est sans nul doute dune extrme importance puisque ceci vient rgir la rvocabilit du mandat. En effet, larticle L 134-12 du code de commerce accorde lagent commercial une indemnit compensatrice du prjudice quil subit du fait de la rsiliation du contrat dagence par le mandant. La Cour de Cassation a affirm trs tt ce principe, ainsi dans un arrt du 11 fvrier 1891, les juges affirment que dans le cas o le mandant et le mandataire trouvent tous deux un intrt dans laccomplissement du mandat,

Versailles 19 mars 1998, DMF 1999.35 note Y.Tassel, ou Aix, 13 mars 1987, DMF 1988, 683, obs PestelDebord et Bonnaud ou encore CJCE 9 novembre 2000, DMF 2001, 487, obs P.Pestel-Debord

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la rvocation ne peut rsulter dune seule des parties mais seulement de leur consentement mutuel. 35

Sil est de principe que lagent maritime bnficie dun mandat dintrt commun et que le consignataire de navires est titulaire dun mandat ordinaire, il reste que certains ont voulu retenir pour le contrat de consignation la qualification de mandat dintrt commun dans certains cas notamment lorsque le contrat le liant avec larmateur prvoyait une certaine permanence de ses fonctions ou encore lorsque les relations avec larmateur ayant dur un certains temps, le consignataire avait pu croire la permanence de son mandat.

III- Extension de la thorie du mandat dintrt commun au consignataire de navires

La reconnaissance dun mandat dintrt commun au consignataire de navires pose lvidence un problme de confusion avec lagent maritime. Le doyen Rodire lui-mme na reconnu un mandat dintrt commun au consignataire de navires que dans le cadre dune application du Dcret du 23 dcembre 1958, relatif au statut des agents commerciaux. 36 En effet, le raisonnement de lauteur pour fondement larticle 1er du dcret qui dispose : Est agent commercial le mandataire qui, titre de profession habituelle et indpendante, sans tre li par un contrat de louage de services, ngocie et, ventuellement, conclut des achats, des ventes, des locations ou des prestations de services, au nom et pour le compte de producteurs, dindustriels ou de commerants. Le Doyen relve alors que cette dfinition cadre avec la mission complexe du consignataire de navires qui fait de lui un remplaant du capitaine et pratiquement lengage agir comme le ferait le chef dagence si larmateur avait une succursale dans le port . Il en conclut que le consignataire de navires est un agent commercial, partie un mandat dans lintrt commun des parties , au sens de larticle 3 du dcret de 1958. Or, reconnatre au consignataire de navires le bnfice du statut dagent commercial ne conduit il pas basculer dans la dfinition dagent maritime ? Pour savoir si le consignataire de navires bnficie dun mandat dintrt commun, il

convient danalyser les relations qui lient le consignataire larmateur en excluant toute application du statut des agents commerciaux.35 36

Cass chambre civ, 11 fvrier 1891, Sirrey, 1891.1.121, Dalloz 1891.1.197 et Civ 13 mai 1885, DP 1885.1.350 Trait gnral de droit maritime Tome III Ren Rodire, 887

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Si dans le cas o le contrat de consignation prsente un caractre ponctuel, la qualification de mandat dintrt commun ne peut lvidence lui tre reconnue, quen est il lorsque la mission du consignataire sexerce pendant un temps assez long et quil a pu dvelopper de ce fait une certaine activit ? La rponse cette question est venue de la jurisprudence. Ainsi, il peut tre cit deux dcisions rendues dans la mme affaire : le jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 7 juin 1985 37 et larrt de la cour dappel dAix en Provence du 16 mars 1987 38 . Dans ce cas despce, un armateur italien, aprs avoir, utilis les services dun consignataire de navires marseillais pendant douze ans avait rompu le contrat de consignation aprs un simple pravis dun mois.Le consignataire de navires se prvalait dun mandat dintrt commun alors mme quil ntait pas inscrit au registre des agents commerciaux et ne bnficiait pas en consquence de leur statut. La cour dappel va qualifier le contrat de consignation de mandat d intrt commun, pour cela elle va sattacher aux caractristiques du contrat de consignation, les juges relvent qu cot des activits techniques de reprsentation lors des escales, il existait galement un aspect commercial ladite reprsentation caractris par la recherche du fret pour son mandant, la cour en dduit alors que le consignataire faisait proprement parler du commerce pour le compte de celui-ci et pour le sien propre, de crer et augmenter une clientle commune que le mandat rpondait ainsi lintrt propre de chacune des parties.

En dfinitive, si les juges reconnaissent lexistence dun

mandat dintrt commun, il

semblerait que seuls le caractre permanent de la mission et la nature commerciale des taches accomplies par le consignataire permettent de donner une telle qualification au contrat. Le fait pour un consignataire de navires dexercer ses fonctions pendant plusieurs annes parait insuffisant pour reconnatre un mandat dintrt commun. Cette jurisprudence trs remarque a dailleurs connu ses limites par un jugement du Tribunal de Commerce de Marseille du 5 mars 1991 39 . Dans cette affaire, un consignataire de navires se voit rvoquer avec un pravis dun mois seulement par son mandant, un armateur Marseillais pour le compte duquel il avait accompli de nombreuses oprations et cela pendant prs de quarante ans.

T.C Marseille, 7 juin 1985, Revue Scapel 1985 p 35 CA 16 mars 1987, Revue Scapel 1987 p 56, DMF 1988 p 683 obs, Pestel-Debord et Jacques Bonnaud et DMF 1989 n35, voir galement Cour de Cass, 20 juin 1989 rejetant le pourvoi , revue Scapel 1990 p 23 39 T.C Marseille 5 mars 1991, St lentreprise Daher et cie contre St Fouquet Sacop et autre, BTL du 24 octobre 1991, n2446 p63938

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Malgr la dure importante des relations liant le consignataire larmateur, le Tribunal lui refuse la qualit de mandataire dintrt commun au motif que celui-ci na jamais accompli de mission caractre commercial, mais seulement une srie doprations ayant un caractre purement technique relevant du pilotage, batelage () que la qualification des actes accomplis entre dans le cadre dune succession de mandats ponctuels caractrisant la fonction de consignation de navire .

En outre la cour relve : Attendu que le Tribunal de Commerce du Havre par jugement en date du 3 dcembre 1948 a clairement mis en exergue que la jurisprudence a depuis longtemps tabli que la consignation dun navire constitue un mandat rvocable aux termes de larticle 2004 du code civil, le Tribunal relevant que le fait pour un armateur de donner dune faon habituelle mais sans convention spciale la consignation de ses navires la mme maison ne saurait porter atteinte au droit de rvocation Attendu quil y a lieu de relever que ni la directive communautaire sur les agents commerciaux du 18 dcembre 1986, ni la dcision de la Cour dappel dAix en Provence du 16 mars 1987 ne saurait modifier la jurisprudence prcite, ni recevoir application en lespce () que de mme larrt du 16 mars 1987 a clairement dfini quil ne pouvait y avoir de mandat dintrt commun que si le consignataire avait un rle technique et commercial, c'est--dire faire proprement parler du commerce pour le compte de celuici (larmateur) et pour le sien propre, de crer et daugmenter une clientle commune .

Cette solution doit tre approuve, car comme le relve justement le Professeur Bonassies le recours la notion dintrt commun ne se justifie que sil existe entre les parties un minimum de coopration permanente, coopration dont ne justifie pas lexcution de missions techniques prcises 40 . Or il sagit l de la mission mme du consignataire. En effet, ce qui caractrise cette profession cest que le consignataire de navires reprsente larmateur pour un navire donn ce qui implique ncessairement un caractre ponctuel et limit son mandat. Pour reconnatre un mandat dintrt commun au consignataire de navires il faudrait alors considrer quil peut reprsenter larmateur de manire durable, faire du commerce, dvelopper une clientle communeet cela semble bien difficile sans que lon retombe invitablement dans la dfinition de lagent maritime.

Cest ainsi que la Cour dappel de Montpellier dans une affaire o le mandataire cumulait les fonctions de consignataire et dagent maritime, na reconnu lexistence dun mandat dintrt40

DMF 1992 p 87, n26

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commun que pour la seule activit dagent maritime 41 . En lespce, la socit CLB a t le consignataire de navires de la socit Comanav pendant une trentaine dannes et a galement exerc titre accessoire la fonction dagent maritime en vendant notamment des billets pour les passagers. A la rupture du contrat de mandat, la socit CLB rclame le paiement dune indemnit de rupture sur le fondement de larticle L 134-12 et suivant du code de commerce. Approuvant le jugement rendu en premire instance par le Tribunal de Commerce de Ste, la Cour dappel de Montpellier juge que cest bon droit que lagent consignataire de navires qui exerait des fonctions dagent maritime pour le compte de larmateur, rclame une indemnisation sur le fondement de larticle L 134-12 du code de commerce suite la rupture des relations commerciales. Mais ce qui est intressant dans cet arrt ce nest pas tant la solution mais largumentation adopte par la cour. Les juges relvent deux arguments : le premier tant lintervention du consignataire en qualit dagent maritime et le deuxime tant lanciennet des relations contractuelles entretenues avec larmateur. Sur la dure des relations daffaire la cour affirme : il est constant que leurs relations taient trs anciennes et remontaient une trentaine dannes et quelles taient trs bonnes. Lallocation dune somme quivalente trois annes de commissions perues pour les fonctions dagent maritime se justifie . Ainsi, si pour la cour lanciennet des relations justifiaient lallocation au consignataire dune indemnit ce nest que pour ses seules fonctions dagent maritime et non pas en sa qualit de consignataire. La cour va mme relever concernant le calcul de lindemnit due lagent que Lattestation du commissaire aux comptes de la socit CLB verse au dbat, ne fait pas la distinction entre les commissions perues au titre de la billetterie et celles perues au titre des autres activits, et ne fournit aucun renseignement utile au calcul concern .

En dfinitive, il semble que la nature de lactivit de consignataire soppose ce quil lui soit reconnu un quelconque mandat dintrt commun.

Aprs avoir analys les mandats du consignataire de navires et de lagent maritime, il convient dtudier lhypothse dun sous mandat.

CA Montpellier, 2e ch, 18 novembre 2008, n08/01671, st Comanav c/SAS CLB Liner : juris data n2008006991, revue de droit des transports, juin 2009, 12, note M.Ndend

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IV- Le sous mandat :

De manire gnrale si le code civil ne se prononce pas sur la licit de la substitution du mandataire, celle-ci reste largement reconnue. En effet, seul larticle 1994 envisage le cas de la substitution, mais celui-ci ne se prononce que sur les consquences dune telle substitution, il est ainsi prvu :

le mandataire rpond de celui quil sest substitu dans la gestion : 1 quand il na pas reu le pouvoir de se substituer quelquun ; 2 quand ce pouvoir lui a t confr sans dsignation dune personne, et que celle dont il a fait choix tait notoirement incapable ou insolvable .

Nanmoins, mme si le lgislateur ne sest pas prononc expressment sur ce point il peut tre dduit de la lettre et de lesprit du texte que la substitution est licite.

Dautre part celle-ci est admise par la jurisprudence qui a reconnue concernant un consignataire de navires que celui-ci peut tre qualifi de mandataire substitu lorsquil est dsign par un consignataire principal 42 .

Il rsulte toutefois de larticle 1994 que la substitution du mandataire sans autorisation du mandant a pour effet de rendre le mandataire initial responsable du fait de celui quil sest substitu. De plus, lalina 2 du mme article met en place une action directe du mandant contre la personne que le mandataire sest substitu. La jurisprudence fait dailleurs une lecture rciproque de lalina 2 et reconnat galement au substitu une action directe et personnelle contre le mandant pour obtenir le remboursement de ses avances et frais et le paiement de la rtribution qui lui est due 43 .

Il reste que dans certains cas la substitution est impossible et doit tre dclare inopposable au mandant notamment lorsque ce dernier la prohibe expressment ou tacitement. 44

Si pour le consignataire de navires la sous-traitance ne pose pas de difficults majeures, pour lagent maritime la situation est plus dlicate. En effet, lagent maritime est soumis comme il a t vu prcdemment au statut dagent commercial.CA Montpellier 17 fvrier 1960, DMF 1960 p 538 ; sagissant de la substitution dun agent maritime voir notamment sentence arbitrale 1071 du 10 dcembre 2002, second degr, DMF avril 2003, p 391 43 Civ. 1re, 27 dcembre 1960, GAJC, 11me d, n 268 44 Voir Jurisclasseur commercial 2002, Fasc. 4042

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Or si le recours un sous traitant nest pas interdit 45 , pour tre agent commercial il faut que le mandataire dveloppe personnellement une activit permanente pour rechercher et ventuellement conclure de nouveaux contrats. Lexigence de permanence impose lexercice durable et non occasionnel defforts de prospection. Or, la substitution intgrale rduit et parfois efface toute activit de lagent principal. Le Doyen J. Hmard a affirm : Il nous semble que lagent ne peut sen remettre entirement des sous agents et quil doit exercer lui-mme de faon habituelle sa profession sinon il ne remplirait plus les conditions ncessaires pour que la qualit dagent lui soit reconnue. 46

La jurisprudence est constante en ce point : lagent commercial a le droit de se faire aider par les sous-agents de son choix mais cela ne doit pas avoir pour effet docculter lactivit de lagent principal.Les tribunaux vont alors sattacher rechercher la ralit des prestations fournies. 47 Cest ainsi que la Cour dappel de Paris, dans son arrt du 30 juin 1999 48 a procd un contrle des activits de lagent maritime pour justifier de lapplication des dispositions de la loi du 25 juin 1991, il a t jug :

Les prestations de la SMTA nont t que trs accessoirement celles dagent commercial et ont t principalement celles de consignataire de navire et que dans ces conditions cette socit est mal fonde se prvaloir des dispositions de la loi du 25 juin 1991.

Il en rsulte que si lagent cesse dagir personnellement et se substituait un tiers pour lintgralit de son mandant, celui-ci ne pourra pas bnficier du statut protecteur dagent commercial. Dans ce cas l, il ne sagirait plus de sous agence mais de cession de mandat. 49

Il convient de noter galement la sentence arbitrale du 10 octobre 2005 rendue par la chambre arbitrale maritime de Paris. 50 En lespce, un contrat dagence a t conclu en 1995 entre un armateur et une entreprise franaise de services devant intervenir en qualit dagent maritime.45 46

Article L 134-1 du Code de Commerce J.Hmard, les agents commerciaux , RTD com, 1959, 573, n50, p 603 47 Voir notamment Cass.com, 20 mai 1969, JCP (G), 1970, II, 16189 bis ou encore Cass.com, 10 dcembre 2003, D, 2004, p 210 et 211, obs E.Chevrier 48 C.A Paris 30 juin 1999, 5e ch. 30 juin 1999 DMF mai 2000 49 J-M. Leloup, agents commerciaux, Delmas, 2001, n 1528, p 254 50 Sentence arbitrale 1117, 10 octobre 2005, second degr, DMF juin 2006, 529

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Ce contrat prvoyait que cette dernire devenait lagent exclusif de larmateur dans un pays de lex union sovitique. La possibilit de recourir un sous agent tait expressment prvue par le contrat. Au bout de sept ans, larmateur met fin au contrat dagence. Suite cette rsiliation, lagent maritime rclame une indemnit de rupture quivalente trois annes de commission tel quil est prvu par la loi du 25 juin 1991. Cette demande ayant t rejete par larmateur, lagent saisi la Chambre arbitrale maritime de Paris en application des dispositions du contrat. Le Tribunal arbitral pour rpondre la question de lindemnit de rupture dt tout dabord sinterroger sur la qualification juridique du contrat dagence maritime. Il relve notamment que lagent a eu recours la sous-traitance intgrale de lactivit de reprsentation de larmateur un agent local, que de ce fait celui-ci ne peut pas justifier dune action personnelle directe et permanente auprs de la clientle de ce pays, do il rsulte que la qualification dagent maritime applique la socit de services dans le cadre de ce contrat ne correspond pas la ralit du rle qui lui est attribu, quen consquence elle ne peut revendiquer le bnfice du statut franais de lagent commercial. Il ressort de cette dcision que lagent maritime qui sous-traite intgralement son activit de reprsentation de larmateur perd cette qualit, celui-ci ne sera considr que comme un simple entrepreneur, prestataire de service excluant ainsi tout application du statut protecteur de la loi du 25 juin 1991.

La nature des mandats du consignataire et de lagent maritime ayant t dfinie, il convient dsormais de dterminer la loi applicable aux dits contrats.

Section 2 : Loi applicable au contrat dagence et de consignation

La question de la loi applicable au contrat de consignation est rgle par larticle 17 de la loi du 3 janvier 1969, il sagit de la loi du port o oprent les consignataires. Concernant les agents maritimes, ceux-ci doivent tre assimils des intermdiaires, ayant une activit internationale, rgie par la loi dtermine par la convention de La Haye du 14 mars 1978, en vigueur en France depuis 1992 51 . La dtermination de la loi applicable est videmment dun intrt majeur puisque cela va influer sur les obligations contractuelles.51

DC n92-423, 4 mai 1992. D 92, L p285

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I- Le contrat dagence :

Lorsque dans un contrat d'agent, les deux parties sont franaises, et que le contrat s'excute en France il n'existe aucun problme pour connatre la loi applicable. Nanmoins, en pratique les choses ne sont pas si simples. En effet, la profession dagent maritime tant par essence une profession internationale, 52 ceci implique des conflits de lois. La loi applicable un contrat dagence est presque toujours rgle par les dispositions du contrat, c'est--dire par la loi choisie par les parties. La Cour de Cassation a dailleurs consacr le principe de la loi dautonomie par larrt American Trading Co. 53 Lorsque le contrat ne dsigne pas la loi applicable, il faut se rfrer aux rgles du droit international priv. En matire de contrat dagence deux conventions trouvent sappliquer, il sagit de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles vocation gnrale et la Convention de La Haye du 14 mars 1978 54 sur la loi applicable aux contrats dintermdiaires et la reprsentation. Il sagit l de conventions dites universelles , qui sont donc applicables sans conditions de rciprocit.

La convention de Rome consacre tout dabord en son article 3.1 la libert pour les parties de choisir elles-mmes la loi applicable au contrat, larticle 4 rgle le cas de la loi applicable en labsence de choix des parties. Ainsi larticle 4.1 dispose : Le contrat est rgi par la loi avec laquelle il prsente les liens les plus troits , lalina 2 prcise : il est prsum que le contrat prsente les liens les plus troits avec le pays o la partie qui doit fournir la prestation caractristique a, au moment de la conclusion du contrat sa rsidence habituelle ou, il sagit dune socit, association ou personne morale, son administration centrale . Cette prsomption est toutefois carte lorsquil rsulte de lensemble des circonstances que le contrat prsente des liens plus troits avec un autre pays. 55 Sagissant de la convention de La Haye, celle-ci est entre en vigueur le 1er mai 1992 en France. 56 Il sagit l dune convention spciale applicable seulement aux contrats dintermdiaires.52 53

Pour reprendre lexpression utilise par P.Bonassies et C.Scapel, Trait de Droit Maritime, 653 Arrt American Trading CO, 1910, JDI 1912, 1156 54 Convention de La Haye, EEVle 1er mai 1992 et publie par DC n 92-423 du 4 mai 1992, JO 8 mai 1992 55 Article 4.5 de la Convention de Rome 56 Ainsi que lArgentine, le Portugal et depuis le 1er octobre 1992 les Pays Bas

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Celle-ci pose galement pour principe en son article 5 la loi dautonomie. En labsence de choix des parties il faut se rfrer larticle 6 qui dispose : La loi applicable est la loi interne de lEtat dans lequel, au moment de la formation du rapport de reprsentation, lintermdiaire a son tablissement professionnel ou, dfaut, sa rsidence habituelle. Toutefois, la loi interne de lEtat dans lequel lintermdiaire doit exercer titre principal son activit est applicable, si le reprsent a son tablissement professionnel ou, dfaut, sa rsidence habituelle dans cet Etat. La France est signataire des deux conventions, mais en vertu du principe de spcialit la convention de La Haye prime sur la convention de Rome. Ainsi, si le juge franais est saisi dun litige relatif un contrat dagence conclu postrieurement la date dentre en vigueur de la convention de la Haye, celui-ci sera tenu dappliquer les dispositions de ladite convention.Le cas prvu par la convention de La Haye selon lequel la loi applicable peut tre la loi du lieu dexcution si le commettant a son tablissement principal dans ce pays, est trs rare en pratique car cela sous-entend quun armateur install en France fasse appel un agent maritime tranger pour le reprsenter en France.

Il convient de noter que ces deux conventions rservent le cas de lapplication des lois de police ; il sagit de manire gnrale des dispositions impratives de tout Etat avec lequel la situation prsente un lien effectif si et dans la mesure o, selon le droit de cet Etat, ces dispositions sont applicables quelle que soit la loi dsigne par ses rgles de conflit 57 . Ainsi lorsque le juge est confront une loi de police celui-ci est dans lobligation dappliquer les dispositions de cette loi.

Enfin, il faudra galement tenir compte du nouveau Rglement Rome 1 , n593/2008 du Parlement Europen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, sagissant des contrats conclus compter du 17 dcembre 2009.

Le principe fondamental de la libert contractuelle a t videmment repris par le nouveau rglement, et larticle 4 pose les rgles permettant de dterminer la loi applicable en labsence de choix par les parties. Sous lempire de la convention de Rome, dfaut de choix de la loi applicable par les parties, le contrat est rgi par la loi du pays avec lequel il prsente les liens les plus troits et par prsomption, ce pays est celui dans lequel le dbiteur de la57

Convention La Haye, article 16, voir galement Convention de Rome article 7.1 et 7.2

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prestation caractristique a sa rsidence habituelle. Le Rglement Rome 1, apparat plus prcis puisquil met en place huit points de rattachements selon la catgorie du contrat. Ainsi sagissant du contrat de prestation de services larticle 4.1 b dispose que le contrat est rgi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa rsidence habituelle. Si un contrat ne rentre pas dans les catgories expressment vises dans le rglement, ou que les lments du contrat relvent de plusieurs de ces catgories, le contrat est rgi par la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractristique, a sa rsidence habituelle. Le critre du lien le plus troit nest retenu que si le contrat ne peut tre rattach aucune des catgories de contrat vises larticle 4.1 ou sil est couvert par plusieurs dentre elles.

Sagissant de la notion de loi de police, le rglement Rome 1 en donne une dfinition nouvelle, plus restrictive, larticle 9.1 dispose: Une loi de police est une disposition imprative dont le respect est jug crucial par un pays pour la sauvegarde de ses intrts publics, tels que son organisation politique, sociale ou conomique, au point den exiger lapplication toute situation entrant dans son champ dapplication, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat daprs le prsent rglement .

Pour ce qui est du contrat de consignation, cest la loi maritime qui rgle les difficults tenant la dtermination de la loi applicable.

II- Le contrat de consignation:

Larticle 17 de la loi du 3 janvier 1969 relative larmement et aux ventes maritimes dispose que les contrats et les actes de consignation sont rgis par la loi du port o oprent ces derniers. Il en rsulte quen matire internationale, le contrat de consignation est rgi de sa conclusion sa cessation par la lex fori. Il sagit l dune rgle de conflit de loi. La solution est la mme lorsque le consignataire se comporte comme un manutentionnaire, larticle 57 de la loi du 18 juin 1966 sur les contrats daffrtement et de transport maritimes retient la mme rgle.

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Le lgislateur a ainsi unifi les rgles de conflit relatives aux oprations de manutention et aux contrats et actes de consignation.

La cour dappel dAix en Provence a ainsi jug qu dfaut de stipulations particulires la loi applicable est la loi du port o opre le consignataire. 58

La Cour dappel de Paris a retenu de la mme manire concernant un acconier que la loi applicable au dchargement et la garde de la marchandise transporte par mer aprs son dbarquement est la loi du port o opre lacconier.59 Aprs avoir dfini de manire gnrale le contrat de consignation et le contrat dagence, il convient dsormais dtudier les rgles applicables lors de la formation et la cessation de ces contrats.

CHAPITRE 2 : FORMATION ET CESSATION DU CONTRAT DE CONSIGNATION ET DU CONTRAT DAGENCE

La formation et la cessation du contrat de consignation de navires et du contrat dagence obissent aux principes gnraux du droit des contrats, nanmoins de la qualification de mandat va dcouler des rgles bien spcifiques.

Section1 : Les rgles rgissant la formation du contrat

La formation du contrat de consignation et du contrat dagence ne pose aucune difficult, la libert contractuelle tant le vecteur commun ces deux contrats. La FONASBA The Federation of National Associations of Ship Brokers and Agents a labor toutefois un modle de contrat que les agents maritimes peuvent utiliser lors de la conclusion de contrats portant sur des lignes rgulires, il ne sagit pas proprement parler dun contrat type mais plutt dun guide au service des professionnels.

Aix 13 mars 1987, rev Scapel 1987, 56, voir galement cass.com, 20 juin 1989 : bull civ, n194, DMF 1991, 22 obs P.Bonassies, arrt rejetant le pourvoi 59 Paris, 4 juin 1975, navire Cap Bon, DMF 1975.539

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I- La formation du contrat de consignation

Il suffit pour tre consignataire de navires davoir la capacit dexercer en France, toute personne physique ou morale remplissant cette exigence peut tre consignataire de navires et conclure des contrats de consignation. Aucune mesure de dclaration ni de publicit, nest exige si ce nest celles que le droit commun impose aux commerants. Le contrat de consignation tant un contrat commercial, il devient parfait par la rencontre de la volont des parties et par leur accord sur lobjet, lcrit nest donc pas requis ad validitatem ni ad probattionem.

Le contrat est conclu gnralement par un change de lettres ou par fax, lacceptation du consignataire dterminera le moment de la formation du contrat nanmoins il est toujours prfrable en cas de litige de disposer dun crit afin de dfinir avec certitude les obligations des parties. La date de formation du contrat sera fixe en principe par lenvoi de lacceptation, lorsque celle-ci est tacite la date du contrat pourra tre prouve par tous les moyens.

II-La formation du contrat dagence

Sagissant de lagent maritime, la loi de 1991 a fait du contrat dagence un contrat consensuel. En effet, larticle 13-2 de la directive du 18 dcembre 1986 permettait aux Etats membres de soumettre la validit du contrat dagence lexistence dun crit, mais le lgislateur franais na pas suivi cette voie, lcrit nest pas une condition pour la validit du contrat ni pour lapplication de la loi du 25 juin 1991 60 . Nanmoins, il reste que chaque partie a le droit dobtenir de lautre sur sa demande, un crit sign mentionnant le contenu du contrat dagence y compris celui des avenants61 , toute clause ou convention prvoyant la renonciation ce droit est rpute non crite 62 .

60 61

Voir, J-M. Leloup, agents commerciaux, Delmas, 2001, n 603 et s, p 118 Article L134-2 du Code de Commerce 62 Article L134-16 du Code de Commerce

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Une condition de forme est en principe requise pour pouvoir bnficier du statut des agents commerciaux : limmatriculation sur un registre spcial tenu au greffe du Tribunal de Commerce.Toutefois cette exigence nest quune simple mesure de police administrative.De plus, lorsque le contrat est international, la jurisprudence carte cette exigence 63 .

Si lagent maritime et le consignataire de navire agissent tout deux comme mandataires de larmateur et qu ce titre ils sont tout deux soumis un devoir gnral de diligence, le contrat dagence, mandat dintrt commun est plus spcialement plac sous le signe de la loyaut rciproque des parties. Larticle L 134-4 du code de commerce prvoit ainsi expressment que les rapports entre lagent commercial et le mandant sont rgis par une obligation de loyaut et un devoir rciproque dinformation. 64 Nanmoins, les consquences de la qualification de mandat dintrt commun ne prennent vritablement de sens que lorsque lon parle de rupture du contrat.

Section 2 : La cessation du contrat

Le mandat peut prendre fin par des causes dextinction du droit commun des obligations : survenance dune impossibilit dexcution, arrive du terme, ralisation dune condition rsolutoire Le contrat peut galement prendre fin de manire anticipe par leffet de la volont unilatrale de lune des parties, ou du fait de la survenance dun vnement indpendant de la volont des parties.

I- Rupture du contrat du fait du mandant:

Le contrat de mandat est un contrat intuitu personae ceci suppose quune certaine confiance se soit tablie entre le mandant et le mandataire. Cest alors tout naturellement que celui-ci est librement rvocable lorsque cette confiance vient disparatre. 65

63

Cass.com, 9 octobre 1990, Bull.Civ, IV, n232, 19 novembre 1996, Bull.civ IV, n273 et Cass.com 7 juillet 2004 n1125, RJDA 12/04 n314 64 Voir pour illustration cour dappel de Paris, 8 mars 2001, recueil Dalloz 2002, sommaires comments p 1263 65 Article 2004 du code civil

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Ce principe de rvocabilit Ad nutum du mandat connat toutefois une limite : celle de la thorie du mandat dintrt commun, situation o le mandant et le mandataire sont lis par une convergence dintrts. Cration prtorienne, la thorie du mandat dintrt commun permet dcarter la libre rvocabilit du mandant et daccorder une indemnit au mandataire le cas chant. 66

Le lgislateur a consacr cette thorie sagissant de lagent commercial. En effet, le dcret du 23 dcembre 1958 a mis en place un statut protecteur de lagent commercial en prvoyant que seule la faute de lagent peut justifier la rupture par le mandant sans indemnisation et en prohibant toute clause contraire lindemnisation de lagent. La loi du 25 juin 1991 est venue consolider de nouveau le statut de lagent commercial.

Comme cela a t tudi prcdemment, seul lagent maritime, agent commercial bnficie dun mandat dintrt commun contrairement au consignataire de navires qui na quun simple mandat. Les consquences dune telle qualification tiennent essentiellement la rupture du contrat, quil convient donc danalyser.

A La rvocation du consignataire:

Le consignataire ne bnficie daucune protection particulire quant sa rvocation, il est soumis au droit commun relatif au mandat et de ce fait est librement rvocable. Aucune obligation de justification ne pse sur le mandant, ici entendu comme tant larmateur. 67

Nanmoins, comme toute libert celle-ci ne saurait gnrer un abus de droit de la part du mandant. Labus de droit nayant pas t dfini par le lgislateur, cest la jurisprudence qui est intervenue pour prciser cette notion. Cest ainsi que les juges nont pas hsit retenir la responsabilit de larmateur mandant lorsque la rvocation avait un caractre intempestif et arbitraire ou encore lorsque celle-ci ntait pas prcde dun pravis normal 68 .

Voir notamment Cass.Req 8 avril 1857, DP 1858 I 134 cit par J-M. Leloup, agents commerciaux, Delmas, 2001, n 339 et p 56 67 T.C Marseille 23 fvrier 1929 Dor.sup, 1929-176 68 Illustration caractre intempestif : Cass.Civ, 4 mars 1914 Dalloz, 1916.1.68, dfaut de pravis : Marseille 6 mars 1890 (RIDM, tv p 672) cits par Claude Barbey

66

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La rvocation intempestive ouvre droit une indemnit au profit du mandataire, sous rserve que celui-ci tablisse lintention de nuire de son auteur ou sa lgret blmable susceptible de se rattacher des circonstances vexatoires ou intempestives 69 .

Par ailleurs, larticle 2004 du code civil qui prvoit que le mandant peut rvoquer sa procuration quand bon lui semble nest pas dordre public, les clauses dirrvocabilit sont donc valables 70 . Celles-ci nont toutefois quune porte relative, le mandant pouvant tout de mme mettre fin au contrat dans le cas dune faute du mandataire ou lorsque la rvocation ne cause aucun dommage au mandataire. 71

Il peut galement tre stipul au contrat quune indemnit contractuelle sera verse au mandataire an cas de rsiliation unilatrale 72 , nanmoins cette drogation au principe pos par larticle 2004 tombe lorsque la rvocation se justifie par une faute du mandataire. 73

Contrairement au contrat de consignation, la rupture du contrat dagence par le mandant entrane de lourdes consquences pour ce dernier.

B La rvocation de lagent maritime :

La qualification de mandat dintrt commun emporte une irrvocabilit relative , ce type de contrat ne peut tre en principe rvoqu que par le consentement mutuel des parties ou par une cause reconnue en justice. Concernant les contrats dure indtermine, le mandant doit respecter un pravis fix selon la dure du contrat, toutefois cette exigence nest plus de mise lorsquil y a faute grave ou force majeure 74 . Le pravis est dun mois pour la premire anne du contrat, deux mois pour la deuxime anne et trois mois ensuite, les parties ne pouvant convenir dun dlai plus court.

69 70

cass.com 7 juillet 1992, lgifrance n 90-17885 Req.9 juillet 1885 : DP 1886.1.310 71 Cass.1re civ, 16 juin 1970, D 1971, p 261, note JL. Aubert 72 Civ 1re, 6 mars 2001, Bull.civ I, n56, JCP 2002, II, 10067, note Dagorne Labbe 73 Civ.1ere , 23 mai 1979, Bull.civ, I, n153 74 Article L 134-11 alina 3 du Code de Commerce

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Le contrat dure dtermine qui continue tre excut par les deux parties aprs son terme est rput transformer en un contrat dure indtermine, dans ce cas l, la dure dtermine est prise en compte pour le calcul du dlai de pravis. Si le mandat reste en fait rvocable, la seule rupture linitiative du mandant ouvre droit une indemnisation au profit du mandataire peu importe les motifs de la cessation du contrat. La Cour de Cassation laffirmait dj dans un arrt du 8 avril 1857 : les habitudes ne permettent pas une compagnie de congdier sans ddommagement un agent qui na pas dmrit, pour sapproprier le fruit de son labeur 75 . Le code de commerce consacre dfinitivement cette pratique, larticle L 134-12 dispose : Les ayants droits de lagent commercial bnficient galement du droit rparation lorsque la cessation du contrat est de au dcs de lagent .Larticle L 134-16 du code de commerce lve ce texte au rang de texte dordre public. La rupture du contrat ouvre droit indemnisation que le contrat soit dure dtermine ou indtermine et mme lorsque cette rupture est justifie par le dcs de lagent 76 ou encore lge, linfirmit ou la maladie de lagent 77 . Labsence de brutalit dans la rupture des relations contractuelles ou encore la ncessit pour le mandant de modifier son organisation commerciale ne sont pas des motifs permettant dchapper lindemnisation du mandataire.

La Chambre Arbitrale Maritime de Paris a ainsi jug concernant la rupture dun mandat dagent maritime pour cause de rorganisation que les circonstances conomiques non plus que le souci de prserver la prosprit de lentreprise nexigeant aucunement de faon imprative quil soit mis fin cette collaboration ; quen ralit une telle dcision de rupture parfaitement comprhensible il est vrai na t prise lvidence que dans le seul intrt du mandant , que la rupture du contrat dagence ntant pas rsili pour un motif lgitime, ouvre droit une indemnit au profit de lagent maritime 78 .

La Cour dappel de Versailles est alle dans le mme sens dans un arrt du 19 mars 1998. En lespce, le mandant prtendait justifier la rsolution du contrat dagence maritime par la ncessit o il stait trouv de participer un consortium constitu avec les armements desCass.Req 8 avril 1857, DP 1858 I 134 cit par J-M. Leloup, agents commerciaux, Delmas, 2001, n 339 et p 56 76 Article L134-12 al 3 Code de Commerce 77 Article L 134-13 Code Commerce 78 Sentence 884 du 13 juin 1994, DMF 1995, page 23775

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tats africains enclavs, du fait de la reconnaissance ces tats de droits de trafic propres par lunion europenne. Pour la Cour la rorganisation allgue ne fait quexprimer lintrt unilatral de la mandante [] et sa volont politique de sinsrer dans une structure plus vaste , do il rsulte le versement dune indemnit de rupture au profit du mandataire. 79

Nanmoins, le principe indemnitaire reconnue lagent nest pas absolue, certains vnements pouvant exclure lindemnisation de fin de contrat ; il en va ainsi : De la faute grave de lagent (L134-13, a) De la fin linitiative de lagent sans que la cessation soit imputable au mandant ou justifie par des incapacits physiques (article L 134-13, b). La transmission par lagent un successeur des droits et obligations lis au contrat (article L 134-13, c).

Les deux derniers cas de figure ne soulvent pas de difficults majeures ; lhypothse dune faute de lagent est de loin la plus litigieuse. Seule la faute qualifie de grave peut entraner la dchance du droit indemnit 80 , la loi nen donne aucune dfinition, seul le juge peut procder une telle qualification. En principe, est considre comme grave , la faute qui constitue un manquement important aux devoirs d'un bon professionnel. Pour la Cour de Cassation la faute grave est celle qui : porte atteinte la finalit commune du mandat dintrt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel . 81 Il en va ainsi dun manquement au devoir de loyaut : la Cour de Cassation a ainsi jug dans un arrt du 15 mai 2007 82 que manque son obligation de loyaut l'agent commercial qui cache son mandant l'exercice, durant le mandat, d'une activit similaire au profit d'un concurrent. Un tel manquement une obligation essentielle au mandat d'intrt commun constitue une faute grave de nature provoquer la rupture du contrat 83 . Il a t jug de mme sagissant dun agent mconnaissant la politique tarifaire de son mandant 84 .

79 80

CA Versailles, 19 mars 1998, 12e ch, St Ivoirienne de transport maritime c/ St Agena, DMF 1999, 35 Voir J.M Leloup n1141 p 202 pour des exemples de jurisprudence 81 Cass.com 15 octobre 2002, pourvoi n 00-18122 82 Pourvoi N 06.12.282 83 Voir aussi Com, 16 octobre 2001, pourvoi n 99-11932 84 Cass.com, 1er octobre 2002, pourvoi n 00-21037

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En ce qui concerne la diminution du chiffre daffaires, celle-ci ne constitue pas elle seule une faute grave, la jurisprudence est constante en ce point, il faut pour cela que la baisse provienne dune inexcution du mandataire. La cour dappel de Lyon la rappel rcemment dans un arrt du 13 janvier 2009 85 mme en prsence dune clause de quota, la diminution du volume des ventes nest pas en soi la preuve dune faute grave, il appartient donc au mandant de prouver lactivit insuffisante de lagent lorigine de la baisse du chiffre daffaires . 86 Linexcution du mandataire peut se rattacher un refus de se plier aux mthodes de vente du mandant, elle peut galement tre caractrise lorsque le mandataire sest dsintress de la commercialisation des produits du mandant 87 .

A quel moment la faute grave doit elle tre invoque par le mandant ? Larticle L 134-13 dispose : La rparation prvue larticle L 134-12 nest pas due dans les cas suivants : 1 La cessation du contrat est provoque par la faute grave de lagent commercial

Si le texte prcise que la cessation est provoque par la faute grave de lagent, il ne sagit pas seulement de la faute dont le mandant a eu connaissance au moment de la rupture du contrat. En effet, la faute grave qui a t rvle postrieurement la cessation du contrat peut toujours tre oppose au mandataire pour lui refuser tout paiement de lindemnit. Du moins, cest cette interprtation quen a donne la jurisprudence. Ainsi la cour dappel de Paris dans un arrt du 19 juin 2003 a affirm que le mandant peut toujours, mme si elle est rvle postrieurement sa rupture, invoquer lexistence dune faute commise antrieurement. 88 Toutefois, la faute dont le mandant avait eu connaissance avant la rupture des relations contractuelles et qui a t tolre ne peut tre qualifie de faute grave . 89

Disponible sur legifrance, n daffaire : 07/08002 Voir aussi CA Amiens, 19 dcembre 2000, journagence, supp.aux annonces de la seine n55 du 30 juillet 2001 cit par J.M Leloup n1132 p 199 87 Cass.com 20 fvrier 2001, n 98-13.565 et 28 novembre 2000, arrt n2001 sur pourvoi 97-22.482, cits par JM.Leloup, 1133 p 200 88 Paris, 19 juin 2003, D 2003, p 2437, cf Cass.com 30 novembre 2004, pourvoi n02-17414 89 Cass.com, 11 juin 2002, pourvoi 98-21916, RJDA, 2002, n113286

85

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En dfinitive il est bien difficile de qualifier de faon certaine la faute grave, celle-ci est laisse lapprciation des juges qui diront si la faute de lagent est de nature priver celui-ci de son droit indemnit.

La rupture du contrat de mandat peut galement tre le fait du mandataire, cest cette hypothse quil convient dsormais denvisager.

II- Rupture du contrat du fait du mandataire :

Le contrat de consignation comme le contrat dagence peuvent tre rsilis linitiative du consignataire ou de lagent, lesquels, peuvent renoncer au mandat tout moment. Cette rupture nest toutefois pas sans entraner certaines consquences.

A- La renonciation du consignataire

Au terme de larticle 2003 du code civil le mandat finit, par la rvocation du mandataire, par la renonciation de celui-ci au mandat () .

Larticle 2007 prcise : Le mandataire peut renoncer au mandat, en notifiant au mandant sa renonciation , cette notification pouvant se faire par nimporte quel moyen. 90 Lalina 2 de ce mme article met la charge du mandataire le versement dune indemnit dans le cas o le mandant prouverait un prjudice du fait de cette renonciation. Comme le relvent justement Jacques Bonnaud et Pestel-Debord dans leur ouvrage 91 , il existe en la matire un certain paralllisme entre les droits respectifs du mandant et du mandataire en matire de rupture du contrat , on retrouve donc les mmes principes que ceux qui rgissent la rvocation par le mandant : la renonciation au mandat par le mandataire ne doit tre ni intempestive, ni faite de mauvaise foi.90 91

A.Bnabent, Les contrats spciaux civils et commerciaux, n677 lagent consignataire de navire en France p 93,

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Toutefois, le mandataire peut se librer de cette charge sil prouve quil se trouvait dans limpossibilit de continuer le mandat sans en prouver lui-mme un prjudice considrable . Cette notion de prjudice considrable prouve par le mandataire doit tre entendue largement et doit englober tous les cas o il existe une juste cause de renonciation.

B- La renonciation de lagent maritime

Lagent maritime, en tant que mandataire est soumis lui aussi aux dispositions de larticle 2007 du code civil. La Cour de Cassation a ainsi affirm dans un arrt du 14 mars 1995, que le droit spcial des agents commerciaux ne drogeant pas larticle 2007 du code civil, la brusque cessation des fonctions dun agent commercial, ds lors quelle entrane pour son mandant divers prjudices, lexpose des dommages et intrts 92 .

La rupture de contrat linitiative du mandataire peut toutefois avoir de lourdes consquences sagissant de lindemnit qui lui est normalement due. En effet, larticle L 134-13 2 du code de commerce dispose que lindemnit devant tre verse lagent du fait de la rupture ne lui est plus due lorsque la cessation du contrat rsulte de linitiative de lagent . Cette solution peut sexpliquer par le fait que lagent en renonant au contrat renonce de mme la valeur patrimoniale attache ce contrat, cest peut tre dailleurs pour cette mme raison que le lgislateur a impos que cette renonciation se fasse librement, sans y avoir t contraint par un quelconque vnement. En effet, le lgislateur a mis en place un mcanisme de protection assez efficace en prvoyant que la rparation sera toujours due lagent mme lorsque la renonciation est justifie par des circonstances imputables au mandant ou dues lage, linfirmit ou la maladie de lagent commercial, par suite desquels la poursuite de son activit ne peut plus tre raisonnablement exige 93 .

Bull.civ IV, n74, RTD civ 1996. 195, obs.Gautier pour des faits soumis au Dcret de 1958, en prsence dun pravis contractuel 93 Article L 134-13 2

92

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La notion de circonstances imputables au mandant doit tre prise dans son sens le plus large, celle-ci comprend lvidence la faute du mandant mais doit galement inclure tout vnement pouvant porter atteinte lquilibre du contrat sans pour autant quil soit tabli une faute lencontre du mandant 94 .

III- Les causes spciales de rupture du contrat:

Il convient ici denvisager brivement diffrentes causes de rupture du contrat de consignation et du contrat dagence, indpendantes de la volont des parties.

A- Ralisation dun vnement survenant lune des parties :

Larticle 2003 du code civil dispose que le mandat cesse par la mort du mandant ou du mandataire.

Cette disposition nest pas dordre public, elle est simplement suppltive, les parties peuvent donc y droger par lincursion dune clause contractuelle dans le contrat.

Il convient nanmoins, de noter que le contrat ne prendra fin que rarement par le dcs du consignataire ou de lagent maritime, car en rgle gnrale ce type de contrat met en jeu des personnes morales, il en va de mme lors de la survenance dune impossibilit ou de laltration de ltat mental de lune des parties.

Le cas le plus probable est donc louverture dune procdure de redressement judicaire ou de liquidation judiciaire, celle-ci entrane de la mme manire lextinction du mandat. (Article 2003 in fine)

Pour ce qui concerne lagent maritime la question qui se pose est ncessairement celle du droit lindemnit, la loi du 25 juin 1991 apporte des solutions concrtes ce type de situations.

94

JM. Leloup, agents commerciaux , n 1144 p 204

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Larticle L 134-12 alina 3 dispose que : les ayants droit de lagent commercial bnficient galement du droit rparation lorsque la cessation du contrat est due au dcs de lagent.

Pour ce qui est de linaptitude physique, larticle L 134-13 2 prvoit que lagent a droit une indemnit lorsque la rupture est due lge, linfirmit ou la maladie de lagent commercial, par suite desquels la poursuite de son activit ne peut plus tre raisonnablement exige .

En prsence dune procdure collective, le principe dindemnisation de lagent est toujours applicable sauf si le mandant invoque la force majeure ce qui sera trs rarement retenu. 95

B- La transmission du contrat :

Cette hypothse ne concerne que le cas de lagent maritime, dont le contrat revt incontestablement un aspect patrimonial. La patrimonialit du contrat dagence a t rvle par lusage puis consacre par la loi du 25 juin 1991, le dcret du 23 dcembre 1958 nen faisant pas mention.

Les usages parlent de valeur de carte que les agents se cdaient entre eux, lagent qui voulait cder son contrat prsentait le successeur au mandant, si ce dernier refusait la succession, il avait lobligation de verser lagent la valeur de la carte. Le prix de cession tait align sur celui de lindemnit de rupture soit deux annes de commissions 96 .

La loi de 1991 a donn un caractre impratif cette pratique : larticle L 134-13 3 du code de commerce vise la cession par lagent, un successeur du contrat dagence et larticle L 134-16 rpute non crite toute clause qui drogerait ce texte. Larticle L 134-13 dispose que lindemnit de cessation du contrat nest pas due lorsque Selon un accord avec le mandant, lagent commercial cde un tiers les droits et obligations quil dtient en vertu du contrat dagence .95 96

Voir JM Leloup, les agents commerciaux, p 190 Cass.com, 15 juillet 1969, D1970, somm n49

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Quatre consquences rsultent de ce texte 97 :

-

Dans le cas dune cession, le mandant est exonr du paiement de lindemnit, ceci sentend parfaitement, le mandant ne va pas indemniser le mandataire alors que celuici a dj reu dun tiers la valeur patrimoniale attache au contrat.

-

Lagent doit prsenter le successeur propos lagrment du mandant, lintuitu personae dominant le mandat peut apporter une justification.

-

La transmission un successeur des droits et obligations de lagent suppose ncessairement la transmission du mme contrat qua conclu initialement le cdant avec le mandant, le contrat doit donc demeurer inchang.

-

Le mandant ne peut refuser le successeur prsent que pour un motif lgitime et srieux dfaut le refus du mandant sanalysera comme une rupture unilatrale du contrat ce qui implique le versement de lindemnit de rupture due normalement lagent.

Le cadre du contrat de consignation et du contrat dagence ayant t dfini, il convient dsormais daborder, le contenu de ces deux contrats.

97

Voir JM.Leloup, n911 p 152 et dictionnaire permanent droit des affaires, feuillets 162, 1er avril 2002, 154

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DEUXIEME PARTIELEXECUTION DU CONTRAT DAGENCE ET DU CONTRAT DE CONSIGNATION

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La dtermination de la notion de consignation et dagence maritime ncessite que lon sattache ltude du contenu des contrats y affrent. Il sera ici abord de la mission des deux oprateurs savoir de leurs droits et obligations.

Chapitre 1 : Les obligations de lagent maritime et du consignataire de navires

Le contrat de consignation et le contrat dagence maritime ont tout deux pour objet principal la reprsentation de larmateur ou du transporteur.A ce titre, ils psent sur eux les obligations que le droit commun du mandat attribue tout mandataire : Celle dexcuter la mission qui leur est confie et celle de rendre compte leur mandant. Lexcution de la mission recouvre trois aspects : le respect des instructions du mandant, faire obligation de diligence et se comporter loyalement. Le consignataire de navires et lagent maritime doivent galement rendre compte de leur mission en informant larmateur de leurs rsultats. La loi du 25 juin 1991 sur les agents commerciaux a consacr de manire expresse ces obligations en son article 4 :

Les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants sont conclus dans lintrt commun des parties. Les rapports entre lagent commercial et le mandant sont rgis par une obligation de loyaut et un devoir rciproque dinformation. Lagent commercial doit excuter son mandat en bon professionnel ; le mandant doit mettre lagent commercial en mesure dexcuter son mandat .

Au del des simples obligations qui dcoulent du mandat, le consignataire de navires et lagent maritime ont des missions qui sont propres leur statut et quil convient danalyser.

Section 1 : La mission