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Coordonné par Olivier MauliniCar c’est sans doute par l’alliance, sans cesse à renouveler, de l’outil et du sens que l’entreprise éducative devient vraiment créatrice d’humanité

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Coordonné par Olivier Maulini et Monica Gather Thurler

Enseigner : un métier

sous contrôle ?

Entre autonomie professionnelle et normalisation du travail

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Direction éditoriale : Sophie Courault

Édition : Sylvie Lejour

Coordination éditoriale : Maud Taïeb

Relecture – Correction : Élodie Nicod, Laurence Petit

Composition : Myriam Dutheil

© 2014 ESF éditeur

Division de la société Intescia

52, rue Camille-Desmoulins

92448 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.esf-editeur.fr

ISBN 978-2-7101-2943-1ISSN 1158-4580

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2e et 3e a, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non desti-nées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou ses ayants droit, ou ayants cause, est illicite » (art. L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

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Pédagogies

Collection dirigée par Philippe Meirieu

L a collection PÉDAGOGIES propose aux enseignants, formateurs, animateurs, éducateurs et parents, des œuvres de référence associant étroitement la réfle-

xion théorique et le souci de l’instrumentation pratique.

Hommes et femmes de recherche et de terrain, les auteurs de ces livres ont, en effet, la conviction que toute technique pédagogique ou didactique doit être référée à un projet d’éducation. Pour eux, l’efficacité dans les apprentissages et l’accession aux savoirs sont profondément liées à l’ensemble de la démarche éduca-tive, et toute éducation passe par l’appropriation d’objets culturels pour laquelle il convient d’inventer sans cesse de nouvelles médiations.

Les ouvrages de cette collection, outils d’intelligibilité de la « chose éducative », donnent aux acteurs de l’éducation les moyens de comprendre les situations auxquelles ils se trouvent confrontés, et d’agir sur elles dans la claire conscience des enjeux. Ils contribuent ainsi à introduire davantage de cohérence dans un domaine où coexistent trop souvent la géné rosité dans les intentions et l’improvisation dans les pratiques. Ils associent enfin la force de l’argumentation et le plaisir de la lecture.

Car c’est sans doute par l’alliance, sans cesse à renouveler, de l’outil et du sens que l’entreprise éducative devient vraiment créatrice d’humanité.

* * *

Voir la liste des titres disponibles dans la collection « Pédagogies » en fin d’ouvrage et sur le site www.esf-editeur.fr

Pédagogies/Outils : des instruments de travail au quotidien pour les enseignants, formateurs, étudiants, chercheurs. L’état des connaissances facilement accessible. Des grilles méthodologiques directement utilisables dans les pratiques.

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Table des matières

Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

Introduction L’enseignant et le contrôle : des motifs de mécontentement ? . . . . . . . . . . . 11

Améliorer le contrôle… Un idéal discutable ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

On ne peut pas ne pas contrôler… Un fait incontournable ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18

Contrôler le contrôle ? Sortie par le haut et contraintes de la professionnalisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23

Présentation de l’ouvrage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

1re partie Enseigner : un métier contrôlable ?

1. Le contrôle controversé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34

Que mettre au centre du contrôle ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35

Le travail enseignant : un cas d’école ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

Un contrôle par le milieu ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39

Les conditions d’une évaluation fiable, cohérente et mobilisatrice . . . . . . . . . . 41

2. Du contrôle de la profession à la professionnalisation du contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

La professionnalisation : un concept heuristique pour cerner un processus dynamique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

Statut et mandat de la profession au cœur de son institution . . . . . . . . . . . . . . . . 47

La professionnalisation du contrôle : une condition de la construction de la profession . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

Conclusion : le contrôle de la « magistrature éducative » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57

3. Le contrôle et le pouvoir : entre surveillance et confiance accordée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

Un monde autoritaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 62

Mise à distance du contrôle et régime de confiance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

Un nouveau contrôle de proximité axé sur les résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68

Mesurer ou reconnaître ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71

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4. Contrôler des savoirs : quels contenus pour quelles finalités ? . . . . 74

Une mutation des exigences de contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

Compétences sociales et nouveaux objets . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

2e partie Contrôler : un travail présentable ?

1. « Sale boulot » ou « dur travail » ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

« Sale boulot » et « dur travail » en col blanc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 89

Éviter, accepter ou minimiser la fonction de contrôle : trois stratégies . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90

Sous les stratégies : l’expérience du contrôle par le contrôleur . . . . . . . . . . . . . 92

2. Du contrôle au soutien : l’inspection en question . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95

Une confusion des rôles ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96

Entendre la parole des enseignants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97

Deux ancrages permettant une reconnaissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 101

Dépasser la défiance par une alliance des acteurs pour l’accès aux savoirs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102

Vers une métamorphose de l’inspection ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104

3. Les chefs d’établissement, contrôleurs empêchés du travail enseignant ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106

Les chefs d’établissement et le contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 107

Les mutations du contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 109

Du contrôle aux contrôleurs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111

Des stratégies hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113

Conclusion : des acteurs investis mais empêchés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 117

3e partie Les effets du contrôle : conformisme ou efficacité ?

1. Entre promesses et procès : quels sont les faits ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122

Contrôler les effets du contrôle : la recherche juge et partie ? . . . . . . . . . . . . . . 124

Ce que produisent l’inspection et l’évaluation : îlots de rationalité . . . . 127

Les effets collatéraux, ou quand les acteurs anticipent les rétroactions ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132

Ouverture : prudence et terrain miné… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 134

Enseigner : un métier sous contrôle ?

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Table des matières

2. Entre secteur privé et secteur public : des régulations contrastées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 136

Du « contrôle » à la régulation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137

Une enquête dans 18 lycées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139

Relations de travail et satisfaction dans l’enseignement public et le privé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140

Discussion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145

Conclusion : « structure établissement » et public d’élèves . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147

3. Le contrôle dans la formation des enseignants : un outil de développement professionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 148

Faire le point sur la professionnalisation en formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149

Les dispositifs de l’alternance : constructeurs de la professionnalité en formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

Mesurer des résultats ou partager une culture commune ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155

Pour un contrôle qui développe le sens du métier et les capacités du sujet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157

4. Le contrôle dans une organisation apprenante : apprendre en travaillant ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159

Une évaluation des enseignants peut-elle être mobilisatrice ? . . . . . . . . . . . . . 161

Une évaluation institutionnelle peut-elle être collectivement mobilisatrice ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 166

Conclusion : des équilibres fragiles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171

4e partie Le contrôle, clef de voûte de la professionnalisation ?

1. Enseigner et contrôler : un défi à l’ère de la défiance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 176

Professionnalisation et nouvelles politiques éducatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177

Paradoxe, complémentarité ou concurrence des logiques de développement ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 181

Dépasser les débats stériles : un développement des compétences à partir de l’existant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 185

De l’obligation de résultats à l’obligation de compétences . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 186

Conclusion : faire de l’inconfort une source de développement . . . . . . . . . . . 191

2. Le développement de la qualité sous le contrôle de la professionnalisation des enseignants . . . . . . . . . . . . . . . . 192

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Prévenir la confusion des rôles dans le développement de la qualité . . . . . 193

Identifier les enjeux complexes de l’évaluation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 195

Accorder nos principes d’action avec le « postulat de la professionnalité » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198

Une gestion des ressources humaines favorable au développement professionnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

Nouvelles tâches, nouveaux modèles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 207

3. La confiance sous contrôle : le professionnalisme enseignant face aux nouvelles régulations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208

Trois évolutions majeures . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 208

Des tendances contradictoires ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 210

Conclusion : recréer une confiance « politique » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 214

4. Le modèle finlandais de gouvernance de la profession enseignante . . . . . 215

Une scolarité obligatoire sans sélection . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217

Une déconcentration des compétences décisionnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 218

Un pilotage orienté par des objectifs d’apprentissage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 220

Un ancrage universitaire de l’identité professionnelle des enseignants . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221

Une culture de la réflexivité à tous les niveaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222

Une haute autorité de l’éducation distincte du pouvoir politico-administratif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 223

Une alternative qui semble faire la différence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225

Coda. Contrôler le travail des enseignants : délicat, complexe, coûteux, mais possible ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 227

Affirmer le droit de contrôler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 228

Affirmer le devoir de contrôler . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229

Ressaisir l’insaisissable objet du contrôle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 230

Savoir les limites d’une obligation de résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 231

Savoir les limites d’une obligation de moyens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 234

Exiger des ressources garantes d’un travail efficace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235

Aller vers un coaching fondé sur la co-analyse du travail . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 238

Une co-analyse du travail à concevoir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 242

Garder les pieds sur terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 245

Notices biographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 273

Quelle pédagogie du contrôle ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279

Enseigner : un métier sous contrôle ?

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Avant-propos

D epuis sa création en 2000, le Laboratoire de recherche Innovation-Formation- Éducation de l’université de Genève (LIFE, www.unige.ch/fapse/life) s’efforce

d’analyser les processus d’innovation dans l’École et, plus largement, dans les métiers de l’éducation. Il a ouvert d’emblée une série de chantiers théoriques qui ont été par la suite inégalement « défrichés », et qui ont abouti, soit à des publica-tions individuelles de ses membres, soit à des ouvrages collectifs.

L’École entre Autorité et Zizanie, paru en 2003, visait à rendre leur sens à des mots (pédagogie, didactique, constructivisme, évaluation formative, etc.) souvent utilisés pour promouvoir ou, au contraire, dénoncer des changements en éduca-tion. L’organisation du travail scolaire. Enjeu caché des réformes ? a été publié en 2007. Dans le prolongement d’une série de séminaires de recherche conduits en collaboration avec des praticiens, il interrogeait un paradoxe ou plutôt toute la complexité d’un changement de paradigme : si la façon dont le travail scolaire est organisé fait obstacle à la lutte contre l’échec scolaire et, plus spécifiquement, à la pédagogie différenciée, modifier l’organisation de ce travail n’est-il pas le levier le moins simple, mais aussi le plus puissant à actionner, le donné le plus important à interroger et à transformer ?

Presque naturellement, LIFE s’est par la suite penché sur les rapports entre le travail organisé par et pour les enseignants, en amont et en aval de ce qu’on a coutume d’appeler les pratiques de classe. Comment et par qui sont-elles à la fois contraintes et légitimées ? Le contrôle du travail enseignant est devenu la thématique centrale du premier colloque international organisé en 2010 à l’occa-sion de l’éméritat du professeur. Philippe Perrenoud qui avait exprimé le souhait que son départ à la retraite soit l’occasion d’orienter le regard vers de futurs défis. Le colloque a été organisé dans cet esprit, et le présent ouvrage tente de le faire à son tour. Il se penche sur un objet qui ne fait là encore guère l’unanimité, envahissant pour certains, erratique pour d’autres, plus ou moins tabou dans le milieu à la fois normalisant et volontiers indocile de l’enseignement. L’ouvrage se compose d’une série de chapitres signés par les enseignants-chercheurs qui étaient membres de LIFE au moment du colloque ou par des collègues invités, interlocuteurs de longue date de Philippe Perrenoud et travaillant en Suisse, en France, en Belgique et au Québec. Les notices biographiques de chacun d’eux

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figurent en annexe (voir la page 273) et permettent de situer leur propos dans la structure générale de l’ouvrage et dans la diversité des contextes nationaux.

La pluralité des expériences n’exclut pas un langage commun : c’est sa condi-tion. Nous nous sommes efforcés de produire un texte cohérent, enchaînant les chapitres au fil d’un raisonnement ramifié mais lisible, faisant dialoguer les points de vue en évitant les redites. Nous tenons à remercier Manuel Perrenoud pour ses relectures et pour son précieux travail rédactionnel, fort apprécié par tous les protagonistes concernés.

Olivier Maulini et Monica Gather Thurler, coordinateurs de l’ouvrage.

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Introduction L’enseignant et le contrôle :

des motifs de mécontentement ?

Olivier Maulini et Monica Gather Thurler 1

« Si ce fonctionnaire demande : “Êtes-vous contents du service ?”, qu’on lui réponde : “Nous sommes contents de tout, Excellence !”… Et celui qui ne sera pas content, je me charge de lui ménager plus tard un de ces mécontentements ! »

Le gouverneur dans Le Revizor, Gogol, 1836

E nseigner est un métier. Et ce métier est plus ou moins contraint, contrôlé, supervisé. Du point de vue des professionnels eux-mêmes2, le contrôle de

l’enseignement peut s’effectuer bien ou mal, à bon ou à mauvais escient, de manière perspicace, rationnelle, efficace ou pas, bref, légitime ou non. Il peut pousser à l’engagement dans la tâche ou au contraire à l’attentisme, à l’intelligence ou au conformisme, à la créativité ou à l’opportunisme. C’est que les critères pour juger de la fiabilité du travail éducatif sont nombreux, fragiles, controversés ; et que ceux qui portent sur le contrôle, l’inspection ou l’évaluation de ce travail n’ont sans doute pas grand-chose à leur envier. On ne peut surveiller et sanctionner, en général, que des conduites collectivement valorisées : mais quelles valeurs pédagogiques font aujourd’hui l’unanimité ?

S’il est vrai que « l’école fonctionne [désormais] comme un laboratoire des questions posées à la démocratie par le développement même de la démocratie » (Blais, Gauchet & Ottavi, 2002, p. 22), alors toute pratique de l’enseignement, tout pouvoir hiérarchique, tout travail prescrit, toute volonté d’accroître l’effica-cité ou l’équité éducative, toute prétention à contrôler l’opinion et le compor-tement d’autrui sont susceptibles d’être discutés. Paradoxalement, les progrès de l’instruction ont contribué à la mise sous tutelle de gouvernants de plus en

1. Université de Genève.2. Le masculin utilisé dans ce livre est purement grammatical. Il désigne des collectifs compo-sés aussi bien de professionnels que de professionnelles, de contrôlés que de contrôlées, de contrôleurs que de contrôleuses.

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plus « vulnérables et dépendants », devenus « les élèves des gouvernés, soumis à un contrôle permanent de leurs actions » (Rosanvallon, 2006, p. 61). Dans ces conditions, quel maître impose-t-il trop ou pas assez, en classe, son droit de regard et son autorité ? Et quelle autorité supérieure est-elle fondée à le lui signifier ? Inspecteurs d’école, directeurs d’établissement, cadres de l’adminis-tration ou ministres de l’Éducation sont aujourd’hui tous sommés de rendre des comptes (Sénore, 2000 ; Barrère, 2006 ; Darling-Hammond, 2010). La statistique, les sciences sociales, les enquêtes internationales et les épreuves standardisées peuvent venir en renfort d’une gouvernance définitivement problématisée, mais le monitorage par les nombres peut être lui-même critiqué pour ses effets réduc-teurs et son manque d’interlocution entre évaluateurs et évalués (Keane, 2009 ; Rolff, 2010a, b, 2013 ; Felouzis & Hanhart, 2011 ; Maroy, 2013).

Au final, l’abus ou le défaut de contrôle à l’intérieur de l’école peuvent être tour à tour invoqués, non seulement parce que les opinions ou les convictions pédagogiques des acteurs sont diverses, mais surtout parce que « la dualité des jugements est la conséquence directe de la décomposition d’[un] programme institutionnel [qui] s’atomise et part en morceaux », si bien qu’« on finit par vouloir tout et son contraire » en éducation (Dubet, 2002, p. 151-152) : de l’ordre et du changement ; de l’ouverture et de la clôture ; de l’exigence et de la compassion ; du réalisme et de l’ambition ; de la liberté et de la sécurité ; de la soumission aux normes et de l’esprit d’initiative ; plus d’attention et moins de surveillance en même temps. Finalement, enseigner est-il ou non un métier sous contrôle ? Peut-être que oui, peut-être que non : tout dépend de ce que le mot contrôle peut signifier. Ce qui ne fait donc qu’un aspect de plus à discuter…

Ce livre collectif part du principe que le contrôle du travail des enseignants est à la fois une pratique ancienne mais en pleine évolution, un enjeu pour le développement de la profession, par ailleurs un objet de conflit et de controverse dans et hors de l’institution, finalement un révélateur des rapports de pouvoir et du rapport au savoir en démocratie avancée. Son intention est donc moins d’iden-tifier la bonne façon de contrôler la bonne manière d’enseigner, que d’étudier les pratiques de contrôle, d’évaluation et de sanction du travail enseignant dans leurs contextes. Et de mettre en rapport leurs intentions plus ou moins affirmées, leurs effets plus ou moins observables et les inconnues qui peuvent résulter de cette confrontation. Pour cela, posons d’emblée trois principes, dont l’enchaînement aboutira aux questions traversant l’ensemble des chapitres.

1. On peut s’intéresser au contrôle par simple curiosité, mais aussi parce qu’il a un impact sur le travail des enseignants, qui a lui-même un impact sur les apprentissages des élèves, qui sont en somme la raison d’être de l’école. Mieux faire apprendre, donc mieux enseigner, donc mieux contrôler le travail des enseignants se déduirait dans ce cas logiquement d’un pragmatisme professionnel étayé par la recherche en éducation. Mais si « améliorer

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Introduction

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l’école » (Chapelle & Meuret, 2006), « éduquer au mieux » (Vellas, 2002) ou « créer des synergies pour améliorer l’apprentissage » (OCDE, 2013) peuvent sonner comme des slogans plus ou moins rassembleurs, que signifierait exactement « mieux contrôler le travail des enseignants » ? S’agit-il : de mieux les contraindre à obéir ? de mieux les convaincre qu’on se fie à eux ? de les conduire à mieux rendre des comptes, ou plutôt à se comporter de sorte que nul ne songe à en demander ? Améliorer le contrôle a tout l’air d’un mot d’ordre discutable, un idéal qui, vu au moins des enseignants, peut mener vers plus de souveraineté ou au contraire de dépendance non désirée.

2. Il serait donc tentant – principe de précaution – de laisser la rationalisation du contrôle à ceux que cette question passionne, de ne pas trop y penser et de réserver les forces progressistes à la contestation des abus de pouvoir, qu’ils soient bien ou mal intentionnés. En somme, le contrôle étant du côté des puissants, ne s’y intéresser que défensivement serait conforme à la vocation critique des sciences de l’éducation. Oui, mais censurer un risque, est-ce s’en protéger ou au contraire davantage s’y exposer ? Les linguistes affirment qu’on ne peut pas ne pas communiquer (ne rien dire, c’est exprimer qu’on préfère se taire…). Les psychologues, qu’on ne peut pas ne pas évaluer (« cela ne m’intéresse pas » est de facto une manière de dénigrer…). Les sociologues ajouteraient sans doute que les êtres humains ne peuvent pas ne pas mutuellement se contrôler. Sans contrôle social, pas de collectivité, pas de lien, pas d’échange, pas de justice, pas d’institutions, pas d’école, bref, pas de société. Ne vaut-il pas mieux admettre que le contrôle est incontournable, au lieu de le subir au prétexte qu’il serait sale ou dangereux d’y toucher ?

3. D’où un retour à la question pragmatique, une fois une brève théorie du contrôle explicitée. Ce que les recherches en cours tendent à montrer, c’est que les modes de surveillance évoluent qu’on le veuille ou non, pour le meilleur ou pour le pire suivant nos croyances et nos idéaux. Mais elles indiquent aussi que le problème est peut-être moins de fixer le genre de contrôle qui sera une bonne fois pour toutes le plus légitime d’entre tous, que de veiller aux processus de légitimation qui président aux déci-sions. Les instances, les critères et les formes de contrôle en vigueur dans l’École peuvent être le produit de calculs ou de lieux communs, de vraies incertitudes ou de fausses évidences, de débats récurrents ou de luttes d’influence plus opaques, qui peuvent écarter ou au contraire impliquer les enseignants (et pourquoi pas les élèves et leurs parents…) dans la régula-tion des pratiques et des politiques éducatives. « Améliorer le contrôle de l’enseignement » ne peut plus être, dans ce cas, une question technique et purement fonctionnelle réservée à des experts (fussent-ils les ensei-gnants eux-mêmes) vertueux par définition. Il s’agit de voir qui « contrôle le

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contrôle », sur la base de quel statut, de quels savoirs, de quels pouvoirs, et avec quels effets sur le métier d’enseigner et sa professionnalisation.

Reprenons ces trois étapes du raisonnement une à une, pour voir quelles questions elles amènent à poser finalement.

Améliorer le contrôle… Un idéal discutable ?

Historiquement, le contrôle du travail a d’abord et longtemps relevé de corps spécialisés d’inspection, chargés de vérifier l’application des règles formelles pour protéger les employés les plus fragiles des emplois dangereux et des employeurs abusifs (Kaddouri, 2012). À l’école, on serait tenté de dire, par analo-gie, que l’élève est le travailleur, l’enseignant le patron, et l’inspecteur l’agent chargé de contrôler comment le patronat local contrôle le prolétariat… Sauf que cette hiérarchie des fonctions n’est peut-être plus vraiment d’actualité, parce que le contrôle idéal s’apparente aujourd’hui de moins en moins – à l’école comme ailleurs – à une simple inspection (du latin inspicere, « regarder dedans »). Les travailleurs (dans l’entreprise) et les élèves (dans l’école) sont tenus de s’engager, de participer, de collaborer plutôt que d’attendre les ordres. Ils sont idéalement partie prenante d’un processus de régulation complexe et interactif, difficilement réductible à un système binaire (conforme/non conforme) d’appréciation.

Lorsque deux inspecteurs de l’Éducation nationale française prennent par exemple la plume pour témoigner de leur expérience récente, ils évoquent le contrôle formel du travail des enseignants comme la part la plus sommaire ou la plus sombre de ce qu’ils espèrent personnellement de leur fonction. « Le plus souvent, l’inspecteur contrôle, juge et évalue de manière sommative, voire normative : il reste dans un face-à-face avec l’enseignant » (Sénore, 2000, p. 204). « Personne ne veut plus entendre parler de contrôle, tant le mot est connoté péjo-rativement, tant les critères et la procédure sont difficiles à établir » (Roquet, 2005, p. 83). Vérifier l’état des locaux, la tenue des registres, le respect des programmes ou la ponctualité peut se justifier a minima, mais ne faire que ça, faire d’abord ça et/ou le faire en visiteur d’un moment présente une série de plus en plus nette d’inconvénients, tant pour l’inspecteur que pour l’inspecté :

– Le travail enseignant est réduit à des signes extérieurs de conformité.

– Les contrôlés qui le savent se mettent en règle malgré leur sentiment d’absurdité.

– L’hypocrisie du jeu assure sa persistance.

– Tout le monde s’en plaint, mais à voix basse pour ne pas s’exposer.

– Au final, l’inspection est une mère de famille incompétente, tour à tour omnisciente et incompréhensive, donc infantilisante. Ne sachant observer que ce qu’elle estime, elle toute seule, désirable et observable, elle force

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Introduction

les enseignants à rester sous le réverbère qu’elle leur tend (Puren, 2013). Notant leurs élèves et notés par leur hiérarchie, les professeurs sont les rouages d’un ordre bureaucratique à la fois protecteur et décrié, protecteur quand il donne au maître le pouvoir de sanctionner, décrié lorsque le maître est lui-même exposé. Au pire, « l’enseignement, c’est, à vie, la double vie de l’enfant : une réalité où tout est décidé en dehors et où l’on est irrespon-sable de ses actes, et un imaginaire où l’on est tout-puissant » (Ranjard, 1984, p. 184).

L’idée même de contrôle pourrait donc renforcer le sentiment de persécution. Bien sûr, la France est un cas particulier, dans lequel il n’y a aucune raison de s’enfer-mer. Et les formes de contrôle peuvent évoluer, dans l’enseignement comme ailleurs, de l’inspection traditionnelle aux évaluations internes et externes plus ou moins standardisées, même et surtout si ces dernières prétendent dépasser le simple poin-tage mécanique pour produire un processus dynamique, interactif, voire créatif de régulation (Gather Thurler, 1994, 2002 ; Pelletier, 1998 ; MacBeath, Jakobsen, Meuret & Schratz, 2000 ; Strittmatter, 2002 ; Paquay, 2004 ; Caty-Leslé & Marret, 2013). Mais si le Revizor de Gogol trouvait tout son monde sous contrôle parce que la compétence du contrôlé consistait, non pas à bien travailler, mais à duper le contrôleur borné, les parades individuelles et collectives sont-elles vraiment diffé-rentes à l’ère de l’assurance qualité, du benchmarking et du salaire au mérite ?

Les instruments de mesure ont pu se sophistiquer ; la supervision se déplacer du respect des prescriptions vers l’obtention de résultats quantifiables : il reste quand même un évaluateur et un évalué, donc un jeu potentiel du chat et de la souris, du gendarme et du voleur, du pas vu-pas pris, un jeu qui nous ramène aux « peurs pour rire » de l’enfance, mais dans une partie potentiellement sans merci, où l’attrapé peut finir désavoué, blâmé, dégradé, licencié, bref, sociale-ment déclassé. Dans ces conditions, et si les chiffres sont devenus par endroits le nouveau juge de paix, la nouvelle règle peut consister à montrer les chiffres atten-dus, à « enseigner pour les tests », à « soigner ses statistiques », à « afficher de bons résultats » pour gagner, sinon en valeur ou en qualité, au moins en prestige, en profit et en tranquillité. D’un côté, le dépassement de l’ordre bureaucratique et taylorien serait la condition d’une organisation du travail scolaire plus « adhocra-tique », « organique » ou « professionnelle », gage de meilleure prise en compte des besoins des usagers, d’interactivité et de pédagogie différenciée (Gather Thurler, 2000 ; Hutmacher, 2005 ; Gather Thurler & Maulini, 2007 ; Perrenoud, 2012). De l’autre, les sciences du travail montrent l’effet potentiellement délétère d’un management où tout le monde compte et classe au lieu de se parler et de s’entraider. « Le contrôle statistique et normatif de la qualité des travailleurs à travers le suivi d’indicateurs et de cibles de performance se révèle ainsi plus serré que celui des inspecteurs surveillant les chaînes » (Hibou, 2012, p. 111-112).

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Au final, les contrôlés souffrent ou trichent pour se protéger. Et les résultats obte-nus sont contraires à la mutation affirmée vers l’excellence : « Le conformisme et la soumission aux normes dominantes sont deux conséquences […] de la tyrannie des nombres » (De Gaulejac, 2011, p. 189).

Les enseignants sont-ils victimes de cette vague de fond, ou au contraire large-ment protégés des pressions observables dans d’autres métiers ? Tout dépend du point de vue adopté. En comparant les situations française et étatsunienne, Meuret (2007, p. 184) arrive par exemple à la conclusion que le pragmatisme américain rendrait évident le principe d’accountability, là où la combativité répu-blicaine érigerait plus volontiers chaque agent de l’État en garant intouchable d’une rationalité descendante. Surveiller et contraindre un professeur, c’est à la limite profaner le libre-arbitre dont il est l’incarnation. Dans l’école sanctuarisée, aucun enseignant ne peut être commandé. Pour un hussard noir digne de ce nom, il est « légitime de n’appliquer une circulaire que si l’on est d’accord avec elle, en tout cas si elle ne contredit pas l’idée qu’on se fait de l’enseignement ». À partir du contexte britannique, Osborn, McNess et Broadfoot (2000, p. 233) renversent simplement cette inquiétude : les enseignants d’outre-Manche seraient moins laissés à leur quant-à-soi, que menacés dans leur indépendance d’esprit et dans un professionnalisme supposant « intrinsic satisfaction of trying to achieve self-imposed goals » et « sense of moral, self-imposed accountability ». Trop ou pas assez d’autonomie seraient en somme deux façons de rogner les ambitions des professionnels en les exemptant de toute responsabilité sociale… socialement déterminée.

En écho à cette double préoccupation, trop ou pas assez de contrôle sont les deux plaintes les plus souvent exprimées par les enseignants et leurs représen-tants : la hiérarchie se mêlerait de tout et/ou elle serait trop loin du terrain ; sa supervision serait « inadéquate » dans les deux cas, qui n’en font en fait qu’un (Lantheaume & Hélou, 2008, p. 111). Trop de défiance et pas assez de proximité ne sont en effet pas des reproches contradictoires : ce sont les deux faces d’une revendication de compétence et de reconnaissance – donc d’autorité – théori-quement dues à toute profession crédible et installée (Champy, 2009). Lorsqu’on se tourne hors de l’école, cette fois vers les reproches des parents, on trouve – à fronts renversés – la même figure de double (com)plainte : les professeurs seraient tantôt libres de faire ce qu’ils veulent, tantôt prisonniers consentant d’une bureaucratie leur déniant toute marge de manœuvre ; les deux fois, ils manquent de fiabilité. « Personne ne peut contrôler le niveau d’investissement d’un enseignant ; il faut croire ce qu’il en dit. Et est-il vraiment bien sûr de ce qu’il dit ? » (Gayet, 1999, p. 147).

Les gens d’école seraient donc particulièrement ambivalents vis-à-vis du contrôle : parce que les enseignants sont de farouches indépendants, au service

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Introduction

d’une institution verticale ; parce qu’ils se réclament ou se dédisent, en fonction des circonstances, des directives qu’on leur donne, des méthodes qu’on leur destine, des réformes qu’on leur prépare, du pouvoir qui les emploie (Huberman, 1973 ; Perrenoud & Montandon, 1988 ; Maulini, 2010a, b). Simple porte-parole du programme d’un côté, Grand Timonier dans sa classe de l’autre, le professeur est à la fois seul en scène et sous examen permanent. Les enquêtes montrent qu’il ne se fie d’abord qu’à l’appréciation de ses élèves, puis à celui de collègues qu’il jauge volontiers en retour, sans croire à l’arbitrage d’une haute autorité fondée sur des savoirs et des normes formalisés (Perrenoud, 2010a ; Maulini, 2010c, 2011). « Jugement partout, reconnaissance nulle part » serait la règle dominante dans l’école (Lantheaume & Hélou, op. cit., p. 93), la précarité des critères de validation renforçant un jeu de dupes à l’allure de cercle vicieux : en l’absence de références collectives qui font foi, le contrôle ne porte que sur la part matériellement observable et mesurable de l’activité ; donc le vrai travail s’opère et se valorise à la marge ; donc les travailleurs protègent ce travail de tout ce qui pourrait le codifier ; donc le contrôle continue de tomber à côté de sa cible et de faire seulement mine de réguler… Le souci de séduire l’évaluateur prend le pas sur celui de produire réellement une plus-value ; la machine s’emballe, tout le monde pense mal travailler, mais le « rétrécissement de la conscience intersubjective » est tel (Dejours, 1998, p. 162) qu’il devient plus urgent d’être bien évalué que de faire ce qui vaut au risque d’être sanctionné.

Qu’il soit direct (par l’inspection) ou indirect (par le biais d’une forme ou d’une autre d’évaluation), le contrôle qu’exerce l’instance contrôleuse sur les travail-leurs contrôlés est d’abord un acte de pouvoir, puis une compétence de l’autorité si ce pouvoir est jugé légitime par les subordonnés, enfin un objet de lutte ou de controverse s’il est au contraire contesté, par la bande ou de front, explicitement ou non. Trop intrusif et tatillon, le contrôle peut être perçu comme une marque de défiance, une contrainte inutile, un facteur d’obstruction, de stress et de démo-tivation. Il est contre-productif. Trop approximatif et distant, il passera pour une preuve d’indifférence, un laisser-faire désécurisant, une source de désordre, d’an-goisse et de régression vers la loi du plus fort. Il aura à nouveau tort. Si éduquer et gouverner sont deux « métiers impossibles », que penser a fortiori du gouver-nement des écoles, tâche deux fois intenable, chargée de rationaliser le guidage complexe (la gouvernance) d’un guidage lui-même complexe (l’enseignement) ?

En classe, l’enseignant doit guider (donc contrôler) la pensée de ses élèves pour peu à peu les libérer (Meirieu, 1996). Dans son école, le directeur doit être un leader pédagogique, culturel ou transformationnel, que ses enseignants suivent d’autant mieux dans sa quête de qualité qu’il n’a pas besoin de la leur imposer (Gather Thurler, 2000 ; Monod, 2012). Le contrôle idéal n’a qu’un but : faire en sorte qu’on apprenne à s’en passer, ou plutôt qu’on l’opère soi-même, en sujet

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« autonome » s’imposant volontairement, en son for intérieur, les limites qu’on n’aura ainsi plus besoin de lui fixer du dehors. Ce paradoxe est souvent dénoncé, mais il est difficile à ignorer : chercher à rationaliser, à perfectionner, à améliorer les pratiques de contrôle…, dans les organisations en général, dans l’école en particulier, est-ce un pas vers plus d’intelligence ou une perversion de l’idéal d’émancipation ? Serons-nous bientôt au paradis de l’autorégulation, ou dans l’enfer d’une servitude volontaire d’un genre nouveau ? (Chaignot, 2012) Peut-être simplement sur terre, aux prises avec la complexité et un contrôle du travail qui ne peut pas ne pas exister…

On ne peut pas ne pas contrôler… Un fait incontournable ?

Si le mot contrôle est tabou, il est interdit d’y toucher. Comme les mots pouvoir, compétence, innovation ou efficacité, le champ de l’éducation ferait peut-être mieux de le laisser à l’usage de sciences du management et de l’économie, dont les préoccupations prosaïques peuvent lui sembler étrangères. Mais sont-ce les mots qui changent le monde, ou justement l’usage qu’on en fait ? Entre humains, n’y a-t-il pas partout et toujours du contrôle, quoi qu’on en pense, quoi qu’on en veuille, et n’est-ce pas lui donner carte blanche que de refuser d’en parler ? S’il y a contrôle et contrôle, autant se demander d’abord comment il se distribue et se manifeste socialement, y compris et d’abord dans les cas où le sens commun ne l’identifierait pas sur le champ.

« Contrôle » est d’abord un mot du dictionnaire. Le « contre-rôle » était jadis un « registre tenu en double, l’un servant à vérifier l’autre livre appelé rôle ». Logiquement, rôle découle de « rouleau de papier », contrôle veut dire « contre-rôle », second rouleau destiné à la vérification des écritures du premier. Par exten-sion, le contrôle est peu à peu devenu toute « vérification portant sur des choses en vue d’examiner si elles remplissent les conditions demandées ». Le contrôleur du train poinçonne les billets. Celui des impôts vérifie notre déclaration. Celui des travaux finis signifie si tout est conforme aux conditions demandées en amont. Dans les métiers de l’humain, on pourrait dire, sans trop jouer sur les mots, que le contrôle est l’alter ego du rôle : notre contrôleur a pour rôle de s’assurer que nous remplissons bien le rôle qui est le nôtre.

En sciences humaines, le contrôle est d’abord le contrôle social opéré sur les comportements des personnes et des groupes (Lécuyer, 1967). Les manuels de sociologie définissent ce concept comme le « fait, pour une personne ou une insti-tution, d’exercer une surveillance sur des activités et d’en vérifier la conformité à des normes » (Akoun & Ansart, 1999, p. 114) ou – version a priori plus restrictive – comme l’« ensemble des moyens dont dispose un groupe (la majorité) pour faire en sorte que les membres qui le composent se conforment aux normes et aux