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12Le Fruit d’un Amour impossiblePartie 23Du même auteur aux Editions Sharon KenaDe feu et de Glace (tome 1 et 2)Les Raisons du Cœur (tome 1 et 2)Le Fruit d’un Amour Impossible (Partie 1)4Le Fruit d’un Amour impossible

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Partie 2Angie L. DERYCKERELES EDITIONS SHARON KENA5Tous droits réservés, y compris droit de reproduction totale ou partielle, sous toutes formes.©2013Les Editions Sharon Kenawww.leseditionssharonkena.comISBN : 978-2-36540-237-867« Il est des douleurs sans larmes, qui ne deviennent jamais douces, et dont le souvenir conserve

toujours son amertume et son horreur, car la mort nous frappe autre part que l'amour. »Alfred de Musset8Table des matièresPrécédemment dans la partie 1 p 11Chapitre 1 p 29Chapitre 2 p 47Chapitre 3 p 59Chapitre 4 p 73Chapitre 5 p 90Chapitre 6 p101Chapitre 7 p117Chapitre 8 p126Chapitre 9 p140Chapitre 10 p156Chapitre 11 p154

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Chapitre 12 p164Chapitre 13 p173Chapitre 14 p183Chapitre 15 p192Chapitre 16 p204Chapitre 17 p212Chapitre 18 p221Chapitre 19 p230Chapitre 20 p238Chapitre 21 p246Epilogue p254910Précédemment dans la première partie…WentVendredi… nous étions déjà arrivés en fin de semaine et la réception de Paul avait lieu le

lendemain.Je la redoutais… plus que tout…Je venais de rentrer du tournage, épuisé, et je me surpris à devenir de plus en plus agacé

d’entendre des cris incessants. Je fermai les yeux, tentant de garder mon calme alors que je rêvaispourtant de rester tranquille à la maison, dans un silence apaisant comme j'en avais toujours eul'habitude en rentrant chez moi après une journée harassante de tournage. Or, ce n’était plus le cas.

Déjà à mon arrivée, j’avais remarqué l’attitude éloignée de Jenna, les bavardages incessants de

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Maddy m’avaient littéralement donné la migraine.Et maintenant, elles se mettaient à se disputer toutes les deux !Un grognement d’agacement s’échappa de mes lèvres puis je me décidai à me lever du canapé pour

me rendre à l’étage voir ce qu’il se passait entre elles.Arrivé devant la porte de la salle de bain, je me stoppai, constatant que Maddy était dans le bain

alors que Jenna s’évertuait à la sortir de la baignoire. La petite n’était pas d’accord. Un léger sourirese dessina sur mes lèvres tandis que je restais derrière la porte.

– Je vais dire à papa que tu veux pas !– Ton père est en bas, laisse-le tranquille ! Maintenant tu sors de là, Maddy !– Non ! Je veux jouer encore un petit peu.– Je te promets que si tu ne sors pas tout de suite de la baignoire…– T’as pas le droit de faire du chantage, papa a dit que c’était pas bien !– Ne mêle pas ton père à tout ça, Maddy.Elle avait l’air vraiment énervé, il fallait intervenir. J’ouvris alors la porte et les fixai à tour de

rôle.11– Papa…– Ça suffit !Je ne savais pas ce qu'il lui prenait, mais elle venait de hurler sur notre fille qui se mit à pleurer.Hébété, je lançai un œil vers Jenna, mais celle-ci me foudroya du regard.– Oh, Maddy…– T’es méchante !– Oui… ne pleure pas…– Qu’est-ce qui te prend de lui crier dessus comme ça ?! claquai-je, furieux, en pénétrant dans la

pièce, voyant Maddy en pleurs. Viens là, ma puce, murmurai-je en enveloppant ma fille dans uneserviette avant de la prendre dans mes bras.

– Je… elle fait exprès de me provoquer, murmura Jenna d’une voix tremblante, à bout de nerfs.Je me tournai vers elle et la trouvai complètement perdue. Je soupirai puis secouai la tête avant de

sortir de la pièce, ne prenant pas la peine de lui répondre, du moins pas maintenant, pas en laprésence de Maddy.

– On va aller mettre ton pyjama, d’accord ? demandai-je à ma fille qui me sourit timidement avantde coller son visage dans mon cou.

JennaJe me retrouvai seule avec la culpabilité pour unique compagnie à l’épuisement que je ressentais.

Je m’installai sur le bord de la baignoire, prévoyant un malaise imminent, et je fermai les yeux avantde me mettre à sangloter silencieusement.

Qu’est-ce qui m’avait pris ?Je restais quelques minutes là à injurier mon traitement, cause de mon comportement lunatique,

d’après le médecin. Je tentai de me calmer, de reprendre mes esprits, tout en me demandant commentj’allais expliquer cette crise de nerfs à Went. Ce qui n’arrangerait pas le sentiment d’éloignement quej’éprouvais.

Depuis deux jours, je le trouvai si distant avec moi. Les moments intimes que nous avions étaientvite devenus inexistants ou presque.

La veille, il était rentré très tard, je dormais déjà. Oh bien sûr, je comprenais que son travail soitimportant, mais si j’avais imaginé que la 12

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vie de couple se résumait à de brefs aperçus comme nous le vivions en ce moment, je me demandaisi j’aurais accepté de le suivre, surtout que je restai consciente du peu de temps qu’il me restait.

Ce fut à cet instant que la conversation avec le médecin revint à mon esprit…J’y étais allée dans la journée et, déjà, dans la salle d’attente, j’avais pressenti que notre couple

n’était pas au meilleur de lui-même et j’avais pris le temps de tout analyser. Je n’avais jamais autantressenti ce manque de tendresse pourtant bien connu depuis que j’étais arrivée dans ce bas monde.

Bas monde… je devrais être heureuse pourtant.Ma fille était présente et nous étions réunis au côté de l’homme que j’aimais plus que tout depuis

toujours.Était-ce peut-être le problème ?Je secouai la tête nerveusement, persuadée que je me faisais des films aux doutes de mes propres

sentiments.Ne l’aurais-je pas trop mis sur un piédestal ?Depuis mon enfance, je l’avais toujours considéré comme mon plus grand héros.L’homme qui m’offrait de tendres sourires lorsque je n’avais plus le goût de vivre.L’homme qui s’interposait entre mon père et moi dans les moments de confrontation.L’homme avec qui je pouvais parler lorsqu’il revenait à New York.L’homme tout simplement, tendre et aimant, celui qui ne montrait aucun préjugé et vous ouvrait son

cœur et sa sympathie.Alors pourquoi ressentais-je ces sentiments contradictoires ?Peut-être que je l’idolâtrais un peu trop…Je ne devrais pas ressentir cela, mais je ne pouvais faire autrement…– Jenna ?J’avais sursauté à la voix du médecin tout en redressant la tête. Son regard compatissant avait

eu le don de me faire revenir à la réalité.– Oh, bonjour Docteur, je…– Entrez.J’avais souri timidement, perplexe d’avoir été prise en flagrant délit de remise en question.13Rapidement, je l’avais suivi dans le cabinet et m’étais installée sur la chaise qu’il m’avait

désignée d’un signe de main. Toujours silencieux, ce qui ne présageait rien de bon, le DocteurHart s’était installé derrière son bureau avant d’ouvrir mon dossier médical. Je l’avais observésilencieusement, sentant l’angoisse me paralyser petit à petit. Les traits de son visage étaient durset soupçonneux, ce qui me laissait penser qu’il devenait de plus en plus inquiet au fil de salecture.

Les quelques secondes qui passaient m’avaient paru des minutes...des heures lentes et désagréablement angoissantes.– Hum… Jenna, comment vous sentez-vous en ce moment ?D’abord surprise par sa question, je l’avais considéré quelques secondes avant de hausser les

épaules.– Je dirais que je me sens angoissée…– Oui, je comprends, mais je vous parlais de ces derniers jours depuis que nous nous sommes

vus ?– Oh… eh bien… j’ai… je ne sais pas. Il y a des jours où je me sens épuisée et puis…– Un regain d’énergie ?

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J’avais acquiescé de la tête. C’était tout à fait ce que je ressentais.– Je vois…– Quel rapport avec ma maladie ?– Oh, tout est lié. Je vous expliquais que votre traitement pouvait jouer sur votre corps.– Je… oui, mais je m’emporte pour un rien ou alors…– Les symptômes d’une femme enceinte…– Quoi ? ! avais-je hurlé en écarquillant les yeux, stupéfaite.– Je vous rassure, vous n’êtes pas enceinte, Jenna. C’était indélicat de ma part de faire cette

comparaison, mais le traitement que vous avez provoque les mêmes symptômes…– OK… OK, je vois. Je ne suis pas enceinte, avais-je répété en soupirant de soulagement alors

qu’un pincement étrange m’étreignait la poitrine.– J’ai… vos résultats, Jenna.J’avais fermé les yeux, consciente que la voix du médecin s’attendrissait de compassion.– Je suis désolé, Jenna, mais vos résultats démontrent une progression accrue…14– Non, s’il vous plaît… avais-je murmuré en secouant la tête, prête à lui demander ce que je

voulais savoir. Combien de temps, docteur ? Il me reste combien de temps ?J’avais gardé mon regard sur lui, étonnée que ma vue ne se voila pas de larmes que je sentais

pourtant m’envelopper de l’intérieur.– Je… six mois, un an. Je suis sincèrement désolé, Jenna.J’avais à nouveau fermé les yeux afin de trouver les forces nécessaires pour lui faire face. Pour

faire face à la dure réalité qui me frappait… qui me poussait dans une colère, une haine profondeque je laissais enfermée en moi malgré l’envie de hurler… de crier ma douleur, mon refus departir ainsi.

– Jenna, j’ai pris rendez-vous avec le Docteur James. Il faut que vous alliez le voir, c’estimportant.

– Je n’ai pas besoin de psychologue, Docteur !– Jenna… il faut que vous mettiez votre famille au courant de votre maladie. Ils ont le droit de

savoir.– J’ai le droit de les épargner. Comment pourrais-je apprendre à ma fille de quatre ans que sa

mère va la laisser ? Comment lui dire que je l’abandonne ? Elle a besoin de moi… je ne peuxpas… je ne peux pas lui infliger cela.

– Vous serez bien obligée de la préparer, Jenna. Il le faut, vous devez le faire.– Non… c’est trop dur… avais-je murmuré dans un souffle alors qu’une larme s’échappait de

ma paupière, imaginant l’instant où je devrais apprendre à mon bébé que j’allais l’abandonner.– Jenna… je ne voudrais pas me montrer insistant, mais j’ai vu beaucoup de patients qui

réagissaient comme vous…– Nous en avons déjà parlé, Docteur.– Le Docteur James pourrait vous aider. Si vous n’êtes pas prête à en parler à vos proches, je

vous demande au moins de vous rendre à ce rendez-vous, s’il vous plaît.J’avais baissé le regard vers le carton qu’il me plaçait dans la paume de la main.Samedi, dix heures...J’avais rangé le carton de rendez-vous dans la poche de mon jean avant d’attraper mon sac à

main et de lui tourner le dos. Alors que 15j’allais partir sans un mot, trop bouleversée par ces quelques minutes, le médecin m’avait

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retenue.– Jenna ! Allez-y… Wentworth est un patient de mon confrère et…J’avais ouvert la bouche, hébétée d’abord avant que mon corps fût parcouru d’une vague de

colère abrupte. Je lui avais alors fait face. Mon regard s’était soudain asséché, les poings fermés,je tentais de stopper les tremblements de mes doigts en les serrant à l’intérieur de mes mains.

– Vous n’avez pas le droit !– Je ne le ferai pas, mais sachez que si Wentworth venait à savoir que vous êtes ma patiente, je

ne pourrais lui mentir si…– Je vous attaquerai en justice ! avais-je répliqué, affolée intérieurement.– Jenna…– Docteur Hart… je ne suis pas prête à lui en parler. Pas maintenant.J’ai besoin de savoir, de me sentir rassurée à propos de Maddy… je ne veux pas partir loin

d’elle en sachant qu’elle sera malheureuse.– C’est une excuse et vous le savez, Jenna. Il est temps de vous préparer à le leur annoncer. Il le

faut. Pour leur bien, pour le vôtre, ils doivent savoir.Toutes ces pensées, doutes et questions qui hantèrent mon esprit, je les balayais très vite en

entendant les pas de Went approcher.Je me relevai et passai de l’eau fraîche sur mon visage afin d’effacer mes larmes. La porte s’ouvrit

au moment où je m’épongeais à l’aide d’une serviette. Je n’osais pas me tourner dans sa direction, depeur d’affronter la colère que j’avais aperçue tout à l’heure dans son regard. Je ne voulais pas medisputer avec lui, surtout pour l’éducation de notre fille que j’avais pourtant assumée seule cesdernières années.

Il entra dans la pièce et resta silencieux quelques secondes tandis qu’il m’observait.– Tu vas me dire ce qu'il se passe ?– Rien… répondis-je en fermant les yeux, essayant de manière désespérée de faire passer le

malaise.– Ne mens pas, Jenna. Je vois bien que tu es fatiguée et qu’un rien te met hors de toi ! Qu’est-ce qui

t’arrive ?– Elle me provoquait, c’est tout… Je suis épuisée, tu as raison. Je vais aller m’allonger un peu, lui

dis-je en essayant de m’écarter vivement.16Mais il ne me laissa pas faire. D’un mouvement vif, il m’attira contre lui avant de me serrer dans

ses bras.– Jenna…– Arrête, fiche-moi la paix, s’il te plaît, lançai-je en essayant de me libérer de son étreinte.– Mais qu’est-ce que tu as, bon sang ?! s’écria-t-il, furieux à son tour.Je me faufilai très vite hors de ses bras et gagnai la porte d’un pas vif.Je ne me voyais pas lui dire maintenant, ni lui avouer tous les doutes que j’avais en tête, dans mon

cœur. Je ne me voyais pas lui raconter qu’il avait fait une erreur, que nous avions fait l’erreurd’essayer de vivre une vie de couple.

Il me dirait que je jetais trop facilement l’éponge… Et il n’aurait pas tort, sachant que cela nefaisait que deux petites semaines que nous vivions tous les deux avec notre enfant.

– Tu me fais quoi là ? Tu me fais la tête parce que je t’ai annoncé qu’on ne partirait pas voir tonfrère ce week-end ? Je t’ai dit que je devais aller à cette réception et…

– Non.

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– On ira le week-end prochain si tu veux.– Non, lâchai-je en le foudroyant du regard.– Bordel, Jenna, arrête ça, s’il te plaît, t’es plus une gamine !– En tout cas la gamine a réussi à élever ta fille pendant…– Oh ! Je te rappelle que si tu m’avais prévenu que j’avais une fille, je m’en serais occupé tout de

suite ! Pourquoi tu fais ça ? Qu’est-ce que je t’ai fait ?– Je veux juste me reposer cinq minutes, est-ce trop te demander ?l’interrogeai-je d’un ton dur en le foudroyant du regard avant de sentir mon cœur fondre dans la

culpabilité qui m’assaillait à la vue de son air blessé.– Mais… tu vas me dire ce que tu as à la fin ?– Laisse-moi.– Très bien ! Comme tu voudras ! cria-t-il en sortant de la salle de bain avant moi.17WentFurieux, je fus sur le point de descendre l’escalier lorsqu’elle me rattrapa par le bras.– Où vas-tu ?– Faire un tour, tu auras le temps de te reposer, répliquai-je d’une voix amère avant de filer au rez-

de-chaussée.– Went ?– Ne m’attends pas pour dîner.– Quoi ? ! Non, mais attends, tu ne vas pas partir à cause de ça !?– Je vais revenir, mais j’ai besoin… de prendre l’air.– Tu vas voir ta maîtresse, c’est ça ?Je ne répondis pas, trop offusqué d’entendre les paroles qu’elle venait de proférer. Je la regardai

seulement une brève seconde, peiné, et ne réfléchis pas davantage, j’attrapai mes clés sur la consoleet quittai la maison rapidement.

J’ignorais les raisons de mon comportement, mais j’avais besoin de fuir, de partir loin d’elle, depeur peut-être de prononcer des paroles que je regretterais. Je ne savais plus où j’en étais, tout çaétait tellement nouveau.

Je ne m’étais pas préparer pour vivre une situation pareille.Je venais de me garer sur le bas-côté. Voilà deux heures que j’avais quitté la maison, Jenna et

Maddy. Sans cesser de réfléchir à une solution à cette situation, je fixai l’horizon, la ville de LosAngeles plongée dans la tombée de la nuit.

Plusieurs lumières scintillaient un peu partout. Des lumières multicolores, les illuminations desboîtes de nuit branchées où la jet-set faisait la fête comme tous les vendredis. Je n’avais jamais étéattiré par ces endroits peuplés de personnalités excentriques qui aimaient se montrer en public,contrairement à mes acolytes. Je préférais et mettais toujours un point d’honneur à ne jamaism’exhiber ou discuter de ma vie privée avec des inconnus. Mais ce soir, toutes mes anciennesrésolutions tombaient.

J’avais besoin de parler, de me confier afin de trouver la meilleure solution. Bien que je ne me vispas m’accouder à un de ces bars et vider ce que j’avais sur le cœur au premier venu qui s’installeraità mes côtés, je remis le contact et repris ma route.

18Épuisé d’avoir conduis pratiquement toute la nuit, je n’avais qu’une hâte, me retrouver au fond de

mon lit et dormir. Mais en fermant la porte de la maison, tout revint dans ma tête. Les paroles et le

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comportement de Jenna revinrent dans mon cerveau comme une vague géante et dévastatrice.Durant ces longues heures à errer dans la ville et aux alentours de Los Angeles, j’avais pourtant

réussi à ne plus y penser, à refouler mes sentiments et la colère que j’éprouvais après notre violentedispute.

Secouant la tête pour m’ôter les dernières images passées aux côtés de Jenna, je montai à l’étageen soupirant doucement pour ne réveiller personne. Rapidement, j’ouvris la porte de la chambre deMaddy et un léger sourire se dessina sur mes lèvres en voyant mon petit ange qui dormaitpaisiblement, entouré de ses innombrables peluches. Je pris soin de refermer la porte sans bruit puisinspirai une bouffée d’oxygène pendant quelques secondes avant d’entrer dans la chambre où jeperçus instantanément le bruit de la respiration régulière de Jenna.

Délicatement, je m’installai sur le bord du lit et entrepris de me déshabiller lorsque je sentis unléger mouvement dans mon dos. Je stoppai mon geste aussitôt et patientai quelques secondes.

Rien ne se passa.Alors, rapidement je terminai de me dévêtir et m’allongeai sur le lit, prenant soin de ne pas toucher

Jenna, d’ailleurs, j’évitais que mon regard se tournât vers elle. Quelque chose me disait qu’elle nedormait pas et je n’avais pas envie de discuter pour le moment.

Tout ce que je désirais à cet instant était de dormir…– Papa… papa, faut te réveiller !!!– Hum… laisse-moi dormir, Maddy, grognai-je sans ouvrir les yeux, ayant grand besoin de profiter

du sommeil encore quelques instants.– Mais je veux que tu me conduises aux cours de peinture !– Pas maintenant, il fait encore noir.– Mais non, y’a plein de soleil et on est samedi, papa !Samedi ?Ce mot me sortit instantanément de ma léthargie. Vivement, je me redressai et ouvris de grands

yeux en direction du réveil sous le regard surpris de ma fille.– Merde ! lâchai-je en lisant sur l’écran digital qu’il était déjà plus de 19huit heures.– Hein ! T’as dit un gros mot !J’ouvris la bouche pour rétorquer et la refermai aussitôt à la mine horrifiée de ma petite fille qui

avait pris place dans le lit. Je levai les yeux d’un air exaspéré puis ne pus m’empêcher de retenir unsourire.

– Excuse-moi, mon trésor, fis-je en soupirant avant de la serrer dans mes bras quelques instants.Papa est très en retard… ta mère aurait pu me réveiller, grognai-je en sentant la colère monter enmoi.

– Pourquoi tu travailles aussi aujourd’hui ?– Euh… oui, j’ai encore quelques scènes à vérifier, ma chérie. Maman le savait, elle aurait dû me

réveiller !– Ben oui, mais elle m’a dit qu’elle voulait pas te réveiller, car t’es rentré tard hier. T’as été où,

papa ?– Maddy, soufflai-je en me frottant le visage rigoureusement.– Maman s’est inquiétée, tu sais.– Je…– C’est vrai que tu l’aimes plus, ma maman ?Stupéfait, je la fixai sans pouvoir émettre un son ou un geste pour la réconforter. Son petit air triste

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me déstabilisa profondément, déchirant davantage mon cœur.Fronçant les sourcils, je posai enfin la paume de ma main sur sa joue pour la rassurer.– Qui t’a raconté ça, ma puce ? demandai-je d’une voix douce.– Personne, mais… quand le papa de ma copine criait sur sa maman c’est parce qu’il l’aimait plus

et…– Hé, hé, doucement, mon ange… ce n’est pas parce que les papas et les mamans se disputent

qu’ils ne s’aiment plus, tu sais, l’arrêtai-je en la prenant sur mes genoux.– C’est vrai ?– Oui, ma puce, répondis-je en esquissant un sourire à la vue de ses grands yeux verts qui

s’ouvraient à la joie qu’elle éprouvait.– Ça veut dire que tu aimes encore maman ?Jenna20Je fermai les yeux et serrai les poings en entendant la question de Maddy. Non pas que je voulais

surprendre cette conversation, mais je venais voir ce qu’elle fabriquait alors que je lui avaisdemandé de se préparer pour l’école.

Derrière la porte, je comptais mentalement les secondes de silence qui s’écoulaient dans lachambre. Went mettait trop de temps à répondre à notre fille et l’angoisse, la panique et la peur de leperdre m’assaillirent.

– Bien sûr, mon ange.Je soupirai de soulagement en entendant sa réponse, bien que je ne fus pas totalement rassurée.Pourquoi avait-il mis aussi longtemps pour lui répondre ?J’avais tout gâché ou alors il était encore très en colère contre moi.Quelques secondes passèrent puis je me décidai à réagir et mettre un terme à cette situation.

J’ouvris la porte d’un geste vif et portai aussitôt mon regard sur Maddy qui se tourna vers moi engrimaçant.

– Maddy, va te préparer, s’il te plaît !– J’y vais.Je secouai la tête alors qu’elle sauta du lit avant de s’enfuir en courant de la pièce. La porte de la

salle de bain claqua rapidement, je profitai du bruit pour me détourner du regard pesant de Went etme mis à la recherche du tablier que j’avais acheté à Maddy pour les cours de peinture.

Je me souvins néanmoins aussitôt que je ne l’avais pas rangé ici, mais je fus incapable derebrousser chemin.

– Jenna…Les larmes commencèrent à se former dans mes pupilles en entendant son murmure. Je sentis sa

présence derrière mon dos et fus incapable de faire le moindre geste, comme s’il pouvait suspendretoutes mes facultés de coordination rien qu’à son approche.

Après quelques secondes de silence, un sanglot s’échappa de ma gorge et je me tournai au mêmemoment avant de me sentir attirer dans ses bras.

– Chut… Calme-toi, Jenna…– Je… suis désolée… Je ne voulais pas me disputer avec toi…murmurai-je en sanglotant tout en le serrant fortement contre moi.– Je sais… c’est passé… OK ?Il enveloppa mon visage entre ses mains et je perdis le fil pendant un instant. Mon regard évita le

sien, trop honteuse de mon comportement de 21

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la veille et des regrettables paroles que je lui avais jetées au visage. Puis, l’insistance de Went eutraison de moi. La douceur de ses mains contre ma peau m’apaisa et je relevai la tête, ancrant monregard à la profondeur de ses yeux océan.

– Je m’en veux tellement, Went… lui avouai-je en reniflant alors qu’il balayait mes larmes de sespouces.

– Moi aussi, je suis désolé, Jenna. Je n’aurais pas dû partir et j’aurais dû comprendre qu’il t’étaitdifficile de rester seule à la maison et…

– Non… secouai-je la tête à ses arguments. Ce n’est pas ça… je ne sais pas ce qu’il m’a pris,j’étais à bout de nerfs et… tu me manques et j’ai l’impression…

Je m’interrompis, affolée par les mots que je prononçais.– Tu as eu l’impression de quoi, ma puce ?– Je… je ne sais pas, mentis-je en haussant les épaules. Je suis désolée, mon cœur…– Ce n’est rien, viens là, me dit-il d’une voix douce en me serrant dans ses bras.Nous restâmes ainsi, dans les bras de l’un et l’autre, quelques minutes puis je m’écartai, consciente

qu’il allait être en retard.– Tu devrais te préparer, fis-je en lui souriant tendrement.– Je suis déjà bien en retard.– J’aurais dû te réveiller, désolée.– Oh, Paul ne va pas en faire tout un plat, ne t’en fais pas.– Tu es sûr ?– Hum… je ne suis jamais en retard, contrairement à tous les autres, me répondit-il en m’offrant un

large sourire. Je vais me préparer… je devrais pouvoir être rentré pour le déjeuner.– D’accord, répondis-je en hochant la tête.Je le vis hésiter un instant, ce qui me brisa le cœur, mais il m’embrassa tendrement quand notre

fille arriva.– Maman ? J’ai fini !Je me mis à rire contre la bouche de Went alors que nous allions approfondir ce baiser.– Bon, je vais prendre une douche rapide et pars travailler, lança Went.– Tu peux me faire des tresses, Man ?22Je hochai la tête sans prendre la peine de poser le regard sur Maddy qui venait de pénétrer dans la

pièce alors que Went était en train de la quitter.Frustrée, mais soulagée, je soupirai longuement avant de me baisser vers ma fille qui patientait, les

sourcils froncés.– T’es plus fâchée, dis ?– Fâchée ? Je n’étais pas fâchée…– Si, tu l’étais.Je pris sur moi pour ne pas rouler des yeux en sa présence devant l’insistance de ses propos et me

contentais de hausser les épaules avant de la soulever dans mes bras pour l’installer sur le bord dulit.

– Papa et moi on s’est juste disputés, ma chérie. Tout est rentré dans l’ordre maintenant.– Tu es sûre ?Sa question s’éleva dans ma tête comme un écho réfléchissant à mes propres doutes. Mais je ne

pouvais décevoir à nouveau ma fille. La voir triste me culpabiliserait davantage et je ne voulais enaucun cas être la responsable de ses larmes ou de son mal-être. Tout comme Went, d’ailleurs, il avait

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préféré répondre à ses questions pour ne pas la blesser ou du moins pour ne pas qu’elle se fasse dusouci quant à la relation de ses parents. Pourtant, j’étais presque certaine que quelque chose avaitchangé entre nous, mais je n’étais pas encore capable de comprendre de quoi il s’agissait.

La prise de conscience de nos réels sentiments ?Mes regrettables paroles auraient-elles eu un impact inévitable sur l’homme que j’aimais depuis

toujours ?Je ne savais plus, je ne voulais plus y penser. Pas maintenant du moins, pas tant que Maddy était à

mes côtés et me réclamait silencieusement de faire sa coiffure.Ce que je fis après avoir repris mes esprits.Après avoir emmené Maddy à l’école, je me rendis, comme il était convenu avec le Docteur Hart,

chez le psy sans grand enthousiasme.J’attendais depuis quelques minutes dans la salle d’attente vide et soupirais de lassitude. Mon

esprit s’évadait malgré moi vers la décision que j’avais prise.23Une fois que je me serais prêtée au jeu avec ce médecin, j’appellerai mon frère qui se ferait

certainement une joie de me retrouver pour quelques jours.– Jenna ?– Oui, c’est moi, répondis-je en me levant d’un bond avant de m’approcher de l’homme qui venait

de pénétrer dans la salle d’attente.– Docteur James, entrez, je vous prie.Je le remerciai d’un sourire léger et pénétrai, anxieuse, dans le bureau.Aussitôt, mon regard parcourut la pièce à la recherche d’un fauteuil où souvent les psys endorment

leurs patients. Ce bureau en était dépourvu, pour mon plus grand plaisir, mais cela me fit m’interrogersur le déroulement de ce rendez-vous que j’avais accepté à contrecœur.

Le Docteur James me présenta un siège, j’y retombai vivement et serrai mon sac contre moi. Jesavais que je devais paraître anxieuse, mais je ne pouvais m’empêcher de me poser des questions surcette entrevue et ce jeune médecin. D’ailleurs, il me paraissait beaucoup trop jeune pour s’occuperde patients en fin de vie.

Avait-il des dons d’apaisements ?Mes pensées s’interrompirent soudainement alors qu’un petit éclaircissement de gorge se fit

entendre.– Je suis content que vous soyez venue, Jenna…– Je n’ai pas eu le choix, claquai-je en le foudroyant du regard.Écoutez, si cela ne tenait qu’à moi je ne serais pas ici et… c’est vraiment une mauvaise idée, vous

savez. Je ne crois pas du tout qu’un psy pourrait m’aider…– Pourtant j’ai envie de vous aider.– Que vous ayez envie ou non m’importe peu.– Et pourquoi cela ?– Vous seriez capable de me donner encore une dizaine d’années à vivre ? lui demandai-je en

serrant les poings à la profonde colère qui venait de me submerger.– Je ne peux pas en effet, mais parler vous soulagerait.– À votre avis, ce n’est pas ce que j’étais en train de faire ? demandai-je d’un ton réprobateur.Il me considéra d’un air étrange et je commençais à éprouver de la gêne. Je baissai les yeux,

cédant à ce regard d’un vert étonnement clair, et secouai la tête pour me rafraîchir les idées.24

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– Je sais que le Docteur Hart s’inquiète… c’est normal, il est médecin, mais je vais bien, mis àpart cette condamnation.

– Vous leur avez parlé ?J’écarquillai les yeux. Stupéfaite, je restai là, immobile, alors que mon esprit se perdait dans ce

regard insistant.– Vous avez raison sur une chose, l’inquiétude du Docteur Hart, Jenna.Il s’inquiète comme tout médecin qui verrait que sa patiente refuse de l’aide auprès de ses proches.– Il est trop tôt.– J’ai lu votre dossier et, au contraire, il est plus que temps de leur apprendre votre maladie. Vos

examens sanguins sont de plus en plus inquiétants, Jenna.– Je ne peux pas… j’ai des choses à régler avant et…– Pour votre fille ? Maddy, c’est ça ?Pétrifiée, je hochai la tête.– Elle n’a que quatre ans… je peux comprendre ce que vous pensez, mais… elle doit être préparée

à…– Ma mort ? m’exclamai-je, horrifiée à cette pensée. Comment voulez-vous que je m’y prenne ?

Lorsqu’elle est dans son bain ?Lorsqu’elle est sur le point d’aller se coucher, j’arrête l’histoire que je lui lis et je lui dis : ah, au

fait, ma chérie, je ne te l’ai pas encore dit, mais tu devras bientôt vivre avec ton père, car je vaismourir ?! C’est comme ça que vous voulez que je lui apprenne ? Que je brise les moments qu’elleaime ! hurlai-je avant de me mettre à sangloter. Je suis désolée…

Je n’aurais pas dû m’emporter.Cette pensée tragique en imaginant le visage de Maddy se décomposer lorsque je lui apprendrais

ma mort proche m’était insupportable.À présent, j’étais en larmes et sanglotais, le corps tremblant. Je cachai mon visage entre mes

mains, redoutant le regard du médecin qui venait de me jeter la réalité en face, à nouveau.Alors que je tentai de me calmer, d’apaiser ces sanglots détestables qui me firent passer pour une

faible devant cet inconnu, je sentis une main se poser sur mes cheveux. Je reculai légèrement, refusantce contact avec cet homme horrible qui voulait du mal à mon enfant, à l’homme que j’aimais, maiscette main fut suivie d’une seconde puis mon cerveau refusa de m’obéir.

– Je vous déteste… murmurai-je, constatant qu’il s’était mis à genoux 25pour être à ma hauteur.– Je sais…Je ne fus alors plus capable de me reprendre, d’éviter de pleurer encore et encore, alors que cette

fois, ma tête vint se poser contre le torse de cet homme. Il me serra contre lui, ses mains parcourant lehaut de mon dos. Je fermai les yeux, continuant à pleurer avant de sentir une pointe de soulagementmonter peu à peu en moi…

Rosa venait de quitter la maison pour aujourd’hui. J’en profitai alors pour me reposer quelquesminutes, épuisée par ce flot d’émotions qu’Andrew m’avait obligée à traverser. Le Docteur Jamesétait quelqu’un de très gentil et ouvert. Je m’étais fait une fausse idée sur cet homme, mais jerepoussais toujours celle de consulter un psychologue.

En outre, il avait réussi à me faire parler sur la décision que j’avais prise pendant la nuit.Contrairement à ce que j’imaginais quant à sa réaction, il m’avait donné l’impression de lacomprendre. Il m’avait toutefois suggéré de revenir avant de me sentir trop fatiguée.

Je soupirai et me redressai sur mon lit. Il avait raison, je ne pouvais pas partir ainsi, laisser Maddy

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dans les jambes de Went alors qu’il était en plein tournage.Si Andrew ne m’avait pas ouvert les yeux, qu’en aurait-il été ?Ma fille et l’homme que j’aimais m’en auraient tellement voulu. Peut-être que ce fut cette unique raison qui me poussait à partir quelque temps.Oui, je voulais le mettre en colère après moi. Les abandonner serait plus facile pour tout le monde.– Arrête, Jenna, murmurai-je en secouant la tête, me focalisant sur l’accord passé avec mon

médecin.Je me levai puis inspirai profondément avant d’attraper le téléphone et de composer le numéro de

Sébastien.– Jenna ? Comment tu vas ? fit-il après un moment.– Tout va bien, mentis-je en fermant les yeux avant de les rouvrir et de prendre mon courage à deux

mains.– Tu es sûre ? Comment ça se passe à Los Angeles ?– Oh, tout va bien. Maddy adore l’école et Went est toujours pris par le tournage…– Vous me manquez beaucoup…– Justement, je t’appelais pour te demander si tu ne verrais pas 26d’inconvénient si… écoute, Séb…– Parle-moi ? Qu’est-ce que tu as ? Tu t’es disputé avec lui, c’est ça ?– Mais, non ! Arrête, Séb… Went est un amour, ce n’est pas de ça qu’il s’agit.– Dis-moi ce que c’est alors, tu commences à me faire peur.– J’ai besoin de prendre quelques jours pour réfléchir et… est-ce que tu veux bien…– Tu reviens avec la petite ?!– Ne t’emballe pas… murmurai-je en soupirant, comprenant son enthousiasme. Je viens seule,

Sébastien, c’est juste pour quelques jours.– Et Maddy ? Tu viens de me dire que Went est débordé avec le tournage ?– Oui, mais il s’arrangera, ne t’inquiète pas pour lui.Étonnée par la petite minute de silence qui suivit, je fermai les yeux et m’installai sur le bord du

lit, sentant la nausée m’envahir.– Mais si cela te dérange, je prendrai…– Qu’est-ce que tu racontes, Jenna ?! Je serai ravi de te revoir à la maison, sœurette.– Très bien… je… merci, Séb, lui dis-je, émue.– Jenna ?– Hum ?– Went n’est pas encore au courant, n’est-ce pas ? Tu sembles inquiète.– Je vais lui parler tout à l’heure, mais il n’y verra pas d’inconvénient, j’en suis certaine…. Et…

j’ai besoin de parler à Jim.– À Jim ? Pourquoi ça ?– Je te le dirai dès que je serai de retour, mais en attendant, je ne veux pas que tu en parles, s’il te

plaît ?– Je te le promets, mais ton comportement me surprend… tu me caches quelque chose…– Je te rappelle dès que j’ai mon billet d’avion, Séb. Il faut que je te laisse.– Jenna !– Quoi ? demandai-je en roulant des yeux pour ne pas laisser mes larmes de culpabilité s’échapper

de mes paupières.– Je t’aime…

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27Je retins un sanglot avant de fermer les paupières très fort pour que celui-ci ne s’échappât pas plus

loin que du fond de ma gorge. Mon cœur se serra douloureusement dans ma poitrine, mais je finis parreprendre le dessus pour ne pas l’inquiéter davantage.

– Je t’aime aussi, Séb, répondis-je d’une voix brisée par l’émotion avant de raccrocherrapidement...

281RIEN NE VA PLUS…Went– Non… non… non ! Je ne veux pas de ça, Went ! Je veux que tu la prennes par le visage avant et

puis vous continuez ! OK ?– OK, répondis-je en soupirant tout en fixant Sarah qui déglutissait péniblement.Paul était exigeant ce matin. Cet élan de passion qu’il voulait nous voir jouer n’était pourtant pas

écrit dans le script. Je soupirai à nouveau puis ancrai mon regard à celui de Sarah qui esquissait unléger sourire pour me rassurer. Je songeai alors à tout à l’heure, lorsque j’étais arrivé sur le site.

Nous avions parlé tous les deux et elle avait deviné que je n’allais pas bien. Il m’était impossiblede lui mentir, contredire cet état de fait alors que ma dispute avec Jenna, la veille, planait toujoursdans mon esprit.

Je lui avais tout expliqué et elle m’avait écouté, comme auparavant, elle avait pris le temps, le soinde me prêter une oreille attentive. Elle m’avait offert ce petit sourire, encore présent sur ses lèvres àcet instant, pour me rassurer.

– Prête ? murmurai-je, troublé en levant mes mains vers son visage.– Toujours.Je me tournai vers Paul et lui fis signe de la tête, lui signifiant que nous étions disposés.– Tout le monde est OK ? Allez ! Moteur !Je n’étais pas prêt à ce baiser improvisé et Sarah ne l’était pas non plus à en juger sa manière de

trembler.Je pouvais sentir les battements précipités de son cœur.Lentement, je caressai ses tempes du bout des doigts, parlant avec elle d’un simple regard avant de

m’approcher petit à petit de son corps qui s’aimanta au mien.29Un léger gémissement ou soupir de plaisir s’échappa de ses lèvres. J’y répondis sans avoir le

moindre contrôle sur mes capacités d’émettre mon émotion.Puis, après un dernier regard appuyé dans l’immensité de son regard chocolat, je penchai mon

visage vers le sien et appuyai mes lèvres contre les siennes.À ce contact, je fermai les paupières et savourai la douceur de ses lèvres tremblantes. Ses mains

vinrent effleurer ma chemise pour s’y accrocher enfin.Là, je ne répondis plus de rien… et me laissai aller à cette magie que je ressentais, du bonheur de

la serrer étroitement contre moi, dans mes bras où je sentais son corps se presser.Plus aucun bruit ne s’échappait du hangar… plus aucun chuchotement non plus et mon esprit prit

possession de cet espace que Sarah et moi occupions.Nous sentîmes les caméras qui s’approchaient alors que nos lèvres restaient immobiles, l’une

contre l’autre.Tandis qu’un caméraman se trouvait juste à quelques centimètres de nous, elle resserra son

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emprise sur ma chemise qui se froissa entre ses doigts. Je compris par ce geste son autorisation demettre encore plus de passion entre nous.

Ce que voulait Paul…Alors, lentement, je la sentis se détendre dans mes bras et j’en profitai pour appuyer un peu plus

encore mes lèvres contre les siennes.Tandis qu’un doute de rejet de sa part émergeait dans mon esprit, elle resserra son étreinte et mon

cœur s’emplit de soulagement, mais aussi de courage pour continuer cette passion débordante que jelui vouais.

Tendrement, je donnai un petit baiser sur sa bouche avant de l’embrasser fougueusement. Sarahavait les lèvres serrées l’une contre l’autre puis sous les miennes, elle s’abandonna, ôtant lesbarrières… les limites qu’elle avait fixées.

Un léger soupir de soulagement et de plaisir mêlé s’échappa de mes lèvres puis je laissai malangue caresser la sienne, savourant leur texture avant qu’elle m’accompagne dans ce baiser plusfougueux et passionnel que jamais.

30SarahUn léger soupir de plaisir monta en moi tandis que je tentais désespérément de le garder à

l’intérieur de ma gorge. Peine perdue lorsque sa langue vint s’immiscer lentement entre mes lèvres.Je résistai, quelques secondes seulement.

Tout cela était bien trop dur.Comment lui résister ?Comment résister à ce moment où nos deux cœurs battaient à l’unisson ? Où nos deux corps

tremblaient de désir l’un pour l’autre ?C’est alors qu’en enfouissant ce sentiment de culpabilité, je passai mes bras autour de son cou et

enroulai ma langue à la sienne. À ce contact, je me sentis défaillir.Ses bras me soutinrent, me supportèrent afin que je pusse profiter également de ce baiser

merveilleux que nous étions en train d’échanger.Nos langues ne se quittaient plus. Elles se mirent à tournoyer l’une autour de l’autre, nous

emportant dans un monde où plus rien n’existait à part cet amour que nous nous portionsmutuellement.

– Coupez ! Excellent, c’est parfait.Nous gémîmes, déçus quelque part que nous soyons dérangés alors que ce moment était attendu

depuis tellement longtemps. À contrecœur, nous nous écartâmes, nos regards désireux ancrés l’un àl’autre. Je me sentis perdre pied, paniquée, et je baissai la tête pour stopper de suite cet échangeentre nous qui perdurait malgré nos bouches séparées.

– Sarah…– Tout va bien, Went, répondis-je en soupirant lentement comme pour reprendre mon souffle avant

de me diriger à l’extérieur.Pourquoi m’étais-je éclipsée ainsi ?Je n’en savais rien, mais j’avais besoin de prendre l’air frais.Je venais de m’installer sur un banc dans la cour quand il arriva.– Sarah…J’esquissai un sourire tout en reculant légèrement pour lui laisser une place à mon côté.– Sarah…– Went… n’en parlons pas, s’il te plaît, chuchotai-je en baissant la tête.

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31Je compris par son regard qu’il était blessé, mais je ne devais pas entretenir ce sentiment d’espoir

qu’il avait.Non, je ne pouvais pas.– Paul est content de…– Je m’en doute, l’interrompis-je en laissant un léger rire s’échapper de mes lèvres.Je le sentis, tout comme moi, gêné par la situation, mais j’essayais de me contrôler, de me

reprendre en me disant que nous avions joué notre rôle d’acteurs. Ce fut bien ce que nous étionscensés faire. Paul voulait que nous donnions de la passion à notre couple de personnages. Sur cecoup-ci, il y en avait eu, cela ne faisait aucun doute.

– On devrait y retourner.– Non, Paul nous laisse tranquilles jusqu’à quatorze heures. Il doit visionner toutes les scènes avec

les autres, m’informa-t-il sans me lâcher du regard.– Oh… Tu es sûr qu’il n’a pas besoin de nous avant ? demandai-je en jetant un coup d’œil à ma

montre.– Oui. Certain.– Il n’est que dix heures, fis-je en inspirant profondément, lançant un regard vers le ciel dégagé de

cette matinée.J’évitai de poser mes yeux sur lui, sentant le courage de me tenir loin de lui s’amenuiser peu à peu.– Comme on a du temps… Tu… on pourrait aller quelque part pour manger, non ?– Tu m’invites à déjeuner ? Je ne sais pas si…– Sarah ? Je voudrais être quelques instants avec toi, s’il te plaît ? me demanda-t-il en rivant son

regard au mien.– D’accord, répondis-je sans le vouloir, certainement hypnotisée par l’intensité de ses yeux,

comme toujours.Ravi, il me sourit avant de se lever et de me tendre la main. Je la fixai un instant, hésitante.– Viens avec moi, Sarah, murmura-t-il en approchant sa main de la mienne avant de la saisir.Ce contact m’électrisa tout entière. Il me tira en avant et une fois sur pied, nos regards se soudèrent

dans nos iris emplis de désirs.Mais soudain, les bruits de personnes passant à quelques mètres de nous mirent fin à notre moment

intense. Nous nous sourîmes comme si 32nous regrettions tous les deux de ne pas être seuls au monde et nos mains se lâchèrent à contrecœur

.– Viens…– Alors, ça te plaît ?Je le regardai en riant légèrement et secouai la tête.Comment pourrait-il en être autrement ?Nous étions tous les deux dans une vaste prairie herbeuse, isolés de tout.– C’est parfait, et j’adore ces sandwichs !– Hum… et je t’ai pris ta tarte préférée, regarde ! me dit-il en sortant une tarte aux poires du sac.– Merci, fis-je en le poussant doucement d’un mouvement sur le côté.Je savais que je devrais adopter un comportement lointain avec lui, mais je n’y arrivais pas. Le

voir si heureux effaçait l’idée de me mettre à l’écart.Une heure auparavant, il s’était arrêté devant l’hypermarché, me demandant de rester dans la

voiture le temps qu’il achetât de quoi manger.

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Il ne m’avait rien dit sur ce qu’il avait en tête. Je pensais que nous irions manger quelque part,mais à la place, il avait acheté de quoi faire un pique-nique.

Je lui avais demandé pour quelles raisons nous n’étions pas dans un petit restaurant commeautrefois où nous avions l’habitude de nous rendre, mais sa réponse était plutôt sensée… il voulaitjuste que nous nous retrouvions seuls.

– J’espère que tu ne m’en veux pas de ne pas être au restaurant ?Perdue dans mes pensées, je le regardai d’un air incompréhensible et fronçai les sourcils. Il se mit

à rire.– Je te demandais juste si tu ne m’en voulais pas trop que je ne t’ai pas amenée chez Jen ?– Oh, bien sûr que non. Et puis, tu as raison, avec le tournage qui a repris, on n’aurait pas pu

manger en paix sans que des centaines de femmes nous dérangent pour avoir une photo de toi ou unautographe, répondis-je en soupirant de lassitude.

– C’est en partie pour ça, oui.– En partie ? répétai-je, posant le reste de mon repas sur l'herbe, imaginant quelles autres excuses

comportaient la deuxième partie.33– Sarah… m’appela-t-il à nouveau alors que je me perdais dans mes réflexions.Non, il ne devait rien dire.Je n’avais pas envie de parler de ce baiser ou de cette attirance irréversible qui s'exerçait sur nous

dès que nos regards se croisaient. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas stopper cette entente, ce cadremagnifique où nous étions tous les deux, isolés du reste du monde.

– Went… murmurai-je avant d’inspirer profondément pour tenter de le raisonner.Nos regards se croisèrent alors à cet instant. Je devrais tourner la tête, éviter ce regard intense qui

me bouleversait, mais j’en fus incapable. La culpabilité m’assaillit pourtant, mais mon cerveau nem’obéissait plus.

Seul, ce regard azur m’attirait, m’obsédait mystérieusement. Plus rien ne comptait autour de nous…plus rien n’existait à cet instant.

Jenna, Maddy, elles n’existaient plus.J’étais seule avec lui, l’homme que j’avais toujours aimé secrètement.Lentement, il leva sa main vers mon visage sans quitter mon regard brillant d’émotions. Il

comprenait et savait ce que j’éprouvais pour lui, je n’avais pas besoin de le lui dire, c’était inutile àprésent. Il était avec Jenna. Il avait un enfant avec cette jeune femme…

Je devrais l’empêcher, reculer avant que le contact de ses doigts m’embrasât, mais je n’avais plusla force ni l’énergie de combattre ce duel infernal intérieur.

Je fermai les yeux, bouleversée par son geste et la brûlure de ses doigts sur ma joue. Ma mainépousa la sienne instinctivement, prête à la repousser si son geste dérapait, mais mon pouce se mit àse mouvoir sur le dos de sa main, la caressant lentement.

Comblée par l’émotion, par l’infime espoir ancré dans mon cœur, une larme s’échappa de mapaupière.

Silencieusement, son pouce vint la cueillir.– Sarah…– Ne dis rien, murmurai-je d’une voix tremblante.Il se tût, mais m’attira contre lui, me serrant dans ses bras où je rêvais d’être depuis toujours.– Je suis tellement désolé, Sarah… murmura-t-il dans mon cou avant de me soulever afin de

m’installer sur lui.

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34Je ne répondis pas, bien trop hébétée de ne pas avoir anticipé ce geste.Nous étions assis l’un en face de l’autre, moi sur ses cuisses, les jambes derrière sa taille, alors

que nos visages n’étaient plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre.S’il savait à quel point je l’étais, désolée !Comment avais-je pu laisser ce temps nous détruire tous les deux ?Comment avais-je pu croire un seul instant qu’il serait présent lorsque j’en aurais terminé avec

mon mariage ?Pourquoi étais-je enfin libre alors qu’il n’était plus disponible à présent ?Je finis par nicher mon visage dans son cou, refusant de lire la culpabilité et l’amour qu’il me

portait dans son regard. Sa main passa dans mes cheveux, consolant sans doute mes pleurs qu’ilsentait sur sa peau.

Le silence était apaisant. Nous étions seuls, loin de tout… Il vint ensuite redresser mon visagequ’il prit tendrement dans le creux de ses mains.

– Sarah… s’il te plaît. Je vais lui parler… je ne peux pas continuer comme ça, Sarah… je…– Tu ne peux pas, Went ! m’écriai-je en essayant de me reculer, apeurée.Mais il refusa de me laisser faire. Son regard était décidé, je pouvais le deviner. Ce que je ne pus

deviner fut cette brusquerie qui suivit. Il m’attira vivement dans ses bras et ne me laissa aucuneéchappatoire en écrasant ses lèvres contre les miennes.

– Went…J’essayai de me débattre, de le repousser en appuyant mes poings sur son torse, mais le contact de

sa langue forçant le barrage de mes lèvres m’en dissuada.Je n’étais plus libre de penser, de réagir par mes propres moyens. Je pleurai silencieusement de la

dureté de ses lèvres contre les miennes, mais sa colère se dissipa néanmoins lorsque je n’eus plus laforce de le repousser.

Mes lèvres tremblantes cessèrent de résister. Elles s’ouvrirent légèrement, l’autorisant enfin àapprofondir son baiser.

Fiévreux, son corps se colla contre le mien et sa langue s’aventura enfin dans ma bouche. Je faisaisperdurer néanmoins mes efforts, ne faisant aucun geste, aucun mouvement pour l’encourager àcontinuer.

35Il cessa alors…Le souffle court, je le fixai, incrédule.Peu à peu, mon esprit chassa le brouillard dans lequel il s’était plongé suite à ce baiser presque

douloureux. J’aperçus une larme qui roula le long de sa joue d’une lenteur extrême.À présent, à cette vue, je me sentis coupable de ne pas lui avoir donné ce qu’il attendait tandis que

j’en avais autant envie et besoin que lui. Ce fut alors que l’amour que je lui portais devint plus fortque ma raison, laissant de côté cette petite voix intérieure qui me harcelait depuis que j’eus apprisl’existence de Jenna et de Maddy.

Lentement, je levai ma main et cueillis sa larme de mon pouce alors qu’une des miennes roulait àson tour sur ma joue.

Nous nous fixâmes, légèrement incrédules face à cet amour qui nous poussait incontestablementdans les bras de l’un et l’autre, évitant toutes pensées qui nous feraient souffrir de plus belle.

Il ferma les paupières tandis que mes doigts s’évadaient sur son visage.Hypnotisée, incapable de garder enfouis mon émotion et mon désir lorsqu’il ouvrit les yeux, je

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fondis sur ses lèvres.Nous venions de reprendre la route depuis quelques minutes lorsque je trouvais le courage de lui

parler. Je ne savais pas comment il allait interpréter ma demande ni comment penser aux actes réelsque nous avions échangés tous les deux, mais je ne pouvais pas prendre le risque de nous mettre… deles mettre dans une telle situation. Je ne voulais pas être cette femme… celle qui détruit la vie d’unefamille, la femme qu’il verrait en cachette alors qu’il dormait avec une autre. Tout cela serait tropdifficile et je savais au plus profond de moi-même que je ne m’en remettrais pas.

Je lui jetai un coup d’œil discret puis baissai les yeux vers sa main qu’il avait posée tendrementsur la mienne.

La douleur fut telle que toutes les résolutions que je m’apprêtais à lui avouer auraient disparu demon esprit si la petite voix intérieure, ma conscience, ne m’avait pas donné la force de passer outretoutes les sensations exquises que nous avions savourées pendant le déjeuner.

Je pris alors une grande inspiration, me rendant compte à cet instant que la voiture venait des’arrêter au feu tricolore. Nous étions presque 36

arrivés sur le site et il fallait que je fisse vite, mais ma vue était brouillée par les larmes.– Sarah ? Qu’est-ce que tu as ?– Il… il faut qu’on attende, Went, lançai-je enfin en prenant sa main qu’il venait de poser sur ma

joue. Il faut…– Non, Sarah… m’interrompit-il. Je sais ce que je désire le plus au monde, j’en suis sûr… c’est

toi… je t’aime depuis toujours, Sarah…– Je t’aime aussi, Went, mais…– Chut, s’il te plaît. On a déjà eu cette discussion tout à l’heure. Je parlerai à Jenna dès mon retour

et…– Ne fais pas ça ! le coupai-je, laissant une larme s’échapper de ma paupière. Attendons quelque

temps avant de te mettre…– Je t’aime !Je fermai les yeux, émue et déboussolée par la douleur que je perçus dans sa voix. Sa façon de

détacher chacune de ses syllabes du mot « je t’aime » me fit frissonner tandis que mon cœur seserrait douloureusement dans ma poitrine.

– Je t’en prie, Sarah.Il me supplia du regard pendant quelques instants et lâcha un juron lorsque des coups de klaxon se

firent entendre derrière nous. Il démarra sur les chapeaux de roues et fila droit devant.– Où vas-tu ?! On va être en retard.Je frémis à son silence. Went gardait les mâchoires serrées et accélérait dangereusement sur la

route. Je fermai les yeux, tentant de trouver une solution pour apaiser sa colère.– Ralenti, tu me fais peur… murmurai-je en m’accrochant au siège alors qu’il venait d’éviter une

voiture qui allait s’engager devant lui.Went !Il ralentit. Je soupirai, soulagée.Il se gara ensuite sur le bas-côté.– Pardonne-moi, Sarah. Je suis désolé…Je secouai la tête sans me soucier des larmes qui roulaient abondamment le long de mes joues. Son

regard azur était aussi clair qu’un lagon de tristesse dont peu de monde prendrait des précautionsavant de s’y baigner. Je ne pouvais pourtant pas renier sa tristesse, sa colère qu’il éprouvait pour luimême. Lentement, je refermai les doigts autour des siens qu’il venait de poser sur ma joue.

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37– Sarah… je…– Went, le coupai-je d’une voix brisée. Je t’aime plus que tout, n’en doute jamais, mais je ne

pourrai pas vivre avec ce sentiment d’avoir détruit ta vie…– Ma vie est avec toi.– Non. Je n’ai pas porté ton enfant, rétorquai-je en plissant les yeux, bouleversée par les mots qui

venaient de m’échapper.– Si je pouvais revenir en arrière et t’éviter tout ceci…– Je sais que tu le ferais, mais… nous ne sommes pas dans un film qu’on peut rembobiner à notre

guise. Maddy existe, tu l’aimes et Jenna ne mérite pas que tu la traites ainsi, que je lui fasse du malalors que… je t’en prie, Went. Ne gâche pas tout maintenant.

– Comment veux-tu que je puisse continuer avec Jenna alors que mon cœur t’appartient ?Déboussolée par ses paroles, les mots me manquèrent. Je ne fus plus capable de répondre, de faire

le moindre geste. Seule, la faculté de fixer l’abîme profond de ses yeux était encore présente.– Avec ce qui s’est passé tout à l’heure…– Nous avons échangé un baiser, rien d’autre, Went, fis-je d’une voix sèche afin de lui faire

comprendre de renoncer.– Ne fais pas ça. Ne me dis pas que tu n’as pas ressenti comme moi l’amour que nous éprouvons

tous les deux ! Ne renie pas ça, Sarah, je t’en prie.– Si tu t’obstines à vouloir lui parler maintenant…– Très bien alors quand est-ce que le moment sera venu ?! Dans un jour ? Dans une semaine, un

mois ? Un an ? hurla-t-il, furieux à présent.– Ce n’est pas la peine de crier ! lâchai-je à mon tour, furibonde qu’il ne comprenne pas. Je… je

t’en prie, Wentworth… si tu m’aimes, tu ne m’infligeras pas ça. Je ne pourrais pas vivre ainsi ensachant que j’ai brisé le cœur d’une femme… je ne peux pas, je suis désolée.

– Alors laisse-moi lui parler, laisse-moi lui dire que mon cœur est rempli d’amour pour une autrefemme… une femme que j’ai envie de garder près de moi, de serrer contre mon cœur et de rendreheureuse. Je t’aime Sarah, tu ne peux rien y changer et je sais que tu m’aimes aussi.

– Bien sûr que je t’aime, mais… Jenna n’a que toi… Tu ne peux pas, Wentworth.Je le fixais durement pendant un long moment puis il me demanda : 38– Tu attends quoi ?– Je veux juste me sentir libre de t’aimer, mais je refuse d’être la cause de sa souffrance, répondis-

je en le fixant.– D’accord… mais je n’attendrai pas plus d’une semaine, Sarah. C’est à prendre…– Pas d’ultimatum, s’il te plaît.– Et toi, tu ne m’en donnes pas, peut-être ?J’esquissai un faible sourire en remarquant la lueur dans ses yeux.– Tu sais bien que ce n’était pas ce que je voulais.– Je le sais, mon amour, fit-il en prenant mon visage entre ses mains.Si tu savais comme je t’aime, Sarah.– Went… murmurai-je en fermant les yeux pour éviter l’inondation nouvelle de mes joues.– Il ne s’est rien passé, n’est-ce pas ?J’ouvris les paupières, perturbée qu’il m’ôte les mots de la bouche.– C’est le mieux, Went. Je suis désolée…– D’accord… après tout, tout est de ma faute et je ne veux pas que tu sois la seule à en souffrir.

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– Je ne te donne pas de temps, Went. Il faut que tu le saches, mais… je ne veux pas…– Être cette femme… je sais… si j’avais compris mes sentiments avant tout ça…– Si j’avais eu le courage de demander le divorce.Nous nous sourîmes, attendris l’un et l’autre, avec l’envie irrésistible de nous donner un dernier

baiser.– On ne peut refaire le monde avec des « si », souffla-t-il en posant ses mains sur son volant. Je lui

parlerai en prenant le temps de ne pas la faire souffrir.– Merci.Il posa son regard dans le mien puis lâcha un soupir de résignation avant de m’attirer dans ses

bras.Un cri étouffé s’échappa de mes lèvres et mes bras entourèrent son cou instinctivement. Mes

larmes roulèrent aussitôt, je savourais cet instant comme s’il s’agissait d’un adieu.À cette pensée, un sanglot souleva ma poitrine et je sentis son étreinte se refermer un peu plus. Sa

main caressa mon dos.39Pendant de longues minutes, cela m’apaisa ainsi que l’amour qu’il me murmura à l’oreille. Je

n’avais pas besoin de m’écarter ou le regarder pour voir les larmes bafouer son visage, je sentaisl’humidité de son désespoir dans mon cou.

JennaPourquoi me torturais-je l’esprit depuis si longtemps ?Je craignais tellement de lui annoncer ce départ dans la soirée, une fois qu’il serait rentré du

tournage, que j’avais pris la décision de me rendre directement sur le site.À la hâte peut-être, mais la culpabilité avait disparu en apprenant son absence.Je soupirai à nouveau profondément, essayant de calmer la colère et ce sentiment de jalousie qui

s’était ancré en moi. Je roulai des yeux, pestant contre mon attitude. Went et Sarah avaient peut-êtrebesoin de discuter pour le travail.

Oui, peut-être, me disais-je, toujours en train de faire les cent pas dans sa caravane.J’étais bel et bien sur le lieu du tournage.Une fois Rosa partie de la maison, j’avais pris la décision de venir pour lui informer mon départ

dans la soirée. Je pensais qu’il serait plus judicieux de venir, craignant sa réaction à son retour aprèsune journée harassante de tournage.

À mon arrivée, j’avais dû présenter mes papiers aux agents postés à l’entrée du site. L’un d’eux meprenait pour une folle ou une fan hystérique capable d’inventer une histoire sordide pour rencontrer lebeau Wentworth.

Mon Dieu…J’arrêtais aussitôt de laisser mon esprit s’égarer. Je me trouvais ici après tout, grâce à Paul, qui

était arrivé avant que l’on me trainât à l’extérieur.En parfait gentleman, celui-ci s’était excusé, visiblement mal à l’aise et m’avait accompagnée sur

le site. Il ne savait pas où était Wentworth et avait hélé Dominic Price qui, ne sachant pas qui j’étais,informait Paul d’avoir vu Went et Sarah partir ensemble.

– Ils sont partis il y a une heure, je crois qu’ils sont partis manger.40Il s’était approché, me dévisageant d’un air étrange. J’avais dû blêmir sous cette réponse qui me

paraissait plus ou moins déplacée quand il eut souri, visiblement satisfait que son ami se trouvait encompagnie de Sarah, seul.

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J’avais enfin compris que j’avais raison de soupçonner quelque chose lorsque Dominic avait parubouleversé quand Paul nous présenta l’un à l’autre. Je l’avais scruté du regard, il était ennuyé et avaitfilé, prétextant qu’il devait revoir son script. D’ailleurs, Paul avait eu l’air surpris à cette motivationsoudaine.

Je ne savais plus quoi penser à cet instant, j’étais incapable de réfléchir à quoi que ce soit. Laseule chose que j’étais apte à faire était de rester immobile, savourant cette liberté qui grandissait auplus profond de moi-même alors que la culpabilité que je ressentais depuis que j’avais pris cettedécision s’évaporait.

Paul avait dû percevoir mon trouble et m’avait accompagnée dans la caravane de Went. Celafaisait déjà plus d’une demi-heure que je l’attendais.

Une heure et demie qu’ils étaient ensemble.Une demi-heure que je l’attendais impatiemment pour l’informer que je quittais Los Angeles.Les questions demeuraient tout de même dans mon esprit.Comment réagirait-il ?Comment le prendrait-il pour Maddy ?Me jugerait-il ?Serait-il capable de prendre soin d’elle ?Je secouai la tête, tentant pour la énième fois de les laisser de côté. Je savais pertinemment qu’il

était préférable de le mettre devant le fait accompli. Et puis, je ne devais pas m’en faire… Rosa étaitdéjà au courant et je lui avais demandé son aide. Sans hésiter, elle avait accepté de prendre soin deMaddy lorsqu’il serait au travail. Son enthousiasme m’avait soulagée… je savais que je pouvaispartir tranquille.

Toutes mes pensées et réflexions s’évaporèrent tandis que je m’avançais vers la petite lucarne.J’étais prête, consciente de ma décision…J’observai toutes ces personnes qui s’agglutinaient dans l’immense cour. Je reconnus d’ailleurs

Jason Colars qui sautillait. Un sourire se mit à flotter sur mes lèvres en contemplant l’énergiequ’envoyait cet acteur.

41Puis, Dominic apparut de nouveau. Il avait les traits tirés d’inquiétude et lorsqu’il s’adressa à

Jason, celui-ci s’immobilisa, pétrifié, et porta son regard dans ma direction. Je fronçai les sourcilssans bouger, je savais qu’il ne pouvait pas me voir.

– Étrange… murmurai-je en tournant mon regard vers la droite, imitant la direction des deuxacteurs qui venaient de tourner la tête en même temps.

À ce moment, les battements de mon cœur se précipitèrent. Il était là.Il venait de sortir de sa voiture. Je souriais, heureuse de voir son visage rayonnant. Il y avait bien

longtemps que je n’avais pas aperçu ce sourire qui déployait une rangée de dents magnifiquementblanches… et ce regard pétillant de bonheur. Il contourna sa voiture et alla ouvrir la portière du côtépassager. Je retins mon souffle qui ne cessa pourtant pas de ralentir mon rythme cardiaque excessif.

Puis, voyant apparaître la jeune femme, je fermai les yeux et me redressai vivement. Je prisquelques secondes puis la colère m’envahit de toute part. Mon esprit se mit à bouillonner un peu trop.Sans réfléchir, je sortis de son antre et m’approchai vers eux à grands pas. Je pouvais entendre lesmurmures ahuris derrière mon dos.

Went venait de passer son bras dans le dos de Sarah et s’avançait dans ma direction. Il ne m’avaitpas encore aperçue, mais quand il me vit, il se stoppa. Mon regard le braqua tandis que mes pas meportaient sans le vouloir vers lui.

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Elle s’arrêta également et le dévisagea, surprise.– Jenna…– Salut, claquai-je en serrant les dents en m’arrêtant face à lui.– Salut… Qu’est-ce que tu fais là ?– Je suis venue te voir. Tu as un instant ?– Euh… oui.– Je… commença à dire Sarah avant que Went ne la coupât.– Attends.Je compris qu’ils étaient mal à l’aise. Les regards hésitants qu’ils se lançaient effacèrent tous mes

doutes. Je n’en avais plus aucun à présent.– Sarah ? demandai-je en vrillant mon regard au sien.– Oui– Bonjour, je suis…42– Jenna… Wentworth m’a beaucoup parlé de vous. Je dois y aller…désolée, il faut que je m’entretienne avec Paul.Sur ce, elle partit en direction de Dom et Jason qui l’attendaient. Je l’observai, intriguée par la

blessure profonde que j’avais pu lire dans son regard malgré ses efforts à rester de marbre face à maprésence.

Dom vint l’enlacer avant de la conduire plus loin.J’en fus troublée.– Tu étais parti déjeuner ?– Quoi ? Qu’est-ce que tu fais là ? C’est Maddy ?– Non ! Maddy va bien. Il me faut une excuse pour venir te voir ?– Jenna…– Il faut que je te parle…– D’accord, suis-moi, me dit-il en m’emmenant dans sa caravane.– Alors ?Je restais immobile, sachant à présent que ma décision était la bonne en remarquant son attitude

désinvolte. Cela me blessait profondément néanmoins, mais je ne devais pas oublier les raisons dema venue ici, et surtout ce diagnostic qui me poursuivrait jusqu’à mon dernier souffle.

– Je… j’ai pris contact avec mon frère et…– Il a un problème ?– Non, laisse-moi finir, veux-tu ? lui demandai-je en vrillant mon regard vide d’expression au sien.– Viens t’asseoir.– Non, il faut que je fasse vite.– Pourquoi ? Qu’est-ce qui ne va pas, Jenna ? me demanda-t-il, l’air intrigué.– Qu’est-ce qui ne va pas ? répétai-je en fermant les yeux une brève seconde avant de lui claquer

au visage ce que j’avais sur le cœur. Rien.Tout va bien, Went.– Tu vas jouer encore longtemps avec mes nerfs ou tu vas enfin me dire pourquoi tu es venue ici ?Mon rire fusa. Nerveux, mais il fusa tout de même, le déstabilisant un peu plus qu’il ne l’était déjà.– OK, soufflai-je en croisant les bras pour me donner une contenance.Je repars à New York, lâchai-je enfin.43

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Mon regard était ancré au sien. J’espérais une réaction soudaine, mais rien ne vint. Il me scrutait,l’air complètement perdu, et secouait la tête pour s’assurer qu’il ne rêvait pas.

– Tu… quoi ?– J’ai un avion à seize heures, Went, et il faudrait que tu te débrouilles pour…– Oh, oh, attend une seconde ! Qu’est-ce que ça veut dire, bon sang ?Tu veux repartir chez toi avec ma fille comme ça ? Qu’est-ce que tu as, Jenna ?Je déglutis, soudainement douteuse, mais me repris au contact de ses mains puissantes sur mes

épaules.– Je pars seule… il faut que tu gardes Maddy quelque temps… s’il te plaît, tu me fais mal.De suite, il relâcha son étreinte et laissa ses bras retomber le long de son corps.– Tu… Séb a des problèmes ?– Non, il va très bien. C’est juste que j’ai besoin de faire le point…avouai-je en le fixant, surprise d’être capable de défier son regard assombri à présent par la colère

qu’il éprouvait à cette annonce.– Tu… sur quoi as-tu besoin de faire le point, je peux savoir ?!– Tu le sais très bien, répondis-je en faisant quelques pas tout en soupirant longuement. Tout a été

trop vite, Went. Tu le sais aussi bien que moi, dis-je en me retournant vers lui pour lire l’expressionde son visage.

J’ai besoin de me retrouver. Comprends-moi…– Je pensais que tu étais certaine de ce que tu faisais en venant vivre avec moi.– Je pensais que tu étais sûr de toi, également ! claquai-je vivement, espérant secrètement qu’il me

le confirme.J’attendis patientant quelques secondes puis je dus faire appel à mes forces intérieures pour ne pas

craquer devant son mutisme révélateur.Went n’était pas sûr de lui lorsqu’il m’avait demandé de vivre avec lui.Il n’était pas certain de ses sentiments pour moi.J’en étais convaincue à présent.– Jenna…– Ne dis rien, s’il te plaît, le suppliai-je en secouant la tête.– Jenna !44Il m’attira contre lui sans que je ne pusse faire le moindre mouvement de recul.– Ne pars pas.– Si. Je n’ai pas le droit de t’imposer ça…– Tu me… tu me quittes ?J’ouvris les yeux que je venais de fermer afin qu’il ne lise pas la véritable raison de ce départ.

J’inspirai profondément puis repris la direction de son regard incompréhensif.– Je… il vaut peut-être mieux que nous nous éloignions quelque temps. Rosa prendra soin de

Maddy pendant que tu es au travail…– Maddy…Un silence s’installa, pesant.– Tu ne peux pas partir comme ça, Jenna… Maddy va être…– Elle t’aime Went… et il le faut. J’en ai vraiment besoin, si ce n’était pas le cas, je ne serais pas

ici à te parler de ce départ. Tu ne penses pas ?Il me scruta un moment puis opina.

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– Tout est de ma faute…– Non, soufflai-je en posant mes mains sur ses joues, priant intérieurement pour que je ne craque

pas devant lui. Non, tu n’y es pour rien, Went.Mon cœur meurtri s’affola, mais je pris le temps de respirer calmement pour ne pas lui divulguer

la profonde peine que j’éprouvais. Je préférais de loin lui donner du mépris en le quittant de cettefaçon afin d’effacer sa culpabilité à l’erreur qu’il avait commise en me demandant de poursuivre monavenir avec lui. Je l’avais compris tout à l’heure lorsqu’il avait ouvert la portière à Sarah.

Ce sourire… ce regard qu’il lui avait donné m’avait été jusqu’alors inconnu.Le quitter ainsi me parut plus approprié. Le connaissant, je savais que si je lui racontais les

véritables raisons de mon départ, il m’aurait ordonné de rester près de lui jusqu’à ce qu’un ange merecouvrît de ses ailes.

Un ange ?En étais-je sûre ?Avec tous ces mensonges et ces erreurs que j’avais commises dans ma vie, pourrais-je partir en

paix ?– Jenna…45Son murmure culpabilisant dissipa les sombres pensées de mon esprit.Je plaquai un semblant de sourire sur mes lèvres puis les posai sur les siennes. Je l’embrassai d’un

dernier baiser avant de reculer assez pour qu’il n’éprouvât pas l’envie de me retenir.– Je dois finir mes bagages. Tu pourras te rendre à l’école pour chercher Maddy à dix-sept heures

? Si tu ne peux pas, je peux demander à Rosa…– S’il te plaît, Jenna ! Comment veux-tu que je lui dise ?Je fermai les yeux, sachant que le moment m’était enfin profitable pour qu’il me détestât.J’avançai alors vers la porte sous son regard encore incompréhensif puis me tournai vivement

avant de lui claquer d’une voix brisée par l’émotion :– Tu trouveras bien un moyen de lui apprendre sans lui faire trop de peine, tout comme je l’ai fait

concernant ton absence durant toutes ces années.462DOULOUREUSE VERITETrois semaines plus tard…Jenna– Il faut que tu réfléchisses à tout ça Jenna… il le faut et tu dois comprendre que c’est la meilleure

décision que tu as à prendre.– Comment veux-tu…– Je sais que c’est dur, sœurette… mais il faut que tu le fasses. Il le faut, pour le bien-être de

Maddy et de Went, il le faut vraiment, crois-moi.– Tu ne peux pas comprendre ! hurlai-je en laissant mes larmes couler davantage le long de mes

joues meurtries.– S’il te plaît ! Pense à ceux que tu aimes ! Tu veux t’en aller comme ça ?! Sans leur avoir dit que

tu les aimes, sans leur dire combien ils sont importants pour toi !? Non, Jenna ! Tu vas mourir, bordel! Ce n’est pas comme s’ils pouvaient se remettre « d’un au revoir, on se revoit plus tard » ! Tu doisle dire à Went et rassurer ta fille.

– Tu ne peux pas comprendre, continuai-je à rétorquer en me roulant dans la couverture sur le

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canapé, tout en laissant couler mes larmes.– Jenna…– Je ne peux pas, je n’y arriverai pas, Séb, criai-je à présent, complètement horrifiée à l’idée

d’apprendre à ma fille que j’allais mourir.Séb s’approcha alors vivement de moi et me prit dans ses bras. Tout comme la veille alors que je

lui avais enfin appris les véritables raisons de ma venue ici, il me cajola pendant quelques instants etlaissa quelques larmes s’échapper de ses paupières.

Encore une fois, je me sentais égoïste de lui faire de la peine.– Chut… cesse de te mettre dans cet état, Jenna… je t’aiderai.– Si tu tiens tant à m’aider alors, tu ne leur diras rien.47– On ne peut pas faire ça… ils finiront par l’apprendre et…– Je ne serai plus là. Je n’ai pas la force de les regarder dans les yeux… de leur infliger ça. J’ai

pourtant essayé, crois-moi, mais c’est au-dessus de mes forces… murmurai-je en sanglotant contreson torse.

Séb ne répondit pas, il me comprenait, du moins, il pouvait comprendre que ce fut difficile pourmoi de les faire souffrir.

Pendant de longues minutes, je restai dans ses bras et me calmai peu à peu. Sa présence me fit dubien.

– Que comptes-tu faire alors ? Tu es vraiment sûre que…– Il n’y a plus rien à faire, Séb. Les médecins sont formels et…– On peut avoir d’autres avis !– Non… j’ai vu trois médecins et leur diagnostic est le même… je suis désolée, murmurai-je en

remarquant la peine dans son regard.– Tu es désolée…Je le fixai, légèrement pantoise, alors qu’il se levait d’un bond et tenait son crâne entre ses mains.– Tu es désolée…– Séb…– Ce n’est pas de ta faute, Jenna alors… tu n’as pas à être désolée…C’est moi qui suis désolé… j’étais censé prendre soin de toi et…– Tu n’es pas mon père, Séb, alors cesse ça tout de suite ! criai-je à mon tour, remarquant qu’il

devenait fou par la colère qu’il éprouvait.Je me levai doucement, mes forces m’avaient abandonnée peu à peu, et je le rejoignis. Prenant ses

mains dans les miennes je cherchai son regard qu’il fuyait quelques instants avant d’abandonner et deme fixer dans les yeux.

Ce moment restera dans ma mémoire à jamais, car il n’avait pas besoin de me dire ce qu’il pensait,ce qu’il ressentait pour moi.

Dans un mouvement unique, nous nous prîmes dans les bras et éclatâmes en sanglots, preuve d’unamour fraternel éternel, d’un adieu douloureux et d’une promesse invisible à rester fort l’un pourl’autre.

– Je t’aime…– Je t’aime aussi, murmurai-je en fermant les yeux, pressant mes bras autour de son cou.Ce ne fut que quelques minutes plus tard que nous fîmes interrompus par la sonnerie de la porte.– Mince !48

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– Qu’est-ce qu’il y a ?Je séchai mes larmes, tout comme lui, et nous nous sourîmes d’une complicité plus forte que

jamais.– Ça doit être Jim, j’ai oublié que nous avions rendez-vous ce matin.– Ah ! Pour…– La lettre… oui.– Promets-moi de me dire tout ce que papa a mis là-dedans ?Je déglutis péniblement et baissai les yeux avant de le regarder à nouveau.– Je te le promets, Séb.Il me sourit et m’embrassa tendrement sur le front avant de me bousculer gentiment.– Dépêche-toi d’aller t’habiller, je vais lui offrir un café.– Séb… l’appelai-je, soudainement apeurée.– Je ne dirai rien…– Merci, murmurai-je, rassurée avant de disparaître à l’étage.Je fronçais les sourcils, étonnée que Jim empruntât un autre chemin pour aller chez Jack.– Vous ne passez pas par l’avenue ? lui demandai-je tandis qu’il était concentré sur la route.– Quoi ? Oh, je t’emmène dîner ailleurs, désolé je ne t’ai pas prévenue.– Non… non, ce n’est rien, sauf que je pensais que nous allions chez Jack, répondis-je un peu

déçue de ne pas aller dans le restaurant habituel.– J’espère que ça ne t’ennuie pas ?– Non, ça va aller, répliquai-je en lui rendant son sourire.– Tu l’aimes beaucoup, n’est-ce pas ?– Oui.Bien qu’il afficha un large sourire, je savais que tout comme moi, il ressentait une certaine anxiété

pour notre tête-à-tête et ainsi découvrir ce que mon père n’avait jamais su me dire de son vivant.Nous contournâmes la rue et arrivâmes enfin devant un restaurant chic où je n’avais jamais mis les

pieds.– Jenna ?– Oui ?49– Tu es perdue dans tes pensées… j’espère vraiment que tout va bien avec Went ?Une boule d’angoisse me monta dans la gorge et je me mis à déglutir difficilement. Je secouai alors

la tête et lui avouai d’une voix tremblante : – Il faut que je vous parle aussi de ça…Je le fixai, tentant de décrire les expressions de son visage, et je compris également qu’il

s’inquiétait pour ma relation avec son fils. Mais, de nature protectrice, il posa sa main sur monépaule et me sourit.

– Allons dîner, ma grande.J’opinai d’un hochement de la tête et le laissai m’aider à sortir de la voiture quelques instants

après. Nous pénétrâmes dans l’établissement sans échanger le moindre mot et je me laissai guiderjusqu’à une table au fond du restaurant.

Soulagée de voir qu’il n’y avait pas foule autour de nous, je poussai un soupir de soulagement etremerciai l’homme qui venait de nous accompagner à notre table tandis qu’il reculait la chaise pourque je m’y installe.

Pendant quelques minutes, je fixais les couverts, la tête baissée, et me demandais comment j’allaislui dire la vérité au sujet de l’avenir peu glorieux qui m’attendait.

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Soudain, je sursautai lorsque la main de Jim recouvrit la mienne.– Oh, excusez-moi...– Tu ne vas pas bien ? Depuis que tu es partie… et là, en te voyant, j’ai l’impression que tu as

perdu beaucoup de poids. Est-ce que tu vas bien, Jenna ?Une fois de plus, il avait remarqué ma faiblesse, tout comme Séb qui avait poussé un cri de stupeur

en m’accueillant à l’aéroport. Je n’avais pas prêté attention jusqu’alors à mon apparence.Went ne m’avait jamais fait de réflexion.– Oui… juste trois ou quatre kilos.– Tu es folle ? Tu ne pesais déjà pas lourd avant ! Mais qu’est-ce qui te prend ? Went est…– Jim… soufflai-je dans un murmure à peine audible.– Dis-moi ce qu'il se passe ? me répéta-t-il d’une voix autoritaire cette fois.– Je… je ne sais pas comment vous le dire…– Vous vous êtes disputés ? C’est ça ?50– Non, non… fis-je rapidement en secouant la tête. Je suis tellement désolée.– Parle, enfin.Je fermai les yeux, surprise en mon for intérieur des forces que je possédais à cet instant pour tout

lui avouer.– Je vais mourir, Jim. Vous êtes le seul en qui je puisse avoir une confiance totale pour votre

silence, car je ne veux pas… que Went soit au courant. C’est pour cette raison que je suis partie.– Quoi ? Mais enfin, Jenna ! Qu’est-ce que tu me racontes ?Sa voix trahissait un trouble que je n’avais jamais remarqué auparavant.Nos regards se fondèrent alors l’un dans l’autre et je compris qu’il savait que je disais la vérité. Il

était temps pour moi de tout lui raconter avant de succomber à ce sentiment d’impuissance, detristesse horrible à la vue des larmes qui emplissaient son regard.

– Je suis malade… j’ai consulté trois spécialistes. Un ici, à New York puis à Los Angeles. Jepensais que le médecin se trompait, mais… après plusieurs examens, il s’avère que je souffre d’uneleucémie.

– Mon Dieu… chuchota-t-il, bouleversé.– Je suis sous traitement pour atténuer le mal, mais… il n’y a rien à espérer.– Comment peux-tu dire ça ? Il y a bien une solution pour…– Non ! le stoppai-je d’une voix forte, constatant que mes lèvres tremblaient dangereusement. Tout

est fini, Jim. Le dernier spécialiste que j’ai rencontré avant mon départ m’a avoué qu’une greffe demoelle osseuse n’était plus envisageable à ce stade de la maladie… Je suis condamnée.

Un court silence s’installa à notre table.Je baissai le regard, culpabilisant de lui jeter à la figure cette malheureuse vérité.– Tu ne lui as rien dit ?Une larme s’échappa de ma paupière malgré mes efforts pour la retenir.Je hochai la tête en signe d’affirmation et continuai d’une voix faible : – Je ne peux pas lui dire…

je ne veux pas les faire souffrir, Jim. Je ne peux pas.– Jenna… Jenna… fit-il en poussant un long soupir avant de me 51prendre les mains et de les serrer très fort dans les siennes en signe de réconfort. Pourquoi ne pas

le lui dire ?– Tout simplement parce que je ne supporterais pas de le faire souffrir.Si vous étiez à ma place, pourriez-vous dire à Anna et vos enfants que vous ne serez plus là dans

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un mois ? Où dans quinze jours ? Que chaque jour que Dieu fait, vous ne serez pas présent pour lesaimer, les soutenir dans la vie pour partager les bons comme les mauvais moments avec eux ? Je nepeux pas, Jim… je ne peux pas leur faire ça.

– Tu as donc préféré partir loin d’eux, n’est-ce pas ?J’opinai d’un hochement de la tête. Après quelques longues minutes de silence, il ouvrit enfin la

bouche et continua : – Je ne sais pas quoi te dire, Jenna… je peux comprendre ce que tu ressens, enfinj’essaie… mais as-tu pensé à toi une seule seconde ?

– C’est à ma fille que je pense, Jim… à Went, à tous les gens que j’aime et que je ne veux pas fairesouffrir.

– Oui… oui, fit-il en me caressant tendrement le dos de mes mains. Tu es une femme fantastique,Jenna, et je suis bouleversé par ce qui t’arrive, mais je ne peux pas te laisser affronter cela touteseule.

– Jim…– Je vais contacter le meilleur médecin de tout…– Jim ! l’interrompis-je en ôtant mes mains des siennes pour y prendre les courriers dans mon sac à

main. Tenez.– Qu’est-ce que c’est ?– Les diagnostics des meilleurs spécialistes du cancer, claquai-je en les lui tendant sans quitter

mon regard du sien.Je le vis les prendre avec lenteur, comme s’il prenait son temps avant de comprendre que rien ne

ferait changer les choses. Je restai silencieuse tandis qu’il lisait tous les diagnostics médicaux. Jebaissai la tête pour ne plus avoir à subir l’expression de son visage.

Cela était trop douloureux.– Jenna… murmura-t-il en posant sa main sur ma joue.– Vous voyez ?– Je suis…– Chut… murmurai-je. Ne me dites pas que vous êtes désolé, ce n’est pas votre faute.– Tu ne mérites pas ça !52– Que je le mérite ou pas, personne n’est responsable. C’est la vie…– Arrête, bon sang ! s’écria-t-il, visiblement furieux. Comment peux-tu le prendre de cette façon ?!

Tu es si jeune ! Tu as toujours tout fait pour donner du bonheur aux autres.– S’il vous plaît… Jim.– Puis-je prendre votre commande ?Nous tournâmes la tête avec étonnement, oubliant quelques secondes où nous étions.– Euh… oui. Le plat du jour pour moi et pour toi, Jenna ?– Juste une salade, s’il vous plaît.– Deux plats du jour, fit Jim sur un ton sec.– Très bien.J’attendis que le serveur eût disparu pour poser mon regard sur lui.– Je n’ai pas très faim.– Tu dois manger, Jenna.– Comme vous voudrez, répliquai-je dans un soupir résigné, n’ayant aucune envie de me battre

avec mon adorable beau-père.– Puis-je te poser une question ?

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– Bien sûr.– Que lui as-tu raconté avant de partir ainsi ?– Eh bien…Je m’interrompis un instant pour faire échapper cette douloureuse scène figée dans mon esprit.– Je… je lui ai dit que j’avais besoin d’un break, que j’avais besoin de réfléchir sur mes

véritables sentiments…– Tu lui as donc menti ?– Pas exactement.– Je ne comprends pas, fit-il en secouant la tête.– Je… je pense que nous avons commis une erreur en nous…– Non, je ne te crois pas. Tu lui as fait comprendre à ta façon de te laisser tranquille. Tu lui as dit

que tu ne l’aimais plus, c’est ça ?– Non… pas comme ça et…– Jenna… tu n’as jamais pensé à toi, mais toujours au bonheur des autres.– Je l’aime, mais pas comme une femme devrait aimer l’homme avec qui elle devrait faire sa vie.53– Jure-le-moi, fit-il en soudant son regard au mien.– Je… je…Les mots m’échappèrent. Ma gorge se noua douloureusement tandis que les larmes brouillaient ma

vue. Je secouai la tête, empêchant un sanglot de remords de s’échapper de ma gorge. Jim comprittout. Il se leva d’un geste rapide et contourna la table avant de se baisser vers moi pour m’attirercontre lui. Je fondis alors en larmes, m’accrochant à sa veste comme à une bouée de sauvetage.

Après avoir terminé notre repas, il me proposa de nous balader quelques minutes dans le parcsitué à quelques pas du restaurant.

J’acquiesçai silencieusement, essayant de me remettre de toutes mes émotions.Il savait tout à présent.Contrairement à ce que j’avais imaginé, sa réaction fut tout sauf simple à gérer. Son silence était

devenu lourd et je lisais des vagues de regret dans son regard.Je ne pouvais fuir ni m’abriter contre le flot de remords que j’éprouvais à cet instant.Je refusais toujours de mettre Went au courant de cette maladie qui me rongeait intérieurement à

chaque seconde qui s’écoulait.À l’extérieur, la pluie avait cessé et de faibles rayons de soleil réchauffaient l’atmosphère

hivernale.Quelques personnes profitaient de ce répit, se baladant tout comme nous dans New York. J’évitais

néanmoins de garder le regard fixé vers ces gens qui souriaient à la vie qui leur était donnée. Desenfants sautillaient dans les allées du parc, d’autres pataugeaient dans le bac à sable encore humidesous le regard des parents exaspérés avant de s’évertuer à les sortir de là.

Une pensée pour ma fille s’insinua en moi, bien qu’elle n’ait jamais quitté mon esprit depuis mondépart de Los Angeles. Elle me manquait tellement. Combien de fois m’étais-je retenue de ne passauter dans l’avion et de faire machine arrière ?

Mais le résultat en serait le même. L’issue restera telle que les médecins me l’avaient annoncée.54Je partirais… plus vite que prévu certes, mais l’issue en resterait la même. Je ferais souffrir les

personnes auxquelles je tenais tant, et je m’évertuais à garder cette pensée en tête.Ne pas les voir souffrir par ma faute.

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Ne pas lire la déception dans leurs regards à cet abandon monstrueux que je m’apprêtais àcommettre.

Non, je ne pouvais pas rester près d’eux, me prêter ainsi témoin de leurs souffrances.– Arrêtons-nous un peu, Jenna.Je redressai la tête et acquiesçai avant de m’installer sur un des bancs qui jouxtaient le bord de

l’étang tous les cent cinquante mètres.Jim en fit de même, tout en évitant soigneusement de croiser mon regard. Je restais la tête baissée

vers le sol et réfléchissais à ce que je pouvais faire pour le rassurer.Il ne méritait pas d’être aussi triste, son regard ayant perdu tout éclat de joie de vivre. Je m’en

voulais beaucoup pour ça, tout comme je m’étais détestée d’avoir dit la vérité à Sébastien.Mon Dieu, je n’avais jamais vécu un moment si horrible.– Jenna ?– Oui ? murmurai-je tout en tournant le visage vers lui.Il me fixa alors et esquissa un léger sourire, mais je percevais son embarras. Je le connaissais si

bien depuis toutes ces années.– Qui a-t-il ? lui demandai-je en posant ma main sur la sienne qu’il s’empressa de saisir.– Je ne sais pas si c’est le bon moment pour parler de ton père mais…– Je pense que le moment est bien choisi au contraire.– Oui, tu as sûrement raison, me dit-il d’une voix émue.– Je vais mourir, Jim. Je me fais... du moins j’essaie de me faire à cette idée, et si je suis revenue

ici, c’est aussi pour découvrir ce que mon père n’a jamais voulu me dire… j’ai besoin de savoir…j’ai besoin de partir sans regretter de passer à côté de certaines choses…

– Ce qui nous amène à parler une fois de plus de mon fils, Jenna. Tu l’aimes, il doit se faire unsang d’encre…

– Vous avez promis, Jim, le coupai-je aussitôt d’une voix bredouillante par l’émotionbouleversante qui montait en moi.

– Je le sais, mais tu ne peux pas faire ça de cette façon ! Je t’ai promis de ne rien dire et je ne dirairien, mais je ne tiens pas à faire partie de ton 55

plan. Je ne veux pas m’en vouloir pendant le restant de ma vie, sachant que je n’ai rien fait pourque tu ne les voies pas une dernière fois. C’est de ta fille qu’il s’agit, Jenna… et de Went, l’hommeque tu as toujours aimé.

Son monologue me blessa ouvertement.La vague de remords n’avait jamais été aussi puissante lorsqu’elle s’abattit sur moi de cette façon

à déchirer mon cœur en mille morceaux en imaginant la frustration horrible de ne plus jamais lesrevoir. Je laissai une larme s’échouer sur ma joue et pris une profonde inspiration pour trouver lecourage de protester, mais je n’y arrivai pas.

Je n’y arrivais pas pour la seule et unique raison qu’il avait deviné le plus grand des maux aumonde pour une mère aimante. Ne plus voir son enfant parce qu’on voulait la protéger alors que lavie s’occuperait de cette situation dans si peu de temps ?

Je ne savais plus… je me sentais perdue.– Tu n’es pas obligée de leur dire si tu ne veux pas, mais… il faut que tu leur dises adieu, Jenna.

Pour toi… fais au moins quelque chose pour toi, bon sang ! Tu t’es toujours préoccupée du bonheurdes autres, mais cette fois, promets-moi de repartir là-bas et de les tenir une dernière fois dans tesbras, continua-t-il d’une voix si émue que je ne la reconnaissais pas.

– C’est si compliqué, répliquai-je en balayant mes larmes du revers de ma manche.

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– Non, ce n’est pas plus compliqué que…– Que ce qui m’arrive ? Je… je ne sais pas, je ne sais plus.– Que ressens-tu au fond de ton cœur ?– Je… m’interrompis-je pour reprendre mon souffle. Je ne sais plus…d’un côté, j’ai envie de les revoir tous les deux, ils me manquent tellement… même si je sais que

Went doit être furieux après ce que j’ai fait… je les aime, continuai-je en sanglotant légèrement.– Je sais.Jim me serra la main pour me donner un peu de son courage et la barrière que j’avais dressée

succomba comme par magie.– D’accord… je veux bien les revoir une dernière fois, mais j’ai peur de ne pas y arriver.– Je serai là, je serai avec toi, ma puce, fit-il en me prenant dans ses bras.56Pendant quelques instants, nous restâmes là, ainsi dans les bras l’un de l’autre.Il me réconforta par des paroles douces et aimantes, dignes d’un père que je n’avais jamais eu.Je mis fin à cette étreinte et répondis à son sourire. Il m’aida à effacer les larmes de mon visage et

nous nous mirent à rire de cette belle complicité retrouvée.– Comment… comment vais-je faire, Jim ? lui demandai-je quelques minutes plus tard.– Ne te préoccupe pas de ça pour le moment…– Je n’ai pas beaucoup de temps devant moi, fis-je, pestant aussitôt en voyant l’expression de son

visage se durcir. Désolée…– Tu n’as pas à être désolée, ma puce. Je vais appeler le bureau ce soir pour les informer de mon

absence et nous prendrons l’avion demain.– Je ne voudrais pas…– Tais-toi un peu. Laisse-moi faire ça pour toi, me dit-il en soudant son regard au mien.Émue, je le remerciai d’un sourire.– J’ai hâte de revoir Maddy.– Je sais. Bon, que dirais-tu si nous rentrions ? Tu sembles un peu fatiguée.– Non, ça va. Je me sens bien.– Tu es sûre ?– Oui, répliquai-je en lui souriant. Et puis… la lettre ?– Je ne crois pas qu’il…– Jim ? Vous savez ce qui est écrit ? lui demandai-je en remarquant le changement de ses traits.– J’ai ma petite idée, mais j’ai promis à ton père de ne pas l’ouvrir.– Donnez-la-moi… s’il vous plaît ?Son regard tomba dans le mien, me défiant quelques instants, mais je ne perdrais pas cette fois. Je

voulais savoir, il était temps que je sache ce que mon père pensait de moi, du moins, j’imaginais fortbien qu’il me dirait dans cette lettre tout ce qu’il avait eu sur le cœur. Que j’étais la responsable dela mort de ma mère, la femme qu’il aimait tant… et qu’il avait perdue par ma faute.

– Jenna.57– S’il vous plaît, répétai-je en gardant la main tendue devant lui.Je le vis lever les yeux au ciel, ce qui me fit sourire, constatant qu’il se résignait.Il faufila sa main à l’intérieur de sa veste et sortit l’enveloppe jaunie par le temps avant de la

poser dans ma main.– Comme tu voudras, murmura-t-il en scrutant mon regard.

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– Merci, Jim, répondis-je en fixant cette enveloppe que je m’apprêtais à ouvrir.583NOUVEAU DEPART ?WentTrois semaines…Trois semaines que je ne cessais de penser à Jenna, aux raisons de son départ inexpliqué.Vingt et un jours que j’étais seul avec Maddy, à la réconforter malgré les appels de sa mère qui

auraient dû pourtant la rassurer.De longues heures à me haïr, à détester ce que j’avais pu lui faire subir… à attendre qu’elle

veuille bien que nous discutions tous les deux afin de trouver une solution pour notre fille, mais rien.Elle avait toujours refusé de me parler ou même de prendre mes appels.Sébastien était inquiet également de la situation. Elle refusait de lui avouer les raisons de sa venue

ni les causes pour lesquelles elle avait abandonné Maddy ainsi.Il s’inquiétait, tout comme nous, ma fille et moi.J’avais pourtant le soutien de mes proches, de Paul qui m’avait donné congé pour une semaine, le

temps que je m’organisais avec Maddy… de Rosa qui restait nuit et jour à la maison pour être là encas de besoin. De Dom et de Jason, qui s’était même excusé de ses malheureuses paroles à la reprisedu tournage, de Sarah.

Sarah…Je pouvais encore ressentir ce flot d’émotions troublant que nous avions partagé tous les deux

avant que Jenna m’annonçât son départ.Je pouvais encore et encore ressentir la douceur, la violence de ses lèvres contre les miennes…

mais tout cela s’était terminé bien rapidement.59Elle culpabilisait pour le départ de la mère de mon enfant et refusait à présent la moindre

approche, le moindre contact, le moindre instant rien que tous les deux.Pourtant, je savais que je pouvais compter sur elle en cas de besoin.Pas plus tard qu’hier, elle était venue me retrouver, j’étais dans un sale état. J’avais passé la nuit à

boire dans un bar avec Dom. Le traître l’avait appelée en renfort pour me faire entendre raison et ilsm’avaient déposé chez moi. Elle avait réussi à me redonner espoir, à effacer un peu la culpabilité quime rongeait de l’intérieur.

Je ne savais pas ce qu’il adviendrait de nous. Elle refusait d’en parler et la voir si triste me rendaitfurieux contre moi-même, je n’avais pas le droit de lui imposer tout cela.

– Je n’ai pas le droit de t’imposer ça.Je fronçai les sourcils, songeant à nouveau à cette réplique de Jenna qu’elle m’avait lancée avant

de partir pour New York.J’étais toujours dans le brouillard de ma cuite de la veille, mais mon esprit curieux intégra cette

réplique encore et encore, cherchant les moindres indices qui pouvaient se cacher derrière.Je me redressai vivement avant de prendre mon visage entre mes mains. Mon crâne me martelait de

douleur.Je me levai et passai dans la salle de bain pour me rafraîchir. Il n’était que neuf heures et je

n’avais aucune scène à tourner aujourd’hui d’où ma tournée dans les bars de la ville cette nuit encompagnie de Dom qui prétextait chaque fois avoir besoin de sortir boire un verre, mais je savaisqu’il me surveillait.

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Je descendis au rez-de-chaussée en soupirant de lassitude avant de prendre une tasse de café dansla cuisine. Rosa était déjà sur le qui-vive.

– Sébastien a appelé, m’informa-t-elle d’une voix compatissante.Ma tasse, suspendue à mes lèvres, j’ancrai mon regard au sien.– Qu’a-t-il dit ?Elle secoua la tête avant de s’installer en face de moi.– Il te rappellera demain soir. Il m’a dit que Jenna avait enfin parlé, mais que tu devais lui laisser

le temps.– Lui laisser le temps ?Elle m’interrompit, posant ses mains sur les miennes.– Elle en a besoin.Je la fixai, décontenancé par ces derniers mots.60– Très bien. Il faut que j’y aille.– Maddy est dans sa chambre.Je la remerciai d’un sourire léger puis montai rejoindre ma fille qui m’attendait.Quelques minutes plus tard, comme je le lui avais promis, j’emmenai Maddy sur le lieu du

tournage. Je n’avais aucune scène à tourner, mais j’avais accepté de venir avec ma fille afin que Paulla rencontrât enfin.

– Calme-toi un peu, Maddy ! grognai-je alors qu’elle n’arrêtait pas de sautiller dans tous les sens.– Quelle autorité !– Toi, je ne t’ai pas sonné ! sifflai-je à l’adresse de Jason qui ne perdait pas une seconde pour se

moquer.– Mais j’en veux, papa !– Oui, je vais t’en redonner, mais je t’ai demandé de t’asseoir !rouspétai-je en la fixant droit dans les yeux.– D’accord.Je levai les yeux, exaspéré de devoir me fâcher pour qu’elle m’obéisse enfin.Cela faisait plus de dix minutes que je m’évertuais à la faire asseoir à table pour le déjeuner.Soupirant de lassitude, je lui servis de nouveau des pommes de terre et croisa à cet instant le

regard attendri de Sarah. J’esquissai un faible sourire à son adresse, mais la voix de Dominic capturamon attention.

– Tu veux encore des saucisses, Maddy ?Je baissai le regard vers ma fille qui hochait la tête timidement.Surpris, je regardai Dom qui se levait pour la servir.– Tu n’as rien oublié ? demandai-je à Maddy qui enfilait un morceau de saucisse grillée dans sa

bouche.– Merci, fit-elle, la bouche pleine.Des rires fusèrent à la table et mon rire se joignit à eux, laissant mon regard errer vers mes amis

qui se réjouissaient visiblement d’avoir une attraction nouvelle à la table.– Tu ne l’as pas nourrie depuis combien de temps, cette petite ? me lança Jason en observant

Maddy qui mangeait plus que de raison avec appétit.61– Mais elle a mangé ! Elle fait simplement la gourmande.– En tout cas, elle a bon appétit, ça fait plaisir ! fit Emma qui la fixait également avec un regard

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attendri.– Papa ?– Oui, mon ange ?– J’ai mal au ventre…Je fermai les yeux, peu surpris avec tout ce qu’elle venait d’avaler.– Ben voilà ce que c’est de faire la gourmande !– Ai mal, couina-t-elle en pleurnichant.– Allez, laisse ton assiette et boit un peu d’eau, lui dis-je en la prenant sur mes genoux avant de lui

tendre son verre. Ça va mieux ? demandai-je après qu’elle ait bu une gorgée.– Fatiguée… chuchota-t-elle en mettant ses bras autour de mon cou.Je grimaçai, sachant qu’elle avait besoin de faire une sieste avec la nuit agitée qu’elle avait

passée.– Je sais, mon ange… on va rentrer.– Veux faire dodo, me répéta Maddy en se mettant à pleurer.Je soupirai. Paul m’avait demandé de rester jusqu’à la fin du tournage pour voir avec lui les deux

dernières scènes que les autres avaient jouées.Je ne savais pas quoi faire… si ce n’est que je devrais appeler Rosa pour venir la chercher.SarahConstatant que Went se trouvait dans une situation cocasse avec sa fille, je demandai à Emma à

voix basse quelle scène serait jouée en premier.Heureuse qu’elle m’annonçât que c’était celle que devait jouer Dominic avec elle, je hochai la tête

avant de me lever et de m’avancer vers la petite qui pleurait toujours dans les bras de son père.– Si tu es fatiguée, tu peux venir avec moi pendant que ton père retourne travailler avec Paul, fis-je

d’une voix hésitante.Bien que je sentisse l’angoisse au fond de ma gorge, je laissai un sourire se dessiner sur mes

lèvres lorsqu’elle leva la tête et cessa de pleurer pour me fixer de ses grands yeux.– Tu ferais ça ? me demanda Went en ancrant son regard au mien 62tandis que les autres quittaient la table.– Euh… si tu veux bien.– Sarah…– Paul va t’attendre, Went… on n’a pas besoin de moi et j’en profiterai pour relire mes répliques.– C’est la scène du bateau qu’on doit tourner…– Oui. Lundi. Il y a un problème ? lui demandai-je en remarquant son air pensif.– Non, seulement… on devrait la répéter ensemble avant de la tourner pour éviter plusieurs

prises… j’avoue que je n’ai pas pris le temps de la relire et…– Tu demanderas à Paul quelques minutes et on prendra le temps de la répéter dès que tu as

terminé la première.Il resta silencieux un instant puis esquissa un large sourire.– D’accord. Tu veux bien aller avec Sarah pour te reposer un peu ?demanda-t-il à l’adresse de sa fille.– Oui, répondit-elle en hochant la tête avec dévotion.– Très bien. Dans ce cas, tu vas rester avec elle le temps que je travaille.– D’accord, papa.Ravie, j’échangeai un sourire avec Went avant qu’il ne la déposât sur le sol.De suite, elle vint prendre ma main.

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Je savais que ma proposition allait à l’encontre des résolutions que je m’étais fixées, mais je nepouvais pas le laisser dans cette situation. Sa petite fille semblait vraiment épuisée et j’avais dansl’idée depuis une bonne dizaine de minutes de faire une sieste avant de reprendre le travail, alors…

– Tu n’as plus mal au ventre, toi ! constata-t-il en déposant un gros baiser sur sa joue.– C’est passé, fit-elle en haussant les épaules.– Allez, mademoiselle, nous allons dormir un peu ! lançai-je en la prenant dans mes bras.– Je croyais que tu allais relire tes répliques ! me rappela-t-il d’un ton moqueur.Je me mis à rire, ainsi que Maddy, avant de me retourner vers lui.63Là, son regard me pénétra pleinement, laissant cette vague de sensations inouïe revenir à la

surface.Les bras de la petite s’enroulèrent autour de mon cou à cet instant.Une palette d’émotions s’ouvrit en moi, laissant sans doute ses reflets illuminer mon visage.– Sarah va dormir avec moi ! lança Maddy en riant.– Juste quelques minutes et ensuite je lirai mes répliques ! rétorquai-je à mon tour, lui souriant

avant de me retourner et de poursuivre mon chemin afin d’éviter son regard océan.WentJ’eus l’impression que mon cœur était sur le point d’exploser à nouveau, tout comme au début de

l’après-midi lorsque j’avais rejoint Sarah et Maddy. Toutes les deux s’étaient endormies sur lecanapé et ce spectacle m’avait saisi d'une émotion inouïe.

Cette scène était d’une beauté inimaginable. Oui, quelques jours plus tôt, je n’aurais jamais puimaginer de les voir si complices toutes les deux.

Ma fille était blottie dans les bras de Sarah qui la tenait contre elle d’un geste maternel, avec toutela tendresse qu'elle possédait.

Lentement, je n’avais pu résister à l'envie de lui caresser le visage. Elle avait ouvert les yeux etnous nous étions souri. Tout comme à cet instant d’ailleurs où je ne pus retenir un large sourire en ladécouvrant sur le seuil de ma porte.

– Salut, murmurai-je, laissant mon regard la parcourir de la tête aux pieds. Tu es magnifique.– C’est juste une robe.– Juste une robe, répétai-je, perdu dans mes pensées tandis que je la vis écarquiller les yeux.– Went ?– Mm ? Oh, excuse-moi, entre.Je ne savais pas ce qu’il m’avait pris, mais j’avais l’air d’un grand idiot maintenant.J’ouvris la porte pour la laisser entrer. Mon regard eut du mal à se détacher de son corps, bien que

je lui aie promis que ce dîner était en toute amitié, mon esprit avait jugé bon de me contredire.– Où est Maddy ? me demanda-t-elle en me fixant d’un regard 64inquisiteur.– Euh… dans la cuisine. Nous étions en train de terminer le repas.Elle me sourit, comme soulagée. Avait-elle pu croire pendant une fraction de seconde que je

m’étais débarrassé de ma fille pour que nous dînions en tête à tête ?– Je peux vous donner un coup de main ?Je fronçai les sourcils et la contemplai quelques instants avant de secouer la tête, repensant au

désordre que nous avions mis dans la pièce.– Euh… non, non. Tu es notre invitée. Installe-toi au salon, veux-tu.– Tu ne veux vraiment pas que je vous aide ?

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– Non. Ça ira, répondis-je en esquissant un faible sourire avant de me tourner vers la porte. Restelà, je reviens tout de suite.

SarahJe le fixai, étonnée, alors qu’il s’enfuyait précipitamment de la pièce, me laissant seule dans le

salon. Rien n’avait changé depuis ma dernière visite, si ce ne fut ces nouveaux cadres où les portraitsde Jenna et Maddy reposaient sur le meuble. Je baissai les yeux, ne voulant pas me confronter à sonsourire, elle semblait si heureuse…

Me détournant, j’aperçus une peluche sur le fauteuil où Went adorait se reposer.Le sourire aux lèvres, perdue dans mes souvenirs, j’attrapai les oreilles du lapin et le regardai

longuement avant de le reposer à sa place.– Coucou !Sursautant légèrement à la voix de Maddy, je me retournai vivement.Son regard se souda au mien instantanément.Une bouffée d’air frais m’envahit à la vue de son visage rayonnant, bien que celui-ci fût taché de

sauce tomate au niveau de ses lèvres.– Salut, princesse ! m’exclamai-je en faisant un pas vers elle.Décontenancée, mes bras s’ouvrirent instinctivement alors qu’elle bondissait sur moi.– Je suis contente que tu sois là.Mon Dieu… il fallait que je me ressaisisse rapidement.– Waouh… je suis contente d’être là, répondis-je le souffle court, ne m’attendant pas à cet élan

d’enthousiasme. Tu as aidé ton papa à la cuisine ?65Maddy s’écarta légèrement avant de me fixer, stupéfaite de voir mon regard la fuir un instant, le

temps que je reprenais mes esprits.– Mm… fit-elle en hochant la tête.– Et qu’est-ce que vous avez préparé de bon ?– Maddy ?! Maddy?!!! Viens ici !Maddy grimaça à l’écoute des appels de son père. Celui-ci avait l’air débordé.– Je crois que tu devrais y aller.– Ouais… il va mettre le feu à la cuisine sinon, fit-elle en haussant les épaules d’un air nonchalant.– Tu veux que je t’aide ? proposai-je en lui souriant.– Non, papa veut pas que tu rentres dans la cuisine.Oh, je vois…– Très bien, alors dis-lui que je resterai ici, l’informai-je d’une voix amusée en m’installant sur le

canapé.– Je reviens avec toi après.– D’accord.Je secouai la tête, amusée de comprendre que Went ne devait pas s’en sortir comme il le

souhaitait.Je laissai un long soupir s’échapper de mes lèvres, consciente du sentiment de bien-être qui

s’engouffrait en moi. Puis, quelques secondes plus tard, j’entendis des bruits provenir de la pièce. Jepensais que cela devait être des casseroles, des poêles qui s’entassaient dans l’évier, provoquant unfracas ainsi que des injures indélicates de Went malgré la présence d’une fillette de quatre ans à soncôté.

Je combattis l’idée de m’immiscer dans la cuisine malgré son interdiction puis, quelques minutes

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plus tard, je consentis à rester ici pour ne pas l’irriter davantage, bien que j’aurais aimé voir la têtequ’il faisait à cet instant.

Perdue dans mes pensées, mon regard fut attiré vers la porte que Went venait d’ouvrir. Son visageprit un air de désolation. Je me mordis la lèvre pour refouler l’envie d’éclater de rire. Il le compritrapidement, me connaissant assez sans doute pour froncer les sourcils d’un air furieux.

– Je…– Ce n’est pas drôle, répondit-il en s’avançant vers moi.– Désolée.66– Non, c’est moi, rétorqua-t-il, soupirant de lassitude en s’installant à mon côté. Le dîner est

complètement fichu.Je tournai le visage et soudai mon regard au sien avant de comprendre qu’il avait l’air vraiment

déçu.– J’ai trop laissé la viande au four, elle est complètement carbonisée…et les pommes de terre sont… à moitié cuites, mais elles ont un goût horrible… il n’y a que la

sauce que Maddy a réussie.J’étouffai un rire, mais me repris assez vite alors que son regard se vrilla au mien.– Ce n’est rien…– Je voulais que tout soit parfait, je suis vraiment désolé, Sarah.– Je te dis que ce n’est rien, Went, répétai-je, émue de le voir éprouver une telle déception pour un

simple dîner.– Je t’emmène dîner au resto, je ne vois pas d’autre solution !J’écarquillai les yeux et secouai la tête dans la foulée.– Quoi ? Tu ne vas pas partir maintenant ?!– Mais non, ris-je en me levant du canapé. Je vais regarder dans ton congélateur, tu dois bien avoir

quelque chose de comestible !Il me sourit, visiblement satisfait avant d’afficher une mine de dégoût.– Euh… reste-là, je…– Arrête tes sottises, Riller ! Je peux nous préparer un repas !Il allait rétorquer, mais mon regard lui intima de se taire. Amusée, je roulai des yeux et me dirigeai

vers la cuisine.– Mon Dieu, Went ! m’exclamai-je, sous le choc de voir autant de vaisselle sale qui inondait

l’évier et le plan de travail.– Je sais…– Papa a tout fichu par terre !Je fixai Maddy d’un air compatissant et me retournai vers lui.Arborant une expression de désolation, il fusilla la petite d’un regard avant de lui sourire.– Je suis nul en cuisine, désolé.– Mm… je pensais que tu avais toujours exagéré, mais je constate que tu n’avais pas tort,

répondis-je d’un ton moqueur. Bon, je vais d’abord m’occuper de mettre un peu d’ordre.– Je vais t’aider.67Maddy me lança un regard inquiet et je ne pus retenir un rire avant de m’avancer vers Went.– Laisse-nous faire. Tu n’as qu’à prendre… une douche ? lui proposai-je en le contemplant de haut

en bas.

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Il fronça les sourcils, légèrement indécis devant ma façon de fixer la substance gluante etcarbonisée qui maculait son cou et le haut de sa chemise.

– Euh… oui, tu as raison. Ça ne te gêne pas ?– Non, ris-je. Vas-y, Maddy et moi, on gère.– Oui ! s’exclama sa fille d’un air ravi. Moi et Sarah, on gère !Il poussa un long soupir de résignation tout en remarquant les regards moqueurs que nous lui

lancions, sa fille et moi.– Allez, file !– OK, ronchonna-t-il en se faufilant d’un pas rapide hors de la cuisine.Le sourire aux lèvres, je me tournai vers Maddy et secouai la tête, amusée.– Il est triste, tu crois ?– Bien sûr que non, Maddy. Ton papa est seulement en colère contre lui.– Il n’est pas fâché contre moi ? me demanda-t-elle d’un air inquiet.– Mais non, voyons ! Il m’a même dit que tu avais été la seule à réussir quelque chose dans la

cuisine.Elle me fixa durant quelques secondes, cherchant sans doute la véracité de mes paroles, et finit par

me sourire à son tour.Les traits de son visage furent vite soulagés.– Allez, princesse ! Nous allons nettoyer ce chantier et on prépara toutes les deux quelques choses

à manger, d’accord ?Elle acquiesça d’un hochement de tête et, complices, nous commençâmes à débarrasser le plan de

travail. Les casseroles, les plats et les ustensiles de cuisine s’entassèrent rapidement au-dessus de lapile de vaisselle déjà dans l’évier.

– On va faire la vaisselle ?– Je vais placer le plus gros dans le lave-vaisselle, lui répondis-je en lui souriant tendrement.– Je peux frotter le plan de travail ?Je redressai la tête et grimaçai légèrement aux taches graisseuses incrustées sur le meuble.68– Mm… oui, tu peux frotter, je viendrai d’aider une fois que j’ai terminé ça, lui répondis-je en

plaçant les ustensiles lavables en machine.Ce fut donc dans une parfaite complicité que nous arrivâmes à bout de nos tâches quelques minutes

plus tard.Nos regards se croisèrent alors que je m’approchais d’elle. Maddy me souriait, l’air ravi d’avoir

réussi à nettoyer le plus gros de la saleté du plan de travail.– Tu as de la force ! C’est super, Maddy, la félicitai-je en répondant à son sourire.– Merci, Sarah… j’aime bien être avec toi.Son murmure me frappa.Je tentais de garder l’esprit clair, essayant de ne pas lui montrer le trouble qui venait de s’installer

en moi. Je la contemplai d’un air ahuri et la vis s’approcher jusqu’à ce qu’elle entourât ses petitsbras autour de ma taille.

Instinctivement, je laissai retomber l’éponge sur le marbre blanc et avançai une main tremblantevers son visage.

Un sourire d’attendrissement se dessina sur mes lèvres et lentement, je passai mes doigts dans sesboucles brunes avant de la bercer contre moi.

– Papa !

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L’exclamation de Maddy me saisit brutalement.Aussitôt, je relâchai mon étreinte avant de fixer Went, adossé au chambranle de la porte.Depuis quand était-il là ?Il avait l’air surpris et mélancolique à la fois.– On a presque fini ! l’informa Maddy en se ruant vers son père.– Oui, je vois ça ! Vous avez fait vite.Il me sourit et prit sa fille dans ses bras.– Mm… dis, papa, je peux choisir un film ?– Bien sûr, mon ange, vas-y, nous allons te rejoindre au salon dès que nous trouvons quoi faire à

dîner.– Oh… je voulais aider Sarah.– Non, ça va aller, Maddy. Tu m’as déjà bien aidée, tu peux aller regarder ton film, répondis-je en

lui souriant tendrement.– D’accord ! consentit-elle d’une voix enthousiaste avant que son père ne la reposât sur ses pieds

pour filer aussitôt hors de la pièce.69La tension que je ressentais autour de nous était presque palpable et je dus patienter quelques

secondes avant de reprendre mes esprits.Le regard intense qu’il me lança me bouleversait comme toujours.– Tu as trouvé quelque chose dans le congélateur ?Mes paupières se fermèrent un bref instant.– Euh… oui, tu as des pizzas, répondis-je me dirigeant vers le congélateur que je me mis à

inspecter.– Il me semble que Rosa a laissé le rab d’hier.– Oh, ça doit être ça, me dis-je dans un murmure en prenant la boîte hermétique.– Oui, c’est ça. Elle a préparé un cassoulet, un plat français…– J’adore ça !– C’est vrai ? demanda-t-il en relevant un sourcil.J’eus la vague impression que son expression était moqueuse lorsqu’il souleva la question de

nouveau.

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– Tu aimes vraiment ça ?– Oui… pas toi ?– Si bien sûr… alors ça te dit ?Je hochai la tête, évitant d’appuyer mon regard trop longtemps dans le sien.Pourquoi fallait-il que Maddy désirât voir un film, maintenant ?Il s’avança vers moi, sans mouvement brusque alors que je fis un pas en arrière, paniquée.– Je vais… le mettre à décongeler, fis-je en constatant qu’il était trop proche de moi.Il acquiesça d’un hochement de la tête, percevant mon trouble, c’était évident.– Tu veux un verre de vin ?– Non, merci… je préfère éviter l’alcool, répondis-je en déglutissant péniblement.– OK, un soda ?– Oui, je veux bien.Je m’autorisais tout de même à jeter un coup d’œil au-dessus de mon épaule et fus rassurée

lorsqu’il me tournait le dos pour sortir les verres du placard. Je respirais plus profondément,reprenant assez d’air pour paraitre 70

moins troublée. J’attendis donc devant le four à micro-ondes, exaspérée que la minuterie ne tournâtpas assez rapidement à mon goût.

Mais qu’est-ce que je me racontais ?Je ne voulais pas que cette soirée se finisse… du moins, quelque chose en moi ne le voulait pas,

contrairement à ma conscience qui me disait de filer de cette maison, de cette tentation brûlante delaisser mon désir s’emporter… oubliant tout le reste.

Perdue dans mes pensées peu flatteuses pour les grands fans de romantisme, je sursautai lorsque lamain de Went se posa sur mon bras.

– Tiens, murmura-t-il en me tendant mon verre.– Merci.Il esquissa un large sourire, visiblement satisfait que chacune des fibres de mon corps répondît à

son simple contact. Pourtant, j’eus l’impression que la fissure de mon cœur s’agrandissait encore unpeu plus.

Il fallait que je m’éloigne, le plus vite possible…– Sarah…– Où sont les assiettes ?– Euh… dans ce placard, me montra-t-il de son index, d’une voix décontenancée.J’évitai son regard tout en me dirigeant d’un pas rapide vers l’armoire où j’en sortis la vaisselle.Soupirant de lassitude, il s’attela à sortir les couverts et les verres qu’il plaça sur la table. Je le

rejoignis sans le regarder. Je savais que ma culpabilité serait d’autant plus forte si j’affrontais sonregard maintenant.

Je soupirai sans m’en rendre vraiment compte. Il redressa la tête et nos regards se croisèrent…pour finalement s’accrocher.

Seule, la table nous séparait et pourtant, je pouvais sentir son corps contre le mien. Je fermai lesyeux, sachant pertinemment qu’il finirait bientôt par me rejoindre.

Ce qu’il fit.Tout ce bouleversement de mes sens et de mes émotions fut trop difficile à supporter. Je ne tenais

plus et, malgré les efforts pour contenir mes larmes qui brûlaient mes paupières, je me laissai attirerdans ses bras.

Instinctivement, mes poings se posèrent contre son torse puis, savourant intérieurement le contact

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de ses bras autour de moi, ils se délièrent et mes doigts agrippèrent sa chemise.71Je restai là, dans ses bras, la tête nichée dans son cou, et gardai les yeux fermés, tentant

désespérément de ralentir la chute de mes larmes qui roulaient à présent sur mes joues.J’appréciai notamment qu’il ne dise rien… ses paroles n’amenuiseraient pas pour autant ma

douleur, bien au contraire.WentJ’avais pressenti cet instant lorsque son regard s’était accroché au mien. Ses prunelles chocolat

avaient pris une teinte bien plus claire qu’à l’accoutumée et après quelques secondes, l’humidité s’yétait installée.

Culpabilisant d’être incapable d’effacer cette douleur, je resserrai mes bras autour de son corps.Quelques minutes s’écoulèrent silencieusement. Je ne cessais de caresser son dos de gestes lents

pour l’apaiser et la serrer étroitement contre moi, espérant qu’elle ne sentirait pas le désir quiémanait de mon être à cette proximité. Bien que, pour être sincère, je m’en fichais un peu qu’elle lesache ou non, j’étais convaincu que ce désir puissant était réciproque, tout comme l’amour que nouséprouvions l’un pour l’autre.

Je sentais bien la force de ses mains qui s’accrochaient à ma chemise, comme si elle ne voulait pasquitter mes bras. Je me sentais si bien à cet instant que rien ne pouvait stopper notre étreinte.

Sauf peut-être… le téléphone…Je ne voulais pas décrocher, mais Sarah releva la tête avant de s’écarter de moi.– Tu devrais répondre, murmura-t-elle alors que je fus incapable de faire le moindre geste.Mon regard se baissa vers le sien et mon cœur manqua un battement à la vue de ses pupilles encore

humides. Je dus faire des efforts pour m’éloigner d’elle et ce fut avec agacement que je décrochai lecombiné.

– Allo !– Went… c’est moi.– Papa ? m’exclamai-je, surpris.– Il faut que je te parle…– Je…– C’est à propos de Jenna, Went…724DISTANCESarahÀ la vue de l’embarras sur les traits de son visage, je m’étais éclipsée de la cuisine, préférant le

laisser seul avec son père. J’attendais donc depuis plus de dix minutes avec Maddy au salon.Je ne saurais dire quel dessin animé était projeté sur l’écran, mon esprit étant trop absorbé par mes

pensées. Je me demandais ce qu'il se serait passé si le téléphone n’avait pas interrompu ce momententre nous. Went avait l’air si désolé…

Je pouvais lire dans son regard tout l’amour qu’il éprouvait pour moi et il savait que celui-ci étaitplus que réciproque, mais ni l’un ni l’autre ne pouvait laisser ce sentiment nous envelopper.

D’autres personnes en souffriraient et je mettais un point d’honneur à ce que les choses s’arrangentde son côté avant d’entreprendre quoi que ce soit avec lui.

Pourtant, mon cœur disait le contraire à mon esprit qui s’évertuait à me mettre en garde. Went étaitcelui que je voulais à mes côtés pour le restant de ma vie, je voulais rester dans ses bras jusqu’à mon

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dernier souffle… Je nous imaginais souvent dans notre dernière demeure, installés sur la terrasse àobserver tendrement nos petits enfants qui jouaient sur la pelouse.

J’imaginais nos vies reliées à jamais, sans rien ni personne pour tenter de nous séparer.Je me sentais stupide de laisser mon esprit vagabonder, telle une adolescente rêvant du prince

charmant. Mais je ne voulais pas me contenter d’assister à cette dure réalité, à ce conflit perpétuelqui interviendrait entre nous.

Il y avait plusieurs choses qui faisaient barrage à notre amour.73D’abord, il y avait Jenna et Maddy. Je ne pouvais pas faire comme si elles n’existaient pas, et je

devais m’avouer également que la peur de perdre ce qui nous liait déjà n’arrangeait pas toute cetteconfusion qui m’enveloppait entièrement lorsque nous étions que tous les deux. Comme tout à l’heure,dans la cuisine où in-extrémiste j’avais failli rompre la promesse que je m’étais faite en pensant à mejeter à son cou pour l’embrasser.

Peut-être que, finalement, l’appel de son père était opportun.– Sarah ? Sarah ?Il me fallut quelques secondes pour comprendre que Maddy m’appelait de sa petite voix et qu’elle

me tirait par le bras.– Oh, désolée, ma puce.– Tu dormais ?– Non. Je réfléchissais, lui répondis-je en lui souriant tendrement avant de passer ma main dans

ses boucles. Tu ne veux plus regarder la télé ?– Si, mais il est où papa ?– Dans la cuisine, il est au téléphone avec ton grand-père, l’informai-je en haussant un sourcil

interrogateur alors qu’elle s’installait sur mes genoux. Euh…– Tu peux me faire un câlin ?Je me mis à déglutir péniblement, complètement surprise par cette demande, mais j’acceptai

aussitôt, ayant remarqué la douceur de ses yeux identiques à ceux de celui qui faisait battre moncœur.

– Bien sûr, viens là.Doucement, je refermai mes bras autour de son petit corps et elle vint blottir son visage dans mon

cou.Je pouvais deviner son petit sourire de satisfaction quand je la pressai contre moi avec tendresse.– Elle me manque, ma maman.Son murmure provoqua en moi un léger pincement et je resserrai automatiquement mon étreinte.– Je sais…– Je ne sais pas pourquoi elle est partie, mais je crois que c’est à cause de papa.– Pourquoi donc ? demandai-je, surprise.– Ben, parce que j’ai entendu…74Ces derniers mots devinrent un chuchotement où je perçus une hésitation de se confier à moi. Je

compris de suite que Went ne devait pas être au courant que sa fille avait entendu une de leursdiscussions.

Je savais que c’était immature, mais je ressentis une curiosité non feinte et écartais doucementMaddy pour regarder son visage.

– Qu’as-tu entendu ? Maddy ?

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Elle baissa la tête, visiblement gênée.– Tu n’as pas à avoir peur, je ne dirai rien à ton père si c’est ce qui t’inquiète, la réconfortai-je en

posant la paume de ma main sur sa joue.– C’est vrai ? Tu ne diras rien ?Je répondis à son petit sourire de ravissement et secouai la tête, me demandant s’il n’était pas

préférable de stopper de suite cette discussion.– Je te le promets, lui répondis-je en souriant tendrement.– Quand maman a dit qu’elle partait, papa était en colère… Je sais que ce n’est pas vrai, mais

maman a dit à papa qu’elle ne l’aimait pas. Mais c'est pas vrai, hein, Sarah ? Maman aime papa et luiaussi il l’aime.

Je restai un long moment les lèvres entrouvertes, incapable d’émettre le moindre son.– Je veux que maman revient, Sarah. Je veux que maman dit à papa qu’elle l’aime encore.Je me mis à déglutir péniblement avant d’attirer l’enfant dans mes bras.Les larmes aux yeux, je la serrai fort contre moi tout en la berçant contre mon cœur qui venait à

nouveau d’éclater en mille morceaux, lacérant ma poitrine.– Elle reviendra, ma puce. Ne t’inquiète pas… tout finira par s’arranger.Quelques minutes plus tard, j’essayais de sécher mes dernières larmes lorsque je me rendis compte

que Maddy venait de s’endormir dans mes bras.Doucement, je la déposai délicatement sur le canapé et la couvris du plaid. La douleur dans ma

poitrine était toujours aussi intense depuis cette conversation.Cette petite fille voulait ses deux parents auprès d’elle, elle avait déjà été tant privée de son père.C’est alors que je pris une décision.75Ici, à l’instant, tout en contemplant le visage paisible et endormi de Maddy, je me levai après lui

avoir embrassé le front et me mis rapidement à la recherche d’un crayon et d’un morceau de papiersur la table de salon où les coloriages de la fillette étaient éparpillés.

Très vite, je fus équipée pour rédiger une note à Went qui sonnait plus à un adieu et je la déposaisur la table avant de filer à l’extérieur.

Là, dans la douceur de la nuit, les larmes roulèrent le long de mes joues, définitivement prête àm’écarter de sa vie, à laisser cette famille renouer pour ce qui était le plus important.

Maddy.Went– … OK papa, très bien… à bientôt.Je raccrochai le combiné sur son socle en état d’inquiétude totale.Les propos de mon père ne tenaient pas la route et je ne comprenais plus rien à la situation.Je secouai la tête, essayant de ne plus y penser, mais beaucoup trop de ses paroles étranges me

mettaient clairement mal à l’aise et anxieux. Mon père ne m’avait pourtant rien dit d’explicite,m’informant qu’il avait fait la promesse à Jenna de ne rien m’avouer pour le moment.

Il m’avait promis qu’elle m’en parlerait elle-même, mais rien ne me mettait sur la voie quant à safuite soudaine, sauf les derniers aveux qu’elle m’avait faits avant de partir.

Jenna et moi, nous nous étions simplement trompés sur nos sentiments, les laissant apparaître denouveau par notre devoir envers Maddy, mais à présent, l’amour qu’elle m’avait dédié… portédepuis ses nombreuses années, était perdu, mort, enterré.

Je secouai à nouveau la tête, l’esprit embrouillé de toute part. Je n’en revenais pas que mon pèreconnaissait les véritables raisons de son départ, alors que je les ignorais totalement. Je ne savais pas

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comment je devais agir à présent.Perdu, je restais dans l’incompréhension totale, mais je savais pertinemment que tout était de ma

faute. Je n’aurais jamais dû lui proposer de venir vivre avec moi. Tout avait été si vite…L’esprit encore embrouillé par les pensées que je gardais et par le flot de questions qui me

bouleversait encore plus, je m’avançai vers le salon à 76pas lents et hésitants, me demandant comment j’allais annoncer à Sarah que Jenna serait de retour

le lendemain.Je finis par me trouver dans la pièce quelques secondes plus tard et fronçai les yeux malgré la

tendresse que j’éprouvai à l’instant où, mon regard se posa sur ma petite fille endormie sur le canapé.– Sarah ? Sarah ?À chacun de mes appels, mon cœur se pinça douloureusement, comprenant qu’elle était partie.Avait-elle compris que je discutais avec mon père à propos de Jenna ?Non, et bien même si elle savait !Quelles que soient les raisons qui avaient poussé Jenna à partir, et à mettre fin ainsi à notre

relation, elles ne changeraient pas les sentiments que j’éprouvais pour Sarah. Rien ne changerait.Mon cœur lui appartenait à présent et j’avais bien l’intention d’en parler à Jenna dès son retour.Pourtant, les projets secrets que je gardais pour notre vie future à Sarah et moi furent balayés

soudainement à la lecture du mot laissé par celle que j’aimais.Je ne pouvais pas y croire… aussi irréel que cela puisse paraître, une larme roula sur ma joue

tandis que je lisais à nouveau cette note : Went,Je suis sincèrement désolée, mais je ne peux pas rester.J’ai bien réfléchi et je ne veux pas de cette vie-là. Je ne veux pas être cette femme, et s’il te

plaît, promets-moi de ne rien faire pour que je change d’avis, ce serait une cause perdue…Prends soin de ta famille.Sarah…Je secouai la tête frénétiquement, laissant libre cours aux larmes qui chutaient de mes paupières,

s’écrasant sur le papier où l’écriture de Sarah était d’une subtilité accrue malgré les mots tranchantsqui me cisaillaient de l’intérieur.

Comment pouvais-je rester là, effondré dans un fauteuil face à ma fille qui dormait paisiblementsans rien faire ?

Devrais-je réellement me contenter de ça ?De ces quelques mots couchés sur le papier en signe d’adieu ?77Non, je ne le pouvais pas, mais je devais me résigner à rester tranquille ce soir. Je ne pouvais pas

réveiller Maddy et conduire jusqu’à chez Sarah pour qu’elle m’explique !C’est alors que je pris mon portable et l’appelai.Je tombais sur la messagerie.Frustré, je tentai une nouvelle fois… puis une dizaine de fois, écoutant chaque fois sa voix jusqu'au

bout avant de finir par laisser un message.– Sarah… s’il te plaît, rappelle-moi ! Je t’en prie… il faut que tu me rappelles, tu ne peux pas faire

ça, tu ne peux pas tirer un trait sur nous deux alors que nous nous aimons ! Sarah, non… Nous fais pasça, je t’en supplie… je t’aime et rien ne pourra changer ça…

SarahJe fermai les yeux à cause de la douleur épouvantable que je ressentais dans toute ma poitrine à

l’écoute de son message.

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Allongée dans mon lit, j’essayais de contrôler l’afflux de larmes, tel un gisement qu’on ne pouvaitmaîtriser. Mes paumes étaient refermées en un poing rageur, me demandant pendant une brèveseconde si j’avais bien fait de lui faire mes adieux de cette manière, mais je pestais aussitôt, sachantpertinemment que je n’aurais jamais eu le courage de le faire autrement.

C’était la seule solution, c’était une logique, d’une simplicité normale.Maddy voulait ses parents réunis et je n’avais aucun droit de prendre la place de quiconque, elle,

si petite et qui avait déjà été tant privée de l’amour d’un père.Je n’avais pas le droit d’intercéder de quelque manière que ce soit !Je n’avais rien à dire, rien à faire avec eux ce soir ni aucun autre soir d’ailleurs.Je me répétais sans cesse que j’avais agi avec lucidité bien que mon cœur avait assez d’arguments

pour me faire revenir sur ma décision, mais j’avais choisi également de ne plus l’écouter, de fairecomme s’il n’existait pas, comme si l’amour que j’éprouvais pour Went n’avait jamais existé.

Ce fut à cette réflexion que mon portable bipa à nouveau.Je fronçai les sourcils, remarquant le numéro de Dom qui s’affichait sur l’écran lumineux.Je m’empressai de décrocher.78– Tu es malade, il est plus de trois heures du matin, je te signale !grognai-je aussitôt en fermant les yeux.– Oui je sais, désolé… je t’ai réveillée ?– Non, ça va, répondis-je en soupirant de lassitude, incapable de lui mentir. Je peux savoir les

raisons de ton appel si tardif ?– Ben… en fait… c’est au sujet de Went, Sarah… Je suis chez lui là et…– J’ai rien à dire de plus, tout a été dit, OK ? Salut.Went– Alors ?Il se tourna vers moi, penaud, et me considéra un instant en grimaçant avant de baisser les yeux.– Désolé, vieux, mais tu sais comment elle est…– Oh merde ! J’ai tout fichu par terre ! hurlai-je en prenant mon crâne entre mes mains, essayant de

soulager cette douleur effroyable qui transperçait ma tête de part en part.– Laisse-lui un peu de temps, Went. Ce n’est pas facile pour elle, tu sais… elle se sent coupable de

tout ce qui est arrivé.Je relevai la tête et le foudroyai d’un regard incompréhensif.– Comment ça, coupable ?Je le vis s’installer sur le canapé.– Bien, tu sais… coupable que tu sois rentré avec Jenna et la petite…coupable d’avoir épousé l’autre bouffon… coupable d’être rester avec lui aussi longtemps alors

que c’est toi qu’elle a toujours aimé et aussi, coupable de… coupable d’avoir tant attendu avant det’avouer qu’elle te considérait bien plus qu’un ami, Went.

– Ce n’est pas sa faute, soufflai-je en sentant mon cœur se tordre de douleur.– C’est ce que je lui ai dit, mais il faut être réaliste et Sarah l’est, Went ! Elle l’est bien plus que

toi.– Mais qu’est-ce que tu racontes ? Explique-moi, veux-tu ?Il fit une moue réprobatrice, se demandant certainement s’il devait m’en apprendre davantage.79Puis quelques secondes plus tard, il hocha la tête et inspira profondément, le regard empli d’une

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lueur que je n’avais encore jamais aperçue.– Je ne suis pas très sûr de devoir te parler de ça, car je crains sa réaction si elle devait savoir que

tu es au courant.– Je ne lui dirai rien, aboyai-je d’une voix impatiente.– OK… tu te souviens quand tu es revenu et que tu appris pour son divorce…– Oui et alors ?– Eh bien… elle m’a confié il y a peu que si elle ne t’avait rien dit sur cette demande de divorce

c’est parce qu’elle espérait te faire la surprise…Tu peux comprendre que tous ses espoirs se sont effondrés lorsque tu nous as appris pour Jenna et

ta fille ? Elle a eu beaucoup de mal à s’en remettre, encore aujourd’hui bien sûr après ce… Écoute,je ne crois pas que tu devrais savoir, mais… Sarah était enceinte, Kévin lui a fait comprendre qu’ilne voulait pas de cet enfant et il l’a obligée à mettre fin à cette grossesse… Peu de temps après, elle ademandé le divorce, elle ne pouvait plus continuer de feindre les sentiments qu’elle éprouvait pourtoi…

– Je… elle était enceinte…, répétai-je, le souffle court.– Oui, bien qu’elle n’aimait plus Kevin, elle se sent toujours coupable d’avoir interrompu sa

grossesse… elle s’est sentie très mal et elle aurait voulu te parler de tout ça, mais Kevin avaitcompris qu’elle t’aimait, toi, et il… il…

– Il, quoi ? Dom ?!Je venais de crier, complètement bouleversé par ces aveux.Dom me fixait, ahuri, avant de fermer les yeux un instant puis de les rouvrir pour me fixer d’un air

sévère.– Tu n’as jamais ouvert les yeux, Went ! Tu t’es contenté de cette mascarade d’amitié qu’elle te

donnait alors que tout le monde pouvait voir les regards que vous vous lanciez ! J’ai essayé det’aider à comprendre, Jason, Paul ! Mais tu t’es obstiné à dire qu’elle n’était qu’une amie ! Si tu…

Il s’interrompit, plantant ses doigts sur son crâne rasé.Il avait l’air furieux après moi et je ne pouvais qu’approuver sa colère, moi-même me dégoûtant

d’avoir laissé celle que j’aimais vivre l’enfer avec cet enfoiré.80– Kevin, grognai-je en serrant les dents. Qu’est-ce qu’il lui a fait ?Dom ! Il faut que tu me le dises !– Qu’est-ce que ça changera, tu peux me le dire ?– Je l’aime et tout est clair dans ma tête comme dans mon cœur ! C’est avec elle que je veux faire

ma vie, Dom… je l’aime… répétai-je tout en pestant en moi-même alors qu’une larme s’échappait dema paupière.

– Went… je sais. Elle t’aime aussi, mais laisse-lui du temps. Elle a besoin de faire le point et desavoir que Maddy fait partie de ta vie l’a bouleversé après ce qu’elle a dû subir.

– Je peux comprendre, avouai-je en essayant de me ressaisir. Mais dis-moi ce qu’il lui a fait ? Ilfaut que je le sache…

– Tu promets de ne rien faire d’irrationnel ?Incrédule, je le fixai tandis qu’un flot de panique s’emparait de tout mon être, imaginant les pires

choses que Kévin lui aurait fait subir.J’acquiesçai tout de même, constatant que son regard était toujours sceptique.– OK… Kevin lui a fait du chantage. Tout a commencé lorsqu’elle lui a appris sa grossesse et il

l’a menacé que si elle n’y mettait pas fin… il s’arrangerait pour détruire sa carrière ainsi que la

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tienne. Il lui a juré qu’il clamerait à la presse qu’elle l’avait trompé et que ce bébé était de toi. Ellen’a donc pas eu le choix…

– Quel fils de…– C’est une ordure, on le sait tous, Went.– Elle avait besoin de moi, soufflai-je, me demandant si Dom entendait tout comme moi les

battements douloureux de mon cœur qui cognaient dans ma poitrine.– Elle voulait vous protéger tous les deux, toi en particulier. La presse aurait été cruelle, tu t’en

doutes ? Mais ce n’est pas tout, après qu’elle ait avorté, ils se sont disputés, violemment…– Violem…Je ne réussis pas à finir ma phrase tant la rage et la haine que j’éprouvais contre cet homme

m’immobilisaient irrémédiablement.Dom se leva pour venir vers moi, c’est à cet instant que je me rendis compte que je m’étais levé du

canapé et faisais les cent pas dans la pièce.Il stoppa mes allées et venues, plaquant ses larges mains sur mes épaules.– Calme-toi, c’est du passé.– Il l’a touchée ? lui demandai-je dans un grognement que je ne me 81reconnaissais pas.Dom me fixa, hésitant avant de hocher la tête, affirmant mes craintes.– Elle n’est pas rentrée dans les détails, mais c’est grâce à une aide qu’elle a trouvée à la clinique

durant son hospitalisation qu’elle a demandé le divorce.À la clinique… durant son hospitalisation…Je secouai la tête, essayant de chasser les pires images de Sarah blessée de mon esprit, mais

celles-ci s’y incrustèrent encore et encore.Elle avait subi tant de choses, seule !Je n’avais pas été là pour la soutenir comme j’aurais dû.La culpabilité m’assaillit alors de plein fouet…Un grognement s’échappa de ma gorge, se mêlant à un sanglot enragé tandis que j’essayais

désespérément de me libérer de l’étreinte de Dom qui venait de me plaquer contre lui avec force,m’empêchant de partir sur-le-champ.

La douleur se mélangea à la haine que j’éprouvais pour moi-même et pour cet homme quej’espérais ne plus jamais revoir, de peur de le tuer de mes propres mains.

Les bras puissants de mon ami se serrèrent davantage au moment où je lui hurlai de me laisserpartir la retrouver.

– Non, laisse-lui du temps, Went… il le faut…Je refusais clairement de la laisser encore seule ne serait-ce qu’une minute de plus, mais Dom ne

me lâcha pas et je me surpris à abandonner la lutte, me laissant aller contre son épaule à pleurer maculpabilité.

SarahJe me réveillais tôt ce samedi et mon esprit me rappela de suite la soirée barbecue chez Paul.Je refermai les yeux, grisée, en ne sachant pas quelle attitude adopter face à Went, car je me

doutais que ce n’était pas possible pour moi de refuser d’y aller.Paul n’admettrait aucune absence…Je me levai alors sans grande motivation et, en remarquant mon portable sur le matelas, ma vue se

brouilla considérablement, me rappelant les coups de fil incessants de Went.– Went…

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82Une larme roula sur ma joue que je m’empressai de balayer du revers de la main, pestant

intérieurement sur la douleur lancinante qui me broyait la poitrine. Je ne pouvais pas continuer ainsi,ma vie ne pouvait pas être « normale » pour une fois ?

Tout en pestant et dans un état de lassitude totale, je me rendis dans la salle de bain où je lançai unregard vers le miroir, histoire de confirmer mes doutes à la pâleur de mon visage.

Mes paupières étaient lourdes, boursoufflées d’avoir trop pleuré. Je ne pris pas une seconde deplus pour contempler le désastre de ma nuit blanche et me déshabillai rapidement avant de filer sousla douche.

Après m’être savonnée, je levai la tête, m’abandonnant au jet d’eau brûlante qui se mêlait à meslarmes, roulant le long de mes joues sans que je ne puisse les arrêter.

Mon esprit se mit à me pousser un peu plus en dehors de moi, me renvoyant le visage doux deMaddy qui me fixait de son regard triste lorsqu’elle m’avait parlé de sa mère.

Incapable de cesser de penser à mon passé destructeur, un sanglot s’échappa de ma gorge. Mespleurs augmentèrent, la colère dépassant la souffrance, et sans que je ne m’en rende bien compte, jeterminai assise dans la douche, le dos contre la paroi de la cabine froide.

J’enfouissais alors ma tête entre mes genoux, essayant de reprendre mon souffle, tentant dereprendre mes esprits pour y chasser tous ces souvenirs que je voulais anéantir. Mais la douleurpersistait toujours et encore un peu plus fort.

Il fallait que je me ressaisisse le plus tôt possible avant que les souvenirs douloureux de monprofond désespoir m’envahissent à nouveau.

Je n’étais plus la femme fragile d’autrefois, celle qui avait permis qu’on la brise entièrement. Non,je n’étais plus cette femme aux pensées sombres, celle qui n’attendait plus rien de la vie.

Je ne devais plus l’être, je ne m’autoriserais jamais plus à revivre un désespoir sordide commej’avais entrevu quelques années auparavant.

C’est après quelques minutes que je décidai de me relever et de sortir de la douche, prête àenfreindre à nouveau les règles que j’avais mises en place.

Définitivement prête à remettre ses barrières autour de mon cœur brisé.Alors que je m’apprêtais à quitter mon appartement pour me changer les idées, mon portable se mit

à vibrer. Je le sortis de la poche de mon jean 83et soupirai, constatant que je venais de recevoir un SMS de la part de Went.J’essayai de retenir le malaise qui m’emporta malgré moi et m’appuyai un instant contre le mur

avant de lire son message.Sarah. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi tu es partie hier soir et que tu ne répondes pas à

mes appels. Je t’en prie, j’ai besoin de savoir que tu vas bien. Je t’aime, j’ai besoin de toi. Went.Je fermai les yeux, prise au piège entre deux solutions qui s’imposèrent à mon esprit. Je pouvais

ignorer ce message ou alors lui répondre qu’il devait cesser de m’appeler.Je ne savais pas quoi faire, mettre en avant mes résolutions nouvelles ou alors de m’abandonner

encore à cet homme que j’aimais plus que tout au monde.Je secouai la tête et ce ne fut qu’une bonne dizaine de minutes plus tard que je lui adressai un

message.Went. Je suis désolée, mais c’est mieux ainsi. Je ne reviendrai pas sur le mot que je t’ai laissé.

Il n’y a pas de solution pour nous. Nous ne pourrons jamais être ensemble en tant que couple et jesais à présent que la meilleure chose à faire pour tous les deux est que nous restions éloignés l’unde l’autre. Je t’en prie, garde tes distances avec moi.

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Sarah.Je serrai la mâchoire, attendant un autre message de sa part qui vint après une longue minute.En gros, tu ne veux plus me voir ?!On ne peut pas s’éviter, on travaille ensemble et ce que tu me demandes est au-dessus de mes

forces, Sarah !Je t’aime, que tu le veuilles ou non, mon cœur est à toi pour toujours.Je fermai les yeux, lisant à nouveau le message de Went avant d’enfoncer mon portable dans ma

poche. Je ne pouvais pas lui répondre parce que je ne savais plus comment lui faire comprendre quenotre histoire était impossible.

84Alors qu’une larme roulait le long de ma joue, mon portable vibra à nouveau, mais je l’ignorai et

sortis de mon appartement.Quelques minutes plus tard, j’arrêtai la voiture devant chez Emma.L’idée de passer lui rendre une petite visite me ferait oublier quelques instants Went.Du moins, je l’espérais.– Sarah ?!Je tournai la tête et lui souris alors qu’elle venait de sortir de chez elle.J’ouvris la portière et descendis.– Hé, ma belle ! Ça me fait plaisir de te voir !– Moi aussi, répondis-je en l’enlaçant tendrement.Je baissai les yeux, constatant son regard inquisiteur qui me fixait intensément.– Quoi ? murmurai-je dans un souffle.– Tu n’as pas dormi de la nuit, toi ?– Non, c’est…– Went ?J’ouvris la bouche pour rétorquer, mais l’expression de son sourire m’en dissuada derechef.Elle savait, c’était évident d’ailleurs, tout le monde autour de nous savait.– Allez, viens, je t’offre un café et après on ira faire une virée ! dit-elle dans une exclamation

enthousiaste.– Une virée ?– Du shopping !– Oh, non, pitié… rétorquai-je en faisant une moue dubitative.– Rien de mieux que le shopping pour les peines de cœur, même si je sais que ça s’arrangera pour

vous deux !– Emma…– Il n’y a pas de Emma, t’entends ? Allez, rentre.Elle m’entraîna à l’intérieur sans que j’aie le temps de protester.Pendant que nous prenions le café, je la remerciai intérieurement de ne plus me reparler de celui

qui hantait mon esprit.– Ce soir, on doit tous être chez Paul à dix-neuf heures ! me rappela-telle lorsque je protestais pour

ne pas faire les magasins.– Et alors ?85– Je n’ai plus rien à me mettre et j’ai besoin de ton avis.Je roulai des yeux. Comme si j’allais croire qu’elle n’avait rien à se mettre !

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– S’il te plaît, Sarah !Je secouai la tête tandis que j’acceptai de vive voix sans m’en rendre vraiment compte.Elle se mit alors à sautiller dans la cuisine et à pousser des cris enthousiastes.– On prend ma voiture, on ira ensemble chez Paul si tu n’as personne à qui…– Personne.– OK, c’est parfait dans ce cas !– Emma…– Non, nous y allons, allez hop hop, bouge-toi les fesses !Je me mis à rire devant l’énergie qu’elle déployait pour me changer les idées. J’étais d'ailleurs

passée lui rendre visite pour obtenir ce résultat.Alors je lui souris en guise de remerciement et me levai avant qu’elle ne m’entrainât par le bras à

l’extérieur.WentIl était plus de onze heures lorsque je décidais enfin à me lever. Je lançai tout de même un coup

d’œil vers mon portable. Elle n’avait pas voulu répondre, constatai-je en soupirant.Encore groggy par la quantité énorme d’alcool que j’avais ingéré après le départ de Dom cette

nuit, je dus me retenir à la porte pour ne pas perdre l’équilibre.– Maddy ?Je fronçai les sourcils, surpris de ne pas avoir entendu ma fille. Je me faufilai alors jusqu’à sa

chambre et esquissai un léger sourire en remarquant son lit déjà fait. Je ne m’inquiétais donc pas,sachant que Rosa s’en occupait sûrement dans la cuisine en percevant des rires.

Alors, je pénétrai à l’intérieur, sans me soucier de la tête que je devais avoir.– Papa ! s’exclama Maddy avant de se jeter dans mes bras.– Hé, salut, ma princesse…– Où elle est Sarah ?86Cette question me percuta comme une gifle, provoquant une douleur fulgurante dans la plaie de ma

poitrine.Et ce mal de tête qui n’en finissait pas…– Je… elle est rentrée chez elle, mon ange, dis-je en l’installant sur le tabouret de la cuisine.

Bonjour, Rosa.– Bonjour… tiens, me dit-elle en posant un bol de café brûlant sur la table.– Merci, Rosa.J’esquissai un faible sourire, comprenant par son regard insistant qu’elle devait se douter que

j’avais la gueule de bois.C’est alors qu’elle posa deux comprimés d’aspirine dans le creux de ma main.– Merci.– T’es malade, papa ?Je baissai le regard vers ma fille qui était visiblement inquiète et lui souris en passant une main

dans ses boucles avant de pencher mon visage vers le sien. Je lui donnai un baiser appuyé sur lefront.

– J’ai juste un peu mal à la tête, mon ange.Elle me répondit d’un large sourire, soulagée par ma réponse, et je m’empressai de vider mon bol

de café et d’avaler mes comprimés avant de me rendre dans la salle de bain pour prendre ma douche.Lorsque je descendis dans la cuisine, lavé et habillé d’un jean et d’un sweat, Maddy n’était plus là.

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– Où est-elle ? demandai-je à l’adresse de Rosa qui s’occupait de ranger la pièce.– Elle est dans sa chambre.– Oh… dites, Rosa, je n’aurais pas besoin de vous aujourd’hui, je vais emmener Maddy au parc et

nous mangerons sur place.– Pas de souci, elle sera contente, me répondit-elle d’un large sourire.Et toi, tu te sens mieux ?– Oui oui, ça va.– C’est à propos de Jenna ?– Non…– Elle n’a pas donné de ses nouvelles ? me demanda-t-elle en fronçant les sourcils d’inquiétude.– Non, mais mon père a appelé hier soir… elle devrait revenir dans la journée à ce que j’ai

compris.87– Oh, en voilà une bonne nouvelle. Maddy ne m’en a pas parlé…– Elle n’est pas encore au courant, l’interrompis-je sèchement. Je… je ne veux pas lui donner de

faux espoirs, je ne suis pas certain d’avoir tout compris hier.– Mm… Jenna m’avait l’air paniqué lorsqu’elle est partie…– Vous l’aviez vue… elle a dit quelque chose qui vous a semblé étrange ? demandai-je, curieux.Je la fixai tandis qu’elle baissait la tête, mal à l’aise.– Rosa, dites-le-moi si vous savez quelque chose.– Je… elle m’a paru très faible ce jour-là, Wentworth… elle pleurait et je pense que sa décision

de partir n’était pas volontaire, du moins, elle était malheureuse à l’idée de vous abandonner, je l’aivu dans son regard.

– Mais elle l’a fait ! Elle a abandonné Maddy ! Sa propre fille ! criai-je en m’excusant aussitôt dem’être emporté ainsi.

– Went… ne soit pas si en colère. J’ai vraiment eu l’impression qu’elle n’allait pas bien. J’aiessayé de lui parler, mais elle… elle est très butée comme fille et tout ce qu’elle voulait… Elle m’ademandé de prendre soin de toi et de la petite.

– Comment elle a osé !?– Je me suis senti mal, je lui en ai fait la promesse, mais je pensais vraiment qu’elle faisait ses

adieux et tu me dis qu’elle rentre aujourd’hui ?Je ne savais plus quoi penser…Quoi dire ?Je secouai la tête, voulant effacer cette conversation de mon esprit.J’avais pris la décision de distraire ma fille loin de la maison et ainsi, m’échapper à ce qui s’était

passé hier soir dans le salon, mais Rosa ne pouvait pas me mentir et elle semblait vraiment inquièteau sujet de Jenna.

Les paroles de mon père frappèrent alors mon esprit, puis je poussai un long soupir de lassitude.Je fus confus et constatai dans le brouillard de mes pensées que Rosa attendait toujours ma réponse.

– Oui, d’après papa elle rentre aujourd’hui, et je pense qu’il sera là aussi.– Oh… il faut que je prépare la chambre d’amis.– J’en sais rien, soufflai-je dans un murmure.– Je vais le faire au cas où alors. Et ce soir, tu n’avais pas la petite fête de Paul ?88– Ouais, j’avais complètement oublié… Lui et ses fêtes !

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– Maddy l’aime beaucoup, elle n’arrête pas de me parler de lui.– Je sais. Bon, je vais chercher Maddy, ne nous attendez pas aujourd’hui.– Très bien, si tu as besoin…– Merci, murmurai-je en l’enlaçant tendrement avant de sortir de la pièce et d’aller rejoindre ma

fille dans sa chambre.895RETOURWentL’après-midi était passé à vitesse grand V. Maddy était aux anges et je constatai avec joie que

j’appréciai grandement la compagnie de ma fille.Nous étions sur le chemin du retour. Je lançai un regard dans le rétroviseur et un sourire se dessina

sur mes lèvres, observant Maddy qui mangeait sa glace à l’arrière de la voiture.– Fais bien attention de ne pas en mettre sur les sièges, ma puce, lui rappelai-je en riant alors

qu’elle me regardait d’un regard pétillant.– Je fais attention, papa.– Tu n’as pas mal au ventre, j’espère ?– Non, pourquoi ?– C’est ta troisième glace de l’après-midi, ma chérie, lui répondis-je en tournant au coin de la rue.

Nous sommes bientôt arrivés.Pour toute réponse, elle lécha son sorbet avec gourmandise et je me concentrai à nouveau sur la

route.Mon sourire se fana soudainement à la vue de Jenna.– Ce n’est pas vrai ! grommelai-je à voix basse.– Qu’est-ce qu’il y a, papa ?Mon cœur se serra douloureusement à la culpabilité qui m’envahit.J’aurais pu être plus discret pour Maddy.– Ce n’est rien, mon ange.– Hé, c’est maman ! s’exclama-t-elle en fixant sa mère alors que je garais la voiture dans l’allée.Je ne savais pas comment nous allions aborder le sujet, mais rien qu’à la vue de Jenna, je compris

qu’elle n’était pas très à l’aise à notre arrivée.90J’éteignis le moteur et échangeai un faible sourire avec Maddy qui fronçait les yeux

d’interrogation, comprenant sans doute que je feignais d’être ravi du retour de sa mère.Je descendis de la voiture et sans me préoccuper de Jenna, je contournai le véhicule pour sortir ma

fille de l’habitacle.– Papa ? Ça va ?Je la fixai un instant et compris qu’elle était triste.– Oui, ne t’en fais pas, ma puce. Va dire bonjour à ta mère, lui ordonnai-je en la déposant sur le

sol.– Ma chérie !Je refermai la portière et me tournai vers elles. Maddy s’avança vers sa mère lentement, la tête

baissée.Elle avait perdu tout son enthousiasme de la journée et je savais qu’elle était fâchée à cause de son

départ.

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C’était sa faute après tout, pas la mienne.JennaNous étions arrivés avec Jim depuis plus d’une heure lorsque je vis la voiture de Went arriver.

J’eus l’impression que mon cœur ne supporterait pas toutes ces émotions fortes en les voyant, mais jem’efforçai de ne pas montrer le bonheur que j’éprouvai de les retrouver.

Elle était toujours aussi belle.Vêtue de sa robe préférée, rose pâle, tachée par du chocolat et de la fraise qui devait provenir de

la glace qu’elle laissa tomber sur le trottoir, elle m’observa d’un œil mauvais avant de repousser samèche sur le côté.

Cette constatation me brisa le cœur.Je savais que Went était furieux contre moi pour être partie sans lui donner de bonnes raisons, mais

je ne m’attendais pas à la colère de ma fille.Je m’efforçais également à retenir les larmes de rejet que je sentais proches et me baissais

légèrement pour être à la hauteur de ma fille.– Maddy ? Tu ne veux pas me dire bonjour ? lui demandai-je d’une voix douce.– Bonjour… je suis fatiguée, je peux monter, papa ?– Oui, vas-y, ma puce, lui dit-il tandis qu’elle s’empressait d’entrer.91Je baissai les yeux, attristée plus que je ne l’avais jamais été en constatant le comportement

lointain de ma fille. Je ne lui en voulais pas bien sûr, il était normal qu’elle ne veuille pas me parler,qu’elle ne se fût pas jetée dans mes bras, heureuse de me voir revenir ici alors que je l’avaisabandonnée une semaine plus tôt.

– Jenna…La voix douce de Went me fit reprendre mes esprits. Je relevai la tête sans me soucier des larmes

qui roulaient sur mes joues. Il approcha lentement avant de poser une main sur mon épaule.– Elle oubliera.Oui, elle oubliera.Ces quelques mots auraient dû me soulager, car c’est tout ce que je désirais. Je voulais que ma

fille m’oublie, qu’elle vive sa propre vie avec l’aide de son père lorsque je ne serai plus de cemonde, mais c’est si douloureux.

Je hochai la tête et esquissai un faible sourire.– Comment tu vas ?– Ça va…– Tu en es certaine ? J’ai l’impression que tu as beaucoup maigri… tu peux me dire ce qu'il se

passe au juste ?– Je…. vais t’en parler, Went. Je suis venue ici pour ça… bégayai-je en m’efforçant de mettre les

conseils de Jim et de Jack en pratique.Jack.Il fallait aussi que je lui parle de ce cher Jack et je savais pertinemment qu’il pouvait être une

bonne excuse pour aborder le sujet de ce départ précipité.– Dis-moi ce qu'il se passe dans ce cas ! J’en ai assez de ses sous-entendus à la con, Jenna !

s’écria-t-il rageusement.– Ça suffit, Went !Je fermai les paupières, un bref instant, constatant la surprise puis la colère passer dans les iris de

ses yeux océan.

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Jim venait d’intervenir et je devinai aisément que le père et le fils allaient se disputer.– Papa ?– Bonjour, mon garçon, répondit-il poliment avant de me fixer dans les yeux. Va voir ta fille, Jenna

!92Je hochai la tête et sans demander mon reste, je me faufilai à l’intérieur de la maison.WentJ’écarquillais les yeux, complètement chamboulé par l’ordre que mon père venait de lui donner.

Jenna fila à l’intérieur. J’attendis qu’elle refermât la porte pour le fixer, interrogateur.– Tu peux me dire ce que ça signifie ? lui demandai-je en plissant les yeux à la vue du désarroi qui

se dessinait sur les traits de son visage.Papa ?– Je suis désolé, Went, mais… je lui ai promis de la laisser t’expliquer la situation elle-même.– Tu te fous de moi ?! Qu’est-ce que ça veut dire, Pa ? Tu es au courant des raisons qui l’ont

poussée à partir ? Elle a abandonné Maddy !hurlai-je à présent, fou de colère de constater que j’étais le seul dans l’ignorance.– Calme-toi. Tu sauras tout, mais ce sera Jenna qui t’en parlera. Tout ce que je peux te dire, c’est

que tu n’aurais pas dû la juger comme tu l’as fait. Si elle est partie, c’est parce qu’elle pensait vousprotéger mieux ainsi.

– Nous protéger ? Mais pourquoi et de qui ?!– Arrête de crier, Went ! m’ordonna-t-il d’une voix forte.Je secouai la tête, très énervé par la situation où mon ignorance était à son comble.Je pris ma tête entre les mains, essayant de calmer cette frustration des plus déplaisantes, et

m’installai sur le banc près du perron.Mon père me rejoignit quelques minutes plus tard et posa sa main sur ma cuisse.– Elle t’aime, Went… même si tu penses que je te dis des âneries, c’est la vérité. Elle souffre

beaucoup de tout ça, mais… tout ce que j’espère, c’est que tu pourras la comprendre et que tul’aideras jusqu’au bout.

Je fronçai les sourcils, surpris par ses mots et tournai le visage vers lui.Mon père hocha la tête et se redressa avant de me lancer : – Je vais m’occuper de Maddy le temps

que vous discutiez tous les deux.93– OK, répondis-je en me levant à mon tour.– Promets-moi de ne pas lui tenir rigueur de son départ, Went ?– Je…– Elle n’a pas besoin de ça, crois-moi. Tu dois me faire confiance, dit-il en me fixant dans les

yeux.Je compris à cet instant qu’il était on ne peut plus sérieux. J’acquiesçai alors d’un signe de tête et

le suivis à l’intérieur. Il monta à l’étage tandis que je me rendais dans la cuisine, désemparé.JennaJ’aurais dû me douter du mal que je lui avais fait en partant de cette façon. J’avais peut-être ruiné

les liens qui nous unissaient toutes les deux jusqu’à maintenant.Voir ma fille recroquevillée sur son lit, le dos tourné me fit très mal, bien que je connusse mieux

que quiconque son caractère têtu. Pourtant, je ne pouvais me contenter de rester ainsi ni m’échapperde sa chambre sans avoir au moins essayé.

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Je m’avançai alors vers le lit et constatai que Maddy serrait son lapin en peluche dans ses bras. Unfaible sourire se dessina sur mes lèvres et doucement, je m’installai sur le bord du lit avant de poserma main sur son bras.

– Ma chérie… je sais que tu es en colère contre moi, mais…– Pourquoi t’es partie ?Je déglutis péniblement à l’écoute de sa voix enfantine.– Je devais partir, mon amour, mais ce n’est pas de ta faute ni celle de ton père, la rassurai-je

tandis qu’elle redressait la tête pour plonger son regard brillant de larmes et de colère dans le mien.Je suis désolée si je t’ai fait du mal en partant, mais je devais vraiment le faire, ma petite chérie. Tesouviens-tu ? Un jour, je t’ai expliqué que les grandes personnes étaient obligées de prendre desdécisions difficiles, et ce, même si elles en souffraient…

– Tu vas repartir alors ? me coupa-t-elle en laissant un sanglot étouffé s’échapper de sa gorge.Je fermai les yeux à la douleur qui me paralysait un instant.Ma fille n’avait beau avoir que quatre ans, elle était beaucoup plus intelligente que la plupart des

enfants de son âge.94Je caressai son bras, elle me laissa faire.– Je pense que c’est mieux pour toi, Maddy.– Pourquoi ? J’aimais bien quand on était tous les trois.– Je sais… Mais tu dois comprendre que j’ai besoin… il faut que tu te retrouves un peu seule avec

papa, ma puce. Depuis que tu es venue au monde, nous n’étions que toutes les deux et j’ai privé tonpère de ton existence.

Je m’arrêtai, laissant les larmes couler le long de mes joues sans pouvoir les retenir pluslongtemps. Je me sentais minable de lui donner cette excuse, mais je n’étais pas prête à lui dire quej’allais la quitter bientôt pour toujours.

Chacun pouvait penser que j’étais faible, trop égoïste pour lui avouer la misérable vérité du destinqui m’attendait, mais je ne pouvais pas.

J’avais promis à Jim de tout avouer à Went, mais je ne pouvais concevoir le fait de sortir ces motsde ma bouche en présence de mon bébé.

Non, je ne le pouvais pas...Sa petite voix triste me fit reprendre mes esprits. Son doigt effleura ma larme et je finis par les

balayer d’un geste vif avant de lui prendre la main.– Il faut que tu saches que je t’aime plus que tout, ma chérie… quoi qu’il arrive, je continuerai à

t’aimer…Elle se jeta à mon cou et me serra très fort, comme si elle s’accrochait à moi de peur que je

m’évanouisse dans la nature et que je la laisse seule.– Tu ne seras jamais seule, mon trésor. Papa s’occupera bien de toi et je resterai toujours dans ton

cœur. Je continuerai à veiller sur toi, je t’en fais la promesse, mon ange, lui murmurai-je en la serrantcontre mon cœur, me mordant la lèvre pour ne pas hurler cette profonde injustice.

Nous restâmes enlacées pendant quelques minutes puis je me reculai légèrement afin de prendreson petit visage entre mes mains.

– Je t’aime si fort, ma Maddy.– Je t’aime aussi, maman, répondit-elle avant de venir nicher son visage dans mon cou. Tu vas

rester encore un peu ?– Oui… je te le dirai quand je serai sur le point de partir, je te le promets. En attendant, veux-tu

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rester dans ta chambre, le temps que j’aille discuter avec papa ?Elle hocha la tête et je m’efforçai de ne pas lui montrer la peine que j’éprouvais. Je l’embrassai et

lui promis de revenir très vite.95Ensuite, je me levai et me dirigeai rapidement vers la porte, trop faible émotionnellement pour me

retourner et voir la tristesse dans ses yeux océan.– Jenna…Jim était là, derrière la porte lorsque je la refermai. Je fus aussitôt dans ses bras et mes sanglots

s’échappèrent de tout mon être. Il ne parla pas, se contentant de me garder contre lui tout en meberçant.

Il fallait pourtant que je refuse ces étreintes qui me brisaient le cœur un peu plus à chaque fois.Et Went… il devait connaître la situation à présent.Je n’avais plus le choix.L’esprit embrouillé, je quittai Jim et descendis jusque dans la cuisine où je le trouvai.Il était là… installé à la table, le visage entre ses mains.Il m’entendit lorsque je refermai la porte. Il redressa la tête et je dus faire un effort pour ne pas

courir me jeter dans ses bras à la vue de son regard si limpide.– Salut… murmurai-je d’une voix émue.– Salut, répondit-il avant de soupirer longuement.– J’aimerais te parler, Went.Il hocha la tête puis se tourna vers la baie vitrée.– Tu veux qu’on aille marcher un peu ?Décontenancée, je le fixai avant d’acquiescer silencieusement.Je le suivis alors à l’extérieur malgré la grande peine que mes jambes avaient à me porter.Il marcha lentement, remarquant sans doute des difficultés que j’éprouvais pour me déplacer. Il

avait raison, j’avais maigri et je me sentais si faible de jour en jour.La chaleur du soleil réchauffa quelque peu le froid qui m’habitait.Le silence perdura jusqu’à ce que nous arrivions près du banc au fond du jardin. Je m’installai

dessus et baissai les paupières, troublée par le regard inquisiteur qu’il tardait sur moi avant qu’ils’installât à mon côté.

Le moment était venu, hélas…96WentJe la fixai quelques instants, observant sa petite mine fatiguée. Elle semblait très éreintée et je me

rendis compte à cet instant que ses joues étaient plus creusées que d’habitude.Mon regard, vidé de toute expression, la considéra plus sérieusement et une partie de moi

s’attendait au pire.– Dis-moi ce qu'il se passe, Jenna… murmurai-je d’une voix brisée par l’inquiétude que

j’éprouvais.Je vis la culpabilité et l’inquiétude dans les traits de son visage, affolant un peu plus mon trouble.– J’ai tellement… de choses à te dire, Went…– Commence par le début, alors.Elle secoua la tête avant de balbutier d’une voix hésitante : – Je suis partie pour plusieurs raisons.

D’abord, je savais que je devais lire la lettre de mon père. J’en avais besoin.– Et l’autre raison ?

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– Je vais tout te dire, mais je ne veux pas que tu m’interrompes… S’il te plaît.Je hochai la tête malgré le regard sceptique que je lui lançais.– Je… j’avais besoin de faire le point comme je te l’ai dit. Je suis donc retournée chez Sébastien

et j’ai demandé à rencontrer ton père. Il détenait la lettre que mon père m'avait écrite avant de mourir.J’avais besoin de tout mettre en ordre et il me l’a apportée.

Elle s’interrompit un instant et je sentis mon cœur se serrer douloureusement à la vue des larmesqui dansaient dans ses iris. En signe de réconfort, je plaçai ma main sur la sienne. Elle esquissa unfaible sourire et je soupirai avant que nos doigts s’entrelacent.

– Je… je ne m’attendais pas à quoi que ce soit venant de lui, si ce n’est toute la vérité. Il avaitpeut-être envie de tout avouer avant de partir… même si c’est trop tard à présent, mais j’aurais eu letemps de la connaître et j’en suis heureuse… vraiment.

– Que dit cette lettre, Jenna ?Elle prit le temps de reprendre son souffle et ancra son regard au mien.– Il… je n’ai jamais été sa fille, Went.– Quoi ? m’exclamai-je, interloqué par cette annonce.– Ce qui est certain, c’est que je connais à présent les raisons pour 97lesquelles il m’a rejetée toute sa vie.– Jenna… soufflai-je, déboussolé.– C’est encore difficile d’en parler… surtout que j’ai une très mauvaise nouvelle à t’annoncer,

mais…– Dis-moi ?– Non… tiens. Lis-la, s’il te plaît. Tu comprendras mieux que si je t’explique, me dit-elle en me

tendant la lettre de son père.Je restai figé un court instant, fixant son regard brillant de tristesse, cette lettre pliée en quatre.

Puis, je finis par quitter sa main afin de prendre la missive de son père, enfin, de celui qu’elle croyaitl’être.

– D’accord.Lentement, je dépliai le papier et commençai la lecture, le corps tendu.« Ma chère Jenna…Si tu lis cette lettre, c’est que je ne suis plus parmi vous… bien que je n’aie jamais été très

proche de toi, mais je voudrais m’en excuser.Je ne te l’ai jamais dit, mais je t’ai aimée… malgré moi. Tu dois te demander pourquoi, mais je

vais tout t’expliquer et je ne m’attends pas à ce que tu acceptes de me pardonner, je ne méritepeut-être pas ton pardon, pas après cette vie dure que je t’ai fait mener, et tous les mensonges quej’ai dits.

Malheureusement, je ne peux revenir en arrière, Jenna, mais je veux que tu saches que je m’ensuis toujours voulu de t’avoir caché la vérité.

Cette vérité tant douloureuse pour moi. Oui, j’ai souffert de tout ça, mais en aucun cas je nepouvais te le montrer, même si je n’ai jamais été un vrai père pour toi.

Je ne suis pas un bon père, je n’ai jamais été TON père, Jenna et je suis sincèrement désolé dete l’avoir caché durant toutes ses années.

Je soupçonnais depuis des mois que ta pauvre mère avait une liaison, mais l’amour que j’avaispour elle était plus fort que tout. Nous nous aimions, du moins, je l’aimais beaucoup plus qu’ellene m’aimait.

J’ai donc fermé les yeux et lorsqu’elle m’a appris qu’elle était enceinte de toi, je l’ai

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questionné… Elle m’a tout raconté. Je lui ai dit que j’étais prêt à m’effacer pour son bonheur.Comme tu peux t’en douter, sa décision était de rester avec moi, du moins jusqu’à ce jour où

une dispute a éclaté entre nous. Sébastien 98dormait à l’arrière de la voiture et nous venions de dîner au restaurant…chez Jack.J’ai tout compris ce soir-là… Jack, ton véritable père avait aimé ta mère. Il n’a jamais su que

ce bébé était de lui… je ne lui ai jamais dit. Je voulais en quelque sorte le priver de toi. Uneviolente dispute a éclaté entre nous, car elle désirait que Jack sache toute la vérité sur toi.

L’accident est arrivé…– Mon Dieu, Jenna… soufflai-je, choqué et éberlué par ce que je venais de lire.Je refermai la lettre, je ne pouvais en lire davantage. D’ailleurs, je pouvais deviner la fin de cette

note d’excuse, connaissant les circonstances de la mort de la mère de Jenna.Ils avaient eu un accident, ce soir de décembre. Sa mère avait été la plus touchée et avait perdu

connaissance à cause de ses nombreuses blessures. Les secours avaient alors sauvé le bébé quin’attendait qu’à naître prématurément suite au choc violent. Une fois née, la mère de Jenna avaitperdu la vie.

– Je… je ne sais pas quoi te dire, murmurai-je en l’attirant contre moi.Je suis désolé, Jenna.– Merci… mais ça va… ne t’en fais pas pour ça, Went.Ému, je la relâchai. Je savais mieux que quiconque qu’elle avait eu une vie douloureuse, privée

d’amour maternel et paternel.Elle n’avait pas eu de chance et à cette pensée la colère m’envahit, sachant que son père avait

toutes les pièces en main pour soulager la douleur de Jenna lorsqu’elle était enfant. Il aurait pu luidire la vérité, elle aurait retrouvé son véritable père qui, j’en fus certain, l’aimait déjà bien plus quelui ne l’avait jamais aimée.

– Jack… murmurai-je. Le sait-il ?Elle hocha la tête en signe d’acquiescement et elle m’expliqua alors sa rencontre avec son père.Jack était soulagé. Quelque chose au fond de lui savait qu’elle était sa fille, depuis toujours.– Il aimait réellement ma mère, tu sais, murmura-t-elle en laissant un sanglot monter dans sa gorge.– Hé, ça va, Jenna… chut, la consolai-je en la prenant dans mes bras.C’est fini… tu pourras reprendre un nouveau départ avec Jack…99– Non.– Quoi, non ? Ce n’est pas ce que tu voulais ?– C’est trop tard… malheureusement, c’est trop tard, Went.– Trop tard ?Que me racontait-elle ?Je secouai la tête lentement afin de disperser le brouillard de mon esprit. Je l’observai ensuite,

elle avait les yeux clos et je compris qu’elle avait du mal à m’avouer ce qu’elle avait sur le cœur.– Il n’est jamais trop tard, m’exclamai-je, sûr de moi.– Si… je…– Qu’est-ce que tu racontes ? Tu n’es pas seule, Jenna !Je pestai intérieurement pour avoir élevé la voix alors qu’un sanglot brisa son silence.J’emprisonnai ses doigts dans les miens et les serrai fermement, espérant lui fournir un peu de

courage pour tout m’avouer.

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Elle ouvrit les paupières et la douleur de ma poitrine fut lancinante à la vue des larmes quimenaçaient de s’échapper. Elle avait, à cet instant, l’air de la petite fille que je m’évertuais àprotéger contre les ignorances accablantes de Charlie.

Ma vue se brouilla également aux souvenirs douloureux qui hantèrent mon esprit.Cette petite fille, si fragile qui tentait désespérément de montrer à cet homme qu’elle existait… aux

paroles déchirantes qu’elle lançait en pleurant qu’elle aurait préféré être morte avec sa mère dans cetaccident.

Je pouvais encore voir son doux visage s’éteindre lorsque Charlie haussait pitoyablement lesépaules avant de quitter la pièce. La plupart du temps, quand j’étais présent, je la prenais dans mesbras et l’emmenais faire un tour. Elle adorait marcher dans les innombrables allées du parc pourcontempler le lac où les reflets des rayons du soleil se dessinaient sur l’eau.

Elle voulait aimer la vie.Et lorsque, d’un souffle, elle murmura :– Je vais mourir, Went…… une partie de moi se brisa à jamais…1006DOULOUREUSE VERITEJennaJe fermai les yeux, refusant de voir sa réaction, car je savais que je souffrirais encore un peu plus.

Son corps était tendu contre moi et ses doigts entrelacés aux miens me firent mal.Il avait dû s’en rendre compte, car il desserra doucement son étreinte.– Jenna… qu’est-ce… que tu racontes ?Je me mis à déglutir péniblement, il était temps de tout lui avouer.J’ouvris les paupières et tombai sur son regard empli de larmes.Non ! Non !Il ne devait pas faire ça.Pas maintenant.Rapidement, je remuai les pieds, paniquant intérieurement.– S’il te plaît, Went… ne m’en veut pas, mais… c’est pour cette raison que je suis partie comme

ça. Je pensais que ça pouvait marcher entre nous, mais… Maddy est si petite et je l’aime tellementque je n’ai pas eu la force de lui faire comprendre que je la quitterais… je suis si désolée, Went.Pardonne-moi, je t’en prie…

– Calme-toi une minute, Jenna… raconte-moi ce qui t’arrive ? Je ne comprends pas. Qu’est-ce quite fait penser que tu vas mourir, ce n’est pas possible !

Sa voix s’étrangla sur ces derniers mots.N’avait-il pas compris ?Je le fixai pendant un instant avant de baisser le regard, bien trop peinée de lire une telle

incompréhension dans le sien.– Jenna…– Je ne savais pas comment te l’annoncer, Went. Mais… je vais vraiment mourir, articulai-je avec

difficulté tandis que mes larmes 101coulaient le long de mes joues.– Non…Je ne cillai pas, laissant mon regard ancré au sien. Il tentait de trouver une excuse, une solution à la

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vérité que je venais de lui avouer, mais il devinait que tout était vrai.Je ne plaisantais pas… j’allais bel et bien être emportée très bientôt par la maladie.J’avais mal… sa réaction – son silence, ses paupières emplies de larmes — me brisa un peu plus

de l’intérieur, mais je savais qu’il serait fort pour notre fille.Il me serra dans ses bras avec tendresse et férocité à la fois, de peur que je ne m’évanouisse tout

de suite.Nous restâmes de longues minutes enlacés. J’avais beau tenter de garder le contrôle sur mes

émotions, les enfouissant au plus profond de mon cœur pour ne pas souffrir davantage, mais la vaguede sentiments était toujours présente, ce qui accentuait la douleur.

– Je… j’ai une leucémie, Went, et elle a été décelée trop tard, murmurai-je en serrant mes brasplus fort autour de son cou.

– Ne dis pas ça… je ferai appel aux plus grands médecins, Jenna. Je ne vais pas te laisser partir,nous quitter… je ne veux pas que tu partes comme ça.

– Chut, le coupai-je en pleurant silencieusement alors qu’il sanglotait dans mon cou.Je ne m’attendais pas à ce bouleversement, mais j’en fus rassurée, soulagée qu’il ne me cachât pas

sa souffrance…Cela lui sera plus facile de vivre ainsi.Je me détachai enfin de son étreinte et passai le bout de mes doigts sur ses joues, balayant ses

dernières larmes.Il me sourit faiblement avant d’attraper mes mains qu’il garda dans les siennes pendant quelques

minutes où le silence fut omniprésent.– Je n’arrive pas à croire ça, Jenna.– C’est la vérité, pourtant.– Depuis quand ?Je fronçai les sourcils, décontenancée.– Depuis quand le sais-tu ?– Depuis… avant notre départ pour Los Angeles. Je voulais te le dire… j’ai eu un traitement, mais

ça n’a fait qu’atténuer les douleurs… Je 102voulais vraiment te le dire, mais je n’y suis jamais arrivée… et… avec les derniers événements…

j’ai pensé que partir comme je l’ai fait était la meilleure solution, lui avouai-je en baissant les yeux,peu fière de tous mes mensonges.

– Mieux pour qui ?– Mieux pour toi, pour Maddy et pour moi. Je sais… c’était égoïste, mais je n’arrivais pas à

m'imaginer vous le dire ! Comment veux-tu que j’arrive à prononcer ses mots à ma fille, Went ? Quedois-je lui dire ?

Maman va te laisser, tu ne me reverras plus jamais ? Je vais mourir, car je suis très malade ?Je venais de lui crier dessus.Mes joues baignées de larmes, je le fixai, furieuse, tandis qu’il baissait le regard douloureusement.Il resta immobile un long moment.Tout comme moi, il fut incapable de prononcer un mot de plus ou de faire le moindre mouvement

pour se rapprocher de moi.Nous restâmes là, telles des statues figées par la malédiction qui s’abattait sur notre amour, sur ma

vie tout court.– Il faut que tu me promettes que tu t’occuperas bien d’elle, Went ?C’est tout ce qui compte à présent pour moi et…

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– Jenna, me coupa-t-il en m’attirant enfin dans ses bras. Je ferai tout ce que tu voudras… je t’aime.– Non, lui dis-je en reculant doucement.Il me fixa, incrédule. Il était temps pour moi de panser les blessures de son cœur et de sa

culpabilité.– Je t’aime aussi Wentworth, mais je sais que ton cœur n’est pas à moi.– Jenna…– Non, écoute-moi, l’interrompis-je en prenant son visage entre mes mains. Je t’ai aimé, je t’aime

et je t’aimerai toujours. Tu es le seul qui a compté, tu es le père de ma formidable petite fille et jecompte sur toi pour Maddy… mais tu feras ta vie à présent, avec la femme que tu aimes.

Je sais que vous êtes faits l’un pour l’autre.– Je…– Ne dis rien à personne pour ma maladie et… pour ce qui va arriver.Pour une fois, Went, je t’en supplie… laisse-moi faire, continuai-je sans lui laisser le temps de

m’interrompre.103Je fus à présent déterminée.Lui parler me donnait le courage de surmonter l’ultime épreuve, car je fus soulagée de lui ouvrir

mon cœur.Il prendra soin de Maddy et lui donnera une vraie famille. Je pouvais alors m’en aller sans trop

éprouver ce manque, ce vide empli de doutes et de peur.– Que comptes-tu faire ?– Je vais repartir à New York… j’ai promis à Jack de rester près de lui et je ne veux pas que

Maddy me voie quand ce sera… la fin. Je ne veux pas qu’elle me voie comme ça, elle est si petite.– Jenna… ne crois-tu pas qu’elle a le droit de savoir ? Elle a le droit de dire adieu et… mon

Dieu… comment cela peut nous arriver ?T’arriver ? Je… ferai ce que tu voudras… je sais que tu feras ce qu’il y a de mieux pour notre

fille.– Merci… je lui parlerai… je lui dirai que je partirai pour un nouveau pays où il y a des anges…

c’est ce que Sébastien me disait quand je demandais où était maman.Il me sourit tristement avant de m’attirer contre lui à nouveau, remarquant sans doute les larmes qui

revenaient encore dans le fond de mon regard.Sa main caressa mon dos d’une lenteur extrême. Je fermai les paupières, savourant cette douce

étreinte.– Je ne veux pas y croire, Jenna… souffla-t-il en étouffant un sanglot.– Je sais, murmurai-je.– Tu es sûre qu’il n’y…– Non, Went. Il ne me reste plus beaucoup de temps. J’ai vu plusieurs médecins… j’ai montré

leurs courriers à ton père.– On a… combien de temps au juste ?– Je ne sais pas, mais je repars avec ton père demain soir.– Si vite ! s’exclama-t-il d’une voix horrifiée.– Oui. Lundi, je dois faire d’autres examens, lui dis-je en m’écartant doucement de son visage.Il hocha la tête lentement et j’en profitai pour m’écarter de lui.– Comment tu te sens ? me demanda-t-il en glissant sa main le long de mon bras.– Un peu fatigué, mais ça va, lui répondis-je, légèrement troublée par le frisson que sa caresse me

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procurait.104Il me sourit avant de prendre ma main dans la sienne.– On rentre ?J’acquiesçai d’un hochement de la tête et répondis à son sourire, satisfaite que plus aucune trace de

ses larmes ne fût visible sur son visage.Entrelaçant nos doigts, nous avançâmes lentement vers la maison.– Est-ce que… je…Je m’interrompis tandis qu’il nous stoppait.Doucement, il caressa mon menton avant de redresser mon visage jusqu’à ce que nos regards

s’ancrèrent l’un à l’autre.– Dis-moi ce que tu veux, Jenna.– Je voudrais que… fais semblant de rien… devant tout le monde et surtout Maddy… s’il te plaît ?

Je voudrais que ce soir et demain, tout se passe comme si de rien n’était.– Je… je ne pense pas être capable d’une telle chose. Tu viens de m’apprendre que tu vas mourir

et je n’ai pas…– Quoi ? Tu n’as pas ?Il me fixa d’un air désolé et prit une profonde inspiration avant de continuer :– Je n’ai pas su t’aimer comme j’aurais dû…J’esquissai un large sourire tandis que mon cœur s’étreignait douloureusement dans ma poitrine.– Au contraire, Went. Tu as été le seul à m’aimer, à me donner cette tendresse, cet amour que je

désirais plus que tout au monde. Tu as toujours été là pour moi et…– Non ! me coupa-t-il en secouant la tête.– Si. Je n’attendais pas plus et tu m’as rendue heureuse…– Je n’étais pas là pour toi ces cinq dernières années…– Car j’avais fui ! le coupai-je durement. Tu n’es pas responsable de ça, Wentworth. J’ai pris cette

décision toute seule et bien que je le regrette… je suis revenue, et le plus important aujourd’hui c’estque tu connaisses ta fille. Elle aura besoin de toi, Went, et je compte sur toi pour…

– Chut, me coupa-t-il en m’attirant à nouveau dans ses bras tandis que je pleurais et sanglotais sansm’en rendre compte. Je ferai tout ce que tu voudras, ma puce… Je te le promets.

105Je hochai la tête, le remerciant silencieusement. Il balaya doucement les larmes de mes joues et

nous attendîmes encore un peu près de la terrasse avant de rentrer.– Merci.– J’y pense, il faut que j’appelle Paul pour l’informer de mon absence.– Tu devais travailler ? demandai-je, surprise.– Non. C’est le grand barbecue aujourd’hui… J’avais l’intention d’emmener Maddy…– Went !– Quoi ?Exaspérée, je roulai des yeux. Il avait déjà oublié ce que je venais de lui demander.– Tu m’as promis.– Je…– Vas-y avec elle. Elle sera contente et ça lui permettra de se changer les idées, le coupai-je en lui

faisant comprendre qu’il devait continuer à agir comme si je ne lui avais rien appris sur ma tristedestinée.

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– Tu en es sûre ?– Certaine, fis-je en riant légèrement, espérant ôter la douleur que nous éprouvions.– Viens avec nous dans ce cas. Maddy sera contente et… j’aimerais qu’on passe ce moment… en

famille…Je le considérai pendant de longues secondes, troublée et émue à la fois de constater la lueur de

sincérité dans son regard.Je me sentais pourtant fatiguée, mais il avait raison, je ne pouvais le contredire sur ce sujet.

J’avais moi aussi besoin de passer ce dernier moment avec lui et notre fille, les deux personnesauxquelles je tenais le plus au monde.

Alors, contre toute attente, je hochai la tête et un sourire se dessina sur mes lèvres lorsqu’il mesouleva légèrement dans ses bras pour m’étreindre.

Une heure plus tard, je descendis les escaliers avec Maddy et je trouvai Went et Jim, toujours engrande conversation sur la terrasse. Il ne fallait pas être stupide pour comprendre qu’ils parlaient demoi, mais je m’étais promis, tout comme Went me l’avait promis, de faire abstraction de cette 106

maladie qui me rongeait afin de vivre pleinement nos derniers moments ensemble.La douleur était bien présente en moi, dans chaque fibre de mon corps, mais je refoulais toute

pensée. Je voulais vivre, et bien que je ne puisse plus rien faire pour me battre contre ce mal, j’avaisdécidé de profiter de ces instants, de leurs sourires, de leurs rires. J’espérais d’ailleurs emportertoutes ces images que j’immortalisais dans ma mémoire, mais j’avais peur d’oublier.

Je ne voulais pas les oublier, ils étaient ma raison de vivre et d’exister… même partie, loin detout, une partie de moi était imprégnée de tous ces souvenirs que j’emporterais à jamais, pourtoujours…

La passion est une chose, l’amour d’un être en est une autre.La passion s’oriente généralement vers le passé, remplie par son image.La passion, telle est la source des idolâtries, du culte des mots, de l’adoration des images

aveuglements semblables à l’homme que l’on aime et que je continuerai à aimer, même de là où jeserai…

Aussi, celui qui observe le passionné ne peut-il parvenir à comprendre ses jugements de valeur ouson comportement ? Il essaie souvent, non sans naïveté, de redresser par des discours relatifs auxqualités réelles de l’homme qu’on aime, des erreurs d’une logique amoureuse ou d’une crainteinjustifiée.

Mais on ne saurait guérir une phobie en répétant au malade que l’objet qu’il redoute ne présentenul danger, la crainte ressentie n’étant en réalité pas causée par celui-ci, mais par ce qu’il symbolise,et qui fut effectivement redoutable ou désiré avec culpabilité.

De même, il est vain de vouloir détruire un amour en mettant en lumière la banalité, car la lumièreavec laquelle le passionné éclaire cet objet est d’une autre qualité que celle qu’une impersonnelleraison projetée sur lui.

Cette lumière émane de l’enfance du passionné lui-même, elle donne à tout ce qu’il voit la couleurde ses souvenirs.

Et seuls, ses yeux peuvent en effet apercevoir la beauté que je contemplai, la source de cette beautén’étant pas dans l’objet contemplé, mais dans la mémoire de mon regard.

L’erreur du passionné… mon erreur…107Lui, cet objet ne pouvant être aperçu par un autre que par lui-même puisqu’il ne vit que dans son

souvenir. En vérité, l’authentique objet de ma passion n’est pas au monde, il n’est pas là et ne peut

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pas être là, il est passé. Mais je ne sais pas le penser comme tel : aussi ne voulais-je pas me résoudreà ne plus le chercher.

La passion… un refus du temps…Je l’ai compris à cet instant où nous fûmes arrivés dans le jardin de Paul avec Went et Maddy.J’ai compris aussi que l’amour réel existait vraiment et qu’il n’était pas mien.Je l’ai vu par ailleurs dans son regard.Oui, dans son regard bleu océan où j’aimais me perdre depuis tant d’années.Mais ce regard ne m'était pas destiné, et je n’en souffrais plus.Plus maintenant… plus après avoir aperçu cette lumière de l’amour qui reflétait dans le regard

noisette de la jeune femme qui se tenait devant nous, dans ses bras où ma fille Maddy venait deprendre refuge.

J’esquissai un doux sourire à l’adresse de Went qui resserrait l’emprise de son bras autour de mataille.

– Je…– C’est Sarah.– Oui, je sais.Je levai la main et caressai sa joue, savourant au plus profond de moi-même ce contact chaleureux.– Maddy a l’air de bien l’apprécier, lui fis-je remarquer en ramenant ma main le long de mon

corps.Il hocha la tête lentement avant de me sourire.– Tu nous présentes ? La dernière fois, nous n’avons pas eu le temps de faire connaissance.Il hocha la tête à nouveau.Décidément, il avait perdu la faculté de parler ?– Merci, lui murmurai-je en refermant mes doigts sur le dos de sa main qu’il glissa dans la mienne.Nous nous dirigeâmes alors d’un pas lent vers Sarah qui semblait troublée à l’idée que je

l’approche. Je souriais, pour lui faire comprendre que tout allait bien se passer.108Ce fut ce que je voulais. Je voulais le bonheur de Maddy, celui de Went, et surtout, je ne voulais

pas faire peur à cette jeune femme qui semblait si gentille avec ma petite fille.– Sarah…SarahJe baissai les yeux, horrifiée à l’écoute du timbre de sa voix.Comment pouvait-il me faire ça ?Venir ici accompagné de cette fille qui l’avait lâchement abandonné, ainsi que sa petite fille !Je lançai d’ailleurs un regard d’animosité vers elle. Maddy resserrait sa petite main autour de la

mienne et je ne pus retenir un sentiment de mal-être.– Je…– Bonsoir, Sarah. Je suis…– Je sais qui vous êtes ! la coupai-je en redressant la tête, vrillant mon regard au sien sans ciller.– Sarah ! se renfrogna Went.– Quoi ?C’était la meilleure celle-là !Pour qui il se prenait pour me parler sur un ton de reproche ?– Oui, je suis Jenna.

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– C’est Sarah, maman, elle est gentille, s’interposa Maddy de sa petite voix innocente.– Je sais, mon trésor, répondit-elle en souriant à sa fille.– Toi aussi tu es gentille, Maddy, fis-je en fixant son visage d’ange.À cet instant, les voix de Jason et de Dominic s’approchèrent et je ne pus que ressentir une pointe

de soulagement à leur arrivée.Mes sauveurs…– Hé, salut, mon pote !– Salut, répondit l’homme aux deux femmes en souriant.– Bonsoir… Jenna ?La lâcheuse les salua poliment.Et les traitres qui l’embrassèrent à présent !J’aurai tout vu !– Enchantée.109– Y’a du monde, Paul a invité tout Los Angeles !Et il y avait aussi une NON-INVITEE !Went me lança un regard de reproche comme s’il venait de lire dans mes pensées.Avais-je crié tout haut ?Non, le visage de Maddy ne trahissait aucun reproche, lui !– Viens, on va saluer Paul, fit le tombeur en passant son bras autour de la taille de la jeunette.– D’accord.– Je peux rester avec Sarah, papa ?J’esquissai un sourire à l’adresse de Maddy avant de me renfrogner à la vue du visage décomposé

de Went.Que lui prenait-il ?Je n’avais pas l’intention de kidnapper son bébé !Ses manières en présence de la mère de sa fille, il pouvait bien se les mettre aux fesses !– Je voudrais lui présenter Emma avant, tu permets, Went ? demanda Dom, mon sauveur, en

prenant l’autre par le bras.– Euh…– Je n’y vois pas d’inconvénients.– D’accord.La pointe de jalousie que j’avais éprouvée s’effaça aussitôt lorsque Jason et Dom l’emmenèrent

vers Paul qui grillait la viande.– Alors, papa ?– Quoi ?– Je peux rester avec Sarah ?– Oui, bien sûr, si Sarah accepte bien entendu.Il me fixait.Je le foudroyai d’un regard si furieux que je sentais le rouge monter à mes joues.– Sarah… il faut que je te parle…– On n’a rien à se dire, Went, rétorquai-je alors que la main de Maddy quitta la mienne.– Au contraire, on a beaucoup à se dire, tu ne crois pas ?– Personnellement, je n’ai rien à te dire. Je sais où j’en suis à présent.– Alors, écoute au moins ce que j’ai à te dire, Sarah ! lança-t-il avant 110

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de jeter un regard vers sa fille.J’en fis de même et pestai intérieurement qu’elle s’éloignait vers trois chatons qui gambadaient

près du vivier.– Sarah !Je secouai la tête, troublée par sa voix autoritaire.Son regard m’hypnotisa quelques secondes, mais je parvins néanmoins à m’en détacher, ayant

aperçu cette lueur de douleur dans ses pupilles océan.J’allais le fuir à toute vitesse, mais il m’agrippa par le bras.– Lâche-moi, crachai-je en le fixant d’un regard noir de colère.– Non. Il faut que tu saches la vérité, Sarah.– La vérité ? répétai-je en lâchant un petit rire.– Jenna et moi… ce n’est pas ce que tu crois.Elle était bien bonne celle-là !– Ce n’est pas mon problème, Wentworth. Tout est terminé, j’ai compris que je ne…– Que tu quoi ? Que tu quoi, Sarah ?Je déglutis avant de fermer les paupières.C’était donc ça qu’il attendait que je lui dise ? Mais je n’y parvins pas dans la seconde.Je l’aimais, oui, mais c’était un amour impossible et je le savais.J’avais conscience également que mon cœur ne pouvait être plus brisé qu’il ne l’était déjà.Alors, je pris une profonde inspiration et ouvris à nouveau les paupières avant de vriller mon

regard au sien.– Je ne t’aime pas, Went. Je pensais t’aimer, mais non… je me suis trompée… lourdement

trompée, répondis-je enfin sans quitter ses yeux qui brillaient de douleur.– Tu mens… balbutia-t-il.– Non ! claquai-je en dégageant mon bras de son emprise. Je ne te mens pas. Je ne suis pas

amoureuse de toi. Que ce soit clair !WentLa douleur à ces mots m’anéantit avant qu’une puissante colère montât en moi.Je la fixai furieusement, me répétant mentalement qu’elle mentait.111Je le savais.Elle m’aimait et j’en étais convaincu un peu plus tous les jours où je pouvais lire la tristesse dans

son regard chocolat, alors qu’elle avait décidé de s’éloigner de moi.Je m’approchai de ma fille, laissant Sarah derrière moi avant que je ne fasse une chose que je

regretterais plus tard.Maddy jouait avec un des chatons, le plus fragile.Je m’agenouillai à sa hauteur et imitai les caresses qu’elle lui donnait sur la tête.– Il est beau, papa !– Oui, il est superbe, acquiesçai-je en esquissant un pauvre sourire.Nous restâmes un petit moment silencieux. Je remarquais la triste mine de ma fille et la

conversation que nous avions eue avec Jenna hanta mon esprit.Un tas de questions me bouscula.Comment devrais-je m’y prendre avec elle ?Comprendra-t-elle la maladie qui emportera prochainement sa mère ?Je soupirai, résigné malgré une partie de moi qui refusait toujours d’y croire.

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Elle ne méritait pas ça.Jenna devait vivre.Elle devait être heureuse plus que quiconque.Elle avait déjà tant souffert.Elle connaissait mieux que personne ce sentiment de rejet, cette douleur lancinante et acide qui

vous coupe le souffle.Et Maddy… ma fille !Pendant les quatre premières années de sa vie, elle n’avait compté que sur elle… et maintenant ?Que va-t-elle penser ?– Papa.Je secouai la tête à l’écoute de la voix de ma fille, balayant mes sombres pensées.– Oui, mon ange ?– Pourquoi t’es triste ? me demanda-t-elle en glissant son index sur ma joue.Le cœur serré, je me rendis compte qu’elle essuyait une larme traîtresse sur ma joue.112Vivement, je me frottai le visage et plantai un large sourire sur mes lèvres.– Je ne suis pas triste, ma princesse.Elle m’observa, un pli soucieux sur le front.– Maman dit toujours que c’est pas bien de mentir.– Je sais, et elle a raison, répondis-je en souriant franchement. Excuse-moi, Maddy, mais c’est

juste que je réfléchissais.– Tu vas divorcer avec maman ?– Pardon ? Non, Maddy… et nous ne sommes pas mariés.– Ah oui, c’est vrai, dit-elle, ennuyée.Je soupirai avant de passer une main sur sa joue.– Qu’est-ce qui te tracasse, mon ange ?Elle haussa les épaules puis baissa le regard.– Maddy, murmurai-je piteusement.– Toi et maman, vous vous aimez plus ?– Bien sûr que si, mon ange. Qu’est-ce qui te fait croire ça ?Elle souffla en serrant le chaton contre elle.– Ben… maman est partie et t’étais pas content quand elle est revenue.Je restai hébété, surpris par le regard intense qu’elle sondait au mien.– Je… j’étais juste en colère, mon ange. Mais j’aime toujours ta maman.– Tu es sûr ?Je déglutis à l’insistance de cette petite fille qui me déstabilisait chaque fois sans que je m’y

attende.– Tu sais… tout ce qui compte, c’est que nous t’aimons toi et…– Donc, tu aimes plus maman ?– Si, je l’aime, Maddy. Je l’ai toujours aimée. Écoute, c’est très compliqué et tu comprendras

quand tu seras plus grande.Elle hocha la tête et j’en fus rassuré.– Allez ! Nous devons rejoindre les autres avant que Jason mange toute la viande, m’exclamai-je

d’une voix faussement enjouée en me relevant.– J’ai pas trop faim, papa.

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– Quoi ? Maddy, soufflai-je en la soulevant dans mes bras. Il faut que tu manges, sinon c’estmaman qui sera triste.

– Pourquoi ?113Je souris tandis qu’elle contemplait le chaton, endormi dans ses bras.– Parce que maman n’aime pas te voir triste et si tu ne manges pas, elle va penser que tu l’es.Quelle excuse minable !– D’accord ! Mais je peux garder le chat ?– Oh, je ne sais pas. Il faudrait demander à Paul, ils doivent lui appartenir.– Ben, il voudra alors ! s’exclama-t-elle en retrouvant le sourire.Je pouffai, je n’en doutais pas et, visiblement, elle non plus.– Allons le lui demander alors !JennaLa soirée se déroula dans une ambiance bon enfant. Dominic et Jason ne m’avaient pas lâchée

d’une semelle lorsque je leur avais avoué que j’étais une grande fan de leurs personnages. Il n’étaitpas difficile pour moi de comprendre que Went n’allait pas bien. Je lui avais posé des questions,mais il m’avait toujours répondu aller bien. Il disait cela pour me rassurer, car son regard était éteint.

Je détestais le voir souffrir autant et je savais que ma perte était en partie la cause, mais ladiscussion qu’il avait eue avec Sarah tout à l’heure avait dû l’achever.

– Maddy est tombée sous le charme de ce chaton, lui fis-je remarquer en constatant qu’il n’avaittoujours pas touché à sa brochette.

– Mm…– Went ?– Quoi ?Il planta un regard froid dans le mien et ferma les yeux avant de soupirer longuement.– Excuse-moi… je ne suis pas de très bonne compagnie…– Bien sûr que si.– Tu mens très mal, me dit-il en échangeant un sourire.– Je sais que c’est difficile, pour nous deux, mais… je ne veux pas que Maddy te voie malheureux.– Tout ira bien, Jenna… et moi, je veux que tu cesses enfin de t’inquiéter pour les autres. Tu as

toujours été si gentille avec tout le monde et… de savoir que…114– Chut, l’interrompis-je, émue en remarquant la douleur qui se dessinait à nouveau sur les traits de

son visage.Je compris qu’il s’efforçait de retenir le trop-plein d’émotion qui l’assaillait.Je posai une main sur la sienne et la pressai immédiatement. Il me remercia d’un faible sourire

avant d’entrelacer nos doigts.– Si tu veux qu’on rentre…– Non… ça va aller. J’ai juste besoin d’aller me rafraîchir un peu.– Je t’accompagne, lança-t-il en entreprenant de se lever.– Non, reste ici, j’y vais, le coupai-je en le retenant par les épaules tout en me levant. Je reviens.Je le vis hocher la tête et esquissai un rapide sourire aux quelques personnes qui me fixaient d’un

air interrogateur avant de m’éloigner de la grande table où la plupart des invités continuaient demanger sans se douter de rien.

Il me fallut quelques minutes pour trouver la salle de bain de Paul.

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Je vis sortir Emma au moment où j’allais ouvrir la porte.– Oh, ça va ?– Oui, merci, répondis-je poliment avant de m’avancer dans la pièce.L’actrice pouvait le prendre pour de l’impolitesse, mais je ne devais plus attendre pour avaler mon

médicament.Rapidement, je fis couler l’eau et posai la gélule sur ma langue avant de l’avaler. J’en profitai

pour m’asperger le cou. L’eau fraîche me fit du bien. Je dus néanmoins patienter quelques secondesavant de me redresser.

Ces vertiges n’en finissaient plus.Soudain, un bruit derrière moi me fit sursauter et, par maladresse, le tube de médicaments

m’échappa avant de tomber sur le sol. Je me baissai vivement, retenant un léger cri de douleur, quandsurgit alors une paire de jambes dont les pieds étaient chaussés de bottes noires.

– Désolé, mais Paul a oublié de spécifier qu’il s’agissait de la salle de bain pour les femmes.– Dom… murmurai-je alors qu’il fut plus rapide que moi pour ramasser mon tube.– Qu’est-ce que…Je fermai les paupières, essayant de contrôler le trouble que je sentais en moi.– Jenna ? Qu’est-ce que… je connais ce traitement… je…115– Laisse tomber, le coupai-je en le lui arrachant des mains.Il me fixa d’un regard surpris tout d’abord, puis je lus dans ses yeux de la compassion et je dus

m’adosser au rebord du meuble pour me soutenir.– Jenna… tu es malade… je ne savais pas…– Je…– Went est-il au courant ?Je hochai la tête, laissant une larme s’échapper de ma paupière.– Je… je lui ai appris à mon retour… tout à l’heure, répondis-je en inspirant doucement.– Oh…Il était mal à l’aise et je balayai immédiatement les maudites larmes de mes joues.– N’en parle à personne… Maddy n’est pas au courant et… que sais-tu de ce traitement au juste ?– Ma cousine prenait exactement le même et…– Elle est…– Oui. Elle est décédée il y a tout juste un an…Un lourd silence suivit.Tous deux gênés, nous nous fixâmes quelques secondes puis je secouai la tête et esquissai un faible

sourire, voulant juste détendre l’atmosphère.– Je suis désolé, me dit-il, comprenant sans doute ce qui m’attendait.– Ne le sois pas…– Jenna… tu es jeune, il doit y avoir une autre issue que…– Non. C’est trop tard. La maladie a gagné rapidement du terrain et je… je reprends l’avion

demain pour New York.– Je…Je ne lui laissai pas le temps de finir et rangeai rapidement mon tube de médicaments dans ma

poche.Puis, j’ancrai mon regard au sien.– Ne dis rien à personne, s’il te plaît ?

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– Je te le promets.– Went a de bons amis… j’espère qu’il pourra compter sur eux…– Je tiens à lui, Jenna, me rassura-t-il en posant sa main sur mon épaule, la pressant doucement. Je

serai là pour lui.– Merci, fis-je avant de sortir rapidement de la pièce. Ne voulant pas voir la compassion se

peindre encore sur son visage.1167AU MAUVAIS ENDROITJenna– Où vas-tu ?– Je reviens, Went, je n’en ai pas pour longtemps, lui répondis-je avant de lancer un faible sourire

vers Dominic qui m’observait.Je savais que ce serait difficile.La situation n’étant pas aisée de toute façon, mais de savoir que Dom était au courant n’était pas

très bon dans le sens où je n’aimais pas ce regard de pitié que l'on posait sur moi. Mais une partie demoi-même était satisfaite qu’il fût au courant. Je savais que Went pourrait compter sur lui à présent,et j’en fus soulagée.

Sarah n’était pas réapparue depuis un bon quart d’heure maintenant et je soupçonnais qu’elles’était réfugiée quelque part. Je ne savais pas les raisons de sa brusque disparition, mais Went étaitinquiet, je l’avais remarqué dans son regard quand il la cherchait des yeux.

Alors, je décidai de partir à sa recherche et, priant silencieusement que je me trompais, je medirigeais vers les toilettes que j’avais quittées quelques minutes auparavant.

J’ouvris la porte et fronçai les sourcils.Personne ne se trouvait à l’intérieur.Je lâchai un long soupir puis m’avançai tout de même vers les lavabos, j’avais besoin d’un instant.

Je fixai mon reflet dans le miroir et esquissai un faible sourire, consciente que les traits de monvisage renvoyaient la femme malade que j’étais.

Soudain, j’entendis un petit soupir et tournai la tête, incrédule, avant de m’apercevoir qu’uncabinet était occupé.

C’était elle…J’en fus persuadée.117Lentement, je m’approchai de la porte fermée et penchai la tête pour écouter.SarahJe ne savais pas combien de temps je restais là, sans bouger, mais je n’arrivai pas à faire un geste

après ce que je venais de découvrir. Mon esprit essayait de revenir en arrière pour comprendre,analyser chaque détail qui avait pu m’échapper.

Les minutes passèrent, interminables, mais je n’éprouvais pas encore le besoin de sortir de macachette.

Pas maintenant… pas maintenant alors que je devrais sans doute affronter son regard.Leur regard…J’étais assise, tremblante, sur les toilettes à essayer de me débattre de l’intérieur, mais je n’y

arrivais pas.Je ne pouvais pas, tout était flou dans ma tête et les larmes que j’aurais voulu laisser couler pour

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ressentir un minimum de soulagement n’arrivaient pas à sortir.J’étais éberluée.Sous le choc.– Sarah ?– …J’ouvris la bouche et la refermai immédiatement, prenant conscience que cette voix appartenait à

Jenna.Que faisait-elle là ?Comment savait-elle que c’était moi ?– Sarah… je sais que c’est vous…– J’ai… j’arrive dans un instant, lui répondis-je en espérant qu’elle quitte les lieux.– Vous allez bien ?Je fermai les paupières.Elle me demandait à moi comment j’allais alors que je savais que son état était bien pire que le

mien.– Oui… ça va, Jenna, ne vous en faites pas pour moi.– Oh, très bien…118Un long silence s’installa entre nous. Je pensais qu’elle serait partie, mais je n’avais pas entendu

le moindre bruit.J’attendis encore un instant, consciente que je ne pourrais pas rester ici indéfiniment.– Jenna ?– Oui, Sarah ?– Vous… êtes encore là… je…– Que se passe-t-il, Sarah ?Sa voix était grave, inquiète. Je me relevai alors et tournai lentement le verrou avant d’ouvrir la

porte. Je la trouvai adossée contre le rebord du meuble du lavabo, elle me souriait.– Je… j’étais là tout à l’heure… je suis désolée, mais j’ai tout entendu, Jenna.Voilà, c’était dit.Elle ferma les yeux, choquée sans doute à mon aveu.Je m’approchai d’elle et posai ma main sur son épaule.– Je ne veux pas de pitié, Sarah…– D’accord… je…– Non, ne dites rien...Je sentis mon cœur se serrer à la vue de la tristesse de son regard planté dans le mien. Je baissai

les yeux, émue.– Je ne voulais pas que tout le monde le sache… j’ai mis un bon moment à dire la vérité à Went…– Il ne savait rien ?– Non. Il ne l’a appris qu’à mon retour. Jim, son père, m’a convaincue de le lui dire… il m’a donc

ramenée ici afin que je n’aie pas de regret…pour Maddy, pour Went.– Je… ne sais pas quoi dire, balbutiai-je.– Alors, ne dites rien, Sarah. Je connais Went depuis des années et je sais qu’il saura s’occuper de

ma petite fille, c’est quelqu’un de bien. Mais Maddy… lui dire au revoir est si… c’est impossiblepour une mère de dire adieu à son enfant. Je vais bientôt l’abandonner et…

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Les larmes aux yeux, je l’attirai vers moi sans réfléchir. Je fus surprise qu’elle ne repoussât pasl’étreinte, au contraire. Ses bras – faibles — m’étreignirent à son tour et je fermai les paupières,prenant conscience que cette pauvre jeune fille était vraiment malade et qu’elle allait bientôt quitterce monde.

119– Je suis vraiment désolée, Jenna.– Ne le soyez pas, Sarah. Vous n’y êtes pour rien.Elle mit fin à notre accolade et m’offrit un faible sourire.– Je… je…– Went. Je sais, Sarah.Je levai les yeux, troublée.Pourquoi venait-elle de me dire ça ? J’avais du mal à comprendre et je ressentis très vite le besoin

d’aller retrouver ma cachette.Je sais, c’était puéril de ma part, j’étais une adulte, mais dévoiler mes sentiments pour Went

devant celle qui l’aimait profondément et qui était en train de mourir était au bout de mes forces.– Vous savez… quand je suis revenue chez moi, Sébastien m’a parlé de Went tout de suite. Ils

sont… ils étaient si proches tous les deux. Séb m’a beaucoup parlé de vous aussi. Il savait que Wentvous aimait et j’aurais dû tout de suite m’effacer, mais j’étais revenue et quand je l’ai vu…

– Went a dit qu’il…– Il n’a pas besoin de le dire avec ses mots, Sarah, me coupa-t-elle en esquissant un large sourire.

Il vous aime énormément. Je l’ai compris et je… je ne suis pas en colère. Vous voyez, depuis toutepetite, j’étais attirée par lui. Il me protégeait quand j’avais peur, comme mon grand frère, mais enentrant dans mon adolescence, les sentiments étaient toujours là, plus intenses…

Elle s’interrompit quelques instants tout en fixant l’expression hagarde de mon visage.– Sarah… Went m’aime, je le sais, mais pas de la même façon qu’il vous aime, vous. Il ne m’a

jamais regardée comme il vous regarde, vous et…– Non, arrêtez, Jenna. Je ne…– Vous ne l’aimez pas ?J’ouvris la bouche pour rétorquer, mais aucun son n’en sortit. J’étais paralysée.– Oui, je l’aime, mais il n’y aura jamais rien entre nous, fis-je en secouant la tête, sûre de moi.– Ne dites pas ça, Sarah. Personne ne peut prétendre qu’il ne se passera jamais rien entre deux

êtres qui s’aiment. J’ai appris beaucoup de choses en peu de temps, Sarah, et…120– Non, stop… arrêtez, rétorquai-je en lui tournant le dos avant de poser les mains sur le meuble du

lavabo pour retrouver mes esprits.– Je sais que c’est difficile. L’amour n’a jamais été facile… je ne vous connais pas beaucoup,

mais je sais que vous le rendrez heureux… ainsi que ma petite fille. Elle vous apprécie beaucoupet…

– Qu’espérez-vous, Jenna ? la coupai-je, abasourdie, en lui faisant face.– Je ne vous demanderai rien d’impossible, mais… je n’ai que vous à qui je puisse quémander une

faveur et… je vais mourir, Sarah. Je repars dès demain pour être hospitalisée…– Il ne vous reste plus…– Non… me coupa-t-elle en mimant un faux sourire. Non… je vais partir très bientôt. Je ne peux

pas vous dire quand exactement, mais la mort est proche.– Jenna…

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– Ne me dites pas que vous êtes désolée sinon je vais de nouveau éclater en sanglots… et je neveux pas pleurer. Je veux vivre heureuse le peu de temps qu’il me reste. Aimer ce que je vois… jeveux voir Went et Maddy rirent, s’amuser avant…

Elle s’interrompit.Mon cœur se brisa de compassion alors qu’un sanglot s’échappa de sa gorge.– Je ne sais pas ce que vous attendez de moi, Jenna, mais… si je peux vous aider, je le ferai,

murmurai-je, émue, tandis qu’une larme roulait le long de ma joue.– Je vous remercie, Sarah, mais je ne veux rien vous imposer.J’aimerais juste que vous preniez soin de ma petite fille. Je partirai sans inquiétude en sachant

qu’une personne veille sur elle et son père.Les secondes s’écoulèrent sans que je puisse réagir immédiatement à cette faveur qu’elle me

demandait. Puis, je pris conscience de la sincérité de ses mots et compris ce besoin qu’elle ressentaitpour partir en paix. Elle devait être rassurée et je la comprenais.

Alors, sans réfléchir, je pris sa main dans la mienne et attendis quelques instants avant de répondreà son faible sourire.

– Je… je ne vous promets pas d’arriver à les rendre heureux, mais je veillerai sur Maddy, Jenna.– Merci… merci infiniment, Sarah.121Je fermai les yeux alors qu’elle vint m’enlacer doucement.– Vous êtes quelqu’un de bien, Jenna, et je suis sincèrement désolée de ce qui vous arrive.– Merci, Sarah, mais c’est vous qui…– Y’a quelqu’un ?WentSurpris, je fixai Sarah et Jenna, l’une à côté de l’autre. J’essayai de comprendre ce qu'il se passait

ici, mais les sourires complices qu’elles se lançaient me réconfortaient quelque peu.Sarah quitta la pièce. J’aurais voulu la retenir, mais je n’en fis rien.J’avais remarqué son petit air de tristesse dans son regard fuyant, avant qu’elle ne s’éclipse.– Went.– Tu vas bien ? lui demandai-je d’une voix inquiète avant de m’avancer vers elle.– Oui. Ça va, répondit Jenna avant de se blottir dans mes bras.Je la serrai et embrassai ses cheveux tandis que je me posais des questions sur la conversation

qu’elle venait d’avoir avec Sarah.Ma Sarah… qui me détestait à présent…– Je suis fatiguée, on peut rentrer ?– Oui. On va y aller. Maddy est sur le point de tomber elle aussi.– Où est-elle ?– Sur les genoux de Paul, il l’a très vite adoptée, lui dis-je en riant doucement.– Pas étonnant. Elle est tout aussi irrésistible que toi.Je la fixai pendant quelques secondes. Mon cœur manqua un battement à l’intensité de son regard.

Je me penchai légèrement vers elle et déposai un doux baiser sur son front tout en fermant les yeux,savourant cet instant, peut-être pour la dernière fois.

– Je t’aime Went, souffla-t-elle dans un murmure.– Moi aussi, Jenna…– Je sais.J’écartai ses cheveux de son visage que je pris en coupe dans mes mains et ancrai mon regard au

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sien.122Je n’arrivais plus à comprendre les sentiments ambigus qui s’immisçaient en moi, et je ne voulais

plus chercher à les comprendre vraiment.Tendrement, je caressai ses lèvres de mon pouce et l’attirai contre moi.Quelques minutes plus tard, nous allâmes saluer les autres avant de rentrer chez nous.Sur le trajet du retour, ni Jenna, Maddy et moi ne parlâmes. Notre fille s’était endormie avant

même que je gare la voiture dans l’allée. Je la montai à l’étage et admirai quelques minutes son petitvisage d’ange.

Châtaigne demeurait toujours contre son torse. Je secouai la tête en repensant à la liste de prénomsqu’elle avait lancés chez Paul tandis que nous mangions.

Bien que je lui disais que nous avions le temps de trouver un prénom pour ce petit chat, Maddyavait décrété en vouloir un de suite. Et ce fut Jason qui avait trouvé l’idée… Châtaigne…

Je soupirai et recouvrai mon enfant de son drap avant de l’embrasser sur le front. Je descendisensuite retrouver Jenna, assise sur le canapé, l’air ailleurs.

– Comment tu te sens ? lui demandai-je en m’installant près d’elle.Elle se tourna lentement vers moi et m’offrit un sourire léger et doux.Je lui répondis également avant de plisser le regard, soucieux.– Jenna ?– Went… je me sens juste fatiguée…Ce n’était pas à douter.Elle avait encore l’air plus fragile à cet instant. Les reflets de la lune éclairaient faiblement les

traits de son visage d’albâtre.– Je vais t’aider à monter.Elle acquiesça lentement d’un hochement de tête puis je me levai avant de me pencher vers elle,

l’aidant à se relever du canapé. Je vis de suite que ses jambes avaient du mal à la porter. Vivement,je la soulevai dans mes bras, ignorant sa légère protestation, car elle entoura ses bras autour de moncou. Je fermai les paupières, savourant un moment cet instant où son souffle chaud caressa ma peau.

– Tu pourras te reposer, Jenna, murmurai-je en ouvrant mes yeux pour les ancrer aux siens.Elle hocha la tête, silencieusement, et je montai à l’étage.Arrivé dans ma chambre, je la déposai sur le lit et l’aidai à se dévêtir.123– Je peux le faire, me dit-elle alors que j’entrepris de soulever son haut.– Tes bras sont bien trop lourds, plaisantai-je avant de me renfrogner aux larmes que j’aperçus

dans ses paupières. Je… je suis désolé…– Ce n’est rien.Je restai silencieux, l’observant alors qu’elle retirait son vêtement. Je le ramassai sur le sol,

nerveux, et allai le poser sur le meuble près de la porte.Quand je me retournai, elle était en train d’enlever son pantalon, le souffle court. Je pressai mes

pas pour la rejoindre.– Allonge-toi, veux-tu !Elle ne protesta pas, peinant à garder les yeux ouverts.Je la recouvrai, le cœur serré.Cette vue d’elle, si fragile et si blessée par la douleur de la maladie, me rendait malade.– Arrête de me regarder comme ça, balbutia-t-elle en esquissant un léger sourire.

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Je pris sa main dans la mienne avant de la porter à mes lèvres. Je l’embrassai doucement, tentantde garder le contrôle sur mes émotions.

En vain…Une larme roula sur ma joue, la blessant davantage.À croire que je n’étais bon que pour la blesser.– Went… murmura-t-elle en caressant mon visage.Je fermai les paupières, refusant de lire la compassion qui passait dans les traits de son visage,

dans son regard. Je m’allongeai à côté d'elle et passai un bras autour de son corps amaigri.Je pouvais sentir ses os.– Je ne peux pas le croire, Jenna… je ne veux pas le croire.– Je sais… mais tu dois te montrer fort, Went. Pour moi, pour notre fille.Je hochai la tête, les yeux emplis d’eau salée tandis que mon cœur cognait douloureusement dans

ma poitrine. J’inspirai une bouffée d’air et l’expirai, espérant ainsi retrouver la capacité à respirersans éprouver cette pointe de douleur lancinante dans ma cage thoracique.

– Ne pars pas, Jenna. Il faut que tu restes ici…– Non… je ne peux pas. Je dois être hospitalisée, Went, et…– Il y a de bons médecins à Los Angeles et je suis…124– Arrête, me coupa-t-elle d’une voix soudaine autoritaire.Je la fixai, ahuri par l’éclat de colère que je lisais dans son regard. Elle posa le bout de ses doigts

tremblants sur mes lèvres et, sans ciller, elle ajouta :– Je ne veux pas que tu me voies comme ça, Went. Et Maddy aura besoin de toi.Je secouai vivement la tête. Sa main retomba lourdement sur le matelas, je m’empressais de la

reprendre dans mes doigts.– Laisse-moi être avec toi jusqu’au bout…– Ne me demande pas ça… tu en as déjà tellement fait pour moi.– Jenna, la coupai-je en prenant sans ménagement son visage entre mes mains. Je… je t’aime et je

ne veux pas te perdre, pas comme ça.Elle ferma les paupières, j’en fis de même.Mes larmes roulèrent le long de mes joues, sans retenue.Puis je sentis sa main effleurer mon visage.J’ouvris les yeux, vrillant mon regard humide au sien.Mon cœur cogna plus fort, assourdissant.Doucement, je penchai mon visage vers le sien et l’embrassai lentement, avec douceur, jusqu’à ce

qu’elle répondit à mon baiser…désespéré.1258L’EPREUVESarahJe venais de passer la plus longue nuit de toute ma vie. Ma discussion de la veille avec Jenna ne

cessait de revenir me hanter et je n’étais pas convaincue que je pourrais tenir ma promesse. Mais jesavais que Went et surtout sa petite fille allaient souffrir.

Je me levai doucement, essayant de chasser la tristesse de Jenna qui était toujours ancrée au plusprofond de mon âme. Lentement, je m’avançai vers ma salle de bain lorsque je vis qu’il n’était que

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six heures du matin.Une fois que j’en sortis, plusieurs minutes plus tard, je me dirigeai dans la cuisine pour me

préparer un café quand la sonnerie me fit sursauter. Je fronçai les sourcils, me demandant pendant uninstant d’où provenait cet appel. Ce n’était pas mon portable, il était éteint et je refusai de l’allumerde suite.

D’un pas lourd, je me dirigeai alors vers mon interphone, surprise de recevoir de la visite aussitôt.

– Oui ? demandai-je en décrochant le combiné.– Sarah… excuse-moi de te déranger si tôt, mais… ouvre-moi, s’il te plaît.Je secouai la tête, indécise, puis appuyai sur l’ouverture des portes.– D’accord.J’attendis quelques minutes puis mon visiteur frappa des coups contre la porte. J’ouvris, fixant

Dominic d’un regard interrogateur, mais à la vue de son expression désespérée, je compris quequelque chose s’était produit.

– Que se passe-t-il ? balbutiai-je tandis qu’il entrait. Dom ?Il se tourna vers moi, les mains enfoncées dans ses poches, et poussa un long soupir avant

d’entrouvrir les lèvres.126– C’est… Went a besoin de toi, Sarah.Je me mis à déglutir péniblement alors que ma vue commença à se brouiller.– Que se passe-t-il ? répétai-je en frictionnant mes bras pour effacer le long frisson d’effroi qui me

parcourait le corps.– C’est Jenna… je sais que tu es au courant.– Au courant de quoi ? demandai-je en baissant les yeux.– Je vous ai vues lorsque vous avez disparu toutes les deux. Tu étais là, n’est-ce pas ? Tu as tout

entendu quand elle a fait tomber son traitement je…– Oui, avouai-je en soupirant tandis qu’une larme roulait sur ma joue.Je suis désolée.– Sarah… murmura-t-il en me prenant par les épaules. Went l’a conduite à l’hôpital, cette nuit.– Quoi ? Elle m’a dit qu’elle repartait pour…– Went a essayé de la réveiller, mais… elle est dans une sorte de coma. Tout ce que je sais pour

l’instant c’est que les médecins ont prévenu Went qu’il ne devait pas s’attendre à ce qu’elle sorte…– Elle va mourir… soufflai-je en levant mes yeux vers les siens sans me rendre compte que les

larmes inondaient mes joues.– Oui… Went est à l’hôpital, avec elle.– Je…Je m’interrompis, choquée. Je ne m’attendais pas à ce que tout arrivât si vite.Pauvre Jenna… elle ne méritait pas ça.Bouleversée, je tournai le dos à Dom qui avait l’air tout aussi choqué que je l’étais.– Je ne vois pas ce que je pourrais faire…– Went a besoin de toi.– Non… je…– Sarah ! s’écria-t-il en me tournant vers lui d’un mouvement vif. Ne l’abandonne pas, je t’en prie.

Il aura besoin de nous tous et de toi en particulier.– Je… je ne sais pas si je pourrai supporter ça… répondis-je en cachant mon visage dans mes

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mains.Non, je ne pourrai pas…127Pas maintenant…Je n’avais pas le droit de parler de la promesse que je lui avais faite, mais je ne pouvais pas la

bafouer pour autant. Dom avait peut-être raison, Went aura besoin de notre soutien, mais tout était sidifficile.

– Sarah… je sais que c’est une situation délicate entre vous et…– Tu ne comprends pas, Dom, le coupai-je en le fixant tout en secouant la tête.– Bien sûr que je comprends. Tu souffriras encore, je le sais, Sarah, et, crois-moi, je ferai ce que

je pourrai pour te mettre à l’abri de tout ça, mais je sais qu’au fond de toi, tu l’aimes et tu arriverasà…

– Surmonter cette tempête ? Hein ? C’est ça que tu penses ?– Sarah…– J’en ai marre, Dom, soufflai-je en m’effondrant en sanglots dans ses bras.Il me berça quelques minutes contre lui tout en murmurant des paroles réconfortantes, mais je

savais que rien ne pourrait m’apaiser pour l’instant.Went était malheureux, Jenna allait mourir et la petite Maddy serait perdue.Comment une femme comme moi arriverait à gérer tout ça ?Je n’arrivais déjà pas à gérer ma vie.– Ça va aller, Sarah, fit-il tout doucement en m’écartant de ses bras.– Que… qu’est-ce que tu attends de moi, Dom ? lui demandai-je en essuyant mes joues meurtries

par les larmes.– Je n’attends rien de toi, Sarah, mais je tenais à ce que tu saches que je vais le retrouver à

l’hôpital… si tu veux venir avec moi…– Je… d’accord, mais…– Tu es forte, Sarah, me coupa-t-il en prenant mon visage entre ses mains. Quoi qu’il se passe entre

toi et Went, il reste avant tout ton ami, ton meilleur ami, n’oublie jamais ça.– Je sais… répondis-je en esquissant un léger sourire avant de le serrer dans mes bras.Il me serra de nouveau contre lui puis nous nous séparâmes en poussant un long soupir.– Où est Maddy ? Elle est…– Rosa s’occupe d’elle. Je vais devoir aller chercher le frère de Jenna à l’aéroport.128– Dans combien de temps ?– Je ne sais pas… Jim m’a dit qu’il avait pris le premier avion.– Son père est avec lui…– Oui, mais crois-moi, ma belle, il aura besoin de nous tous. Emma et Paul viennent dès qu’ils

peuvent.– D’accord, acquiesçai-je en hochant la tête.– Va te rafraîchir un peu, je vais te préparer un café et nous irons à l’hôpital.J’acquiesçai d’un signe de tête et m’éclipsai vivement jusqu’à la salle de bain où les larmes

refirent apparition dès que je fermai la porte.WentJe fixai depuis plusieurs minutes le visage de Jenna endormi. Elle avait l’air si paisible.J’essuyais mes joues où les larmes avaient desséché ma peau et secouai la tête avant de froncer les

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sourcils en sentant mon Black Berry vibrer dans ma poche. D’un geste lent, je le pris entre mes doigtset appuyai sur la touche me permettant de lire le message que Dom venait de m’envoyer.

Went. Sarah et moi n’allons pas tarder. Tiens le coup. Dom.Ce n’était pas moi qui devais tenir le coup…Sarah allait arriver.Je lisais de nouveau son message tandis que mon esprit se perdait vers elle.Une vague de culpabilité m’envahit alors et je m’agitai sur ma chaise afin de refouler toutes les

émotions contradictoires qui serraient douloureusement ma poitrine.Mon regard se porta immédiatement vers Jenna qui gardait les paupières fermées.Lentement, je levai la main et la posai délicatement sur sa joue que je caressais de mon pouce. Je

crus voir pendant une brève seconde ses paupières bouger, mais je savais qu’elle dormait.Le médecin venait de m’informer qu’elle était en fin de vie et qu’elle partirait sans doute dans son

sommeil.Elle n’allait pas souffrir.129– Hé…Je me tournai vers mon père qui venait d’entrer dans la chambre et hochai la tête, ne trouvant pas

la force de dire quoi que ce soit.Il s’approcha de moi et m’attira contre son torse. Je fermai les yeux, restant assis sur ma chaise, la

main sur la joue de Jenna.– Sois fort, fiston, murmura-t-il en frottant mon épaule dans un geste réconfortant.Je ne bronchais pas. Je n’avais pas eu l’habitude de recevoir des gestes affectueux de la part de

mon père et j’étais là, dans cette chambre d’hôpital où la mère de mon enfant allait mourir, comme unpetit garçon apeuré par la mort… reniant la perte d’une femme que j’aimais depuis des années.

Oui, je l’aimais. J’aimais Jenna… peut-être pas de la bonne façon, mais elle faisait partie de moi.La perdre à jamais m’était insupportable et je ne savais pas comment j’allais pouvoir gérer ça.J’étais perdu et me raccrochais à l’espoir de la voir sourire à nouveau.

– Séb a pris le premier avion, Jack l’accompagne… me dit-il en s’écartant enfin.Je redressai la tête et ouvris les paupières avant de le remercier silencieusement.Jack… le destin était vraiment impitoyable. Ils venaient à peine de se retrouver tous les deux.– Went… Jenna compte sur toi.– Je sais, arrivai-je à prononcer dans un murmure avant d’observer de nouveau la jeune femme.Le silence se fit à nouveau dans la chambre.La respiration de mon père et la mienne sifflaient à un rythme normal contrairement à celle de

Jenna, plus entrecoupée.Mon regard se posa alors sur la machine qui l’aidait à respirer et je baissai la tête.– Elle ne mérite pas ça, murmurai-je en laissant une larme rouler lentement le long de ma joue.– Tu devrais aller prendre un café, mon grand.– Non… je n’ai besoin de rien.– Went… Maddy aura besoin de toi.– Elle est avec Rosa pour l’instant… je ne sais même pas comment je vais pouvoir trouver la force

de lui dire, elle est si petite, papa.130– Je sais… Went, je sais… Mais tu y arriveras, tu n’es pas seul.Et pourtant…

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S’il savait combien j’aurais aimé l’être…– Je vais rester près d’elle. Va prendre un café, me dit-il en posant une main sur mon épaule.– D’accord, acceptai-je en soupirant doucement avant de me lever.Merci, papa.Il me sourit et s’installa sur la chaise avant de prendre la main inerte de Jenna dans la sienne.Je sortis de la chambre, le cœur vidé de toute émotion, et me dirigeai vers la machine à café

lorsque je vis sortir de l’ascenseur Dom…Et Sarah…SarahJe le vis se figer en nous voyant. Je sentais la main de Dom presser doucement mon bras tandis

qu’il s’avançait vers Went. Ils se prirent dans les bras pendant quelques secondes puis Dompoursuivit son chemin alors que je ne bougeais pas.

Je restais immobile, incapable de faire le moindre geste si ce n’est plonger mon regard dans lesien.

Je me mis à déglutir péniblement alors qu’il avançait lentement vers moi. Sans quitter son regard –où je lisais une grande souffrance –, je le vis devant moi, tout près et, émue, je fermai les paupièreslorsqu’il m’attira contre lui.

Dans ses bras, mon corps se détendit malgré la souffrance prisonnière dans chaque fibre de monêtre. Je sentis son souffle chaud dans mon cou et au moment où une goutte d’eau salée coula sur mapeau, je répondis enfin à son étreinte et, sans m’en rendre vraiment compte, je le serrais aussi fortque je le pouvais en lui murmurant des paroles réconfortantes, lui promettant que je serai toujours làpour lui.

JennaCe fut un supplice d’ouvrir les yeux. Je me sentais si bien, comme si je mettais mise à flotter. Mais

les voix que je reconnus au loin 131m’interdisaient de rester dans cette apesanteur agréable, réclamant ma concentration encore un peu.J’ouvris alors les paupières puis je fronçai les sourcils avant d’étudier

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l’endroit où je me trouvais... une chambre d’hôpital.Je me souvins alors…La soirée chez Paul, mes discussions avec Dom, Sarah, l’inquiétude de Went.Nous étions rentrés à la maison avec Maddy. Elle s’était endormie dans la voiture et Went s’en

était occupé avant de me rejoindre au salon. Il avait l’air si triste, si coupable lorsqu’il avait poséson regard sur moi avant de me rejoindre sur le canapé.

Nous n’avions pas à parler, les mots étaient inutiles. Il s’était contenté de m’attirer contre lui etj’avais ressenti ce besoin de vivre cet amour encore une dernière fois.

Pourtant, dès que le visage de Sarah m’était revenu en mémoire, j’avais balayé cette pensée de matête et savourai l’étreinte de celui que j’aimerais à jamais.

Pendant de longues minutes, nous étions restés dans les bras l’un de l’autre puis il avait décidéqu’il était temps pour nous d’aller se coucher.

J’étais épuisée, affaiblie par ma maladie, mais aussi par toutes les émotions que j’avais éprouvéesdepuis ces derniers jours. Je n’avais su empêcher Went lorsqu’il m’avait soulevée dans ses bras pourm’emmener à l’étage.

Je lui avais murmuré sans m’en rendre vraiment compte que je voulais rester contre lui cette nuit-là. Il m’avait souri tendrement et nous nous étions endormis, blottis dans les bras l’un de l’autre.

Je me concentrai davantage sur cet instant, essayant de me souvenir de ce qu’il s’était passéensuite.

J’entendais Went me supplier d’ouvrir les yeux, mais je n’y arrivais pas malgré les efforts que jetentais pour voir son visage, comme si une imposante barrière lumineuse s’était dressée entre nous.Je me souvins d’avoir senti ses larmes sur mon visage et la douleur de mon cœur s’était accentuéealors que je redoublais d’efforts pour ouvrir les paupières.

Mais rien n’y fit.Mon corps ne m’obéissait plus, épuisée, je m'étais endormie, entendant au loin ses appels inquiets

et suppliants pour que je reste auprès de lui.132Sortant de mes souvenirs, je sentis une larme rouler le long de ma joue.Je compris que je n’en avais plus pour très longtemps.Je tournai lentement la tête, gênée par des tuyaux qui encombraient mon cou et mes bras. Je me

concentrai pour essayer d’émettre un son lorsque je vis une infirmière s’avancer vers moi.– Bonjour, Jenna… tout ira bien, me dit-elle en passant une main sur mes cheveux.Je fermai les paupières une brève seconde, déroutée par la réalité. Mi-consciente, je fixai cette

femme qui caressait mon visage dans un geste doux avant de me prendre la main.Voulait-elle me rassurer ?– Went… arrivai-je enfin à balbutier quelques secondes plus tard quand elle posa ses doigts sur

mon poignet pour vérifier mon pouls.– N’essayez pas de parler, Jenna. Wentworth Riller ?Je hochai la tête, laissant une larme terminer sa chute lente et douloureuse vers le coin de mes

lèvres.– Toute votre famille est ici. Votre frère et votre père sont arrivés il y a quelques minutes.– Went… répétai-je en déglutissant péniblement.Je la suppliai du regard. Je voulais le voir, lui seul, avant qu’il ne soit trop tard.Je voulais être rassurée pour Maddy, je voulais voir une dernière fois son doux visage avant que je

ne sombre à jamais dans les ténèbres.

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– Je vais le chercher, me dit-elle enfin après quelques secondes de réflexions.J’aurais voulu la remercier, mais mes paupières se refermèrent, m’engloutissant sans scrupule dans

cette lumière diffuse.WentJe soupirai à nouveau de frustration tandis que le médecin me demanda de quitter la chambre de

Jenna, le temps que l’infirmière fasse le bilan sur son état.Sarah était toujours là, dans cette salle d’attente au côté de Dom qui lui tenait la main. Je baissai la

tête et sentis le regard de Sébastien sur moi. Je savais que celui-ci m’en voulait et je culpabilisai,comprenant le sentiment de dégoût qu’il éprouvait pour moi.

133J’avais perdu son amitié à jamais et je me sentais mal sans pour autant lui en vouloir. Je l’avais

compris lorsqu’il était arrivé avec Dom et Jack.Le père de Jenna m’avait enlacé, pleurant contre moi tout en me remerciant d’avoir pris soin d’elle

et de Maddy. Quant à Sébastien, il s’était avancé directement vers la chambre de sa sœur sansm’adresser un seul regard.

J’avais juste eu le temps de lire dans ses yeux la douleur qu’il éprouvait à cet instant alors qu’ilavait croisé le regard de Sarah, restée près de moi depuis son arrivée à l’hôpital.

Je n’en pouvais plus.Mon père se leva et j’en profitai pour l’imiter avant de m’avancer vers la porte.– Je vais prendre un café, me dit-il en fixant mon regard assombri.Je hochai la tête et le suivis dans le couloir où je passai plus de cinq minutes à faire les cent pas.Je ne pouvais plus rester dans cette pièce où les regards m’assenaient de culpabilité.Je croisai celui de Sarah à travers la vitre qui séparait la salle d’attente du couloir. Elle me fixa

quelques secondes dans les yeux où je vis tout son soutien. Je baissai néanmoins le regard, troublé,mais aussi dérouté par les émotions que je ressentais.

Je n’avais pas le droit de penser un seul instant à être heureux à ses côtés, je ne pouvais pas.Je ne le devais pas.– Monsieur Riller ?– Oui ? dis-je en me tournant dans un mouvement vif et rapide vers l’infirmière qui venait de sortir

de la chambre.– Elle veut vous voir…Je fermai les yeux un bref instant tandis que ma gorge se serra brusquement, coupant l’accès pour

faciliter ma respiration.L’infirmière posa une main sur mon bras, je fixai son regard compatissant alors que ma vue se

brouillait, comprenant ce qui allait se passer.– Faites vite, me souffla-t-elle d’une voix douce.Je la remerciai d’un hochement de tête, incapable de dire quoi que ce soit, et me ruai vers la

chambre. J’hésitai quelques secondes devant la porte, le temps de reprendre mes esprits et de frottermon visage, chassant 134

les larmes qui roulaient sur mes joues. Je savais que Jenna voulait que je me montre fort et jen’avais que ça à lui donner avant qu’elle nous quitte pour toujours.

L’esprit embrouillé par la douleur, j’entrai dans la chambre, plantant mon regard sur son visagemarqué par des traînées humides causées par ses larmes.

Je n’avais plus aucun doute, elle était enfin réveillée.Soudain, une vague d’espoir m’envahit alors qu’elle ouvrit les paupières, plantant ses yeux dans

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les miens. J’esquissai un faible sourire et m’avançai vivement vers elle avant de me pencher sur sonvisage.

Mon front s’apposa contre le sien quelques secondes puis je posai un baiser tendre et appuyé surcelui-ci avant de reculer un peu pour la contempler.

– Went…– Chut… je suis là, l’interrompis-je en posant délicatement mes doigts sur ses lèvres tremblantes.

Je suis là, Jenna.– Où ? Maddy ? me demanda-t-elle en tentant d’inspirer un peu d’air avec difficulté.– Elle est avec Rosa, ne t’inquiète pas.Je fronçai les sourcils, surpris qu’elle secouât la tête.– Reste auprès d’elle… je t’en prie…– Je… suis là, Jenna. Je m’occuperai de notre fille, sois tranquille, je ne veux pas que tu

t’inquiètes, murmurai-je en laissant une larme perler au coin de ma paupière tandis que je balayaisles siennes du bout des doigts. Chut… ça va aller, ma puce.

Une sorte de feulement rauque s’échappa de ses lèvres et je me serais effondré sur son corps sifragile si son frère n’était pas dans l’embrasure de la porte.

Je me tournai vers lui, plantant mon regard dans le sien, et compris qu’il était temps pour moi de lelaisser un instant avec sa sœur.

– Reviens après…Son murmure suppliant me brisa le cœur. J’avais mal au plus profond de moi, au plus profond de

mon âme en la voyant si faible, prête à dire adieu aux personnes qu’elle aimait avant de fermer unedernière fois les yeux.

– Je te le promets… lui répondis-je en l’embrassant tendrement sur le coin des lèvres.135– Maddy… reste auprès d’elle.– Jenna, intervint son frère avant de plonger son visage dans son cou.Je fixai la scène, le cœur meurtri par la peine que j’éprouvais.Néanmoins, j’étais quelque peu soulagé de voir apparaître un sourire sur les lèvres de Jenna.Elle était heureuse que son frère soit auprès d’elle.Il était temps pour moi de sortir de la chambre et au moment où j’allais passer la porte, la voix de

Sébastien m’interpella.– Ta gouvernante ramène Maddy.Mon souffle se coupa sous l’information. La peur s’infiltra dans chaque terminaison nerveuse de

mon corps.Maddy… comment pourrais-je la laisser supporter ça ?Je n’en savais rien et, pour le moment, je ne trouvais rien à dire à part le remercier d’un hochement

de tête avant de quitter la pièce après un bref regard vers Jenna qui me souriait malgré la situation.– Went. Comment va-t-elle ? demanda mon père en me tendant un café.– Merci… Elle est consciente de ce qui va se passer, je pense… elle demande Maddy, soufflai-je

en m’installant sur un fauteuil, près de la chambre de Jenna.– Ta fille va arriver…– Oui, je sais. Séb vient de me prévenir et je… comment je vais pouvoir trouver la force de lui

expliquer ? lui demandai-je d’une voix brisée avant d’étouffer un sanglot contre mon épaule alors queje penchais la tête, horrifié.

Je gardai les yeux fermés, essayant de retrouver le contrôle sur mes émotions.

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Je sentis la main de mon père s’abattre sur mon épaule avec dureté.Ce qui me fit redresser la tête pour le dévisager, étonné.– Tu vas le faire ! Tu vas trouver la force de lui expliquer, Went, me dit-il en ancrant son regard au

mien.Je hochai la tête, ayant conscience qu’il le fallait de toute façon.J’avais promis à Jenna de lui dire, de lui expliquer, mais je n’étais pas convaincu d’y parvenir.– Maddy se pose des questions, mon garçon, continua-t-il d’une voix plus douce. Elle est

intelligente et sait que sa mère est très malade.– Je…136– J’ai essayé de lui faire comprendre, mais ce n’est pas à moi de lui dire, Went…– Merci, papa, soufflai-je en me levant pour dégourdir mes jambes.Mon père poussa un faible soupir et s’avança vers la salle d’attente puis y entra lorsque Sarah en

sortit. Je me stoppai, me figeant devant le regard intense de compassion qu’elle m’adressa.Je baissai les yeux, culpabilisant de lui faire endurer tout ça. Elle pouvait rentrer chez elle, j’avais

essayé de lui faire comprendre que ce n’était pas son rôle, que sa place n’était pas ici, lorsqu’ellem’avait serré dans ses bras à son arrivée.

Mais Sarah était décidée à rester jusqu’au bout malgré tout le mal que je lui avais fait, elle était là,s’avançant d’un pas hésitant vers moi.

Je relevai la tête et avançai la main vers celle qu’elle me tendait dans un geste hésitant. Nos doigtss’entrelacèrent. Ce contact m’envoya une vague de courage et assez de force pour esquisser unmaigre sourire de remerciement.

– Je suis là si tu as besoin de moi, me dit-elle d’une voix douce.– Merci, Sarah… mais… je sais que c’est une situation difficile pour toi aussi et…– Went. Je…. Jenna a demandé à ton père si j’étais présente tout à l’heure.Je fronçai les sourcils, dubitatif à cet aveu.SarahJe me mis à déglutir péniblement à la vue de son étonnement soudain.Puis je pris une profonde inspiration avant de continuer, décidée à lui faire comprendre les raisons

de ma présence ici.– Je ne vais pas tout t’expliquer maintenant, mais… j’ai promis à Jenna d’être là pour toi et pour…

ta fille…– Quoi ?Je me mordis discrètement la lèvre, ne sachant pas comment il allait réagir en comprenant que nous

avions discuté toutes les deux. Puis, surprise, je le vis fermer les yeux et inspirer calmement.– Elle m’étonnera toujours, murmura-t-il en baissant son visage vers le mien. Je ne veux pas que tu

souffres, Sarah.– Je sais, répondis-je en lui souriant tendrement alors que son front 137frôla le mien.Nous restâmes quelques secondes ainsi lorsque le frère de Jenna vint vers nous.– Went… elle voudrait voir Jack et…Il s’interrompit dû à la forte émotion qu’il ressentait et je pouvais voir apparaître l’humidité dans

ses yeux.Went posa une main sur son épaule, voulant lui montrer par ce geste qu’il compatissait à sa

douleur, mais il s’écarta avant de s’avancer vers la salle d’attente.

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Peinée, je l’observai jusqu’à ce qu’il se tourne vers nous.– Elle veut te voir ensuite… après Jack, lui dit-il avant d’entrer dans la pièce.– Went…– Je… ça va aller, Sarah… me rassura-t-il en posant une main sur ma joue.Je fermai les paupières à ce doux contact.Quelques secondes s’écoulèrent puis Jack s’avança vers la chambre de sa fille d’un pas lent et

mesuré.– Maddy va arriver, souffla-t-il.– Je sais… je resterai près d’elle le temps que tu… tu…Je m’interrompis, incapable de définir ce qui allait se passer vraiment par la suite.Went m’attira alors contre lui et j’entourai mes bras autour de sa taille, le serrant fermement contre

moi.– Je suis tellement désolée, Went…– Tu n’y es pour rien, Sarah, rétorqua-t-il en m’écartant de son corps.Je levai le regard vers le sien et sentis une vague d’appréhension m’envahir à l’expression dure et

grave sur son visage.– Tout est de ma faute… j’ai fait souffrir les seules personnes que j’aimais et…– Non, ne dis pas ça…– Je ne mérite même pas ta présence ici, murmura-t-il en serrant les mâchoires.Je secouai la tête, sur le point de rétorquer, mais je vis Maddy accourir vers nous, suivie de Rosa.– Papa ! s’écria la petite fille en pleurant.138Went la rattrapa dans ses bras et la serra fermement contre lui, laissant un long soupir de

soulagement s’échapper de ses lèvres.– Chut, ma puce… ne pleure pas.– Où est maman ? Je veux maman, pleura l’enfant en blottissant son visage dans le cou de son père.C’en fut trop pour moi. Je m’écartai d’eux et m’avançai vers la salle d’attente, fuyant la scène et la

douleur vive et poignante qui en émanait.1399QUAND L’ANGE VOUS RECOUVRE DESES AILESJennaUne lumière diffuse telle un halo éblouissant scintillait dans un coin. Je la fixai, éberluée d’être

témoin d’une telle chose. Étrangement, au fur et à mesure que s’écoulaient les secondes, l’angoisse etles craintes que j’éprouvais s’échappèrent de mon corps, le laissant enfin se détendre.

Cette sensation fut agréable, effaçant les sentiments de peur de mon âme alors que le visagesouriant de Maddy m’apparut. Je fus d’abord déstabilisée, mais j’eus la nette impression que cettelumière, de plus en plus proche, m’apaisait, me laissant le temps de revoir… de revivre les momentsintenses et merveilleux de ma vie, aussi peu nombreux fussent-ils.

Mais à cet instant, je fus heureuse de les revoir.Ma fille bien aimée, Maddy.Went.Son visage, si doux.Je me concentrais sur son regard qui me rassurait.

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J’eus l’impression, non… l’intime conviction que cette lumière avait happé tous les moments quej’avais toujours voulu oublier, laissant les bons côtés de ma vie se dérouler sous mes yeux, réduisantà néant mes moments de solitude, de tristesse, de désespoir et d’humiliation.

Seul, le fil de mon bonheur fut présent, important.À travers les visages qui défilaient devant moi, j’entendis les voix de mon frère et de mon père. Je

tentais de me concentrer pour porter mon attention sur eux, mais la lumière fut si puissante, siaveuglante, que j’eus des difficultés.

140Pourtant, je m’y efforçais et je crus pendant l’espace d’une seconde y parvenir lorsque le regard

océan de Went me fixa, un sourire aux lèvres.Je m’y accrochai, un peu plus fermement, et pris conscience que la lumière n’était pas de mon avis,

me happant davantage.Mais je devais le revoir avant de m’éteindre à jamais. Il fallait que je reste consciente pour lui

avouer ce que je ressentais, ce que je désirais au plus profond de mon âme à présent guérie.Alors, je tentai de supplier Dieu, cette lumière éblouissante, le monde entier, afin de me laisser

encore un peu de temps.Je ne demandais pas grand-chose, juste quelques minutes auprès de celui que j’aimais depuis

toujours.– Elle ouvre les yeux, entendis-je Jack.– Jenna…La douleur de leurs voix me transperça littéralement, mais je constatai que mes prières venaient

d’être exhaussées.Je n’avais plus une minute à perdre.Je sentis la main de Sébastien tenir la mienne. Mon pouce en caressa le dos et nos regards

s'ancrèrent l’un à l’autre.– Sœurette… murmura-t-il, ému.J’esquissai un faible sourire et fis l’effort de lever la main vers son visage. Je poussai un soupir de

soulagement lorsque sa peau fut au contact de mes doigts. Je ne rêvais pas, je n’étais pas encore dansl’incapacité totale de faire le moindre mouvement.

– Je t’aime, petite sœur, murmura-t-il.– Je t’aime aussi, répondis-je d’une voix faible. Non, je t’en prie… ne pleure pas… il est temps

pour…– Non…– Séb… je serai toujours là, près de toi… je le sais.– Jenna… m’interrompit-il en versant toute sa peine dans ses larmes.– Promets-moi de ne pas lui en vouloir… il compte…– Je te le promets, Jenna, me dit-il en nichant son visage dans mon cou. Je t’aimerai toute ma vie…J’esquissai un sourire, ravie au plus profond de mon âme, car mon cœur n’avait plus assez de force

pour ressentir quoi que ce soit, puisant toute son énergie pour continuer à battre.141Séb m’embrassa une dernière fois et murmura à nouveau son amour près de mon oreille avant de

s’éclipser rapidement de la chambre. Je ne lui en voulais pas… il avait peur, tout simplement.Il ne méritait pas d’assister à la scène qui n’allait plus tarder à arriver.Il n’avait pas à vivre ça, il ne devait pas me voir en train de rendre mon dernier souffle.Épuisée, je posai le regard sur mon père et répondis à son sourire triste.

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Il vint m’enlacer tendrement et m’embrassa sur le front.– Went…Il se redressa et fronça les sourcils avant de hocher la tête.– Je vais te le chercher, ma petite fille, me dit-il en caressant mon visage du bout des doigts.– Merci… pour tout, Jack.Il me fixa un long moment avec une mine pourvue d’émotion.– Je suis désolé, ma puce.– Chut, tu sais que ce n’est pas ta faute… si j’avais ouvert cette lettre plus tôt.– Non, me coupa-t-il en posant sa main sur ma joue. Il ne faut rien regretter, ma petite fille. Je

t’aime.Un faible sourire étira mes lèvres asséchées et douloureuses.– Je t’aime aussi… papa.Quelques secondes passèrent puis je l’observai tandis qu’il quittait la chambre, priant

silencieusement que l’on me laissât encore un peu de temps.WentJe gardai ma fille dans mes bras, la serrant toujours avec fermeté de peur qu’elle ne m’échappât.

J’avais réussi à dévier ses questions, mais elle était si intelligente que je savais qu’elle avait comprisce qui se passait.

Je fouillai rapidement l’endroit du regard en évitant de lire l’expression de peine sur leurs visages.Mon père était installé près de Dom. Jason et William étaient présents également.Emma et Paul arrivèrent peu après. Ils m’embrassèrent tout en murmurant des paroles rassurantes

que je refusais d’écouter.142Emma s’installa près de Sarah. Elle avait autant besoin que moi d’être soutenue… bien que je n’en

méritais pas tant.Sarah…Je ne pouvais pas m’empêcher de m’inquiéter pour elle.Jenna et elle avaient discuté.Elle n’avait pas le droit de lui demander cela, mais je ne pouvais pas lui en vouloir.Elle savait.Je n’en doutais plus.Je ne méritais aucune d’elles.Jenna mourrait… elle voulait que je sois heureux avec celle que je choisirais… peu importe…Elle désirait que notre fille soit heureuse.Sarah…Le souffre-douleur qui m’échappait à chaque fois… Celle en qui j’avais toute confiance depuis le

début, celle que j’aimais profondément sans avoir pu m’en apercevoir à temps.Mais je ne devais rien regretter.Non, plus maintenant.Je sentis une pression sur ma main. Je baissai les yeux, sortant de ma léthargie. Sarah

m’encourageait, serrant ses doigts fins autour des miens.Maddy ne pleurait plus, mais elle restait silencieuse.Mon cœur se serra plus fermement.La main de Sarah était serrée dans la sienne. Je venais de le constater lorsque Jack pénétra dans la

salle d’attente. Je relevai la tête, priant silencieusement que Jenna était encore là. Je ne pouvais pas

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admettre qu’elle vivait ses derniers instants, je ne voulais pas me faire à cette situation horrible.Pourtant, lorsque mon regard croisa celui de son père, je fus conscient de cette réalité que je

refoulais jusqu’alors.– Went… elle veut te voir, murmura Jack en ancrant son regard au mien.Je me rendis compte que je le fixais comme un appel au secours, mais il secoua la tête et je

compris qu’il était l’heure. Je tournai le visage vers Sarah et baissai les yeux sur ma petite fille quim’étudiait d’un air interrogateur.

J’aurais dû lui expliquer, mais je ne le pouvais pas.143Je soulevai Maddy dans mes bras et l’installai sur les genoux de Sarah.Sans un regard, je m’éclipsai de la pièce, refusant de voir leurs larmes apparaître.JennaJe fixai le halo, il se tenait à présent devant la porte et s’avançait vers moi dangereusement. Je

bougeais, soudainement apeurée à l'idée de ne pas avoir le temps de voir une dernière fois le visagede Went.

Un éblouissement plus puissant eut lieu. Soudain, une vague d’apaisement me détendit enfin.En était-ce fini de moi ?– Jenna !Je tentais de me concentrer et ouvris péniblement les paupières.À cet instant, je sentis que je n’avais plus besoin de fournir des efforts supplémentaires pour

respirer. Ce fut comme si cette lumière me donnait assez d’énergie pour tenir encore quelquesinstants.

Ce fut étrange…Went se tenait tout près de cette lumière éclatante. Je le fixais un moment sans trouver la force

d’entrouvrir les lèvres, mais j’esquissai un sourire pour le rassurer, effaçant la tristesse et la peineinsupportable sur les traits de son visage.

– Jenna, répéta-t-il d’une voix troublée avant de se mettre à sangloter.– No… non… ne pleure… pas…– Ne pars pas, je t’en prie…Je fermai les paupières.Étrangement, son supplice me fit mal et je ressentis de nouveau des émotions que j’avais crues

perdues.– Je t’aime… lui dis-je d’une voix faible avant d’ouvrir les yeux une dernière fois.Je fixai cette lumière, transperçant pratiquement le corps de Went.Je fus troublée par la beauté qu’il dégageait à cet instant et je puisai encore toutes les bribes

d’énergie qui me restait pour lever la main vers ses lèvres. Ses mains emprisonnèrent mon visage etje sentis mon corps se délier dans une sensation agréable. Mes doigts caressèrent quelques secondesson menton puis sa main agrippa la mienne avant de la serrer de façon désespérée.

144– Je t’aimerais… à jamais, Went…– Je ne veux pas…– Chut… ne pleure pas… je veux que tu sois heureux… tu le mérites…– Jenna, ne dis pas ça, m’interrompit-il en caressant mon visage avec tendresse.J’esquissai un sourire, me sentant de mieux en mieux, et me concentrai à nouveau sur son regard

humide.

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– Sois heureux… dis à Maddy que je l’aime…– Ne t’inquiète pas… elle le sait…– Dis-lui… Et je veux que tu te battes, Went… ne fais pas comme j’ai fait… en fuyant toute ta

vie… bats-toi pour elle… elles ont… besoin de toi… toutes les deux…– Jenna !!!J’entendis son hurlement.Puis, ses sanglots… mais bien trop focalisée sur la lumière qui m’attirait hors du lit, je fermai les

paupières à jamais, sentant les lèvres de Went se poser sur les miennes une dernière fois, emportantavec lui mon ultime souffle de vie.

14510CONTRE-COUPSWentJe me sentais toujours vide, malgré le cœur empli de colère et de culpabilité. Cela faisait tout juste

une semaine qu’elle nous avait quittés…une semaine que j’avais fait mes bagages et celles de Maddy pour l’accompagner dans sa dernière

demeure, à New York, auprès de sa mère et de celui qui se faisait passer pour son père.Cela faisait une semaine que je perçus les regards compatissants autour de moi, que j’entendais

leurs condoléances.– Wentworth, mon chéri ?Je redressai la tête, revenant à l’instant présent, et interrogeai ma mère du regard.– Maddy t’attend, me dit-elle en esquissant un pauvre sourire.Je me contentai de me lever du canapé comme un automate et montai à l’étage sous les regards

scrutateurs de ma famille. Je serrai les mâchoires en percevant les murmures qu’ils échangeaient unefois que j’eus disparu de la pièce.

– Papa…J’ouvris la porte de la chambre et fixai silencieusement ma fille, blottie dans ses couvertures. Elle

lâcha sa peluche et me tendit la main. Je m’approchai sans dire un mot et, comme tous les soirsdepuis que Jenna était partie, je m’installai sur le bord du lit, tenant sa petite main dans la mienne.Elle comprenait que je n’avais pas envie de parler et je pensai que c’était réciproque alors, je ne fisaucun effort pour briser le silence.

Je me contentai d’être là, à son côté. Je restai près d’elle, laissant mon regard se perdre loin detout, refusant de penser.

Maddy finit par s’endormir, ce que je supposai en sentant sa petite main se relâcher peu à peu entremes doigts.

146Je fermai les yeux et inspirai profondément avant de tourner mon visage vers le sien. Mon cœur se

serra aussitôt à la vue de mon enfant endormi et je ressentis une pointe de soulagement. Elle avait lesyeux fermés et c’était plus simple… beaucoup plus simple pour moi que d’être confronté à son regardéteint.

J’avais pourtant l’impression d’étouffer malgré le vide que j’éprouvai.Doucement, je plaçai la main de ma fille sur le lit et me levai sans faire de bruit.Arrivé à la porte, je me figeai une fraction de seconde sans en prendre pleinement conscience. Je

fronçai les sourcils, surpris de m’immobiliser ainsi, puis me tournai vers Maddy.Tout allait bien. Elle dormait toujours. Rassuré, je sortis de la pièce, laissant la porte entrouverte,

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je savais qu’elle ne finirait pas la nuit ici.Quelques instants plus tard, je descendis au salon où les murmures cessèrent à mon arrivée, ce qui

m’irrita au plus haut point.– Que fais-tu ? me demanda ma mère en remarquant que j’attrapai ma veste.– Je sors, répondis-je en évitant leurs regards inquiets.– Je t’accompagne, j’ai envie de prendre l’air moi aussi, fit Elena en se levant.Je fis brusquement volte-face, ce qui l’immobilisa immédiatement.– J’ai envie d’être seul, lâchai-je en ancrant mon regard au sien, lui faisant comprendre de ne pas

insister.– OK… très bien.Je perçus une pointe de déception dans sa voix, mais je ne m’en préoccupai pas et sortis de la

maison où l’air m’était devenu irrespirable.Sarah– Allez Sarah ! Appelle-le !Je fermai les yeux et secouai la tête avant de me tourner vers Dom.– J’ai essayé de l’appeler toute la journée, Dom ! Tout comme les jours précédents, je lui ai laissé

des tonnes de messages, il ne me rappelle pas.Je m’interrompis, sentant à nouveau mon cœur se serrer par l’angoisse que j’éprouvais. Went

refusait de me parler et j’avais l’impression que ce n’était pas seulement de temps qu’il avait besoin,ce qui m’effrayait.

147– Tu as eu des nouvelles de lui par…– Sébastien. Oui… il m’a appelée hier.– Et ?Je haussai les épaules, complètement perturbée, et m’installai dans le fauteuil près de mon ami.– Il ne comprend pas ce qu'il se passe… c’est à peine s’ils se sont adressé la parole tous les deux.

Il reste enfermé chez ses parents et Sébastien m’a dit que Maddy s’inquiétait pour lui.– Tout s’arrangera, Sarah. Went ne se laissera pas aller.– Je n’en suis pas sûre, Dom. C’est madame Riller qui se charge de Maddy et qui l’emmène chez

son oncle pour passer un peu de temps avec lui.Je m’interrompis et baissai la tête, me perdant dans mes pensées vers Went.La main de Dom vint recouvrir la mienne dans un geste de réconfort et je lui adressai un pâle

sourire tandis qu’une fine larme coulait le long de ma joue.– Écoute, ils doivent rentrer dans deux jours, c’est ça ?Je hochai la tête tout en effaçant les traces humides de mes joues d’un revers de la main.– Normalement c’est ce qui est prévu.– D’accord. Alors, tu vas venir avec moi.– Quoi ? m’exclamai-je en fronçant les sourcils.– Tu vas venir avec moi chez Emma et…– Non, non, je veux rester ici, le coupai-je en me levant d’un bond.– Sarah. Je refuse de te laisser ici, seule à te morfondre.– Dom…– Inutile d’insister, tu viens, me dit-il en se levant à son tour pour se planter devant moi.J’allais refuser catégoriquement, mais son regard m’en dissuada.– OK, répondis-je en soupirant de résignation.

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Il me sourit de son air satisfait et je roulai des yeux avant de sourire à mon tour.Alors que je m’apprêtais à enfiler ma veste, mon portable se mit à sonner. Rapidement, je

décrochai sans prendre la peine de regarder sur l’écran, espérant entendre le son de sa voix.148– Allô ?– Sarah ?Je fronçai les sourcils, surprise d’entendre une voix féminine qui ne m’était pas inconnue.– Oui ? Qui êtes-vous ?– C’est Elena, la sœur de Went.Je sentis mon cœur faire un bond dans ma poitrine et lançai un regard apeuré vers Dom qui

s’approcha immédiatement de moi.– Que se passe-t-il ? C’est Went ?– Oui… je suis désolée de te déranger, mais…– Qu’est-ce qu'il se passe ? Elena ? insistai-je, de plus en plus angoissée à son silence.– Il… il est à l’hôpital, mais tout va bien, ne t’inquiète pas.– Quoi ? Mais que s’est-il passé ? demandai-je dans un souffle tandis que ma tête se mit à tourner.Dom m’aida à m’installer sur le canapé, remarquant que je tremblais comme une feuille.– Ce soir, il est sorti. J’ai voulu l’accompagner, mais il a refusé.D’après la police, il aurait été dans un bar pour se saouler…Elle s’interrompit et sanglota. Je fermai les yeux, bouleversée.– Elena ? Qu’est-ce que la police a à voir là-dedans ?– Il s’est battu… Ils l’ont embarqué, mais il est tombé dans le coma…les médecins disent qu’il se réveillera dans les prochaines heures, mais on ne sait plus quoi faire,

Sarah.– Bon sang, soufflai-je en sentant la colère qui montait en moi. Où est Maddy ?– Elle est à la maison avec ma mère. Elle a peur et te réclame, Sarah.On pense tous que ce serait bien si tu pouvais…– Je me renseigne à l’aéroport et je prends le prochain vol, Elena, la coupai-je sans réfléchir

davantage.– Oh, merci, Sarah ! Je sais qu’il ira mieux… il souffre tellement… on s’inquiète pour lui, c’est à

peine s'il regarde sa fille et depuis l’enterrement il ne s’alimente plus correctement.– D’accord, je te rappelle, lui dis-je d’une voix brisée par la douleur avant de mettre fin à la

conversation.Je me redressai vivement du canapé, mais Dom me retint.149– Que se passe-t-il, Sarah ?– C’est Went… il est à l’hôpital, sanglotai-je avant de fondre en larmes.Dom m’attira contre lui et je lui narrai ce qu’il se passait à New York.– S’il te plaît, tu veux bien téléphoner à l’aéroport ?– Tu es sûre ?– Je ne suis plus sûre de rien, Dom, mais… la petite doit être bouleversée.– D’accord.– Merci, murmurai-je en retenant mes larmes avant de m’éclipser dans ma chambre pour jeter

quelques affaires dans mon sac de voyage.Went

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Je clignai des paupières et grognai de mécontentement à la douleur qui me frappait dans le crâne.– Éteignez cette lumière, claquai-je d’une voix cinglante en distinguant une jeune femme en blouse

blanche près de la fenêtre de la chambre où je me trouvais.– Went !Je grimaçai de douleur à l’éclat de voix de ma sœur et essayai de capter son regard.– Qu’est-ce qui t’a pris, bon sang ?!Je serrai les mâchoires, comprenant que je serais incapable de répondre à sa question.– Éteint ça, j’ai mal, grognai-je.– Tu n’as que ce que tu mérites !– Elena… je…– Non, Went ! Tu es vraiment inconscient ! Tu imagines la peur de Maddy quand elle a su que tu te

trouvais ici !?– Ferme-la, sifflai-je.Je tournai la tête, refusant de la regarder dans les yeux pour ne pas trahir ma culpabilité.– Oui, c’est ça, fuis-moi comme tu fuis ta propre fille !– Arrête, murmurai-je en fermant les yeux, priant silencieusement qu’elle cessât au plus vite.150– C’est si facile…– Va-t’en !– Oui, ne t’en fais pas. Je vais partir, mais il y a une personne qui va venir te chercher et j’espère

qu’elle, tu l’écouteras !J’ouvris vivement les yeux et tournai le visage, fixant ma sœur qui s’éloignait.– Qui ça ? demandai-je, furieux en serrant les poings.Elle se retourna et secoua la tête d’un air désolé, alors que je venais de remarquer que j’étais

attaché au lit.– Détache-moi, Elena !– Non.– Pourquoi ?– Tu as essayé de partir à ton réveil. Les médecins ont dû te donner un calmant pour que tu arrêtes

de t’agiter.– Depuis quand je suis ici ? demandai-je, perdu.– Sans compter la nuit où tu as perdu la tête ?– Elena ! m’écriai-je en tirant sur mes liens.– Un jour et une nuit. Il est plus de onze heures, Sarah viendra te chercher en début d’après-midi.– Sarah, soufflai-je en éprouvant une douleur lancinante dans le trou béant de ma poitrine.Éberlué, je continuai de fixer ma sœur pendant quelques secondes, incapable de prononcer le

moindre son, puis la colère s’empara de moi sans que je pusse la stopper.– Je ne veux pas la voir, tu m’entends ! hurlai-je en essayant de me redresser.– Elle est arrivée hier soir. Maddy a besoin d’elle et, que tu le veuilles ou non, toi aussi.– Non ! hurlai-je, fou de rage, tandis qu’elle quittait la pièce, me laissant me débattre sur mon lit

avant que deux infirmières vinssent m’immobiliser.SarahJe terminai de nouer les cheveux de Maddy en deux nattes et lui souris tendrement alors qu’elle se

tournait vers moi. Elle se mit à rire, visiblement satisfaite de sa nouvelle coiffure.151

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– Merci, Sarah.– De rien, ma puce, lui répondis-je en la serrant dans mes bras. On va descendre, ta grand-mère

t’attend pour préparer le gâteau au chocolat.– On va faire un gâteau ?Je me mis à rire doucement à son exclamation de surprise puis acquiesçai d’un hochement de tête.Quelques minutes après, nous rejoignîmes Anna et Elena dans la cuisine et je constatai avec

inquiétude la mine triste de la sœur de Went.– Tu es magnifique, ma princesse ! s’exclama Anna afin d’atténuer la tension qui régnait dans la

pièce.Je baissai le regard vers Maddy qui souriait fièrement tandis que sa grand-mère l’embrassait sur

les joues.– Sarah a dit qu’on va faire un gâteau.– Oui, ma chérie, nous allons préparer le gâteau au chocolat, le temps que Sarah aille chercher ton

père.– Papa aime bien le chocolat, fit-elle d’une voix triste.– Oui, mon trésor, c’est son préféré.Maddy se tourna vers moi et je remarquai de nouveau la lueur triste dans son regard.– Je peux venir avec toi ?Mon cœur se serra douloureusement. Je lançai un regard vers Anna et Elena avant d’esquisser un

faible sourire et me baissai pour être à la hauteur de la fillette.– Non, ma chérie. Les enfants ne peuvent pas entrer, je te l’ai expliqué.– Tu vas revenir…– Bien sûr, mon ange, je vais juste chercher papa et on rentrera pour goûter à ce délicieux gâteau

que vous allez préparer, d’accord ?Elle me fixa dans les yeux, sans doute pour y chercher un brin de sincérité et hocha la tête avant

d’accrocher ses bras autour de mon cou.– Tu viens vite, Sarah ?– Je ferai au plus vite, répondis-je d’une voix brisée par l’émotion avant d’embrasser doucement

son front.Je me redressai une fois qu’elle se détacha de moi et tentai de garder un semblant de sourire sur

mes lèvres.– Elena ? Tu peux commencer à préparer ce qu’il faut avec Maddy ?demanda Anna.152Elle accepta et prit la petite par la main. Je m’éclipsai alors, sachant qu’Anna me suivait.– Sarah…– Oui ? murmurai-je en me tournant vers elle.– Merci, merci pour tout.– Je n’ai rien fait.Anna Riller n’était pas stupide et comprenait que je luttais contre mes émotions. Elle posa sa main

sur mon épaule et ancra son regard au mien.– Il a toujours été amoureux de vous.– Anna…– Avec Jenna, c’était une erreur, et ils en avaient tous deux conscience. Il l’aimait aussi bien sûr,

mais…

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– Je sais, la coupai-je alors qu’une larme perlait au coin de ma paupière.Je détournai le regard, tentant désespérément de ne pas craquer, mais elle était aussi têtue que son

fils. Elle attrapa mes mains jusqu’à ce que nos regards s’ancrassent l’un à l’autre.– Il est perdu et se sent coupable. Je suis consciente que ce ne sera pas facile pour vous aussi et je

ne veux pas que vous vous retrouviez avec tout cela sur le dos…Je secouai la tête pour l’arrêter, mais les mots restèrent coincés au fond de ma gorge.– Il va se montrer distant, Elena lui a appris votre présence et…– Je sais, elle m’en a parlé au téléphone tout à l’heure.– Ne l’écoutez pas, Sarah. Je connais mon fils et je sais que les paroles blessantes qu’il vous

lancera ne seront pas sincères et il le regrettera aussitôt… ne baissez pas les bras…– Je ne le ferai pas, Anna, la coupai-je d’une voix sûre. J’ai promis à Jenna que je serais là en cas

de besoin.Elle me sourit tendrement et hocha la tête avant d’ajouter d’une voix émue :– Je vous remercie du fond du cœur, Sarah.Je répondis à son triste sourire et l’enlaçai tendrement.Quelques secondes plus tard, je me détachai de son étreinte et inspirai profondément avant de la

saluer d’un geste de la main et sortis de la maison, prenant la direction de l’hôpital.15311CONFRONTATIONWentJe fixai la trotteuse de ma montre depuis que l’équipe médicale avait enfin consenti à se rendre

compte que j’étais calmé et m’avait détaché.Mais j’étais toujours furieux contre tout le monde. D’abord contre l’homme qui avait été trop

exigeant avec la serveuse du bar où je m’étais saoulé… les flics qui s’étaient interposés pendant queje me battais avec ce pervers et… les infirmières qui m’avaient reconnu et ma chère sœur qui avaiteu le culot d’appeler Sarah.

Mais j’étais encore plus furieux contre elle, car d’après ma sœur, Sarah avait pris le premier avionpour voir dans quel état je me trouvais, ce que je refusais tout bonnement. Elle n’avait pas hésité unseul instant et elle se trouvait ici maintenant… pour Maddy, pour moi, alors que je ne la méritais pas.

Toute la colère que j’éprouvais n’était rien cependant en comparaison à la haine profonde que jeme vouais.

Pourtant, j’essayais pendant les dernières heures de me déculpabiliser de ce qui était arrivé, maisce sentiment était omniprésent et j’avais conscience qu’il resterait là, et que c’était à moid’apprendre à vivre avec, surplombé par celui du dégoût de ma personne.

Je me dégoutais au plus profond de moi-même.De mon incapacité à aimer cette femme comme je l’aurais dû.Elle le méritait… et je n’avais pas été capable de lui rendre l’amour profond et sincère qu’elle

m’avait donné.Depuis toujours, Jenna avait tout fait pour éviter que je souffre de quelque manière que ce soit.Prenant ma défense sur tout, fuyant sa propre vie, ses proches lorsqu’elle avait découvert qu’elle

attendait mon enfant. Elle avait souffert pendant toutes ces années pour que je pusse vivre mon rêve.154Jenna était morte à présent… et je n’avais pas su l’aider.Tout était de ma faute.

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Je ne savais pas comment gérer ça…Je me sentais si perdu… et de savoir que ma fille me rappellerait chaque jour l’irresponsable que

j’étais m’horrifiait plus que jamais.SarahJ’avais mal…Le cœur serré par la profonde douleur de le voir ainsi me broyait de l’intérieur. Cela faisait déjà

plusieurs minutes que je le contemplais à travers la vitre carrée de la porte de sa chambre et je nel’avais jamais vu aussi triste, si désemparé, qu’à cet instant.

Les minutes s’écoulèrent alors que je ne trouvais pas encore la force pour ouvrir cette porte quinous séparait. J’ignorais qu'elle serait sa réaction ou la mienne, lorsque nous nous ferions face. Je fuspartagée entre colère et compassion, mais je ne savais pas laquelle de ces émotions serait plus forteque l’autre.

Il fixait toujours le même point imaginaire depuis plusieurs minutes lorsque je décidai enfin àentrer. Je dus prendre une grande et longue inspiration avant de trouver assez de courage pour memontrer indulgente et dure à la fois.

Enfin, je frappai un coup sec contre la porte et l’ouvris.Il ferma les paupières sans même m’adresser un regard. Je réprimais la douleur intense, qui me

submergeait à cette malheureuse constatation, et fis un pas en avant. Il ouvrit enfin les yeux. Je sentismon cœur se serrer violemment lorsque son regard, vidé de toute expression, croisa le mien.

– Salut, murmurai-je en avançant d’un pas hésitant vers le lit alors qu’il se redressait.La tension était palpable et son silence me portait à croire que je n’étais pas la bienvenue.

Désemparée, je tentais de rester de marbre alors qu’il plantait son regard froid dans le mien.– Tu n’aurais pas dû venir.Son ton cinglant me fit l’effet d’une gifle en pleine figure. Légèrement déstabilisée, je me soutins

d’une main sur la table à côté de son lit et lui répondis :– Je vois ça… mais TA fille avait besoin de moi !155– Elle est avec ma famille.Hébétée par ses traits durcis par la colère, je le dévisageai comme si c’était la première fois que

je le voyais.– Tu es injuste, soufflai-je avant de me ressaisir. Qu’est-ce qui te prend, Went ?Je le vis secouer la tête avant qu’il détourne son regard et entreprît de se lever.Rapidement, je l’en empêchai, posant mes mains sur ses épaules.– Went…– Je…Je remarquai son désarroi dans son regard océan qui croisa le mien.Les larmes montèrent irrémédiablement puis la colère s’empara de tout mon être.– Qu’est-ce qui te prend, bon sang ?! hurlai-je tandis qu’il agrippait mes poignets avant de les

serrer fermement.– Arrête ! cria-t-il en ancrant son regard au mien. Arrête, Sarah… je ne peux pas.– Tu ne peux pas, quoi ?– Je…Il s’interrompit et ferma la bouche.– Went…Il releva les yeux vers mon visage et je sentis les débris de mon cœur me transpercer violemment.

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Mes larmes roulèrent le long de mes joues, j'étais incapable de les stopper.Soudain, il me lâcha brusquement.– Va-t'en, s’il te plaît.– Je ne peux pas partir.– Si, tu le peux, Sarah, et il faut que tu le fasses, rétorqua-t-il en se relevant du lit sans que je ne

pusse l’en empêcher.Je le vis fermer les paupières une fraction de seconde avant qu’il s’avançât vers le fauteuil où sa

veste était déposée.– Je ne le ferai pas ! Je ne le ferai pas… répétai-je d’une voix brisée.– Sarah…– Non ! hurlai-je en le rejoignant pour le secouer brutalement. Tu ne peux pas me demander ça, pas

après ce qui s’est passé.– Je n’ai pas besoin de toi, Sarah ! me coupa-t-il en me secouant à son tour. Arrête… retourne là-

bas.156– Non… tu ne peux pas me rejeter parce que tu te sens coupable de ce qui est arrivé à Jenna,

Wentworth !Il me relâcha subitement comme si je venais de le brûler. Je continuai à fixer l’éclat ardent de son

regard tandis qu’il luttait pour fuir le mien.– Went… regarde-moi !Je cessai de le secouer, gardant mon regard ancré au sien. Je sentis son corps se détendre, cessant

enfin de combattre le combat intérieur qui s’y déroulait.– Excuse-moi… murmura-t-il en m’attirant contre lui.Je fermai les yeux et resserrai mes bras autour de lui, essayant de trouver assez de force pour

laisser les mots réconfortants sortir de ma bouche.– Chut… ça va aller, murmurai-je en passant ma main sur sa nuque.Puis je reculais son visage afin de capter son regard.Je déglutis péniblement aux larmes que contenaient ses pupilles et je posai ma main sur sa joue.– Tu n’es coupable de rien, Went… ta fille a besoin de toi.– Je ne suis pas capable de…– Stop ! l’interrompis-je sans ciller. Tu es fort, Went… je sais que tu t’en veux énormément pour

les sentiments que tu ressens, mais…– Je n’avais pas le droit de lui faire ça…Je fermai à nouveau les paupières, sachant pertinemment que la tristesse le faisait parler ainsi.

Soudain, je sentis le bout de ses doigts effleurer mes lèvres. Je retins mon souffle et finis par ouvrirles yeux.

– Je n’ai pas le droit de te faire endurer ça, Sarah.– Tu ne m’as rien demandé.– Mais Jenna si, souffla-t-il en soupirant de lassitude avant de s’écarter de moi.– Elle connaissait la nature de tes sentiments pour elle, Went. Tu ne lui avais pas caché…– Je lui ai menti ! J’aurais dû lui dire tout ça bien avant… à la place, je lui ai fait croire qu’on

pouvait faire notre vie ensemble comme si toutes ces années n’étaient pas passées… Que l’onpouvait reprendre là où on en était restés et élever notre fille tous les deux, mais quand je t’ai vue,Sarah…

– Arrête, lançai-je en me postant rapidement devant lui avant qu’il ne s’éloignât à nouveau. Tu as

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besoin de temps pour digérer tout ça et je 157serai là pour t’y aider, ainsi que Maddy.– J’attends beaucoup plus de toi, Sarah… mais je n’ai pas le droit de te faire vivre comme si…– Chut, arrête, lui ordonnai-je en posant mon doigt contre ses lèvres pour le faire taire.Les larmes aux yeux, nous nous fixâmes pendant quelques minutes sans prononcer le moindre mot.

Je pouvais comprendre qu’il souffrait, mais je ne pouvais pas admettre qu’il restait enfermé ainsi surlui-même, laissant Maddy pleurer de ce silence qui lui pesait tout autant.

Alors que j’allais ouvrir les lèvres pour lui dire combien sa fille avait besoin de son père, sesdoigts se posèrent avec hésitation sur les miens.

Je ne sais plus où j’en suis, Sarah… et… de voir que tu es là, à encaisser…– Je suis une grande fille.– Je sais… Je suis seulement désolé de te faire du mal. Je ne te mérite pas, Sarah…– Cesse de dire des bêtises, le coupai-je en souriant doucement alors qu’une larme s’échappait de

ma paupière.– Non… Ne pleure pas, je ne supporte pas de te voir souffrir par ma faute. S’il te plaît, Sarah.Bouleversée, je fondis en larmes…Je ne saurais dire si ce fut la faute d’avoir entendu ces mots ou alors le fait de penser qu’il

m’aimait toujours. Quoi qu’il en soit, je me laissai aller dans ses bras lorsqu’il m’attira contre lui.– J’ai tout autant besoin de toi, Went…– Je sais.WentJe fermai les yeux, la berçant dans mes bras, et inspirai profondément tandis que je ne pouvais

retenir le flot d’émotion qui montait en moi alors que je tenais celle que j’aimais plus que tout aumonde contre moi.

Oui je l’aimais… d’un amour si intense, mais je savais que je ne le méritais pas… pas avant quemon cœur ne soit guéri de cette culpabilité et de la perte de Jenna qui me rongeait.

158Nous restâmes quelques instants dans les bras l’un de l’autre. Puis comprenant que je n’arriverai

pas à lui résister davantage, je passai une main sous son menton pour relever son visage avant de luidire : Il serait préférable pour toi de repartir, Sarah.

– Il serait préférable pour toi de repartir, Sarah.– Non !– D’accord, d’accord… soufflai-je en esquissant un pauvre sourire avant de poser mes lèvres

contre son front.– On devrait rentrer, me dit-elle en posant ses mains contre mes joues.– Mm…– Maddy a préparé un gâteau.– Je…– Went… Elle s’inquiète pour toi !Je hochai la tête, sentant la nausée m’envahir en repensant à mon comportement de la veille.– Elle t’aime.– Je l’aime aussi, mais… c’est si dur, Sarah.– Je serai là…Je déglutis péniblement, sachant qu’elle comprenait ce que je ressentais au plus profond de moi.– J’ai besoin de toi, Sarah, et je suis désolé de m’être comporté aussi égoïstement et…

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– Tout va bien… tout s’arrangera, me coupa-t-elle d’une voix douce en me fixant dans les yeux.Sans quitter mon regard, elle hocha la tête pour confirmer ses paroles.– D’accord, Sarah.– Viens, me dit-elle en prenant ma main.– Je t’aime, murmurai-je sans réfléchir.Elle se figea et leva les yeux vers moi.À cet instant, j’eus peur qu’elle me repoussât, mais elle ferma les paupières avant de venir se

blottir une dernière fois dans mes bras.– Went…– Je sais… on a besoin de temps tous les deux, c’est ça ?Elle hocha la tête et me sourit tristement.Mes doigts s’entrelacèrent aux siens et je posai mes lèvres sur sa tempe pour un doux baiser.159– Allons-y, sortons d’ici.SarahPendant le trajet qui nous menait jusqu’à la maison de ses parents, pas un mot ne fut échangé, mais

les regards discrets qu’il me lançait me laissaient croire qu’il avait compris qu’il devait se reprendrepour sa petite fille inquiète.

Une fois arrivée devant chez lui, je coupai le moteur de la voiture et me figeai instantanément alorsque sa main agrippait la mienne. Je relevai les yeux et ancrai automatiquement mon regard au sien. Jeremarquai la lueur anxieuse dans le fond de ses pupilles océan et j’esquissai un faible sourire pour lerassurer. Il me le rendit, mais sans grande conviction. Ses doigts se serrèrent alors plus fermementautour de ma main. Je soupirai doucement tout en acceptant ce geste de tendresse.

– Tout ira bien, Went.– J’essaie d’y croire, Sarah.– Hé… tu vas aller voir Maddy et discuter avec elle.– Qu’est-ce que je dois lui dire ? me demanda-t-il d’une voix paniquée.– Que tu es désolé de l’avoir inquiétée et que tout s’arrangera pour vous deux. Tu peux le faire,

Went.Il hocha la tête après quelques secondes de silence puis prit une profonde inspiration avant

d’ouvrir la portière.Il resta immobile devant la porte pendant quelques secondes avant de se tourner vers moi. Je

l’encourageai d’un mouvement de la tête, consciente des difficultés qu’il éprouvait à cette seconde.Mais il ne se défila pas, du moins pas sur l’instant, car il ouvrit la porte avant d'entrer.

Je ne savais pas de combien de temps il aurait besoin pour se sentir mieux. Combien de tempsavant que je retrouvasse l’ami, l’homme que j’avais toujours aimé ?

Mais le temps pourrait-il être aussi bénéfique que j’aimerais le croire ?Serais-je capable d’endurer cette situation plus que nécessaire ?Je n’avais aucune réponse dans l’immédiat. Mais à l’intérieur de cette maison se trouvait une petite

fille qui avait besoin de son père, de son amour et de son soutien pour affronter cette douloureuseépreuve. Alors, j’incitai Went à avancer.

160Avant de pénétrer dans la cuisine, il se tourna vers moi.– Tout ira bien, le rassurai-je en prenant sa veste qu’il enlevât.– Merci, Sarah.

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Ses yeux d’un bleu bouleversant se vrillèrent aux miens puis glissèrent vers la porte qu’il ouvritenfin. Je soupirai de soulagement et le suivis à l’intérieur malgré l’angoisse et l’inquiétude présentesen moi.

J’esquissai un faible sourire, enfouissant mon trouble au plus profond de moi lorsque la voix deMaddy vint briser le silence.

– Papa !– Hé, souffla Went alors que sa fille venait de bondir dans ses bras.Je ravalai mon émotion et détournai le regard tandis que Maddy serrait fortement ses petits bras

autour du cou de son père, comme si elle craignait que celui-ci s’éloignât.– J’ai eu peur, papa.– C’était inutile, je vais bien.– Pourquoi tu as été à l’hôpital ?– Je suis sorti, c’est le principal, non ?Je tournai la tête vers eux à l’instant où Maddy se redressa lentement et ancra son regard au sien.

Je compris alors qu’il avait du mal à trouver les mots pour la rassurer. Je décidai donc de prendrepart à la conversation, éloignant un peu l’enfant de ses questions perturbantes pour Went.

– Alors, ma puce ? Tu as terminé dans la cuisine ?La petite me regarda et esquissa un faible sourire avant de hocher la tête.– Oui, viens, papa, j’ai préparé un gâteau et c’est ton préféré !Je souris tandis que Went me lançait un regard étonné avant de déposer sa fille sur le sol.– Qu’est-ce que tu as fait à ton œil, papa ?Je me figeai, consciente que cette question l’embarrassait, mais ce qui m’interloqua le plus, ce fut

qu’il évitât le regard interrogateur de sa fille.Il se tourna vers moi.– C’est rien du tout, répondit-il en me fixant dans les yeux.– Ton… papa a dû se battre, ma chérie, mais…– Hein ! Maman dit toujours que ce n’est pas bien de se battre !– Ta mère n’est pas là, Maddy !Je fermai les yeux un court instant, me demandant si les paroles dures qu’il venait de prononcer

étaient réelles. Malheureusement, ce fut bien le 161cas. Mon regard se posa directement sur Maddy qui recula d’un pas à la dureté de sa voix. Ses

lèvres tremblotèrent, sous le choc alors que les larmes ne tardèrent pas à couler.Rapidement, je m’approchai d’elle.– Sar… ah…Je la serrai dans mes bras tandis qu’elle se mettait à pleurer à chaudes larmes dans mon cou.– Je… je…– Tu devrais monter te changer ! lui ordonnai-je en foudroyant Went d’un regard mauvais.– Je suis désolé, Maddy, murmura-t-il en avançant vers sa fille qui se recroquevillait contre moi

pour éviter qu’il ne la touchât.– Vas-y, insistai-je en ancrant mon regard au sien.Il hocha la tête puis se détourna.Un long soupir s’échappa de mes lèvres, comprenant les difficultés que le père et la fille

rencontreraient encore. Je contemplai Went avec une pointe de compassion à la douleur qu’iléprouvait à cet instant alors qu’il montait les marches de l’escalier d’un pas lourd.

– Chut, ça va aller, ma chérie, murmurai-je quelques minutes plus tard, espérant mettre un terme à

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ses pleurs.– J’ai été méchante ?– Bien sûr que non ! rétorquai-je en posant mes mains sur ses épaules, cherchant son regard. Tu n’y

es pour rien, ma puce et…– Papa est en colère après moi.– Non, non ! C’est après lui qu’il est en colère, mon trésor. Je suis sûre qu’il s’en veut de t’avoir

fait de la peine.La gorge serrée, je la serrai dans mes bras alors qu’elle laissait échapper un petit sanglot.– Je te promets que tout finira par s’arranger, ma chérie, murmurai-je avant de l’embrasser sur la

joue et de la soulever dans mes bras.Au même instant, Anna entra dans la cuisine et comprit que quelque chose venait de se passer. Elle

tendit les bras pour prendre Maddy.– Grand-mère et toi allez terminer de mettre la table, je vais aller chercher ton père, d’accord ?– Ou... ii.Je lui souris tendrement et d’un hochement de tête je remerciai la mère de Went qui eut la

gentillesse de ne pas poser de question pour le moment.162J’attendis quelques secondes et laissai un long soupir s’échapper de mes lèvres. Puis, je sortis de

la pièce et montai à l’étage, consciente que nous étions sur le point de passer un moment intense etdifficile.

16312CONFUSIONWentJe ne savais pas ce qui m’était passé par la tête.Je n’avais pas pris le temps de réfléchir à la question de ma fille… je me sentais si mal, si

impuissant devant toute cette douleur, devant elle, Maddy, ma propre fille que j’aimerais fuir. Jel’aimais, personne ne devait en douter, mais lorsque mon regard croisait le sien, tout se mélangeaitdans ma tête jusqu’à ce que la douleur emporte ma raison, me rendant totalement incapable de bonsens.

Je n’arrivais plus à la voir, la culpabilité remplaçant ce petit être si cher à mon cœur. Sarah m’envoulait, j’en étais conscient, mais je ne culpabilisais pas pour cela. Elle s’en remettrait.

Je secouai fébrilement la tête et laissai mes larmes se mélanger à l’eau de la douche qui coulait lelong de mon corps. Je tentai de vider mon esprit, mon cœur, de tout bouleversement, mais je n’yarrivais pas. Je restai ainsi, mes poings fermés contre la paroi de la cabine de douche, tandis quel’eau chaude heurtait fortement mon crâne. Soudain, j’entendis une porte claquer.

Je relevai la tête et plissai les yeux, tentant de me concentrer sur le moindre bruit qui provenait dela pièce d’à côté. Sans plus attendre, je me redressai complètement, sentant mes muscles endoloris, ettournai le robinet avant de sortir de la douche.

J’eus juste le temps d’enrouler une serviette autour de ma taille que la porte de la salle de bains’ouvrit brusquement. À demi surpris par l’expression de colère que je remarquais sur le visage deSarah, je laissai un long soupir s’échapper de mes lèvres et me détournai d’elle, ce qui eut don defaire augmenter la colère qu’elle éprouvait.

– Went !164

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Elle agrippa fermement mon bras pour me faire tourner dans sa direction. Je me tournai vers elle etlui fis face, plantant mon regard vide de toute émotion dans le sien, empli de fureur.

– Qu’est-ce que tu veux, Sarah ? lui demandai-je en baissant les yeux sur sa main qui se refermaitdavantage sur mon bras.

J’eus d’ailleurs l’impression de sentir ses ongles me pénétrer la chair.Elle dut le remarquer également, car elle ôta sa main vivement comme si elle s’était brûlée contre

ma peau, qui se consumait littéralement à son contact.– Qu’est-ce que je veux ?! répéta-t-elle en secouant la tête, outrée par ma question. Tu te rends

compte de ce que tu as fait ? Ta fille pense que tu es en colère après elle, Went !– Ça va ! Je n’ai pas réfléchi, OK ?! répondis-je en soupirant.– Je l’ai bien remarqué, figure-toi ! Je comprends que tu te sentes perdu, que tu sois malheureux,

mais tu n’as pas le droit de faire culpabiliser ta fille !– Je n’ai pas cherché à la faire culpabiliser ! hurlai-je en serrant les poings tout en la fixant.– Je…– J’ai dit que j’étais désolé !– Tu dois faire bien plus que ça !Je rêvais ?Elle était vraiment furieuse pour une broutille ?– Ce n’est pas la mort, elle s’en remettra.Je n’eus pas le temps de terminer ma phrase que sa main s’abattit violemment sur ma joue. La

douleur fut telle que j’eus l’impression qu’elle venait d’y mettre le feu.Furieux, je relâchai la colère que je gardais enfouie en moi et l’agrippai par les bras avant de la

plaquer avec force contre le mur. Elle eut un hoquet de surprise tandis que son dos heurtaitviolemment le mur.

Le souffle coupé par le choc brutal, elle laissa son regard se voiler de la lueur de tristesse quej’étais incapable d’affronter.

– Tu me… fais mal… haleta-t-elle après quelques instants.Je déglutis péniblement, constatant que la haine que j’éprouvais se manifestait dans mes yeux.– Went…Qu’étais-je en train de faire ?165Immobile, je regardai Sarah, ses larmes coulaient le long de ses joues meurtries par la douleur que

je lui infligeais.Là, je me sentais plus que jamais l’être misérable que j’étais devenu, laissant la haine envahir tout

mon corps.– Je… je…Je ne trouvai pas les mots pour m’excuser, car je savais qu’elle n’en avait que faire. Son regard me

rongea de l’intérieur et je fis de nouveau un geste, un acte que je devrais assumer.Sans réfléchir, je plaquai ma bouche contre la sienne avec une violence qui la fit gémir de douleur.

Elle essaya de se débattre, mais la rage que je contenais ne céda pas. Je n’étais plus moi-même, jetentai avec force d’approfondir ce baiser volé, plaquant mon corps contre le sien pour l’immobiliser.Mon esprit fut aussi noir que mon cœur à cet instant où je finis par glisser ma langue entre ses lèvres.Une part de moi-même m’ordonna de m’arrêter là, immédiatement, mais j’avais besoin de ça.

J’avais besoin d’elle plus que tout, espérant qu’elle réussisse à me libérer de l’être mauvais,diabolique, qui était en moi.

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Seul, le gout du sang me fit reprendre mes esprits. Terrifié, je me figeai de nouveau avant de larelâcher. Transi par la terreur en constatant une perle de sang sur les lèvres de Sarah, je fis un pas enarrière, encore et encore, sans que je pusse quitter les yeux de ses lèvres gonflées et abimées par mafureur.

– Sarah…SarahMa main se posa sur mes lèvres douloureuses tandis que mon regard s’ancrait au sien. Hébétée par

ce qui venait de se passer, j’ordonnai à mon corps de réagir aussitôt, mais je restai figée devant luialors qu’il se réfugia dans le coin de la salle de bain, tout aussi terrassé par la violence dont il venaitde faire preuve.

Mes larmes roulèrent le long de mes joues. Je ne le reconnaissais plus, il était devenu l’homme demes cauchemars, celui à cause de qui j’avais souffert pendant de nombreuses années. Tous lesmauvais souvenirs ressurgirent alors dans mon esprit malgré les efforts que je fis pour les chasser…mais c’était trop tard. Went était devenu cet homme, imposant 166

sa colère, sa dureté alors que je ne voulais que l’aider à traverser cette épreuve.Une longue minute s’écoula sans que je puisse – tout comme lui – être capable d’émettre le

moindre son ou de faire réagir mon corps.Soudain, l’homme qui venait de me briser un peu plus le cœur entrouvrit les lèvres.– Excuse-moi, Sarah… Je ne voulais…Je refusai de l’écouter plus longtemps et secouai la tête avant de m’enfuir de la salle de bain.Went– Sarah ! hurlai-je dans un cri étouffé par mes sanglots.J’essayai de la retenir, mais au moment où j’allais attraper sa main elle me claqua la porte de sa

chambre au nez.Impuissant de nouveau, je laissai mon front heurter avec brusquerie la porte, m’infligeant une

douleur méritée tandis que je prenais conscience que je venais de perdre l’espoir d’être heureux ànouveau.

Je ne saurais dire combien de minutes s’étaient écoulées lorsque j’entendis des pas dans l’escalier.Ce fut à cet instant que je pris conscience de mon pitoyable état.Effondré contre la porte de Sarah qui était restée sourde à mes appels suppliants, je me redressais

péniblement alors que le visage de Maddy se heurta à mon regard inexpressif.– Papa… elle est où Sarah ?Déglutissant à peine, je secouai la tête, tentant désespérément de fuir le regard de ma fille. Mon

esprit était bien trop assombri par mes actes irréparables pour émettre le moindre son. Je restaiscomme hébété, incapable de prendre les choses en main. Une partie de moi voulait que je prenne monenfant dans mes bras, pour que je m’excuse auprès d’elle pour mon comportement misérable… luipromettre que je serai le plus formidable des pères… que je l’aimais… que je l’aimerai toujours etque je serai toujours là pour elle, mais je ne pouvais pas.

Je n’en avais pas la force.Son regard suppliant croisa le mien.167En l’espace d’une demi-seconde, je vis ma vie s’écrouler à nouveau tandis que la culpabilité

coulait dans mes veines, provoquant les battements de mon cœur déchiré.Un gémissement ou sanglot – je ne saurais le dire – franchit mes lèvres pourtant serrées l’une

contre l’autre.

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– Papa…D’un mouvement vif, je me tournai, cachant mon visage à sa vue, et je me mis à fuir jusqu’à ma

chambre. Je tentais alors de reprendre ma respiration afin de soulager la douleur de cette bouled’angoisse au fond de ma gorge et fondis en larme alors que je me laissais glisser contre la porte queje venais de fermer à ma fille…

À ma propre fille.SarahIl me fallut un petit moment pour parvenir à cesser de faire couler mes larmes. À l’évidence, j’y

étais parvenue lorsque j’avais cru entendre la voix de Maddy. Étrangement, je n’avais pas réussi àentendre Went lui répondre, ce qui m’inquiétait malgré ce qu’il venait de se passer entre nous.

Je me relevai du sol où je m’étais effondrée en larmes et m’avançai près du miroir de la chambre,essayant de chasser les images de ma tête où Went m’avait attirée de force contre lui.

Ce n’était pas évident…Une part de moi-même refusait de lui pardonner, mais j’étais consciente qu’il souffrait. Went était

perdu et avait besoin qu’on s’occupe de lui, qu’on l’aide à traverser cette période de doutes, deculpabilité qu’il s’infligeait à lui-même. J’étais persuadée d’être la personne qui pourrait l’aider à ledéculpabiliser de tout cela, mais c’était il y a quelques jours.

À présent, je n’en étais plus certaine. Le courage et la détermination de l’aider venaient d’êtrebalayés par ses lèvres qu’il m’avait imposées.

– Sarah ?Je fronçai les sourcils en entendant la voix de Maddy derrière la porte.Je passai une main sur mon visage afin de balayer toutes traces de tristesse et m’avançai d’un pas

lent, prenant ainsi le temps d’inspirer profondément avant de lui ouvrir.– Hé… je suis là, lui dis-je en plaquant un semblant de sourire sur mes 168lèvres.Je la vis me répondre avec le même enthousiasme dont je faisais preuve.– Tu n’étais pas en bas ?– Tante Elena t’appelle pour le gâteau, papa aussi, mais…Je remarquai l’hésitation de Maddy à terminer sa phrase.Tendrement, je la soulevai dans mes bras et nous sortîmes de la chambre.– On va le prévenir que s’il ne descend pas tout de suite, il risque de ne pas avoir de part.Elle me sourit doucement puis hocha la tête. Je ne savais pas d’où me venait cette force soudaine

pour me rapprocher de la chambre de Went, mais je le fis, serrant Maddy dans mes bras.– Tu frappes avec moi ? lui demandai-je en souriant.– Oui.Nous frappâmes alors toutes les deux contre la porte tandis que mon cœur s’affolait, attendant qu’il

ouvre. Ce qu’il fit quelques secondes plus tard, ayant juste eu le temps de déglutir quand nos regardsse croisèrent.

J’eus l’impression que les secondes s’éternisaient alors que l’on se fixait dans les yeux l’un del’autre, se livrant une vraie bataille, invisible aux yeux de Maddy, qui se mit à remuer doucementdans mes bras.

– Je… fit-il enfin en baissant rapidement les yeux vers le visage de sa fille.– On t’attend à la cuisine pour le gâteau, le coupai-je avant de m’éclipser rapidement.– Sarah !Je me stoppai, électrisée par le ton suppliant de sa voix. Mon regard se porta vers Maddy qui

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m’esquissait un faible sourire puis je me retournai vers lui, le défiant d’un regard noir de colère.– Pas maintenant. On t’attend en bas !Sur ce, je partis avec sa fille vers l’escalier, savourant quelque peu ma fierté d’avoir retenu ma

peine devant lui.WentJe mis un moment à réagir, essayant de trouver la meilleure solution pour excuser mon

comportement ignoble envers Sarah… et ma fille.169Je restais là, dans le hall de l’étage, encore quelques minutes, puis décidai ensuite d’aller les

rejoindre. Je savais pertinemment qu’il était inutile de rester cloitré dans la chambre... que Sarahn’accepterait pas ce genre d’insulte.

Alors, je descendis doucement, me préparant mentalement aux regards accusateurs des membres dema famille.

Arrivé au rez-de-chaussée, je vis mon père revenir du salon. Je me mis à déglutir, prenant unecontenance afin de rassurer l’inquiétude que je lisais sur les traits de son visage, dans son regard.

– Went.– Salut, papa.– Tout le monde t’attendait…– Je sais, le coupai-je en soupirant.– Écoute, fils, je sais que c’est dur en ce moment pour toi, mais ça l’est aussi pour ta fille.– Je le sais, papa. J’en suis conscient.– Alors prends sur toi. Tu le lui dois et ne t’imagines pas que Sarah doit être la seule à réconforter

cette petite.Je secouai la tête, inconsciemment, confus. La colère prenait possession de moi et je m’efforçais à

la canaliser.– Il te faudra du temps, mais tu parviendras à oublier, me dit-il, compatissant en posant la main sur

mon épaule.– À oublier… répétai-je, ironique, avant de laisser éclater cette colère qui me rongeait de

l’intérieur. Comment veux-tu que je puisse oublier ça, papa ? Comment veux-tu que j’oublie ce quej’ai fait alors que Maddy…

je n’arrive plus à la regarder en face, papa ! hurlai-je en serrant les poings de colère. Je ne peuxpas… je n’étais pas là pour elle, pour Jenna alors qu’elle ne demandait qu’à être heureuse, justequelque temps…

– Went, arrête.– Non ! répondis-je en secouant la tête, laissant la douleur me broyer la poitrine. Je n’ai pas été là,

je ne lui ai pas donné ce qu’elle attendait alors qu’elle…– Le méritait ? Oui, elle méritait l’amour d’un homme, mon garçon, mais elle était consciente que

ce n’était pas toi qui le lui donnerais. Elle savait pour Sarah, elle avait compris et elle désirait quevous soyez heureux tous les deux avec sa petite fille. Elle avait une totale confiance en Sarah pourMaddy, pour toi… alors, cesse de culpabiliser, cesse de te 170

reprocher les choses que tu n’as pas pu lui donner, de l’amour que tu n’as pas su lui apporter.Jenna était une personne formidable et elle serait furieuse de te voir te comporter ainsi, de t’infligertout ça… elle…

– Stop… arrête, je t’en prie, le suppliai-je en prenant mon crâne entre mes mains.Je fermai les yeux, conscient de cette vérité, mais c’était trop dur et il n’avait pas l’air de

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comprendre ce que je pouvais éprouver.– Regarde-moi !Je cessai de bouger alors qu’il me secoua par les épaules.Lorsque mes paupières s’ouvrirent, je compris qu’il était tout aussi furieux que moi.– Jenna t’aimait d’un amour inconditionnel, Went ! Depuis toujours, et tu le savais ! Vous avez fait

des choix, tous les deux ! Elle est partie, tu as fait ta vie et en aucune façon elle ne te l’a reproché,alors ne te reproche pas sa mort. Tu n’es pas responsable de ce qui lui est arrivé. Je sais que tuarriveras à surmonter cette épreuve, à te débarrasser de cette culpabilité qui te dévore. Ça prendra dutemps, mais tu y parviendras, Wentworth. Tu es entouré de personnes qui t’aiment elles aussi, nel’oublie jamais.

Je restai paralysé par sa tirade pendant quelques secondes alors qu’il restait silencieux. J’évitaisde le regarder, laissant mes yeux se poser sur le sol que mes larmes heurtaient.

Prenant conscience de mes pleurs silencieux, je relevai la tête et passai mes mains, d’un gesterageur, sur mon visage. Je savais qu’il avait raison et j’espérais aussi être capable de me pardonnerbien que je n’aie, pour l’instant, aucune motivation à le faire… c’était bien trop tôt, trop dur…

– Respire un grand coup et rejoins ta famille dans la cuisine.– Je suis désolé, papa, murmurai-je d’une voix émue.Nos regards s’ancrèrent l’un à l’autre et il me sourit doucement en hochant la tête.– Je sais… tout s’arrangera, me répondit-il avant de m’attirer dans ses bras pour une accolade

fraternelle.– Je… c’est vrai, j’aime Sarah, mais… Jenna, je l’ai aimée… d’une autre façon.– Elle le savait, Went, me rassura-t-il en mettant fin à son étreinte.Déglutissant, je fus uniquement capable de hocher la tête pour le remercier silencieusement.– Ta fille t’attend.171– D’accord, répondis-je d’une voix brisée par la boule d’angoisse qui restait indéfiniment au fond

de ma gorge.Après un dernier regard, je m’avançai avec lui vers la cuisine.J’esquissai un léger sourire alors que mon père me fixait, interrogateur.Voulait-il que je le rassure ? Je n’en savais rien, du moins, je n’en étais pas certain.C’est alors que la porte s’ouvrit brusquement. Je retins mon souffle, ma respiration, alors que mon

cœur se mit à battre plus rigoureusement tandis que je croisais le regard de Sarah, assise à la table dela cuisine à côté de mon enfant qui m’évitait.

– Ah, tu es là ! s’exclama ma mère en souriant. J’allais venir te chercher.– Je suis là, souris-je doucement en m’avançant dans la pièce.À son tour, Sarah baissa les yeux, évitant le regard de pardon que je lui adressais.J’avançai vers ma fille dans l’intention de m’installer sur la chaise quand elle releva la tête,

m’envoyant un regard empli de reproches.17213ESPÉRERWentIls avaient tous raison, j’en étais conscient. Sarah, mes parents, Maddy… Ils avaient raison et

j’avais tort de me laisser emporter ainsi dans la culpabilité. Je devais avancer, ne plus y penser, maisc’était là une chose difficile. J’avais pourtant essayé et j’avais vu dans le regard de Sarah cette lueur

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d’espoir qui m’avait poussé à rester dans la cuisine pour la dégustation du gâteau de ma fille. J’yétais parvenu, m’infligeant des claques mentales pour rester assis autour de la table où ma familleétait réunie.

Maddy était installée à côté de Sarah et je l’avais remercié intérieurement pour cela. Je n’étais pasencore prêt à rire à la vue de son visage tâché par le chocolat qu’elle se mettait partout en mangeant.Non, je n’étais pas encore prêt à lui sourire, à rire avec elle, mais je savais que cela ne sauraittarder.

Ce que j’espérais au plus profond de mon cœur.Mais pour le moment, j’étais parvenu à rester plus d’une heure en leur compagnie. Bien sûr, je

répondais à peine aux questions des autres, Elena ne cessant de demander comment je trouvais cegâteau. Mais je l’avais fait et j’étais persuadé de guérir de ce mal qui me rongeait de l’intérieur alorsque je voulais vraiment que tout ça n’ait jamais eu lieu.

Mon regard s’attarda discrètement sur Sarah à plusieurs reprises, mais celle-ci fit semblant que jen’existais pas…

Ce qui me faisait bien plus de mal que je ne saurais l’admettre.D’ailleurs, les images de mon comportement inacceptable envers elle n’avaient fait que venir me

hanter et j’avais attrapé le souffle court.Des gouttes de sueur venaient se mêler à mon trouble, humidifiant mon front, et ce fut à cet instant

que je m’excusai le plus simplement du monde 173pour quitter la pièce, me réfugiant un moment dans le jardin malgré la neige qui tombait.Sarah– Tu devrais aller le voir, me fit Elena en me fixant dans les yeux.Je secouai la tête. Je n’étais pas prête psychologiquement à l’affronter.Pas après ce qu’il avait fait.– Sarah ?– Il finira par rentrer, répliquai-je simplement avant de me lever de table.J’entrepris de débarrasser les assiettes sales dans le silence pesant qui s’installa autour de nous.

Pendant quelques instants, j’eus l’impression d’être la cible de tous les regards, ce qui me mit mal àl’aise.

– Arrêtez… s’il vous plaît, m’exclamai-je en me tournant vers eux.Les parents de Went baissèrent les yeux. Elena me fixa sans ciller, secouant la tête d’un air

réprobateur alors que je vis du coin de l’œil le regard de Maddy s’humidifier de larmes.Honteuse, je fis un pas en avant et me baissai vers elle avant de passer mes doigts dans ses boucles

brunes.– Excuse-moi, ma puce, je suis juste fatiguée.– Papa t’a fait du mal, balbutia-t-elle en reniflant.Ce n’était pas une question qu’elle me posait, et mon cœur se serra immédiatement, observant la

larme qui roulait sur sa joue.– Non… non, ma puce, mentis-je d’une voix douce en effaçant la larme de son visage. On est tous

un peu sur les nerfs en ce moment et ton papa est très triste aussi, tout comme toi, mon trésor, mais ças’arrangera.

– Bientôt ?Je ne pus que répondre d’un sourire contrit à la vue de ses yeux écarquillés d’impatience.– Allez, ma chérie, Sarah a raison, tout s’arrangera, renchérit Anna en s’approchant de nous.– Je vais aller lui parler, fit le père de Went en se levant de sa chaise.

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– Non ! le coupai-je dans son élan avant de garder le silence quelques secondes. Je… je vais yaller.

– D’accord, me répondit-il en hochant la tête avant de me sourire légèrement.174Je déposai alors un baiser sur le front de Maddy puis me rendis au salon afin de récupérer ma

veste et celle de Went avant de rejoindre la cuisine.– Tante Elena m’emmène chez oncle Sébastien, s’exclama Maddy lorsque j’arrivai dans la pièce.– Génial, tu l’embrasseras pour nous, lui dis-je en souriant avant de les saluer d’un geste de la

main.Je partis ensuite dans le jardin. Je fouillai d’abord du regard l’endroit où il se trouvait tout en

remontant le col de ma veste à la fraîcheur assez rude de l’extérieur.J’avançai à petits pas jusqu’au contour qui jouxtait avec la petite cabane de bois dans le fond du

jardin et me stoppai à la vue de Went, installé sur un banc. Je restai un instant immobile,incompréhensive alors qu’il ne bougeait pas non plus.

Malgré le froid et le peu de vêtements qu’il portait sur le dos, Went ne frissonnait pas, il nedonnait pas l’impression de craindre cette température négative, pensai-je avant de reprendre mesesprits.

D’un pas décidé, j’avançai alors vers lui et posai sa veste sur ses épaules tandis qu’il ne faisaitpas le moindre mouvement.

– Tu essaies d’attraper une pneumonie ?– …– Mm… très bien, pensai-je dans un murmure avant d’entreprendre de repartir sur mes pas.J’avais à peine le dos tourné que je l’entendis bouger. Une seconde plus tard, il se tenait face à

moi, plantant son regard humide dans le mien.Mon cœur se serra dans ma poitrine et malgré mes efforts pour effacer la compassion qui se

soulevait du plus profond de mon être, je baissai les yeux et remarquai sa veste échouée sur lapellicule de neige au sol.

– Sarah…Je ne le regardai pas, je ne le voulais pas.Alors, je me baissai et ramassai sa veste avant de la lui tendre, plantant à mon tour un regard

sévère dans le sien malgré la peine que j’éprouvais à le voir si triste et si désemparé.– Mets-toi ça sur le dos. Maintenant, insistai-je sans ciller.Il hocha la tête docilement puis se couvrit avant d’attraper mes poignets. Je fermai les yeux,

troublée et déstabilisée comme jamais en sa 175présence, au contact de ses doigts sur ma peau qu’il se mit à caresser de ses pouces.– Je suis…– Non !J’étais sur le point de craquer…C’était indéniable…– Ne me dis pas que tu es désolé, s’il te plaît… ne le dis pas…WentJe fronçai les sourcils, déboussolé à ces paroles qu’elle venait de balbutier d’une voix rauque où

je pouvais percevoir la colère et la tristesse qu’elle ressentait. J’aurais pu lui ouvrir mon cœur,pleurant devant elle la souffrance que j’éprouvais pour lui avoir fait du mal, mais je n’y parvins pas.

Totalement et irrévocablement ahuri, je la fixai d’un regard inexpressif alors qu’elle relevait la

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tête tout doucement jusqu’à ce que ses pupilles se soudent aux miennes.Là, et ce ne fut qu’à cet instant qu’un sanglot étouffé manqua de s’échapper de ma gorge. Alors,

pour me donner une contenance, la mettant à l’abri de ma faiblesse, je l’enlaçai, l’attirant avecsoulagement dans mes bras.

– Je ne voulais pas te faire du mal, lui dis-je en fermant les yeux, laissant un soupir de soulagements’échapper de mes lèvres alors qu’elle refermait ses bras autour de mon cou. Je ne voulais pas tefaire mal, Sarah… je ne sais pas ce qui m’a pris… je me sens…

– Chut, me coupa-t-elle d’une voix tendre, toute colère envolée, avant de me serrer plusétroitement contre elle.

Je sentais ses larmes qui coulaient dans mon cou et j’ouvris alors les paupières avant de passermes doigts sous son menton pour lui relever la tête. Une fois que son regard fut ancré au mien, unepalette d’émotions me bouleversa intérieurement et je dus attendre quelques secondes pour dire ceque j’avais envie de lui avouer.

– Sarah… j’aimerais tant que tout ça soit un mauvais rêve… ce n’est pas le cas et Maddy…– C’est ta fille, Went.– Je sais. Je l’aime, mais…176– Chut, on en a parlé… me coupa-t-elle en déglutissant péniblement.Il te faudra du temps, mais tu dois arrêter de te comporter comme si cette petite fille était la cause

de la mort de sa mère… de la femme que tu as aimée…Hébété, je la fixai une demi-seconde et secouai la tête, sentant la colère qui montait en moi.– Tu te trompes, Sarah. Je l’ai aimée, mais pas de cette façon… pas de la bonne façon, et j’aime

ma fille. Je n’ai jamais pensé un seul instant qu’elle était responsable de la mort de Jenna.– Mais toi, oui, n’est-ce pas ?Je me mis à déglutir. Je fermai les yeux pour trouver assez de courage pour lui avouer.– Je l’ai blessée, Sarah… je lui ai menti sur mes sentiments, ça l’a fait souffrir et…– Elle le savait, Went. Quand vas-tu comprendre qu'il faut que tu cesses de culpabiliser ? Je ne

pourrais pas rester si tu ne comptes pas faire un effort. Te voir faire souffrir Maddy m’est intolérableet… je ne veux pas te voir comme ça, Went…

– Je sais, répondis-je en posant la paume de ma main sur sa joue. Mes sentiments sont sincères,Sarah… je t’aimerai toujours et je veux que tu le saches.

– Went… je ne sais pas si…– Chut… Laisse-moi continuer d’espérer, il n’y a que toi qui puisses m’aider à me sortir de ça.– Je ne sais pas.– Et si on… dis-je avant de me stopper en caressant tendrement ses lèvres du bout des doigts.

Prenons notre temps, mais ne me dis pas que nous deux c’est impossible… je t’en prie, Sarah, ne medis pas ça.

Je l’attirai à nouveau contre moi avec force, comme pour la retenir.SarahJ’avais besoin de ça, de son contact pour m’aider à ôter tout souvenir des heures précédentes. Je

ne lui avais toujours pas pardonné, mais je savais que j’étais à deux doigts d’oublier ce petitincident. De toute façon, je n’avais pratiquement plus de contrôle sur mes sentiments ni même sur lesémotions, alors je me laissais aller dans ses bras, profitant de cet 177

instant, de peur de perdre peut-être ce Went que j’aimais tant. Mais le timbre de sa voix étaittremblant et je ne pouvais m’empêcher de me sentir faible face à ce désespoir que je lisais dans ses

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yeux.Je pris une grande inspiration tout en esquissant un léger sourire au moment où un flocon vint se

heurter sur le bout de son nez. Doucement, je levai une main vers son visage et l'essuyai du bout demon pouce avant de relever le regard vers le sien.

– Je ne le dirai pas alors, murmurai-je d’une voix brisée par l’émotion avant de me laisser allercontre lui tandis qu’il refermait ses bras autour de moi, me serrant étroitement comme s’il craignaitque je disparaisse comme par magie.

***

Après notre discussion dans le jardin, j’avais l’espoir en moi, denouveau. Il avait fait des efforts et, convaincue par ce changement, j’acceptai peu à peu ce

sentiment de pardon. J’étais prête à lui pardonner ce petit dérapage. Mais aujourd’hui, un étrangepressentiment m’avait soulevé l’estomac.

Le jour de notre départ était arrivé et Maddy avait retrouvé quelque peu le sourire et la joie devivre. Il ne fallait pas être aveugle pour comprendre les raisons de ce renversement soudain. Wentl’avait lui-même réveillée tôt ce matin afin de préparer nos bagages et lorsqu’elle était venue dansma chambre pour me sortir du lit, un large sourire inondait son petit visage d’ange.

Pendant l’heure qui suivit notre réveil, tout s’était passé pour le mieux, sans accros entre le père etla fille. Toute la famille avait apprécié la situation. Nous savions tous qu’il lui était encore difficilede fixer sa fille dans les yeux sans ressentir de la culpabilité, mais il faisait des efforts, ce qui nouslaissait croire à une situation moins pesante.

– Bon, je vais préparer mes affaires, lançai-je en leur souriant.– Tu veux que je t’aide ?Je ne m’attendais pas à ce que Went me propose son aide et ceci amplifia derechef ce

pressentiment.– Euh… non merci, ça ira… lui répondis-je en plaquant un semblant de sourire sur mes lèvres.– Je…178Je fronçai les sourcils, surprise qu’il se levât de sa chaise avant de s’approcher de moi.– Il faut que je te parle, me dit-il dans un murmure en plantant ses yeux dans les miens.Je lançai un regard discret vers les parents de Wentworth qui baissèrent la tête.Étrange…– D’accord.Il me remercia d’un signe de tête puis je me détournai, troublée par l’expression de son regard. Je

quittai alors la cuisine et montai à l’étage.Went me suivit silencieusement et, malgré l’appréhension qui régnait en moi, je sentais

l’impatience me gagner.– De quoi veux-tu me parler ? lui demandai-je une fois sur le palier.– Allons dans ta chambre, me répondit-il simplement.Suspicieuse, j’ancrai mon regard dans le sien, l’instant d’une brève seconde, et acquiesçai d’un

signe de tête avant de me diriger vers la chambre.Une fois dans la pièce, j’entendis qu’il refermait la porte derrière moi et je sentis le trouble me

balayer de toute part.Discrètement, je frottai mes mains moites et m’efforçai de contrôler au mieux l’émotion qui me

gagnait… irrémédiablement.

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– Assieds-toi, s’il te plaît, murmura-t-il d’une voix rauque dans mon dos.Je hochai la tête, incapable d’émettre un son, et obtempérai. Nos regards se croisèrent alors et je

fus incapable de garder le contact visuel.Baissant la tête, je fermai les paupières.L’attente était insoutenable.– Qu’est-ce qui se passe ? lui demandai-je alors après une longue minute de silence.Sa réponse fut un long soupir puis il vint s’accroupir face à moi, posant ses mains d’un geste

hésitant sur mes genoux.– Sarah… j’ai essayé avec Maddy.Je fronçai les sourcils, le fixant d’un air perdu.– Tu réussis, Went…– Non… j’y arrive, mais c’est parce que vous êtes tous là… quand on sera rentrés, je vais me

retrouver seul avec elle et je ne suis pas certain d’être capable de veiller sur elle.179– Il te faudra du temps, mais tu y arriveras, répétai-je, convaincue. Tu aimes ta fille et tu ne veux

que son bien, je suis sûre qu’il…– C’est justement pour son bien que je m’inquiète et…– Went ? insistai-je pour qu’il continue.Il baissa le regard, contrarié.– Went ? Dis-moi ce que tu veux ?Il se leva, fit quelques pas pour revenir à sa place, me faisant face.– Tu ne lui feras aucun mal…– Je ne ferais rien de bien, Sarah… je ne suis pas encore prêt… j’ai peur que par ma faute Maddy

souffre plus qu’elle ne souffre déjà…écoute, murmura-t-il après quelques secondes de silence. J’aime ma fille plus que tout et si je te

demande ça, c’est parce que je ne veux que son bien…– Me demander quoi ? m’écriai-je, impatiente.Inquiète par son silence et son geste de recul, je m’avançai vers lui et l’obligeai à me regarder,

posant mes doigts sous son menton. Une fois que j’eus obtenu un minimum d’attention, un sentimentd’impuissance s’abattit en moi tandis que le désir de poser mes lèvres sur les siennes se fit plus fort.

– Sarah… murmura-t-il d’une voix rauque en prenant mon visage en coupe dans ses mains. Je…reste avec moi, avec Maddy…

– Je…– Je sais que tu en as déjà beaucoup fait, mais… je n’ai que toi… je n’ai confiance qu’en toi.Bouleversée, je restai là, immobile alors qu’il caressait tendrement ma joue.Puis, reprenant mes esprits, je fis un pas en arrière, rompant immédiatement le contact.– Tu… tu n’es pas sérieux ?– Si… je le suis… viens t’installer chez moi.– Mais enfin, Went… je ne peux pas ! m’écriai-je en secouant la tête, déboussolée par cette

demande.– Je ne te le demanderais pas si j’étais capable de m’occuper d’elle, Sarah… mais… c’est

l’affaire de quelques jours… je t’ai promis de faire de mon mieux, mais c’est trop tôt là.– Quelques jours ? murmurai-je en levant les yeux.180J’atteignis rapidement son regard, bouleversant et craignant que je refuse sa demande. Je pris alors

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quelques secondes de réflexion tandis qu’il m’assura d’une voix rauque.– Juste quelques jours…– OK… d’accord pour quelques jours, acceptai-je en déglutissant péniblement.Il poussa un long soupir puis m’étreignit contre lui pendant quelques secondes avant d’apposer son

front contre le mien. Troublée, je fus incapable de le repousser, de renier l’envie irrésistible dem’abandonner totalement.

Pendant un long instant, nous restâmes là, dans les bras l’un de l’autre, incapables de prononcer lemoindre son, le moindre mot. Seuls nos souffles courts signifièrent notre trouble commun. Soudain, ildéplaça sa main droite de mon épaule et la remonta vers ma joue qu’il engloba parfaitement dans sapaume. Je fermai les paupières, refusant de lire le désir dansant dans ses yeux.

– Sarah…Je rouvris les yeux, comprenant qu’il était sur le point de m’embrasser.Cela ne pouvait pas se passer ainsi, pas comme ça… malgré la véracité des sentiments que

j’éprouvais pour lui.– Went… murmurai-je alors qu’il plaçait la paume de sa main sur ma nuque. Non… je suis

d’accord pour t’aider pour Maddy… quelques jours, mais…– Je t’aime Sarah, me coupa-t-il en ancrant son regard dans le mien.Je me mis à déglutir, peinée d’entendre ces mots alors qu’une partie de moi bondirait de joie si les

choses avaient été différentes.– Went… s’il te plaît…– D’accord, souffla-t-il en soupirant de lassitude.Il s’éloigna de moi de quelques pas, ne voulant sans doute pas me brusquer comme l’autre fois.– J’aimerais que les choses soient claires… si tu veux que je vienne m’installer chez toi pour

Maddy, je le ferai, mais…. Nous sommes amis, Went… rien…– Nous sommes bien plus que ça, et tu le sais !– Pas de ça, s’il te plaît…– Excuse-moi… murmura-t-il en s’approchant de nouveau.– D’accord… je ne ferai rien qui puisse te mettre mal à l’aise.181– Promis ? demandai-je en esquissant un faible sourire.– Promis, répondit-il en souriant avant de poser ses mains contre mes épaules et de m’attirer dans

ses bras. On peut encore se prendre dans les bras ? N’est-ce pas ?– Bien sûr, lançai-je en fermant les yeux, savourant le contact de nos corps pressés l’un contre

l’autre tout en étouffant la petite voix intérieure qui me signifiait que je venais de me mettre dans unesituation des plus difficiles.

18214LE RETOURSarahLes heures de vol avaient été un pur calvaire. Went n’avait pas desserré les dents une seule fois et

je soupçonnais que Maddy n’allait pas tarder à être malade. Heureusement, elle avait tenu bon, ce nefut qu’une fois que l’avion eut atterri que la petite fille avait vomi son déjeuner.

Nous étions arrivés chez lui.Rosa nous accueillit sur le pas de la porte et comprit très vite à la vue du visage fermé de Went

que quelque chose n’allait pas. La gouvernante eut la délicatesse de ne pas poser de question, mais je

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remarquai ses regards interrogateurs.– Went m’a demandé de rester quelque temps, soufflai-je tandis qu’il s’éloignait vers la cuisine.– Oui, je sais… il m’a passé un coup de fil, me répondit-elle après s’être assurée qu’il n’était plus

dans la pièce. Comment ça va ?– Je ne sais pas, Rosa, répondis-je d’une voix lassée avant de regarder Maddy qui esquissait un

pauvre sourire. Oh, ma puce, tu vas prendre un bain et tu iras te reposer ensuite.La petite fille hocha simplement la tête alors que je passais le dos de ma main contre son front.

Fronçant les sourcils, je tournai la tête vers Rosa et lui demandai si elle pouvait me préparer unmédicament contre la fièvre.

– J’arrive tout de suite, me dit-elle en passant une main affectueuse sur le visage de l’enfant. Tupourras voir Châtaigne ensuite, tu lui as beaucoup manqué !

L’enfant acquiesça, épuisée.– Merci.Une fois Rosa partie vers la cuisine, je pris Maddy dans les bras et déposai un baiser sur son front.183– Tu as mal quelque part, ma chérie ?– Non… je suis fatiguée, m’informa-t-elle en nichant son visage dans mon cou.– Je sais, trésor, on va aller prendre un médicament et on file prendre ton bain.D’un pas décidé, j’entrai dans la cuisine, Maddy dans les bras, ma présence interrompit la

discussion entre Went et Rosa.– Tenez, Sarah.Je la remerciai d’un signe de tête et pris le verre dans la main avant de le faire boire à Maddy que

j’installai sur le plan de travail.À cet instant, je croisai le regard de Went, anxieux.– Elle est fatiguée, lui dis-je pour le rassurer.Il ne me répondit pas, continuant de fixer le visage de sa fille d’un regard paniqué.– Je vais préparer son bain.– Merci, Rosa, lui dis-je en esquissant un sourire avant de regarder Maddy. Tu as faim, ma puce ?– Nan… me dit-elle en secouant la tête.– Très bien.Je pris son verre terminé et le posai sur le plan de travail de la cuisine où je vis que Went avait

terminé une bière. Je lui lançai un regard peu agréable et repris Maddy dans les bras avant de sortirde la pièce.

– Voilà, ma princesse, ton bain est prêt, lança Rosa une fois que nous entrâmes dans la salle debain.

– Merci… allez, ma puce, on va enlever tes vêtements.– Je vais monter votre valise dans votre chambre.– Non, pas la peine, je le ferai.– Mais je…– Je le ferai plus tard, après avoir couché Maddy. Merci, Rosa, lui dis-je en lui souriant.Elle me regarda pendant quelques secondes puis me sourit avant d’ouvrir la porte.– Je vais continuer de préparer le repas.– D’accord.Quelques minutes plus tard, après avoir fait prendre le bain de Maddy qui fit baisser la fièvre,

j’entrai dans sa chambre et esquissai un large 184

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sourire, remarquant qu’elle n’avait pas attendu d’être dans son lit pour s’endormir.Délicatement, je la déposai sur son matelas et la couvris doucement pour ne pas la réveiller. Je

m’assurais ensuite qu’elle n’était plus chaude et plaquai un doux baiser sur son front avantd’entreprendre de quitter la pièce.

– Oh ! soufflai-je en stoppant net lorsque mon regard tomba sur Went, nonchalamment appuyécontre le chambranle de la porte.

– Elle va bien ? me demanda-t-il d’une voix hésitante.– Elle est épuisée, mais je préfère surveiller la fièvre…– D’accord, me coupa-t-il en se reculant pour me laisser passer. Euh…j’ai monté tes affaires…– Merci, mais je l’aurais fait…– Rosa m’a demandé de te montrer la chambre qu’elle t’a préparée.Je hochai la tête, déglutissant péniblement à son regard imperturbable.– OK, murmurai-je en le suivant.– Ta chambre est juste à côté de celle de Maddy.– Mm...– Merci, Sarah, me dit-il d’une voix rauque au moment où j’allais pénétrer dans ma nouvelle

chambre.WentElle se stoppa immédiatement comme si elle était figée par l’effroi.Aussitôt, la culpabilité m’envahit, comprenant qu’elle n’allait pas pardonner les erreurs que

j’avais commises.Troublé au plus profond de mon âme de lui faire ressentir de l’appréhension, d’un geste hésitant, je

posai ma main sur son bras.Pendant quelques secondes où elle autorisa ce bref contact, je ressentis de nouveau ce flot

d’émotions indomptables envahir chaque parcelle de mon corps douloureux.– Sarah…– Tu n’as pas besoin de me remercier, je te l’ai déjà dit…– D’accord… c’est une petite chambre, mais je pense qu’elle te plaira, lui dis-je alors que nous

pénétrâmes dans la pièce.185Elle s’avança vers le lit où je venais de déposer sa valise et fouilla la pièce du regard quelques

instants avant de se tourner vers moi, un faible sourire sur les lèvres.– C’est parfait.Je lui souris en retour et m’approchai d’un pas malgré les traits inquiets de son visage.– Sarah… je…– Non, je ne veux pas en parler.– Tu ne sais pas de quoi il s’agit, Sarah, répliquai-je en plissant les yeux.– Peut-être, mais je n’ai pas envie de parler de quoi que ce soit… s’il te plaît.– D’accord, consentis-je à murmurer. Tu es fatiguée ?– Non… ça va. Je dois téléphoner à Dom pour le prévenir de notre retour.– OK, Paul nous attend seulement dans une semaine.– Je sais, mais il était inquiet pour toi.J’évitai son regard insistant puis esquissai un large sourire.– Je suis vraiment nul, hein ? soufflai-je avant de m’installer sur le bord du lit.

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Elle plissa le front et, silencieuse, elle vint s’installer à mon côté.– Je ne dirais pas que tu es nul… stupide, oui, mais pas… nul, balbutia-t-elle, confrontée à mon

regard profond.– Stupide ?Elle lâcha un faible rire tout en acquiesçant d’un hochement de tête.Stupide ?Oui, elle devait avoir raison.– Je suis d’accord, mais je me suis comporté comme un nul avec toi et je le…– Went ! me coupa-t-elle, ne voulant décidément pas aborder ce sujet.– OK… je te laisse t’installer quelques minutes et je t’emmène dîner ?– Non, Rosa a préparé à manger.– Comme tu voudras.– On peut manger ensemble, mais si….– Je ne parlerai pas de mon comportement minable, OK, répondis-je en ancrant mon regard au

sien.186– Merci.Je lui souris tendrement et me levai du lit pour quitter la pièce, avant que je ne fasse à nouveau une

erreur qu’elle ne pourrait peut-être pas me pardonner, cette fois.SarahJ’étais encore à moitié endormie lorsque j’ouvris les paupières lentement. Il me fallut un long

moment pour comprendre ce qu’il s’était passé, pour que je me retrouve dans cette chambre. Mais,après quelques minutes de concentration, tout me revint.

La veille, la toux grasse de Maddy m’avait réveillée. Exténuée, j’avais passé la nuit à son chevet,m’évertuant de faire baisser sa fièvre.

Au petit matin, j’avais conseillé à Went d’appeler rapidement le médecin. Celui-ci avaitdiagnostiqué une grippe. Les heures qui avaient suivi, j’étais restée auprès d’elle, surveillant safièvre, lui donnant ses médicaments et ses repas que Went m’apportait.

Nous ne parlions que trop peu. Mais je lisais l’inquiétude dans le fond de ses yeux et le rassuraistant bien que mal.

Puis, j’étais assez confiante pour le laisser un peu avec elle, le temps que j’aille me doucher et mereposer un peu.

Après ses événements, c’était le trou noir. Je me revoyais monter à l’étage et m’effondrer sur monlit avant de m’endormir dans la seconde même. Légèrement confuse, je plissai les yeux et tentai ànouveau de me concentrer pour retrouver le fil manquant de mes souvenirs qui m’apparurentbrièvement en flashs.

Went me hurlant dessus pour que j’ouvre les yeux.Went me soulevant dans ses bras, me déshabillant.Went habillé et moi nue, dans la douche.Went m’embrassant de manière désespérée.– Calme-toi…Tout me revint alors.Cette voix douce et tendre à la fois.Je tournai la tête délicatement sur le côté et le vis, là, installé sur le bord du lit tandis qu’il me

caressait la joue du revers de la main.

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– Reste bien allongée, Sarah.– Qu’est-ce… que je fais là ?187Il me sourit doucement puis ancra son regard au mien.– Tu as eu beaucoup de fièvre. Le traitement commence seulement à faire son effet.– Quoi ? Le traitement ?Il hocha la tête et je pris conscience à cet instant qu’il faisait nuit dehors.– Depuis quand je suis là ?– Trois jours… tu ne te souviens de rien ?Je secouai la tête, décontenancée par cette révélation.– Trois jours ?– Tu as beaucoup dormi, Sarah. La fièvre t’a fait délirer.– Et Maddy ?– Elle va beaucoup mieux, ne t’inquiète pas pour elle.Trois jours… bon sang.Déroutée, je passai les mains sur mon visage et inspirai profondément, longuement, avant de

grimacer.– Qu’est-ce que tu veux dire par là ? J’ai beaucoup déliré ?– Mm… tu avais beaucoup de fièvre. Tu m’as fait peur.Je plantai alors mon regard dans le sien, consciente qu’il avait été inquiet pour mon état.– Je vais mieux ? lui demandai-je avant de baisser les yeux. Tu m’as déshabillée ?!Ma question le fit rire tandis que mon visage vira au rouge cramoisi.– J’n’en ai pas profité, je te rassure. C’est Rosa qui t’a enfilé cette nuisette.– Oh… très bien, euh…– Tu veux que je t’apporte quelque chose ? Tu dois avoir faim.– Quelle heure est-il ?– Un peu plus de deux heures du matin.Si j’avais faim ?Peut-être bien, j’avais la désagréable impression d’avoir été vidée de l’intérieur.– Je ne sais pas.– Tu n’as rien avalé depuis des heures. Je vais te chercher de la soupe que Rosa a préparée hier

soir, ça te fera du bien, me dit-il avant de se lever.188– Went ?– Mm ?– Merci d’avoir pris soin de moi.Il esquissa un sourire puis quitta la pièce, me laissant là, le cerveau en bouillie.WentQuelques minutes plus tard, je remontai à l’étage avec un plateau contenant un bol de soupe,

quelques tartines beurrées et un verre d’eau.– Sarah ?Surpris de trouver le lit vide, je posai le plateau et sortis rapidement de la chambre.– Sarah ?Je la retrouvai dans sa chambre. Elle était installée sur le bord du lit et je constatai qu’elle n’avait

pas l’air très bien. J’arrivai juste à temps pour la retenir avant qu’elle ne tombe en avant.

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– Qu’est-ce que tu fabriques, bon sang ! ? fulminai-je en la soulevant dans mes bras.– Went…– Chut, reste tranquille. Mon lit est plus confortable.Elle n’insista pas et blottit son visage dans mon cou. Je déglutis difficilement tant son contact me

troubla.Rapidement, j’arrivai dans ma chambre, l’allongeai avec douceur sur le lit et la recouvris.– Tu n’aurais pas dû te lever, murmurai-je en balayant ses mèches de cheveux sur son visage.– Je sais… Je me sens si faible…– Tu vas manger un peu pour reprendre des forces.Elle hocha la tête doucement tandis que je posai le plateau sur ses jambes.– Merci… tu as l’air aussi fatigué que moi.– Ce n’est rien, la rassurai-je en esquissant un léger sourire.– Tu n’as pas dormi, c’est ça ?– Il fallait bien que quelqu’un veille sur toi… répondis-je en la contemplant un instant. Mange !189– D’accord, mais… tu devrais essayer de dormir, je vais mieux maintenant.– Une fois que tu auras mangé, Sarah.– Tu as peur que je vide cette soupe au fond du lit ?Je ris légèrement à sa question, ravi d’apercevoir son sourire aux coins de ses lèvres.– Non… ce serait un crime. Cette soupe est délicieuse, murmurai-je en prenant la cuillère sur le

plateau.Je sentais qu’elle m’observait, étonnée, alors que je pris un peu de soupe avant de lever les yeux

vers les siens.– Qu’est-ce que… tu fais ?– Ouvre la bouche.– Je sais le…– Sarah ! la coupai-je sans ciller.Remarquant la pointe d’autorité dans ma voix, elle hésita un instant puis soupira de résignation

avant d’ouvrir la bouche.– Bien… alors ?– C’est vrai… elle est divine.– Je te l’avais dit.Alors qu’elle tendit la main pour prendre la cuillère, je secouai la tête et l’en empêchai.– Reste tranquille.– Non, je ne saurai pas avaler quoi que ce soit de plus.– Tu es sûre ?Elle acquiesça d’un hochement de la tête et posa sa main sur son estomac douloureux.– D’accord, tiens… bois un peu d’eau avec ce comprimé.Docile, elle avala son médicament. Nous restâmes ensuite silencieux quelques minutes puis je me

levai du lit et la débarrassai du plateau que je posai sur la commode au fond de la pièce.– Tu n’as plus besoin de moi ?– Non, merci… je crois que je vais dormir un peu… tu devrais faire pareil, tu as une tête à faire

peur.Troublé par sa remarque et conscient qu’elle s’amusait de mon air hébété, je pris une grande

inspiration avant de me pencher vers elle, 190

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plaçant mes mains de chaque côté de son visage. Nos regards plongèrent automatiquement l’undans l’autre.

– Je te retournerais bien le compliment, mais… même avec ce teint blafard, tu es magnifique,murmurai-je d’une voix rauque.

– Went… balbutia-t-elle, troublée.– Je sais… dors maintenant, lui dis-je en approchant mes lèvres de son front.Je lui donnai un doux baiser puis, dans l’intention de me redresser et de partir de cette chambre –

la tentation grandissant au fil des secondes qui défilaient. Néanmoins, elle me retint par le bras.– Reste…Surpris, je la regardai tandis qu’elle se mordait la lèvre. Puis, nos regards se soudèrent l’un à

l’autre. Une palette d’émotions étincela dans ses pupilles chocolat.– Je peux…– Reste avec moi, s’il te plaît, me coupa-t-elle en m’attirant vers elle afin que je m’allonge sur le

lit.J’esquissai un sourire, heureux intérieurement de croire en l’espoir de nous retrouver. Je

m’allongeai alors près d’elle et plaçai mon bras derrière sa tête, l’invitant à se blottir contre moi.Elle hésita quelques secondes puis, vint se coller contre mon corps en soupirant d’aise.Je fermai les paupières, savourant le contact de son corps que je serrai contre le mien avant de

m’endormir, le cœur léger pour la première fois depuis bien longtemps.19115CACHE-CACHEWentLa semaine qui venait de passer s’était déroulée à grande vitesse malgré la maladie de Maddy et

de Sarah. Elles allaient beaucoup mieux et il était temps que nous reprenions le tournage.Aujourd’hui serait une journée des plus difficiles à surmonter. Je sentais déjà le mal-être

m’envahir à l’idée d’être le centre d’attention de tout le monde. Je savais pourtant que mes amisresteraient discrets pour ne pas me montrer leur compassion, mais il y aura toujours ces regards surmoi et je ne savais pas si j’aurais assez de courage pour les affronter.

Sarah me rassurait… encore et toujours, alors que je ne méritais en aucune façon toutes lesattentions qu’elle me portait.

Dans une demi-heure, nous devrons conduire Maddy à son école. Elle était déjà prête. J’avaismême l’impression qu’elle était impatiente de reprendre sa vie en main, elle, ma fille du haut de sesquatre ans, qui venait de perdre l’unique personne qui avait toujours veillé sur elle.

Perdu dans mes pensées, je n’entendis pas les appels de Sarah. Ce fut Rosa qui m’en sortit enbalançant sa main devant mon visage.

– Ça va ? me demande-t-elle, l’air inquiet.– Oh… oui, ça va, Rosa.– Sarah a besoin de toi à l’étage.Je hochai la tête et m’éclipsai rapidement, me rendant à la salle de bain où, je l’entendis jurer à

voix basse. J’esquissai un léger sourire et m’adossai contre le chambranle de la porte. Elle était bientrop occupée à fouiller dans les tiroirs pour m’apercevoir ; je profitai de la vue qu’elle m’offrait.Visiblement, elle n’était pas encore prête. Seule, une serviette cachait ses formes délicieuses.

– Tu peux m’aider ?– Hein ?

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192Je la vis rouler des yeux. Elle eut l’air excédé.– Qu’est-ce que tu cherches ?– Maddy voudrait que je lui fasse des nattes, mais je ne trouve pas les élastiques ! m’informa-t-

elle, énervée.– Que veux-tu que je fasse ? demandai-je en haussant les épaules.Elle écarquilla les yeux. Je désirai à cet instant m’immiscer dans son esprit pour entendre ses

pensées, mais elle claqua le tiroir d’un geste brusque avant de me faire face.– Tu te fiches de moi ?– Non.– Alors, cesse de me reluquer et aide-moi à mettre la main sur ces fichus élastiques !– Très bien, répondis-je calmement avant de m’avancer vers la commode près du lavabo. Mais

pour ton information, je ne te reluquais pas. Je t’observais simplement.Elle ouvrit les lèvres, prête à répliquer, mais n’en fit rien. Furieuse, elle me foudroya d’un regard

mauvais puis j’entrepris de l’aider avant que la situation ne dégénère à nouveau.– Désolé si je t’ai froissé.Elle se tourna vers moi brusquement et me fit face.– Dépêche-toi un peu de chercher, je ne suis pas encore prête, moi !– Qu’est-ce que tu attends alors ? Tu peux très bien te changer pendant que je cherche.– Tu fais dans la comédie aujourd’hui ou je me trompe ?– Comment ça ? demandai-je en fronçant les sourcils.– Tu crois que je vais m’habiller devant toi, c’est ça ?– Ce n’est pas comme si je n’avais jamais vu ce qu’il y avait en dessus de ça…Elle parut déstabilisée, furieuse au contact de mon doigt qui caressait doucement la serviette

éponge qu’elle portait, juste à l’endroit où l’on pouvait apercevoir la naissance de ses seins. Toutproche, je sentis son souffle court.

– Sarah…Elle dût comprendre la lueur du désir dans mes yeux auxquels elle s’accrochait, criant

silencieusement de cesser ce petit jeu dangereux. Elle 193me fixait, l’air perdu, mais je savais qu’elle éprouvait le même désir que moi.L’éclat dans ses pupilles noisette ne mentait pas, ni les ombres rougeâtres qui naissaient sur ses

joues. Lentement, je remontai mes doigts vers sa gorge que je caressai avec dévotion. Elle eut du malà déglutir. Je compris, car je ressentais la même chose…

J’aimerais pouvoir reprendre où l’on en était tous les deux avant la mort de Jenna.Mes sentiments n’avaient pas changé, ils s'étaient consolidés.– Qu’est-ce que tu fais ? me demanda-t-elle d’une voix hésitante sans me repousser.Je relevai mon regard, atteignant le sien, brillant d’émotion.– Je suis prêt à reprendre ma vie en main, Sarah, mais… pas seul…pas sans toi…– Went… arrête, me coupa-t-elle en retirant mes doigts d’un geste vif.Je ne peux pas… pas maintenant.– Sarah, murmurai-je en l’attirant contre moi, bloquant son dos contre le mur.– Arrête… s’il te plaît, couina-t-elle.– Je t’aime Sarah… je n’ai jamais cessé de t’aimer.Elle ferma les yeux, refusant de lire l’amour sincère que j’éprouvais pour elle.

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– Sarah, insistai-je de nouveau en posant mes lèvres dans son cou.SarahJ’avais de plus en plus de mal à respirer. Mon cœur s’emballa comme jamais au contact de sa

bouche sur ma peau. J’eus l’impression que mon thorax allait exploser contre son torse où je sentaisles battements de son cœur se précipiter.

Il fallait que je l’arrête.Mon cerveau et mon corps s’affrontèrent.La raison et l’envie.Je fermai les paupières et murmurai :– Went…– J’ai envie de toi, Sarah… murmura-t-il contre mon oreille avant de continuer ses baisers.194Ce n’était pas l’envie qui me manquait de me laisser aller à lui, dans ses bras, à ses baisers si

délicats, mais je ne pouvais pas. Les larmes aux yeux, j’arrivai enfin à puiser assez de force pour lerepousser.

À bout de bras, il me lança un regard empli de déception.– On va être en retard, Went.Il me fixa pendant une longue minute puis tendit la main vers mon visage. Je le suppliai du regard

d’arrêter, mais il enveloppa ma joue délicatement dans sa paume avant de caresser mes lèvres de sonpouce.

– Peux-tu me dire si un jour tu me pardonneras ?J’ouvris la bouche, prête à lui répondre, mais je n’y parvins pas.Culpabilisant à cette lueur de douleur dans son regard, je hochai la tête.– Je vais me préparer dans ma chambre, soufflai-je avant de disparaître de la pièce.WentJe fermai les yeux, abasourdi par cette douleur si forte qui comprima tout mon être. Je tournai

ensuite la tête vers la porte et restai là, immobile et silencieux, lorsque ma fille vint se planter devantmoi.

– Sarah a trouvé ?– Euh… non. Tu les as vus où pour la dernière fois ?– Je ne sais pas, moi, me dit-elle en haussant les épaules.J’esquissai un faible sourire puis lâchai un long soupir avant de m’accroupir sur le sol pour être à

sa hauteur.– Pourquoi ne laisserais-tu pas tes si beaux cheveux détachés aujourd’hui ?– Ben parce que je vais faire sport avec madame Louis et elle a dit qu’il fallait faire des nattes aux

filles pour ne pas être embêté.– OK, répondis-je en passant une main sur mon visage pour m’éclaircir les idées. Eh bien… on

peut peut-être aller voir dans la cuisine, tu les as peut-être laissés traîner là-bas… Des élastiques, çane peut pas disparaître comme ça !

– Ah ben si… maman devait toujours en racheter à chaque fois, tu sais.Je déglutis péniblement et évitai son regard. Elle venait de dire ça de son petit air innocent.– C’n’est pas grave, papa, me dit-elle quelques secondes plus tard en 195posant sa main sur ma joue. Je demanderai à Rosa qu’elle en prenne au magasin. D’accord ?Je la regardai, les larmes aux yeux, et acquiesçai d’un hochement de tête, la gorge trop serrée par

l’émotion pour émettre un son.

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– Je t’aime papa… me dit-elle avant de refermer ses bras autour de mon cou.– Oh, ma chérie, murmurai-je en soupirant de soulagement avant de la serrer contre moi. Je t’aime

aussi ma petite fille… je t’aime tellement…SarahJ’essuyai rageusement les larmes qui coulaient le long de mes joues. Je venais de trouver les

élastiques dans ma chambre et je revenais dans la salle de bain pour prévenir Went lorsquej’entendis Maddy lui parler de sa mère.

Émue, je patientai encore un instant puis avançai d’un pas, me montrant à Went qui esquissa unsourire.

– Je… j’ai retrouvé tes élastiques, Maddy.– Oh merci, Sarah ! s’exclama-t-elle avant de se détacher de son père

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pour les prendre. Tu me fais mes tresses ?– Oui, bien sûr… rejoins-moi dans ma chambre, j’arrive.Elle hocha la tête avant de quitter la salle de bain en sautillant. Je souris, heureuse de la voir ainsi.– Sarah…Je le coupai d’un geste de la main avant de m’approcher de lui. Il se redressa, plantant un regard

ému dans le mien.– Je… oui… j’espère aussi qu’un jour on pourra reprendre nos vies en main.Je ne m’attendais pas à une réponse de sa part, mais il réagit aussitôt.Lentement, hésitant, il leva sa main et la posa contre ma joue. Là, nous restâmes tous les deux à

nous observer puis il fit un pas en avant, se rapprochant un peu plus.– Merci, balbutia-t-il d’une voix émue avant de relever mon visage précédemment baissé, bien

trop bouleversée par l’intensité profonde de son regard océan.Un sourire étira lentement ses lèvres tandis que je hochai la tête. La seconde d’après, je fus

prisonnière de ses bras.196– Tu me manques tellement, Sarah… murmura-t-il en glissant ses lèvres contre ma tempe.– Toi aussi, Went, répondis-je d’une voix rauque, trop émue par ce qui nous arrivait.Je fermai les yeux et savourai quelques minutes notre étreinte puis la réalité nous rattrapa

lorsqu’un bruit de pas nous parvint. Rapidement, nous nous détachâmes à contrecœur puis nous noussourîmes amoureusement, un peu gênés par la situation lorsque Maddy entra dans la salle de bain.

– Tu viens pas, Sarah ?– Oh si, mon trésor… On va vite se dépêcher, car on va tous être en retard si ça continue.– Je vais finir de ranger ici, lança Went en m’adressant un large sourire.Je le lui rendis puis soulevai Maddy dans mes bras. Elle se mit à rire alors que je l’emmenai dans

ma chambre pour m’occuper de ses cheveux.WentJe ne m’étais pas attendu à cet accueil sur le tournage ni à la facilité que j’avais à me mettre au

travail. Les autres s’étaient montrés délicats et j’en étais reconnaissant.Cela faisait une bonne semaine que nous avions repris le travail, Sarah et moi, et chaque matin,

nous prenions le temps d’accompagner Maddy à l’école avant de nous rendre sur le site.Il nous restait six épisodes à tourner et le reste de l’équipe était très enthousiaste. Bien sûr, nous

savions tous comment la série allait se terminer et nous ressentions un petit pincement au cœur.D’ailleurs, je remarquais que Sarah refusait de donner son point de vue sur le déroulement imminentde nos personnages, mais j’étais persuadé qu’elle aurait voulu, tout comme moi, une fin heureusepour JAMI.

Tout allait donc mieux, sauf pour notre relation compliquée qui n’avait pas évolué au fil de cesdernières semaines.

La veille au soir alors que nous étions sur le point de regagner nos chambres, Sarah m’avait avouéqu’il était temps pour elle de repartir. Mon cœur s’était brusquement serré douloureusement. Je nevoulais pas qu’elle me quitte, qu’elle parte de cette maison où elle avait remis un peu de joie, 197

comme dans les yeux de ma fille, dans les miens… non, je ne pouvais pas la laisser partir.Alors, j’avais gardé mon sang-froid, ne voulant pas lui montrer la colère qui m’avait enveloppé

soudainement. Je lui avais proposé d’en reparler le lendemain et je me doutais qu’elle n’allait pastarder à ouvrir ce sujet de conversation que j’aurais voulu éviter pourtant.

Je venais de boucler une scène et avais rejoint Dominic sous la tonnelle qui nous permettait de

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prendre nos repas. Nous étions à une table, face à face, et je savais qu’il m’observaitsilencieusement.

– Tu vas me dire enfin ce qu'il se passe ? me demanda-t-il après quelques minutes de silence.– Oh, rien du tout…– Went… tu sais que c’est faux. Je te connais. Dis-moi ?– C’est juste… murmurai-je avant de m’interrompre pour inspirer profondément avant de

continuer… C’est Sarah… elle voudrait repartir vivre dans son appartement.– Oh, je vois…, murmura Dominic en m’observant les yeux plissés.– Elle t’en a parlé ?– Non… enfin, elle m’a laissé entendre que tu te débrouillais très bien avec Maddy et…– C’est faux… j’ai besoin d’elle, Dom, le coupai-je en secouant la tête avant de baisser les yeux

vers ma tasse de café que je remuais sans m’en rendre compte.– Alors, dis-le-lui.– Elle le sait très bien…Un long silence s’installa entre nous puis j’aperçus Jason. Rapidement, je jetai un regard à

l’adresse de mon ami qui comprit que la conversation était terminée.– Maintenant, ça fait plus d’un mois et il est temps que tu passes à autre chose, Went, murmura-t-il

avant que Jason nous rejoigne à la table.Je lui lançai un regard de remerciement puis soupirai longuement avant de froncer les sourcils en

voyant mon agent approcher.Alors, une idée me vint et, d’un geste vif, je me levai et m’excusai auprès de Dom et de Jason que

je coupai aussitôt.– Pam ! m’écriai-je en courant dans sa direction.– Hé, salut toi. Comment tu vas ?– Bien… il faut que je te parle, Pam, lui dis-je en esquissant un léger 198sourire, satisfait de l’idée que je venais d’avoir pour retenir encore Sarah quelque temps à la

maison.SarahSurprise de voir Went qui accompagnait Pam jusqu’aux loges, je les suivis du regard, ne me

rendant pas compte du sourire moqueur d’Emma qui m’observait.– Tu lui as dit ?– De quoi tu parles ? demandai-je en ancrant mon regard au sien.– De ton départ, pardi.– Oh, oui. Hier soir.– Et ? insista-t-elle en souriant.– Et rien… il était fatigué et nous devons en parler aujourd’hui.– Je vois…– Je te jure que je lui ai dit ! répétai-je d’une voix sincère.– Je te crois, mais tu es sûre que c’est ce que tu veux ?Je plissai les sourcils, consciente que cette question restait en suspens au plus profond de moi.– Je le dois, Emma… Je ne peux décemment pas rester toute ma vie avec eux et Went a fait des

progrès avec Maddy… je n’apporte rien de plus.– Mm… peut-être, mais tu l’aimes et il t’aime, Sarah.– Rien à voir, murmurai-je en secouant la tête, refusant de m’engager dans cette conversation.

Maddy va beaucoup mieux. Elle arrive à parler de sa mère sans pleurer et elle sourit. Elle s’amuse et

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elle adore l’école.– Et concernant tes inquiétudes pour la boisson ?Je fermai les yeux une brève seconde, consciente que ce problème était encore présent. Je m’étais

confiée à mon amie plus tôt dans la semaine, et elle avait paru surprise par ma grande inquiétude.– Je ne sais pas… il ne boit qu’un verre ou deux… je l’entends descendre lorsque la petite dort…

il pense que je dors aussi, mais…– Ho, Sarah… tu devrais lui parler.– J’ai essayé la semaine dernière. J’avais vu qu’il était pensif toute la soirée et… il était trois

heures du matin, je suis descendue dans la cuisine me prendre un verre d’eau… il s’était endormidans le canapé, une bouteille de whisky à moitié vide dans la main.

199– Tu lui as dit quelque chose ? demanda-t-elle en fronçant les sourcils d’inquiétude.Je secouai la tête. Non, je n’avais rien dit… Je n’avais pas osé, car je savais que cela nous

mènerait à une dispute qui nous ferait souffrir tous les deux.– Went ne boit pas tous les jours, Emma… il essaie de trouver du réconfort quand il va mal, c’est

tout… mais je suis sûre que tout va cesser très vite. De toute façon il n’aura pas le choix, il sera seulpour veiller sur la petite et il ne fera rien pour la faire souffrir.

– Tu essaies de t’en persuader, n’est-ce pas ?– Non… je le suis, Emma. Went s’occupe très bien de sa fille, il l’aime.– Je le sais tout ça, mais tu sais que la dépression peut être vraiment dangereuse ? Went essaie de

faire bonne figure, mais tout le monde ici voit qu’il suffit d’un seul mot pour qu’il bascule. Tu devraisvraiment lui parler de tes sentiments, Sarah.

– Non, murmurai-je en secouant la tête. Je ne peux pas.Je refusai avec véhémence, je ne pouvais pas lui en parler, car j’étais convaincue qu’il savait toute

la vérité.Oui, il le savait.Le problème de la boisson était quelque chose que je connaissais et que je pouvais comprendre et

j’étais certaine qu’il serait capable de s’arrêter lorsqu’il se retrouverait seul avec son enfant.– Tu attends quoi ? Tu vis déjà avec lui et la petite.– Ce n’est que pour l’aider, rétorquai-je en commençant à m’énerver.Et c’était une erreur, il faut que je parte, Emma.– Je le sais, mais t’aide-t-il, lui ? Tu as autant besoin d’aide à mon avis. Tu te sens coupable

d’aimer l’homme que Jenna voulait. Tu penses qu’elle avait le droit d’être avec lui, mais tu sais quec’est faux. Went n’a jamais aimé que toi et tu dois ouvrir les yeux avant que tout ne s’écroule.

Les larmes aux yeux, je secouai la tête, refusant de pleurer à nouveau.Malgré la sympathie qu’elle m’inspirait, je commençai à perdre patience.– Sarah…Je stoppai mes pas et me tournai vers elle. Nous étions presque arrivées à l’endroit où nous

déjeunions et je n’avais pas vraiment envie que Jason et Dom écoutent notre conversation.– Arrête, s’il te plaît, la priai-je en tentant de toutes mes forces de 200garder un air de nonchalance.– OK, OK, murmura-t-elle en posant une main rassurante sur mon bras. Mais pense à ce que je t’ai

dit… Ni l’un ni l’autre ne pourrait revenir en arrière si les choses dérapaient et tu en souffriraisdavantage, Sarah. Tu n’as pas à supporter tout ça…

Je ne savais pas si c’était le fait que ses mots me touchèrent à ce point ou parce que j’aperçus

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Went et Pam sortir de la caravane, mais je ne pus retenir une larme.– Sarah…D’un geste rageur, je chassais cette larme d’un revers de la main puis secouai la tête.– J’ai besoin d’être seule… murmurai-je avant de faire demi-tour, ignorant les appels de mon

amie.Vivement, je me mis à courir le plus vite possible vers le fond du site où les décors extérieurs

étaient installés. Lorsque je parvins à l’orée où les arbres cachaient la vue des regards indiscrets, jeme stoppai, tentant de reprendre mon souffle tout en balayant mes larmes de mes joues. J’eus à peinele temps de m’adosser contre un tronc d’arbre que mon cœur se mit à bondir dans ma poitrine, jehurlai à la main qui se posa sur mon épaule.

– Doucement, c’est moi…Furieuse d’avoir eu si peur, je foudroyai Went du regard et reculai d’un pas afin de rompre

immédiatement tout contact avec lui.– T’es complètement malade ! Tu m’as fait une de ses peurs ! grognai-je, le souffle erratique.Il esquissa un léger sourire avant de lever une main vers mon visage, mais je l’en empêchai.– Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur, Sarah.Éberluée et mal à l’aise à l’idée qu’il pût comprendre l’émotion qui me traversait à cet instant, je

lui tournai le dos et fermai les yeux, priant silencieusement pour qu’il me laissât seule.– Tu devrais retourner avec les autres, murmurai-je d’une voix hésitante.– Dis-moi ce qu'il se passe ?– Rien du tout, j’ai besoin de rester seule un instant.Je l’entendis s’approcher et serrais les poings, refusant à nouveau d’écouter mon cœur.– Je t’en prie, Sarah… qu’est-ce que tu as ? me demanda-t-il en 201pressant ses doigts autour de mes épaules. Sarah…– Je veux être seule ! hurlai-je en me tournant vers lui pour y planter un regard furieux.– Sarah…– J’en ai marre, Went ! Laisse-moi respirer cinq minutes… Je ne demande pas grand-chose, juste

cinq minutes, répétai-je, me sentant tout à coup affaiblie par la brillance de son regard qui s’ancraitintensément au mien.

– D’accord. Je voulais seulement t’avertir que je pars dans deux jours pour la Chine et… commetu voulais quitter la maison, je voulais juste savoir si je pouvais compter sur toi pour Maddy.

– Quoi ? Tu plaisantes ? La Chine ?– Oui… Pam m’en avait parlé pour une série de photos là-bas… et j’ai accepté…Je roulai des yeux, abasourdie. Quelque chose me disait qu’il avait fait son possible pour me

mettre dans cette situation. Comment osait-il me faire ça, alors qu’il était au courant de mon désir deles quitter ?

– Tu pars combien de temps ?– Trois ou quatre jours… Paul et Pam vont régler les détails… Il est possible que je parte demain

soir.Abasourdie, je le fixai dans les yeux, complètement déstabilisée. Je ne savais pas si c’était le fait

de le voir partir très loin de moi ou la pensée qui m’effleura à nouveau l’esprit qu’il ait pu organisercette séance photo au moment même où j’étais prête à partir de chez lui.

Je me sentais complètement perdue.– D’accord… Mais ensuite il faudra que je reparte chez moi, Went, lui dis-je alors d’une voix

brisée par l’émotion.

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– OK… Comme tu voudras, mais tu sais que tu peux rester.Je hochai la tête, ne sachant que répondre.Nos regards restèrent ancrés l’un à l’autre puis il s’approcha un peu plus de moi, brisant les

derniers centimètres qui nous séparaient sans que je puisse faire un mouvement où sans être capablede l’arrêter, je le laissais m’embrasser le front.

Je fermais les yeux au contact tendre de ses lèvres chaudes sur ma peau et je fus à demi-conscientequ’il pouvait entendre les battements de mon cœur qui cognaient dans ma poitrine.

202Puis, lorsque j’ouvris les paupières, il s’éloigna de moi, laissant mes larmes silencieuses couler le

long de mon visage tandis que je prenais conscience qu’il allait irrévocablement me manquer.20316OBSESSIONSarahL’air frais du début de soirée me fit le plus grand bien. Oubliant la journée qui venait de se

terminer et – surtout – l’annonce du départ précipité de Wentworth, je fis encore deux ou troisbrasses avant de décider de sortir de la piscine. Toutefois, je n’en eus pas le temps.

Pétrifiée à la vue de Went qui s’avançait près du bord du bassin, je me stoppai et collai mon doscontre la paroi.

L’esprit confus, je le fixai pendant un instant alors qu’il plongeait son regard dans le mien. Marespiration fut chaotique, désordonnée, alors qu’il fermait les paupières un instant avant de lesrouvrir, décidé. Je tentai d’inspirer profondément, m’attendant au pire quand je le vis plonger touthabillé.

Interloquée par son comportement, je n’eus pas le temps d’entreprendre de me hisser hors de l’eaupour l’éviter qu’il se tenait déjà devant moi, plaquant ses mains de chaque côté de mon corps.

Prisonnière, je baissai les paupières.– Tu es fou…– Je sais…Sa réponse me fit mal, bouleversant mon cœur meurtri et ma raison. Je relevai le visage, plantant

un regard assassin dans le sien.Comment pouvait-il me faire ça ?– Je pars demain, Sarah.– Je sais…L’intensité de son regard allait me rendre folle, je le savais. Et la piqûre de rappel qu’il venait de

me faire sans le moindre remords me perdit totalement.Les larmes aux yeux, je le dévisageai.204Lentement, il leva une main vers mon visage et caressa ma joue. Je fermai les paupières,

bouleversée par ce contact empli de tendresse.J’aurais dû le repousser, fuir, ce fut d’ailleurs ce que mon instinct me soufflait de faire.Mon instinct de survie.Au lieu de cela, je restai immobile lorsqu’il écrasa son corps contre le mien. Mes seins contre son

torse, je manquai de souffle. Je sentis les derniers lambeaux de raison s’anéantir, semblable à desvoluptés de fumée dissipées par une légère brise. Je gardai les paupières closes, refusant de leregarder dans les yeux où je serais involontairement hypnotisée par l’océan furieux de ses iris.

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Je sentais son souffle chaud qui caressait plus distinctement la peau de mon visage jusqu’à ceque… ses lèvres se posent sur les miennes.

Mon corps frémit.Mon cœur cessa de battre.Mon désespoir s’acheva.Enfin…J’ouvris les paupières avec l’idée de le repousser, mais il intensifia son baiser. Sa langue vint

s’enrouler à la mienne avec une facilité ardente.J’aurais voulu être insensible à son magnétisme, à sa passion, mais sans m’en rendre compte, un

gémissement de plaisir s’échappa de ma gorge et je répondis à son baiser.Je ne pouvais plus résister.J’abandonnai à présent avec une appréhension totale, les dernières barrières de mon cœur, de mon

âme…– Sarah…J’entendis mon prénom dans un brouillard épais de plaisir.Passant les bras autour de son cou, je l’embrassai à mon tour dans un élan de passion irrationnelle.Un soupir d’exaltation et de satisfaction mêlée s’échappa de nos bouches unies. Il vint poser les

paumes de ses mains puissantes sous mes fesses avant de me soulever.Chassant mes craintes, j’enroulai mes jambes autour de sa taille et taquinai sa lèvre inférieure.– Went…Il profita de mon murmure pour cesser de m’embrasser afin de reprendre son souffle.205Je m’abîmai quelques secondes dans son regard et compris qu’il fallait que nous arrêtions là avant

de faire une erreur que nous regretterions.D’un geste vif, je retirai ses mains de mon corps comme si je venais de prendre conscience de nos

actes.– Je t’en prie, Sarah…Sa supplication me fit mal, encore et encore. Nos regards restèrent soudés l’un à l’autre tandis que

mes lèvres frémissaient. Ses yeux étaient brillants, mais je savais que je venais encore de le blesser.Je pouvais lire une pointe de déception dans les traits de son visage. Et, je sus également qu’iln’arrêterait pas maintenant, pas après que j’ai répondu à son baiser, à son appel à l’amour.

Dans un coin de ma tête, une petite voix hantait mon esprit.Fuir, fuir cet homme avec lequel je pouvais trouver le bonheur, mais je le repoussai.Le besoin de tendresse nous accaparait si grandement que je fus incapable de le repousser

lorsqu’il pencha à nouveau la tête pour capturer mes lèvres. Je posai les mains sur son torse, pourm’agripper à lui alors que notre baiser se fit plus fougueux. Malgré le tissu trempé de son tee-shirt, sachaleur m’envahit de toute part, faisant grandir le désir que je m’évertuais pourtant à enfouir dans unepartie secrète de mon âme.

Je ne savais plus penser, prise en otage entre ses bras alors qu’il me portait hors de l’eau. Je lelaissai faire, me laissant aller à son invitation.

Je frissonnai, de désir urgent tandis qu’il ne cessait de m’embrasser alors qu’il me portait àl’intérieur.

Dans les brumes enivrantes de notre passion, je le vis monter à l’étage, passer la porte de sachambre et me déposer délicatement sur le matelas.

Sa langue se fit plus possessive, brûlante dans ma bouche qu’il fouillait sans hésitation avec une

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urgence non feinte. Ses mains parcoururent mon corps tremblant. Ses doigts se faufilèrent sous lescordons de mon maillot de bain qu’il m’ôta sans ménagement.

Le manque d’oxygène nous obligea à mettre fin à notre baiser.Nue sur son lit, je fus à sa merci, fragilisée par l’intensité de son regard intense. Il me fixa pendant

une longue minute tandis que ses mains continuaient de chauffer ma peau.Nous ne parlâmes pas. C’était inutile.Il m’embrassa à nouveau avec une telle tendresse que les larmes s’invitèrent aux coins de mes

paupières.206Lentement, il redressa le visage et plongea ses yeux dans les miens, me couvrant d’un regard

ardent, m’hypnotisant comme un serpent fasciné par sa proie. Quelque chose se produisit à cet instant,j'étais incapable de le décrire parfaitement, mais son visage s’éloigna du mien.

Cruelle épreuve…Je me redressai, tentant de le faire revenir à moi, mais je ne touchai que du vide avant que mes

deux mains se rejoignissent.– Went !– Sarah… Sarah…– Oh mon Dieu, soufflai-je en ouvrant les paupières.– Sarah ? T’es réveillée ?Je fixai la pièce dans laquelle je me trouvais.Ma chambre.Je constatai une fine pellicule de sueur sur mon front.J’avais rêvé.– Mon Dieu… soufflai-je en prenant conscience que Maddy se trouvait derrière la porte. Une

seconde, ma puce.Je me dépêchai à sortir du lit et me dirigeai vers le miroir accroché sur le mur d’en face. Je passai

une main sur mon visage, effleurant mes lèvres du bout des doigts, là où j’avais imaginé qu’ilm’embrassait.

Je secouai la tête, tentant de sortir les dernières brumes de ce rêve merveilleux qui me perturbaitplus que jamais. Ensuite, j’allai ouvrir la porte à Maddy qui pénétra dans la pièce, le regardsoupçonneux.

– Tu as crié, tu es tombée ?– Euh, non…– Tu as fait un cauchemar alors, comme moi…Un cauchemar ?Je plissai le front, constatant la petite mine de l’enfant.Je pris rapidement conscience que nous étions dimanche et l’heure qu’indiquait le réveil me révéla

que nous n’avions plus que deux petites heures avant le départ de Went.Mon cœur se serra pitoyablement.Maddy me fixait, incrédule devant ma léthargie d'où je sortis vivement.Je la soulevai dans mes bras et l’installai sur le lit.– Sarah ?– Oui, ma chérie…– Pourquoi papa doit partir ?207

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– C’est pour son travail, ma puce… Mais ne t’inquiète pas, il ne part pas très longtemps. C’estl’histoire de trois à quatre jours au plus.

– Oui, mais il va me manquer.– Je sais, murmurai-je d’une voix serrée en caressant ses boucles.– Il va te manquer à toi aussi ?Mon cœur manqua d’exploser. Je me mis à déglutir en voyant le regard insistant qu’elle me lançait.– Oui, il va me manquer.– Pourquoi tu ne lui dis pas, Sarah ?– Je…– Il va peut-être rester, comme ça ! s’exclama-t-elle soudainement tout excitée en se redressant

pour me faire face.Je ne savais pas quoi répondre, comment lui faire comprendre que ce départ n’avait rien à voir

avec ça même si je n’en étais pas convaincue.– Je… c’est son travail, ma puce, il n’a pas le choix.– Papa dit toujours qu’on a le choix pourtant.– Oui, mais… Papa a dit ça quand ?– Je ne sais plus, répondit-elle en prenant une mine de réflexion.J’esquissai un faible sourire pour lui montrer que ce n’était pas si important qu’elle ne se souvînt

plus, car elle me regardait, déçue.– Alors, tu vas lui dire ?– Lui dire quoi ?– Qu’il va te manquer.– Je… ça ne changera rien, ma puce, lui répondis-je en déglutissant.Je venais de lui faire de la peine et mon cœur se serra douloureusement à la vue des petites larmes

qui s’installaient au coin de ses paupières.– Ne sois pas triste, ma chérie. Tu verras, ces quelques jours passeront très vite.– Je sais… couina-t-elle en se détachant de mon étreinte. Je vais voir papa s’il est réveillé.– D’accord, répondis-je, me culpabilisant davantage.Une fois la porte refermée, je me levai d’un bond, m’efforçant de ne plus penser à cette

conversation. C’était pourtant évident qu’il allait me manquer, mais pour le lui avouer, j’avais encoredu chemin à faire.

Ce fut quelques minutes plus tard, que je me trouvai sous la douche, pensant à nouveau à ce rêvequi me hantait davantage.

208WentJe me retrouvai dans le lit avec Maddy. Elle venait de me rejoindre à l’instant. J’esquissai un

sourire, feignant de dormir tandis que je sentais ses petits doigts glisser sur ma peau. Je retins un rirealors qu’elle me pinçait l’arête du nez doucement avant que ses petites lèvres s’échouassent sur majoue.

– Je sais que tu es réveillé, papa.Je me mis à rire et l’attrapai dans mes bras, l’installant sur mon ventre.– Tu m’as eu, lui dis-je en souriant.Mais mon sourire se ferma, remarquant la petite mine qu’elle avait.– Qu’est-ce que tu as, ma chérie ? lui demandai-je en plaçant ma main sur sa joue.Elle baissa les yeux et soupira lentement.

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– Maddy ?– Je… je suis triste que tu partes, je veux que tu restes avec Sarah et moi, papa.Un léger sourire fendit mes lèvres, ému.– Je suis obligé d’y aller, tu sais, c’est pour le travail.– Je sais, Sarah me l’a dit.– Je n’ai pas le choix, ma puce…– Mais on n’a toujours le choix, c’est toi qui l’as dit ! me coupa-t-elle en plongeant un regard

humide et déterminé dans le mien.Je retins un soupir, la considérant un instant avant d’acquiescer d’un mouvement de la tête.– Oui, c’est vrai…– Alors tu vas rester ?– Non, ma puce. Il faut que je parte en Chine et c’est seulement pour trois jours. Ça passera vite.– C’est ce que Sarah a dit aussi…– Sarah a toujours raison, répliquai-je en souriant, me perdant dans mes pensées.Les secondes s’écoulèrent lentement tandis que ma fille restait assise sur moi, vaguement ailleurs.– Je te ramènerai une poupée chinoise, je suis sûr que tu vas adorer, 209ma chérie.– Je veux que tu restes là, papa.– Je t’ai dit que je ne pouvais pas, mon trésor… Tu vas rester avec Sarah, tu ne t’ennuieras pas,

OK ?– D’accord, mais Sarah est triste aussi que tu t’en vas, t’es pas gentil, me lança-t-elle avant de

bondir du lit et de sortir précipitamment de la chambre.– Maddy ! Maddy, reviens ici !Dans un claquement de langue sec, je me levai à mon tour et sans me préoccuper de ma tenue, je

me rendis dans le couloir. Là, je heurtai Sarah de plein fouet. Vivement, je la rattrapai avant qu’ellene tombât.

– Oh, excuse-moi, ça va ?– Oui… oui, balbutia-t-elle, légèrement sonnée.– Tu es sûre ? Je suis désolé…– Non, ça va, je te dis, répéta-t-elle en tentant de se libérer de mon emprise.Je sentais qu’elle voulait partir, mais je ne pouvais m’y résoudre. Mes bras se refermèrent

davantage autour de son corps uniquement vêtu d’une serviette de bain.Mon Dieu… cette vision me transporta dans un désir incontrôlable, un désir que, depuis ces

derniers mois, je tentais de refouler au plus profond de moi-même, mais cet instant fut siredoutable…

Ses cuisses frôlèrent les miennes et tandis que je la suppliai du regard, ses lèvres se mirent àtrembler.

– Went…– Je… Sarah…Un long gémissement douloureux s’échappa de ma gorge et alors que je fus sur le point de capturer

ses lèvres sans réfléchir davantage aux conséquences, nous sursautâmes au bruit d’un claquement deporte.

– Maddy…– J’y vais.– Non, laisse, la stoppai-je en l’attrapant par le bras. Elle est en colère après moi, je dois régler

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ça, Sarah.Elle hocha la tête, consciente du désir qui nous enflammait.– Je reviens, murmurai-je en posant le bout de mes doigts sur ses lèvres.210Arrivé sur le palier, je me retournai, mais elle avait disparu dans la salle de bain.21117DÉPARTSarahLe brouhaha des voyageurs me donna la nausée, du moins, j’en eus l’impression, mais je savais

que c’était autre chose. Je fixai Went qui embrassait tendrement sa fille sur le front et je m’efforçai,malgré les émotions qui montaient en moi, de garder un visage impassible. Je ne m’attendais pas àréagir de cette façon à son départ, pourtant, ce n’était que pour quelques jours et je serais bienoccupée avec la petite et le tournage, mais il allait me manquer.

– Je crois qu’il est temps que j’y aille, murmura-t-il en plongeant son regard dans le mien.Incapable d’émettre le moindre son, j’opinai de la tête et esquissai un semblant de sourire.– Tu me fais encore un bisou, papa ?– Bien sûr, mon cœur, répondit-il en soulevant Maddy dans ses bras.Cette image me fit beaucoup de peine, me bouleversant plus que je ne l’aurais souhaité. La petite

s’accrocha à son cou de manière si désespérée que je ressentis une profonde tristesse, sûrement égaleà la sienne.

– Tu vas me manquer, murmura-t-il en plongeant ses yeux dans les miens.Je retins mon souffle, incapable de savoir si cet aveu m’était adressé.Je baissai le regard, évitant le sien pour ne pas ressentir la boule d’angoisse qui ne quittait plus ma

gorge.– Tu vas donner la main à Sarah, mon trésor. Je rentre vite, d’accord ?– D’accord, répondit-elle en hochant doucement la tête avant d’enfouir de nouveau son petit visage

dans son cou.212WentJ’esquissai un sourire, ému par ma petite fille et aussi par le regard de Sarah où je pouvais lire

toute la tristesse qu’elle éprouvait. Mais je vis aussi qu’elle se retenait, qu’elle évitait mon regard etcela m’était insupportable. J’aimerais tant la prendre dans mes bras, l’embrasser jusqu’à ce qu’elleme dise de rester auprès d’elle, ce que je ferais sur-le-champ… Mais les secondes s’écoulèrent puisla voix du haut-parleur rappela à nouveau aux voyageurs de se diriger vers le couloir A.

– Allez, ma puce, il faut que j’y aille où je vais rater mon avion, murmurai-je en m’avançant d’unpas vers Sarah qui prit Maddy dans ses bras.

Soupirant de résignation, j’embrassai à nouveau ma fille sur le front avant de lui murmurer d’unevoix brisée par l’émotion : – Sois sage, ma puce.

– D’accord… tu fais pas de bisou à Sarah ?Je serrai les mâchoires, tentant de respirer normalement.– Si, bien sûr.Je la sentis se crisper à mon approche et lui offris un léger sourire avant de déposer mes lèvres à

la commissure des siennes.Je restai quelques secondes, appuyant mon baiser avant d’ouvrir les paupières, surpris moi-même

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de les avoir fermées.– Prends soin de toi, souffla-t-elle.– Toi aussi, Sarah. Je t’appelle à mon arrivée.– D’accord, répondit-elle en déglutissant péniblement, peinant à retenir une larme qui s’échouait

malgré elle dans les cheveux de Maddy qui venait de réfugier son visage dans son cou.Mon cœur se serra douloureusement en apercevant cette larme que j’aurais voulu retenir de mon

pouce. Mais je n’en fis rien, je restai là, immobile, tout près d’elle à fixer ses yeux chocolat.– Je…– Tu ferais mieux d’y aller, Went, me coupa-t-elle en hochant la tête.Trop bouleversé, je ne répondis pas.– Vas-y, insista Sarah en reculant d’un pas.J’acquiesçai, prenant conscience qu’elle voulait, tout comme moi, mettre fin à cette pénible

épreuve. Je me baissai alors pour prendre mon sac et leur offris un tendre sourire.– Prenez soin de vous, toutes les deux…213SarahJe répondis à son sourire, incapable de prononcer le moindre mot tant cette boule me submergeait.Une longue minute plus tard, il consentit enfin à se tourner et partit d’un pas rapide vers le couloir

où il était attendu. Sans se retourner, il passa les portes qui le séparaient de l’avion avant dedisparaître. Mes larmes coulèrent à présent sans que je m’en aperçoive tout de suite. Ce fut lorsqueMaddy se redressa dans mes bras et qu’elle effleura ma joue humide que je cessai de fixer la portepar laquelle il avait disparu.

– Pourquoi tu pleures ? me demanda-t-elle d’une voix triste.– Oh, ce n’est rien…– Papa va te manquer aussi ?– Bien sûr… oui, il va me manquer, avouai-je d’une voix émue.Elle serra ses bras autour de mon cou et je fermai les yeux, tentant de reprendre assez de courage

pour quitter l’aéroport.Ce ne fut que quelques minutes plus tard que nous rentrâmes à la maison.– Qu’est-ce que tu voudrais faire cet après-midi ?– Je ne sais pas…Je fronçai les sourcils, consciente qu’elle était encore triste après le départ de son père. Résignée,

je soupirai et m’avançai vers le canapé où elle s’était réfugiée depuis notre retour.– Ma puce ?– Mm ?– Je sais que tu es triste à cause du départ de ton père, mais tu ne vas quand même pas rester dans

le canapé toute la journée, hein ? Il fait bon dehors, on pourrait aller au parc ?– J’n’ai pas envie, me répondit-elle d’une voix boudeuse.– OK, lançai-je avant de m’installer près d’elle. On va donc rester enfermées ici jusqu’à ce qu’il

rentre.Du coin de l’œil, je la vis me fixer d’un air surpris.– Sarah ?– Oui, ma puce ? demandai-je en tournant la tête vers elle. Qu’est-ce qu’il y a ? insistai-je en

apercevant les larmes naissantes dans ses yeux.– J’ai peur…

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214– Tu n’as pas à avoir peur, ma chérie.– Et si papa ne revient pas comme maman ?Bouleversée par cette question, je dus attendre quelques secondes avant de me sentir capable de

lui répondre.– Je… écoute, Maddy, tu sais bien que papa est parti en voyage pour le travail. Il reviendra, ne

t’en fais pas, lui dis-je d’une voix douce avant de ramener sa tête sur mes genoux.– Mais s’il a un accident dans l’avion ? J’aurais plus de papa et je serai toute seule et… Sarah…Oh non…Je la pris contre moi et la berçai doucement, les larmes aux yeux en entendant ses pleurs.Pauvre petite…Elle avait tant souffert par la perte de sa mère qu’elle craignait que son père ne revienne pas.– Ça n’arrivera pas.Ce fut les paroles que je murmurai pendant quelques minutes, la consolant tendrement dans mes

bras jusqu’à ce qu’elle s’endorme, épuisée. Alors, doucement, je me relevai du canapé et l’allongeaidélicatement, prenant soin de ne pas la réveiller.

Une fois que je l’avais recouverte du plaid, je m’éclipsai dans la cuisine et laissai mes sanglotss’échapper de mes lèvres serrées, consciente que je ne pouvais nier les sentiments que j’éprouvais...de ce manque intolérable.

***Deux jours plus tard, Maddy se sentait mieux, mais elle avait toujours hâte de revoir son père, tout

comme moi. Nous avions toutes les deux de ses nouvelles au moins deux fois par jour.J’esquissai un faible sourire en me remémorant notre dernière conversation, hier soir. Nous avions

discuté tous les deux de la petite fille qui sautait dans mon lit, excitée comme une puce à l’idée de luiparler. Je jouais avec son impatience et Went l’avait bien senti, me prévenant que j’allais sûrement leregretter si je ne lui passais pas sa fille dans la minute qui suivait.

215Ce que j’avais fini par faire, de peur qu’il engage une conversation plus intime. Je n’aurais su dire

ce qui m’avait traversé l’esprit à ce moment-là, mais le soupir qu’il avait laissé échappé et lemurmure rauque avec lequel il avait prononcé mon prénom m’avaient tout de suite persuadée de luipasser Maddy.

J’étais restée dans le lit, amusée en lisant l’excitation de la jeune demoiselle qui lui racontait sajournée à l’école. Elle avait obtenu une bonne note à son dessin et elle était fière… Son père aussi,tout comme moi.

Je fermai les yeux, tentant de reprendre mes esprits et de ne plus penser à lui, au manque que jeressentais en cet instant, mais je n’en étais pas capable.

Ce fut alors que mon esprit me renvoya aux derniers jours passés. Je me revoyais tout émue etexcitée, comme l’avait été Maddy la veille, en l’informant que je venais de parler à mon avocat etque le divorce était enfin prononcé. Tout était fini.

Et là, tout s’était écroulé pour moi, pour nous.Maddy et Jenna étaient présentes dans sa vie, et même à cet instant, je savais qu’elles le resteraient

toujours. Si j’écoutais tous les autres – Dom, Jas, Jody –, j’aurais sans doute tenté quelque choseavec Went mais je n’arrivais pas, pas encore.

Pourtant, je devais être rassurée sur les sentiments de Went à mon égard, ainsi que ceux de Maddy.Mais je me sentais perdue, j’avais peur d’être juste la femme de remplacement, même si je savais au

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plus profond de moi que Went ne me regarderait jamais de cette façon.Il était plus de dix heures du soir et je n’arrivais pas à fermer l’œil.Went avait appelé en début d’après-midi et nous avait averties qu’il ne pourrait peut-être pas nous

téléphoner dans la soirée, mais qu’il essaierait tout de même. Je devais me rendre à l’évidence, iln’appellerait pas. Et puis, il devait être fatigué. Je ne devais pas oublier qu’il se levait très tôt pournous joindre à cause du décalage horaire.

Je soupirai alors longuement, tentant désespérément de faire le vide dans ma tête.Pendant quelques minutes, je me contentai de fixer le plafond d’un air absent et esquissai un

sourire en imaginant son retour.– Sarah ?216Je devais m’être assoupie, car je sursautai violemment et trouvai Maddy à mon côté, penchée au-

dessus de ma tête.– Maddy ?– J’arrive plus à dormir…Je fronçai les sourcils et lançai un coup d’œil à mon réveil.– Waouh, j’ai dû m’endormir, murmurai-je en constatant qu’il était presque six heures du matin. Tu

ne dors plus, ma chérie ?Elle secoua la tête négativement et je lui tendis les bras. La petite vint s’installer contre moi tandis

que je la serrais tendrement dans mes bras, caressant ses longues boucles brunes.– Tu as fait un cauchemar ?– Oui…– Tu veux m’en parler ?– Je… balbutia-t-elle.Inquiète, je me redressai doucement afin de fixer son petit visage d’ange. Elle avait l’air vraiment

terrifié par ce rêve.– Hé, ma petite princesse, parle-moi de ce cauchemar, tu n’y penseras plus comme ça.– Tu crois ?– J’en suis certaine, répondis-je en lui souriant tendrement.– J’ai rêvé que tu voulais plus me voir ni papa, m’avoua-t-elle d’une voix triste.– Mais je ne ferais jamais ça, ma chérie.– Tu le promets ?– Je te le promets, répondis-je, émue par son regard empli d’espoir.Elle vint alors se caler contre moi et je sentis mon cœur se serrer davantage. Cette petite fille était

si vulnérable, si sensible qu’il m’était tout simplement impossible de lui faire de la peine.– Je t’aime Sarah.– Moi aussi, ma chérie.Émue, je fermai les paupières, continuant de caresser ses cheveux pour la rassurer afin qu’elle se

rendorme paisiblement.– Sarah ?– Oui, ma chérie ?– Tu vas toujours rester avec nous, hein ?– Je… je…217– Tu as promis, me coupa-t-elle dans mon bafouillis.

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Je secouai la tête, paralysée émotionnellement par ce qu’elle venait de répliquer.Vivement, je me redressai et je vis qu’elle s’asseyait sur le lit, prête à entendre ce que j’avais à lui

dire, mais le regard brillant de larmes qu’elle ancra au mien me rendit incapable de quoi que ce soit.Doucement, elle vint poser sa main sur la mienne. L’émotion forte me gagna et je dus faire un effort

supplémentaire pour ne pas me laisser aller devant cette petite fille.– Papa t’aime et moi aussi… Et t’as dit que tu m’aimais ! s’écria-t-elle avant de se mettre à

sangloter.– Hé, hé, ma chérie, murmurais-je en la prenant sur mes genoux. Je t’aime et c’est la vérité, ma

puce, mais…– Tu l’aimes papa aussi…– C’est vrai, oui, acquiesçai-je en déglutissant péniblement alors qu’une larme roula le long de ma

joue.– Alors tu resteras toujours avec nous ?– Je ne pourrai pas, ma puce. Je vais devoir rentrer chez moi une fois que ton père sera de retour…– Non, je ne veux pas ! s’écria-t-elle en s’écartant de mes bras.Déstabilisée par ses mouvements brusques, je la suivis du regard alors qu’elle se dirigea vers la

porte.– Maddy ! Viens ici, ma puce, la rattrapai-je en la soulevant dans mes bras.– Non, t’es méchante ! se mit-elle à hurler. Toi aussi tu vas m’abandonner, je te déteste !Je ne pus la retenir plus longtemps et, impuissante, je la reposai sur ses pieds avant qu’elle ne file

dans sa chambre en pleurant.Le reste de la journée fut interminable.L’attente insoutenable.Lorsque je fus de retour après avoir accompagné Maddy à l’école – qui n’avait pas daigné

desserrer les dents durant le trajet –, Rosa m’informa qu’elle partait rendre visite à sa sœur malade.Une fois qu’elle eut pris congé, je partis sur le site après avoir jeté un coup d’œil au répondeur.218Jason et Emma m’attendaient à l’entrée. Je soupirai avant de sortir de la voiture et les saluai d’un

semblant de sourire que je plaquai avec aisance sur mes lèvres.– Salut, ma belle ! Comment tu vas ce matin ?– Tout va bien, soufflai-je en souriant. Tu as l’air en forme, toi !Jason pencha son visage sur le côté et éclata de rire.Incrédule, je fixai Emma qui lui fourra son coude dans les côtes.– Il est complètement malade, celui-là ! lança-t-elle en retenant son rire. Figure-toi qu’il est tombé

sous le charme d’une nouvelle !– Une nouvelle ?– Ouais. Paul vient de l’engager pour l’aider avec la paperasse…– Elle pourrait être mannequin ! fit-il, ahuri.Je pouffai, accompagnant Emma dans un rire cinglant.– Ne vous foutez pas de ma gueule, toutes les deux ! Je te jure, Sarah, elle est vraiment…

magnifique !– Je veux bien de croire, Jas. Tu lui as parlé ?Je le vis se renfrogner tandis que le rire d’Emma se fit plus fort. Je l’observai un instant et compris

qu’elle avait du mal à reprendre son sérieux, mais elle lança d’une voix entrecoupée : – C’est… ça leplus drôle… il pensait qu’elle était là en tant que figurante et… oh Mon Dieu, gloussa-t-elle en se

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tenant le bas de l’estomac.– Ce n’est vraiment pas drôle !– Oh si ça l’est ! Sarah ! Elle lui a répondu qu’elle détestait la série, en particulier son

personnage…Je pouffai à nouveau, mais repris mon sérieux très vite en voyant le visage renfrogné de mon ami.– Je vois… Alors, je dirai que cette femme n’a pas de goût en matière…– Mais si ! me coupa Jason en plissant le regard. Elle aime peut-être pas la série ni mon

personnage, mais elle acceptera mon invitation à dîner !– Oh, j’en suis sûre, Jason.Heureux de ma réponse, il me fixa d’un air béat.– Pourquoi tu l’inviterais à dîner ? demanda Emma, tout sourire moqueur disparu de ses lèvres.Jason hocha les épaules.219– Parce qu’elle me plaît !– Attends de la connaître avant…Je levai les yeux au ciel, constatant que Jason n’était pas d’accord avec elle, et qu’ils n’allaient

pas tarder à approfondir leurs points de vue sur « Comment faire connaissance avant de l’inviter àdîner».

Refusant d’assister plus longtemps à cette conversation qui s’avérait dangereuse au fil des minutesqui s’écoulaient, je m’excusai vivement et me dirigeai vers Pam que j’aperçus au bout de la cour.Étonnée qu’elle soit présente sur le site en l’absence de Went, j’accélérai mes pas et me retrouvaiface à elle quelques instants plus tard.

– Salut, lançai-je en mimant un sourire de ravissement.– Bonjour, Sarah ! Comment vas-tu aujourd’hui ?– Tout va bien, merci. Tu es là…– Oui, me coupa-t-elle. Je voulais te parler.Mon cœur tambourina brusquement dans ma poitrine.Elle devait me parler.De quoi ?De qui ?Went…J’en étais consciente alors que je constatais avec crainte qu’elle refusait de me regarder dans les

yeux.– Qu'y a-t-il ? bredouillai-je.Elle observa la panique dans mon regard et attrapa mon bras avant de m’entraîner vers les

caravanes.Arrivée près de mon antre, je lui tendis les clés. Mes mains tremblaient beaucoup trop pour

l’insérer dans la serrure.Elle n’objecta pas et déverrouilla la porte. J’entrai rapidement et attendis qu’elle refermât la porte

pour me tourner vers elle, la vue brouillée par les larmes.– Quelque chose est arrivé… n’est-ce pas ?22018QUAND LA RAISON S’EN MÊLE…Sarah

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Le flot de panique me paralysait toujours tandis que mon regard s’attardait sur le visage de Pam oùles expressions contradictoires m’échappaient totalement. Je la connaissais depuis longtempsmaintenant et je me doutais bien qu’elle hésitait à me parler de ce qui s’était passé en Chine, car,j’étais certaine qu’il s’agissait de lui.

– Pam… je t’en prie ! insistai-je à nouveau.Elle prit une profonde inspiration puis me désigna le canapé d’un geste de la main. Je plissai les

yeux avant d’acquiescer avec réticence et allai m’y installer. Elle me suivit et prit place à mon côtéavant de prendre ma main pour me faire arrêter de triturer mes doigts en rageant d’impatience.

– Tu ne dois pas t’en faire… il va bien.Soulagée, je fixai son faible sourire et fermai les paupières en soupirant longuement.– Que s’est-il passé, Pam ?– La dirigeante de la firme m’a téléphoné ce matin. Elle a trouvé Wentworth ivre mort devant le

hangar où la séance photo a eu lieu.– Quoi ?! Je… ne comprends pas…– Il n’y a rien à comprendre, ma belle, mais disons qu’il a dérapé… à nouveau, me dit-elle en

soupirant de résignation. Dom m’a expliqué ce qu’il s’est passé à New York après l’enterrement…– Oui, oui… Je pensais qu’il arrêterait ça et…– La blessure est encore là, Sarah.– Je sais. J’ai essayé de lui faire comprendre que ce n’était pas la solution même si je…– Ce n’est pas la même chose, me coupa-t-elle en cherchant à plonger son regard au mien que je

fuyais de suite, bien trop honteuse de mon 221comportement dans le passé. La police a procédé à des recherches toute la nuit et heureusement,

Chimène l’a retrouvé ce matin. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé d’autre, mais… il refuse de parler,Sarah. Il s’est battu avec des hommes de la sécurité…

– Mon Dieu, soufflai-je en me levant d’un bond, furieuse.– Sarah. Il va bien. Ils ont réussi à le maîtriser, mais la dirigeante a mis fin à son contrat. J’ai

discuté avec elle et elle m’a promis de ne pas en parler à qui que ce soit, mais tu sais tout comme moique des fuites pourraient intervenir et…

– Mais qu’est-ce qui lui a pris ?! hurlai-je. À quoi pensait-il ? Il a une fille qui a besoin de lui, sacarrière !!! Il sait bien qu’une seule erreur de ce genre pourrait…

Je m’interrompis, ébranlée par la colère que j’éprouvai à cet instant.Je n’entendis pas Pam se lever du canapé. Je sursautai lorsque ses mains se posèrent sur mes

épaules. Elle fit me tourner vers elle.– J’ai discuté avec lui. Il n’était pas bien, Sarah. Il m’a demandé de ne pas t’en parler…– Et tu le fais !– Aurais-tu préféré que je te le cache ? Écoute, je sais que tu l’aimes et je tiens à lui. Nous devons

l’aider à s’en sortir.Je restai immobile quelques instants et acquiesçai avant de redresser la tête. La vue brouillée par

les larmes, je lui fis part de ma décision : – J’attendrai la fin du tournage et ensuite… je partirai,Pam.

– Non, tu ne peux pas lui faire ça…– Tout est de ma faute. Il ne sait plus où il en est par ma faute, Pam ! Il est aveugle et il ne voit pas

le mal que ma présence dans cette maison lui fait !– Tu… tu… dis n’importe quoi ! Il a besoin de toi, Sarah !– Tu te trompes ! Il s’en sortira sans moi et tu le sais très bien ! Il s’en veut et me voir chaque jour

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ne l’aidera pas à se reconstruire, Pam !J’en étais convaincue.Elle le savait, elle aussi.Sa réaction le confirma. Elle baissa la tête tandis qu’un silence s’installa entre nous. J’avais tout

mis au clair dans ma tête, en présence de son agent et amie.222Décidée plus que jamais à l’aider pour qu’il se reprît en main – prête à les quitter, lui et son enfant

–, je sortis de mon antre et marchai en direction du hangar où Paul m'attendait.WentJe sortais de la douche quand mon téléphone sonna. Je fixai le numéro de la maison d’un regard

hagard et refusai de décrocher. Si c’était important, elle laisserait un message.Je soupirai lâchement tout en me dirigeant vers l’imposante fenêtre de la chambre d’hôtel où je

passerai la dernière nuit. D’ailleurs, celle-ci allait commencer, constatai-je en posant mon regard surl’étendue de buildings devant moi où le soleil déclinait vers le Sud.

Un énième soupir interrompit ma léthargie que je préservai dans mes moments de solitude. Maisles souvenirs de la veille hantèrent mon esprit décomposé.

Je venais de terminer ma journée et avais demandé au chauffeur de rentrer au lieu de me déposer àmon hôtel. J’avais grand besoin de marcher. Les rues, plus infinies les unes que les autres,s’étendaient à perte de vue malgré les immeubles imposants des quartiers luxueux de la ville.

Je marchais pendant des minutes, des heures, jusqu’à ce que je tombe dans l’opposé du luxe où jelogeais pendant mon séjour. Dans une ruelle sombre, mais à demi éclairée par des néons de bars malfamés, j’avançais.

Cet infime espace était empli d’êtres dépravés, s’entassant les uns sur les autres, tandis que del’autre côté, des prostituées, jeunes et vieilles dénudées, m’observaient. Je baissais le regard alorsque l’envie de partir de cet endroit me gagnait rapidement.

C’était trop tard, et je le savais lorsque l’une d’elles s’avança vers moi.– Hé, toi ! Tu t’es perdu, mon gars ?Je la dévisageais.Elle était belle et si vulgaire.Le peu de vêtements qu’elle portait ne cachait rien des formes harmonieuses de son corps alangui

qu’elle courbait pour me séduire. Je secouais la tête, refusant de m’entretenir avec cette femme quime jugeait d’un regard étrange.

– On dirait bien que t’as besoin d’un verre, mon coco !223J’allais refuser, mais je n’en fis rien.Elle m’entraîna dans le bar du coin, là où tout dérapa.Les souvenirs étaient toujours confus…Je me souvins uniquement du mal-être dont j’avais souffert lorsqu’elle avait interpellé le serveur

d’une manière peu discrète. Il nous avait apporté plusieurs verres de scotch… encore et encore.Elle, plus aguicheuse, plus entreprenante.– Non ! m’écriai-je en prenant mon crâne douloureux à ces bribes de souvenirs qui disparurent

dans la brume de mon esprit.La sonnerie de mon portable interrompit à nouveau mes pensées et je soupirai de soulagement. Je

ne voulais plus y repenser… et je refusais d’imaginer un seul instant ce qui s’était passé par la suite.– Sarah… murmurai-je en fixant l’écran de mon portable.

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Je balançai ensuite mon Black Berry sur le lit et me dirigeai vers la salle de bain pour finir de mepréparer.

Sarah– Allez, Maddy, s’il te plaît ! insistai-je pour la énième fois afin de la faire entrer dans la voiture.Elle faisait sa tête de mule depuis tout à l’heure. J’avais beau l’avoir rassurée, lui promettant de

venir la voir le plus souvent possible, mademoiselle m’en voulait toujours.Je soupirai, lasse d’essayer de la dissuader et de la voir me toiser de son regard furieux. Les bras

croisés sous sa poitrine, elle me fit sourire de l’intérieur, mais il n’était pas question de lui montrermon amusement, cela la blesserait, c’était certain.

– Si tu ne montes pas dans la voiture tout de suite, nous rentrons et tu te débrouilleras avec papa !– Il ne dira rien, s’entêta-t-elle à me répondre.Je roulai des yeux, sachant pertinemment qu’elle n’avait pas tort sur ce point. J’étais intimement

convaincue qu’il prendrait son parti, mais je ne devais pas me faire avoir par ses caprices, il fallaitque je me montre ferme avec elle et je m’y employai à contrecœur, je devais bien l’avouer.

– Très bien, c’est ce qu’on verra ! lâchai-je en refermant la portière.Rentre à l’intérieur !– Sarah… murmura-t-elle en baissant les yeux.224J’esquissai un faible sourire, tout en discrétion, et me baissai à son niveau.– Il faut que tu ailles à l’école, Maddy. Je sais que tu es en colère contre moi, mais je ne peux pas

faire autrement, je t’ai déjà expliqué que j’avais un appartement et que ma place était là-bas.Je la fixai, appréhendant sa réaction, mais elle hocha la tête lentement pour mon plus grand

étonnement.La veille au soir, elle avait entendu ma conversation avec Dom où je lui expliquai que dès le

retour de Went, je rentrerais chez moi. La petite fille était furieuse et avait fait une crise, refusant dem’écouter ou de se mettre au lit. J’avais tout tenté. J’avais essayé de joindre Went afin qu’il discuteavec sa fille et qu’elle obéisse, mais il n’avait pas décroché.

Ce qui m’inquiétait…– Tu comprends ?– Oui, bredouilla-t-elle, les larmes plein les yeux. Mais tu vas me manquer.– Mais non, on continuera à se voir le plus souvent possible, ma puce, je te l’ai dit, assurai-je

d’une voix brisée par l’émotion tout en caressant sa petite joue.– Tu me le promets, ça ?– Oui, ça, je peux te le promettre, répondis-je en lui souriant tendrement.– D’accord…– On y va alors ?Elle hocha la tête, me soulageant grandement. Je la soulevai alors dans mes bras et la serrai un

instant contre mon cœur, savourant le contact de ses petits bras autour de mon cou.WentJe savais que je m’aventurais sur un terrain dangereux en ne prévenant pas Sarah de mon arrivée

imminente, mais je voulais lui faire la surprise.J’étais toujours en chemin pour la maison et j’avais vraiment hâte de les retrouver. Elles m’avaient

manqué toutes les deux et j’étais décidé à faire comprendre à Sarah que je ne la laisserais pas partirde chez moi. Non, je l’aimais, et ces quelques jours passés loin d’elle avaient confirmé les 225

sentiments profonds que je ressentais à son égard… surtout après ce qu’il s’était passé là-bas.

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Je sortis de l’aéroport avec un sourire aux lèvres, confiant, peut-être même un peu trop, mais jen’avais plus le choix, je ne pouvais risquer de la perdre encore une fois.

Je m’enfonçai vivement dans le premier taxi que je trouvai et indiquai mon adresse au chauffeur,lui demandant de faire le plus vite possible en jetant un coup d’œil à ma montre. Il était presque huitheures et j’espérais rentrer avant que Sarah emmène Maddy à l’école.

– Attendez ici, ordonnai-je au chauffeur de taxi quelques minutes plus tard en apercevant ma filleet Sarah.

J’esquissai un sourire, ému de voir cette scène emplie de tendresse se dérouler devant mes yeux.J’attendis alors qu’elle installait Maddy à l’arrière de la voiture. Puis elle prit place derrière le

volant.– Je vous dépose ici ?– Encore un instant, s’il vous plaît, répondis-je au chauffeur en attendant qu’elle démarre.Une fois que Sarah fut sortie de la propriété, je demandai au chauffeur de continuer jusqu’à la

maison.Je payai la course et sortis mon sac du coffre avant de soupirer longuement, satisfait d’être enfin

rentré et, surtout, d’avoir le temps de faire la surprise à Sarah à son retour. Bien sûr, j’appréhendaisa réaction, mais le sentiment heureux de la retrouver était bien plus fort.

Je pénétrai dans le salon et soupirai longuement de soulagement. Un large sourire s’étira sur meslèvres, remarquant les jeux de Maddy trônant sur la table basse. J’en conclus que Rosa n’étaittoujours pas rentrée de son petit séjour de chez sa sœur malade.

Je montai à l’étage sans plus attendre pour y ranger mes affaires, impatient malgré ma grandeappréhension.

Empressé, je me mis à faire quelques pas dans ma chambre, jetant des coups d’œil vers ma montretoutes les cinq secondes.

Cela faisait bien une bonne demi-heure qu’elle était partie, il lui fallait pourtant à peine dixminutes pour faire le trajet. Je commençais vraiment à m’inquiéter, sentant pratiquement la nauséem’envahir à l’idée qu’elle put avoir eu un accident ou autre chose.

– Bon sang, Sarah ! Qu’est-ce que tu fabriques ? pestai-je en regardant 226par la fenêtre.Sarah– Je comprends, mais ne vous inquiétez pas, je vous appellerai immédiatement si je constate que

ça ne va pas.Je remerciai la maîtresse de Maddy pour sa compréhension. Je devais lui expliquer le petit coup

de cafard auquel elle était sujette depuis ce matin et elle comprenait très bien cette enfant.– Merci beaucoup. Passez une bonne journée, lui dis-je avant de lancer un regard dans la classe. À

ce soir, ma puce.Maddy me répondit d’un signe de la main puis s’élança vers moi. J’eus juste le temps de

m’accroupir pour la réceptionner dans mes bras. Elle se mit à rire ainsi que la maîtresse. Je luidonnai alors un dernier baiser puis m’en allai, le cœur plus léger.

Quelques minutes plus tard, je refermai la porte de la voiture et soupirai longuement avant de sortirmon portable de mon sac. Je fronçai les sourcils, surprise de ne pas avoir de message de Went oumême un appel.

Rien.Aucune nouvelle de lui depuis que Pam m’avait mise au courant de son comportement puéril.

J’hésitai à l’appeler pendant un long moment puis je finis par ranger mon téléphone dans la poche

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arrière de mon jean avant de mettre la voiture en marche.Perdue dans mes pensées, mais concentrée sur la route du retour, je sursautai légèrement lorsqu’un

coup de klaxon me fut adressé.– Et merde ! pestai-je silencieusement en prenant conscience que je restais plantée en plein

carrefour.Je fis un signe d’excuse à l’automobiliste derrière moi et accélérai avant de me mettre à rire toute

seule. Cet homme avait l’air bien trop pressé, pensai-je en soupirant de résignation.Un instant plus tard, j’arrêtais la voiture devant l’entrée de chez Went.Je me perdis un instant, rêvant que j’y vivrais toute ma vie avec lui, avec Maddy et nos futurs

enfants, avant que le ciel ne se mît à gronder, me faisant sursauter de frayeur et surtout, me rappelantma décision, la réalité...

227Je levai les yeux vers le ciel et pestai à voix basse alors que les nuages s’étaient dangereusement

assombris. Aussitôt, je pensai à Maddy qui détestait l’orage et, pendant une fraction de seconde,j’avais l’idée de faire demi-tour pour la récupérer avant de me rappeler que la maîtresse saurait larassurer.

Frigorifiée, je claquai la porte de l’entrée et soupirai de soulagement avant de sursauterviolemment au tonnerre qui éclata à cet instant.

– GR, je déteste ça ! m’écriai-je, furieuse.Je prenais conscience de ma stupidité alors que j’étais sur le point de pleurer de rage.J’avais vraiment une peur surdimensionnée des orages depuis la petite enfance et je n’avais qu’une

hâte : mettre la musique à fond afin de combler le grondement et de prendre une bonne douche pourme réchauffer. Mais voilà que mes désirs s’effondrèrent alors que je levais le visage pourentreprendre de monter à l’étage.

– Qu’est-ce… que… tu fais là ? balbutiai-je en déglutissant péniblement à la vue de Went quis’avança vers moi d’un pas lent.

Il esquissa un sourire, visiblement satisfait par mon ahurissement.– J’ai fini avant, me répondit-il après un court instant de silence.Je baissais les yeux, légèrement honteuse de lui avoir posé la question, mais surtout, qu’il me

découvrît dans cet état tandis que mon corps était parcouru de tremblements incessants.WentJe ne pouvais m’empêcher de sourire, prenant conscience qu’elle était troublée par ma présence.

Après avoir franchi les derniers centimètres qui me séparaient d’elle, je m’arrêtai et, lentement,passai un doigt sous son menton pour lui relever le visage.

Mon cœur se serra douloureusement à la vue des larmes naissantes aux coins de ses paupières.Elle dut prendre peur, car elle tenta de se reculer, mais je ne lui en laissai pas la possibilité,

posant mon bras dans son dos, je l’attirai contre moi.– Tu es trempée… remarquai-je en retenant un gémissement de pur bonheur de l’avoir contre moi.– Je viens… d’emmener Maddy à l’école…228Elle s’interrompit, faisant un bond apeuré lorsque le tonnerre se fit de nouveau entendre. Je la

serrai plus fermement dans mes bras pour la rassurer.– L’orage ne va pas durer.– T’es sûr ? demanda-t-elle d’une petite voix.– Certain… Tu devrais aller prendre une douche, tu vas finir par tomber malade si tu…

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Je m’interrompis en sentant qu’elle me serrait plus fermement à chaque coup de tonnerre qui suivit.– D’accord, soufflai-je dans ses cheveux avant de lui ordonner de ne pas me lâcher, sachant

pertinemment qu’elle s’accrochait déjà assez fort à moi comme si j’étais sa bouée de sauvetage.– Qu’est-ce que tu fais ! me repoussa-t-elle brusquement alors que j’entrepris de la soulever dans

mes bras.Dérouté par son regard assombri par la colère, je la fixai silencieusement, attendant qu’elle

m’explique. Mais elle ne fit rien, se contentant de secouer la tête en reculant jusqu’à la ported’entrée.

– Je dois partir, Went…– Non, ne fais pas ça !– Il le faut, murmura-t-elle en levant une main devant elle.Comme si elle pouvait m’arrêter…– Sarah…– Paul m’attend, lança-t-elle avant de franchir la porte sans se préoccuper des trombes d’eau qui

tombaient.J’accourus sur ses pas, désirant la rattraper, mais elle claqua déjà la portière de la voiture. Je

l’observai, j’aurais pu la stopper et lui avouer tout ce que j’avais sur le cœur, mais l’expression dedégoût qu’elle posa sur moi m’en dissuada.

Brisé, je tombai à genoux sur les gravillons qui écorchèrent ma chair, le regard perdu sur l’arrièrede la voiture qui fuyait.

22919BOIRE & DEBOIRESSarahJe passai la journée à l’extérieur, refusant de rentrer pour le moment.Après avoir tourné les dernières scènes, je profitai de la présence de mon amie, Emma. Nous

allâmes faire les boutiques tout en évitant les paparazzis sur notre chemin.J’en avais assez de ces flashs éblouissants à chaque coin de rue, mais nous étions si habiles pour

les fuir que nous finîmes par en rire.Installées au bar, nous bûmes un dernier café tout en discutant de Jason et de sa nouvelle

prétendante, qui avait finalement accepté son invitation.– J’espère qu’il ne souffrira pas comme avec cette Sonia !J’esquissai un faible sourire, consciente que notre ami n’avait jamais eu de chance de ce côté-là.Un court silence s’installa durant lequel le retour de Went hantait mon esprit.– Tu vas te décider à me dire ce qui s’est passé ?Le ton d’Emma m’interpella, me sortant de mes pensées. Je la fixai, interrogatrice, et fermai les

yeux, sachant pertinemment qu’elle n’était pas stupide et qu’elle avait compris ma soudaine envie deme promener dans la ville.

Alors, je pris une profonde inspiration et acquiesçai d’un mouvement de la tête.– Il… est rentré.– Oh, je vois. Et ?Je plantai mon regard réticent dans le sien, espérant qu’elle n’allait pas insister, mais comme

toujours, je me trompais.– Sarah ? Tu lui as dit que tu partais et ça s’est mal passé ?– Non, je n’ai pas eu le temps de le lui dire, répondis-je en lançant un 230

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coup d’œil vers ma montre. Mais il doit être au courant maintenant.Maddy doit être rentrée de l’école depuis plus de deux heures.Emma me contempla pendant une longue minute où je décelai une lueur de reproches dans ses

yeux.– Quoi ? demandai-je, irritée.Elle haussa les épaules.– Rien… C’est juste que je pensais que tu étais beaucoup plus courageuse que ça, Sarah. Tu

préfères que ce soit cette petite fille qui annonce à son père que tu vas les quitter et toi… tu restes iciavec moi alors que tu devrais lui parler.

Je restai silencieuse, accusant sa tirade.– Écoute ! Je sais très bien qui tu es, Sarah, et tu n’es pas cette femme-là, celle qui se défile à la

moindre difficulté.– Tu te trompes, murmurai-je avant de terminer ma tasse de café.– Tu as enduré bien plus dur, Sarah. Dom nous a tout raconté…– L’enfoiré ! grognai-je en posant ma tasse sur le comptoir dans un claquement sec.Je grimaçai au regard assassin du barman et baissai les paupières.– Tu as raison, mais ce n’est pas la même chose, Emma. Tu ne peux pas comprendre.– Oui, sûrement, mais je sais que vous vous aimez tous les deux et je trouve ça vraiment ridicule

de repousser vos chances d’être enfin heureux.– Arrête, lui lançai-je en secouant la tête. Il… Je ne sais pas…Sa main vint se poser sur la mienne, mettant fin à mes tremblements incessants.– Tu ne peux pas te voiler la face, Sarah, et même si c’est difficile entre vous pour le moment, tu

dois te montrer forte.– C’est si facile à dire…– Je sais. Mais tu l’aimes et il t’aime. Tout finira par s’arranger.Les larmes aux yeux, je plantai mon regard dans le sien et esquissai un faible sourire. Elle avait

raison… et le fait de les quitter ainsi me rongeait tant de l’intérieur que je me demandai si je pouvaisvraiment être capable de le faire de cette façon.

– Je pense que… nous devons parler tous les deux et…– Ne te mets pas de complications inutiles en tête, ma belle. Maddy t’adore et vous êtes une

famille maintenant, tu ne peux pas partir.231– Je le sais, Emma, mais… c’est si dur d’être…– Tu n’es pas Jenna, Sarah ! Tu ne le seras jamais ! Went en est conscient, la petite aussi, c’est toi

qui te mets ça en tête, mais personne n’a à te juger ! Vous vous aimez tous les deux, c’est indéniable !Vous méritez…

– Il est si… lointain en ce moment…– Alors, montre-lui que tu es là pour lui.Une larme s’échappa de ma paupière et je m’empressai de l’effacer tout en hochant la tête.– Je vais rentrer…Un large sourire se dessina sur ses lèvres, visiblement satisfaite par ma décision spontanée.Nous saluâmes le barman et partîmes.La faible accalmie de l’orage était déjà oubliée. Les nuages étaient gorgés d’eau et il n’y avait plus

beaucoup de temps avant qu’une pluie torrentielle s’abatte à nouveau sur la ville. Le ciel étaitsombre, ressemblant horriblement à l’abîme où j’avais plongé des années plus tôt.

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Cette constatation me fit perdre le fil de la réalité pendant quelques secondes où j’aperçus unéclair, éclairant la nuit d’une palette de couleur.

Je frémis malgré le spectacle magnifique. La main d’Emma se posa sur mon épaule et je me tournaivivement vers elle.

– Je pensais que tu détestais l’orage, toi !– Euh, ouais, ris-je tandis que la pluie commençait à tomber.– Allez, ma belle, rentre vite ! dit-elle en m’embrassant chaleureusement.– Merci pour tout, Emma.Elle m’envoya un baiser de la main avant de courir vers sa voiture.Je restai là, immobile, respirant l’odeur de la pluie. Je levai le visage vers le haut, l’offrant au vent

malgré le froid ardent de ce début de soirée.La température de l’air chuta brutalement et un second roulement de tonnerre puissant se fit

entendre au loin.Suivant mon instinct, je me mis à courir jusqu’à ma voiture. Vint alors la première rafale de vent

qui me fit chanceler légèrement. Je soupirai de soulagement une fois à l’intérieur.Je pris quelques instants pour me ressaisir et mis le moteur de la voiture en route.232Pendant les quelques minutes de trajet, je me perdis dans mes pensées, ne me préoccupant plus des

coups de tonnerre qui s’intensifiaient.Arrivée devant la demeure de Wentworth, je coupai le moteur et patientai. Emma avait raison sur

tous les points.J’aimais Went et j’étais convaincue que je n’aurais jamais assez de courage pour le quitter ainsi. Il

avait besoin de moi.J’avais BESOIN de lui !Un coup de tonnerre éclata à nouveau et je me dépêchai de sortir de la voiture. Je n’avais que

quelques mètres à faire pour me mettre à l’abri, mais quand j’arrivai près de la porte, je dégoulinaidéjà de partout.

– Bon sang, fulminai-je en enfonçant la clé dans la fente de la serrure.J’entrai, frissonnante de toutes parts. Un pli soucieux se dessina sur mon front en remarquant que la

maison était vide. J’avançai à pas léger dans le salon et allumai la lumière. L’heure indiquait un peuplus de vingt et une heures. Maddy devait déjà dormir, quant à Went, il était impossible qu’il fût déjàau lit.

Je secouai la tête et replaçai les mèches humides derrière mes oreilles.Je posai doucement mon sac sur la commode et ôtai ma veste collante.À cet instant, j’entendis un bruit léger provenir de la cuisine. Je déglutis péniblement avant

d’avancer vers la pièce.Je le trouvai bien là, installé à la table, un verre de scotch à la main.Mon cœur se serra de tristesse et de compassion. Il avait l’air si désemparé, perdu dans ses

pensées, tandis qu’il faisait tournoyer le verre sur la table. Je ne voyais pas son visage, mais jedevinai ses traits inquiets.

Je refermai lentement la porte, prenant soin de ne pas faire de bruit quand il marmonna quelquesparoles incompréhensibles.

Je me stoppai net et fermai les paupières.M’avait-il entendue ?Savait-il que j’étais rentrée ?

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Je finis par effacer le flot de questions qui malmenait mon esprit et me retournai vers lui.Son regard…Son visage…Ses yeux, injectés de sang, me fixèrent durement.Il était ivre et ma constatation fût vérifiée lorsqu’il entrouvrit les lèvres pour débiter des paroles

incohérentes.– Je sais… tu es revenue… Maddy… va-t'en.233Incompréhensible, je le fixai d’un regard interrogateur et m’approchai d’un pas vers lui.Il se leva d’un bond tout en laissant son verre se renverser sur la table.J’observai le liquide ambré s’écouler jusqu’au bord de la table avant de s'échouer sur le sol.Went fit abstraction de la petite flaque devant lui et s’avança vers moi, les poings serrés contre le

flanc de ses cuisses.– Tu es ivre, murmurai-je en plongeant un regard réprobateur dans le sien.– Pourquoi t’es venue ?– Je…– Maddy me l’a dit ! hurla-t-il furibond, en frappant le mur, juste à côté de mon visage.Je restai pétrifiée, n’ayant pas pris conscience que j’avais reculé à son approche. Son regard

vitreux m’effraya et les vapeurs d’alcool de son souffle me donnèrent la nausée.– Je suis désolée…– Tu es désolée ! Tu es désolée !Sur un ton enragé, il répéta ces mots, me faisant sursauter un peu plus tandis qu’il plaçait ses mains

de chaque côté de mon visage.Prisonnière, je fermai les paupières, refusant de lire cette lueur de haine dans le fond de ses iris.– S’il te plaît, Went… tu as trop bu…– Je sais…Sa voix était brisée par la peine à présent, toute colère évanouie.J’ouvris les paupières, plongeant mon regard dans le sien alors qu’il effleura mes lèvres du bout

de ses doigts tremblants. Où était-ce mes lèvres qui tremblaient ?– Ne pars pas… m’abandonne pas encore, Sarah…Son supplice m’arracha une vive douleur et sans m’en rendre vraiment compte, mes mains vinrent

prendre son visage en coupe.– Non… Went…Il me fixa, incrédule puis un sourire léger et triste à la fois étira ses lèvres. Nous nous fixâmes un

moment et sans prévenir, il écrasa sa bouche contre la mienne.Je fermai les paupières, prise en otage entre mon cœur et ma raison. Je voulais répondre à son

baiser, à l’étreinte qu’il forçait sans ménagement 234en écrasant son corps contre le mien, mais je ne voulais pas que cela se passe ainsi, pas comme ça.

Dans un élan rationnel, je le repoussai alors, le laissant ahuri pendant un bref instant.– Pas maintenant… pas comme ça, murmurai-je avant de secouer la tête pour confirmer mon refus.Il fit un pas en arrière, une lueur indéchiffrable dans les yeux.Je sentais que la colère, qui s’était pourtant atténuée pendant ces quelques minutes, grandissait

dangereusement.– Je t’en prie, Went… tu devrais monter te coucher…– Je suis pas un gosse, Sarah ! s’écria-t-il – Alors, comporte-toi en adulte ! hurlai-je à mon tour,

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furieuse de son comportement irresponsable. Ta fille est à l’étage, bon sang ! Et je te retrouvecomplètement ivre…

– Je… Tu veux… partir…Le timbre de sa voix était entrecoupé par la panique et je culpabilisai pendant une fraction de

seconde. Je ne pouvais pas le laisser dans cet état.Je pris une profonde inspiration avant d’effacer les derniers mètres qui nous séparaient.Lentement, je levai une main vers son visage puis la posai sur son épaule.– Je vais t’aider à monter, d’accord ?Il hésita un instant et tituba en arrière, je le rattrapai en poussant un soupir de résignation.– Allez, viens avec moi, lui ordonnai-je d’une voix douce en passant un bras autour de sa taille.– Je t’aime Sarah…– Je sais, répondis-je en l’entraînant hors de la pièce.– Je t’aime… d’puis toujou... rs…Un sourire se dessina sur mes lèvres, remarquant l’emprise de l’alcool sur ses capacités à

s’exprimer correctement.– Tu vas réussir à monter à l’étage ? lui demandai-je en arrivant près des marches de l’escalier.Il hocha la tête, s’accrochant à mes épaules. Je dus me stopper pour reprendre mon souffle tandis

que nous montions les premières marches.– Attends un peu…– Je… dormir…Je roulai des yeux. C’était évident qu’il avait grand besoin de dormir.235– Je sais… encore un petit effort, lui dis-je en continuant notre ascension.Quelques minutes plus tard, je le laissai retomber sur son lit et étirai mes muscles douloureux

avant de le contempler un instant. Il avait les yeux clos, mais sa respiration chaotique m’informaitqu’il ne dormait pas.

– Je vais t’enlever tes chaussures, l’informai-je en m’y attaquant.Une fois déchaussé, je ramenai ses jambes sur le lit et m’installai à son côté. Mon regard se riva au

sien.– Reste avec… moi…Je secouai la tête.– Dors, on parlera demain matin.Je me levai et m’apprêtai à partir quand sa main agrippa la mienne.– Went…– J’ai besoin… toi…J’hésitai, ne voyait-il pas que je souffrais de cette situation ?– Sarah, reste…– D’accord, acquiesçai-je, résignée.Un large sourire étira ses lèvres et je secouai la tête, navrée d’être aussi naïve face à cet homme.– Pousse-toi un peu, râlai-je en le frappant à l’épaule.Il se poussa dans un râlement rauque.Irritée, j’ôtai mes chaussures et m’allongeai contre le bord du lit, évitant tout contact avec lui. Il ne

broncha pas et je pus fermer les paupières, sachant pertinemment que la nuit serait longue. Ils’endormit quelques minutes plus tard, ronflant tel un grizzli enrhumé.

Je m’autorisai alors à respirer plus profondément avant de tenter d’enlever son bras qui venait de

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prendre refuge sur mon ventre. J’y parvins avec habilité et me retournai sur le côté. Les yeux clos, lecœur gros, j’espérai plonger rapidement dans un sommeil apaisant quand, tout à coup, je sentis untapotement sur mon épaule.

Le regard plissé, je tournai lentement la tête et j’eus l’impression que mes yeux sortirent de leursorbites à la vue du visage rieur de Went à quelques centimètres du mien.

– Beuh !Je sursautai, paniquée par cette petite blague de mauvais goût alors qu’il se mettait à rire aux

éclats.236Bondissant hors du lit, je le foudroyai d’un regard mauvais et balbutiai à grande peine :– Tu… es stupide !Furieuse qu’il continue à pouffer, je fis volte-face dans l’intention de quitter cette pièce où les

effluves d’alcool se mélangeaient à son odeur quand il s’excusa :– Pardon… ne-moi…Mes paupières se fermèrent alors que mon cœur se soulevait dans ma poitrine.– Tu devrais dormir, Went… Je vais voir si Maddy va bien et j’irai en bas pour nettoyer un peu…– Mm…Surprise qu’il ne me retînt pas plus que ça, je me retournai vers lui et, découragée à la vue de son

visage endormi, je m’adossai quelques secondes contre la porte et le contemplai.23720APRES LA TEMPÊTE…SarahJe n’avais pas fermé l’œil de la nuit, m’attendant sans doute ou espérant plus ou moins que Went

vint me retrouver, mais je devais me rendre à l’évidence, l’alcool l’avait plongé dans un étatcomateux.

Ce matin, il dormait toujours et je ne voulais pas le réveiller.Je terminai de préparer le petit-déjeuner de Maddy tandis qu’elle dessinait sur la table de la

cuisine.– Sarah ?– Oui, ma puce ?– Hier papa a crié sur toi ?Je déglutis péniblement et secouai la tête tout en posant son bol de céréales devant elle.– Non, il était juste un peu en colère.– C’est ma faute.– Mais non.– Si, je lui ai dit que tu allais partir et il… a pleuré, et il m’a crié dessus.Peinée, je m’installai à son côté et effleurai sa joue du bout des doigts.– Ce n’est pas de ta faute, ma chérie. Ton papa est très énervé en ce moment, ce n’était pas après

toi.Ma réponse n’eut pas l’air de la rassurer.Je soupirai doucement et observai son petit visage qu’elle gardait baissé vers son bol.– Tu veux rester à la maison, aujourd’hui ? lui demandai-je en entendant un grondement de tonnerre

au loin.Elle secoua la tête et attrapa sa cuillère qu’elle plongea dans son bol.

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– Non… je dois ramener mon dessin à Kristie.238– Kristie ?– C’est ma nouvelle copine.– Oh, c’est super ! m’exclamai-je en souriant tandis qu’elle captait mon regard. Et tu lui as fait un

dessin ? C’est pour elle celui-ci ?demandai-je en plissant le regard, prenant la feuille dans la main.Elle ne me répondit pas alors que j’observai les deux anges – ce que je soupçonnais d’être en

voyant deux formes ailées dans leurs dos – qu’elle avait dessinés. Ils tenaient la main d’une petitefille aux cheveux blonds.

– C’est son papa et sa maman, murmura-t-elle d’une petite voix.Immédiatement, l’inquiétude et la tristesse s’affichèrent sur son visage.Mon cœur se serra douloureusement, mais je n’eus pas le temps de confirmer mes propres craintes

qu’elle m’informât : – Ils sont morts…Je retins mon souffle, bouleversée par le regard qu’elle plongea dans le mien.– Tu crois que c’est vrai que maman est toujours là, mais qu’on ne peut pas la voir ?Mes yeux se fermèrent. J’inspirai profondément et ancrai mon regard au sien en acquiesçant d’un

mouvement de la tête.– Oui… maman veille sur toi, Maddy. Elle sera toujours auprès de toi.Un léger sourire de satisfaction étira ses petites lèvres pleines, illuminant son visage.Je répondis à son sourire tandis que j’éprouvais intérieurement un mal fou à rester sereine quant au

déchaînement émotionnel qui s’insinuait en moi.Il fallait que je parvienne à garder ce sourire, tout comme elle l’avait en ce moment. Je me levai de

la chaise et entrepris de nettoyer un peu la cuisine, soulagée qu’elle terminât son petit-déjeuner dansun silence apaisant.

Je l’aidai ensuite à ranger ses crayons de couleur que je plaçai dans son petit cartable. Ellem’amena sa feuille de dessin que je calai entre son livre d’images et son cahier.

– Tu es prête ?Elle hocha la tête rigoureusement et j’esquissai un large sourire, ravie de retrouver une petite fille

à la joie de vivre.En était-ce terminé de celle maussade et au regard triste ?239Je n’avais pas la réponse, mais j’aimais la voir ainsi, pétillante et enthousiaste à la journée qui

s’annonçait. Malgré le temps orageux et…pluvieux, constatai-je en grimaçant en sortant de la maison.Je serrai sa main dans la mienne, l’entraînant au pas de course jusqu’à la voiture. Tandis que je

l’attachai sur son siège, les trombes d’eau diluvienne s’abattaient sur mon dos.Une fois installée, je contournai la voiture d’un pas rapide, agacée par le vent violent qui plaqua

mes cheveux trempés sur mon visage.– Faut être fous pour sortir avec un temps pareil ! râlai-je en refermant ma portière.– Tu as encore peur de l’orage ?Je me tournai vers la petite qui attardait un regard moqueur dans le mien.– Euh, toi aussi tu as peur de l’orage !– Non, j’ai plus peur.Surprise, je la dévisageai un instant et pouffai au rire qu’elle laissa échapper.

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– J’ai compris, marmonnai-je avant de soupirer de résignation. Je mérite alors que tu te moques demoi !

– Mais non, je rigole pas de toi.– Ah non ? demandai-je, peu convaincue par sa réponse en jetant un œil vers cette petite railleuse.Le sourire radieux sur les lèvres, elle secoua la tête, puis le cœur plus léger, je mis le moteur en

marche en direction de l’école.WentAgressé par les rayons du soleil qui s’infiltraient dans ma chambre, je me risquais à ouvrir un œil.

La lumière s’insinuant à travers mon iris me fit immédiatement refermer les paupières. J’avais mabouche pâteuse, et mon crâne me faisait atrocement souffrir. Mes narines, obstruées par un rhume auxodeurs de scotch, m’agaçaient.

Je fus obligé de respirer par la bouche même si l’air imprégné d’alcool irritait davantage mesganglions, rendant mon mal de gorge épouvantable.

Je soupirai, pensant immédiatement à Sarah. Elle devait être tourmentée par ma faute… de l’étatqu’elle m’avait trouvé la veille, à son retour…

240Alors que je tentais désespérément de me souvenir des paroles blessantes que je lui avais lancées,

je remarquais sur la table de chevet un tube de paracétamol et un verre d’eau.J’esquissai un faible sourire avant de l’effacer aussitôt à la lancinante douleur de mes tempes.Dans un geste instinctif, j’attrapai le tube de comprimé et en sortis un avant de le plonger dans le

verre. Je fixai ensuite le plafond d’un blanc immaculé. Pendant qu’il fondait, je constatais avecétonnement qu’il n’y avait aucun bruit dans la maison. Je tournai la tête vers le réveil.

8 h 25.Elle devait être partie à l’école avec Maddy.Un coup de tonnerre me fit sursauter et je marmonnai des paroles incompréhensibles.L’esprit cotonneux, je me risquai à me redresser sur le lit et avalai d’un trait mon médicament,

priant intérieurement pour qu’il produise ses effets antalgiques sur ma gueule de bois.8 h 42.Je tendis l’oreille et le néant me faisait toujours face. Elle n’était pas rentrée et je me demandais

pendant une minute si je n’avais pas imaginé l’instant de la veille au soir alors qu’elle m’avait ditqu’elle resterait avec moi et Maddy.

Non.Si je n’arrivais pas à me souvenir de tout ce qui s’était passé à son retour, ses paroles étaient bien

ancrées à mon esprit.Elle l’avait bien dit qu’elle resterait.J’en étais sûr !Grognant contre mes réflexions stupides, je me levai doucement, prenant soin de ne pas faire de

gestes brusques inutiles pour réveiller mon mal de crâne qui, heureusement, pour l’instant s’était unpeu calmé.

Je décidai alors de prendre une bonne douche avant d’aller retrouver Sarah.Sarah…Elle m’avait tant manqué durant ce séjour en Chine qui d’ailleurs s’était terminé en catastrophe.Quelques minutes plus tard, je fermai les paupières, savourant l’eau chaude sur mon visage, et

attrapai le gel douche de la main gauche.– Merde, pestai-je contre ma capacité restreinte à tenir quelque chose 241

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en main.Je ramassai le flacon et me relevai en douceur en souriant de satisfaction. Je n’avais presque plus

mal au crâne.Merci, Sarah…Comme j’étais pathétique !J’aurais dû laisser le culte de la cuite à mes dix-huit ans… et non quand j’avais la possibilité de

commencer une histoire d’amour, une nouvelle vie avec celle que j’aimais depuis toujours.Quel con !SarahJe rentrai enfin à la maison – chez Went –, dans un état déplorable.Mes cheveux ne ressemblaient plus à rien. Les mèches humides et crasseuses plaquées sur mon

visage me gâchaient la vue et je me pris les pieds dans le tapis du salon.Je jurai – rare chez moi –, mais le début de matinée que je venais de passer ne fut qu’un calvaire

insurmontable. Je trottinai presque sur un pied jusqu’à la cuisine où je m’effondrai sur l’une deschaises.

Pas question de tacher le canapé du salon. Je pouffai nerveusement et décollai – comme je lepouvais – la boue de mon visage et rabattis mes cheveux vers l’arrière.

Pourquoi avait-il fallu que je crève sur le chemin du retour ?J’étais si pressée de rentrer afin de voir s’IL était enfin en état pour discuter. Et ce camionneur

dégoûtant qui n’avait pas trouvé mieux d’accélérer dans une flaque boueuse alors que je le priai des’arrêter pour me donner un coup de main à changer ma roue !

Merde !La Terre était plus peuplée de cons que de gens courtois !Un rire s’échappa de ma gorge à ma réflexion futile, moi qui avais brandi mon majeur à l’adresse

de ce camionneur, j’étais mal placée pour parler « des cons » sur Terre ! Puis, je balayai d’un regardsévère et ahuri mes vêtements dégoulinants.

– Une bonne douche s’impose !Je me relevai vivement de la chaise, oubliant la douleur lancinante de ma cheville.– Merde !242Je me baissai et la massai doucement avant d’enlever mes chaussures, chassant l’image de ma

chute mémorable où j’avais atterri dans un fossé vaseux.Je lançai un coup d’œil à la pendule de la cuisine.9 h 07.Je fermai les paupières pendant une brève seconde, me demandant s’il était enfin réveillé. Puis je

sortis de la pièce, sautillant sur mon pied droit toutes les cinq secondes.Une fois parvenue à l’étage, je me stoppai et récupérai durant un instant. Le souffle retrouvé, je

poursuivis jusqu’à la salle de bain avant de jeter un coup d’œil vers la porte de SA chambre. Celle-ci était fermée, je soupirai, songeant qu’il dormait toujours.

Manquerait plus qu’il me trouve dans cet état !J’ouvris la porte de la salle de bain, l’esprit ailleurs et la refermai.L’odeur du savon et la chaleur de la pièce auraient dû m’indiquer qu’elle était utilisée. Or, je n’en

pris pas conscience avant de croiser son regard.Il était là, une serviette éponge autour de la taille, en train de me dévisager. Ses yeux brillaient

d’un éclat insoutenable. Intense, douloureux, triste…

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– Je… je… excuse-moi, balbutiai-je en me retournant, prête à quitter la pièce dans la seconde.Mais celui-ci ne l’entendit pas de cette oreille. Vivement, deux grosses mains fermes

m’immobilisèrent par les épaules.Mon cœur eut un raté.L’irritation me gagna puis l’abandon me figea quelques instants.Lentement, il me fit tourner jusqu’à ce que je me trouve face à lui. Ses mains restèrent sur mes

épaules et je fus incapable de me libérer. Même si je ne fis aucun effort pour y parvenir.– Sarah…Je levai les yeux vers les siens et observai l’interrogation dans son regard. Je compris une seconde

plus tard qu’il s’interrogeait sur l’état pitoyable de ma petite personne.– Oh, je… j’ai eu un petit accident.– Un accident ?!Je déglutis péniblement, prenant connaissance de son inquiétude.– Ce n’est rien, c’est juste que j’ai crevé en chemin après avoir déposé Maddy à l’école et… j’ai

dû me débrouiller toute seule pour changer la 243roue.– Et tu t’es retrouvée dans… la boue de quelle manière ? demanda-t-il en laissant un sourire se

dessiner sur le coin de ses lèvres.Il se foutait de moi ?!– Euh… un camion est passé près de moi… il y avait une flaque de boue et… il m’a

éclaboussée…Il me jugea un instant d’un air sérieux puis balaya mon corps boueux d’un regard moqueur.– C’était vraiment… une flaque de boue ?– Euh oui, mais…– Mais ?Je devais cesser de le regarder. Mais son regard captivant à souhait m’en empêchait…– Je… quand il m’a éclaboussée, j’ai perdu l’équilibre et j’ai glissé…je me suis retrouvée dans…Je m’interrompis, comprenant qu’il avait du mal à retenir un fou rire à l’écoute de ma mésaventure.– Ce n’est pas drôle, lançai-je en le foudroyant d’un regard réprobateur.Il esquissa un sourire plus doux, rendant mon bouleversement intérieur plus grand.– Tu aurais dû m’appeler.– Tu dormais.– Tu aurais dû me réveiller.– Tu ne devais pas être en état de conduire et j’ai su me débrouiller toute seule, tu sais.Il plissa le regard.– Tu as changé la roue…– Oui, le coupai-je en haussant un sourcil inquisiteur. C’est si dur à imaginer ?– Non, me répondit-il en lâchant enfin sa prise sur mes épaules. Mais j’aurai pu t’aider…Je secouai la tête et reculai d’un pas quand je perdis l’équilibre.– Aie !– Tu t’es blessée ? me demanda-t-il en m’attrapant par la taille.Je fermai les yeux, pestant contre la douleur de ma cheville.244– Oui… à la cheville, mais ça va passer, répondis-je tout en prenant soin d’éviter son regard.

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– Sarah, murmura-t-il d’une voix douce.Je relevai la tête, plongeant mes yeux dans les siens. Ce que je n’aurais pas dû faire. Je me sentis

fondre, déraisonnablement…Pendant quelques secondes qui me parurent une éternité, je me perdis dans son regard azur intense

où mon reflet se projetait. Je voulais détourner les yeux, mais il m’en empêcha, emprisonnant monvisage entre ses mains.

Il me fixait de façon à me déstabiliser incroyablement.Sa main caressa ma joue sans préambule, dessinant mes traits du bout de ses doigts jusqu’à ce

qu’ils se posent sur mes lèvres tremblantes. Elles devaient d’ailleurs être bleues tant j’étaisfrigorifiée.

Je fus incapable d’effectuer le moindre mouvement pour mettre fin à ses caresses de purestendresses. Je savais que je faisais une erreur en restant auprès de lui ainsi, à y prendre du plaisir.

– Tu m’as manqué, Sarah…Sa voix rauque me fit l’effet d’une bombe.Pendant une brève seconde, j’ordonnai à mon cerveau de mettre fin à cet échange immédiatement,

mais lorsque son regard s’ancra au mien avec une intensité profonde, j’y lus une pure sincérité etlaissai tomber comme par enchantement toutes les barrières que j’avais dressées autour de moi pourne plus souffrir.

– Tu… j’ai froid, Went, grelottai-je en déglutissant péniblement.24521LÀ OÙ J’ESPERAIS ÊTRE…SarahWent baissa les yeux sur mon corps tremblant et recula vers la douche.Avant que je ne compris, il alluma l’eau et je ne pus faire marche arrière lorsqu’il se replaça

devant moi.– Attends, je vais t’aider… me dit-il en retirant ma veste trempée.Voilà…– Merci…Je le regardais, espérant silencieusement qu’il sorte de cette pièce pour que je puisse me mettre

sous la douche, mais il n’en fit rien.– Sarah, je… suis désolé pour hier.– Je sais que tu l’es, Went.– Je n’ai pas le droit de te faire subir tout ça…Je l’interrompis, sa voix torturée me peinait bien trop pour que je continue de l’écouter.– Arrête…– Je n’aurais pas dû en parler à Maddy.– Ne me repousse pas… je t’en prie, supplia-t-il avant de m’attirer contre lui.Je fermai les paupières, déboussolée par cette prière.Son souffle chaud dans mon cou me réchauffa quelque peu et son odeur… divinement meilleure

que celle de l’alcool de la veille…Je devais me reprendre…Mais je n’en avais pas envie…J’avais besoin de réconfort, de sa chaleur, de lui, tout simplement…– Je t’aime tellement, murmura-t-il près de mon oreille.

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Une larme roula sur ma joue, libérant ainsi tous les doutes et incertitudes. Mes bras se refermèrentsur sa nuque et je le serrai contre 246

moi avant de prendre conscience que j’allais le salir. Je me reculai vivement et grimaçai par mongeste brusque, remarquant la désapprobation dans son regard et de la tristesse qui en suivit alorsqu’il fixait mon visage avec tendresse.

Doucement, ses doigts vinrent effleurer ma joue et je baissai la tête avant de balayer mes pleurssilencieux.

– Laisse-moi t’aider, Sarah, me dit-il d’une voix douce en m’attirant contre lui.– Je vais t’aider à enlever ça, ne bouge pas, chuchota-t-il près de mon oreille avant d’en embrasser

doucement mon lobe.Je manquais de m’évanouir à la sensation incroyable que ce baiser venait de provoquer en moi. Je

le laissais faire tandis qu’il m’enlevait mon haut.– Lève les bras.J’obtempérais, incapable de le repousser.– Tu devrais partir d’ici, Went, murmurai-je d’une voix rauque.Il recula son visage pour ancrer son regard au mien.Un sourire en coin habitait ses lèvres et je crus pendant un instant que mes jambes cessaient de me

porter.Tendrement, il prit mon visage en coupe entre ses mains et posa son front contre le mien.– Tu m’as tellement manqué, Sarah, dit-il à nouveau en fermant les yeux.– Toi… aussi, Went. Tu m’as manqué, avouai-je enfin avant de passer mes bras autour de lui pour

me blottir contre son torse.Je l’entendis soupirer de soulagement avant qu’il referme ses doigts plus fermement contre moi.Nous restâmes une longue minute ainsi, peut-être deux, l’un contre l’autre. Il fit quelques va-et-

vient dans mon dos, espérant sûrement me réchauffer, mais le contact de ses doigts sur ma peau nueme provoqua des frissons interminables. Je le sentis ensuite reculer légèrement et j’eus du mal àdesserrer mes bras pour le laisser faire.

Il m’avait vraiment manqué et j’avais besoin de lui, de sa présence, et mes observations me firentoublier tout le reste.

– Regarde-moi.Lentement, je levai les yeux vers lui et sentis mon cœur se soulever de bonheur à la lueur de désir

dans ses iris océan. Il se mit alors à caresser 247mes lèvres du bout de ses pouces puis se rapprocha encore. Il attendait quelque chose de ma part et

je le constatais à son regard suppliant.Il voulait que je fasse le premier pas.C’était évident.Alors, je posai les mains sur ses épaules, me hissant sur la pointe des pieds, et approchai mes

lèvres des siennes.– Sarah…Son murmure rauque aurait très bien pu m'aider à me ressaisir, me remettre les idées en place,

mais je n’en avais pas envie, bien trop pressée... J’étais prête à laisser tomber les barrières quej’avais dressées devant lui jusqu’à lors.

Ces quelques jours d’absence m’avaient fait prendre conscience que je ne pouvais plus taire lessentiments intenses que j’éprouvais toujours pour lui, et le fait de voir cette petite fille qui pleuraitmon départ proche m’avait fait réaliser combien j’avais été stupide.

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– Sarah… répéta-t-il doucement alors que je frôlais ses lèvres d’une douce caresse.Je craignais au plus profond de moi qu’il me repousse, mais il n’en fit rien. Son regard perçant

restait ancré au mien, me suppliant ainsi de faire quelque chose. J’esquissai un léger sourire etbaissai les yeux, honteuse de l’avoir fait attendre depuis tout ce temps, mais je pris un malin plaisir àle faire patienter encore un peu.

– Cesse ça tout de suite, Sarah, car je ne pourrai pas…– T’arrêter ? lui demandai-je en souriant tout en posant mes mains contre son torse.Je le vis serrer les mâchoires.S’il pensait que j’allais lui faciliter la tâche, il se trompait !Lentement, je levai une main vers son visage et caressai ses traits parfaits du bout des doigts. Il

gardait les yeux fermés et je souris bêtement, amusée, en constatant qu’il avait du mal à respirer. Jedécidai toutefois de mettre fin au supplice, sachant pertinemment que je n’aurais jamais su tenir aussilongtemps.

Mais j’approuvais qu’il eût tenu sa parole. À savoir qu’il ne ferait plus jamais le premier pas, caril voulait que je prenne la bonne décision… la mienne.

Et je m’apprêtai à le faire, tout en déglutissant péniblement et en essayant vainement de balayer lesderniers doutes que je gardais encore au 248

fond de moi. Mais ceux-là s’envolèrent à la seconde même où je posais mes lèvres contre lessiennes.

Stupéfaite par la douceur de sa bouche contre la mienne, je savourai ce baiser que je désirais tant.Mais très vite, la douceur se transforma en un empressement avide que je suivis avec plaisir, lelaissant prendre la direction du ballet sauvage de nos langues. Un gémissement de plaisir s’échappade nos bouches tandis que nos langues dansèrent, valsèrent l’une autour de l’autre, ignorant le tempode nos cœurs assourdissants.

– Oh, Sarah… murmura-t-il en mettant fin à notre baiser avant de venir enfouir son visage dansmon cou.

Je fermai les yeux et laissai ma tête se jeter en arrière à ses baisers humides sur ma peau. Il meserra contre lui avec une telle force que mon souffle se coupa rapidement.

– Went, gémis-je dans un murmure.Troublée par les émotions qu’il me faisait ressentir avec ses mains se baladant sur mon corps, ses

lèvres glissant dans mon cou, je perdis toute réalité, me préoccupant uniquement de lui, de nos corpstremblants de désir l’un pour l’autre.

– Je t’aime tellement, Sarah…Je me redressai lentement et me perdis dans son regard intense où des éclats d’argents s’y

reflétaient parfaitement.– Went… je suis si désolée de…– Chut, me coupa-t-il en posant ses doigts contre mes lèvres. Je comprends.Émue, je m’efforçai à ne pas pleurer, mais les larmes étaient présentes dans mon regard.Lentement, et avec une douceur extrême, il passa le bout de ses pouces sous mes yeux et posa

délicatement son front contre le mien.– Si tu savais depuis quand j’attends ce moment, Sarah…– Alors… arrête de parler, lui dis-je avant de capturer ses lèvres.Je sentis son sourire contre ma bouche puis il répondit à mon baiser avec passion alors que

j’accrochais une main à sa nuque, ne lui laissant plus la possibilité de m’échapper. Je me pressaicontre lui avidement, comme si je voulais faire fusionner mon âme avec la sienne. J'avais

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l'impression que mon corps tout entier irradiait d'une brûlante chaleur, que j'allais me consumer surplace...

249Et tandis que ses lèvres, fermes et douces, ravageaient les miennes, mes gémissements de plaisir

étaient étouffés par ses baisers.Que ses bras m'étreignaient… que sa langue taquinait la mienne, je m'oubliais totalement.Je ne savais plus qui j'étais ni où j'étais...La seule chose dont j'étais consciente était que ses lèvres s'accordaient avec perfection aux

miennes.Avant que je ne le réalise, il me souleva dans ses bras, m’emmenant dans la cabine de douche.– Went…Je gémissais, incapable de continuer.Ses mains me caressèrent, cajolèrent ma peau frémissante, la nettoyant avec soin, ôtant les

lambeaux de boue séchés qui collaient à mon cou. Il tenait la bouteille de shampooing dans une mainet de l’autre, malaxait mes cheveux avec douceur.

Je cessai alors de l’embrasser et vrillai mon regard au sien. Mise à nue devant lui, j’esquissai unfaible sourire et écrasai ma bouche sur la sienne dans un élan fougueux.

Sa serviette, encore accrochée à ses hanches, ne tarda pas à glisser le long de ses jambes.Il m’étreignit avec fermeté, plaquant ses lèvres dans mon cou. Un gémissement de plaisir

s’échappa de mes lèvres alors qu’il s’amusait à mordiller le lobe de mon oreille.J’allais perdre patience…Ivre de désir, je le repoussai, les paumes de mes mains contre son torse.– Viens… souffla-t-il en m’attirant dans ses bras.Je m’accrochai à ses épaules et entrepris de lui donner une myriade de baisers sur son visage

jusqu’à ce que nos lèvres s’unissaient à nouveau dans des râles de plaisir absolus.L’esprit cotonneux, perdue dans un brouillard de délices exquis, je pris vaguement conscience

d’être dans la chambre.Il m’installa délicatement sur le lit et j'eus l'étrange impression que tout cela se fit en moins de

quelques secondes.Went détacha ses lèvres des miennes, les dirigea à nouveau vers mon cou et parsema ma peau de

délicats baisers qui me firent frissonner de plaisir.250Une de ses mains caressa ma cuisse, remontant toujours plus haut.– Je ne veux pas te perdre, Sarah, me dit-il dans un souffle avant de replonger sur mes lèvres.J’étouffais un gémissement de plaisir et, très vite, ses mains entreprirent leur exploration sur mon

corps frémissant. Je le laissais faire, voulant à cet instant sentir sa peau contre la mienne.À bout de souffle, il mit fin à notre baiser, continuant malicieusement de caresser des parcelles de

peau encore jamais explorées.– Tu es sûre que c’est ce que tu veux ?Sa voix était hésitante.Son regard s’ancra au mien, attendant silencieusement mon autorisation pour poursuivre nos ébats

amoureux.– Oui… je n’ai jamais été aussi sûre de moi qu’à cet instant, murmurai-je, émue avant qu’il

m’attire contre lui.– Je t’aime Sarah.

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– Je t’aime aussi Went… depuis toujours, répondis-je avant de l’embrasser.Très vite, le besoin de ne faire qu’un se fit pressant. Notre baiser se fit presque violent, sauvage,

comme si nous avions attendu cet instant depuis le premier jour. Ses gestes étaient précis tandis quesa bouche continuait de fouiller la mienne, laissant nos gémissements de plaisir se libérer de bongrès.

Je me retrouvais sous lui, dans ses bras, alors que je pris l’initiative de caresser son corps. Ilesquissa un léger sourire d’amusement contre mes lèvres alors que j’attardai mes mains sur son bas-ventre.

Il quitta mon visage pour le prendre entre ses mains, me contemplant d’un regard brillant de désiret de plaisir manifeste. Puis, avec douceur, il reprit notre baiser…

– Went… gémis-je, éperdue dans ce flot d’émotions encore inexistantes à mes yeux.Je frissonnai alors qu’il descendait ses lèvres vers ma poitrine. Il releva les yeux vers mon visage

et je me surpris à vouloir passer les préliminaires qu’il commençait. Je n’avais qu’une hâte qu’il mefasse l’amour immédiatement, le besoin urgent de le sentir en moi en devenait plus que vital.

– Viens, lui ordonnai-je en le ramenant quelques minutes plus tard vers mon visage.251J’effaçais le sourire de satisfaction de mes lèvres et il m’embrassa avec fougue, mélangée à la

mienne, elle nous amena aussitôt à l’instant tant attendu…Allongé au-dessus de mon corps, il se redressa sur un coude afin de lire à nouveau dans mon

regard pour savoir si je n’allais pas regretter ce qui était sur le point d’arriver. Mais rapidement, ilcomprit que j’étais prête et nos lèvres fusionnèrent à nouveau tandis qu’il écartait une de mes jambesafin de plonger en moi…

Je fermais les yeux, me sentant partir à la douceur avec laquelle il entra en moi.Nos regards s’ancrèrent l’un à l’autre. J’avais l’impression d'être enfin complète, entière.Il fit des va-et-vient amples et rapides, tandis que mes ongles s'enfonçaient dans sa peau, y laissant

des traces de griffures.J'enroulai étroitement mes jambes autour de sa taille, voulant le garder au plus près de moi que

possible. Sa tête était dans le creux de mon cou, où il laissa des baisers brûlants, alors qu'il meprenait de plus en plus fortement.

Je me laissais aller au plaisir dans ses bras, emplissant l'air de doux gémissements et de cris deplaisir.

J'entendis à peine ses râles et ses grognements, tant j'étais perdue dans l'extase.J'étais proche, tellement proche...Il passa ensuite un de ses bras sous ma taille, me collant davantage à lui, avant de m'embrasser

passionnément. J'avais l'étrange impression que nous étions connectés l'un à l'autre, comme si nosâmes communiaient.

Je me sentais liée à lui...– Viens pour moi, mon ange, laisse-toi aller... susurra-t-il d'une voix rauque à mon oreille.Comme si son approbation était tout ce qu'il me fallait pour atteindre le septième ciel, je me

laissais aller dans un grand cri de plaisir que j'essayai en vain d'étouffer contre son épaule tandisqu’il se perdait en même temps dans notre monde, celui que je n’étais plus prête à quitter pour quoique ce soit ni pour qui que ce soit.

252WentNos respirations haletantes, nous restâmes immobiles quelques minutes, savourant le simple fait

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d'être l'un contre l'autre, avant que je ne me retire finalement d’elle, là où je savais qu’était ma place.Je l’attirai ensuite contre moi et embrassai le haut de son crâne alors qu’elle venait de poser sa têtecontre mon torse.

– Sarah… ça va ?– Mm… très bien, souffla-t-elle en redressant la tête afin d’atteindre mon regard.Je lui souris amoureusement et, pour la première fois, je me sentis heureux, libéré de cet amour que

je gardais au fond de moi.– J’étais… idiote, Went… pardonne-moi.Je fronçais les sourcils, ému malgré l’inquiétude que j’éprouvais à cet aveu.– Pourquoi ? Tu n’as rien fait de mal, Sarah. C’est moi qui n’ai pas su mettre les choses au clair.

Je t’ai fait souffrir et…– Chut… c’est le passé à présent, m’interrompit-elle en passant ses doigts sur mon visage.Je hochai la tête, ému.J’avais tellement attendu ce bonheur avec elle que j’avais fini par accepter le fait qu’elle puisse

me quitter un jour. Mais à cette minute, je constatais que plus rien ni personne ne pourrait nousséparer. Depuis toujours, j’avais aimé Sarah et j’étais certain que c’était la femme que j’attendais,que j’espérais…

– Mon dieu, murmura-t-elle comme si elle venait de prendre conscience de la tournure desévénements. On a perdu tellement de temps tous les deux…

Je lui souris, amusé par son soupir tandis qu’elle s’allongeait sur moi…– Promets-moi, Sarah, que tu resteras maintenant ?– Je… te le promets, Went, balbutia-t-elle, émue à la vue de mon regard brillant de larmes. Je

t’aime plus que tout, je t’aime depuis le début, mon amour… m’avoua-t-elle avant d’écraser meslèvres des siennes et de m’embrasser dans un baiser qui nous mènerait sans aucun doute vers unsecond instant de plaisir intense…

253ÉPILOGUEUNE PAGE QUI SE TOURNE…Maddy– Je ne sais pas exactement de quoi sera fait mon avenir, mais je suis là aujourd’hui pour la

dernière fois… certainement la dernière fois, et ce dont je suis certaine c’est que tu me manqueras.Depuis que tu es partie, je ne cesse de penser à toi… Je ne pourrai jamais t’oublier.

Je secouai la tête lentement, retenant les larmes qui me brouillaient la vue.Le vent était frais et mon corps se mit à frissonner de manière violente.Je tournai la tête, espérant que mon père était resté assez éloigné comme il me l’avait promis.

J’esquissai un léger sourire, satisfaite qu’il ait tenu sa parole, et compris à son regard qu’il était là,prêt à me soutenir comme toujours.

J’inspirai profondément avant d’engouffrer mes mains dans les poches de ma veste, prenantconscience qu’il était préférable que je le fasse, reniant ainsi l’envie d’effleurer cette plaque demarbre où le nom de ma mère était inscrit.

Puis, prenant de nouveau une longue inspiration, je m’adressai à elle, posant furtivement le regardsur la plaque de marbre voisine à celle de maman.

– Tu dois te demander pourquoi je suis ici à cette période… C’est tout simplement que grand-pèret’a rejoint au début de l’année, mais tu dois le savoir… Papa me dit qu’il veille sur toi comme tu astoujours veillé sur moi.

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Je m’arrêtai et laissai un rire nerveux s’échapper de mes lèvres pour enfouir cette souffrance aufond de moi.

– Je l’ai toujours cru d’ailleurs… même si pendant pas mal de temps j’ai toujours pensé que j’étaisseule… Enfin, Sarah s’est toujours bien occupée de moi, tu sais, et je la considère comme ma mèredepuis 254

longtemps, mais… Je me souviens quand j’étais petite… qu’on était toutes les deux… toutesseules, tous les moments qu’on passait ensemble et ça me manque… ça me manquera toujours.

Je me sentais stupide de laisser les larmes rouler sur mes joues rougies par le froid hivernal.D’un geste rageur, je les balayais de mon visage avant de déglutir péniblement en remarquant que

mon père s’approchait doucement dans ma direction.– Papa arrive… Je sais qu’il veut te dire au revoir aussi et je devrais peut-être me dépêcher…

bref… on va partir, maman… Et je ne crois pas que j’aurais l’occasion de revenir te voir, ainsi quegrand-père, mais je voulais que tu saches que je ne t’oublierai jamais…

Je pestai intérieurement, refoulant les larmes d’adieu de mon visage avant de m’infliger une claquementale et de reprendre : – On part en France… On va y vivre parce que papa… Il est devenuréalisateur et il va produire en France, c’est génial, hein ? Il voulait faire autre chose que ce que faitHollywood, mais tu ne dois pas être surprise…

Et puis… Oncle Sébastien et tante Elena sont là-bas depuis plus de deux ans maintenant… On nesera pas seuls…

Je me mis à sourire, sachant pertinemment que je devenais folle à parler à cette plaque de marbre.Mais le psy m’avait dit que je devais le faire si ça pouvait soulager un peu le vide que je ressentaiset, aussi bizarre que cela pût paraître, j’avais l’impression que ça marchait…

– Oh, je sais que tu as peut-être l’impression que je t’abandonne en ne venant plus qu’une fois paran ici, mais… Je n’ai que quinze ans et papa ne m’a pas laissé le choix… J’étais furieuse contre luiau début… Quand il nous a annoncé la grande nouvelle de partir vivre en France… Ouais, parce queje devais quitter Matt et… Tu sais, c’est le garçon dont je t’ai déjà parlé… Je l’aime, mais papa peutse montrer autoritaire, surtout quand il s’agit de garçons.

Je souris et plantai à cet instant mon regard dans celui de mon père, qui n’était plus qu’à quelquesmètres de moi.

– Sarah dit que c’est parce que je suis sa petite fille et que tous les pères sont ainsi, protecteurscomme je ne sais quoi !

Je baissai les yeux et esquissai un sourire après avoir lu une grimace sur le visage de mon père.Il avait tout entendu bien sûr, mais je ne lui en voulais pas.255– Bon, je crois qu’il est temps qu’on parte… Tu vas me manquer… Je reviendrai un jour…, je t’en

fais la promesse, maman.Je me relevai ensuite du sol.Mon père, ému, m’attira dans ses bras.– Ma puce…– Je t’aime papa.Nous restâmes quelques minutes enlacés dans les bras l’un de l’autre puis il écarta mon visage de

son torse. Nos regards humides de larmes se soudèrent, et il hocha la tête, comprenant ce quej’éprouvais à cet instant…

– Elle ne t’en veut pas, OK ?– Je sais, pa’…

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– Tu devrais rejoindre maman et les enfants dans la voiture, OK ?– Non… Je veux t’attendre.– D’accord, acquiesça-t-il en hochant la tête avant de m’attirer contre lui encore quelques

secondes.Je savais qu’il avait besoin d’un moment seul pour aller lui dire au revoir alors je me reculai de

ses bras et lui adressai un léger sourire avant de m’éloigner. Je me stoppai un peu plus loin et meretournai, l’observant au moment où il s’agenouillait devant la tombe de maman pour y déposer unerose blanche. Je souris, me rappelant qu’elle adorait cette fleur.

Papa ne l’avait jamais oublié, et même s’il aimait Sarah plus que tout au monde, je savais qu’ilgarderait toujours une place pour maman dans son cœur. Je devais bien avouer que cela me rassurait,car je ne pouvais imaginer être heureuse en sachant mon père détester ma défunte mère…

Mais Sarah avait joué un grand rôle depuis le début et mes sentiments pour elle étaient très forts.Ils étaient heureux tous les deux, et c’est tout ce qui comptait pour mes frères et moi.– On y va ?Je sursautais à la voix douce de mon père qui posa son bras sur mes épaules.Je lui souris, constatant son regard empli de tristesse, et déposai un baiser sur sa joue avant de me

coller contre lui.256Went– J’espère qu’il ne fait pas aussi froid en France ! lança Maddy.Je me mis à rire, sachant pertinemment qu’elle changeait de sujet pour ne pas me voir pensif et

triste. Je la regardai alors tout en marchant vers la sortie du cimetière et hochai la tête.– Il ne fait pas aussi bon qu’en Californie, ma puce, mais nous serons dans le Sud et on dit qu’il

fait toujours plus chaud là-bas !– Ouais… mais j’imagine que les vagues ne sont pas aussi bonnes qu’à…– Mais je t’ai dit que tu pourras surfer pendant les vacances, ma puce, la coupai-je en riant, amusé

qu’elle ne pense qu’à cela.– Ouais, je sais… mes amis vont vraiment me manquer, papa.Je fronçai les sourcils, conscient de ce que j’avais demandé à ma famille en acceptant de tourner

mes films en France.Je me stoppai et me mis face à Maddy qui baissait la tête.– Je sais bien que quitter tes amis n’a pas été une chose très facile, ma puce…– Je ne t’en veux pas, papa, me coupa-t-elle en souriant timidement. Je suis contente de partir et de

reprendre une nouvelle vie après ce que j’ai fait au bahut, mais…– Et ! Tout n’était pas de ta faute, OK ?– Je sais, mais…– Non, stop, Maddy ! Tu n’as fait que te défendre contre ce prof, OK ?Il n’avait pas à poser ses mains sur toi et…– Je ne crois pas qu’il s’y risquerait encore après la raclée que tu lui as mise, me rappela-t-elle en

riant.Je souris, gêné de m'être comporté comme un fou furieux devant ma fille et ses camarades de

classe. Bien sûr, son professeur d’histoire l’avait mérité en posant la main sur elle…– Arrête de ressasser ça, papa !– Ouais, tu as raison, fis-je en soupirant longuement avant de l’attirer contre moi pour poursuivre

notre chemin. Je suis sûr que tu te feras un tas d’amis en France.

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– Mm… mais je doute qu’il y ait un Matt…– Maddy !– J’arrête, j’arrête, me coupa-t-elle en levant une main innocente avant de se mettre à rire, amusée

par l’air réprobateur que j’avais sur le visage.257– Tu es trop jeune pour ce genre de relation.– Tu plaisantes ?! J’ai quinze ans, papa ! Je suis une grande fille, tu le dis toujours !– Oui, mais pas pour…– Papa, s’écria-t-elle en se bouchant les oreilles avant de se mettre à courir vers la voiture.SarahSurprise de voir Maddy arriver en courant, je sortis de la voiture au moment où elle se plaça

devant moi.– Je t’en prie, maman, dis-lui de ne pas recommencer à me parler de ça !– De quoi tu parles, Maddy ?– Des garçons ! s’exclama-t-elle en secouant la tête tout en soupirant d’agacement.– Oh, je vois… OK, on va essayer, lui promis-je en déposant un baiser sur son front. Reste avec

Loan et Liam, tu veux ?– Ouais, accepta Maddy en soupirant avant de monter à l’arrière, en compagnie de ses deux petits

frères.Le sourire aux lèvres, je m’avançai vers mon époux qui affichait une expression de dépit sur le

visage. Je secouai la tête et ouvris les bras avant qu’il m’attirât contre lui. Il déposa un long et douxbaiser sur mes lèvres.

– Tu lui as encore parlé de garçons.– Je n’ai pas commencé, je te le promets !– OK, mais je ne pense pas que le moment était bien choisi pour lui dire qu’elle était trop jeune

pour entretenir une relation…– Elle t’a dit ça ?– Non, mais je suppose que c’est ce que tu lui as dit ?– Ouais, mima-t-il tout bas en soupirant de lassitude.– Si elle a besoin d’en parler, tu sais bien que la première personne qu’elle ira voir c’est toi ?– Ou toi.– Je sais que tu préférais qu’elle ne t’en parle pas, qu’elle se confie à une femme, mais ta fille et

toi êtes très proches et…– Je sais, je sais, me coupa-t-il en effleurant mes joues du bout de ses 258doigts. J’ai compris… On reparlera de ça plus tard, en attendant, il faudrait qu’on y aille, car on va

louper notre avion.– OK, ris-je en le serrant dans mes bras. Je t’aime.– Je t’aime encore plus, me dit-il en éclatant de rire à la vue de mon regard réprobateur qui s’ancra

au sien avant que nos lèvres ne se soudassent dans un long et tendre baiser qui fit grimacer nos troisenfants nous observant depuis la voiture.

259Merci àFranck Deryckère,Jymmy, Jason, Nathan, Nolwenn Deryckère.Julie Vasseur,

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Véronique Barrère, Audrey Robert, Mélissa Letabareux.Hafida H pour la réalisation de la magnifique couverture.Christelle Morize, Sandrine Delerue, Valerye Husson, Stéphanie De Rop-Moise. Séverine Dauchy,

Ma Fred (chéwie d’amour) et toutes mes lectrices de la page facebook.À tous les membres du forum de Wentworth Miller.À toute l’équipe des éditions Sharon Kena pour tout ce qu’ils m’apportent.Et un grand merci à Thierry et Véronique Fontaine pour leur soutien inconditionnel.260Couverture réalisée par Hafida HN° éditeur : 917089-36540dépôt légal : mars 2013261

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Document OutlineTable des matièresPrécédemment dans la première partie1 RIEN NE VA PLUS…2

DOULOUREUSE VERITE3 NOUVEAU DEPART ?4 DISTANCE5 RETOUR6 DOULOUREUSE VERITE7 AU MAUVAIS ENDROIT8 L’EPREUVE9 QUAND L’ANGE VOUS RECOUVRE DESES AILES10 CONTRE-COUPS11 CONFRONTATION12 CONFUSION13 ESPÉRER14 LE RETOUR15 CACHE-CACHE16 OBSESSION17 DÉPART18 QUAND LA RAISON S’EN MÊLE…19 BOIRE & DEBOIRES20 APRES LA TEMPÊTE…21 LÀ OÙ J’ESPERAIS ÊTRE…ÉPILOGUE UNE PAGE QUI SE TOURNE…