17
LE MAGAZINE DE L’UNION DES PHOTOGRAPHES PROFESSIONNELS #7 juillet 2013 Les cahiers MARSEILLE CAPITALE

Contrechamp n° 0 - upp-auteurs.fr (1).pdf · ... encore là après la fin d’activité du Port, ont quitté ou périclité après la première guerre du Golfe. Beaucoup de nos photographes

  • Upload
    lamcong

  • View
    216

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

le magazine de l’union des photographes professionnels

#7 juillet 2013Les cahiers

marseille capitale

Les cahiers de la photographie #7 / 3

é d i t o

S ommes-nous encore en mesure de peser sur l’évolution de nos métiers ? L’UPP s’y efforce et il lui faut une certaine dose d’abnégation pour tenter d’y parvenir…Malgré le recueil de nos doléances par des Commissions ad hoc, nous n’avons

pas l’impression que nos problèmes, hélas bien réels, soient pleinement pris en compte par les pouvoirs publics ; pire encore certaines situations se dégradent encore et toujours : concours photos aux règlements inadmissibles, contestation de l’originalité des photographies avec parfois des jugements qui non seulement ne respectent ni l’esprit ni la lettre du Code de la Propriété Intellectuelle mais font référence à des articles de loi qui n’existent pas, éditeurs de presse subordonnant le paiement en salaire journaliste de commandes pour leurs magazines à la détention de la Carte d’Identité des Journalistes Professionnels. Que faire face à cette déferlante ?D’abord ne pas s’enfermer dans un immobilisme qui sclérose nos responsabilités, au contraire poursuivre les actions entreprises par nos prédécesseurs comme les batailles gagnées sur la taxe professionnelle ou la formation continue, avec l’espoir que nos députés nous soutiennent sur notre PPL441 ; ensuite démontrer que nous demeurons une force de propositions et de dialogue crédible. Quelques “anciens“ ont contribué à mettre en place des règles pour qu’un juste équilibre s’établisse entre producteurs d’images, intermédiaires et utilisateurs finaux…Malheureusement, la transmission de ces règles peine souvent à s’établir, les jeunes pho-tographes ont parfois du mal à s’y reconnaître et à se sentir concernés autant qu’il serait nécessaire : la faute aux investissements matériels lourds qu’il est indispensable de faire pour démarrer dans ce métier et qui grèvent d’autant des budgets limités, la faute aussi à la “casse“ des prix pratiqués par des nouveaux intermédiaires qui “pompent“ des res-sources autrefois plus équitablement partagées, la faute enfin à une forme de désintérêt pour les combats syndicaux, ô combien essentiels à la défense de la profession. Pourtant les Ecoles de Photographie et de Journalisme, y compris les Ecoles Nationales Supérieures, continuent chaque année de former de nouvelles générations d’étudiants qui espèrent tou-jours réussir dans nos métiers, à l’issue de plusieurs années d’études : c’est à eux, entre autres, que l’UPP doit s’adresser prioritairement aujourd’hui, c’est vers eux que nos efforts porteront...L’irruption des technologies numériques et l’avènement de l’Internet a bouleversé une sta-bilité patiemment construite : c’est à travers un investissement accru de leur engagement que les photographes, les nouvelles générations en particulier, pourront construire à leur tour les conditions d’un nouvel équilibre et d’une reconnaissance professionnelle indispen-sables à l’exercice du métier d’information et de création que représente la Photographie.Bien à vous,

Patrick Roche

Photo Robert Terzian - autoportrait

on ne lâchera rien !

Pierre Ciot- Chantier naval de Marseille, Forme de Radoub, 1978

Les cahiers de la photographie #7 / 5

Édité par l’Union des Photographes Professionnels205, rue du Faubourg Saint-Martin

75010 Paris - Tel : 01 42 77 24 30

www.upp-auteurs.fr

Directeur de publication : Patrick Roche

Rédacteurs en chef : Yolande Finkelsztajn, Robert Terzian

Chargée de communication : Léa-Sarah Goldstein

Ont collaboré à ce numéro : Jorge Alvarez Iberlucea, Nolwenn Bescher,

Léa-Sarah Goldstein, Patrick Roche

Jean Vincent

Photographies : J. Alvarez Iberlucea, Patrick Box, Pierre Ciot,

Maud Delaflotte, Fonds Gérard Detaille,

Michèle Maurin, Matthias Olmeta,

Pierre Perrin, Franck Pourcel,

Anne Van Der Stegen, Robert Terzian,

Elisa Towns

Conception et rédaction graphique : Catherine de Montjoye

Photo de couverture : Robert Terzian

Imprimeur : Escourbiac - Route de Lavaur - BP 171

81304 Graulhet cedex

N° ISSN : 1774-0533

Dépôt légal : juillet 2013

Prix du N° : 4,50 e

s o m m a i r e

3 > L’édito par Patrick Roche

6 > Marseille 2013 Par Yolande Finkelsztajn

14 > L’agence Zoko Propos recueillis par Léa-Sarha Goldstein

19 > Cette obscure notion d’originalité par Jorge Alvarez Iberlucea, Nolwenn Bescher,

et Jean Vincent

24 > L’AGESSA en questions par Patrick Roche

#6 janvier 2013Les cahiers

Nos partenaires

Fernand Detaille- Pont transbordeur, Marseille ©Fonds Gérard Detaille

Robert Terzian- Le vieux port, Maresille

Les cahiers de la photographie #7 / 6 Les cahiers de la photographie #7 / 7

Nous avions prévu de fixer tous les projecteurs sur nos adhérents en région, l’actualité fait que nous allons commencer par Marseille-Provence 2013. Marseille aurait pu être la capitale de la France,

nous y aurions gagné le soleil, la chaleur, et une certaine façon de penser, qui prend son temps, embrasse d’un re-gard les rives qui la bordent, va de l’une à l’autre avant de se faire son idée. Les flux migratoires, l’exil, la marche des marseillais sur Paris en 1792, toutes ces allées venues, ont

laissé leur trace dans les neurones de chaque marseillais. Histoire de conserver cette puissance mystérieuse de résis-tance à tout modèle prêt à porter, elle s’est habituée à contour-ner les lignes droites, autoroutes, à créer ses propres méan-dres. Oui, Marseille est une ville sinistrée économiquement : pas de pensée politique à long terme ? Les agences de publicité, usines, entreprises, encore là après la fin d’activité du Port, ont quitté ou périclité après la première guerre du Golfe. Beaucoup de nos photographes en ont fait les frais.

marseille 2013Marseille est paradoxalement d’une richesse inouïe et nous espérons en avoir peut être découvert le secret lors de notre rencontre avec quelques figures de la ville. A l’instar de la ville, nous retrouvons étonnamment cette force de création dans les différentes formes de pratiques photographiques, que nous allons maintenant vous présenter. Trois catégories s’offrent à nous : 1) Des photographes dont la production est en rapport avec leur ville, son aspect physique, ses habitants, activités et métiers2) Des photographes de la région mais dont l’œuvre est tota-lement déterritorialisée par rapport à leur lieu de naissance 3) Des photographes qui se servent de techniques et procé-dés très anciens, renouvelant de la sorte tout le regard porté sur la photo. L’ancien devient innovation.

Le territoire : corps et métiersPatrick Box Le point de vue privilégié par ce photographe est celui de l’or-ganisation sociale du travail. En liaison avec des chercheurs, des ethnologues, il a écumé si on peut dire, tous les corps de métiers liés à la mer : métiers portuaires, remorqueurs,

lamaneurs, chantiers de réparation navale, métiers de la pê-che, salins. Ses maîtres ne furent pas moins que Brassaï et Clergue. En parallèle il travaille avec des jeunes en situation de rupture scolaire. IL a eu de nombreuses publications (livres, cartes postales) et une exposition aura lieu à la galerie Sordini, 51 rue Sainte, du 2 juillet au 10 aout, dans le cadre de MP13.

Anne van der Stegen Elle s’est intéressée à de multiples aspects de la vie moderne (Gratte-ciels à Villeurbanne, pour Editing edition ; mines anti personnel en Thaïlande pour Handicap International, suivi d’une exposition à la galerie Fait et Cause ; la frontière en-tre les 2 Irlande ; les vêtements des adolescents). Fixée à Marseille depuis une dizaine d’années, elle est membre de Divergences Images. Marseille dans la peau tel est le titre de l’exposition qui aura lieu au plateau Samatan du 18 mai au 18 août, une série de 16 bâches de 2,50m x 1,70m et l’applica-tion réalité augmentée qui permet la captation par e-phone de l’interview de chaque sujet photographié. C’est donc une série de personnes tatouées, qu’elle a mis 2 ans à trouver, commençant d’abord par le club des supporters de l’OM, les tatoueurs et les réseaux sociaux. On regarde une photo puis une autre. Rien de nouveau pourrait-on dire dans le fait de photographier des tatouages. Est-ce le fait qu’elle nous pré-sente ces sujets sur fond de ciel bleu, avec l’original flouté en fond, qui fait que petit à petit nous sommes envahis par la puissance d’amour que les marseillais portent à leur ville ? La possibilité de capter les voix en fait un témoignage émouvant, puissant et d’une grande qualité ethnologique. Comme le dit

un de ses amis psychana-lyste, ils ont jetés sur le corps l’ancre – l’encre bleue de la Bonne Mère.

Pierre CiotJe ne vous présenterais pas Pierre Ciot, qui a largement œuvré pour l’UPP, et qui est de surcroît président

EN ArlES, AvigNoN, à romE, AlgEr, TANgEr, PAriS, vouS AvEz dES AcroPolES, ruiNES, vESTigES dES règNES PASSéS quE lE moNdE ENTiEr viENT AdmirEr. à mArSEillE, riEN dE TouT cElA, lA villE EST uNE dES

PluS ANciENNES dE FrANcE SANS TrAcES viSiblES. oN dirAiT quE SA ForcE dE créATioN, SoN PATrimoiNE, c’EST l’humAiN, vivAcE, vivANT ET, commE PéNéloPE, ToujourS EN TrAiN dE ProduirE du NouvEAu AvEc du TrèS ANciEN.

capitale européenne de la culture

Anne van der Stegen - Marius, exposition Marseille dans la peau, du 18 mai au 18 août 2013, Plateau Samatan

Pierre Ciot- 2013 portraits du 15 juin au 31 août 2013, Parc du 26é Centenaire

u u u

Les cahiers de la photographie #7 / 8 Les cahiers de la photographie #7 / 9

m a r s e i l l e - p r o v e n c e 2 0 1 3 c a p i t a l e e u r o p é e n n e d e l a c u l t u r e

u u u

de la SAIF. Ceux qui n’y sont pas encore inscrits sont interdits de lecture ! Pourtant ce n’est que depuis quelques jours que j’apprends qu’il avait gagné en 1981 un prix proposé par Paris Audiovisuel (la future MEP) en partenariat avec Air-France et dont le gagnant remportait un voyage en Europe Centrale. Pour lui ce fut la Pologne, avec Jean-Philippe Charbonnier. Suite à ce prix il exposait à la première du Mois de la Photo. Pierre réunira 2013 portraits de marseillais du 15 juin au 31août 2013, au parc du 26é Centenaire, Rond Point Francescatti, fixés sur dix conteneurs le long du quai de l’al-lée centrale du parc, chaque conteneur accueillant environ 200 photos pour une surface totale de 250m2. On voit bien de l’un à l’autre de ces travaux, la continuité tendre et curieuse qu’il a pour l’humain en général. Cette exposition est labellisé par MP2013.

Frank PourcelIl utilise le territoire comme cartographie : il étale sur terre, sur mer, les traces qui font pour lui paysage. Mémoire collective, souvenirs d’enfance, violences, corps, flux, le récit homérique vient en quelque sorte entrelacer des affects qui habituelle-ment ne se côtoient pas. En fait on ne passe pas d’un élément marin à un autre, mais de l’enfance à la guerre, du loisir à la capture, de l’esclavage à la danse, du déplacement à la méto-

nymie. L’exposition aura lieu au FRAC/PACA en septembre et à l’Abbaye de Montmajour en décembre, après Christian Lacroix. Livre à paraître aux Editions Bec en l’air, texte de Gilles Mora.

Le nerf de la guerrePour déposer un projet MP13, il était exigé le soutien d’en-treprises privées en parallèle avec une commune. Patrick Box avait celui de plusieurs communes (Istres, Fos, Port de Bouc). Le problème majeur était que le dossier une fois dé-posé (2010), on n’avait pas le droit, en attendant d’être ou non validé, de solliciter d’autres aides. Il a donc réussi à se sor-tir de cette difficulté en vendant aux entreprises (Les Salins par ex.) des pré-maquettes de livres – 200 exemplaires étant quasiment suffisants. Labellisé mais pas financé !Anne van der Stegen a eu le précieux concours de la Fondation Pascal Lorne ; le studio ASA lui a fait des tirages ; Passage Citron les retouches, Stone Power de la com, flyers et affi-ches ; une aide pour les bâches. L’OM s’est intéressé à la dif-fusion. Il lui manque néanmoins 3000 euros qu’elle espérait de la Mairie de Marseille. Labellisée mais pas financée !Pierre Ciot a préparé ce projet en partenariat avec la Ville

de Marseille et Marseille Provence Métropole. Il espère une aide du Conseil Régional pour une version papier de cette exposition. labellisé MP13 et OFF Marseille 2013. Frank Pourcel labellisé par le FRAC PACA. Exposition et rési-dence prises en charge, en partenariat avec Euroméditerranée et le Club Nautique pour des ateliers.

DeterritorialisationOn pense souvent qu’est artiste celui qui se sépare de son ter-ritoire, du sol de ses origines et racines. La séparation réelle

d’avec un territoire serait supposée créer une mutation de l’espace mental ? Le photographe, presque par définition n’est attaché à aucun lieu : il voit. S’il prend le train, il voit, s’il change de peu-ple, il voit. Il est l’œil du monde, cela qui vient se réfracter dans un coin obscur de la rétine. Peu im-

porte donc que les traces apparaissent dans ce qu’il en res-titue. Abandonner sa terre serait donc la plus value pour une sublimation artistique : quelque chose manque et l’homme transcende cette fêlure, en représentant un monde nouveau. Nous avons toute une série de photographes marseillais dont la production semble détachée du territoire, Bernard Plossu est l’un d’entre eux – sans doute une trace de lumière ou plutôt de l’ombre provençale dans son œuvre. Chez Gilbert Garcin, rien de cela – exposé en Arles cet été et à la Galerie Detaille pour clore 2013. D’Agata et Olmeta, nés tous deux à Marseille, explorent des zones d’un noir aussi intense que celui des graveurs manière noire, à la recherche de proces-sus vitaux enfouis loin dans la terre-mère. Clergue

le photographe, presque par définition n’est attaché à aucun lieu : il voit. s’il prend le train, il voit, s’il change de peuple, il voit. il est l’œil du monde, cela qui vient se réfracter dans un coin obscur de la rétine.

Patrick Box- à gauche : sablage d’une coque, ci-dessus : changement d’un arbre d’hélice

Les œuvres de P. Box seront exposées à la galerie Sordini du 2 juillet au 10 août 2013.

u u u

u u u

Les cahiers de la photographie #7 / 10 Les cahiers de la photographie #7 / 11

– Lulu pour les intimes- reste comme toujours, hors catégorie, à cheval entre tous les mondes. D’ailleurs il est déjà entré dans la légende avec son habit vert et la statue verte en forme de grenouille qui préside, en Arles, les Rencontres. Bleu pour la mer, vert pour la légende. Une histoire chimique de la couleur.

TranssubstantiationParmi ces photographes qui ne représentent ni le territoire ni les particularismes du pays où ils sont nés, nous avons cru découvrir les tenants d’une autre catégorie : ceux qui mettent à l’épreuve des formes archaïques en les ouvrant à de nouvel-

m a r s e i l l e - p r o v e n c e 2 0 1 3 c a p i t a l e e u r o p é e n n e d e l a c u l t u r e

les possibilités – un peu à la façon d’un Giacomelli. Par chance nous avons eu l’occasion de rencontrer deux importants par-tenaires susceptibles de soutenir ce type d’aventure, le CICRP et la Galerie Detaille.

LE CICRP – Centre Interdisciplinaire de Conservation et Restauration du PatrimoineSitué près de la Friche de la Belle de Mai, juste à côté du stu-dio de tournage de Plus Belle la Vie, Bernard Conques nous a ouvert les portes d’un lieu magnifiquement équipé. On y res-taure les tableaux de toute la région PACA et, en particulier, ceux de très grande taille. C’est un endroit destiné à la recher-che scientifique. De 2500 à 3000 photos sont faites par an, par imagerie scientifique, 3 photographes s’y consacrent. Le stu-dio est immense, l’optique fixée sur des rails ; le tableau est photographié au travers d’un champ d’UV pour examiner l’état du vernis, puis à l’infra rouge pour les cassures et autres acci-dents. Si d’autres problèmes se présentent, alors ce sera une radio en grandeur réelle : de 4 à 8 ou 10m ! Le CICRP a tenté une ouverture sur la création. Pour ce faire, Bernard Conques, professeur d’Esthétique à l’université de Marseille, a rassem-blé les concepts qui soutiennent le travail de restauration afin de pouvoir les transmettre à quelques artistes dans un texte d’intention. Il s’agit donc d’une vraie commande de création

– ce qui n’est pas si courant - créée à partir de ce cahier des charges. Les 3 thèmes retenus ont été : le temps (altération, passage du temps, usure) ; le patrimoine (la transmission, mémoire, l’héritage) ; la science (la matérialité des œuvres, les micro-organismes). Le fonctionnement a été de 2 résiden-ces d’artistes par an pendant trois ans, pour des commandes immensément grandes puisque c’est la spécialité du CICRP. Ces commandes seront exposées dans un lieu patrimonial s’il en est – La chapelle Puget de la Vieille Charité – avec Emilie Hubert comme commissaire d’exposition. Cette chapelle est constituée de 6 absidioles – ce qui évitera que l’ensemble soit visible en un seul coup d’œil. Ce projet a tellement plu à la Ville de Marseille qu’elle a coproduit l’exposition qui aura lieu du 25 octobre 2013 au 5 janvier 2014, clôturant ainsi l’année MP13. Antoine d’Agata travaillera sur l’altération, avec une mosaï-que immense. José Ramon Bas a traité celui de la transmission en utilisant des sujets enclos dans de la résine, de la même façon que

les scientifiques prélèvent une partie d’un tableau le coulant dans de la résine afin de pouvoir l’examiner de façon micro-biologique. Lisa Ross a été sollicitée pour traiter le thème de l’apparence. Lucie et Simon celui du temps suspendu. Alfons Alt clôturera avec le thème de la mémoire.

Matthias OlmetaMatthias Olmeta traite le thème de l’investigation scientifique. Nous allons revenir sur cette recherche menée par Olmeta afin de bien montrer l’adéquation entre le travail quotidien mené au CICRP avec la commande demandée à chaque ar-tiste. Cette exposition ayant un caractère unique et exception-nel, aucune photo des œuvres présentées ne sera ici montrée, tout au plus quelques images du cheminement. Matthias Olmeta travaille sur ambrotype : la plaque de verre est enduite de collodion humide verte puis immergée dans un bain de nitrate d’argent. Elle est exposée à la lumière lors de la prise de vue réalisée à la chambre. On a alors un négatif. En plaçant la plaque sur un fond noir on révèle une image po-sitive non reproductible – avec des variations selon le degré de saturation de la solution argentique. Pour obéir à la com-mande du CICRP, Olmeta a fait construire par des ingénieurs un dispositif électrique capable de décharger une étincelle de 37.000 volts qui va venir se prendre dans le collodion. L’œuvre finale sera composée de plusieurs séries de ces impulsions. Le résultat optique est tout à fait sidérant d’un point de vue scientifique : l’onde électrique étant ce qui atteint la plus grande vitesse imaginable, on se retrouve face à une espèce de lame cristallisée et dont les éclats sont répartis presque aussi régulièrement que dans le monde végétal. La photo nous met devant ce paradoxe : elle nous présente un objet qui n’existe sous aucune forme visible à l’œil nu.

Galerie Detaille Les Detaille sont d’abord une famille, photographes de père en fils depuis 4 générations. Leur appartement se trouvait sur la Canebière, au 94, juste à côté de l’atelier de Nadar.

Franck Pourcel- ci-dessus : Constellation de l’environnement, Région de Marseille, France. A droite : Constellation des Dieux d’hier et d’aujourd’hui, Ceuta, Espagne, Constellation de la vie ordinaire, Région de Marseille, France.

Ces photographies entrent dans un vaste projet mené par le FRAC/PACA, Ulysse, qui couvre toute la région ainsi que les rives de la méditerannée. Elles seront exposées en septembre au FRAC/PACA, Marseille et en décembre à l’Abbaye de Montmajour, Arles.

u u u

u u u

Les cahiers de la photographie #7 / 12 Les cahiers de la photographie #7 / 13

Hélène et Gérard Detaille ont créé une photothèque pour abriter ce fonds précieux, et Hélène a pu alors diriger ses regards vers la création et la photographie contemporaine. Ils en sont à leur onzième exposition, on y a vu Sabine Weiss, Marc Riboud ; on y verra Sarah Moon, Gilbert Garcin. Mais aussi quel-ques plus jeunes dont Olmeta, Michèle Maurin et Eliza Towns. La raison pour laquelle je m’arrête sur ces trois là, n’échappera je l’espère à personne : il faut bien une galerie possédant un fonds remontant à 1890 pour soutenir trois photographes dont chacune des œuvres n’existe qu’en un seul exemplaire unique. Matthias Olmeta, vous savez maintenant pourquoi. Michèle Maurin produit également des pièces uniques, en argentique sur papier baryté, avec un procédé de virage aux métaux (or, sélénium, cuivre, fer, vanadium) et parfois henné. Quant à Elisa Towns ce sont des sténopés. On ne saurait trouver meilleure description de l’énergie singulière qui règne sur Marseille !Gérard Detaille a accepté depuis quelques années de faire profiter la Mairie – secteur 6 et 8 – de son engagement pour la culture. Pas de saupoudrage de subventions, mais des aides de fond pour les galeries, la danse, la sculpture. Et toutes les créations produites en accès libre ! Il se réjouit de la remise

en état du Château Borely, du Musée d’Histoire, de la collecte organisée auprès des marseillais par le J1 (Les Chercheurs de Midi) ; ainsi que de la prochaine ouverture du MuCEM dans lequel 500.000 photos venant du Musée des Arts et Traditions Populaires, vont être déposées. Ici, au Fort St Jean et au Centre de Conservation de Muy, elles seront toutes consul-tables. Mais le projet qui est cher à son cœur, et qui je dois dire en fait aussi vibrer plus d’un, c’est celui d’un Centre de la Photographie, sis au 94 sur la Canebière, comprenant deux immeubles, l’ancien appartement des Detaille et un Hôtel particulier du XVIIIé donnant dans la cour, les 2 étant reliés par l’ancien atelier de Nadar. Selon son vœu, l’un serait consacré au numérique, l’autre à l’argentique, avec un passage, patio, transversal et dynami-que de l’un à l’autre. Utilisant tous les appareils que la fa-mille a en sa possession, les jeunes bénéficieraient d’un ap-prentissage argentique et inversement pour les plus anciens. La surface totale est de 1000m2. L’immeuble a dieu merci été classé. Gérard Detaille a prêté à la ville tout son matériel photo sous condition de créer cet endroit. Un lieu où tous auront le droit d’exposer, et passer voir l’image de Marseille au temps de Nadar. Ce projet est une merveille, et ferait de

cette ville un phare, un pôle extraordinaire. Si parmi vous, il en est un qui connaisse le n° privé de la Bonne Mère, dites lui bien que c’est urgent et combien on compte sur elle…

Marseille-Provence 2013, tournée vers l’avenirCar, et c’est par là que nous terminerons, il faut bien que de tout cet événement, quelque trace en reste ! Floriane Doury, responsable de la partie photo, que nous avons consultée, nous dresse la liste des acquisitions pérennes. Le MuCEM, bien sûr, La Friche, qui inaugure avec le CNAP la création d’une résidence chaque année autour de Des images comme des oiseaux / Patrick Tosani. Création également d’une rési-dence d’artiste à l’Alhambra – Yohan Lamoulère en a profité. Les étudiants, enseignants d’Arles se sont emparés du fonds de photos anonymes et vont travailler dessus. L’atelier de Visu, avec D’Agata, s’ouvre sur la Méditerranée (Israël, Egypte) et fera tourner ses expos, transmises ensuite à tous les instituts français sur place.Vous avez vu toutes ces merveilles prises dans ma nasse en deux jours seulement ! Désolée, je vous quitte : je retourne au Pays des Merveilles. n

Yolande Finkelsztajn

m a r s e i l l e - p r o v e n c e 2 0 1 3 c a p i t a l e e u r o p é e n n e d e l a c u l t u r e

Elisa Towns- Etang de Berre, petite Camargue tirage argentique sur cartoline, virage, traitement archive.

Matthias Olmeta- à gauche : Yantra 6, ambrotype 69 x 23 cm, pièce unique, 2012. ci-dessus : Pachamamita I, ambrotype 69 x 69 cm, pièce unique d’une série de 3, 2012.

L’œuvre de M. Olmeta sera exposée à la Chapelle Puget du 25 otobre 2013 au 5 janvier 2015, Vielle Charité.

u u u

Les cahiers de la photographie #7 / 14 Les cahiers de la photographie #7 / 15

Expliquez moi la genèse de ZokoPierre Perrin : Je préférerai plutôt parler de la situation

actuelle des agences. Alors qu’au Ministère de la Culture, on n’a de cesse de parler de l’exception culturelle française, nous, agences, sommes en difficulté, n’avons aucun avantage de quelque nature que ce soit. La Commission des Agences de Presse s’est réunie récemment pour faire le tri et ôter à qua-siment 99% des agences leur statut d’agences de presse, au prétexte du « chiffre » : du ratio entre les reportages de presse et les commandes de photos corporate. Alors même que la situation économique actuelle oblige les agences à réaliser 80 % de corporate pour 20 % de presse, là où il y a 20 ans la ten-dance était exactement inverse. On pourrait peut être modifier les critères d’attribution du statut des agence de presse. Si l’on prend l’exemple de Maud, qui vient de réaliser un reportage aux Etats-Unis sur le gaz de schiste – un sujet 100% presse, absolument sublime, qui a été publié dans un grand quotidien

– on doit dire que ce sujet n’a pas été financé par le quotidien : c’est bien Maud qui a financé son voyage ! Je ne comprends pas que les pouvoirs publics n’aient pas pris la mesure de ce qu’il appellent justement l’exception française. Dans le cinéma, lorsque l’on veut créer, on est aidé : il y a le CNC. Alors pour-quoi n’y aurait-il pas la même chose pour la photographie documentaire ? Les pouvoirs publics ne sont pas les seuls responsables de cette situation : les directions financières des magazines ont elles aussi aussi largement contribué à la déliquescence du système !

Conditionner les aides à la presse vous semble-t-il être une bonne piste pour aider la photographie professionnelle ?

PP : Oui, c’est absolument nécessaire. Le cinéma est subventionné, les magazines sont subventionnés, mais pas ceux qui produi-sent leur contenu ! Aujourd’hui, lorsqu’une rédaction achète le billet d’avion d’un jeune photographe, elle s’estime déjà largement contributrice… Alors, que répondre à cela ?

Comment comment analysez-vous cette crise de la presse, vous qui avez une expérience sur le long terme ?

PP : Premièrement, il faut rappeler que les journaux n’ont jamais gagné d’argent. C’est un leurre. Sauf peut-être la presse people et la presse spécialisée. Certaines rédactions tournent avec une équipe réduite au maximum : quasiment pas de budget photo et beaucoup de publicité... Et ces titres se vendent en kiosques. Il faut qu’on redispatche les aides ac-cordées aux magazines. Qu’on privilégie les gens qui four-nissent du contenu et pas seulement ceux à qui appartient le contenant !

Comment analysez-vous, au vu de votre expérience chez Gamma et Sygma, la fin des agences ?

PP : Une agence génère beaucoup de frais. Et en outre, une agence demande beaucoup d’organisation, de besoin maté-riel, d’employés... Gamma et Sygma ont vécu à une époque bénie où on pouvait justement parler d’une exception fran-

çaise, due en partie au fait que la France à vue naître la photographie. Lorsque des magazines américains comme Time ou Newsweek avaient besoin de couvrir un sujet chaud, ils envoyaient un français : j’ai passé tout mon temps, finalement, à tra-vailler pour des américains. Parce qu’on était les meilleurs ! Mais, les choses ont évolué et les photographes dans le monde sont devenus aussi bons que nous. Ensuite, l’avènement du numérique a permis du jour au lendemain à tout le monde de de-venir photographe.

Zoko est née tout de suite après cette crise ?

PP : Zoko est née avant la crise ! Je pense qu’il est très difficile, qu’on soit indépendant ou pas, de travailler sans un minimum de structure. Un photographe est une véritable en-treprise.

Maud Delaflotte : Zoko existe depuis 15 ans, depuis en-viron 7 ans, l’agence, qui a le statut d’agence de presse, se développe vraiment en corporate. Mon reportage aux Etats-Unis (gaz de schiste) a été financé grâce au corporate. Il faut être réaliste : en temps que jeune photographe je ne compte même plus vivre de la presse.

On note, dans votre discours, une stricte séparation entre vos deux casquettes : corporate et presse ? Comme si, avant les photographes vivaient de l’un ou de l’autre, mais pas des deux !

PP : Les photographes ont toujours eu une double cas-quette, mais avant les proportions étaient inversées : 20 % de corporate et 80 % de presse !

MD : La tendance s’est inversée dans les années 2000.

Pourquoi ? MD : C’est Pierre qui m’a appris l’importance de l’idée.

Et surtout, comment construire un sujet. ! PP : J’ai du respect pour les journaux et leur nécessité,

même si je garde un œil critique : il faut reconnaître que les idées viennent souvent de l’extérieur.

Il est assez intéressant aujourd’hui de constater que de grands reportages publiés dans des magazines ont été financés en fait par des bourses, dans le cadre de festivals... Pas par des commandes …

PP : J’ai connu une époque où les journaux faisaient mon-ter les enchères pour obtenir un sujet ! Les journaux devaient avoir LE sujet. Aujourd’hui, s’ils ne l’ont pas, personne ne voit la différence.

Comment avez-vous fait pour perdurer malgré la crise ? PP : Je me suis servi de l’expérience que j’avais acquise

en travaillant pour les grandes agences. J’avais déjà beau-coup de contacts avec les journaux, ce n’était pas vraiment une grosse difficulté.

Faut-il s’assigner une philosophie lorsqu’on monte une agence ?PP : Oui, forcément, c’est bien d’avoir un cadre

interviewpierre perrin & mauD DeLafLoTTe

Pierre Perrin / Zoko - Le maillage inextricable utilisé pour les fondations des tours est un labyrinthe de métal obscur et dangereux dans lequel sont engloutis les hommes.

Il faut qu’on redispatche les aides accordées aux magazines. Qu’on privilégie les gens qui fournissent du contenu et pas seulement ceux a qui appartient le contenant ! »

Pierre Perrin

l’agence ZoKo

u u u

Les cahiers de la photographie #7 / 16 Les cahiers de la photographie #7 / 17

et une éthique qui correspondent aux sujets que l’on souhaite développer.

Mais cela ne représente -t-il pas un investissement risqué lorsque l’on connaît la situation économique de la photographie professionnelle ?

PP : Certes, c’est ambitieux, mais ces sont de vrais beaux sujets, qui ont une vraie valeur. Alors, d’une certaine ma-nière, l’investissement est toujours proportionnel à la valeur ajoutée du sujet !

Vos avez toujours réussi à les vendre ?PP : Oui, ce sont plutôt les prix qui ont baissés. MD : Mais tes images sont diffusées sur Corbis et cer-

taines se vendent très bien.

Les archives font vivre ?MD : En tout cas, les archives se vendent.PP : La première chose que l’on m’a apprise, c’est que

les archives constituent le capital du photographe.

N’y a t-il pas trop d’images, justement ?PP : C’est peut-être un constat trop simpliste, mais oui,

« trop d’images, tue l’image ». L’image a perdu de sa valeur informative. Il y a 10 ans dans le news, lorsqu’il n’y avait pas d’image, il n’y avait pas d’info ! La photo c’était la vérité, mais cette notion a totalement disparu ! Avant il n’y avait pas de montage, pas de trucage : la photo était une preuve.

MD : Le photojournalisme a beaucoup changé, on le constate à Arles et à Perpignan. C’est ce qui ressort aujourd’hui, lorsqu’on observe le nombre de nouveaux collectifs de photo-graphes qui réalisent quand même beaucoup plus des sujets sur le long terme.

N’y a-t-il pas aujourd’hui un manque d’écriture narrative dans les sujets ? Qui, de manière concomitante à l’afflux d’images, contribue au désintérêt de la presse ?

PP : Je ne crois pas. Bien au contraire. Des photographes qui ne sont pas dans le circuit traditionnel réalisent des su-jets magnifiques, ils se spécialisent.

Et aujourd’hui ? PP : On a du diversifier nos activités.

Nous devons jongler avec des manières dif-férentes de travailler : il ne s’agit plus de dire « j’ai un super sujet » et hop, le voir publier !

MD : Le corporate est un tout autre langage que nous avons du apprendre. Il y a des client qui comprennent ce qu’est la photo. Qui ont un regard, souvent “luxueux“ et qui te choisissent parce que tu as un re-gard. Mais ce type de travaux sont rares, on en rencontre une fois par an. La plupart du temps l’image n’est qu’une illustration,

et là, les clients vont privilégier la rentabilité ! On se retrouve à ce moment-là dans un discours lié à un produit et plus vraiment dans un processus de création. On devient de sim-ples prestataires.

Et pourquoi les annonceurs vous choisissent vous, et pas une autre agence ? Quelle est votre valeur ajoutée ?

MD : Nous, nous sommes, par le fait d’une rencontre dans le réseau de l’architecture. J’ai d’ailleurs commencé par la photo de chantier et, paradoxalement, j’y ai retrouvé des aspects de la photo de reportage. Une vraie chance, quelque part.

Tu changes de posture lorsque tu fais du corporate ? MD : Le support change, pas l’oeil. Par exemple, pour

Bouygues (le chantier ndlr), s’il y avait bien le suivi de chan-tier classique avec des photos explicatives, il y avait aussi un livre à la clé. Et lorsque l’on sait que nos photos seront édi-tées sur un bel objet, on ne travaille pas de la même manière. J’essaie toujours d’apposer mon empreinte, et ce, quelque soit le support.

On a l’impression que la communication et la presse sont des milieux totalement hermétiques, or, est-ce vraiment le cas ?

PP : Il y a une vraie proximité entre la communication et l’in-formation, mais ce sont quand même deux domaines différents, surtout lorsque l’on les applique à la photo. Globalement, la com-munication sert à faire passer des idées, même positives, mais elle s’inscrit toujours dans une logique commerciale. Le photo-journalisme c’est traduire la réalité avec son propre regard.

MD : La communication prend beaucoup de temps, juste-ment à cause de cette logique commerciale. Nous avons été contraint d’embaucher quelqu’un pour nous aider à traiter les commandes et assurer le suivi auprès des clients ! La pho-tographie corporate nécessite de vraies compétences com-merciales, qui ne sont pas le pré carré du reporter. Tandis que lorsqu’on réalise un reportage, on accompli une idée et, en-suite, on la vend, ou pas, et c’est fini.

Vous trouvez qu’avoir une double casquette n’est pas sain ?PP : Ce sont des métiers différents :

ce n’est ni sain, ni malsain. Les reportages sont d’utilité publique, ils constituent les archives du Monde.

En tournant cette problématique dans l’autre sens, ne pensez-vous pas que le fait de produire du reportage soit un frein pour trouver des clients ?

MD : Je ne dirai pas ça, je ne pense pas que le reportage nous pénalise. Parfois c’est même l’inverse, le reportage fait sens et leur donne envie de perspectives plus artistiques.

PP : Les clients ont souvent du mal à

visualiser ce qu’un photographe peut faire, et en tant que pho-tographe reporter, nous avons des idées et cela paye : nos idées sont souvent validées.

Ce serait donc aussi pour simplifier leur gestion que les photographes se regroupent en collectifs ou montent des agences ?

PP : Il est de la nature même du photographe d’être indé-pendant et de ne pas partager grand chose avec ses confrères.

Maud, vous qui avez fait partie du Collectif de photographes l’Oeil Public, et désormais de l’agence Zoko, pourriez-vous nous dire quelles sont les différences fondamentales entre un collectif et une agence ?

MD : A L’Oeil Public, il y avait une véritable esprit collectif. Ce que j’ai compris de cet esprit collectif, c’était la nécessité – justement parce que la profession est solitaire- de rencontrer d’autres photographes pour parler « photo » et, plus pragma-tiquement, pour des considérations économiques et matériel-les : partage des bureaux, des ordinateurs... Puis, toujours pour des raisons de gestion administrative, le collectif s’est finalement transformé en agence... Mais pour moi c’était une expérience unique : j’ai géré leurs archives pendant deux ans et demi, les archives de 8 regards différents. C’est comme ça que j’ai construit mon œil ! Un point de vue décalé, car ils fai-saient du news magazine.

PP : Le modèle économique du news n’est plus viable :

je ne vois pas comment un photographe pourrait vendre un sujet news de type « il y a un coup d’état là-bas », alors qu’il n’aura même pas le temps d’arriver sur place que les pho-tos seront déjà sorties dans le monde entier ! D’où l’impor-tance de l’idée pour se démarquer et vendre des sujets.

Vous avez finalement décidé de travailler en agence...MD : J’ai choisi Zoko Productions parce que cette agence

m’a permis de bénéficier d’un réseau et des moyens logisti-ques. L’impact est toujours plus important lorsqu’on est en agence et la méthodologie est efficace : lorsque nous déci-dons de réaliser un sujet presse, nous travaillons avec un(e) journaliste qui, en étroite collaboration avec le (a) photogra-phe, s’occupe de faire les recherches, de monter le sujet et d’écrire un synopsis. Nous proposons ensuite ce sujet aux différents magazines en amont de sa réalisation afin d’obte-nir une éventuelle participation au financement. En institu-tionnel, c’est un peu différent : une personne est chargée du développement et de la recherche de nouveaux clients. Les clients habituels lui soumettent leur demande. Un devis est établi avant la réalisation du sujet. n

Propos recueillis par Léa-Sarah Goldstein

Maud Delaflotte/ Zoko- Mackenzie, 21 ans, est arrivée de Los Angeles il y a quelques semaines. Elle cherchait un emploi pour payer ses études à New York. “Je suis venue dans l’endroit le plus désertique des Etats Unis juste pour faire de l’argent” s’amuse-t-elle. Williston, Dakota du nord, USA.

Ce que j’ai compris de cet esprit collectif c’était la nécessité (…) de rencontrer d’autres photographes pour parler « photo » et, plus pragmatiquement, pour des considérations économiques et matérielles »

Maud Delaflotte

u u u

l ’ a g e n c e z o k o

Les cahiers de la photographie #7 / 18 Les cahiers de la photographie #7 / 19

cette obscure notion d’originalitéuN NombrE croiSSANT dE déciSioNS dE juSTicE débouTENT lES PhoTogrAPhES ProFESSioNNElS dE lEurS dEmANdES dE ProTEcTioN Au TiTrE du droiT d’AuTEur Pour déFAuT d’origiNAliTé dE lEurS œuvrES. à l’hEurE où l’uNioN dES PhoTogrAPhES ProFESSioNNElS luTTE coNTrE lES jugEmENTS diScrimiNAToirES, FAiSoNS uN PoiNT Sur l’obScurE NoTioN d’origiNAliTé. qu’EST-cE quE l’origiNAliTé ?

● une condition de protection sans fondement textuelAucune condition d’accès à la protection du droit d’auteur n’est posée par le code de la propriété intellectuelle (CPI). L’article L. 112-1 du CPI ouvre même largement son champ d’application : « Les disposi-tions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’es-prit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ». L’œuvre de l’esprit serait l’unique notion qui puisse délimiter le champ de protec-tion du droit d’auteur. Le législateur n’en a pourtant donné aucune définition.

● une notion jurisprudentielle instable

Face au silence de la loi, la notion d’ori-ginalité est apparue en jurisprudence par le truchement de la doctrine1 et s’est en-racinée depuis. Pourtant, le CPI n’évoque l’originalité qu’au regard du titre d’une

œuvre2 ou de l’œuvre d’origine s’agissant des adaptations, traductions, arrange-ments3 … Il s’agit d’une notion polymor-phe et subjective dont le sens a évolué au fil des jurisprudences. Classiquement, elle est définie comme l’empreinte de la personnalité de l’auteur qui caracté-rise l’approche humaniste du lien entre l’auteur et son œuvre. De nombreux cri-tères injustifiés, souvent portés sur les choix de l’auteur, permettent cette ana-lyse. Toutefois, l’originalité semble ces temps-ci prendre une nouvelle forme alambiquée et les frontières entre l’origi-nalité, la nouveauté et le mérite s’amoin-drissent. La jurisprudence opère ainsi un glissement de la notion d’empreinte de la personnalité de l’auteur vers le tout nouvel apport intellectuel propre.

● une insécurité juridique spécifique à la photographie

L’indifférence au regard du genre et de la forme posée à l’article L. 112-1 du CPI (cf.

petit tour d’horizon de la législation

plus haut) devrait placer toutes les œuvres sur un pied d’égalité devant l’exigence d’originalité. Pourtant, certaines œuvres semblent bénéficier d’une présomption. Ainsi, l’originalité d’une peinture ou d’une sculpture est admise quasiment de façon systématique du fait de l’intervention phy-sique de l’auteur. L’intermédiaire méca-nique complexifie l’analyse du processus créatif de la photographie contrairement aux autres beaux-arts. Pourtant le CPI ne permet pas de conférer à certaines ex-pressions artistiques une protection plus importante, il l’interdit même !La loi du 11 mars 1957 devait couper court aux incertitudes jurisprudentielles en précisant que sont considérées comme œuvres de l’esprit « les œuvres photogra-phiques artistiques ou documentaires ». Toutefois, la complexité de cette distinc-tion a amené le législateur en 19854 à re-venir au droit commun en visant « toutes les œuvres photographiques et celles réa-lisées à l’aide de techniques analogues à la photographie »5. Ceci n’a pas empêché un arrêt du 14 Mars 20136 d’affir- u u u

Par Nolwenn BESCHER Chargée des Affaires Juridiques

Michèle Maurin- Assinie, France. Tirage argentique unique mis en couleur avec des procédés de virages aux métaux précieux.

Les cahiers de la photographie #7 / 20 Les cahiers de la photographie #7 / 21

les photographies face aux jugesL’insécurité juridique créée par l’arrivée de la notion d’originalité dans les litiges portés devant les juges est bien plus qu’une crise pour les professionnels de l’image, c’est l’apocalypse !

déjà en 2010 nous avions orga-nisé avec la SAIF un colloque à l’adresse des juristes pour fai-re comprendre quelque chose

qui nous paraissait évident : toute photo-graphie est une mise en forme de l’idée que l’individu (l’auteur) s’est construit dans sa tête, et cela même pour les pho-tographies d’actualité chaude (zones de conflit). Pourtant, les décisions des tribu-naux s’éloignent de plus en plus de nos réalités et les contrefacteurs deviennent impunissables. A son origine la photographie était consi-dérée principalement comme une simple technique et pour certains esprits elle est encore aujourd’hui surtout un art appli-qué. Peu nombreux sont ceux qui ont vu en elle un art à part entière. Le temps passe mais les préjugés res-

tent, le coté mécanique, et électronique aujourd’hui, entretient le mythe culturel et commercial (« Clic-clac, merci Kodak ») du simple savoir faire. Savoir faire fort appau-vri par des innombrables automatismes... Le mythe grandit avec la popularisation des appareils et des nouveautés qui sa-vent tout faire à votre place sauf le café.Tout le monde se croit photographe, mais très peu nombreux sont ceux qui savent regarder les photographies. La popu-larisation s’est doublée d’une inculture de l’image. Ceci mène à faire croire que l’abondance d’images est un signe qui oblige certains intellectuels à scinder ce monde en deux catégories : les photogra-phies d’auteur, sous entendu avec des recherches artistiques personnelles, et toutes les autres pour lesquelles on se doit de croire qu’elles sont banales et re-

la photographie puisque à l’épreuve des faits les juges sont obligés de se travestir en critiques d’art pour s’en sortir !

Quelques perles récentes pour comprendre •«(…) la photographie de couverture qui présente un paysage très fortement val-lonné et boisé, en jouant sur les effets de la lumière dans la brume et, au premier plan, sur le reflet dans l’eau, est caractéristique d’un système pictural connu depuis la fin du XVIIIè siècle utilisé par des paysagistes français de la seconde moitié du XIXè siè-cle(...) les effets de couleur et ceux de flou présentés par la brume ; que l’échelonne-

ment des reliefs(...) constitue une techni-que extrêmement ancienne; qu’il se déduit de ces constatations que si la photographie démontre la parfaite technique de l’auteur, elle ne met pas pour autant en exergue une originalité témoignant de l’empreinte de sa personnalité » (CA Paris, 25/11/2011, RG11/05470)

> Loi de 1793 : assimilation des images photographiques aux dessins reconnaissant leur protection par la loi sur la propriété artistique-

> Loi 11 mars 1957 : protection des œuvres photographiques artistiques ou documentaires -

> Loi 3 juillet 1985 : protection de toutes les œuvres photographiques et celles réalisées à l’aide de techniques analogues à la photographie

mer a contrario, s’agissant d’une photographie, « Elle s’apparente au genre documentaire qui ne fait plus l’objet d’une protection au titre du droit d’auteur ». Cette

productibles par n’importe qui à l’iden-tique, ou presque.L’opposition art pur versus art moyen n’a plus cours à notre époque sauf pour certains fiscalistes et dans quelques pré-toires. S’acharner à vouloir distinguer ce qui relève de l’art et ce qui n’en relève pas c’est faire fausse route. L’incompréhension de l’apport personnel auquel oblige la photographie est redou-table. Pour dire simple, le processus de l’acte photographique est toujours un mystère pour le commun des mortels et parfois pour les créateurs eux mêmes. (cf. Colloque L’originalité en photographie, 31/05/2010)Décidément les juges ne sont pas aidés ! Le principe d’originalité tel qu’il est énoncé par la doctrine et la Cour de Cassation est impossible à appliquer objectivement pour

•«Considérant que le choix de la pose du modèle, allongé sur un canapé, n’est que la reprise d’oeuvres picturales connues, tel le tableau Olympia, lui même inspiré de La Maja nue et de la Vénus d’Urbin par Titien et représente donc un caractère banal et n’est pas de nature à révéler l’empreinte de la personnalité du photographe. Considérant que le choix de l’environnement du modèle constitué simplement par un canapé recou-vert d’une serviette blanche et, en arrière plan, un mur nu peint en blanc, est tout aussi banal. Considérant enfin que le ca-drage, l’éclairage et le moment de la prise de vue ne présentent aucune originalité particulière, le modèle étant photographié

de face, en train de poser, sans jeu d’ombre ou de lumière susceptibles d’instaurer l’am-biance sensuelle revendiquée. Considérant enfin que la combinaison de l’ensemble de ces éléments ne présente aucune créativité susceptible de refléter la personnalité de l’auteur de cette photographie et qu’ainsi ne saurait revendiquer une quelconque titularité

de droits d’auteur sur ladite photographie. » (CA Paris, 06/04/2012, RG 11/07388) •«La construction de la photographie ne démontre aucun parti pris esthétique et ne porte aucune empreinte de la person-nalité de son auteur, elle se contente au contraire de représenter une vue extérieure d’une yourte installée dans un décor naturel sur lequel le photographe n’a aucune em-prise. » (CA Paris, 25/05/2012, RG 11/12983) •«Une photographie n’est protégea-ble par le droit de la propriété intellectuelle que dans la mesure où elle procède d’un ef-fort créatif et qu’elle ne vise pas seulement à reproduire de la manière la plus fidèle possible, un objet préexistant. » (TGI Paris, 20/12/2012) •«(…) elle s’apparente au genre docu-mentaire qui ne fait plus l’objet d’une pro-tection au titre du droit d’auteur. » (TGI Paris, 14/03/2013, RG 11/17116) •«(…) que cette qualité révèle un sa-voir-faire qui se manifeste, notamment, par le choix, justement, des prises de vue et de l’éclairage ; qu’il est constant néanmoins que l’originalité dépasse le savoir-faire; que les clichés en question(...) ont été réalisés sur commande dans un but avant tout uti-litaire(...) plutôt que dans une démarche de création, et ne diffèrent pas sensiblement des représentations auxquelles donne lieu habituellement ce type de reportage; que si elles remplissent assurément leur mission, on n’y trouve pas l’empreinte d’une person-nalité, le reflet d’une sensibilité, l’expression de la créativité qui caractérisent l’originalité » (CA Douait, 15/05/2013, RG 12/01662).Il y a ceux qui s’habillent en critiques ou historiens d’art et d’autres qui osent réécrire le Code de la propriété intel-lectuelle !Non ! Les juristes n’ont pas été formés à l’image et encore moins à la photogra-phie. Quelqu’un leur a t’il dit que tous les choix techniques entraînent des choix esthétiques ?

Quid de la propriété des images ?Mais une autre question reste sans ré-ponse : la propriété des images.Notre société est organisée sur le prin-cipe de propriété. Elle est matérielle ou intellectuelle. Et tout ce qui n’a

décision écarte tout un pan de la pho-tographie de la catégorie des œuvres de l’esprit. Pourtant, la distinction entre le documentaire et l’artistique relevait en 1957 de la pure classification et non d’une différence de traitement. L’esprit de la loi s’en trouve trahi.

● une mise en danger de la profession de photographe

La jurisprudence actuelle sur l’originalité est inquiétante. Pire ! Elle s’inscrit dans une tendance générale tendant à écar-ter la photographie du droit d’auteur. De la reconnaissance de l’originalité d’une œuvre par les tribunaux découle un mo-nopole d’exploitation. L’œuvre dont l’ori-

ginalité n’est pas reconnue appartient au domaine public. La sanction est lourde : l’expropriation ! De plus en plus d’inter-locuteurs, clients ou inspecteurs des impôts, pourtant incompétents en la ma-tière, remettent en cause l’originalité des photographies afin d’éviter la rémunéra-tion d’un travail accompli ou d’augmenter les charges afférentes aux photographes.

1- Henri DESBOIS : La propriété littéraire et artistique, A. Colin, 1953 et Le droit d’auteur en France, Dalloz, 1966. 2- Article L. 112-4 du CPI 3- Article L. 112-3 du CPI 4- Article 3 de la loi du 3 juillet 1985 5- Article L. 112-2 9° du CPI 6-TGI de Paris, 14 mars 2013

RepèRes chRonologiques

c e t t e o b s c u r e n o t i o n d ’ o r i g i n a l i t é

il y a ceux qui s’habillent en critiques ou historiens d’art et d’autres qui osent réécrire le code de la propriété intel-lectuelle ! non ! les juristes n’ont pas été formés à l’image et encore moins à la photo-graphie. quelqu’un leur a-t-il dit que tous les choix tech-niques entraînent des choix esthétiques ?

u u u

u u u

Par Jorge Alvarez Iberlucea

Les cahiers de la photographie #7 / 22 Les cahiers de la photographie #7 / 23

la condition d’originalite a l’epreuve du droit constitutionnel

l’originalité est, selon la jurispru-dence, une condition impérative de la protection par les droits d’auteur. C’est donc une “clé

d’entrée“ pour bénéficier de l’ensemble des droits reconnus aux auteurs par le Code de la propriété intellectuelle.Il n’y a pas de solution intermédiaire : soit il y a preuve de l’originalité et cela entraîne la protection de l’œuvre par les droits d’auteur, soit il n’y a pas preuve de l’originalité et l’œuvre n’est en rien pro-tégée par les droits d’auteur. Cette condi-tion a donc des conséquences radicales.

Les conséquences délétères de la jurisprudenceIl se trouve au surplus que la jurispru-dence s’est durcie en exigeant de plus en plus souvent que cette preuve soit rappor-tée par l’auteur en détail, image par image, dès lors que l’originalité est contestée par celui auquel on reproche d’avoir utilisé une photographie (ou un ensemble de photographies) sans autorisation ou ré-munération.Or, cette condition impérative, aux consé-quences radicales, n’est pas définie et n’est pas même imposée par le Code de la propriété intellectuelle ! C’est une

construction de la jurisprudence, dont l’évolution s’avère imprévisible à long terme puisqu’elle n’est pas figée dans un texte de loi.Il n’est plus contesté que la photographie est une œuvre de l’esprit, quels que soient sa finalité, son genre et son mérite (cf. les articles L.112-1 et L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle). Encore faut-il, d’après la jurisprudence, que cette œuvre soit marquée par la personnalité de

les juges ont créé un ensemble de critères ou indices d’originalité de la photographie qui sont tous plus arbitraires et même artificiels les uns que les autres. Le pro-fesseur André Lucas, qui est l’un des plus éminents juristes de droit d’auteur, a qua-lifié sévèrement ces critères de « rideau de mots ». C’est peu dire !Les photographes et les utilisateurs de photographies s’en trouvent livrés à une situation d’arbitraire. Est-ce normal ? Est-ce acceptable ? Notre réponse est évi-demment non.

Le principe constitutionnel de l’égalité des délits et des peinesIl existe, en droit français, un principe constitutionnel de légalité des délits et des peines, selon lequel les sanctions pénales ne peuvent être prononcées que sur la base d’un texte de loi clair et précis. Or, la violation des droits d’auteur est un délit pénal ; même si elle fait plus souvent l’objet de condamnation à des indemnités civiles qu’à des peines d’amende ou de prison. La violation des droits d’auteur, même invoquée devant un juge civil, est selon nous soumise au principe de léga-lité des délits et des peines.Ce principe de légalité des délits et des peines figure dans l’article 8 de la Dé-claration des droits de l’homme et du ci-toyen. Il a une valeur constitutionnelle qui a été rappelée à de multiples reprises par le Conseil Constitutionnel.

En vertu de ce principe, > il est interdit à un juge d’inventerune infraction, > la loi pénale est d’interprétationrestrictive, > la loi pénale doit être précise, acessible et prévisible.

Que penser de la règle, non écrite au plan législatif, selon laquelle l’appréciation de la contrefaçon est soumise à la preuve par l’auteur de l’originalité de l’œuvre ? Cette règle, appliquée avec de plus en plus de rigueur par la jurisprudence, est-elle conforme à l’obligation d’accessibilité et de prévisibilité de la loi pénale ? Là aussi, notre réponse est non.La Constitution du 4/10/1958, le socle

même de notre Etat de droit, a été révisée le 23/07/2008 pour créer un système to-talement nouveau de contrôle permanent de la constitutionnalité des lois déjà pro-mulguées (cf. les nouveaux articles 61-1 et 62 de la Constitution). Un juge peut ainsi soumettre, sur Question prioritaire de constitutionnalité, n’importe quel texte de loi invoqué devant lui, donc n’importe quel article du Code de la propriété intellec-tuelle, à un contrôle a posteriori de consti-tutionnalité par le Conseil Constitutionnel.L’arbitraire n’a que trop duré sur la preuve de l’originalité des photographies et pro-voque une situation d’insécurité et d’im-prévisibilité qui n’est pas acceptable dans un Etat de droit. Nous espérons donc qu’à l’occasion d’un débat judiciaire sur cette condition de la protection apportée par les droits d’auteur, un tribunal sou-mettra cette condition à la procédure de la Question prioritaire de constitution-nalité, de manière à ce que le Conseil Constitutionnel se prononce.

Ce que nous revendiquonsD’une manière constructive, nous pro-posons que les principes suivants soient consacrés par le Conseil Constitutionnel : > une photographie est toujours une œuvre de l’esprit, par application de l’ar-ticle L.112-2 du Code de la propriété in-tellectuelle > la protection par les droits d’auteur lui est donc reconnue, sans qu’il soit possible d’exiger de l’auteur qu’il prouve l’originalité de son œuvre > en cas de contestation sérieuse quant au fait que la photographie soit le résultat d’un acte de création par un auteur (au sens de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle), il ap-partient à celui qui la soulève de rapporter la preuve de cette contestation.Pour conclure, il semble utile de rappeler que le droit est par nature évolutif puisqu’il régit une société qui elle-même évolue sans cesse. Sur la question abordée ici, il nous semble assez irresponsable, tant de la part du pouvoir exécutif et législa-tif que de la part du pouvoir judiciaire, de continuer à “faire l’autruche“ et laisser les professionnels livrés à l’arbitraire de la si-tuation actuelle. n

c e t t e o b s c u r e n o t i o n d ’ o r i g i n a l i t é

l’arbitraire n’a que trop duré sur la preuve de l’originalité des photographies et provo-que une situation d’insécurité et d’imprévisibilité qui n’est pas acceptable dans un etat de droit.

pas un propriétaire est du do-maine public. Les récentes jurispruden-ces qui ont nié la protection de la loi à des photographies, alléguant leur banalité ou leur manque de recherche esthétique, ont soit inventé une nouvelle propriété, dont les caractéristiques nous échappent, soit elles ont dépossédé les auteurs, jetant ces photographies dans le domaine pu-blic. Dans quel intérêt ? Comment le tra-vail d’une personne peut se retrouver en

un instant la propriété de tous sans son consentement ? Le Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dit dans son article 1er « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les condi-tions prévues par la loi et les principes gé-néraux du droit international. »

son auteur pour qu’elle bénéficie de la protection apportée par le Code de la pro-priété intellectuelle.L’appréciation subjective d’un juge, au sujet d’un acte créatif qui n’appartient pas à son champ d’activité (le juge est un juriste et ne doit justement faire preuve lui-même d’aucune originalité), va donc aboutir à ce qu’il y ait contrefaçon ou pas. Or, un examen des multiples décisions de justice rendues en la matière montre que

La question est importante : où se trouve l’intérêt général, la cause d’utilité publi-que, qui justifie d’exproprier un citoyen, qui vit de sa création, de la propriété de ses images ? Il est évident qu’un dangereux virus s’est installé dans les raisonnements de cer-tains juristes... Faisant ainsi oublier le principe constitutionnel de la propriété in-dividuelle et redessinant la notion d’intérêt général. Comment en est-on arrivé là ? !

u u u

Par Jean Vincent

Les cahiers de la photographie #7 / 24 Les cahiers de la photographie #7 / 25

Les dotations financières pour la gestion de l’AGESSA sont-elles satisfaisantes ?

Thierry Dumas : Nous avons une dotation de la Sécurité Sociale après avis du CA et des mi-nistères de tutelle, nous sommes gérés de cette façon-là. Est-ce que c’est suffisant par rapport aux besoins de financement ? On souhaite toujours disposer de moyens supplémentaires, mais il y a une volonté d’écono-mie générale qui me paraît tout à fait justifiée, je pense que notre dotation, par rapport à celle des autres organismes de sécurité sociale, est correcte.

Que pensez vous du projet de création d’une nouvelle caisse de sécurité sociale pour les auteurs ?

TD :Je n’en pense rien. Cela peut paraître un peu provo-cateur, mais j’estime qu’en tant que directeur de l’AGESSA, je n’ai pas à formuler un avis sur une décision qui est une déci-sion politique. Il y a un certain nombre de choses qui sont en débat, et c’est au conseil d’administration de l’AGESSA, qui est l’instance politique de cet organisme, d’avoir un avis sur cette question ; ainsi qu’aux organisations professionnelles, dont je sais qu’elles ont été reçues par les deux inspecteurs chargés de présenter un rapport. En tant que le directeur de l’AGESSA j’outrepasserais mes fonctions si je donnais mon avis sur cette question.

Quelle est la proportion de photographes-auteurs au sein de l’AGESSA ?

TD : Vous avez les chiffres tous les an. Il y en a un peu plus de 4200, et c’est la première profession en terme de nombre d’affiliés.

Bien évidemment les photographes ont entendu parler de la future caisse de sécurité sociale pour les auteurs, seront-ils aussi bien représentés qu’actuellement à l’AGESSA ?

TD : Une consultation a été ouverte par les inspecteurs sur ses modalités de fonctionnement, sa gouvernance, et son champ d’intervention. Je pense que l’objectif de mise en place de cette caisse à l’horizon octobre 2014 est clair. En outre, il y a un certain nombre de préludes à la mise en place de cette caisse qui a vocation à regrouper l’ensemble des auteurs dont

l’agessa en Questions

les photographes. Est-ce que le fait de coexister avec d’autres professions conduira la future caisse à moins bien traiter les photographes ? Je ne le pense pas, mais je ne me prononcerai

pas davantage.

Selon vous cette future caisse aura-t-elle un pouvoir coercitif vis-à-vis des diffuseurs ?

TD : L’AGESSA travaille actuellement avec les URSSAF : je pense que la nouvelle caisse continuera mais en ce qui concerne le nouveau périmètre de la caisse je ne peux pas en-core vous répondre. Il faut attendre la publication du rapport qui devrait intervenir au mois de juin et qui donnera sûrement un certain nombre d’indications, mais comme vous le savez peut-être, il y aura une deuxième phase de concertation qui sera engagée après la publication du rapport ; et les ministè-res concernés seront amenés à prendre des décisions sans être pour autant obligés d’en retenir toutes les préconisations du rapport.

Il existe actuellement une commission de professionnalisation au sein de l’AGESSA qui fonctionne plutôt bien, pensez-vous que ce serait une bonne chose qu’une telle commission perdure au sein de la future caisse de sécurité sociale des auteurs ?

TD : Vous dites ça car elle est composée de membres de l’Union des Photographes Professionnels ! Plus sérieuse-ment, je ne veux préjuger de rien, mais j’ai cru comprendre que le rôle des commissions n’était pas remis en cause : ces commissions professionnelles sont inhérentes au régime de sécurité sociale des auteurs.

Autre question au sujet de la commission professionnelle photo. Nous sommes parfois saisis par des adhérents qui sont dans une situation difficile. Par difficile, j’entends qu’ils n’ont parfois pas de revenus suffisants pour être affiliés à l’AGESSA, parce qu’ils exercent d’autres activités, et notamment, dans le domaine de la presse. Mais, leurs revenus ne sont pas non plus suffisants pour obtenir la carte d’identité professionnelle des journalistes. Par rapport à ces situations-là, avez-vous des

rapports avec la commssion d’attribution des cartes de presse ?»

TD : Honnêtement non. Il est néces-saire que chacun fasse son travail. Et, concernant les premières affiliations ou les ré-affiliations, elles sont décidées par les caisses primaires de sécurité sociale après avis des commissions profession-nelles, qu’elles suivent toujours ! Ce ne sont pas les services administratifs de l’AGESSA qui décident.

Et justement, ne pensez-vous pas que les commissions professionnelles devraient avoir des contacts plus approfondis avec la commission de la carte d’identité des journalistes professionnels par rapport aux photographes qui se trouvent dans une position ambiguë, ni affilié, ni journaliste, c’est-à-dire sans statut véritable ?

TD : Pourquoi pas… Ce qui serait intéressant ce serait de définir la nature de ces rapports et ce qu’on chercherait à avoir comme informations : cela a besoin d’être précisé. Pourquoi faire, qu’en attendrait-on et pour quel type d’information ?

Certains photographes attendent des choses simples. Certains éditeurs de presse rémunèrent en droits d’auteurs des travaux qui devraient être payés en salaires aux journalistes. D’où la question suivante : est-ce que, dans ces cas précis, la Commission de la carte de presse ne devrait pas être au moins informée de ces situations qui ne sont pas conformes à la législation ?

TD : Je n’y vois aucun inconvénient. Ma responsabilité de directeur de l’AGESSA est de faire en sorte que la réglementa-

tion existante à un instant T soit appliquée. J’ai bien conscience que les photographes sont victimes parfois de chantage à l’emploi, de pressions pour les obliger à être payés en droits d’auteur alors qu’ils devraient être payé en salaires ; mais je ne peux pas accep-ter en tant que directeur que des diffuseurs payent indûment les gens en droits d’auteur. Veiller à ce que la loi soit appliquée est l’une

des missions de l’AGESSA.

Les auteurs ont parfois une pluri-activité, pensez-vous qu’il soit possible d’élargir encore le champ des activités accessoires ?

TD : Je n’ai pas à vous donner mon sen-timent au sujet de telle ou telle réglemen-tation : il et de mon devoir de la faire appli-quer, en tant que Directeur. Aujourd’hui, il y a une circulaire sur les revenus accessoi-res, que j’applique telle qu’elle est. Si les organisations d’auteurs ont des demandes à faire je pense qu’elles doivent s’adresser aux ministères concernés. Je me permets de vous rappeler que, fin 2013, doit se faire un état des lieux au sujet de cette circulaire qui date du début de l’année 2011.

J’ai une question un petit peu naïve : est-ce que les assujettis cotisent pour leur retraite ?

TD : Seuls les affiliés cotisent pour leur retraite à l’AGESSA et non les simples assujettis.

Pensez-vous qu’il peut y avoir une évolution et qu’on puisse s’orienter vers le paiement de cotisations retraite par les assujettis ?

TD : Je pense cela très envisageable, et d’autant plus envi-sageable qu’un groupe de travail s’est constitué à la demande du conseil – un groupe de travail tripartite réunissant à la fois des administrateurs, des représentants des ministères de tu-telle, ainsi que les services administratifs de l’AGESSA – dont l’objectif est de faire des propositions à l’échéance du 1er Juin aux Ministères de tutelle, pour déterminer dans quelles condi-tions les assujettis pourraient être soumis à des cotisations vieillesse.

à lA vEillE d’imPorTANTS chANgEmENTS coNcErNANT lA SécuriTé SociAlE dES AuTEurS, NouS AvoNS TENTé d’EN SAvoir uN PEu PluS Sur lES PErSPEcTivES d’évoluTioN dE l’AgESSA.

interviewThierry Dumasprésident de l’aGessa

Jorge Alvarez Iberlucea- Thierry Dumas dans la salle du conseil de L’AGESSA, lors de notre interview.

(…) j’ai cru comprendre que le rôle des commissions n’était pas remis en cause : ces commissions professionnelles sont inhérentes au régime de sécurité sociale des auteurs. »

u u u

Les cahiers de la photographie #7 / 26

Les taux actuels recouvrés auprès des affiliés permettent-ils un niveau de retraite convenable ? Ou pensez-vous qu’il faudra reconsidérer le niveau des taux de cotisation pour améliorer la couverture ?

TD : La cotisation vieillesse pour les affiliés est aujourd’hui de 6,75 %, elle a déjà augmenté de 0,10% et elle va encore augmenter de 0,10 % à partir du 1er novembre 2013. Il est prévu qu’elle augmente encore de 0,10 % en 2014.

Y aura-t-il aussi une augmentation de cotisations sur les retraites complémentaires ?

TD : Je ne sais pas, il faudrait poser la question à l’IRCEC et au RAAP.

Pourriez-vous nous résumer le calendrier de toutes ces évolutions pour cette année et l’année prochaine ?

TD : La remise du rapport des inspecteurs devrait se faire au mois de juin, puis une nouvelle phase de concertation avec les organisations professionnelles se tiendra jusqu’à l’été. Ensuite, les deux ministères devraient prendre des décisions

au début de l’automne pour fixer la gouvernance de la caisse, son champ d’intervention et ses missions.Il y aura un passage au Parlement à l’automne puisque la mise en place de la caisse nécessitera de modifier quelques textes législatifs et réglementaires pour une mise en oeuvre opérationnelle, qui devrait avoir lieu en octobre 2014. Ce ca-lendrier est concomitant avec la fin des mandats des conseils d’administration de la Maison des Artistes et de l’AGESSA qui interviendra à l’été 2014.

En ce qui vous concerne, votre rôle va-t-il se poursuivre au sein de la nouvelle entité ?

TD : Je n’ai pas entendu dire le contraire donc, a priori, oui. Mais cette question relève de la compétence des ministères de tutelle.

Je vous remercie de nous avoir accordé cette interview. n

Propos recueillis par Patrick Roche

l ’ a g e s s a e n q u e s t i o n s

u u u

FAIRE LE POINT AVEC UN EXPERT

DO

CU

ME

NT

NO

N C

ON

TR

AC

TU

EL

À C

AR

AC

RE

PU

BLI

CIT

AIR

E

1 HEURE POUR PRÉPARER ET PROTÉGER VOTRE AVENIR• Quel sera le montant de votre retraite ?• Sur quel niveau de revenu pouvez-vous

compter en cas d’arrêt de travail ou d’invalidité ?

• Quelle est la protection actuelle et future de votre conjoint ?

L’AUDIT DE PROTECTION SOCIALE Une étude 100 % personnalisée pour obtenir les réponses précises à vos questions d’avenir, anticiper les risques et mettre en place des solutions pour optimiser votre protection.

Pour bénéficier de votre étude réalisée avec un expert de la protection sociale, appelez le : 0970 808 808 (NUMÉRO NON SURTAXÉ).

La représentation graphique simple et claire du logiciel unique d’AG2R LA MONDIALE permet de visualiser en un coup d’œil l’ensemble de votre protection sociale.

PRÉVOYANCESANTÉ

ÉPARGNERETRAITE

En partenariat avec l’Union des Photographes Professionnels

052013-20062.indd 1 30/05/13 11:28

205, RUE DU FAUBOURG SAINT-MARTIN 75010 PARIS

TÉL. 01 44 61 07 82 FAX. 01 84 16 45 [email protected]

WWW.SAIF.FR

Société des Auteursdes arts visuelset de l’Image Fixe

SAIF-ANNONCEA4-PHOT-2013.indd 1 10/01/13 9:50:27

Un livre peut faire bouger les choses. Les livres Blurb les font réellement bouger.

Blurb vous aide à concevoir, publier et vendre des livres de qualité professionnelle.

Grâce à nous, vous pourrez également créer des livres multimédias que vous pourrez vendre ou partager dans l’iBookstore et sur la librairie en ligne de Blurb.

Livres ou ebooks, créez pour faire bouger.

De superbes livres & ebooks, Créés par vous.

blurb.fr Tronic 2010 | Tronic Studio

nouvelobs.indd 1 12/19/12 4:48 PM

Liste revendeurs sur www.profoto.com/fr www.facebook.com/profotofrance

BOÎTES À LUMIÈRE PROFOTO RFi PLUS QU’UNE BOITE À LUMIÈRE C’EST UN LIGHT SHAPING TOOL*

La photographie est une question de lumière : comment la contrôler, la façonner. Aujourd’hui le système Profoto s’enrichit de nouveaux outils : les boîtes à lumière RFi.

Finalement, une boîte à lumière RFi est bien plus qu’une simple boîte à lumière...

* Modeleur du système Profoto LST

C

M

J

CM

MJ

CJ

CMJ

N

4stores monochrome.pdf 1 18/12/12 14:21

JE SUIS VOTRE ADRÉNALINE

JE SUIS LE NOUVEAU NIKON D7100. Je suis la photographie qui dépasse ses limites. Vous prendrez des images à couper le souffl e grâce à la précision de mes 24,1 mégapixels et à mon système autofocus 51 points. Avec un effet téléobjectif 1,3x, je repousse les limites du capteur format DX. Je suis à l’épreuve du temps et des éléments tout en offrant des performances exceptionnelles. Je vous accompagne partout, à tout moment. Je suis aux côtés de ceux qui veulent aller toujours plus loin. nikon.fr

*Au cœur de l’image - RCS Créteil 337 554 968

NIK-apD7100-210x297.indd 1 04/04/13 16:59