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Contexte Depuis plusieurs années, des approches urbanistiques nouvelles ont été développées, permettant ainsi de limiter l’étalement urbain et la dépendance à l’automobile. Ce type d’approches permet de placer la santé au cœur des choix d’aménagement afin de favoriser la création de milieux de vie sains et sécuritaires pour tous, mais qui soient aussi dynamiques, solidaires et conviviaux. C’est dans ce contexte que la Direction de santé publique (DSP) de la Montérégie a développé ses connaissances et multiplié ses interventions dans le domaine de la santé environnementale et l’environnement bâti. Ainsi, la DSP de la Montérégie est régulièrement appelée à se prononcer sur des projets de développement pouvant avoir des répercussions sur la santé et donner son avis sur la révision des schémas d’aménagement des MRC. De cette façon, le respect des identités et des valeurs propres des collectivités urbaines, rurales et des banlieues ainsi que les enjeux du vieillissement de la population et de l’accroissement de maladies chroniques associées à la sédentarité, sont des enjeux importants à prendre en compte dans les choix d’aménagement du territoire. Figure : Concepts d’aménagement et de développement du territoire favorables à la santé Concepts d’aménagement et de développement en santé publique L’aménagement de milieux de vie sains et sécuritaires, attrayants et solidaires s’articule autour de la qualité et la sécurité de l’environnement bâti et naturel ainsi que l’organisation des modes de transport. Ces composantes sont étroitement liées et constituent des déterminants de la santé, du bien-être et de la sécurité de la population (voir la figure). Ainsi, la DSP de la Montérégie s’est dotée d’une vision intégrée de l’aménagement qui soit favorable à la santé. Cette vision inclut huit principes d’aménagement et de développement intégrés dans une vision de santé publique (voir tableau). Tableau : Principes d’aménagement et de développement intégrés dans une vision de santé publique Construire ensemble des aménagements favorables à la santé L’environnement bâti est l’espace qui concerne tous les bâtiments, espaces et produits qui sont créés ou modifiés par l’être humain. Ils ont des incidences sur les environnements physiques intérieurs et extérieurs, de même que sur les environnements sociaux et de façon subséquente sur notre santé et notre qualité de vie 1 .

Construire ensemble des aménagements favorables à la santéextranet.santemonteregie.qc.ca/userfiles/file/sante-publique/sante... · L’aménagement de milieux de vie sains et sécuritaires,

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Page 1: Construire ensemble des aménagements favorables à la santéextranet.santemonteregie.qc.ca/userfiles/file/sante-publique/sante... · L’aménagement de milieux de vie sains et sécuritaires,

Contexte

Depuis plusieurs années, des approches urbanistiques nouvelles ont été développées, permettant ainsi de limiter l’étalement urbain et la dépendance à l’automobile. Ce type d’approches permet de placer la santé au cœur des choix d’aménagement afin de favoriser la création de milieux de vie sains et sécuritaires pour tous, mais qui soient aussi

dynamiques, solidaires et conviviaux.

C’est dans ce contexte que la Direction de santé publique (DSP) de la Montérégie a développé ses connaissances et multiplié ses interventions dans le domaine de la santé environnementale et

l’environnement bâti.

Ainsi, la DSP de la Montérégie est régulièrement appelée à se prononcer sur des projets de développement pouvant avoir des répercussions sur la santé et donner son avis sur la révision des schémas d’aménagement des MRC. De cette façon, le respect des identités et des valeurs propres des collectivités urbaines, rurales et des banlieues ainsi que les enjeux du vieillissement de la population et de l’accroissement de maladies chroniques associées à la sédentarité, sont des enjeux importants à prendre en compte dans

les choix d’aménagement du territoire.

Figure : Concepts d’aménagement et de développement du territoire favorables à la santé

Concepts d’aménagement et de développement en santé publique

L’aménagement de milieux de vie sains et sécuritaires, attrayants et solidaires s’articule autour de la qualité et la sécurité de l’environnement bâti et naturel ainsi que l’organisation des modes de transport. Ces composantes sont étroitement liées et constituent des déterminants de la santé, du bien-être et de la sécurité de la

population (voir la figure).

Ainsi, la DSP de la Montérégie s’est dotée d’une vision intégrée de l’aménagement qui soit favorable à la santé. Cette vision inclut huit principes d’aménagement et de développement intégrés dans une

vision de santé publique (voir tableau).

Tableau : Principes d’aménagement et de développement intégrés dans une vision de santé publique

Construire ensemble des aménagements favorables à la santé

L’environnement bâti est l’espace qui concerne tous les

bâtiments, espaces et produits qui sont créés ou

modifiés par l’être humain. Ils ont des incidences sur les

environnements physiques intérieurs et extérieurs, de

même que sur les environnements sociaux et de façon

subséquente sur notre santé et notre qualité de vie1.

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L’aménagement dans une perspective de santé publique

L’importante expansion des banlieues en Montérégie a contribué à l’étalement urbain, engendrant une faible densité résidentielle, un transport collectif déficient et une plus grande dépendance à l’automobile ce qui génère de fortes pressions sur l’environnement et

des impacts sur la santé :

Alors que la population n’a augmenté que de 5 % entre 2004 et

2009 en Montérégie, le parc automobile a augmenté de 12 %2;

Au Québec, en 2008, la voiture personnelle compte pour 29 % du total des émissions des principaux polluants atmosphériques,

dont la moitié des émissions totales du secteur du transport3;

Parmi les nuisances sonores, le bruit routier est le plus fréquemment rapporté : environ 42 % des personnes y sont

souvent exposées et 15 % en sont incommodées4.

De plus, les nuisances associées aux activités industrielles, commerciales ainsi qu’aux axes de transport majeurs peuvent être sources d’inquiétude, de perte de qualité de vie et de conflits sociaux (p. ex. : les émissions de contaminants et de poussière provenant de l’industrie, odeurs générées par les activités commerciales et

agricoles et le bruit associé au transport autoroutier et aérien).

Aménagement du territoire

Éléments à prendre en compte :

Accroître la densité et limiter le périmètre urbain permet de réduire les déplacements en voiture et l’empiétement du

développement immobilier sur les terres agricoles protégées :

- Baser le mode d’aménagement sur des approches urbanistiques centrées sur le développement du transport collectif, (le Transit Oriented Development (TOD)) (forte densité);

- Identifier des approches urbanistiques nouvelles (villages urbains, New Urbanism, création d’écoquartiers, etc.) garantissant une équité dans l’aménagement des milieux de vie favorables à la santé et applicables aux habitats ruraux et aux banlieues (faible densité);

- Élargir les efforts de densification dans toutes les collectivités (viser autant les milieux construits que ceux à développer).

Soutenir différentes formes d’aménagement et de développement dans les petites collectivités adaptées à leurs

besoins propres.

Inclure des moyens de réduction des impacts et des risques à

toutes les étapes de conception des projets futurs.

Réduire les situations conflictuelles entre les usages sensibles (habitations, garderies, etc.) et ceux présentant des contraintes

d’occupation (risques technologiques, bruit, odeur, etc.).

Assurer une mixité sociale et une bonne cohabitation des différents groupes de population pour diminuer les inégalités

environnementales et de santé.

Connexité

La connexité des réseaux routiers se mesure par la densité d’intersection à au moins trois segments de route par km2. Une forte interconnexion des segments de rue offre aux véhicules de nombreux choix d’itinéraires et réduit la concentration de la circulation dans les axes routiers principaux ce qui améliore la qualité de l’air. Elle encourage aussi les déplacements actifs (marche, vélo, etc.), favorisant une meilleure santé. En effet, chaque km de marche réduit de 5 % le risque d’obésité.

À vol d’oiseau, la distance entre le point A et le point B est la même dans les deux exemples. Par contre, l’aménagement des routes fait en sorte que dans le secteur où la connexité est élevée (à gauche), la distance à parcourir est deux fois plus faible que dans le secteur où la connexité est faible (à droite).

Mixité

La mixité réfère à la façon dont le territoire est occupé par les différentes utilisations (résidentielles commerciales, industrielles, services et loisirs). Elle augmente la proximité (plusieurs usages regroupés dans un petit territoire), réduit la durée des déplacements et, par conséquent, favorise la pratique d’activités physiques et les modes de transports actifs. D’ailleurs, les émissions de GES sont trois fois plus faibles dans les quartiers à forte mixité favorisant la marche et le transport en commun, que dans les quartiers étalés aux

abords des villes3.

Forte connexité Distance A-B = 350 m

A

B

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Changements climatiques et îlots de chaleur

L’environnement bâti est caractérisé par une rareté de la végétation, des matériaux qui emmagasinent la chaleur (routes et stationnements asphaltés) et des bâtiments élevés. Ces conditions favorisent la création d’îlots de chaleur urbains. À l’opposé, les espaces verts réduisent le bruit, la température locale et l’effet d’îlots de chaleur

urbains5, ils sont également associés à une meilleure santé :

Les espaces verts constituent des écrans végétaux qui

permettent d’atténuer le bruit urbain.

Un site situé sous la cime des arbres est de 4 à 8 °C inférieur à un site ouvert. Cet effet de refroidissement peut s'étendre dans

les régions avoisinantes de l'espace vert.

Les arbres réduisent les polluants atmosphériques comme la

poussière, le CO2, l’ozone, et les métaux lourds.

En plus de réduire le taux de rayons infrarouges, les arbres peuvent réduire le taux de rayons ultraviolets et donc diminuer le

risque de cancer de la peau.

Par ailleurs, plusieurs études suggèrent que les espaces verts urbains sont associés à un meilleur niveau d’activité physique, un moindre taux de mortalité, moins de symptômes psychologiques, moins d’anxiété, de dépression et de stress, et un niveau de

cohérence sociale plus important.

Qualité de l’air

En Montérégie, environ 460 décès et 1 650 hospitalisations annuellement (en moyenne, entre 2006 et 2008) sont attribuables à la qualité de l’air3. Les sources de polluants atmosphériques sont très nombreuses et variées (transports, industries, commerces, chauffage

au bois).

Pour améliorer la qualité de l’air, la réduction à la source est à

privilégier :

Prioriser l’utilisation du transport collectif et prévoir des mesures dissuasives afin de réduire le nombre de voitures sans cesse

croissant sur les routes :

- Les principaux polluants (PM, SO2, NO2, COV, CO) sont concentrés à moins de 300 m des autoroutes et des axes routiers à forts débits6..

Assurer une cohérence entre les différents règlements qui légifèrent l’émission de polluants des secteurs commercial et

industriel pour protéger équitablement toutes les populations :

- En moyenne entre 2005 et 2008, les industries de la Montérégie ont émis 8,8 % des émissions industrielles au Québec3.

Encourager les municipalités à adopter une réglementation visant

les poêles à bois (certification EPA) :

- Au Québec, le chauffage au bois est responsable de 61 % des émissions totales de particules fines (PM2,5) et de 21 % des émissions de COV : deux familles de polluants à l’origine de la formation de smog3;

- En Montérégie, 39 % des domiciles font usage d’un poêle à bois ou d’un foyer3.

Sur les onze jours de smog observés en 2009 en Montérégie,

huit sont survenus durant les mois d’hiver3.

Transport

Les enjeux du transport collectif et actif :

L’offre d’une desserte de transport collectif entre les municipalités, mais aussi à l’intérieur de celles-ci, afin d’optimiser l’accessibilité aux services essentiels et aux pôles d’emploi, est

nécessaire, et ce, également en dehors des heures de pointe.

La présence d'infrastructures piétonnières et cyclables, sécuritaires et de qualité, ainsi qu’un environnement bâti attrayant sont des facteurs qui incitent les adultes et les enfants à

adopter des modes de transport actifs.

Les modes de transports collectifs alternatifs, comme les taxi-bus, les autocars, les programmes de covoiturage sont essentiels

dans les collectivités de plus petite densité.

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ÉVIDENCES SCIENTIFIQUES

Liens entre la proximité d’émissions de polluants et les risques pour la santé Une revue de littérature effectuée par des chercheurs américains en 2011 a tenté de mettre en évidence le lien entre la proximité d’industries ou d’infrastructures (routes, sites de déchets, etc.) émettant des polluants atmosphériques et le risque pour la santé. Ainsi, certains auteurs européens sont d’avis que la proximité d’une station d’essence peut être un facteur de risque de développer la leucémie. Ce risque de serait plus élevé chez les enfants résidant à moins de 100 m d’une station d’essence ou d’une route principale (Harrison et coll., 1999) – nombre de cas recensés dans la population étudiée (2 251 000 personnes). Il en serait de même pour ceux dont la propriété est voisine d’une station d’essence ou d’un garage (Steffen et coll., 2004) (risque 4 à 7 fois plus élevé), évalué à partir de 280 cas en comparaison avec un groupe témoin. Une étude réalisée en Grande-Bretagne par Knox et coll. (1997) met en relation la proximité de diverses sources de polluants et 24 448 cas de décès de cancers et de leucémies. Elle identifie un excès de décès en ce qui concerne les industries automobile (fabrication, réparation de carrosserie, manufacture de batteries de voiture) et pétrochimique, la fabrication de produits à base de bitume, de détergents, de plastiques et la proximité d’autoroutes et de voies ferrées. Cependant, cette étude se base uniquement sur les cas de décès et non sur les cas de maladie. L’industrie de transformation du bois a aussi fait l’objet d’investigations menées par une équipe de chercheurs italiens (de Marco et coll., 2010) à partir d’un échantillon de 3 854 enfants de 3 à 14 ans. Leurs résultats montrent que leurs symptômes (nasaux, oculaires, cutanés, asthme, etc.) diminueraient en s’éloignant de l’industrie. De même, ils ont montré qu’à chaque 2 km de distance supplémentaire, le taux d’hospitalisations/visites à l’urgence diminuerait de 7 %. L’exposition des femmes enceintes à des sources de polluants est aussi un sujet de recherche documenté. Une étude québécoise réalisée à Montréal par Généreux et coll. et publiée en 2008 évalue le risque d’anomalies de grossesses chez les mères dont le domicile est à proximité d’une route à fort débit. Une dimension socioéconomique est ajoutée à leur démarche. Leurs résultats, basés sur le nombre de cas recensés parmi toutes les naissances entre 1997 et 2001 sont à l’effet que le risque de donner naissance à un bébé prématuré ou de faible poids est plus élevé lorsque le domicile de la mère se situe dans un quartier riche (quintile supérieur) à moins de 200 m d’une autoroute. Dans le même ordre d’idées, Smargiassi et coll. (2006) ont également mis en évidence un lien entre l’intensité du trafic et le taux d’hospitalisations pour une maladie respiratoire chez les personnes de plus de 60 ans à Montréal. Toutefois, Lin et coll. (2002), de New York, mentionnent l’importance de considérer plusieurs indicateurs pour évaluer l’impact de la circulation routière sur la santé (ex : la distance, l’achalandage, le passage de camions, etc.).

Brender J.D., Maantay J.A., Chakraborty J. Residential Proximity to Environmental Hazards and Adverse Health Outcomes. American Journal of Public Health. 2011;101(S1):S37-S52.

OFFRE DE SERVICE La collaboration de la santé publique

La DSP de la Montérégie possède une expérience de longue date et une expertise reconnue en matière de transport, de qualité de l’air, de gestion des urgences, d’analyse des impacts sur la santé de la population, de saines habitudes de vie, de prévention des

traumatismes et de développement des collectivités.

L’offre de service de la DSP de la Montérégie se traduit ainsi :

Accès à des données et des pratiques reconnues ou

prometteuses.

Avis d’experts concernant les schémas d’aménagement.

Soutien au développement et à la promotion de milieux de vie

sains et sécuritaires, attrayants et solidaires.

Soutien à l’élaboration de stratégies de surveillance et

d’évaluation.

Références 1 Srinivasan, S., Liam R. O’Fallon et Dearry, A. (2003). « Creating Healthy

Communities, Healthy Homes, Healthy People: Initiating a Research Agenda on the Built Environment and Public Health », American Journal of Public Health, vol. 93, No 9, pp. 1446-1450.

2 SOCIÉTÉ DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC, Dossier Statistique Bilan

2009 – Accidents, Parc automobile, Permis de conduire.

3 DIRECTION DE SANTÉ PUBLIQUE DE LA MONTÉRÉGIE (2011). Un air extérieur de qualité : indispensable à la santé, Équipe santé environnementale, [En ligne]. [http://extranet.santemonteregie.qc.ca/].

4 DIRECTION DE SANTÉ PUBLIQUE DE LA MONTÉRÉGIE (2011). Une nuisance qui fait du bruit, Équipe santé environnementale, [En ligne]. [http://extranet.santemonteregie.qc.ca/].

5 Mélissa GIGUÈRE (2009), Mesures de lutte aux îlots de chaleur urbains, Institut national de santé publique du Québec, 77 p.

6 INSTITUT CANADIEN D’INFORMATION SUR LA SANTÉ (2011). Environnements physiques en milieu urbain et inégalités en santé, Ottawa (Ont.), ICIS, 74 p.

Personnes ressources

Elisabeth Masson, chef d’équipe

Nolwenn Noisel, agente de planification, de programmation et de

recherche

Geneviève Hénault, consultante

Dre Louise Lajoie, médecin spécialiste

Marie-Johanne Nadeau,

coordonnatrice, programme santé environnementale

Collaboration

Mathieu Tremblay, agent de planification, de programmation et de recherche, spécialisé en géomatique, secteur planification,

évaluation et recherche

Mise en page Barbara Bédard juin 2012