Contre l Amour

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    Je tends quitter toutes relations fusionnelles ; me sentir clibataire , touten tant capable de tendresse, de sincrit, de douceur, de sexualits. Je tends

    tre plus sujette dans mes amitis et amitis sexuelles.

    Je me rends compte que mes ides, mes constructions affectives sont en dca-lage avec les reprsentations courantes de lAmour et de lamiti. En particu-lier, cette sparation-opposition entre lAmour et lamiti, qui contribue pr-server le modle dominant du couple mari-ferm.

    Je constate souvent quil suffit dembrasser quelquun-e avec la langue, ou quedeux personnes aient une/des relations sexuelles ensemble pour quelles

    sortent ensemble , crent une sorte de dpendance mutuelle, un regardplus ou moins permanent et oppresseur sur lautre (une surveillance) et celaest valoris socialement. Dire (ou signifier de quelconque manire) je suisamoureuse , je taime , jai un copain est assez gratifiant. La possession, lajalousie sont encourages, lindpendance, lautonomie ne le sont pas.

    Je me sens dcale ; je ne sors avec personne, jai des ami-e-s, plus ou moinsestim-e-s, qui mapportent plus ou moins, qui jai envie dapporter plus oumoins. Parce que je les estime, et quand je suis heureuse de la relation amicale

    que je dveloppe avec elles/eux, jai envie de leur signifier avec mes signes daf-fection et de satisfactions : un massage, un bisou, un baiser, une longue embras-sade, un clin, des caresses, un sourire, dormir dans leur chaleur, ou encoreavoir des relations sensuelles ou sexuelles avec elles/eux.

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    Il sagit dchanges tendres et multiples pour dire que je les apprcie, et nonmettre en place une relation de couple ou des relations de couples plus oumoins ambigus.

    Jessaye dtre relativement autonome, tout en changeant le plaisir des corps,sans possessivit, sans une mainmise oppressante sur lautre.

    Etre clibataire ne signifie pas ne toucher personne ; avoir des relations sexuel-les avec quelquun-e ne signifie pas dpendance et amour fusionnel.

    Au jour daujourdhui, jembrasse parfois certain-e-s de mes ami-e-s et ma ma-man sur la bouche, un tel, une telle ont parfois des relations sensuelles etsexuelles avec moi, je dors parfois dans la chaleur de certani-e-s autres, je

    serre trs fort et sensuellement dans mes bras dautres encore, il mest arrivde faire lamour avec une amie et dembrasser son ami dans le mme temps, etdemain je ne sais, peut-tre seule

    Je dsire beaucoup de mes ami-e-s, avec ceux et celles qui partagent ces idesnous nous laissons beaucoup de libert de possibilits et nous savons quily a cette tendresse.

    En dissociant sexualits et proprit exclusive, je veux rompre avec les rela-

    tions de mpris, de violences physiques, dautorit, et aussi avec lhabitude deraisonner en fonction de lautre.

    LAmour dans le patriarcat profite loppression des femmes (cf. le rsum delide moderne damour). Lamiti me semble un peu plus rationnelle et objec-tive que les relations dites amoureuses . Cest pour cela que je pense queces rflexions sinscrivent dans une dmarche politique, fministe de ma part.Et mme si on peut me reprocher ce choix, mme sil est difficile de construiredes relations positives hors des normes alinantes de lAmour, mme si lin-

    comprhension de quelques proches me fait douleur, je btis ma force et majoie, libre de lattente folle et bourelle de le/la prince-sse charmant-e.

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    La culture de lAmour

    L'Amour et ses reprsentations ne sont pas des banalits niaises mpriser en passant,mais des vecteurs de souffrances et d'exclusions combattre...

    - Vous tes dans une relation Amoureuse ?- Non, je ne dirais pas que c'est de l'Amour. C'est plus une amiti tendre, une amitisexuelle, une chouette affinit, je ne sais pas. Mais de l parler d'Amour... Le terme est unpeu fort.

    Amour , un terme un peu for t, un peu vague, plutt indiscernable, relativement dvasta-teur. On ne sait pas trop quand l'employer. Certainement pas n'importe quand. On ne saitpas toujours vraiment tout ce qu'il recouvre, on se trouve souvent un peu perdu face lui,la seule chose qu'on sait , c'est qu'il a du poids. On ne joue pas avec ce mot-l.

    Bon. Peut-tre faudrait-il donc commencer par des questions de vocabulaire. Alors. Quanddes tres prouvent de l'affection, ils peuvent se transmettre diffrentes choses ; ils peu-

    vent avoir diverschanges affect ifs :

    - Des baisers sur la joue. Des baisers sur les lvres. Des baisers sur le coude. Des baisers

    ailleurs. Des frotti-frotta sur le nez. Des caresses. Des treintes, comme quand on se prenddans les bras. Des saisissures par la main. Des bras-dessus-bras-dessous. Des touchers decheveux. Des sommeils cte cte, ou coll-e-s. Des lchouilles. Des cuni, des fellations.Des chatouilles. Des attouchements gnitaux. Des pntrations anales. J'en passe et desmeilleures. On appellera tout a des changes physiques. Il semble habituel de les diviser endeux groupes : ceux qui procurent un plaisir sexuel, qu'on appellera donc changes sexuels,et ceux qui procurent d'autres plaisirs, qu'on appellera gestes de tendresse.

    - Des regards. Des discussions interminables. Des louanges. Des marques d'attention,d'coute, d'intrt. Des moments passs ensemble. Des mots doux. Des tranches de rigo-lade. Des sour ires complices. J'en passe et des meilleures encore. Il s'agit l aussi d'changes

    affectifs, mais sans contact physique : attitudes, comportements, dialogues...

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    Quand on participe des changes affectifs, et que l'change se passe bien, on en retire des

    choses, qu'on appellera des biens affectifs. Sensations agrables, de douceur, de plaisir ,de tendresse, sentiments de valorisation, sentiments de complicit, impressions d'exister,de compter,... Comme quand on change des choses palpables et entreposables, commequand jchange deux pices de monnaie contre une tondeuse gazon, jeffectue unchange matriel et jen retire un bien matriel : une rutilante tondeuse gazon. Je pourraidire mes ami-e-s qui viendront admirer ma liste de biens matriels : oui, jai ceci, jai ce-la, jai une pompe vlo et une tondeuse gazon . Si je le voulais, aprs une heure passeavec Philippe, je pourrais faire intrieurement le compte de mes biens affectifs, et je verraisque notre heure dchange ma procur 25 grammes de plaisir sensuel lorteil gauche et89 onces de sentiment de complicit. Je ne dis pas quil faut tout compter, nest-ce pas, jes-saye juste dillustrer le vocabulaire que je propose.

    Reprenons, reprenons, soyons sr-e-s de ne pas nous embrouiller les pinceaux avec touta. Les changes affectifs entre des personnes, a peut prendre toute une srie de formes,

    toute une srie trs longue et trs diverse de formes, pleine de subtilits, d'originalits, decrativits et de tabous. Ca peut prendre la forme dchanges physiques ou non, dchangessexuels, de gestes de tendresse. Et quand ces changesaffectifs nous font du bien, nous enretirons des biensaffectifs. On y est ? Bon.

    Les diffrentes cultures qui maillent lhumanit ont chacune leur manire de grer tous ceschanges affectifs. Certains sont interdits, dautres sont tolrs, ou catgoriss, regroups,cods, succds, nomms, norms. Par exemple, notre culture a principalement deux motspour les changes affectifs : amiti et Amour . Surprenant, non ? Deux seuls mots,deux seules tiquettes, pour tant dchanges affectifs diffrents.

    - Toi, tu crois qu'il peut y avoir de l'amiti entre un garon et une fille ? Quelle est la diff-rence entre l'amiti et l'Amour ?

    La question est absurde, dj parce qu'elle sous-entend que l'Amour ne peut pas exister en-tre garons ou entre filles. Mais en mme temps elle est rvlatrice : notre pauvre vocabu-laire ne met que deux termes notre disposition pour parler de relations affectives. On nedit pas avec untel il y a des bisous, de lcoute et de la complicit ou avec unetelle il ya un peu de sexualit et beaucoup de rires , on dit avec untel il y a de lAmour ou avec toi cest juste de lamiti . On classe nos relations dans deux cases trs rductrices.Et ces deux cases ne sont pas quilibres, loin de l. Lamiti recouvre une norme va-

    rit dchanges affectifs. LAmour , lui, nest rien dautre quun point culminant, une to-talit, lamiti au centuple, lamiti l'extrme. Il est la fois norme et rarissime.

    LAmour, lAmour Cest quoi au juste ?

    Ltiquette Amour a t invente par notre riche et maudite culture dans les trfondsdu Moyen-Age. Une dose de christianisme et une dose damour courtois, et hop ! voil fa-onn le mythe de lAmour avec un grand A, lidole Amour, qui traverse les ges sur sonjeune et beau cheval blanc, de pomes romantiques en drames contemporains. Bon moi jene suis pas historien, mais il doit y en avoir qui ont tudi la naissance et la croissance de

    cette idole, un jour jirai faire des recherches.

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    chons sans relche, nous pensons bien finir par les trouver un jour . Dieu n'existe pas, letrsor du Roi Midas non plus, lae Prince-sse charmant-e encore moins, ce sont des lgen-des. Pourquoi ruiner notre vie, attendre, dcevoir, pleurer, pour des lgendes ?

    On dira que jexagre, que les gens comprennent vite que tous ces mythes sont des my-thes. Moi je dis que ces mythes sont dangereux. Ils trifouillent allgrement des motionstrs profondes, ils remuent ce quil y a de plus douloureux, de plus intime, de plus sensibleen nous : lego, les affects, les besoins de reconnaissance, les peurs de labandon... Ils susci-tent des dpendances, des haines, des crampes, des dpressions. Ils inspirent des harcle-ments, des suicides, des crimes passionnels. Et mme sans aller jusque l, normment degens passent toute leur adolescence, par exemple, croire dur comme fer lAmour, et en souffrir ; ils peuvent en sortir, mais garder d'invitables squelles pour des lustres. Uneadolescence de souffrance cest dj trop, rien quune anne cest dj trop, cessons dins-pirer la foi en un-e Prince-sse charmant-e, ce nest pas quand on sera grand-e quon comprendra , entraidons-nous ds maintenant tre autonomes et serein-e-s sur le plan

    affectif.

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    L ar t m ivreL a r t m ivre

    Deux questions turlupinent la petite Elisabeth. Dis Maman, pourquoi dans les histoires latl cest toujours les gentils qui gagnent ? Cette question est trs juste et elle mriterait

    des schmas tortueux et des conciliabules approfondis. Mais ici elle nous importe moinsque la seconde : Dis Pp, pourquoi toutes les chansons la radio elles parlent toujoursdAmour ? Cest vrai a, lAmour on le chante dans un micro, on le fredonne dans la rue,on en fait des disques dor, Love par-ci, Love par-l. Mais pourquoi, Pp, les chanteurs ilsparlent pas de la mort ou de la mer ou du pouvoir ou de la gologie ? Ya tellement de cho-ses dire ! Pp rpondra que de toutes ces choses, lAmour est la plus belle, la plus in-tense, celle qui nous branle dans nos entrailles et qui nous fait crire des chansons. Cer-tes, notre culture ne nous apprend pas la sensibilit aux brises, aux odeurs, aux injustices,elle ne nous offre quun grand frisson, un seul, qui terrasse tous les autres : lAmour. Tutrouves a juste, Elisabeth ? Lenvie ne te prend-t-elle pas dappeler Jeannine, Batrice et

    Maurice la rescousse, et daller billonner tou-te-s ces romantic love songers, ces ppsnorms, ces Barbie et ces Ken que lon colle tes doigts ?

    Bah, nous ne sommes pas tou-te-s aussi fort-e-s quElisabeth, et nous nous laissons entra-ner par ces douces sarabandes, ces contes mielleux et amers. Difficile dy chapper : lesdessins anims, les fables, les films, les pubs, les magazines, les romans, les nouvelles, nospotes-sses mme lAmour nous est racont tire-larigot. Ces rcits dAmour nousconstruisent, nous flanquent leur culture dans lesprit, nous acculturent, ils nous apprennent dsirer tous ces mythes. Notre sensibilit est construite par eux, en mme temps quelleles rclame. Quand nous allons au cinma voir une belle histoire dAmour, et que nousen sortons troubl-e, rveur/euse, nous venons de vivre un peu de cet Amour racont, et

    la fois nous venons dintgrer un peu plus quil est beau, quil est grand et que nous avonsintrt y aspirer. Ces films compensent notre misre affective, nous offrant un momentd'identification et de catharsis, nous permettant de vivre par procuration ce que nous netrouverons jamais dans notre existence. A la fois consolateurs et vhicules de la culture delAmour, ils apaisent nos souffrances, nos frustrations, en mme temps qu'ils prparent leterrain pour qu'elles se renforcent.

    Avez-vous remarqu comment fonctionnent les rcits dAmour ? Ce sont toujours les m-mes rengaines. Un Prince charmant et une Princesse charmante se rencontrent, lAmournat, malicieux, au coin des regards drobs et des situations inattendues. Puis lAmour se

    joue, cest la phase de sduction, lhrone et le hros sapprochent, se guettent, se sous-entendent, se msentendent Suspense Mais lhistoire dAmour finit bien, le Prince et laPrincesse se tombent dans les bras, cest lapothose du Baiser, puis le gnrique. Et aprs ?Quen est-il de la vie post-Baiser ? On suppose lEden amoureux, une image fige, nacre,rve, ils vcurent heureux et eurent beaucoup denfants . Cest prcisment l, danscette cessation du rcit, dans ce silence, que sexprime le mythe de lAmour : le bonheurdans l'Amour est tellement total qu'il ne reste plus rien raconter. Les preuves dignesdeffroi et dattention rsident dans la sduction ; la vie entre Amoureux et Amoureuse,elle, est lisse comme du beurre, exempte dpreuves, de sursauts, de surprises. A la limite,si elle apparat dans ses difficults, elle ne sert que de dcor pour que lun-e des conjoint-ese lasse et dmarre une phase de sduction avec quelquun-e dautre.

    Seuls les rcits plus intellectuels , plus difficiles daccs, racontent les obstacles et diffi-cults une fois lAmour dclar, scell : lemprisonnement amoureux, la lassitude et la fin du

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    sentiment Amoureux, la glauquitude de la vie de famille... Dans les magazines mivres, lesproblmes de la vie post-Baiser sont traits scientifiquement, grands renforts de psycho-logues, comme des anormalits presque mdicalisables, des maladies de lge. Mais le regis-tre du rcit, celui qui nous fait frissonner, celui qui marque nos motions et nos dsirs,reste rserv, lui, la vie pr-Baiser : lAmour dans le rcit populaire nest rien d'autrequ'un soulagement final, un happy end. Ce schma se rpercute dans notre caboche, etnourrit le mythe de l'Amour, plaqu ensuite sur notre ralit, nos projets et aspirations.

    Lc onomie de l Am oLc onomie de l Am ourur

    La culture de lAmour fait natre toute une conomie de l'affection. Car, idalisant et rar-

    fiant la fois les changes affectifs, elle cre unemisreet donc unedemande.

    Notre culture idalise lAmour. LAmour cest tout, tous les changes affectifs runis, tousles biens affectifs dun seul coup. Cest une mine, un trsor affectif. L'Amour devient doncune forme de relation extrme, rve, dsire outrance. Quand on ne l'a pas, on veut ab-solument l'avoir. Quand on l'a, on a une peur absolue de la perdre. Et quand on ne l'a plus,on meurt, ou presque.

    Mais en mme temps, la dfinition de lAmour est si pointue, si exigeante quon peine lerencontrer. Il faut avoir tous les biens affectifs de l'Amour la fois, ou n'en avoir aucun : pasd'entre-deux. Il faut entrer dans toutes les catgories sociales prvues pour lAmour. Pas detendresse sans couple exclusif, pas de couple sans Prince-sse charmant-e, pas dintimit sans

    pacte ternel... Or, toutes ces conditions sont tellement restrictives, elles font de nous destres tellement exigeants, que les possibilits de vivre des changes affectifs deviennent r a-res. L commence la misre affective.

    C'est ainsi que les biens affectifs deviennent des biens de luxe. On leur donne une aura, unclat, une valeur compltement exagre, en les cuisinant avec des mythes. En mmetemps, on les rserve des situations tellement prcises et totalitaires, qu'ils viennent manquer. La culture de lAmour encourage leur demande en mme temps qu'elle rduitleur quantit disponible. Elle cre des individus schizophrnes, qui se construisent un dsirardent d'Amour en mme temps qu'il s'en construisent une dfinition trop exigeante. Des

    tres qui se rendent dpendants dun idal en mme temps quils se le rendent inaccessible. Si je nai pas tout cela la fois, je nai rien, je ne suis rien .

    L o il y a une conomie, une raret, une misre, le capitalisme se prcipite. Il dbar-que d'abord avec tous ses principes, reprsentations, comportements. La raret d'un bieninspire tou-te-s la peur d'en manquer, la comptition pour l'acqurir, la proprit pour nepas le laisser filer.

    Lacomptition affective concerne par exemple la capture du Prince ou de la Princessecharmant-e. Forcment. Ca ne court pas les rues, des gens si parfaits. On pense avoir iden-tifi le sien ou la sienne, mais souvent on regarde autour et on surprend nombre dautresvisages tendus vers elle ou lui. Parce que nos critres amoureux, qui nous semblent si inti-mes et si personnels, ont des racines trs culturelles, et sont partags par plus de monde

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    quon ne le croit La/le Prince-sse charmant-e, cest le beau ou la belle de la classe, la stardu village... Ou, l'extrme, le ou la sex-symbol, psalmodi-e longueur de magazines etd'missions TV... Il nous arrive mme denvier le/la conjoint-e du/de la sex-symbol, une star son tour, mais plus proche de nous autres pauvres aspirant-e-s, star pour avoir gagn lesex-symbol, pour avoir grill tou-te-s les autres prtendant-e-s, quelle chance ille a .

    La peur de la misre affective, elle, mne toutes les dclinaisons possibles de lapropri-t affective... Possessivit, jalousie, dpendance... Elle est moi, tu ne lauras pas... Si tula gagnes je me retrouve seul... A moins que jaie un plan de remplacement, telle autre parexemple, je sais que je lui plais bien, heureusement parce qualors la solitude affective cestla mort . Le Prince ou la Princesse charmant-e-s sont des oiseaux rares quon met en cage.Des fois on se possde mutuellement et on reste ainsi, des annes en couple, r ives lun-esur lautre, parce quon a tou-te-s les deux peur de ce qui se passerait en dehors de cetterelation, peur du chemin accomplir de zro pour retrouver et sduire un nouveau Princeou une nouvelle Princesse.

    Enfin, la raret des biens affectifs creuse des fosss entre possdant-e-s et non-possdant-e-s . Lesexclu-e-s de l'affection sont lgion, exclu-e-s par leur physique, parleur manque d'exprience, leur manque d'aisance, leur manque de confiance en soi, face cet enjeu norme et complexe qu'est l'accs l'Amour... On peut dire quilles manquentde capital affectif. Et comme dans tout systme de domination, moins on a de capital, moinson a de chances den gagner : cest un cercle vicieux. Les exclu-e-s de laffection manquentdassurance au dpart, donc vivent peu dexpriences affectives, donc nont jamais locca-sion de gagner de lassurance, donc restent handicap-e-s, moins dune rencontre de typemiraculeux.

    Paradoxalement, et injustement, ce sont souvent les exclu-e-s de laffection qui intgrentplus que tou-te-s les autres les mythes dominants et les comportements du capitalisme af-fectif. Leur manque de vcu ne leur permet pas de dtruire les mythes de lAmour, de com-prendre leur absurdit. Trop habitu-e-s au manque, illes ont la terreur de perdre la moin-dre once d'affection acquise. On les oublie vite et les retrouve parfois dans les faits divers,dpressions, viols, internements, ptages de plombs divers et varis... La misre affectiveassche le moral et affame les nerfs.

    N'oublions pas que la misre affective n'est qu'une construction sociale, ne de la culturede lAmour.

    L o il y a une raret, il y a une demande, et donc un nouveau march. L le capitalismedbarque, cette fois, assoiff de profits, tirant avantage de la morale Amoureuse, commed'autres morales. Vous dsirez du produit affectif ? En voici des succdans, moyennant fi-nances: pornographie, prostitution, psychothrapies, poupes gonflables... L'argent est unbon raccourci. On ne peut acheter l'Amour, bien sr, parce qu'alors on tuerait l'idal delAmour et ses produits drivs, mais on peut acheter tous ces biens affectifs partiels, iso-ls, spcifiques, que la culture de lAmour rassemble et enferme dans ses mythes. De l'at-tention, de l'coute, de la tendresse, du sexe, en voici des succdans.

    Comment accder aux biens affectifs ?Cest la question que tout le monde sepose. Nous avons 4 rponses possibles face nous.

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    1) Souscrire aux critres de lAmour. Devenir un-e Prince-sse charmant-e et trouverson/sa Prince-sse charmant-e. Sduire. Mais cette voie est rserve aux puissant-e-s,aux jeunes, aux belles et beaux, aux confiant-e-s, aux expriment-e-s. Elle est com-plexe et slective.

    2) Acheter les succdans de biens affectifs. Largent est quand mme un outil plus fa-cile que toutes ces entreprises de sduction, si compliques et si hasardeuses. Leproblme, cest que largent il faut le trouver Faire partie des classes conomique-ment dominantes, et/ou tre prt-e se vendre sur le march de l'exploitation sala-riale Mais aprs tout, largent est la solution de rechange la plus facile, dans unesocit qui nous pousse de toutes ses forces dans le travail rmunr, et qui nousencourage rsoudre nos problmes de manire individuelle.

    3) Sadonner la violence, le chantage, la menace, le viol. Un autre raccourci qui de-mande dautres habilets, que beaucoup choisissent, et qui fait des ravages.

    4) Soigner le problme sa racine : dtruire la culture de lAmour et rpandre l'abon-dance affective qu'elle garde captive. Se lancer individuellement, collectivement, so-

    cialement, dans une dconstruction des normes relationnelles. Cest la solution enlaquelle je crois.

    Les biens affectifs sont disponibles en quantit, ils sont l, ils existent ! Nous regorgeons deressources affectives, nous rvons tou-te-s den donner et den goter, il ne tient qu nousde le faire ! La raret des biens affectifs est une illusion, un dcret quil suffit de dchirer,elle est aussi fausse que la raret des biens matriels, monte de toutes pices par le sys-tme capitaliste pour sanctionner ceux et celles qui refusent de travailler pour les poss-dant-e-s.

    Gratuit des biens affectifs ! Pour une affection abondante, galitaire, sans domi-nations. Pour une pornographie live, pour des psychothrapies gratuites, pour la fin desspcialisations, des professionalisations de l'coute et de la sexualit. Pour bannir un jourles rapports spectaculaires-marchands de nos vies affectives comme du reste de notre exis-tence. Le plus tt sera le mieux !

    Quelques proposi t ionsQuelques proposi t ions pour une abondance affective :- Construire des relations affectives uniques, conscientes et particulires, au-del de toute

    norme relationnelle, aussi diverses que les individus qu'elles impliquent et leurs envies.- Rpandre et banaliser les relations affectives, plutt que de les sacraliser.- Envisager la non-exclusivit, ce qui ne veut pas dire consommer nonchalamment les parte-naires les un-e-s aprs les autres, mais se laisser la possibilit de dcouvrir petit petit unediversit de relations affectives galitaires, pourquoi pas simultanes, en tant trs trsconscient-e quen ltat actuel des choses a veut dire se lancer dans une exprimentation,et que a implique dautant plus dattention et de qualit de communication entre les exp-rimentateurices.- Cesser de dire je suis amoureux-se de toi , dire plutt je suis dpendant-e de toi .- Arrter de parler d'Amour et d'amiti, choisir des termes plus prcis.- Rajouter de l'acn et du bide aux icnes des Prince-sse-s charmant-e-s.

    - Parler aux enfants d'autres formes affectives que lAmour.- Se dconstruire tout doucement tout progressivement.- Dvelopper l'autonomie affective, ce qui ne veut pas dire se renfermer sur soi-mme, maisvarier et multiplier les sources daffection (moments privilgis avec des ami-e-s ou avec soi-mme, clins, massages, auto-sexualit,...), pour se relationner aux autres sans peurs et dpen-dances, sur des bases plus assures et ouvertes.

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    De la dpendance lautonomie affective

    Comment dsamorcer la douleur matresse, la dpendance, comment sapprocher de l'autonomie ?Je ne dois pas chercher une compensation, une fuite, mais un recul, un retour sur moi-mme, mes gots et mes enviespropres.

    Un r eculDmystifier lAutre, dmystifier la sexualit...Voir que lAutre n'est pas parfait-e, qu'elle ou il a aussi des cts qui ne me plaisent pas, comme tout le monde.Voir combien ille est diffrent-e, lointain-e, penser qu'ille a d'autres attirances. (La fusion est une chimre !)Penser que c'est important pour ellui d'avoir cette libert-l, qu'ille ne m'appartient pas, me rappeler - ressentir - que

    j'aurais horr eur de l'emprisonner.Penser d'autres gens que j'aime.

    Penser aux moments o j'ai ressenti que la sexualit tait un plaisir comme un autre, et rien de plus... Penser aux autresplaisirs intenses que je connais et que je ressens par d'autres moyens.

    la dpendance une plus grande autonom ieMa pense est centre sur la personne aime (appelons-lalAutre). Quand lAutre n'est pas l, je pense ellui, desmoments vcus ensemble, ou des moments futurs quenous vivrons ensemble.Quand lAutr e est avec quelqu'un-e d'autre, j'imagine parbribes ce qu'illes vivent.

    Ma douleur par r apport lautre me fait peur. Je la senspotentiellement for te et engloutissante. Je la fuis. J'essayede me persuader que je ne la sens pas tant que a. J'essayede sentir autre chose.Mais ma douleur est le signe de ma dpendance. Elle estconstante. Plus besoin de raisons,d'vnements, d'images pour l'alimenter : elle se dracine,elle s'auto-alimente, continuellement.

    Je ne suis plus mu-e, dans ma vie, par autre chose quelAutre, en positif ou en ngatif.

    Mes choix sont ractifs. Je m'occupe en fonction de cequ'ille fait.

    Les bons moments, je les envisage avec ellui. Les mauvaismoments, c'est quand ille me blesse : je cherche autrechose faire pour oublier ou pour compenser.

    Mon autonomie est surtout une posture que je veux luimontr er. Au fond elle lui est ddie. Tu vois, je n'ai pasbesoin de toi . Elle est destine lui faire peur, l'attirer.

    Ma pense et mes motions sont indpendantes.Elles peuvent s'arrter sur lAutre puis le/la

    laisser, passer d'autres choses.Elles peuvent se concentrer sur le prsent, que lAutre

    soit l ou pas. LAutre ne les accapare pas.Elles sont libres, changeantes, ouvertes.

    Je suis curieux-se de ma douleur par rapport lAutre. Jel'observe et tente de la comprendre. Mais je peux aussi en

    sortir, je reste matre, ou plutt elle ne me matrise pas.

    Je peux tre mu-e par d'autr es choses, et mme justetouch-e, une intensit moindre.

    Je ressens d'autres choses sans avoir m'en persuader.

    Mes choix sont positifs, actifs, constructifs. Je choisis desactivits pour elles-mmes, parce qu'elles me font envie,

    ici et maintenant, et pas pour me changer les ides.

    Je suis capable d'avoir d'autres envies que d'tre aveclAutre.

    Je peux passer des mauvais moments aveclAutre, je peux dsirer ne plus la/le voir

    momentanment.

    Mon autonomie est sincre, elle me suffit m'apporter du bien-tre, je n'ai pas besoin de la montrer

    lAutre.

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    Un retour sur m oi-m meObserver ma douleur, l'analyser, la comprendre... Mais ne pas y rester. Au besoin, quitter les lieux, changerde cadre, changer d'air. Voir d'autres ami-e-s, explorer d'autres rseaux de connaissances, rencontrer desgens.Ne faire d'activits solitaires ou ennuyeuses que si je me sens en forme, sinon ma pense errante reviendrasur lAutre.

    Trouver le plaisir de me retrouver, de me bichonner moi-mme : c'est l'occasion de penser un peu moi, deredcouvrir mes passions, mes autres plaisirs, marcher en montagne, me faire un bon repas, chanter...Ne pas oublier que le but de cette dmarche n'est pas de fuir quelque chose, mais de me retrouver. Non paslutter CONTRE le dmon amoureux, mais aller VERS quelque chose de chouette, de lger.

    Ce quen dit Gilles Deleuze (dans Dialogues) : A mon envie abjecte dtre aim, je substituerai une puissance daimer, non pas une volont absurde daimernimporte qui, nimporte quoi, non pas sidentifier avec lunivers, mais dgager le pur vnement qui munit ceux que jaime, et qui ne mattendent pas plus que je ne les attends, puisque seul lvnement nous attend,eventum tantum. Faire un vnement si petit soit-il, la chose la plus dlicate du monde, le contraire de faire unehistoire. Aimer ceux qui sont ainsi : quand ils entrent dans une pice, ce ne sont pas des personnes, des carac-tres ou des sujets, cest une variation atmosphrique, un changement de teinte, une molcule imperceptible,une population discrte, un brouillard ou une nue de gouttes.

  • 8/2/2019 Contre l Amour

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    La tte contre le ventreCe texte est galement paru dans la brochure Voyage au pays des normes relationnelles, disponible auprs de

    [email protected]

    Prambule.Prambule.

    Le rideau se lve : un ventre et un cerveau sont sur scne.

    Ils sont enchans lun lautre par un cordon ombilical qui trane sans grce sur le sol, entre lesdeux.

    Au mur, le portrait dune jeune fille : L.

    LE CERVEAU. Je dcouvre de grandes choses en ce moment . Des lectures et des discussions, des confren-ces et des runions. Japprends lanarchisme, le fminisme... Japprends comprendre ce qui se passe derrire

    chaque seconde de notre quotidien, tous nos conditionnements, toutes nos participations au systme.

    LE VENTRE. Moi aussi j en dcouvre des choses. Cette fille, l, L. Je laime. Et elle nous aime. Cest gnial,cest nouveau, cest trop le pied.

    LE CERVEAU. Deux attirances rciproques simultanes.

    LE VENTRE. Ouais. Lamooouuuuuur.

    LE CERVEAU. Comme cest intressant. Assieds-toi l et racont e-moi tout a. (il sort un carnet et se met noter)

    LE VENTRE. Alors je me sens tout drle, un peu tout bleu et un peu tout rouge, un peu tendu et un peu

    combl, fragilissime et surpuissant.

    LE CERVEAU. Mais plutt bleu ou plutt rouge ?Plutt serein ou plutt angoiss ?

    LE VENTRE. Parfois lun, parfois lautre, lun puis lautre, lun sans lautre, et les deux la fois.

    LE CERVEAU. Quand, o, comment ?

    LE VENTRE. Euh Attends. Bon lautre jour par exemple, quand on a pass trois minutes avec elle, papo-ter, a serrait par l, dans lestomac.

    LE CERVEAU. L ?

    LE VENTRE. Ouais. Enfin, non Plus haut. L.

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    LE CERVEAU. Ca serrait ou a tordait ? Ca fronait ou a riait ?

    LE VENTRE. Ctait orange et a tournait, aprs a montait dans les poumons, ctait bon. Elle tait belle.Elle est belle, L., non ?

    LE CERVEAU. Belle, belle La beaut est un concept socialement construit, et trs relatif. Moi, je trouve L.

    avant tout trs intressante : nous avons eu des discussions de grande qualit, elle a des ides brillantes.

    LE VENTRE. Je la trouve super jolie. Et sympa et tout . Je laime trop, et elle ma fait comprendre quelle aus-si elle maime, tu sais, je suis sr quelle nous aime. Il ne reste plus qu se mettre en couple !

    LE CERVEAU. En couple ? Mais pourquoi faire ? Il ny a pas besoin de former un couple pour passer desbons moments ensemble !

    LE VENTRE. Tous nos potes quand ils aiment des filles ils forment des couples.

    LE CERVEAU. Oui mais il y a une chose que nos amis et nos amies nont pas rflchi sur le couple et quisans doute leur cause une belle flope de problmes sans quils narrivent les formuler clairement. Cest cequon appelle la propr it affective. Quand tu formes un couple tu dcrtes une sorte de propr it. Je tap-

    partiens, tu mappartiens ; tu nas pas le droit dtre amoureux ou amoureuse de quelquun ou de quelquunedautre, tu nas pas le droit de me t romper .

    LE VENTRE. Cest juste. On est ensemble, quoi.

    LE CERVEAU. Non, ce nest pas juste ! La proprit cest mal. La proprit affective est une forme haute-ment puante doppression. Tout le monde devrait tre libre de tomber amoureux de plusieurs personnes lafois. Tout le monde devrait tre libre de vivre des histoires avec des gens, tout moment. Aucun couple, au-cune forme sociale, ne devrait l'empcher. Tu comprends ?

    LE VENTRE. Non.

    LE CERVEAU. Et si nous voulons changer les choses il faut changer notre manire de nous comporter auquotidien. Si nous trouvons injuste la proprit affective, nous devons cesser de lappliquer. Nous devons in-venter et essayer dautres formes de relations affectives, plus libres. Nous devons essayer la non-exclusivit.Dailleurs nous avons l, justement, loccasion de tenter une relation non-exclusive : L. est du genre sint-resser elle aussi ce genre de principes. Saisissons loccasion, essayons. Voyons ce que a donne, o a nousmne. Voyons si nous , le jeune homme dont toi et moi faisons partie, y arrivons ; voyons comment toi tule vivras, ce que tu ressentiras. Ce sera une aventure passionnante, une vritable exploration intrieure. Nousallons dcouvrir des tas de choses, jen suis certain. Lamour , comme tu dis, cest du plaisir , mais a peutaussi tre une exprimentation psychologique et politique. Tu comprends ?

    LE VENTRE. Non.

    LE CERVEAU. Proposons L. une relation amoureuse non-exclusive.

    LE VENTRE. Non ! Je suis pas daccord.

    LE CERVEAU. On sen fout. Noublie pas que je suis le cerveau et que tu nes quun ventre. Cest moi quidcide.

    LE VENTRE. Facho ! Despote ! Dictateur langue fourchue ! Hmisphre visqueux et lunettique ! Verruerflchissante !

    LE CERVEAU. Allons, allons. Cela ne sert rien de semporter. Et rappelle-toi que je suis mme de savoirce qui est bon pour nous au bout du compte. Toi tu ne vois qu court-terme. Toi tu es incapable. Cestcomme a. Moi je calcule, je soupse, japprofondis, jaffine. Donc il test avantageux de me faire confiance.

  • 8/2/2019 Contre l Amour

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    Ac te IAc te I

    Plusieurs semaines plus tard.

    LE CERVEAU. Ventre, il y a quelque chose qui ne va pas. Tu es amour eux.

    LE VENTRE. Oui.

    LE CERVEAU. Tu es trop amoureux. Tu es dpendant de L.

    LE VENTRE. Et comment. Tout ce que je ressens dpend delle. Mon bonheur, ma tranquillit, mes malaises,tout, tout dpend delle. Ca dpend si elle est l, bientt l, ou bientt plus l. Si elle me regarde, si elle meparle, si elle me touche, si elle me pense. Si elle est douce ou dure ou indiffrente. Si elle dpend de moi oupas. Tout mon temps est concentr sur L. Soit je suis avec elle, soit je pense elle. Je pense tout le temps elle, je pense tout le temps son visage, son odeur, au got de sa langue, je nattends quune chose, cest dela voir, cest de lavoir. Plus rien dautre ne compte. Cest douloureux. Mais cest beau. Cest a la-mouuuuuuuur.

    LE CERVEAU. Tu es tellement dpendant de L. que tu veux la possder.

    LE VENTRE. Je la veux toute pour moi. Je la veux tout le temps, jai besoin delle tout le temps, je lui de-mande dtre l tout le temps pour moi. Jai peur, jai trop peur de ne plus lavoir . Je crverais. Jai besoindelle pour aller bien. Je la veux.

    LE CERVEAU. Tu veux la possder. Mais moi je ne veux pas que tu le veuilles. L. est aussi motive par unerelation non-exclusive, donc nous avons dcid den crer une entre nous. Tu nas pas le droit de possder L.

    LE VENTRE. Mais comment tu veux que je fasse ?Je suis amoureux, jy peux r ien. Si je veux la possder,cest que je laime

    LE CERVEAU. L. est ta drogue, et tu as peur du manque. L. a du pouvoir sur toi. Donc tu veux avoir du

    pouvoir sur elle. Tu es dpendant delle, donc tu voudrais lobliger tre tout le temps avec nous.

    LE VENTRE. At tends, attends. Je vois pas o est le problme. Elle aussi nous aime. Elle aussi, au fond, veutnous possder. Si on la possde, et elle nous possde, on se possde galit. Ya pas de hirarchie.

    LE CERVEAU. Est-ce que tu acceptes quelle nous possde ?

    LE VENTRE. Bien sr, si on la possde. Cest normal. Cest quitable.

    LE CERVEAU. En es-tu certain ?Que diras-tu le jour o tu tomberas amoureux dun ou dune autr e ?Tu tesentiras enchan. Ou coupable. Ne serait-il pas beaucoup plus simple dtre indpendant ?Ne vaudrait -il pasmieux respecter et suivre ses envies, ses dsirs, lvolution de ses sentiments ? Tranquillement ? Sans peur etsans reproches.

    LE VENTRE. Mouais.

    LE CERVEAU. Souviens-toi, Ventre. Souviens-toi du dgot viscral qua toujours suscit en toi lide dtreemprisonn dans une relation deux. (Il sort son carnet, cherche la bonne page et la lit.) Ctait gris-vert, lourddans lsophage.

    LE VENTRE. Presque bruntre.

    LE CERVEAU. Avec une tache sombre un peu droite.

    LE VENTRE. Je veux tre libre.

    LE CERVEAU. Oui, mais ! Si tu veux quL. respecte ta libert, il faut que toi tu respectes la sienne !

  • 8/2/2019 Contre l Amour

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    LE VENTRE. Je te comprends pas. Tu parles de choses lointaines. Moi je te parle de maintenant : mainte-nant, jai besoin de L.. Jai pas besoin de me librer de quoi que ce soit.

    LE CERVEAU. Ecoute-moi bien. On veut pas de hirarchie entre L. et nous, tes daccord ? On veut ni cra-ser L. ni quL. tcrase. Tes daccord ? Un amour quitable, o chacun-e est respect-e, o chacun-e sy re-trouve. Tes daccord ?

    LE VENTRE. Mwrglgl.

    LE CERVEAU. On est daccord. Donc, pour tre galit il faudrait soit quL. nous possde autant que nousla possdons, soit que personne ne possde lautre.

    LE VENTRE. Bllrbdh.

    LE CERVEAU. Et entre la possession galit et la libert galit, le deuxime choix est bien plus avanta-geux. Elmentaire, non ? Je suis libre, tu es libre, le compte est bon.

    LE VENTRE. Ah, tu mnerves ! Tu mnerves ! Tu fais du calcul mental. Ci + a > ni + na. Je men fous detes quations. Moi jaiiiiiiiime.

    LE CERVEAU. Cest trop facile, Ventre. Lamour ne justifie pas tout. Il la ligote, il la poursuivie. Maiscest quil l aimait . Il la tue. Il laimait t rop. Cest trop facile de se laisser aller ses motions sous prtexteque ces motions sont romantiques. Lamour ne rend pas toutes les oppressions potiques. Rflchis, Ventre.Rflchis un peu. Et arrte ces grands cris, l. Lamour na quun u. Et quand tu aimes, un seul i suffit, et sur lui,un point cest tout.

    LE VENTRE. Mais laisse-moi tranquille ! Tu mnerves. Tu me compliques la vie.

    LE CERVEAU. Pas du tout ! Ce que je dis est simple comme bonjour. La non-exclusivit , cest un peucomme une relation amicale : on sappelle quand on a envie de se voir , on se bisouille quand on en a le dsir,on ne sembarrasse pas dobligations, etc. etc.

    LE VENTRE. Mais dans ta non-exclusivit, l, y a une sor te de moins. Je veux dir e, dans lintensit de la-mour. Cest vrai, quoi. Lautre est pas accroch moi, il est un peu distant, un peu dtach, sa tendresse a deslimites.

    LE CERVEAU. Oui, dans un sens

    LE VENTRE. Jen veux pas ! Je veux pas de limites, je peux pas ! Je veux que lautre soit passionn ! Autantque moi !

    LE CERVEAU. Tu veux lenfermer dans un couple.

    LE VENTRE. Cest a, cest a. Un couple.

    LE CERVEAU. Cest mal.

    LE VENTRE. Ca veut dire quoi mal ?Je comprends pas !

    LE CERVEAU. Bon, attends, on va essayer par un autre chemin. Vas-y, dis-moi pourquoi tu as tellement en-vie dun couple. Pour avoir toujours L. auprs de nous, auprs de toi ?

    LE VENTRE. Ouais. Mais pas seulement. Le couple a me permet dapaiser mes doutes. Avant javais ledoute que L. ne mapprcie pas, quelle en prfre dautres, maintenant on est ensemble, cest dit, cest offi-ciel, elle est avec nous, donc voil, cest moi quelle prfre entre tous.

    LE CERVEAU. Cest nous quelle prfre entre tous.

    LE VENTRE. Oui, toi, moi, nous, noix, mous, tout, cest nous, cest fou, cest moi quelle prfre.

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    LE CERVEAU. En fait le couple cest quelque chose quon dcrte. Un jour on dit : a y est, nous sommesen couple. A partir daujourdhui t u es mon amoureux ou mon amoureuse . Cest comme si on changeait destatut.

    LE VENTRE. Voil. Le statut damoureux me rassure : jai plus rien craindre : on est ensemble, point, jaiplus forcment besoin de convaincre, de sduire Mon anxit est toute apaise. La comptition est finie, jai

    gagn, jai gagn L.

    LE CERVEAU. Tu cherches une certaine scurit affective.

    LE VENTRE. Et une amoureuse, a ten donne plein, de la scurit, cest comme un socle, un norme sou-tien. Cest des yeux toujours tourns vers toi, des oreilles qui boivent tes paroles, des penses qui peuventpas se librer de toi, mme quand tes pas l. Cest hyper rassurant, a rend confiance. Tes bien, tes mri-tant, et la preuve cest quy a quelquun qui est entirement concentr sur toi.

    LE CERVEAU. Tes dpendant de L. pour avoir confiance en toi. Mais L. ne sera pas indfiniment concentresur toi

    LE VENTRE. Si on est en couple, si, quelque part. Quand tes en couple tas plus de doutes. Cest avec ta

    non-exclusivit, l, quon nest jamais sr, on sait jamais si lautre nous aime vraiment, on reste tout le tempsdans le doute. Cest hyper fatiguant la longue. En couple on est sr.

    LE CERVEAU. Mais cest l que tu te trompes, Ventre. Tu es dans lillusion. Le couple ne dtruira pas tesdoutes. Tu sais bien que les sentiments, ceux de L. comme ceux des autres, cest fluctuant, insaisissable, in-contrlable. Ca monte, a retombe, a tourne du nez. La fidlit sentimentale est une illusion, a nexiste pas.Comment peut-on tre assez prtentieux ou prtentieuse pour imaginer quun jour laim-e ne sentira pluslenvie den frquenter dautres ?On ne peut pas, seul-e, combler une personne.

    LE VENTRE. Wgrfmml.

    LE CERVEAU. Rappelle-toi, Ventre, rappelle-toi. Ta mmoire semble bien courte. Rappelle-toi combien defois tu as dj vu tes propres sentiments voluer ! Cest pareil pour L. : tu auras beau lui donner tous les sta-tuts du monde, tu ne russiras pas influer sur ce qui se passe en elle. Tu ne pourras pas figer son amour.Qui sait si X. ne sduira pas L. demain ? Le couple que tu dcrteras lempchera peut-tre de traduire cetamour en actes, mais pas de le ressentir . Les sentiments, a ne se dcrte pas.

    LE VENTRE. Jaimerais dcrter ses sentiments. Jaimerais dcrter sa prsence.

    LE CERVEAU. Rflchis bien, Ventre. Ce que tu aimes en L., ce qui te fait vibrer, quelque part, cest son c-t libre, authentique, imprvisible. Pas vrai ?

    LE VENTRE. Si. Radieux, frais, ptillant, vrai, beau, sincre, direct, surprenant, craquant, craquant.

    LE CERVEAU. Tu aimes tellement la libert intrieure de L. que tu veux lavoir constamment prs de toi.Mais si tu lenfermes, si tu lenchanes, elle va se transformer. Tu vas la voir censure, contrarie, oblige,culpabilise. Ce sera triste, tu ne laimeras plus. Tu ne peux pas te nourrir de la libert de quelquune ou de

    quelquun en lemprisonnant, a ne marche pas, sa libert meurt.

    LE VENTRE. Alors comment faire pour garder L. et sa libert la fois ?

    LE CERVEAU. Ne pas chercher garder L.

    LE VENTRE. At tends, attends, faisons le point . Je veux garder la fois la prsence de L., la fois son dsir , la fois sa libert. Le couple a marche pas. Faire de la sduction permanente a me stresse trop. Il doit bien yavoir une solution. Il faut que jarrive faire en sorte que les sentiments de L. nvoluent pas. Il faut que jar-rive susciter assez damour en L. pour quelle soit toujours avec moi, pour quelle en ait tout le temps envie,spontanment. Comment faire ?

    LE CERVEAU. Tu aimerais crer un dsir durable pour toi en L. Mais tu ne peux pas ! Tu-ne-peux-pas ! Et

    mme si tu le pouvais, ce serait triste, tu laurais manipule. Accepte que les choses ne tappartiennent pas,

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    lche prise l-dessus, tu verras combien ce sera librateur.

    LE VENTRE. Comment on fait ? Comment je ferai quand japprendrai que L. est avec un autre en mmetemps quavec nous ?Je vais crever de douleur !

    LE CERVEAU. Tu laccepteras. Cest a qui est intressant ! Cest dapprendre respecter lautre, sa libert,

    lvolution de ses sentiments.

    LE VENTRE. Non ! Je pourrai pas ! Quand japprendrai quelle nous trompe, a voudra dire quelle nest pascompltement tourne vers moi, ce sera trop dur accepter !

    LE CERVEAU. Tu apprendras tre plus indpendant. Tu apprendras te donner toi-mme de la scuritet de la confiance en toi. Tu apprendras rgler tes problmes dego, tu apprendras les rgler la racine.Cela ne sert rien dutiliser une amoureuse ou un amoureux comme substitut pour soigner des problmesdego. Cest fasciste et vain. Un ego dmesur, assoiff, nest jamais rassasi, pas mme dans un amour par-fait : il se pose toujours des doutes. Les problmes dego relvent de dispositions internes et pas externes, ilstouchent des questions dattitude personnelle, dapprhension du monde. Ce sont ces questions internesque tu apprendras rsoudre.

    LE VENTRE. Je limaginerai, en train de prendre son pied avec un autre mec, toute sour iante, toute riante,toute lgre, alors que moi je serai en train de souffrir comme un boeuf de son absence Cest ce dcalagequi sera injuste. Je souffr irai parce que lautre sera pas l, et lautre non seulement sen tapera, mais se ferabien plaisir. Ce sera comme souffrir dans le vide.

    LE CERVEAU. Aux moments o L. est loin, a te rassurerait de savoir quelle souffr e autant que toi de no-tre absence mutuelle.

    LE VENTRE. Aux moments o L. est loin, ou plutt quand elle revient, je prfre quelle dise quelle a souf-fert de notre absence, mme si cest pas vrai.

    LE CERVEAU. Tu prfres lillusion la ralit. Comment peut-on fonder une relation sur des illusions ?Pourquoi ?Mentir pour sauvegarder un confort intrieurQue vais-je faire de toi, Ventre ? Moi je prfre lavrit au confort. Je prfre lauthenticit, louverture, plutt que ces bulles tendres mais opaques quon seconstruit pour se faciliter le monde. Il ne faut pas se faciliter le monde, il faut le comprendre, le vivre fond. Ilne faut pas tre comme ces gens qui se cachent la misre de leur vie et qui continuent pourtant mener desvies toutes ternes. Il faut toucher des choses profondes. Les profondes douleurs valent mieux que les satis-factions factices et superficielles. Comment peut-on changer quoi que ce soit, comment peut-on progresserdune quelconque manire, si on avance avec des mensonges ? Les douleurs profondes nous font avancer. Ilvaut mieux t ravailler sur ta jalousie plutt quau faonnage dun environnement faussement confortable, il vautmieux travailler sur la racine du mal.

    LE VENTRE. Mais cest moi qui la vis la douleur ! Tyran ! Moi je souffre, et tu comprends mme pas ce quecest ! Despote ! Dictateur ! Hmisphre ! Bourreau !

    LE CERVEAU. Du calme. Essaye de comprendre ce que je te dis.

    LE VENTRE. Comprends ce que je sens ! Quand on lui dira quon veut la voir, par exemple, et quelle diracomme a tout cru qu ce moment prcis, elle veut pas de nous, elle a quelquun dautre frquenter, je vaistrop souffrir !

    LE CERVEAU. Tu laccepteras. Il faut arr iver vivre davantage dans le prsent. Dcrocher de limage omni-prsente de L.. Russir se concentrer sur ce que nous vivons mme quand elle nest pas l, tout en gardantlimmense satisfaction de la voir quand daventure elle nous accorde un moment.

    LE VENTRE. Et comment je ferai, Cerveau, comment je ferai quand je verrai que son amour baisse ?Que sapassion passe ?

    LE CERVEAU. Tu laccepteras. Tu comprendras que tout a une fin, que tu dois la laisser partir. Toutes leschoses de la vie sont mouvantes et phmres. Lamour de L. pour nous finira bien un jour, comme notre vie.

    Tu dois accepter que les choses soient instables, fuyantes, incontrlables. Cest a la vie. Tu dois accepter la

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    libert de L.. Tu dois accepter de la perdre un jour, pour, qui sait, trouver quelquun-e dautre.

    LE VENTRE. Vieux con philosophe ! Avec tes sots discours, on arr ivera jamais rien, on abandonne la par-tie ds le coup denvoi. Il faut garder L., il faut essayer, il faut tout essayer, pour la garder au maximum ! Ti-magines, si on abandonne, et si on se rend compte aprs quon aurait pu gagner avec un tout petit peu def-forts ?Timagines, on sera passs ct de quelque chose de grand

    LE CERVEAU. Mais la voil, la complication ! Essayer par tous les moyens de trouver de quoi emprisonnerlautre ! Un comportement mesur, un masque porter. Quand il sagit demprisonner, tu en es bien capable,de mathmatiques ! Tu te rends compte des efforts que a demande ?

    LE VENTRE. Je prfre ces efforts au risque de perdre L.

    LE CERVEAU. Tu veux te compliquer la vie.

    LE VENTRE. Cest toi qui me compliques la vie ! Tiens, tu te souviens de ce que disait notre tante ?

    LE CERVEAU. Oui.

    LE VENTRE. Elle disait que la non-exclusivit, de toute faon, cest trs simple : a fonctionne que quand onnest pas amoureux. Et elle le dmontrait par a + b. Elle disait : prenons deux amoureux : ils nont pas besoinde non-exclusivit, parce quils ne pensent mme pas aller voir ailleurs. Ils veulent toujours tre lun aveclautre. Ca sert rien de se dire quon peut aller voir ailleurs quand on en a pas la moindre envie ! Bon. En-suite elle disait : prenons deux personnes peu amoureuses lune de lautre. Elles sont en non-exclusivit, spon-tanment, parce quelles aiment bien aller voir ailleurs, et quelles sen foutent si lautre fait pareil. Donc cesttout simple. Mais du coup il y a pas besoin de principes. Cest le degr du sentiment qui dcide tout seul de sila relation sera exclusive ou non. Donc voil, ne nous compliquons pas la vie avec L. ! Si on partage un granddsir, on formera un couple fusionnel.

    LE CERVEAU. Mais phmre.

    LE VENTRE. Si on partage un petit dsir , on formera une relation non-exclusive. Tout naturellement,comme les autres.

    LE CERVEAU. Et si nous ne partageons pas le mme dsir ? Si tu prouves plus damour quelle ?Exigeras-tu de la voir tout le temps, de former avec elle un couple fusionnel ?

    LE VENTRE. Non, bien sr. Ce ne serait pas gentil. Il faudra arrter compltement de la voir. Notre tantedisait : prenons un amoureux et un autre, peu amoureux. L, la non-exclusivit, cest tellement douloureuxque lhistoire damour se dpche de finir.

    LE CERVEAU. Parce quil y en a un-e qui narr ive pas supporter que lautre aille voir ailleurs. Et i l y ena un-e autre que la non-exclusivit arrange bien : il/elle vient voir lun-e quand il/elle veut, il/elle va voir les au-tres quand il/elle veut, et le principe de non-exclusivit lui donne tous les droits. Cest limite si ce nest pasune arme idologique pour se librer de lautre quand il/elle veut, pour ne pas le/la prendre en compte quandil/elle souffre.

    LE VENTRE. Cest exactement ce quelle disait.

    LE CERVEAU. Mais cest l o tu te compliques la vie. Pourquoi vouloir tout prix interrompre la relationau cas o lamour de L. serait plus faible que le tien ?Si L. accepte la non-exclusivit , si elle est prte te don-ner un peu de tendresse de temps en temps, pourquoi tre maso ?Pourquoi refuser ?

    LE VENTRE. Parce que. Parce que cest dur. Cest dur dtre pendu quelquune, dattendre ses coups defil, dtr e sa marionnette, dtre si petit , dtre toujours en train de penser elle et de se languir de son ab-sence. De sentir que lautre est pas fond amoureux de moi. Ma situation sera bancale, inconfortable. Il fau-dra en finir.

    LE CERVEAU. Le sentiment amoureux mrite-t-il de tels sacrifices, de tels abandons grandiloquents ?Nes-

    tu pas en train de lui donner un poids gigantesque ?Nest -il pas un tigre de papier ? Ne peut-on pas travailler

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    dessus, le modifier ?

    LE VENTRE. Il est trop fort ! Il est trop grand ! Il est trop dur !

    LE CERVEAU. Tout--lheure tu disais quil tait beau, l tu admets quil ne lest pas tant que a. Au boutdun moment tu ne pourras plus supporter la douleur. Tu en auras marre dtre sans cesse concentr sur

    cette fille. Et voil le fond du problme : il faut cesser dtre dpendant. Cesser dtre dpendant de lamourdune ou dun autre.

    LE VENTRE. Sortir dune relation de dpendance.

    LE CERVEAU. Oui, mais pas dans nimporte quel sens ! Toi, tu penses ventuellement nous librer de lapersonne qui te rend dpendante, moi je veux nous librer de la dpendance elle-mme ! Gardons notre rela-tion avec L.. Mais librons-nous dune dpendance qui est un problme de fond, et qui se manifestera nou-veau ds la prochaine relation avec la prochaine personne, quelle quelle soit.

    Act e IIAc t e II Plusieurs semaines plus tard.

    LE VENTRE. L. est partie !

    LE CERVEAU. Elle navait pas besoin de partir. Nous tions en non-exclusivit. Personne ne lempchait departir.

    LE VENTRE. Sauf que l, elle reviendra plus ! Elle veut plus de nous ! Exclusivement ou pas, elle sen fout !

    Elle est partie !

    LE CERVEAU. Il faut laccepter. Elle est libre.

    LE VENTRE. AAAAAAAh ! Jai mal ! Jai maaaaaal ! Jai mAAAAAAAAAl !

    LE CERVEAU. Arrte ton cinma.

    LE VENTRE. Elle a dit que nous tions trop compliqus !

    LE CERVEAU. Tu laimais trop.

    LE VENTRE. Elle a dit que tu tais trop loin de moi !

    LE CERVEAU. Elle voulait dire que tu tais trop loin de moi.

    LE VENTRE. AAAAAAAAAH !

    LE CERVEAU. Arrte tes caprices. Tu peux ne pas avoir mal.

    LE VENTRE. Jai t rop mal !

    LE CERVEAU. Tu te laisses avoir mal. Tu peux choisir de ne pas avoir mal. Tu nas pas mal.

    LE VENTRE. Jai t rop mal !

    LE CERVEAU. Tu nas pas mal.

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    LE VENTRE. Jai t rop mal jai t rop mal jai t rop maaaaaaaaaaal ! Ecoute-moi, merde ! Ecoute-moi ! Ecoutecomme jai mal !

    LE CERVEAU. Arrte davoir mal !

    LE VENTRE. Mais je peux pas ! Dis-moi comment faire !

    LE CERVEAU. Euh Calme-toi. Pense dautres choses. Ou plutt non comprends pourquoi tu as mal.

    LE VENTRE. Jai mal parce quelle est plus l !

    LE CERVEAU. Mais attends, comprends mieux, va plus loin, pense Freud, linconscient, lenfance, dipe,labandon

    LE VENTRE. Elle est partiiiiiiiiiiiiiie !

    LE CERVEAU. Enfin, mais tiens-toi tranquille ! Comment veux-tu que je me concentre si tu cries commea ?Alors, Freud Ou plutt Reich Attends

    LE VENTRE. Ecoute ! Entends ! Jai mal ! Jai mal l et aussi l, droite gauche, en haut en bas, en lignes eten pointes, en noir et blanc, a tord et a coince, a hurle et a grince, jai maaaaaaaaaaaaaaal ! Partout, departout j ai archi-mal ! Jai ult ra-mal !

    LE CERVEAU. Sapristi, mais tu as vraiment mal ma parole.

    LE VENTRE. Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

    LE CERVEAU. Calme-toi. Noublie pas quune seule voyelle suffit. Dis donc, tu me fais peur. Pourquoi tasmal comme a, cest fou !

    LE VENTRE. Parce quelle est partiiiiiiiiiiiie !

    LE CERVEAU. Non mais a je sais, jai compris. Mais comment a se fait que tu aies si mal ?On dirait que jai compltement chou dans ma tche de rducation. Jtais sr davoir bien travaill sur le sentimentamoureux, la possessivit , la dpendance. Je pensais que tu tais devenu moins dpendant, que la non-exclusivit, petit petit, a commenait rentrer.

    LE VENTRE. Tu penses comme un fou mais tu mcoutes jamais !

    LE CERVEAU. Cest faux. Je tai toujours demand o et comment tu avais du plaisir et de la douleur. Parcontre l tu me surprends. Tu as trs mal.

    (le ventre hurle)

    LE CERVEAU. Tu as vraiment trs mal.

    (le ventre hurle)

    LE CERVEAU. Et je ne sais mme pas comment te soigner.

    (le ventre hurle)

    LE CERVEAU. Jai beau te dire plein de choses justes, a change rien. Tas toujours aussi mal.

    (le ventre hurle)

    LE CERVEAU. Mais enfin, Ventre Pourquoi tu mchappes autant ?Tu es ma crature, Ventre. Ne loubliejamais. Cest moi qui tai form. Quand nous tions petits, cest moi qui tenseignais tes motions, malgr moi.Cest par moi que passaient les normes sociales, celles qui maintenant te font souffrir. Cest moi qui te les ap-

    prenais. Souviens-toi. Cest moi qui tai appris cette idiotie romantique de la princesse charmante. Malgr moi.Cest moi qui tai berc de chansons gnangnans. I love you forever , you love him and no-one else ,

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    Jtais trop jeune pour men empcher, toute la socit te modelait travers moi. Tes motions ne sont pasnaturelles. Elles sont culturelles.

    (le ventre hurle)

    LE CERVEAU. Comment se fait -il que la culture finisse par nous imprgner jusque dans les tr ipes ?Jusque

    dans le fond de nos douleurs les plus atroces ?Comment fait-elle ?

    (le ventre hurle)

    LE CERVEAU. Cest trop injuste. Pourquoi suis-je incapable de te modeler maintenant comme je lai faitdans not re enfance ?Jaimerais te dmodeler. Te librer de souffrances culturelles absurdes et inutiles.

    LE VENTRE. Mais comment tu fais dire que ma souffrance est culturelle ?Elle est trop l pour tre cultu-relle !

    LE CERVEAU. Cest a qui est dingue.

    LE VENTRE. Ma souffrance nest pas culturelle ! Tout le monde souffre !

    LE CERVEAU. Tout le monde souffre, mais pas pour le mmes motifs. Cest la culture qui choisit ce qui tefera souffrir. Aprs, quand tu souffres, tu souffres, daccord. Mais quest-ce qui te fait souffrir ?

    LE VENTRE. Son absence. La fin de ma histoire. La fin.

    LE CERVEAU. Tu comprends ce que je veux dire ?Toute fin, tout changement, a des bons et des mauvaiscts. Notre culture donne du poids aux uns ou aux autres. Par exemple, une personne qui perd son travail.Si sa culture lui a appris que le travail tait le seul moyen pour sa vie davoir du sens, elle va souffrir mort. Sielle sest libre de la culture du travail, par contre, elle pourra voir le chmage dun trs bon oeil. Tu vois ?

    LE VENTRE. Non.

    LE CERVEAU. Mais si. Il y en a qui souffr ent quand un-e proche leur annonce quille est homosexuel-le. Il yen a qui souffrent vraiment quand on leur annonce que leur quipe de foot prfre a perdu la finale. Il y en aqui croient tellement fort la sorcellerie qu partir du moment o on leur annonce quilles sont ensorcels,illes crvent en trois jours. Toi tu crois tellement fort la princesse charmante, lhorreur de se retrouvernon-possesseur et non-possd, tu crois tellement dans le couple comme vecteur de solidit, de scurit, dereconnaissance, que quand on tannonce que nous devenons clibataires, tu teffondres. Alors quau bout ducompte, notre vie ne va pas changer si fort. Tu ten rendras compte dans quelques semaines. Tu te diras, maiscest fou, pourquoi jai tant souffert ?Tu ne te reconnatras plus quand tu te souviendras de ce moment-ci. Tune comprendras plus lintrt de souffrir autant.

    LE VENTRE. Jen sais rien.

    LE CERVEAU. Quest-ce qui compte dans la vie ? Une quipe de foot ? Un diplme, un emploi ?Une amoureuse, un amoureux ?Tu sais bien que tout cela est relatif. Il y a des choses qui comptaient pour toi

    jadis et qui maintenant ne te font plus rien.

    LE VENTRE. Je comprends rien ! Tu parles pas ma langue ! Explique-moi pourquoi elle est part ie !

    LE CERVEAU. Elle a dit quelle nous trouvait trop compliqus.

    LE VENTRE. Elle a dit que tu tais trop compliqu ! Que tu voulais tellement tre non-exclusif et non-oppressant que tu finissais par plus tre l du tout ! Que tavais tellement peur de loppresser que tu ne latouchais plus !

    LE CERVEAU. Elle a dit a.

    LE VENTRE. Elle a dit que tu faisais trop gaffe la respecter ! Que tu exagrais ! Quelle tait capable de se

    dfendre mais que toi tu lui enlevais mme cette possibilit ! Que ttais proccup de son bien avant mme

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    quelle en exprime le besoin ! Que ctait hyper paternaliste !

    LE CERVEAU. Elle voulait dire autre chose.

    LE VENTRE. Elle a dit que tu me billonnais ! Que tu me cachais ! Que tu me faisais violence ! Que tu na-vais que de la thorie dans les yeux ! Que tu ne me laissais pas exprimer un gramme damour !

    LE CERVEAU. Javais peur que cet amour loppr ime

    LE VENTRE. Du coup elle nen sentait plus rien ! Que ta peur ! Que tes calculs, tes complications ! Elle a ditque nous tions quelquun dhyper-crbral ! Tu as entendu a ? Tu prends trop de place ! Tu ne me laissespas en placer une !

    LE CERVEAU. Oui, il parat que nous raisonnons tr op. Pourquoi je raisonne ?Parce que jessaye de com-prendre ce qui se passe en nous, jessaye dtre conscient, et de nous faire voluer. Jai du mal saisir cettecritique du raisonnement de la part de L., je la croyais convaincue, autant que moi, de la ncessit dun travailsur soi, avant mme tout travail militant.

    LE VENTRE. Mais tu sais bien ce quelle supporte pas. Les gens glacs, tout dans la tte et r ien dans le cur.

    LE CERVEAU. Je laimais trop pour te laisser rpandre ton amour pour elle.

    LE VENTRE. Et du coup il ne pourra plus jamais se rpandre ! Tu laimais trop pour me laisser laimer ! Et ala fatigue ! Ton amour a pu sexprimer, juste lui, cet amour intellectuel, cette morale, cette thique ! Lemien, tu ten fous, tu laimes pas !

    LE CERVEAU. Jtais en train de t apprendre Je ne suis pas contre un amour ventral Enfin je crois Jaijuste limpression quil peut tre plus fin Et que jtais en train de le transformer

    LE VENTRE. Je te plais pas comme je suis ! Tu me trouve gros !

    LE CERVEAU. Pas gros disons, lourd

    LE VENTRE. Eh bien il fallait me transformer plus vite. Elle sest fatigue de tes exprimentations. Elle enavait marre dattendre. Elle est partie.

    LE CERVEAU. Cest injuste.

    LE VENTRE. Cest trop injuuuuuuuuuuste !

    LE CERVEAU. Je pensais bien fair e.

    LE VENTRE. Tu penses toujours bien faire ! Tu penses toujours bien penser ! Tu penses toujours qu pen-ser ! Toujours des principes, de la morale ! Comme les cathos ! Tes quun catho ! Cest a, comment a sap-pelle, l, ton acharnisme

    LE CERVEAU. Anarchisme.

    LE VENTRE. Cest quoi, cest une secte catholique ? Hein ? Avoue. Comme pour les cathos, tout ce quivient du ventre, cest mal, il faut y rprimer ! Toujours les sept pchs capitaux, pouvoir, gosme, sexisme,gisme, avidit, scurit, exclusivit, et ainsi de suite ! Tu veux quon soit un ange, tout doux, tout parfait ! Tuveux quon fonde un monastre ! Tu veux ma mort !

    LE CERVEAU. Ah non, a non, non, non, non non non, je ne te permets pas, et mme, je tinterdis ! Moi,catho ! Non. Cest vrai que jai des principes. Mais jai aussi pour pr incipe de ne pas ttouffer, ventre, toi ettes sentiments.

    LE VENTRE. ALORS ?!

    LE CERVEAU. Cest juste que cest difficile. Tout un quilibre trouver. Dun ct tcouter, de lautre te

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    changer.

    LE VENTRE. Dis, Cerveau, tu maimes ?

    LE CERVEAU. Tu mennuies avec tes amours.

    LE VENTRE. Mais aime-moi ! Aime-moi ! On dirait que je suis pestifr ! Tu me fais pas confiance ! Tu mejuges sans arrt ! Tas peur de moi ! Tu me parles mme pas ! Tu me parles mme pas !

    LE CERVEAU. Ca fait 7 pages que je te parle.

    LE VENTRE. Jamais un mot doux ! Que des morales, des reproches, des mpris ! Tu me dtestes ! Et tu nelaisses mme pas L. maimer !

    LE CERVEAU. Quel cinma

    LE VENTRE. Tu me parles comme notre pre nous parlait !

    LE CERVEAU. Je taime mais je veux te changer.

    LE VENTRE. Aime-moi dabord, sinon tarriveras pas me changer.

    LE CERVEAU. Je suis peut-tre catho, mais toi tes en train de nous faire une espce de conclusion mystico-baba qui ne sonne pas mieux. Et moi je commence avoir mal.

    LE VENTRE. Mal ?

    LE CERVEAU. Oui, tout cela est fort complexe. Je suis fatigu, a tourne. Je me suis attaqu un problmedifficile. Je voudrais politiser nos relations amoureuses. Sauf que politiser cest par excellence mon do-maine, et nos relations amoureuses cest par excellence le tien. Cest pas comme si javais voulu polit isernos lectures, notre langage, notre consommation.

    LE VENTRE. Je suis partout, dans nos lectures, not re langage, notre consommation.

    LE CERVEAU. Oui, mais je ne sais pas, moins que dans nos relations amoureuses, jai limpression. L jaivraiment limpression dun conflit frontal. Entre toi et moi. Cest vraiment complexe. Une sorte dimpasse. Legenre de choses qui me fait mal.

    LE VENTRE. Zbkzwlmrr.

    LE CERVEAU. Mais tu as peut-tre raison Jaurais pu voir que je t imposais trop de choses la fois. Jtaistrop exigeant. Jaurais pu tr ouver des solutions un peu plus douces, plus progressives.

    LE VENTRE. Etre un peu doux avec moi.

    LE CERVEAU. Etre un peu doux avec toi Je nen sais rien Parfois je me dis que nous sommes des gros

    bourgeois et que nous ne nous demandons pas assez defforts.

    LE VENTRE. Ncoute pas les sacerdoces.

    LE CERVEAU. Faut-il museler nos penchants incorrects ? Peut-tre quaprs tout, a ne fait que les renfor-cer, en en faisant des monstres, en leur donnant un grand pouvoir. Peut-tre vaut-il mieux trouver le moyende les connatre, de les apprivoiser, et ainsi, de les faire lentement voluer ?

    LE VENTRE. Mais oui, cest a ! Je suis pas contre tes exprimentations, l, je veux bien changer. Seulement,il faut que tu me considres comme un alli. Pas comme un ennemi.

    LE CERVEAU. Par exemple, jaurais pu, sans demander L. dtre fidle, lui demander de ne pas nous rap-peler ses infidlits. De ne pas nous les raconter, de ne pas nous en parler, de ne pas les concrtiser sous nos

    yeux. Voil ce que jaurais d faire, en tout cas cette fois-ci, ce stade-ci de notre dconstruction. Dun ct,jaurais t en accord avec mes ides. De lautre, je taurais mnag.

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    LE VENTRE. Tu maurais respect, cout, au moins pris en considration.

    LE CERVEAU. Cest vrai que je tai un peu tout demand en mme temps, que jai t trop exigeant avectoi : je tai trait comme si ttais capable de tout dun coup. Comme les cathos, tu as raison, comme les ca-thos, qui se demandent la lune mais qui naboutissent aucune puret, juste de grosses frustrations. Tu nespas un surhomme ou un surventr e. Tu nes pas encore capable de garder les yeux sur une blessure conti-

    nuelle pour toi.

    LE VENTRE. Du moins, pas tout de suite dun coup. Mais petit petit si tu mhabitues

    LE CERVEAU. Si je thabitue ce que tu ny voies plus de blessure.

    LE VENTRE. Cest a, mais lentement, doucement. Il faut me comprendre.

    LE CERVEAU. Te comprendre, dans les trois sens du terme. Premirement, comprendre tes mots, lescouter assez pour en saisir le sens. Deuximement, comprendre tes ressentis : compatir. Et troisimement,te comprendre dans notre sphre, dans notre corps, dans notre cheminement, au lieu de ten rejeter, de tenbannir comme un pouilleux.

    LE VENTRE. Ouais. Mais dis donc il faudrait pas que tu te mettes parler ma place.

    LE CERVEAU. Cest ma manire de te comprendre, je te reformule pour tre sr davoir bien compris.

    LE VENTRE. Sauf que l tu fais pas que reformuler, tajoutes plein de notions trs savantes et jen sais troprien si cest ce que je veux dire vraiment.

    LE CERVEAU. Cest ma manire de participer au processus.

    LE VENTRE. Oui ben si on a dcid de saimer faut pas non plus quon saime nimporte comment, hein ?Non, parce que je te vois venir. Tu aimes bien aimer ta manire.

    LE CERVEAU. La dconstruction, un aller-retour permanent entre toi et moi Une dynamique trouverentre toi et moi Une finesse, une tension, une douceur ?Voil une morale de lhistoire qui me plat plus.

    LE VENTRE. Cest a ! Elle est belle, cette morale, elle est pleine despoir ! (il a des fleurs plein les yeux)Avancer ensemble, pas contre... On pourrait tre potes, Cerveau.

    LE CERVEAU. Attention, hein ! Ca veut pas dire que je fais des concessions sur mes thories.

    LE VENTRE. Tes thories resteront les mmes, tes objectifs resteront radicaux. Cest juste dans la manirede les atteindre. Tu me pitineras pas. Tu me donneras la main au lieu de me donner des coups de pied aucul.

    LE CERVEAU. Je serai plus raliste, aussi. Je navancerai rien si je te demande tout trop vite.

    LE VENTRE. On pourrait tre potes.

    (Le ventre envoie une tripe treindre le cortex. Cest beau.)

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    (Nous avons le plaisir de vous offrir un outil pratique, gratuit et relativement simple, pour le grand chantier intime etsocial de dconstruction de lAmour. Voici une lettre que vous pouvez photocopier et tendre aux personnes avec les-quelles vous dsirez changer plus daffection.)

    Et maintenant, une proposition btement formelle parce que je suis empot pour

    TUER L'AMOURcod tous ensemble. En s'aimant bien quand mme.

    ATTENDU :

    - Que la manire dont on fait circuler l'affection, en particulier l'affection physique, me paratvraiment trop contrainte par une srie de codes nases, chiants moyengeux et judo-

    chrtiens qui gnrent souvent les pires situations chiantes et/ou douloureuses.- Que je suis justement emptr dans cet hritage merdique et que je cherche dses-prment des moyens de m'en sortir, mais je vous prviens pour l'instant c'est pasterrible.- Que la rvolution affective mondiale commence par la rvolution affective indivi-duelle et inter-individuelle.

    - Que je vous trouve sduisant-e, tendre, calme, belle-beau, rigolo-te, classe, char-mant-e, incroyable, bizarre, etc.- Et que du coup j'ai envie de peut-tre m'asseoir cot de vous prs du pole, oupeut-tre de vous regarder dans les yeux, ou peut-tre de vous faire des bisous, oupeut-tre qu'on rie et qu'on joue grand-mre glace, ou peut-tre qu'on dorme en-semble, ou peut-tre qu'on fasse des choses qu'on noserait pas faire pour de mauvai-ses raisons.

    ALORS J'A I DECIDEd'en parler parce que trop souvent j'avais envie d'un peu ou de

    beaucoup d'affection de la part d'untel ou d'unetelle et j'en parlais pas parce que :- Je ne lae connaissais pas suffisamment alors j'osais pas.- C'tait pas assez fort ou a rpondait pas assez aux critres d'une vraie his-

    toire d'amour alors je pensais que c'tait pas la peine.

    - Ille avait dj une histoire d'amour alors je me disais que a allait foutre lamerde.

    - J'avais dj une histoire d'amour alors je me disais que a allait fout re lamerde.

    ALORSben voil j'en parle.

    MAIS AT TENT ION

    1 Cette lettre n'a rien voir avec une dclaration d'amour, c'est donc une pro-position d'changes affectifs qui peuvent tre vraiment trs diffrents en fonctionsdes moments, des individu-e-s a peut tre juste des envies de choses finale-ment trs anodines, ou si a tombe vous tes la star de mes fantasmes nocturnesenfivrs, on sait pas

    2 Quoi qu'il arrive, il ne faut surtout pas tre gn-e-s, a serait le pire deschecs honteux de la dmarche. ( la fois, si on est gn-e-s, c'est pas grave, enfin

    je veux dire il ne faudrait pas tre gn-e-s d'tre gn-e-s, parce que l on s'ensortira jamais.)3 ATTENTION!! ARG!! VIGILANCE!! L'affection c'est chouette mais l'Amour

    rde, et l'Amour, des fois, c'est un pige. Chouravons le bout de fromage et lais-sons la tapette se reclaquer dans le vide.

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