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La Cour de discipline budgétaire et financière Michel LASCOMBE Xavier VANDENDRIESSCHE Professeurs à l’Université de Lille-II, GERAP-GREEF Curieuse juridiction que cette Cour de dis- cipline budgétaire et financière ! Vili- pendée par les uns pour son activité juri- dictionnelle jugée insuffisante, décriée par les autres en raison de sa composition ou de la nature des infractions relevant de sa compétence, elle ne semble trouver grâce qu’auprès de quelques contemp- teurs d’un système juridique et financier public qui serait aujourd’hui dépassé. Sans revenir ici sur les ambiguïtés origi- nelles qui ont affecté la CDBF, sans déplorer une nouvelle fois qu’elle n’ait point juridiction sur les principaux déci- deurs (ministres, exécutifs locaux), nous voudrions néanmoins insister en préam- bule de cette chronique, sur deux points particuliers, à commencer, peut-être un peu à contre-courant d’une doctrine dominante, par la nécessité du maintien et du développement de la CDBF. Juridiction spécialisée dans le traitement des infrac- tions relatives à l’utilisation des « deniers publics » entendus au sens large, la Cour a sanctionné non seulement la violation des règles relatives à l’exécution des dépenses et recettes publiques (procédure de dépense publique ; principes budgétaires et comptables ; marchés publics ; rémuné- rations, etc.), mais n’a pas hésité à étendre son contrôle à des organismes non soumis au droit public financier, sanctionnant les violations du droit commun commises par des dirigeants de sociétés ou d’associa- tions bénéficiant de larges financements publics. Or, il faut le souligner, la CDBF est, avec la Cour des comptes, la seule juridic- tion qui dispose d’un champ de compé- tence aussi largement défini. Ayant, à la différence de la Cour des comptes, juridic- tion sur les ordonnateurs, la CDBF incarne donc parfaitement l’exigence tirée de l’article 15 de la Déclaration de 1789 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Certains considèrent toutefois que la CDBF ferait en quelque sorte « double emploi » avec la juridiction pénale. En effet, les infractions visées aux arti- cles 432-10 et suivants du nouveau Code pénal (concussion, corruption passive, trafic d’influence, prise illégale d’intérêts) permettraient une répression suffisante de tels comportements émanant des dépositaires de l’autorité publique. Bien plus, le délit de favoritisme (art. 432-14) en matière de marchés publics et de délé- gations de service public est parfois perçu comme la sanction idéale en cas de viola- tion des règles de mise en concurrence ou de publicité. Sur ce dernier point, l’abandon du contrôle des seuils des mar- chés par les comptables publics (v. notamment instruction n o 03-029-M9 du 5 mai 2003) va rendre rapidement obso- lète la jurisprudence de la Cour des comptes (C. comptes, 1 er juillet 1993, Syn- dicat intercommunal d’électrification de la Corse-du-Sud, Rec. C. comptes 79 ; GAJF,4 e éd., n o 17 ; La Revue du Trésor 1993.790) en laissant le champ libre aux modalités les plus variables de fractionne- ment et de contournement des règles du droit de la commande publique. On veut dire ici avec force que cette « pénalisation » ne constitue qu’une réponse partielle, et donc insuffisante, dans le domaine de la gestion publique. En effet, même s’il est parfois difficile de déceler, dans la jurisprudence de la CDBF, la sanction d’une véritable « faute de ges- tion » (C. Descheemaeker, « La CDBF face aux fautes de gestion », La Revue du Trésor 1994.319), reste que les quelque 141 arrêts rendus (et notifiés, donc publiables) jusqu’à ce jour par la CDBF ne peuvent se résumer à un simple contrôle de « régularité » des opérations. En parti- culier, la jurisprudence rendue sous l’empire de l’article L. 313-7-1 du Code des juridictions financières (carences graves dans les contrôles, défauts d’organisation ou négligences diverses) témoigne de la spécificité de la juridiction de la CDBF. La même remarque peut être faite s’agissant de l’infraction visée à l’article L. 313-7 (inexécution totale, partielle ou tardive d’une décision de justice) que la Cour a récemment mise en application pour la première fois (v. ci-dessous CDBF, 20 décembre 2001, M. Janky c/ Région Guadeloupe). Par sa composition et par son statut, la CDBF est le garant naturel de l’intérêt général en matière financière ; l’accroissement des pouvoirs et des com- pétences des autorités décentralisées et déconcentrées doit ainsi conduire à une vigilance accrue dans l’utilisation des deniers publics et, par conséquent, à un renforcement du rôle de la CDBF. Mais, avant même que d’envisager une réforme de fond de la Cour, ne faudrait-il pas se pencher sérieusement sur son acti- vité passée et les modalités de diffusion de sa jurisprudence ? Juridiction « discipli- naire », la CDBF ne peut exercer un rôle pédagogique et préparateur d’avenir que pour autant que ses décisions fassent l’objet d’une diffusion la plus large pos- sible. L’article L. 314-20 du Code des juri- dictions financières prévoit à cet effet que « les arrêts par lesquels la Cour prononce des condamnations peuvent, dès qu’ils ont acquis un caractère définitif, être publiés, en tout ou partie, sur décision de la Cour, au Journal officiel de la Répu- blique française » (c’est le cas des huit arrêts ci-dessous rapportés). Mais, et ce n’est pas faire injure à cette vénérable ins- titution qu’est le Journal officiel, la diffu- sion de l’information prend aujourd’hui d’autres formes plus « immédiates », grâce au recours aux différentes bases de données « en ligne » dans le cadre du ser- vice public de l’accès au droit. Ainsi, le citoyen désireux de connaître la jurispru- dence de la CDBF aura le réflexe bien naturel de se connecter sur le site « Legi- france » (http ://www.legifrance.gouv.fr) afin d’y consulter le Journal officiel. Il y trouvera de nombreux décrets et arrêtés relatifs à la composition de la Cour et même quelques arrêts, le plus récent datant du 20 novembre 1995... Sur ce même site « Legifrance », la rubrique « jurisprudence administrative » ne couvre que les juridictions généralistes mais pro- pose néanmoins un renvoi au site de la Cour des comptes, rubrique « organismes associés » et CDBF. Il y est indiqué que « tous les arrêts de la CDBF, depuis l’origine, sont accessibles en texte intégral sur ce serveur ». Une recherche rapide permet de trouver 119 documents ; l’arrêt de la CDBF le plus récent disponible sur ce site date du... 3 décembre 1997 (Ins- titut de France). Le site http://www.vie- publique.fr/ n’offre guère quant à lui qu’une présentation rapide de la CDBF sans mentionner aucun arrêt. Le site du ministère de l’économie et des finances (http://www.minefi.gouv.fr/) n’offre pas davantage de ressources en la matière. Une tentative du côté d’un site non offi- ciel (http ://www.adminet.fr) est encore plus décevante puisqu’à la requête « Cour de discipline budgétaire et financière », il est répondu : « les moteurs inter- rogés n’ont trouvé aucun résultat pour votre requête ». Une recherche un peu 37 84 e année - nº 1 - janvier 2004

Cour de discipline budgétaire et financière · lète la jurisprudence de la Cour des comptes (C. comptes, 1er juillet 1993, Syn-dicat intercommunal d’électrification de ... la

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La Cour de disciplinebudgétaire et financière

Michel LASCOMBE Xavier VANDENDRIESSCHEProfesseurs à l’Université de Lille-II, GERAP-GREEF

Curieuse juridiction que cette Cour de dis-cipline budgétaire et financière ! Vili-pendée par les uns pour son activité juri-dictionnelle jugée insuffisante, décriéepar les autres en raison de sa compositionou de la nature des infractions relevant desa compétence, elle ne semble trouvergrâce qu’auprès de quelques contemp-teurs d’un système juridique et financierpublic qui serait aujourd’hui dépassé.

Sans revenir ici sur les ambiguïtés origi-nelles qui ont affecté la CDBF, sansdéplorer une nouvelle fois qu’elle n’aitpoint juridiction sur les principaux déci-deurs (ministres, exécutifs locaux), nousvoudrions néanmoins insister en préam-bule de cette chronique, sur deux pointsparticuliers, à commencer, peut-être unpeu à contre-courant d’une doctrinedominante, par la nécessité du maintien etdu développement de la CDBF. Juridictionspécialisée dans le traitement des infrac-tions relatives à l’utilisation des « denierspublics » entendus au sens large, la Cour asanctionné non seulement la violation desrègles relatives à l’exécution des dépenseset recettes publiques (procédure dedépense publique ; principes budgétaireset comptables ; marchés publics ; rémuné-rations, etc.), mais n’a pas hésité à étendreson contrôle à des organismes non soumisau droit public financier, sanctionnant lesviolations du droit commun commises pardes dirigeants de sociétés ou d’associa-tions bénéficiant de larges financementspublics. Or, il faut le souligner, la CDBF est,avec la Cour des comptes, la seule juridic-tion qui dispose d’un champ de compé-tence aussi largement défini. Ayant, à ladifférence de la Cour des comptes, juridic-tion sur les ordonnateurs, la CDBF incarnedonc parfaitement l’exigence tirée del’article 15 de la Déclaration de 1789 : « Lasociété a le droit de demander compte àtout agent public de son administration ».

Certains considèrent toutefois que laCDBF ferait en quelque sorte « doubleemploi » avec la juridiction pénale. Eneffet, les infractions visées aux arti-cles 432-10 et suivants du nouveau Codepénal (concussion, corruption passive,trafic d’influence, prise illégale d’intérêts)permettraient une répression suffisantede tels comportements émanant desdépositaires de l’autorité publique. Bienplus, le délit de favoritisme (art. 432-14)

en matière de marchés publics et de délé-gations de service public est parfois perçucomme la sanction idéale en cas de viola-tion des règles de mise en concurrenceou de publicité. Sur ce dernier point,l’abandon du contrôle des seuils des mar-chés par les comptables publics (v.notamment instruction no 03-029-M9 du5 mai 2003) va rendre rapidement obso-lète la jurisprudence de la Cour descomptes (C. comptes, 1er juillet 1993, Syn-dicat intercommunal d’électrification dela Corse-du-Sud, Rec. C. comptes 79 ;GAJF, 4e éd., no 17 ; La Revue du Trésor1993.790) en laissant le champ libre auxmodalités les plus variables de fractionne-ment et de contournement des règles dudroit de la commande publique.

On veut dire ici avec force que cette« pénalisation » ne constitue qu’uneréponse partielle, et donc insuffisante,dans le domaine de la gestion publique.En effet, même s’il est parfois difficile dedéceler, dans la jurisprudence de la CDBF,la sanction d’une véritable « faute de ges-tion » (C. Descheemaeker, « La CDBF faceaux fautes de gestion », La Revue duTrésor 1994.319), reste que les quelque141 arrêts rendus (et notifiés, doncpubliables) jusqu’à ce jour par la CDBF nepeuvent se résumer à un simple contrôlede « régularité » des opérations. En parti-culier, la jurisprudence rendue sousl’empire de l’article L. 313-7-1 du Code desjuridictions financières (carences gravesdans les contrôles, défauts d’organisationou négligences diverses) témoigne de laspécificité de la juridiction de la CDBF. Lamême remarque peut être faite s’agissantde l’infraction visée à l’article L. 313-7(inexécution totale, partielle ou tardived’une décision de justice) que la Cour arécemment mise en application pour lapremière fois (v. ci-dessous CDBF,20 décembre 2001, M. Janky c/ RégionGuadeloupe). Par sa composition et parson statut, la CDBF est le garant naturelde l’intérêt général en matière financière ;l’accroissement des pouvoirs et des com-pétences des autorités décentralisées etdéconcentrées doit ainsi conduire à unevigilance accrue dans l’utilisation desdeniers publics et, par conséquent, à unrenforcement du rôle de la CDBF.

Mais, avant même que d’envisager uneréforme de fond de la Cour, ne faudrait-il

pas se pencher sérieusement sur son acti-vité passée et les modalités de diffusionde sa jurisprudence ? Juridiction « discipli-naire », la CDBF ne peut exercer un rôlepédagogique et préparateur d’avenir quepour autant que ses décisions fassentl’objet d’une diffusion la plus large pos-sible. L’article L. 314-20 du Code des juri-dictions financières prévoit à cet effet que« les arrêts par lesquels la Cour prononcedes condamnations peuvent, dès qu’ilsont acquis un caractère définitif, êtrepubliés, en tout ou partie, sur décision dela Cour, au Journal officiel de la Répu-blique française » (c’est le cas des huitarrêts ci-dessous rapportés). Mais, et cen’est pas faire injure à cette vénérable ins-titution qu’est le Journal officiel, la diffu-sion de l’information prend aujourd’huid’autres formes plus « immédiates »,grâce au recours aux différentes bases dedonnées « en ligne » dans le cadre du ser-vice public de l’accès au droit. Ainsi, lecitoyen désireux de connaître la jurispru-dence de la CDBF aura le réflexe biennaturel de se connecter sur le site « Legi-france » (http ://www.legifrance.gouv.fr)afin d’y consulter le Journal officiel. Il ytrouvera de nombreux décrets et arrêtésrelatifs à la composition de la Cour etmême quelques arrêts, le plus récentdatant du 20 novembre 1995... Sur cemême site « Legifrance », la rubrique« jurisprudence administrative » ne couvreque les juridictions généralistes mais pro-pose néanmoins un renvoi au site de laCour des comptes, rubrique « organismesassociés » et CDBF. Il y est indiquéque « tous les arrêts de la CDBF,depuis l’origine, sont accessibles en texteintégral sur ce serveur ». Une rechercherapide permet de trouver 119 documents ;l’arrêt de la CDBF le plus récent disponiblesur ce site date du... 3 décembre 1997 (Ins-titut de France). Le site http://www.vie-publique.fr/ n’offre guère quant à luiqu’une présentation rapide de la CDBFsans mentionner aucun arrêt. Le site duministère de l’économie et des finances(http://www.minefi.gouv.fr/) n’offre pasdavantage de ressources en la matière.

Une tentative du côté d’un site non offi-ciel (http ://www.adminet.fr) est encoreplus décevante puisqu’à la requête « Courde discipline budgétaire et financière », ilest répondu : « les moteurs inter-rogés n’ont trouvé aucun résultat pourvotre requête ». Une recherche un peu

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dépenses à partir de leurs deniers person-nels puis se faisaient rembourser. L’arrêtn’indique pas si cette pratique était spon-tanée, révélant ainsi un sens aigu du ser-vice public des agents en cause, maisconstate son irrégularité manifeste dèslors que le comptable, en procédant auxremboursements, n’exerçait plus aucuncontrôle sur la dépense elle-même(notamment s’agissant de la validité et ducaractère libératoire du règlement). LaCour avait déjà jugé que l’infraction viséeà l’article L. 313-4 du Code des juridictionsfinancières était constituée en cas d’irré-gularité du paiement, par exemple dansl’hypothèse de la substitution d’un agentnon habilité au comptable régulièrementcompétent (CDBF, 4 avril 1973, Gentaz,Crédit municipal de Lyon, JO du21 octobre 1973. 11348 ; Rec. CDBF, tomeI.78) ou du paiement de dépenses sanspièces justificatives alors qu’elles auraientdû être justifiées par des factures (CDBF,5 novembre 1997, Régie d’avances de ladirection du personnel du ministère desAffaires étrangères, JO du 16 décembre1997, p. 18185 ; La Revue du Trésor1999.194).

La Cour indique toutefois que cette pra-tique s’était développée avec l’accord aumoins tacite des autorités hiérarchiques,retenant ainsi l’existence d’une circons-tance atténuante. On sait en effet que lefait de suivre les directives de sa hiérarchieet de l’informer des irrégularitésconstitue une cause d’atténuation de laresponsabilité (CDBF, 22 février 1961,Caraccio, Bellier, Pariselle, JO du 11 juin1961, p. 5298 ; Rec. CE 1961.898 ; Rec.CDBF, tome I.34).

En troisième lieu, la Cour rappelle que siles ordonnateurs principaux peuventdéléguer aux ordonnateurs secondaires(en l’espèce, l’ambassadeur de France)l’autorisation d’engager des dépenses, lasubdélégation du pouvoir d’engager descrédits est contraire à l’article 96 du RGCP.

On notera enfin que la Cour a retenu, enguise de circonstance atténuante de res-ponsabilité, « le désordre important dansle fonctionnement du service, nondépourvu de lien avec le contexte local ».La Cour montre ainsi son souci de tenircompte de l’ensemble des considérationsde fait pouvant, sinon justifier, du moinscontribuer à expliquer l’existence des irré-gularités. La Cour avait déjà pris encompte de tels éléments, comme parexemple, la conjoncture (CDBF,11 décembre 1980, Lacour, Caisse cen-trale de coopération économique : Rec.CDBF, tome I.180), le caractère imprécisde la réglementation à appliquer (CDBF,2 décembre 1987, Châtel, Centre hospita-lier spécialisé de Prémontré, JO du 1er juin1988, p. 7549 ; Rec. CDBF, tome II.113) oules circonstances locales telles que lesliens historiques et très étroits liant unecommune à un centre hospitalier expli-quant la prise en charge par ce dernier denombreuses dépenses de la commune(même arrêt).

135Arrêt du 20 décembre 2001

Janky c/ Région Guadeloupeet Mme Michaux-Chevry

La Cour de discipline budgétaire et finan-cière,

Siégeant à la Cour des comptes, enaudience publique, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour,

Vu le titre Ier du livre III du Code des juridic-tions financières, relatif à la Cour de disci-pline budgétaire et financière ;

Vu la loi no 80-539 du 16 juillet 1980 modi-fiée relative aux astreintes prononcées enmatière administrative et à l’exécution desjugements par les personnes morales dedroit public ;

Vu la décision du 14 novembre 1997 parlaquelle le Conseil d’Etat a liquidé à lasomme de 799 500 F l’astreinte qu’il avaitprononcée le 17 janvier 1996 ;

Vu les lettres des 21 avril et 21 juillet 1998,enregistrées au Parquet respectivement les22 avril et 30 juillet 1998, par lesquelles lasociété civile professionnelle Waquet, Fargeet Hazan a informé le procureur généralprès la Cour des comptes, Ministère publicprès la Cour de discipline budgétaire etfinancière, du contentieux opposant sonclient, M. David Janky, à la région Guade-loupe à la suite du licenciement de M. Jankypar lettre du 21 juin 1993 signée de la pré-sidente du Conseil régional, Mme LucetteMichaux-Chevry, et du refus de cette der-nière de réintégrer l’intéressé dans sesfonctions en dépit de l’annulation de laditedécision de licenciement par la juridictionadministrative ;

Vu le réquisitoire du 18 septembre 1998 parlequel le procureur général a saisi la Courde discipline budgétaire et financière et atransmis le dossier au Premier président dela Cour des comptes, président de la Courde discipline budgétaire et financière ;

Vu la décision du président de la Cour dediscipline budgétaire et financière du1er décembre 1998 désignant comme rap-porteur M. Lefoulon, conseiller maître à laCour des comptes ;

Vu la lettre recommandée du 3 mai 1999par laquelle le procureur général a informéMme Michaux-Chevry, présidente duconseil régional de la Guadeloupe, del’ouverture d’une instruction dans lesconditions prévues à l’article L. 314-4 duCode des juridictions financières susvisé,ensemble l’accusé de réception de cettelettre ;

Vu la lettre du procureur général au prési-dent de la Cour de discipline budgétaire etfinancière en date du 7 décembre 2000l’informant de sa décision de poursuivre laprocédure et lui demandant de trans-mettre le dossier, pour avis, au ministreconcerné ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière en date du11 décembre 2000 saisissant pour avis leministre de l’Economie, des Finances et del’Industrie dans les conditions prévues àl’article L. 314-5 du Code des juridictionsfinancières susvisé ;

Vu la décision du procureur général en datedu 25 avril 2001 renvoyant Mme Michaux-Chevry devant la Cour de discipline budgé-taire et financière, en application de l’arti-cle L. 314-8 du même code ;

Vu la lettre recommandée en date du 4 mai2001 par laquelle le secrétaire général de laCour de discipline budgétaire et financièrea avisé Mme Michaux-Chevry qu’elle pou-vait prendre connaissance du dossier dansun délai de quinze jours, ensemble l’accuséde réception de cette lettre ;

Vu le mémoire en défense transmis augreffe de la Cour le 2 novembre 2001 parla société civile professionnelle Vier et Bar-thélémy pour Mme Michaux-Chevry ;

Vu la lettre du 4 octobre 2001 par laquellele procureur général a cité Mme Michaux-Chevry à comparaître devant la Cour de dis-cipline budgétaire et financière, ensemblel’accusé de réception de cette lettre ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent audossier, et notamment le procès-verbald’audition de Mme Michaux-Chevry, endate du 15 octobre 1999, et le rapportd’instruction de M. Lefoulon ;

Entendu M. Lefoulon en son rapport ;

Entendue Mme le Procureur général en sesconclusions et réquisitions ;

Entendu en sa plaidoirie Me Barthélémy, eten ses explications et observationsMme Michaux-Chevry, l’intéressée et sonconseil ayant eu la parole en dernier ;

Sur la compétence de la Cour :

Considérant qu’à la suite de l’inexécutiond’un jugement du tribunal administratif deBasse-Terre, en date du 25 janvier 1994,annulant la décision de licenciement deM. Janky prise par la présidente du Conseilrégional, Mme Michaux-Chevry, le 21 juin1993, la région Guadeloupe a étécondamnée par le Conseil d’Etat au paie-ment d’une astreinte journalière dont lemontant a été liquidé à 799 500 F par déci-sion du 14 novembre 1997 ;

Que le préfet de la région Guadeloupe ainvité la présidente du Conseil régional àexécuter cette décision ; qu’en l’absencede réponse, la somme en cause a été man-datée d’office par arrêtés du préfet de laGuadeloupe en date des 8 et 29 octobre1998, conformément aux dispositions del’article premier de la loi du 16 juillet 1980susvisée ;

Considérant qu’il résulte de l’article L. 312-2du Code des juridictions financières que lesprésidents de Conseil régional, qui, enapplication du b), II de l’article L. 312-1 nesont pas justiciables de la Cour de disciplinebudgétaire et financière à raison des actesaccomplis dans l’exercice de leurs fonc-tions, le sont néanmoins lorsqu’ils ontcommis l’infraction définie par l’articleL. 313-7 dudit code ; qu’en conséquence,Mme Michaux-Chevry, en sa qualité de pré-sidente du conseil régional de la Guade-loupe, et eu égard à la nature de l’infractionqui lui est reprochée, est justiciable de laCour de discipline budgétaire et financière,laquelle est compétente pour statuer surles conclusions du Ministère public ren-voyant l’intéressée devant elle ;

Considérant qu’aux termes de l’articleL. 313-7 du même code, « toute personnementionnée à l’article L. 312-1 dont les agis-sements auront entraîné la condamnationd’une personne morale de droit public oud’un organisme de droit privé chargé de lagestion d’un service public à une astreinteen raison de l’inexécution totale ou partielleou de l’exécution tardive d’une décision dejustice sera passible d’une amende dont lemontant ne pourra être inférieur à 2 000 Fet dont le maximum pourra atteindre lemontant du traitement ou salaire brut quilui était alloué à la date où la décision dejustice aurait dû recevoir exécution » ;

Considérant qu’aux termes de l’articleL. 313-13 du même code, « le montantmaximum de l’amende infligée aux

chronique financière

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personnes visées à l’article L. 312-2 pourraatteindre 5 000 F ou le montant annuel brutde l’indemnité de fonction qui leur étaitallouée à la date de l’infraction, si ce mon-tant excédait 5 000 F » ;

Sur les conditions de la prescription :

Considérant que les faits incriminés ne sontpas couverts par la prescription instituéepar l’article L. 314-2 du Code des juridictionsfinancières ;

Sur les responsabilités encourues :

Considérant que, par lettre du 21 juin 1993,Mme Lucette Michaux-Chevry, présidentedu conseil régional de la Guadeloupe, a misfin, pour faute professionnelle grave, aucontrat liant au Conseil régional M. DavidJanky directeur des services financiers de laRégion ; que cette décision de licenciementa été annulée par un jugement du tribunaladministratif de Basse-Terre du 25 janvier1994, confirmé le 28 mars 1995 par la couradministrative d’appel de Paris ; que lepourvoi en cassation formé contre l’arrêtde cette dernière n’a pas été admis par leConseil d’Etat le 16 février 1996 ;

Considérant que, par décision en date du17 janvier 1996, le Conseil d’Etat a jugé quel’exécution du jugement du tribunal admi-nistratif de Basse-Terre du 25 janvier 1994comportait nécessairement l’obligationpour la présidente du conseil régional de laGuadeloupe de réintégrer M. Janky dansson emploi ou dans un emploi équivalent àla date à laquelle il en avait été illégalementévincé ; qu’aucune mesure n’ayant étéprise en ce sens, le Conseil d’Etat a pro-noncé à l’encontre de la région Guadeloupeune astreinte de 1 500 F par jour, à défautpour elle de justifier, dans un délai de troismois suivant la notification de l’arrêt,qu’elle avait exécuté le jugement du tri-bunal administratif de Basse-Terre susmen-tionné ;

Considérant que, par arrêté du 26 mars1996, la présidente du Conseil régional aprononcé la réintégration de M. Janky àcompter du 26 juin 1993 et a décidé queles fonctions de l’intéressé avaient pris finà l’issue de la période pour laquelle il avaitété recruté, soit le 23 mars 1995 ;

Considérant que le Conseil d’Etat, saisi parM. Janky d’une demande de liquidation del’astreinte prononcée par sa décision du17 janvier 1996, a considéré, le 30 avril 1997,qu’en raison de l’intervention de l’arrêté du26 mars 1996, la Région devait êtreregardée comme ayant entièrement exé-cuté le jugement du tribunal administratifdu 24 janvier 1994 dans le délai qui lui avaitété imparti, et qu’il n’y avait pas lieu, enconséquence, de procéder à la liquidationde l’astreinte ;

Considérant toutefois que, par un arrêté du28 avril 1997 qui n’a été porté à la connais-sance du Conseil d’Etat que postérieure-ment à sa décision du 30 avril 1997, la pré-sidente du Conseil régional a rapportél’arrêté du 26 mars 1996 réintégrantM. Janky dans ses fonctions ; qu’en consé-quence, saisi à nouveau par l’intéressé, leConseil d’Etat a constaté, dans une décisiondu 14 novembre 1997, que la Région nepouvait pas être regardée comme ayantexécuté le jugement du tribunal adminis-tratif de Basse-Terre du 25 janvier 1994, eta liquidé l’astreinte prononcée le 17 janvier1996 pour la période courant du 10 mai1996 au 24 octobre 1997, en fixant sonmontant à 799 500 F ;

Considérant que, le 26 janvier 1998, la pré-sidente du Conseil régional a signé deuxnouveaux arrêtés, le premier abrogeantl’arrêté du 28 avril 1997, le second réinté-grant M. Janky à compter du 26 juin 1993et mettant fin à ses fonctions le 23 mars1995 ;

Considérant par ailleurs que, par jugementdu 11 avril 2000 devenu définitif, le tribunaladministratif de Basse-Terre a condamné leconseil régional de la Guadeloupe à verserà M. Janky la somme de 665 000 F avec inté-rêts au taux légal à compter du 28 avril1994, en réparation du préjudice subi dufait de l’illégalité de son licenciement ;

Considérant que Mme Michaux-Chevrysoutient que l’arrêté du 26 mars 1996 réin-tégrant M. Janky dans ses fonctions auraitété rapporté le 28 avril 1997 en vue de faci-liter la négociation d’un protocole transac-tionnel entre l’intéressé et le Conseilrégional ; que cette négociation auraitéchoué ; que la décision de retrait du28 avril 1997 a été abrogée par arrêté du26 janvier 1998 et que M. Janky a étérétroactivement réintégré par arrêté dumême jour ;

Considérant que le retrait de l’arrêté du26 mars 1996 par lequel la présidente duConseil régional avait, ainsi que l’a constatéle Conseil d’Etat par sa décision du 30 avril1997, entièrement exécuté le jugement dutribunal administratif de Basse-Terre endate du 25 janvier 1994, a eu pour effet,quels qu’en soient les motifs, d’entraîner lacondamnation de la région Guadeloupe àverser une astreinte de 799 500 F ;

Considérant en outre que l’arrêté du26 mars 1996, qui réintégrait M. Janky dansses fonctions, était créateur de droits pource dernier et ne pouvait donc être retiré ;qu’à supposer qu’il ait été rapporté parl’arrêté du 28 avril 1997 afin de faciliterune transaction comme le soutientMme Michaux-Chevry, le jugement du tri-bunal administratif de Basse-Terre du25 janvier 1994 était exécutoire dès sonprononcé ; qu’enfin il est interdit de tran-siger sur la chose jugée en excès de pou-voir, ce qu’en tout état de cause ne devaitpas ignorer la présidente du Conseilrégional ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précèdeque l’infraction définie par l’article L. 313-7du Code des juridictions financières, quivise toute personne dont les agissementsauront entraîné la condamnation d’unepersonne morale de droit public à uneastreinte en raison de l’inexécution, totaleou partielle, ou de l’exécution tardive d’unedécision de justice, est constituée enl’espèce ;

Sur le montant de l’amende :

Considérant qu’il sera fait une juste appré-ciation des circonstances de l’affaire eninfligeant une amende de 30 000 F(4 573,47 c) à Mme Michaux-Chevry ;

Sur la procédure :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circons-tances de l’espèce, de publier le présentarrêt au Journal officiel de la Républiquefrançaise ;

Arrête :

Article premier. – Mme Michaux-Chevry estcondamnée à une amende de trente millefrancs (30 000 F, soit 4 573,47 c).

Art. 2. – Le présent arrêt sera publié auJournal officiel de la République française.

Note

La CDBF, on peut s’en réjouir ou leregretter, n’a pas juridiction sur les éluslocaux exception faite de l’application desdispositions de l’article L. 312-2 du Codedes juridictions financières : si les fonc-tions exercées par les élus ne sont pasl’accessoire obligé de leur mandat, ilsdeviennent justiciables de la CDBF (CDBF,4 avril 2001, Anciant, Servant, Dubreuil,OPHLM de Creil, JO du 21 juin 2001,p. 9860 ; La Revue du Trésor 2001.799). Eneffet, jusqu’à l’intervention de l’arrêt ci-dessus rapporté, les dispositions del’article L. 313-7 du Code des juridictionsfinancières étaient restées lettre morte.On rappellera que ce texte prévoit que« toute personne mentionnée à l’articleL. 312-1 dont les agissements aurontentraîné la condamnation d’une personnemorale de droit public ou d’un organismede droit privé chargé de la gestion d’unservice public à une astreinte en raison del’inexécution totale ou partielle ou del’exécution tardive d’une décision de jus-tice sera passible d’une amende dont leminimum ne pourra être inférieur à2 000 F et dont le maximum pourraatteindre le montant du traitement ousalaire brut annuel qui lui était alloué à ladate où la décision de justice aurait dûrecevoir exécution ».

Les faits de l’espèce sont relativementsimples : un agent contractuel d’une col-lectivité territoriale s’est heurté à la mau-vaise volonté persistante de sonemployeur refusant d’appliquer un juge-ment du tribunal administratif de Basse-Terre du 25 janvier 1994, confirmé par unedécision de la cour administrative d’appelde Paris en date du 28 mars 1995 ayantannulé son licenciement. Le Conseil d’Etat(CE, 17 janvier 1996, M. Janky, req.no 163040) a considéré que ces décisionsjuridictionnelles impliquaient nécessaire-ment l’obligation pour la présidente de larégion de Guadeloupe de réintégrerM. Janky dans son emploi ou dans unemploi équivalent à la date à laquelle il enavait été illégalement privé et avait pro-noncé, contre la région de Guadeloupe, àdéfaut pour elle de justifier de cette exé-cution dans un délai de trois mois, uneastreinte de 1 500 F par jour jusqu’à ladate à laquelle le jugement aura reçu exé-cution.

Les atermoiements et les revirementssuccessifs de la présidente du conseilrégional de Guadeloupe ont effective-ment entraîné la condamnation de la col-lectivité territoriale au paiement d’uneastreinte de 799 500 F (pour un exemplede condamnation d’une collectivité localesous astreinte à exécuter un jugementl’obligeant à réintégrer un agent com-munal : CE, 15 avril 1988, Mme Bechet,Rec. CE, tables, p. 968). Dès lors quel’article L. 931-8 du Code des juridictionsadministratives prévoit expressémentqu’au moment de la liquidation del’astreinte, copie de la décision pronon-çant l’astreinte et de la décision qui laliquide est adressée au Ministère publicprès la Cour de discipline budgétaire, laCDBF, et l’on ne peut que s’en féliciter,tire les conséquences de cette longueinertie (le licenciement de l’intéressé datede juin 1993 et le jugement du tribunaladministratif de janvier 1996) en infligeantà l’ordonnateur une amende de plus de4 500 c.

chronique financière

42 84e année - nº 1 - janvier 2004

L’intervention de cet arrêt témoigne, ànotre sens, d’une volonté forte de la CDBFde donner corps à ces dispositions issuesde la loi no 80-539 du 16 juillet 1980 rela-tive aux astreintes prononcées en matièreadministrative et à l’exécution des juge-ments par les personnes morales de droitpublic. Ce mécanisme avait été décrié,notamment en raison du très faiblenombre d’astreintes prononcées (v.A. Daher, « La faillite de facto de la loi surles astreintes administratives », Rev. adm.1992, p. 409). Jusqu’à cet arrêt de la CDBF,ces difficultés trouvaient leur solutiondans l’intervention du procureur généralprès la CDBF, la simple menace d’undéféré suffisant à convaincre les élus oureprésentants des personnes publiques àexécuter la décision de justice en cause.Les élus et responsables d’établissementspublics savent désormais que l’inflictiond’une amende par la CDBF n’est plus seu-lement virtuelle mais que la menace peutse commuer en condamnation véritable.Gageons que cela contribuera à mieuxassurer l’efficacité des décisions du juge,ce qui est tout de même élémentaire dansun Etat de droit digne de ce nom.

136Arrêt du 19 juin 2002

Délégation à l’espace aérien

Au nom du peuple français,

La Cour de discipline budgétaire et finan-cière, siégeant à la Cour des comptes, enaudience publique, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour,

Vu le titre Ier du livre III du Code des juridic-tions financières relatif à la Cour de disci-pline budgétaire et financière ;

Vu la lettre du 31 juillet 1995, enregistréeau Parquet le 2 août 1995, par laquelle lesecrétaire général du Gouvernement ainformé le procureur général près la Courdes comptes, Ministère public près la Courde discipline budgétaire et financière, defaits laissant supposer l’existence d’irrégu-larités affectant la gestion financière etcomptable de la délégation à l’espaceaérien (DEA), service rattaché au Premierministre ;

Vu le réquisitoire du 29 novembre 1995 parlequel le procureur général a saisi la courdes faits susmentionnés, conformément àl’article L. 314-1 du Code des juridictionsfinancières ;

Vu les décisions du président de la Cour dediscipline budgétaire et financière des11 avril 1996 et 18 octobre 2001 nommantsuccessivement en qualité de rapporteurM. Stéphane Verclytte, auditeur au Conseild’Etat, et Mme Marie-Ange Mattei, auditriceà la Cour des comptes ;

Vu les lettres recommandées en date des13 mai, 20 mai, 26 mai et 27 juin 1997 parlesquelles le procureur général a informéMM. Pierre Breuil, préfet, ancien délégué àl’espace aérien du 19 mars 1990 au 13 juillet1993, Jacques Poyer, préfet, anciendélégué à l’espace aérien du 4 août 1993jusqu’à la suppression de la délégation pro-noncée le 18 septembre 1995, Michel Blanc,administrateur civil, ancien directeur desservices administratifs et financiers du Pre-mier ministre, Marc Del Fabbro, commis-saire lieutenant-colonel de l’armée de l’air,ancien directeur de cabinet du délégué àl’espace aérien, Jean-Marc Deflesschouwer,

adjudant de l’armée de l’air, ancien comp-table de la délégation à l’espace aérien, etMme Bernadette Laurent, adjoint adminis-tratif du ministère de la Défense, anciennesecrétaire du directeur de cabinet dudélégué à l’espace aérien, de l’ouvertured’une instruction dans les conditions pré-vues à l’article L. 314-4 du code susvisé,ensemble les accusés de réception de ceslettres ;

Vu la lettre du procureur général au prési-dent de la Cour de discipline budgétaire etfinancière en date du 10 mars 1999 l’infor-mant de sa décision, après communicationdu dossier de l’affaire le 1er décembre 1998,de poursuivre la procédure, en applicationde l’article L. 314-4 du même code ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière en date du19 mars 1999 saisissant pour avis le Premierministre et le ministre de l’Economie, desFinances et de l’Industrie, dans les condi-tions prévues à l’article L. 314-5 du mêmecode ;

Vu l’avis du secrétaire général du Gouver-nement en date du 17 mai 1999 ;

Vu la décision du procureur général en datedu 18 mai 2001 renvoyant MM. Blanc,Breuil, Del Fabbro et Deflesschouwer, ainsique Mme Laurent, devant la Cour de disci-pline budgétaire et financière, en applica-tion de l’article L. 314-6 du même code etne retenant pas la responsabilité deM. Poyer ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière du 14 juin2001 transmettant le dossier au Premierministre, en application des dispositions del’article L. 314-8 du même code ;

Vu la lettre du ministre de l’Intérieur endate du 16 juillet 2001 indiquant qu’iln’existe pas de commission administrativeparitaire compétente pour le corps des pré-fets ;

Vu les lettres recommandées du 22 no-vembre 2001 du secrétaire général de laCour de discipline budgétaire et financièreavisant MM. Blanc, Breuil, Del Fabbro etDeflesschouwer et Mme Laurent qu’ils pou-vaient prendre connaissance du dossier sui-vant les modalités prévues par l’articleL. 314-8 du code précité, ensemble lesaccusés de réception de ces lettres ;

Vu les mémoires en défense présentés augreffe de la cour le 8 janvier 2002 parMme Laurent, les 13 février et 3 mai 2002par Mes Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez pourM. Breuil et le 28 mars 2002 par M. Defless-chouwer, ensemble les observations du15 mai 2002 sur la manière de servir deM. Blanc présentées par le secrétairegénéral du Gouvernement en fonctions àl’époque des faits ;

Vu les lettres du 11 avril 2002 par lesquellesle procureur général a cité Mme Laurent etMM. Blanc, Breuil, Del Fabbro et Defless-chouwer à comparaître devant la Cour dediscipline budgétaire et financière,ensemble les accusés de réception de ceslettres ;

Vu la lettre en date du 24 avril 2002 parlaquelle M. Deflesschouwer a demandé à nepas comparaître en personne à l’audience ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent audossier, notamment les procès-verbauxd’audition de MM. Blanc, Breuil, Del Fabbro

et Deflesschouwer et de Mme Laurent ainsique le rapport d’instruction de M. Ver-clytte ;

Entendu Mme Mattei en son rapport ;

Entendu Mme le Procureur général en sesconclusions et réquisitions ;

Entendu en son témoignage M. Gérard Lau-rent ;

Entendu en sa plaidoirie Me Lyon-Caen eten leurs explications et observationsMM. Breuil, Blanc, Del Fabbro et Mme Lau-rent, les intéressés et leur conseil ayant eula parole en dernier ;

Sur l’exécution irrégulière du budget :

Considérant que le budget de la délégationà l’espace aérien (DEA) était constitué pardes crédits ouverts aux services du Premierministre et abondés par le budget annexede l’aviation civile et par celui du ministèrede la Défense ; que l’ordonnateur déléguéde ces crédits était le directeur des servicesadministratifs et financiers du Premierministre ;

Considérant que le délégué à l’espaceaérien a obtenu à partir de 1991 une aug-mentation des crédits de fonctionnementde la délégation, accordée sur le chapi-tre 34-06 pour la réalisation et la diffusiond’enquêtes et d’études ; que cette aug-mentation répondait à des besoins réels,nés de l’impulsion nouvelle donnée auxactivités de la DEA par le délégué nomméle 19 mars 1990 ; que, toutefois, M. DelFabbro, directeur de cabinet du délégué, amis en place à l’insu de ce dernier un sys-tème de fausse facturation, destiné à per-mettre l’imputation sur le chapitre 34-06,réservé aux crédits d’études, de dépensesde fonctionnement qui auraient dû êtreimputées sur les autres chapitres dutitre III ; qu’en outre, M. Del Fabbro a tiréun avantage personnel du système qu’ilavait mis en place, en détournant à sonprofit une partie des sommes faussementfacturées ;

Considérant que la procédure irrégulièremise en place comportait la commande parle directeur de cabinet du délégué, M. DelFabbro, d’une étude fictive ou payée surd’autres engagements à un fournisseur quiétablissait une facture, laquelle, revêtue dela certification du service fait par la DEA,était adressée à la DSAF pour ordonnance-ment et transmission au payeur ; qu’étaitainsi constitué entre les mains du fournis-seur un avoir qui servait ensuite à réglerdiverses factures correspondant à descommandes passées par la DEA à d’autresfournisseurs ; que ce montage a porté surdes paiements à l’association ITA à partir de1992 d’un montant total de 194 682 F(29 679,08 c), à la société DVP en 1993 et1994 d’un montant total de 703 233 F(107 207,18 c) ainsi qu’à la société de com-munication A 2 C pour au moins deux fac-tures afférentes à la société MMI d’un mon-tant respectif de 44 463 F (6 778,34 c) et30 705 F (4 680,95 c) ;

Considérant qu’à cinq reprises le directeurde cabinet du délégué a établi une faussefacture d’achats informatiques, expédiée àl’un des fournisseurs intermédiaires pourrèglement par ce dernier à une sociéténommément désignée, dont le comptebancaire correspondait en réalité à celui desa propre mère, pour un montant total de151 932 F (23 161,88 c) ;

Considérant, par ailleurs, qu’afin de donnerune plus grande autonomie de gestion à la

chronique financière

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DEA, orientation qui s’inscrivait dans lecadre de la mise en place du projet de ser-vice de la direction des services administra-tifs et financiers du Premier ministre(DSAF), un protocole a été signé le14 décembre 1990 par M. Breuil avec le pré-décesseur de M. Blanc à la tête de la DSAF ;que ce protocole portait sur l’organisationdes relations entre leurs services respec-tifs ; qu’il prévoyait l’établissement d’unbudget prévisionnel d’emploi des créditspar la DEA ; qu’il établissait une distinctionentre les dépenses restant entièrementassurées par la DSAF et les dépenses pourlesquelles la DEA disposait d’une certaineautonomie d’engagement, lui permettantde signer les bons de commande et de cer-tifier le service fait ; qu’il prévoyait enfinqu’une évaluation conjointe de son appli-cation serait faite avant son renouvelle-ment ;

Considérant que, compte tenu du nombred’organismes rattachés aux services duPremier ministre, l’existence d’un tel pro-tocole n’était pas en soi critiquable et qu’ilpouvait être jugé opportun d’expérimenterun mécanisme d’assouplissement de lagestion des dépenses courantes ; qu’enrevanche aucune évaluation du protocolen’a été effectuée en 1991 et 1992 dans lesformes prévues ; qu’elle aurait seulementfait l’objet d’une conversation télépho-nique entre M. Breuil et M. Blanc, nouveaudirecteur des services administratifs etfinanciers ; que l’accord a été implicitementrenouvelé pour les années 1992 et 1993,que ce n’est qu’en mai 1993 que M. Blanc,saisi d’une réclamation d’un fournisseur, aadressé au délégué à l’espace aérien unenote du 26 mai 1993 mettant fin au dispo-sitif ; que l’absence d’évaluation du proto-cole en 1991 et 1992, si elle ne peut êtreregardée comme une des circonstancesayant permis directement à M. Del Fabbrode mettre en place un système de faussefacturation, traduit, cependant, une cer-taine négligence du contrôle de l’engage-ment des dépenses et du suivi des crédits ;

Considérant que ces faits sont constitutifsdes infractions aux règles relatives à l’enga-gement et à l’exécution des dépenses etaux règles applicables en matière decontrôle financier sanctionnées par les arti-cles L. 313-1, L. 313-3 et L. 313-4 du Codedes juridictions financières ;

Sur les autres griefs :

Sur la constitution d’un avoir auprès dela société Air France :

Considérant qu’un avoir a été constituéauprès de la société Air France, alimenté parle montant des billets annulés au derniermoment et par celui de billets ne corres-pondant à aucune mission ; qu’à cet effetla DEA a transmis à plusieurs reprises à laDSAF des dossiers composés d’ordres demission et de bons de transport fictifs ; quele bon était visé par la DSAF puis adressé àAir France qui établissait un reçu et consti-tuait l’avoir correspondant ; que l’ordre demission et le reçu étaient alors retournés àla DSAF avec un état de frais portant lasignature des agents censés être partis enmission, signature en réalité imitée parM. Del Fabbro à l’insu de ces derniers ;

Considérant que cet avoir a permis le paie-ment de billets d’avion à des fins privées ;que M. Del Fabbro a ainsi bénéficié, entreaoût 1993 et août 1994, de huit déplace-ments vers Nice, Marseille et la Corse pourun montant total de 9 128 F (1 391,55 c) ;

Considérant que la constitution d’un avoirauprès d’un fournisseur est contraire auprincipe de l’annualité budgétaire ; quel’établissement d’ordres de mission etd’états de frais fictifs est une violation dela règle du service fait ; que l’utilisation defonds publics à des fins privées opérée aumoyen de ce montage contrevient auxrègles relatives à l’exécution des dépensesde l’Etat ; que ces faits sont constitutifs del’infraction sanctionnée par l’article L. 313-4du Code des juridictions financières ;

Sur la création irrégulière d’une régied’avances :

Considérant qu’une note du 12 février1991, signée par M. Del Fabbro et adresséeau délégué ainsi qu’à l’ensemble du per-sonnel, a créé un dispositif d’avances et derecettes appelé « régie d’avances » ;

Considérant que cette régie a été alimentéeen recettes par les remboursements effec-tués par la régie d’avances des services duPremier ministre, par le reversement desavances perçues sur les frais de mission cor-respondant à des missions annulées au der-nier moment, par des trop-perçus sur fraisde mission et enfin par la valeur de billetsd’avion destinés à des déplacements per-sonnels mais achetés sur l’avoir détenu parla DEA auprès de la compagnie Air France ;qu’elle a servi à financer des dépenses dontcertaines sont liées au fonctionnement dela délégation (papeterie, achats de jour-naux, petites dépenses urgentes, etc.) maisque d’autres se rattachent difficilement àl’exécution du service ou sont même étran-gères à l’activité de la DEA ;

Considérant qu’une régie ne peut êtrecréée que par arrêté conjoint du ministredemandeur et du ministre du Budget ;qu’en conséquence la création d’une régiepar note interne à la DEA constitue une vio-lation des règles relatives à l’exécution desrecettes et dépenses de l’Etat et qu’elle apermis de faire effectuer des dépenses pardes personnes n’ayant pas reçu délégationà cette fin ; que ces faits sont constitutifsdes infractions sanctionnées par les articlesL. 313-3 et L. 313-4 du Code des juridictionsfinancières ;

Sur l’attribution de frais de mission fic-tifs à un agent :

Considérant que, pour compenser la dimi-nution du montant des primes perçues parMme Laurent à la DEA par rapport à cequ’elle percevait dans sa précédente affec-tation et pour tenir compte de l’impor-tance de sa charge de travail, alors que ledépassement du plafond d’octroi desheures supplémentaires avait été refusépar le ministère de rattachement de l’inté-ressée, a été mis en place un dispositifconsistant à établir des ordres de missioncorrespondant à des déplacements fictifsqu’elle était censée effectuer avec sonvéhicule personnel ; que ces ordres de mis-sion certifiés et signés ont permis àMme Laurent d’obtenir le remboursementde frais de séjour et d’indemnités kilomé-triques ; que les paiements injustifiés ainsieffectués de mai 1991 à mai 1994 sont éva-lués à 91 394 F (13 932,93 c), soit unemoyenne mensuelle de 2 470 F (376,55 c) ;que l’administration n’a jamais jugéopportun dans les circonstances del’espèce de demander le remboursementde ces sommes à l’intéressée ;

Considérant que l’instruction a permis dedémontrer que M. Del Fabbro a pris

l’initiative et assuré le fonctionnement dece dispositif irrégulier qui a permis l’octroid’un avantage injustifié à Mme Laurent ;que ces faits sont constitutifs des infrac-tions sanctionnées par les articles L. 313-4et L. 313-6 du code précité ;

Sur les responsabilités établies :

Considérant que M. Del Fabbro a été l’ini-tiateur des pratiques de double facturationà la DEA pour compléter les moyens defonctionnement de celle-ci ; qu’il en a tiréun avantage personnel par le détourne-ment de fonds publics ; qu’en ce quiconcerne la constitution d’un avoir auprèsde la société Air France il a signé lesdocuments transmis à la DSAF en lieu etplace des fonctionnaires apparemmentconcernés et a utilisé le dispositif pourfinancer certains déplacements privés ;qu’il a institué la régie d’avances et derecettes irrégulière, en a surveillé le fonc-tionnement ; qu’enfin il a pris l’initiative dudispositif consistant à assurer un complé-ment de rémunération à sa secrétaire parle biais du paiement de frais de mission fic-tifs ; qu’il ne saurait bénéficier d’aucune cir-constance atténuante, qu’il ne sollicite d’ail-leurs pas ainsi qu’il l’a indiqué à l’audience ;

Considérant qu’il peut être reproché àM. Breuil de ne pas avoir exercé suffisam-ment la surveillance que tout chef de ser-vice se doit d’effectuer sur les moyens bud-gétaires dont il dispose pour l’exécutiondes missions qui lui sont confiées ; quecette surveillance insuffisante a facilitél’ensemble des agissements de M. DelFabbro rappelés ci-dessus ;

Considérant toutefois qu’il peut êtreretenu à titre de circonstance atténuante lefait que M. Breuil était absorbé par la mis-sion de coordination des contrôles aérienscivil et militaire qui lui avait été confiée etqu’il a menée à bien avec succès ; qu’il a étéabusé par son directeur de cabinet, M. DelFabbro, comme l’a d’ailleurs été pendantune durée plus brève son successeur sousle commandement duquel M. Del Fabbro apoursuivi ses agissements irréguliers et sesdétournements ; qu’il n’a jamais signé lui-même de documents fictifs ; que son inté-grité est demeurée entière ;

Considérant que si M. Blanc n’a pas procédéà l’évaluation du protocole entre la DEA etla DSAF lors de son renouvellement au31 décembre 1992, il a mis fin à cetteconvention dès qu’il a eu connaissance desdifficultés rencontrées dans le paiement decertains fournisseurs ; qu’il a au surplus dili-genté les enquêtes qui ont permis dedécouvrir les irrégularités de gestion ; quel’ensemble de ces circonstances est denature à dégager sa responsabilité ;

Considérant que si M. Deflesschouwern’ignorait pas que les certifications de ser-vice portées sur certaines factures étaientmensongères et s’il connaissait le systèmede double facturation, sa position subor-donnée et son grade de sous-officier ontpu le conduire à ne pas mettre en douteles déclarations de M. Del Fabbro selon les-quelles le délégué à l’espace aérien était aucourant du dispositif ; que cette circons-tance est de nature à dégager sa respon-sabilité ;

Considérant que si Mme Laurent a bénéficiéd’un complément de rémunération par lebiais du paiement de frais de mission fictifs,elle se trouvait dans une position subor-donnée vis-à-vis de l’initiateur du mon-tage ; que la réalité des heures

chronique financière

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supplémentaires effectuées à la DEA par cetagent de catégorie C n’est pas contestée ;que l’ensemble de ces circonstances est denature à dégager sa responsabilité ;

Sur le montant de l’amende :

Considérant qu’il sera fait une juste appré-ciation des circonstances de l’affaire eninfligeant à M. Marc Del Fabbro, qui a faitpar ailleurs l’objet de sanctions pénales etdisciplinaires, une amende de 10 000 c et àM. Pierre Breuil, compte tenu des circons-tances atténuantes, une amende de 1 000 cet en prononçant la relaxe de MM. Blanc etDeflesschouwer et de Mme Laurent ;

Sur la publication :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circons-tances de l’espèce, de publier le présentarrêt au Journal officiel de la Républiquefrançaise ;

Arrête :

Article premier. – M. Del Fabbro estcondamné à une amende de dix mille euros(10 000 c).

Art. 2. – M. Breuil est condamné à uneamende de mille euros (1 000 c).

Art. 3. – MM. Blanc et Defflesschouwer etMme Laurent sont relaxés.

Art. 4. – Le présent arrêt sera publié auJournal officiel de la République française.

Note

a) Procédure

La décision de classement sans suite prisepar le procureur général au titre del’article L. 314-6 du Code des juridictionsfinancières peut, comme en l’espèce, neconcerner que l’un des intimés. En effet,le procureur général peut procéder auclassement d’une affaire pour certainespersonnes déférées tout en renvoyant lesautres devant la Cour (CDBF, 18 février1957, Lecroix, Mazac et Girault, Sociéténationale de vente des surplus, JO du18 avril 1957.4108 ; Rec. CE 1961.888 ;Rec. CDBF, tome I). On rappellera égale-ment que cette décision du procureurgénéral ne présente pas un caractère juri-dictionnel (CE, 16 mai 1980, Melki, Rec. CE230).

La procédure préalable à l’audience de laCDBF prévoit la communication du dos-sier à la commission administrative pari-taire compétente siégeant en formationdisciplinaire ou éventuellement à la for-mation qui en tient lieu, s’il en existe une(art. L. 314-8 du Code des juridictionsfinancières). En l’absence d’avis dans ledélai d’un mois, la Cour peut statuer.Lorsque les textes n’ont pas prévu l’insti-tution d’une commission paritaire oud’un organisme équivalent, l’absence dela consultation prévue à l’article L. 314-8du Code des juridictions financières nepeut avoir pour effet de faire obstacle àla juridiction de la Cour (CDBF, 30 sep-tembre 1987, Le Goff, Ecole des hautesétudes en sciences sociales (EHESS), Asso-ciation Marc Bloch, Rec. CE 515 ; Rec.CDBF, tome II.94). C’est le cas notamments’agissant d’agents titulaires de contratsde droit privé régis par la législation dutravail (CDBF, 16 mars 1988, Taravel etautres, Caisse de retraite et de pré-voyance de la boucherie, boucherie-char-cuterie et boucherie hippophagique fran-çaise (CARBOF), JO du 3 décembre

1988.15154 ; Rec. CE 543 ; Rec. CDBF,tome II.131. CDBF, 5 novembre 1997,Régie d’avances de la direction du per-sonnel du ministère des Affaires étran-gères, JO du 16 décembre 1997.18185 ; LaRevue du Trésor 1999.194). C’est le caségalement en l’espèce dès lors qu’iln’existe aucune commission paritaireconcernant le corps préfectoral.

b) Fond

La CDBF peut être conduite à se pro-noncer, non seulement sur des irrégula-rités commises dans la procédure dedépense ou de recette publique, maiségalement sur de véritables détourne-ments de fonds publics révélant un com-portant pénalement répréhensible. Enl’espèce, un système de fausse factura-tion avait été mis en place par le directeurde cabinet de l’ordonnateur délégué descrédits de la délégation à l’espace aérien,à savoir le directeur des services adminis-tratifs et financiers du Premier ministre.Le directeur de cabinet procédait à lacommande d’études fictives permettantde constituer entre les mains du fournis-seur un avoir qui servait à régler diversesfactures, notamment pour abonder lecompte bancaire de la propre mère del’intimé. Un système similaire avait été misen place auprès de la société Air Francegrâce au produit de billets d’avion annulésà la dernière minute, voire de billets pure-ment fictifs car ne correspondant àaucune mission. Au surplus, l’intéressé atiré un avantage personnel des opérationsirrégulières, notamment le paiement debillets d’avion à des fins privées. La Courconstate que ces pratiques révèlent àl’évidence une violation des règles rela-tives à l’exécution des recettes et desdépenses de l’Etat. Elle avait d’ailleurs déjàstatué dans ce sens s’agissant de com-mandes fictives et fausses factures (CDBF,17 février 1988, Aubert, Direction dépar-tementale des services vétérinaires desAlpes-de-Haute-Provence, JO du 16 sep-tembre 1989.11749 ; Rec. CE 538 ; Rec.CDBF, tome II.122). L’infraction est égale-ment constituée en cas de violation de larègle du service fait : fausses attestationsde service fait (CDBF, 25 janvier 1977,Delouis, JO NC du 23 juillet 1977.4317 ;Rec. CE. 675 ; Rec. CDBF, tome I.126.CDBF, 18 juin 1985, Simler, Valentin etCamio, Service géologique d’Alsace et deLorraine (SGAL), JO du 19 avril 1986.5595 ;Rec. CDBF, tome II.15. CDBF, 11 et12 décembre 1991, Dehu et Belmokhtar,CHS du Rouvray, JO du 3 septembre1992.12098 ; Rec. CE 640 ; La Revue duTrésor 1992.31). La même solution a étéretenue dans l’hypothèse de la certifica-tion de fausses factures (CDBF,16 octobre 1981, Agard et Laboudigue,DDE de la Gironde, JO NC du 3181 ; Rec.CDBF, tome I.188).

La Cour relève que ces manipulations ontconduit à ne pas respecter les règles appli-cables en matière de contrôle financierportant sur l’engagement des dépenses(art. L. 313-1 du Code des juridictionsfinancières) dès lors que la dépense réellene correspondait à l’évidence pas à ladépense engagée. La Cour avait déjà stig-matisé de telles irrégularités, par exemples’agissant de la rémunération de person-nels affectés à l’État par une entreprise aumoyen de marchés publics majorés(CDBF, 14 janvier 1998, 16 janvier 1998,

Service des immeubles et des affairesgénérales du ministère des Affaires étran-gères, Rec. CE 835 ; La Revue du Trésor1999.200).

Par ailleurs, la constitution d’un avoirauprès d’un fournisseur est contraire à larègle de l’annualité budgétaire. La CDBFavait déjà jugé que constitue l’infractionvisée à l’article L. 313-4 du Code des juri-dictions financières la violation du prin-cipe d’annualité budgétaire par imputa-tion au budget de l’année suivante dedépenses en dépassement de créditsouverts (CDBF, 3 décembre 1985, Dehayeet autres, Direction des monnaies etmédailles, JO du 16 septembre 1987.10795 ; Rec. CDBF, tome II.31. V. aussiCDBF, 22 mai 1990, Georges et autres, CHSde Saint-Venant, JO du 27 janvier 1995.1497 ; Rec. CDBF, tome II.204). On noteratoutefois que la violation du principed’annualité n’est en réalité qu’indirecte etincertaine ; cela suppose que les avoirs encause soient utilisés lors d’un autre exer-cice que celui de leur constitution. La Couraurait peut-être pu également invoquer laviolation du principe d’universalité : estainsi irrégulière une opération de com-pensation interdite par le principe d’uni-versalité budgétaire, les sociétés en causeétant en partie directement rémunéréespar la récupération des métaux provenantde matériels d’armement (CDBF,17 février 1959, Pommeret et Bérenger,JO du 5 avril 1959.3933 ; Rec. CE 1961.894 ; Rec. CDBF, tome I.23. V. aussi CDBF,14 décembre 1984, Augier, JO du 10 juillet1985.7780 ; Rec. CDBF, tome I.236). Lamême solution avait été retenue s’agis-sant d’une opération de compensationpar majoration des factures de travauxdus par une entreprise ou minoration deprix de service en échange de la prise encharge de diverses dépenses par l’entre-prise (CDBF, 9 décembre 1986, Bouchetet autres, JO du 11 juillet 1987. 7809 ; Rec.CE 331 ; Rec. CDBF, tome II.49).

S’agissant de l’utilisation des fonds publicsà des fins privées, le présent arrêt illustrela jurisprudence classique de la CDBF,sanctionnant par exemple la mise à dispo-sition, à des fins privées, de personnelsrémunérés par la personne publique(CDBF, 2 décembre 1987, Chatel, Centrehospitalier spécialisé de Prémontré, JOdu 1er juin 1988.7549 ; Rec. CDBF,tome II.113), l’utilisation de personnels etde véhicules à des fins étrangères au ser-vice (CDBF, 30 juin 1954, Maurin, Directiondes travaux du génie de Marseille, Rec. CE1961.887 ; Rec. CDBF, tome I.4) ou desprélèvements à des fins personnelles defonds appartenant à une association sub-ventionnée par l’Etat (CDBF, 19 février1992, De Saint Robert, Couteaux, Poirot,Association Franterm, Rec. CE 1992.630 ;La Revue du Trésor 1993.755).

Le montage en l’espèce avait égalementpermis de procurer un avantage injustifiéà une secrétaire par la productiond’ordres de mission correspondant à desdéplacements fictifs dans le but d’aug-menter son salaire. On sait que, s’agissantd’avantages procurés aux agents del’organisme, l’infraction visée à l’articleL. 313-6 du Code des juridictions finan-cières se rencontre essentiellement enmatière de rémunérations ou d’avantagesen nature : paiement d’heures complé-mentaires fictives dans des établisse-ments d’enseignement supérieur (CDBF,

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11 décembre 1981, Courtillot, Dufour etDonadieu, JO NC du 10 juin 1982.5460 ;Rec. CDBF, tome I.192. CDBF, 26 avril1982, Pham-Huu-Phut et Labrune, JO NCdu 10 novembre 1982.10003 ; Rec. CDBF,tome I.196) ; versement irrégulier deprimes à des agents du Trésor et de laPoste (CDBF, 28 juin 1995, La Revue duTrésor 1996.734) ; versement d’uneindemnité compensatrice de préavis à desagents non concernés (CDBF, 29 janvier1997, Centre d’études des systèmesd’information des administrations [CESIA],La Revue du Trésor 1999.188).

Enfin, si la Cour approuve le principe de lamise en œuvre d’un assouplissement dela gestion des dépenses courantes, ellerelève néanmoins la nécessité d’une éva-luation réelle dont le défaut révèle unecertaine négligence du contrôle del’engagement des dépenses et du suivides crédits.

c) Mise en jeu des responsabilités

Très logiquement dans cette affaire, leprincipal intéressé ne bénéficie d’aucunecirconstance atténuante ; l’enrichisse-ment personnel constitue au contraireune circonstance aggravante (CDBF,21 mars 1962, Benedetti et autres, Sectionalgérienne de l’ONIC, Rec. CE 840 ; Rec.CDBF, tome I.47. CDBF, 14 juin 1982,Lamaire et Ferté, JO NC du 23 mars1983.3019 ; Rec. CDBF, tome I.200. CDBF,3 décembre 1997, Institut de France, LaRevue du Trésor 1999.198. CDBF, 20 mai1998, Société de banque occidentale, Rec.CE 656 ; La Revue du Trésor 1999.206).

Pour fixer le montant de l’amende, laCour se livre à un véritable contrôle deproportionnalité entre les circonstancesayant pu justifier la décision contestée etl’importance des irrégularités constatées(CDBF, 14 mai 1973, Marchal, JO du21 octobre 1973.11349 ; Rec. CE 856 ; Rec.CDBF, tome I.82 ; GAJF 4e éd., no 53). C’estainsi que l’action positive de l’intéressépeut constituer une circonstance atté-nuante ; en effet, l’irrégularité commisepourra être totalement ou partiellementeffacée lorsque son auteur a pris une partactive dans le développement de l’orga-nisme ou de l’entreprise publique dont ilavait la responsabilité (CDBF, 27 mars1985, Dupré, Société française d’équipe-ments pour la navigation aérienne[SFENA], JO du 10 novembre 1985.13082 ;Rec. CDBF, tome II.7). C’est le cas égale-ment d’une université ayant acquis uneréputation internationale pendant lemandat de l’intéressé (CDBF, 1er et 2 juillet1987, Guillou, Université Paris-XII, Rec.CDBF, tome II.89. CDBF, 30 septembre1987, Le Goff, Ecole des hautes études ensciences sociales (EHESS), Association MarcBloch, Rec. CE 515 ; Rec. CDBF, tome II.94).La même jurisprudence s’appliquelorsque l’intéressé a conduit sa gestionavec dynamisme (CDBF, 17 décembre1990, Gas et Fouchet, CRPNPAC, JOdu 9 août 1991.10597 ; Rec. CDBF,tome II.222), notamment en raison desefforts déployés et des succès remportéspar un directeur d’hôpital au service de lamodernisation de son établissement et del’amélioration de la qualité des prestations(CDBF, 11 et 12 décembre 1991, Dehu etBelmokhtar, CHS du Rouvray, JO du 3 sep-tembre 1992.12098 ; Rec. CE 640 ; LaRevue du Trésor 1992.31). En l’espèce, siM. Breuil a manqué à son devoir de

surveillance, il était « absorbé » par unemission qu’il a menée à bien, son intégritéétant demeurée entière.

La mise hors de cause du Directeur desservices administratifs et financiers se jus-tifie par son action positive pour mettrefin aux irrégularités. En effet, l’irrégularitécommise peut être totalement ou partiel-lement effacée lorsque le responsable amis fin aux pratiques litigieuses dès sanomination (CDBF, 9 septembre 1998,Méridien SA, JO du 29 décembre 1998.19765 ; Rec. CE 658 ; La Revue du Trésor1999.207). La responsabilité pourra êtreatténuée lorsque la personne concernéeest intervenue pour faire cesser les irré-gularités graves et multiples (CDBF,27 novembre 1996, Rapport d’activité1996 de la CDBF, La Revue du Trésor1998.726), qu’elle a contribué à réformerla procédure dans un souci de transpa-rence (CDBF, 5 novembre 1997, Régied’avances de la direction du personnel duministère des Affaires étrangères, JO du16 décembre 1997.18185 ; La Revue duTrésor 1999.194). V. aussi CDBF, 16 juin1999, Lorenzi, La Revue du Trésor 2000.28et nos obs.).

Enfin, l’exclusion des deux dernières per-sonnes poursuivies tient compte de leursituation subordonnée par rapport auprincipal responsable des irrégularités. Eneffet, lorsque l’intéressé est dans uneposition hiérarchique subalterne, sa res-ponsabilité ne sera pas retenue (CDBF,5 novembre 1997, Régie d’avances de ladirection du personnel du ministère desAffaires étrangères, JO du 16 décembre1997.18185 ; La Revue du Trésor1999.194. CDBF, 6 février 1968, Ferran,Ecole régionale d’agriculture d’Ondes,Rec. CE 809 ; Rec. CDBF, tome I.65. V. aussiCDBF, 22 mai 1979, Laporte, Rec. CE 585 ;Rec. CDBF, tome I.171).

137Arrêt du 18 septembre 2002

Dougadoset Association foncière urbaine

autorisée (AFUA) de Sérignan

La Cour de discipline budgétaire et finan-cière,

Siégeant à la Cour des comptes, enaudience publique, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour,

Vu le titre Ier du livre III du Code des juridic-tions financières, relatif à la Cour de disci-pline budgétaire et financière ;

Vu la communication en date du20 novembre 1996, enregistrée au Parquetle 21 novembre 1996, par laquelle le com-missaire du Gouvernement près la chambrerégionale des comptes de Languedoc-Roussillon a informé le procureur généralprès la Cour des comptes, Ministère publicprès la Cour de discipline budgétaire etfinancière, d’irrégularités relevées dans laréalisation de travaux d’aménagement parl’association foncière urbaine autorisée(AFUA) de Sérignan ;

Vu le réquisitoire du 14 avril 1997 par lequelle procureur général a saisi la Cour des faitssusmentionnés, conformément aux arti-cles L. 314-1 et L. 314-3 du Code des juri-dictions financières ;

Vu les décisions du président de la Cour dediscipline budgétaire et financière des

17 juin 1997 et 27 mai 2002 nommant suc-cessivement en qualité de rapporteurM. Vallernaud et Mme Lemmet, auditeurs àla Cour des comptes ;

Vu les lettres recommandées en date des26 janvier et 5 mai 1998, par lesquelles leprocureur général a informé MM. RobertDougados, président de l’AFUA de Sérignandepuis sa création jusqu’au 1er juillet 1995,Francis Bouchieu, président de l’AFUA àcompter du 8 juillet 1995, Louis Boisset,Jacques Cavailler, Daniel Dunom, Jean-LouisGaly et René Sandonato, membres duconseil des syndics de l’AFUA, BernardGérard, Charles-Noël Hardy et BernardMonginet, successivement préfet del’Hérault, Charles Meunier, Michel Cadot etFrancis Spitzer, successivement sous-préfet de Béziers, de l’ouverture d’une ins-truction dans les conditions prévues àl’article L. 314-4 du code précité, ensembleles accusés de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du procureur général au prési-dent de la Cour de discipline budgétaire etfinancière en date du 25 février 1999l’informant de sa décision, après l’achève-ment de l’instruction, de poursuivre la pro-cédure, en application de l’article L. 314-4précité ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière en date du16 mars 1999 saisissant pour avis, leministre de l’Economie, des Finances et del’Industrie et le ministre de l’Intérieur, dansles conditions prévues à l’article L. 314-5 duCode des juridictions financières ;

Vu les avis du ministre de l’Economie, desFinances et de l’Industrie et du ministre del’Intérieur en date du 8 juin 1999 et du29 septembre 1999 respectivement ;

Vu la décision du procureur général en datedu 21 septembre 2001 renvoyant M. Dou-gados devant la Cour de discipline budgé-taire et financière, en application de l’articleL. 314-6 du code précité et ne retenant pasla responsabilité de MM. Bouchieu, Boisset,Cavailler, Dunom, Galy, Sandonato, Gérard,Hardy, Monginet, Meunier, Cadot etSpitzer ;

Vu la lettre recommandée du 23 octobre2001 du secrétaire général de la Cour dediscipline budgétaire et financière avisantM. Dougados qu’il pouvait prendre connais-sance du dossier suivant les modalités pré-vues par l’article L. 314-8 du code précité,ensemble l’accusé de réception de cettelettre ;

Vu le mémoire en défense déposé le10 décembre 2001 par Me Martelli pourM. Dougados, enregistré au greffe de laCour le même jour ;

Vu la lettre du 2 mai 2002 par laquelle leprocureur général a cité M. Dougados àcomparaître devant la Cour de disciplinebudgétaire et financière, ensemble l’accuséde réception de cette lettre ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent audossier, notamment les procès-verbauxd’audition de MM. Dougados, Bouchieu,Boisset, Cavailler, Galy, Sandonato, Gérard,Hardy, Monginet, Meunier, Cadot et Spitzer,la déposition écrite de M. Dunom, ainsi quele rapport d’instruction de M. Vallernaud etl’arrêt du tribunal administratif de Montpel-lier du 10 décembre 1998 ;

Entendu Mme Lemmet en son rapport ;

Entendu Mme le Procureur général en sesconclusions et réquisitions ;

chronique financière

46 84e année - nº 1 - janvier 2004

Entendu en sa plaidoirie Me Martelli et enses explications et observations M. Dou-gados, l’intéressé et son conseil ayant eu laparole en dernier ;

Sur la compétence de la Cour :

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 322-1 du Code de l’urbanisme, l’asso-ciation foncière d’urbanisme de Sérignan,association syndicale régie par la loi du21 juin 1865 modifiée et créée par arrêtépréfectoral du 2 décembre 1988 modifié le27 décembre 1988, est un établissementpublic à caractère administratif ; que sesdirigeants et les autorités qui exercent latutelle sur l’AFUA relèvent de la compé-tence de la Cour de discipline budgétaire etfinancière au titre de l’article 312-1-I b) duCode des juridictions financières ;

Sur l’engagement de travaux par l’asso-ciation :

Sur les faits :

Considérant que l’association foncièreurbaine autorisée des « jardins de Sérignan »(AFUA), qui regroupe 300 propriétaires, apour objet le remembrement, l’aménage-ment et l’équipement d’une zone de88 hectares sur la commune de Sérignan(Hérault) ;

Considérant qu’un appel d’offres pour unepremière tranche de travaux, relativenotamment à la voirie, a été lancé selon laprocédure d’urgence le 27 novembre1991 ; que cinq des dix-sept entreprisessoumissionnaires ont été admises à pré-senter une offre le 10 janvier 1992 ; quel’association leur a demandé, au cours deréunions tenues les 13, 14 et 15 janvier1992, puis par lettres des 20 et 28 janvier1992, d’étudier dans quelles conditionselles pourraient faciliter le préfinancementde l’opération, l’obtention préalable d’uneavance de trésorerie étant apparue commeune condition nécessaire pour financerl’opération, suivant une note annexée auprocès-verbal de la réunion du conseil dessyndics de l’AFUA le 20 décembre 1991 ;

Considérant que le conseil des syndics del’association foncière a choisi, le 20 mars1992, le groupement CMR, composé desentreprises Compagnie moderne de routes(CMR) - Lyonnaise des Eaux - Dumez - Buesa- Sogetralec, seul groupement à avoir for-mulé une proposition financière ; que cechoix était assorti de la condition suspen-sive que soit mise en place une conventionde financement satisfaisante ; que le11 avril suivant, le président de l’AFUA aaccepté l’acte d’engagement du groupe-ment, valant marché de travaux, qui com-portait la condition suspensive que « soitsignée la convention de financement dontle groupement d’entreprises CMR bénéfi-ciaire a annoncé la mise en place par lettredu 14 février 1992, engagement qui adéterminé le choix de celui-ci » ;

Considérant que, dès le 6 avril 1992, leconseil des syndics de l’AFUA avait décidéde faire commencer les travaux le 13 avril ;que le procès-verbal de cette réunion a étéreçu à la sous-préfecture de Béziers le9 avril 1992 ;

Considérant que, par une lettre du 10 avril1992 comportant un ordre de service no 1,le président de l’AFUA a notifié au groupe-ment d’entreprises, « vu la condition sus-pensive mais considérant l’urgence des tra-vaux », d’avoir à commencer les premierstravaux le 13 avril 1992 ; que, selon le

certificat de paiement no 1 établi par lemaître d’œuvre le 11 mai 1992, les premierstravaux ont bien été effectués au moisd’avril 1992 pour un total de 302 644,36 FTTC ;

Considérant qu’une convention conclue le4 juillet 1992 entre l’AFUA et le groupementd’entreprises CMR, transmise à la préfecturele 6 juillet, a stipulé que « par dérogation (aumarché du 11 avril 1992), il est demandé auxentreprises de commencer les travaux sansattendre la signature de la convention definancement avec les banques » ; que lestravaux, interrompus le 30 avril 1992, ontrecommencé le 15 juillet 1992 en exécutiond’un ordre de service no 4 ; que cet ordrede service a été reçu à la sous-préfecture le26 octobre 1992 ;

Qu’avant l’interruption définitive des tra-vaux par un nouvel ordre de service, le31 décembre 1992, huit situations de tra-vaux ont été présentées par les entreprisespour un montant de 6 063 279 F TTC ; quel’AFUA n’a réglé que 1 033 257 F ;

Considérant que l’ensemble de ces faits,tous postérieurs au 21 novembre 1991, nesont pas couverts par la prescription insti-tuée par l’article L. 314-2 du Code des juri-dictions financières ;

Sur l’engagement de travaux enl’absence de financement :

Considérant qu’en vertu de l’article 39 duCode des marchés publics dans sa rédac-tion alors en vigueur, les marchés doiventêtre notifiés avant tout commencementd’exécution ; qu’en l’espèce, la décisiond’engager les travaux prise par l’associationle 6 avril 1992 et notifiée le 13 avril 1992sans que soit satisfaite la condition suspen-sive d’exécution du marché conclu le11 avril 1992, et relative à la passation d’uneconvention de financement, constitue uneinfraction sanctionnée par l’article L. 313-4du Code des juridictions financières ; que lacirconstance que le coût des travaux réa-lisés en avril 1992 aurait pu être couvert parla capacité de financement propre del’AFUA et que l’ordre de service lançant lestravaux ait précisé que leur poursuite étaitsubordonnée à la réalisation de la conditionsuspensive, est sans effet sur ce point ;

Considérant que la reprise des travaux,décidée par le conseil syndical le 4 juillet1992, a été accompagnée, le même jour,par la signature d’une convention avec legroupement CMR, demandant aux entre-prises de commencer les travaux sansattendre la signature de la convention definancement avec les banques ; que cettedécision est à l’origine de la dette quel’AFUA n’a pas remboursée et que le tri-bunal administratif de Montpellier a mise àla charge de l’Etat par son jugement du10 décembre 1998 susvisé ;

Considérant que la double décision derenoncer à la clause de financement et dereprendre des travaux d’un coût élevé,alors même que leur financement n’étaitpas assuré, est contraire aux règles de pru-dence élémentaire qui s’imposent à uneassociation syndicale de copropriétaires ;que cette méconnaissance des règles degestion constitue une infraction sanc-tionnée par l’article L. 313-4 précité ;

Sur l’engagement des travaux sans auto-risation du représentant de l’Etat :

Considérant que les travaux engagés rele-vaient de catégories mentionnées à l’article

premier de la loi du 21 juin 1865 relative auxassociations syndicales, catégories quel’article 47 du décret du 18 décembre 1927portant règlement d’administrationpublique pour l’exécution de ladite loisoumet à un régime d’autorisation spécialepréalable par le préfet, qui peut les sus-pendre s’ils ont été entrepris avant sonautorisation ; que ces autorisations doiventêtre expresses ; que les lois de décentrali-sation n’ont pas modifié le régime des asso-ciations syndicales ;

Considérant que la décision d’engager lestravaux en avril 1992 et celle de lesreprendre en juillet 1992 ont été commu-niqués à la sous-préfecture ; qu’aucuneautorisation explicite n’a pu être produite,alors même que les tampons attestant ladate d’arrivée des documents à la sous-pré-fecture ne pouvaient valoir autorisation ;que la décision d’engagement en date du6 avril 1992 et la convention du 4 juillet 1992valant ordre de reprise des travaux, inter-venues en l’absence d’autorisation préfec-torale, en méconnaissance des dispositionsdu décret de 1927 susvisé, constituent desinfractions tombant sous le coup de l’arti-cle L. 313-3 du Code des juridictions finan-cières ;

Sur la responsabilité de M. Dougados :

Considérant, en premier lieu, que M. Dou-gados, en sa qualité de président de l’AFUA,a pris la décision d’engager les travaux alorsque l’une des conditions posées pour l’exé-cution du marché n’était pas remplie et quele financement n’était pas assuré ; qu’il aultérieurement donné l’ordre de pour-suivre les travaux sans avoir davantageobtenu leur financement ; qu’il soutientqu’il aurait mis tout en œuvre pour tenterde trouver un financement indispensable àla survie de l’AFUA, mais que ces démarchesne sauraient dégager sa responsabilité surce point ; qu’en outre, les dépenses defonctionnement engagées par l’associationà cette occasion ont bénéficié, pour lesdeux tiers, au titre d’un contrat d’assistanceadministrative, à une entreprise dirigée parl’épouse de M. Dougados, et employeur dece dernier comme responsable adminis-tratif de mai 1989 à novembre 1992 ; queM. Dougados avait dans ces conditions unintérêt personnel à l’engagement rapidedes travaux ;

Considérant que ne peut pas être consi-dérée comme une circonstance atténuantela clause de la convention conclue entre lacommune de Sérignan et l’AFUA et dési-gnant celle-ci comme aménageur de la ZAC,stipulant que le commencement des tra-vaux de cette dernière devrait intervenir« dans un délai de six mois à compter del’arrêté de ZAC sous peine de la résiliationde la présente convention » ; que, demême, la circonstance qu’une procédurecontentieuse devant le tribunal adminis-tratif de Montpellier tendait à faire annulerla décision de création de la ZAC ne sauraitavoir justifié l’engagement des travaux enurgence, engagement qui conduisait àplacer le tribunal devant le fait accompli ;

Considérant, en second lieu, que M. Dou-gados, en sa qualité de président de l’AFUA,a pris la décision d’engager les travaux sansautorisation du représentant de l’Etat ; queM. Dougados a pu toutefois croire debonne foi que le régime d’approbation destravaux relevait du contrôle de légalité des

chronique financière

47 84e année - nº 1 - janvier 2004

collectivités territoriales et que le silencegardé par le représentant de l’Etat valaitapprobation des travaux ;

Considérant que les autorités préfecto-rales, dont l’instruction a montré qu’ellesconnaissaient mal leurs attributions enmatière de travaux réalisés par une associa-tion syndicale, notamment le caractèreobligatoire de leur autorisation préalableexpresse, ne sont à aucun moment inter-venues pour préciser à l’intéressé le régimejuridique applicable aux actes de l’associa-tion ; que toutefois, M. Dougados a engagéles travaux sans même attendre le délai quiaurait été ouvert pour l’exercice ducontrôle de légalité par le préfet ;

Considérant enfin que la circonstance queles autorités préfectorales, pleinementinformées de l’avancement des travaux, nesont pas intervenues, alors qu’elles avaient,en vertu de l’article 47 du décret du18 décembre 1927 susvisé, le pouvoir desuspendre l’exécution des travaux dont lesplans et devis n’avaient pas été soumis àleur approbation, ne saurait non plusdégager la responsabilité de M. Dougados ;

Sur le montant de l’amende :

Considérant qu’il sera fait une juste appré-ciation des circonstances de l’affaire eninfligeant à M. Dougados, qui a fait par ail-leurs l’objet de sanctions pénales, uneamende de deux mille cinq cents euros ;

Sur la publication :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circons-tances de l’espèce, de publier le présentarrêt au Journal officiel de la Républiquefrançaise ;

Arrête :

Article premier. – M. Robert Dougados estcondamné à une amende de deux millecinq cents euros (2 500 c).

Art. 2. – Le présent arrêt sera publié auJournal officiel de la République française.

Note

Saisine. – L’article L. 314-1 du Code desjuridictions financières énumère, demanière limitative, les autorités ayantqualité pour saisir la CDBF, le législateurayant entendu réserver l’exercice de cettefaculté uniquement auxdites autorités etsans délégation possible (CDBF, 21 avril1959, Mazer, Rec. CE 1961.897 ; Rec.CDBF, tome I.28. CE, 30 juin 1961, Procu-reur général près la Cour des comptes c/Mazer, Rec. CE 451 ; RD publ. 1961.845,concl. Bernard ; GAJF, 4e éd., no 52). Si leschambres régionales des comptes sont,en tant que telles, rangées parmi cesautorités, il n’en va pas de même de leurMinistère public qui n’a donc pas qualitépour saisir directement la Cour. C’est leprocureur général près la Cour descomptes qui exerce donc ce rôle, sachantqu’il peut être invité à saisir la CDBF partoute personne justifiant d’un intérêt etnon énumérée à l’article L. 314-1. LeConseil d’Etat a d’ailleurs précisé que lerefus que le procureur général peutopposer dans ce cas est une décisionadministrative qui peut être déférée aujuge administratif compétent (CE, 16 mai1980, Melki, Rec. CE 230 ; RD publ.1981.226, concl. Hagelsteen). Le Parquetpeut en particulier, comme c’est le cas enl’espèce, être informé par le Ministèrepublic près une chambre régionale (v.

aussi ci-dessous, CDBF, 13 juin 2003,Lamontagne, Mestre, Foret et Birota, SEMSarcelles Chaleur).

Marchés publics. – La CDBF a déjà eu fré-quemment l’occasion de sanctionner desviolations des règles issues du Code desmarchés publics (v. par exemple, CDBF,22 février 1961, Caraccio, Bellier, Pariselle,JO du 11 juin 1961, p. 5298 ; Rec. CE1961.898 ; Rec. CDBF, tome I.34. CDBF,8 novembre 1973, Massip et autres, UGAP,Rec. CE 1974.797 ; Rec. CDBF, tome I.88.CDBF, 29 septembre 1999, Abitbol et Mar-zorati, Rec. CE 567 ; Rec. C. comptes 106 ;La Revue du Trésor 2000.32). L’infractionvisée à l’article L. 313-4 du Code des juri-dictions financières est en particulierconstituée en cas de démarrage des tra-vaux avant notification du marché (V. parexemple, CDBF, 13 février 1985, Directiondépartementale de l’agriculture de l’Oise,JO du 10 novembre 1985, p. 13080 ; Rec.CDBF, tome II.1. CDBF, 15 décembre 1993,SIRPA, JO du 25 juin 1994, p. 9242 ; LaRevue du Trésor 1995.679). La situation enl’espèce était un peu particulière dans lamesure où le marché de travaux en causecomportait une condition suspensive demise en place d’une convention de finan-cement satisfaisante ; la Cour considèreque le démarrage des travaux sansattendre la signature de la convention definancement constitue une violation del’article L. 313-4 car les marchés doiventêtre notifiés avant tout commencementd’exécution. Le marché en cause étaitd’autant moins exécutoire qu’il n’avait pasfait l’objet d’une approbation expressepar l’autorité préfectorale conformémentau décret du 18 décembre 1927 (la Courrelève toutefois que les autorités préfec-torales ont montré qu’elles connaissaientmal leurs attributions en traitant lemarché en cause dans les conditions dedroit commun du contrôle de légalité).

La Cour relève enfin que la décision dereprendre les travaux d’un coût élevé,alors que leur financement n’était pasassuré, est contraire aux « règles de pru-dence élémentaire » qui s’imposent à unétablissement public administratif. Onperçoit bien ici que l’office de la CDBF vaau-delà de l’application des textes poursanctionner également les comporte-ments onéreux pour les finances publi-ques. Elle avait d’ailleurs déjà sanctionnéla délivrance d’un ordre de services ayantpour effet d’accroître de manière consi-dérable le coût des opérations, enl’absence de crédits disponibles et fautede toute décision de l’administration cen-trale (CDBF, 14 mai 1973, Marchal, JO du21 octobre 1973, p. 11349 ; Rec. CE 856 ;Rec. CDBF, tome I.82 ; GAJF, 4e éd., no 53.V. aussi s’agissant d’un marché ayantdonné lieu à des travaux supplémentairespour un montant dix fois plus élevé quele prix initial : CDBF, 22 mars 1977, Ingé-nieur général Jaubert, Direction desconstructions et armes navales de Toulon,JO du 5 mars 1978, p. 1842 ; Rec. CDBF,tome I.130).

138Arrêt du 4 décembre 2002

Gallet, Avoine, Caisse centralede la mutualité sociale agricole

La Cour de discipline budgétaire et finan-cière,

Siégeant à la Cour des comptes, enaudience publique, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour,

Vu le livre III du Code des juridictions finan-cières, relatif à la Cour de discipline budgé-taire et financière ;

Vu les lois no 95-884 du 13 août 1995 et2002-1062 du 6 août 2002 portantamnistie ;

Vu les lettres du 11 septembre 1997, enre-gistrées au Parquet le 15 septembre, parlesquelles le président de la 5e Chambre dela Cour des comptes a informé le procureurgénéral près la Cour des comptes, Ministèrepublic près la Cour de discipline budgétaireet financière, d’irrégularités constatéesdans la gestion de la Caisse centrale de lamutualité sociale agricole (CCMSA) et de lasociété civile immobilière Mutualité Astorg ;

Vu les réquisitoires du 3 mars 1998 etle réquisitoire complémentaire du 11 dé-cembre 1998 par lesquels le procureurgénéral a saisi la Cour des faits susmen-tionnés, conformément à l’article L. 314-1du Code des juridictions financières ;

Vu les décisions du président de la Cour dediscipline budgétaire et financière des28 avril 1998 et 11 juin 2002 nommant suc-cessivement en qualité de rapporteurMme Anne de Danne, conseiller référen-daire à la Cour des comptes, etM. Alexandre de Palmas, auditeur à la Courdes comptes ;

Vu les lettres recommandées en date du17 novembre 1998 et du 16 décem-bre 199? par lesquelles le procureur générala informé MM. Guy-Marie Gallet, directeurgénéral adjoint de la CCMSA, et SergeAvoine, directeur général de cette mêmecaisse, de l’ouverture d’une instructiondans les conditions prévues à l’arti-cle L. 314-4 du code précité, ensemble lesaccusés de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du procureur général au prési-dent de la Cour de discipline budgétaire etfinancière en date du 11 mai 1999 l’infor-mant de sa décision de poursuivre la pro-cédure, en application de l’article L. 314-4du Code des juridictions financières ;

Vu les avis du ministre de l’Economie, desFinances et de l’Industrie en date du11 août 1999 et du ministre de l’Agricultureet de la Pêche en date du 5 octobre 1999 ;

Vu la décision du procureur général en datedu 26 octobre 2001 renvoyant MM. Galletet Avoine devant la Cour de discipline bud-gétaire et financière, en application del’article L. 314-6 du code précité ;

Vu les lettres recommandées du 10 janvier2002 du secrétaire général de la Cour dediscipline budgétaire et financière avisantMM. Gallet et Avoine qu’ils pouvaientprendre connaissance du dossier suivant lesmodalités prévues par l’article L. 314-8 ducode précité, ensemble les accusés deréception de ces lettres ;

Vu les mémoires en défense transmis augreffe de la Cour le 5 février 2002 parM. Avoine et le 11 mars 2002 par M. Gallet ;

Vu les lettres du 30 juillet 2002 par les-quelles le procureur général a citéMM. Gallet et Avoine à comparaître devantla Cour de discipline budgétaire et finan-cière, ensemble les accusés de réception deces lettres ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent audossier, notamment les procès-verbaux

chronique financière

48 84e année - nº 1 - janvier 2004

d’audition de MM. Callet et Avoine, lestémoignages de MM. Amis, Cadoret,Culaud, Langlet, Guidée, Rachenne,Mmes Bouvry, Chausson et Sixou,MM. Hemmer, Babusiaux, Marchier, Bre-teau, Dessauvages, Labrunie, Gour, Puvil-land et Agzikaraoglu ainsi que le rapportd’instruction de Mme de Danne ;

Entendu M. de Palmas en son rapport ;

Entendu Mme le Procureur général en sesconclusions et réquisitions ;

Entendu en leurs explications et observa-tions MM. Gallet et Avoine, les intéressésayant eu la parole en dernier ;

Sur la jonction des deux affaires :

Considérant que les affaires relatives auxtrois caisses centrales de sécurité socialeagricole, fusionnées en 1994 en une Caissecentrale de la mutualité sociale agricole, età la SCI Mutualité Astorg portent sur lesmêmes institutions et mettent en jeu lesmêmes personnes ; qu’elles doivent dèslors être jointes ;

Sur la recevabilité de l’action :

Sur la compétence de la Cour :

Considérant que M. Gallet soutient que laCour des comptes n’était pas compétentepour examiner la situation de la SCI Mutua-lité Astorg, dans la mesure où celle-ci auraitété financée par des fonds de réserve nerelevant pas d’un régime de sécurité socialelégalement obligatoire ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 111-5 du Code des juridictions finan-cières : « La Cour des comptes contrôle lesinstitutions de la sécurité sociale » ; qu’àceux de l’article L. 134-1 de ce même code« sont soumis au contrôle de la Cour descomptes tous les organismes de droit privéjouissant de la personnalité civile ou del’autonomie financière qui assurent en toutou en partie la gestion d’un régime légale-ment obligatoire d’assurance couvrant lamaladie, la maternité... » ; que la Cour descomptes est compétente pour examinerl’ensemble des comptes et de la gestiondes organismes mentionnés ci-dessus etnon seulement ceux des seuls régimes obli-gatoires ;

Considérant que l’article L. 133-2 b) dumême code dispose que la Cour descomptes est également compétente pourcontrôler les « sociétés, groupements ouorganismes, quel que soit leur statut juri-dique, dans lesquels l’Etat, les collectivités,personnes ou établissements publics, lesorganismes déjà soumis au contrôle dela Cour détiennent, séparément ouensemble, plus de la moitié du capital oudes voix dans les organes délibérants » ; quela SCI Mutualité Astorg relève à ce titre ducontrôle de la Cour des comptes ;

Considérant qu’en vertu de l’article L. 3121-I c) du même code, est justiciable de laCour de discipline budgétaire et financière« tout représentant, administrateur ouagent des autres organismes qui sontsoumis soit au contrôle de la Cour descomptes, soit au contrôle d’une chambrerégionale des comptes » ;

Considérant par voie de conséquence queM. Gallet, en ses qualités de directeurgénéral adjoint de la CCMSA et de gérantde la SCI Mutualité Astorg, et M. Avoine, ensa qualité de directeur général de la CCMSA,sont justiciables de la Cour de discipline

budgétaire et financière au titre de l’arti-cle L. 312 1-I c) du Code des juridictionsfinancières ;

Considérant que la circonstance queM. Gallet était gérant à titre personnel etsans rémunération de la SCI MutualitéAstorg est sans incidence sur la compé-tence de la Cour pour le juger ;

Sur les lois d’amnistie :

Considérant que les faits qui sont à l’originedu renvoi de MM. Gallet et Avoine devant laCour de discipline budgétaire et financièresont susceptibles d’entraîner leur condam-nation aux amendes infligées aux auteursdes infractions définies par les arti-cles L. 313-3, L. 313-4 et L. 313-6 du Codedes juridictions financières et que l’arti-cle L. 313-14 du même code les assimileaux amendes prononcées par la Cour descomptes en cas de gestion de fait ; que cesamendes ne sont ni des sanctions discipli-naires et professionnelles, au sens des loisno 95-884 du 13 août 1995 et no 2002-1062du 6 août 2002 portant amnistie, ni dessanctions pénales ; que par suite le moyentiré de ce que l’article 14 de la loi du 13 août1995 vise expressément les infractions dis-ciplinaires est inopérant ;

Sur l’application du principe non bis inidem :

Considérant que M. Gallet soutient qu’il aété renvoyé devant le tribunal correc-tionnel de Paris pour certains faits qui luisont reprochés devant la Cour et qu’ilestime que le principe non bis in idem faitobstacle aux poursuites et aux sanctionsprononcées par la Cour à raison des mêmesfaits ;

Considérant qu’aux termes de l’article 4 duprotocole additionnel no 7 de la Conventioneuropéenne de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamentales :« nul ne peut être poursuivi ou puni péna-lement par les juridictions du même Etat enraison d’une infraction pour laquelle il a déjàété acquitté ou condamné par un juge-ment définitif conformément à la loi et à laprocédure pénale de cet Etat » ;

Considérant toutefois que M. Gallet a étérenvoyé devant le tribunal correctionnel deParis pour des infractions qui sont dis-tinctes de celles pour lesquelles il est pour-suivi devant la Cour de discipline budgétaireet financière ; que, dès lors, l’argument nepeut donc être retenu ;

Sur la prescription :

Considérant que l’ensemble des faits pourlesquels les intéressés sont renvoyésdevant la Cour se sont produits ou pour-suivis après le 15 septembre 1992 ; qu’ils nesont pas couverts par la prescriptionédictée par l’article L. 314-2 du Code desjuridictions financières ;

Sur le moyen tiré de ce que la procédured’instruction aurait méconnu les droitsde la défense :

Considérant que MM. Gallet et Avoine ontété entendus par le rapporteur surl’ensemble des faits qui leur sont reprochésau cours de l’instruction ;

Considérant en outre que MM. Gallet etAvoine ont été entendus par la Cour publi-quement et préalablement au délibéré ;

Considérant que, dans ces conditions, ledroit des parties à une contradiction équi-table a été respecté et que le moyen tiréd’irrégularités relatives à la procédure

d’instruction conduite par le rapporteurdevant la Cour de discipline budgétaire etfinancière doit être écarté ;

Sur les faits, les infractions et les respon-sabilités :

Les conditions de la reprise du Centred’études, de formation et de recherchespour l’animation sociale (CEFRAS) :

Considérant que l’association CEFRAS, ges-tionnaire de maisons de retraite, a étéplacée en redressement judiciaire par unjugement du 21 mai 1992 du tribunal degrande instance de Melun, puis en liquida-tion judiciaire par un jugement du 16 juillet1993 ; considérant que M. Gallet, au nom dela CCMSA, a déposé quatre offres de repriseauprès du mandataire judiciaire, dont troispendant la période non prescrite, soit les7 octobre 1992, 20 avril 1993 et 30 juin1993 ;

Considérant que nonobstant les termes dela loi nº 85-98 du 25 janvier 1985, ces offresengageaient la caisse, jusqu’à l’interventiondu jugement du tribunal de grande ins-tance mentionné ci-dessus ; que comptetenu de l’importance financière de ces pro-positions, elles ne pouvaient être regardéescomme des actes de gestion courante pourlesquels M. Gallet bénéficiait d’une déléga-tion de pouvoirs ;

Considérant que, en application des arti-cles 1003 et suivants du Code rural et del’article 12 des statuts de la CCMSA, cesoffres relevaient dès lors de la compétenceexclusive du conseil central d’administra-tion de la CCMSA ; que M. Gallet n’a sollicité,en urgence, l’approbation du dossier par leconseil d’administration que le 29 avril1993, soit après que la troisième offre dereprise ait été déposée ;

Considérant en outre que cette informa-tion du conseil d’administration s’est faitesur la base de documents lacunaires et suc-cincts ; que le président du conseil d’admi-nistration, M. Amis, ainsi que le directeurgénéral de la caisse, M. Avoine, ont affirméau cours de l’instruction n’avoir aucun sou-venir de l’évocation, devant le conseil, desengagements présentés dans l’offre dereprise ;

Considérant que, dès lors, M. Gallet n’avaitpas compétence avant le 29 avril 1993 pourengager la CCMSA par ses propositions ;qu’il s’est par là même rendu coupable desinfractions visées par les articles L. 313-3 etL. 313-4 du Code des juridictions finan-cières ;

L’octroi d’une garantie d’emprunt au foyerdes jeunes travailleurs de Roissy-en-Brie :

Considérant que le foyer des jeunes travail-leurs de Roissy-en-Brie est l’un des actifs duCEFRAS repris par la CCMSA ; que cette der-nière a recouru, pour poursuivre la gestiondu foyer, à la société union d’économiesociale (UES) Les Sinoplies, dont elle étaitmembre, société qui a elle-même confié lagestion de ce foyer par convention du17 octobre 1995 à la société UIES CERIS dontla CCMSA était l’actionnaire majoritaire etM. Gallet le président du directoire ;

Considérant que la gestion du foyer s’étantrévélée lourdement déficitaire, le conseild’administration de l’association l’a déclaréen cessation de paiements le 19 décembre1995 ;

Considérant que, pour obtenir le maintiende l’autorisation de découvert consenti parla banque financière Groupama, en dépit

chronique financière

49 84e année - nº 1 - janvier 2004

d’un débit de 437 389 F constaté le31 décembre 1995, M. Gallet, en sa qualitéde directeur général adjoint de la CCMSA, aadressé une lettre en date du 8 janvier 1996à cette banque dans laquelle il affirmait quele conseil central d’administration de laCCMSA, dans sa séance du 19 décembre1995, avait décidé de garantir la dette rési-duelle contractée par l’association auprèsde la banque ; que cette garantie présen-tait, contrairement à ce qu’avance M. Gallet,un caractère certain ;

Considérant qu’après la mise en redresse-ment puis en liquidation judiciaire de l’UESLes Sinoplies ordonnée par jugements du23 janvier et du 14 mai 1996 du tribunal degrande instance de Melun, une réclamationde 484 638,52 F a été présentée par labanque à la CCMSA le 24 janvier 1997, puisréitérée le 11 février suivant, comme appelen garantie sur la base de l’engagementpris par M. Gallet ;

Considérant que, contrairement à ce quesoutient M. Gallet, aucun procès-verbal del’instance compétente de la CCMSA ne faitréférence à la prise d’une telle décision degarantie ; que celui-ci a dès lors engagéfinancièrement la caisse sans en avoir lepouvoir et a enfreint les règles de gestionde l’établissement ;

Considérant dans ces conditions queM. Gallet s’est rendu coupable des infrac-tions visées par les articles L. 313-3 etL. 313-4 du Code des juridictions finan-cières ;

L’habilitation de M. Gallet à engager la SCIMutualité Astorg :

Considérant que M. Gallet a engagé la SCIMutualité Astorg, filiale de la CCMSA dont ilétait le gérant, dans quatre opérations derachat de créances détenues par des éta-blissements bancaires sur des SCI crééespar l’association CEFRAS ; que ces opéra-tions portent sur une créance de29 087 587 F de la Caisse d’épargne deParis-Ile-de-France sur la SCI Harmonie deGray rachetée le 21 juillet 1995 pour14 MEF ; une créance de 30 065 483 F de lacaisse régionale de Crédit agricole de Cha-rente-Périgord sur la SCI Harmonie de Bas-sillac rachetée le 19 septembre 1995 pour8 736 963 F ; deux créances de la caissed’épargne des pays du Hainaut de27 441 561 F sur la SCI Harmonie de LeQuesnoy et de 25 236 841 F sur la SCI Har-monie de Lourches, rachetées le22 décembre 1995 pour un total de 17 MF ;

Considérant que les actes de cessions deces créances ont été signés par M. Guidée,directeur de la mission de coordinationfinancière de la CCMSA agissant en vertu dedélégations générales de pouvoir sur lescomptes de la SCI Mutualité Astorg, ainsique d’une procuration spécifique pourchaque rachat, toutes consenties parM. Gallet le 17 juillet 1995 ;

Considérant que les pouvoirs dont disposaitM. Gallet ne l’habilitaient pas à effectuer detelles opérations sans l’autorisation préa-lable de l’assemblée générale, conformé-ment à l’article 16 des statuts de la SCI ; quecette autorisation a été, selon M. Gallet,accordée par une assemblée généraletenue le 30 juin 1995 ;

Considérant cependant que l’assembléegénérale ne s’est pas réunie à cette date,contrairement aux mentions d’un fauxprocès-verbal daté du 30 juin 1995 et signédu seul M. Gallet ;

Considérant en outre qu’une assembléegénérale de la CCMSA, tenue le 20 juin 1996,a adopté une délibération tendant à « régu-lariser » les opérations de rachats decréances, attestant par là le caractèrerétroactif de l’autorisation consentie et lefait que M. Gallet ne disposait pas, aumoment des rachats, des pouvoirs néces-saires ;

Considérant, dans ces conditions, queM. Gallet était incompétent pour engagerla SCI et s’est rendu coupable des infrac-tions visées par les articles L. 313-3 etL. 313-4 du Code des juridictions finan-cières ;

Les conditions du rachat par la SCI MutualitéAstorg de créances bancaires :

Considérant qu’à l’occasion du rachat de lacréance sur la SCI Harmonie de Gray, lesobligations engageant la commune de Grayà l’égard de la Caisse d’épargne de Paris-Ile-de-France en tant que caution du prêtconsenti par la caisse d’épargne à la SCIpour financer la construction de la maisonde retraite de Gray, ont été transférées dela commune à la SCI Mutualité Astorg ;

Considérant que cette dernière a renoncéà toutes actions ou instances éventuellescontre la ville de Gray, à la différence de cequi était stipulé dans les conventions inté-ressant les communes de Le Quesnoy et deLourches, renonçant par là même à un ins-trument essentiel pour faciliter le recouvre-ment de la créance qu’elle rachetait ; qu’enoutre cette renonciation n’était assortiedans l’acte de cession d’aucune contre-partie démontrée ;

Considérant que ces faits constituent unmanquement aux règles élémentaires deprudence dans la gestion des affairesréprimé par l’article L. 313-4 du Code desjuridictions financières, et un avantageinjustifié accordé à la commune de Grayréprimé par l’article L. 313-6 de ce mêmecode ;

Sur la situation de M. Avoine :

Considérant que M. Avoine, directeurgénéral de la CCMSA, a fait preuve, à l’occa-sion des faits précédemment énoncés, demanquements graves à son devoir de sur-veillance de la gestion de son subordonné,M. Gallet ;

Considérant que, contrairement à cequ’avance M. Avoine, ni la circonstance qu’ilne faisait pas partie des conseils de surveil-lance des filiales de la CCMSA ni ses efforts,tardifs, pour clarifier la situation juridiqueet financière de certaines d’entre elles, nesont de nature à l’exonérer totalement deses responsabilités mais constituent toute-fois des circonstances atténuantes ;

Considérant dès lors que, par ses défail-lances, M. Avoine a méconnu ses attribu-tions et tombe sous le coup de l’arti-cle L. 313-4 du Code des juridictions finan-cières ;

Sur le montant des amendes :

Considérant qu’il sera fait une juste appré-ciation des circonstances de l’affaire eninfligeant une amende de 7 000 c àM. Callet, et de 700 c à M. Avoine ;

Sur la publication :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circons-tances de l’espèce, de publier le présentarrêt au Journal officiel de la Républiquefrançaise ;

Arrête :

Article premier. – M. Gallet est condamnéà une amende de 7 000 c (sept mille euros).

Art. 2. – M. Avoine est condamné à uneamende de 700 c (sept cents euros).

Art. 3. – Le présent arrêt sera publié auJournal officiel de la République française.

Note

Compétence. – Les organismes de Sécu-rité sociale visés aux articles L. 134-1 etsuivants du Code des juridictions finan-cières relèvent, on le sait, de la compé-tence de la CDBF. C’est le cas par exempled’une caisse primaire d’assurance maladieassurant la gestion d’un régime légale-ment obligatoire d’assurance couvrant lamaladie (CDBF, 29 novembre 1984, H...,Caisse mutuelle régionale de Bretagne,Rec. CDBF, tome I.232. CDBF, 6 novembre1992, Billon, Pillay, Hébras, CPAM deSeine-et-Marne, JO du 7 octobre 1993,p. 13969 ; Rec. CE 1992.644 ; La Revue duTrésor 1993.782), d’une caisse de retraiteet de prévoyance (CDBF, 16 mars 1988,Taravel et autres, Caisse de retraite et deprévoyance de la boucherie, boucherie-charcuterie et boucherie hippophagiquefrançaise [CARBOF], JO du 3 décembre1988, p. 15154 ; Rec. CE 543 ; Rec. CDBF,tome II.131) ou encore de l’Associationpour la gestion de la sécurité sociale desartistes auteurs [AGESSA] (CDBF,28 novembre 1990, Burlot, AGESSA, JO du9 août 1991, p. 10595 ; Rec. CDBF,tome II.217). En l’espèce, la SCI MutualitéAstorg entre dans le champ de compé-tence de la CDBF (art. L. 312-1-I c) du Codedes juridictions financières) car cettesociété constitue une filiale d’un orga-nisme de Sécurité sociale, en l’occurrencela Caisse centrale de la mutualité socialeagricole. Peu importe en outre que la per-sonne poursuivie soit gérant à titre per-sonnel et sans rémunération.

Procédure. – Les amendes prononcéespar la Cour ne présentent ni un caractèrepénal ni un caractère disciplinaire (CDBF,28 juin 1954, Greffier comptable et direc-teur de la Maison centrale de Melun, Rec.CDBF, tome I.1. CDBF, 30 octobre 1985,Martin et Demoget, Service du contrôlemédical régional de Nancy, JO du 3 mai1986, p. 5992 ; Rec. CDBF, tome II.20.CDBF, 22 janvier 1992, Cuvelier et Gon-zalez, CFPC, JO du 3 septembre 1992,p. 12102 ; La Revue du Trésor 1993.35). Enl’espèce, la Cour a réaffirmé que lesamendes ne sont ni des sanctions discipli-naires et professionnelles ni des sanctionspénales.

Toutefois, le Conseil d’Etat, juge de cas-sation, a considéré que la Cour de disci-pline budgétaire et financière doit êtreregardée comme décidant du bien-fondéd’accusations en matière pénale au sensdes stipulations de la Convention euro-péenne de sauvegarde des droits del’homme et des libertés fondamentales(CE, 30 octobre 1998, M. Lorenzi,req. nº 159444, Rec. CE 374 ; RF fin.publ. 1999.189, note Pierucci ; RDpubl. 1999.633, note Eckert). Désormais,la Cour fait non seulement application desstipulations de l’article 6, paragraphe 1,mais également des autres dispositionsde la Convention EDH, notamment,comme en l’espèce, l’article 4 du proto-cole additionnel nº 7 fixant le principe nonbis in idem.

chronique financière

50 84e année - nº 1 - janvier 2004

La Cour précise enfin que dès lors que lesintimés ont été entendus par le rappor-teur sur l’ensemble des faits à eux repro-chés au cours de l’instruction et audi-tionnés par la Cour, publiquement etpréalablement au délibéré, le droit desparties à une contradiction équitable a étérespecté. On sait en effet que la Cours’assure du respect du caractère contra-dictoire de la procédure et notamment dela régularité de la notification de l’ouver-ture des poursuites, de la communicationdes griefs reprochés à l’intéressé et de lapossibilité à lui donnée d’y répondre(CDBF, 27 novembre 1973, Gleize, JO du27 novembre 1975, p. 12175 ; Rec. CE1974.800 ; Rec. CDBF, tome I.94). Ellevérifie ainsi que l’intéressé, dès sa mise encause, a eu connaissance des documentssur la base desquels était ouverte l’ins-truction, soit le déféré par la Cour descomptes et la note jointe et le réquisitoiredu procureur général et qu’il n’apparaîtpas que, au cours de l’instruction, l’inté-ressé n’ait pas eu connaissance de piècesqui auraient figuré au dossier et dontl’ignorance aurait pu lui être préjudiciable(CDBF, 22 novembre 1985, Sociétéconcessionnaire des autoroutes Rhône-Alpes (AREA), Rec. CDBF, tome II.25).

139Arrêt du 23 décembre 2002

Bailleul, Le Vouédec,Bernard-Bret,

Mission de coopération etd’action culturelle au Tchad

La Cour,

Vu le titre Ier du livre III du Code des juridic-tions financières, relatif à la Cour de disci-pline budgétaire et financière ;

Vu la lettre en date du 5 juillet 1996adressée au procureur général près la Courdes comptes, Ministère public près la Courde discipline budgétaire et financière, enre-gistrée au Parquet général le 10 juillet 1996,par laquelle le président de la 4e Chambrede la Cour des comptes a déféré à la Courde discipline budgétaire et financière desirrégularités concernant diverses opéra-tions menées par la mission de coopérationet d’action culturelle (MCAC) auprès del’ambassade de France à N’Djaména(Tchad) ;

Vu les réquisitoires des 30 juin et 11 sep-tembre 1997 par lesquels le procureurgénéral a saisi la Cour des faits susmen-tionnés, conformément à l’article L. 314-1du Code des juridictions financières ;

Vu les décisions du président de la Cour dediscipline budgétaire et financière des22 janvier 1998 et du 18 octobre 2001, dési-gnant successivement comme rapporteurM. Bertrand Schwerer, conseiller référen-daire à la Cour des comptes, et M. ArnaudOseredczuk, auditeur à la Cour descomptes ;

Vu les lettres recommandées des 12 mars,8 avril et 29 mai 1998 par lesquelles le pro-cureur général a informé M. André Bailleul,conseiller des affaires étrangères, chef de lamission de septembre 1992 à février 1994,Mme Marie-France Bernard-Bret, fonction-naire territoriale, retraitée, ancienneassistante à la section intérieure du servicefinancier, M. Alain Le Vouédec, ingé-nieur divisionnaire des travaux publicsde l’Etat, conseiller à la mission pour le

service financier et les infrastructures, etM. Edouard Laporte, successeur de M. Bail-leul, de l’ouverture d’une instruction dansles conditions prévues à l’article L. 314-4 ducode susvisé, ensemble les accusés deréception de ces lettres ;

Vu la lettre du procureur général au prési-dent de la Cour de discipline budgétaire etfinancière en date du 27 avril 1999 l’infor-mant de sa décision de poursuivre la pro-cédure, en application de l’article L. 314-4du Code des juridictions financières ;

Vu l’avis du 19 août 1999 du ministredélégué à la Coopération et à la Franco-phonie ;

Vu les deux décisions du procureur général,en date du 21 septembre 2001, renvoyantMme Bernard-Bret, MM. Bailleul etLe Vouédec, devant la Cour de disciplinebudgétaire et financière, en application del’article L. 314-6 du code susvisé, et ne rete-nant pas la responsabilité de M. Laporte ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière, en date du17 octobre 2001, transmettant le dossier auministre des Affaires étrangères, en appli-cation des dispositions de l’article L. 314-8du code susvisé ;

Vu l’avis rendu par la commission consulta-tive paritaire compétente à l’égard du corpsdes conseillers des affaires étrangères, danssa séance du 22 novembre 2001, sur la miseen cause de M. Bailleul ;

Vu les lettres recommandées du 5 mars2002 du secrétaire général de la Cour dediscipline budgétaire et financière avisantMM. Bailleul et Le Vouédec qu’ils pouvaientprendre connaissance du dossier suivant lesmodalités prévues par l’article L. 314-8 ducode susvisé, ensemble les accusés deréception de ces lettres ; vu les lettresrecommandées des 5 et 22 mars, 22 juilletet 17 octobre 2002 avisant de mêmeMme Bernard-Bret, et revenues avec lesmentions « non réclamé » ou « retour àl’envoyeur » ;

Vu les mémoires en défense transmis augreffe de la Cour le 2 avril 2002 parM. Le Vouédec, le 15 mai et le 24 juillet 2002par M. Bailleul ;

Vu les lettres du 22 octobre 2002 par les-quelles le procureur général a citéMme Bernard-Bret, MM. Bailleul etLe Vouédec, à comparaître devant la Courde discipline budgétaire et financière,ensemble les accusés de réception de ceslettres ;

Vu les convocations à témoin adressées le22 novembre 2002 par le président de laCour de discipline budgétaire et financièreà M. Bobillo et Mme Bailleul, ensemble lesaccusés de réception de ces lettres ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent audossier, notamment les procès-verbauxd’audition de Mme Bernard-Bret, deMM. Bailleul, Laporte et Le Vouédec et lesdépositions de Mmes Ponroy, Baraillon,Lagneaux, Foucher et Laporte, et deMM. Luc, Banguina, Miehakanda, Flesh, Ber-gerot, Foucher, Martins, Pécastaing, Ricard,Fréret, La Cognata et Vernet ainsi que lesrapports d’instruction de M. Schwerer ;

Entendu M. Oseredczuk, auditeur, en sonrapport ;

Entendu Mme le Procureur général en sesconclusions et réquisitions ;

Entendu en leurs témoignages M. Bobillo,ministre plénipotentiaire, ancien directeurde l’administration générale au ministèrede la Coopération, directeur adjoint àl’époque des faits, et Mme de Carvalho-Pussick épouse Bailleul ;

Entendu en sa plaidoirie Me Sauvage eten leurs explications et observationsMme Bernard-Bret, MM. Bailleul etLe Vouédec, les intéressés et le conseilayant eu la parole en dernier ;

Considérant que les personnes renvoyéesdevant la Cour étaient, au moment desfaits, fonctionnaires de l’Etat ou agentcontractuel en poste à la mission de coo-pération et d’action culturelle de N’Dja-ména, qu’elles sont en conséquence justi-ciables de la Cour en application de l’arti-cle L. 312-1-I du Code des juridictionsfinancières ;

Considérant que le contexte particulier pré-valant dans le pays considéré à l’époque desfaits, s’il peut expliquer en partie l’originedes désordres constatés par la Cour, nesaurait justifier toutes les irrégularités encause, qui concernent l’engagement etle mandatement de dépenses nonconformes à l’objet des ouvertures de cré-dits consenties à la mission, ainsi que laconstitution d’une caisse occulte.

I. Sur l’engagement et le mandatementde dépenses non conformes à l’objetd’une convention d’aide budgétaire etde délégations de crédits consenties àla MCAC de N’Djaména :

Considérant que les irrégularités en causeconcernent l’utilisation des concours bud-gétaires du chapitre 41-43, des crédits délé-gués sur le chapitre 42-23 (appui logis-tique), la gestion du fonds d’aide et decoopération (FAC) et l’imputation de cer-taines dépenses de fonctionnement,d’équipement et de travaux de la MCAC ;

Sur les concours budgétaires du cha-pitre 41-43 :

Sur les faits :

Considérant qu’une convention pourl’attribution d’une aide budgétaire excep-tionnelle de 800 000 F à la république duTchad a été signée le 30 novembre 1992 parle gouvernement français et le gouverne-ment tchadien pour couvrir des dépensesprioritaires des administrations économi-ques et financières tchadiennes, que cesfonds imputés sur les crédits du cha-pitre 41-43 ont été placés sur un comptede dépôt ouvert au nom du Trésor tchadiendans les écritures du payeur de France etque ces fonds ne pouvaient être décaissésque sur instruction du chef de la mission ;

Considérant qu’une partie de ces fondsestimée à 80 % par le rapport d’enquêteétabli par le ministère chargé de la Coopé-ration a été détournée de leur objet, àsavoir 392 886 F pour des travaux immobi-liers dans la résidence du chef de mission,notamment la construction d’une piscine,125 911 F pour des équipements mobiliersdans la résidence du chef de mission,64 750 F pour l’achat de vaisselle utilisée parles conseillers de la mission ; 56 725 F pourle fonctionnement de la mission ;

Considérant que de telles utilisations, quisont établies et non contestées, de créditsouverts pour le financement de dépensesprioritaires des administrations tcha-diennes, constituent des violations desrègles d’exécution des recettes et des

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dépenses de l’Etat sanctionnées par l’arti-cle L. 313-4 du Code des juridictions finan-cières ;

Sur les responsabilités :

Considérant que M. Bailleul a reconnu avoirdécidé d’utiliser ce crédit au profit de larésidence du chef de mission, mais qu’ilsoutient ne pas avoir eu connaissance desautres dépenses effectuées au profit de lamission et des conseillers ; que, en sa qua-lité d’ordonnateur désigné de l’emploi deces crédits aux termes mêmes de laconvention budgétaire, il porte cependantla responsabilité de l’ensemble de leur uti-lisation irrégulière ; que M. Bailleul fait étatd’un accord du ministre tchadien du Planet de la Coopération de l’époque pour larestauration de la résidence du chef de mis-sion, compte tenu de la spoliation dontavait fait l’objet la résidence d’origine en1991, accord attesté a posteriori par leministre ; que l’infraction n’en est pasmoins constituée ;

Que M. Bailleul peut cependant bénéficierde circonstances atténuantes tenant à lapratique ancienne, connue de l’administra-tion centrale et probablement fréquentedans les missions de coopération etd’action culturelle, comme en a témoignéM. Bobillo, directeur adjoint à la directionde l’administration générale du ministèrede la Coopération à l’époque des faits,d’utilisation sur place et sans autorisationdes reliquats de crédits, ainsi qu’à l’insuffi-sance connue elle aussi de l’administrationcentrale des crédits d’équipement dutitre V affectés à la mission et qu’à l’étatmédiocre de la résidence provisoireaffectée au chef de mission à N’Djaména ;

Que M. Le Vouédec a reconnu qu’il a géréle marché passé pour la construction d’unepiscine à la résidence du chef de mission,qu’il a engagé les autres dépenses et pilotél’ensemble des opérations, qu’il est lesignataire de la demande de règlement del’achat de vaisselle ; qu’il porte égalementla responsabilité de ces opérations irrégu-lières et ne peut tirer argument de sapropre incompétence en affirmant êtrepersuadé que les crédits ne devaient pasêtre rendus mais devaient impérativementêtre consommés ; que M. Le Vouédec sou-tient que certaines dépenses de fonction-nement pourraient être considéréescomme des dépenses de coopération, maisque les achats de vaisselle et de mobilier etles dépenses de rénovation pour la missionsont dépourvus de lien avec les dépensesd’urgence des administrations tcha-diennes ;

Sur les ordonnances de délégation descrédits du chapitre 42-23 :

Sur les faits :

Considérant que la mission de N’Djaména areçu le 3 novembre 1992 une délégation decrédit d’un montant de 4 536 000 F ; quece crédit était destiné à un renforcementde l’assistance technique financière auTchad ; que le montant du crédit dépassaitlargement les besoins courants de la mis-sion en matière d’assistance technique, soitenviron 1,5 MF ; que la date de délégationrendait difficile l’engagement de ces créditsavant la clôture de l’exercice ;

Considérant qu’au minimum 46 % des cré-dits délégués n’ont pas été employésconformément à leur objet ; que notam-ment des dépenses d’un montant de

1 766 800 F ont été réglées à tort au moyende ces crédits, pour l’installation de dix cli-matiseurs dans la résidence du chef de mis-sion (142 200 F), l’achat de trois véhiculesde service, dont un affecté à M. Bailleul etun autre à M. Le Vouédec, l’acquisition demeubles et d’équipements pour la missionet la résidence du chef de mission(1 253 900 F), et celle de matériel informa-tique pour la mission (61 760 F) ;

Considérant que le montage financier a faitintervenir trois sociétés appartenant augroupe SOFIP-Export, les sociétés Sofex-port, Alain Soustre-Bureau et Serigest ; quela mission a réglé, le 5 janvier 1993, cinqfactures émises par la société Sofexportpour un montant total de 1 460 755,17 F ;que ces factures ne correspondaient àaucune livraison et que les envois corres-pondant aux commandes réelles ontfait l’objet de huit factures entre le18 décembre 1992 et le 22 juin 1993 quin’ont pas été réglées ; que les matérielslivrés sont des ustensiles de cuisine, de lavaisselle, du mobilier et divers équipementsde la maison destinés à la résidence du chefde mission et à celles des assistants ; qu’unavoir de 62 588,10 F constitué auprès de lasociété Sofexport a ensuite permisd’acquérir des fournitures de bureau auprofit de la mission et de rembourser le prixdu transport de champagne pour le per-sonnel de la mission ;

Que la mission a commandé de même à lasociété Soustre-Bureau treize réfrigéra-teurs, treize cuisinières et dix climatiseurspour un montant total de 233 701 F et à lasociété Serigest trente climatiseurs pour unmontant de 178 400 F ; qu’en réalité lematériel a été fourni par Sofexport qui afacturé respectivement 224 253,80 F et172 194 F aux deux sociétés ; que la missiona ainsi acquitté une commission de15 653,20 F ;

Considérant que le fait que les anciensmeubles ont été, pour partie, remis auxadministrations tchadiennes ne suffit pas àétablir que les crédits ont été utilisésconformément à leur objet, pas plus le faitque l’équipement de la mission n’était pasassuré ; que l’équipement en climatiseursde la résidence du chef de mission, l’acqui-sition de véhicules de fonction, d’équipe-ments informatiques et de mobilier ne serattachent pas à l’assistance techniquefinancière au Tchad, objet de la délégationde crédits ;

Considérant que ces faits constituent uneviolation du principe de spécialité des cré-dits énoncé aux articles 6 et 7 de l’ordon-nance du 2 janvier 1959 portant loi orga-nique relative aux lois de finances ; qu’ilssont ainsi constitutifs de l’infraction sanc-tionnée par l’article L. 313-4 du Code desjuridictions financières ;

Qu’en outre un avantage injustifié a étéprocuré à la société Sofexport ; que cesfaits exposent dès lors leurs auteurs à lasanction prévue par l’article L. 313-6 dumême code ;

Sur les responsabilités :

Considérant que M. Bailleul ne pouvaitignorer l’emploi de ces fonds qui ont étéutilisés en grande partie pour son usage ;qu’il reconnaît d’ailleurs avoir décidé del’utilisation globale de ces crédits ; que lefait que cette globalisation ait été une pra-tique ancienne n’exonère pas M. Bailleul desa responsabilité ;

Considérant toutefois que M. Bailleul peutbénéficier de circonstances atténuantesdéjà mentionnées qui tiennent à la pratiqueancienne, connue de l’administration cen-trale, d’utilisation sur place et sans autori-sation des reliquats de crédits, à l’insuffi-sance des crédits d’équipement ouverts àla mission, enfin à l’état médiocre de la rési-dence provisoire affectée au chef de mis-sion à N’Djaména ;

Considérant que M. Le Vouédec, en sa qua-lité d’adjoint chargé de coordonner l’opé-ration et qui a ordonné le paiement d’unepartie des lots, doit voir sa responsabilitéengagée ; qu’il peut toutefois bénéficier decirconstances atténuantes tenant àl’urgence de l’opération et à sa position desubordonné de M. Bailleul ;

Considérant que la responsabilité deMme Bernard-Bret, qui a géré l’avoirconstitué auprès de la société Sofexport etqui tenait les écritures, doit être égalementengagée mais qu’elle peut bénéficier desmêmes circonstances atténuantes queM. Le Vouédec ;

Sur les crédits du fonds d’aide et decoopération :

Sur les faits :

Considérant que l’article 6 du décretnº 59-887 du 25 juillet 1959 relatif au finan-cement des opérations d’aide et de coopé-ration prévoit que les opérations du FACsont décidées par le comité directeur dufonds ; que des crédits destinés à financerdes projets du fonds d’aide et de coopéra-tion (FAC) ont fait l’objet d’utilisationsétrangères aux conventions signées ;

Considérant qu’un reliquat non utilisé decrédits affectés à une opération deconstruction de la piste d’avion de Faya-Largeau réceptionnée en mars 1992 a pour-tant servi à payer des travaux de réfectionà la résidence du chef de mission ;

Qu’à cet effet il a été fait appel à la sociétéSEC qui a émis deux factures, les3 novembre et 7 décembre 1992, fallacieu-sement établies pour la réhabilitation deslocaux de contrôle du terrain d’aviation etla construction d’une clôture pour unmontant de 535 910 F ; que la réceptionde ces travaux, jamais réalisés, a étéattestée par M. Le Vouédec ; que les tra-vaux commandés par ce dernier à lasociété SEC et à sa filiale Itralu et effecti-vement réalisés ont concerné, selon unmémoire récapitulatif émis le 4 janvier1993, la fourniture d’un abri au bord de lapiscine à la résidence du chef de mission,la fourniture d’une bâche à eau, la réfec-tion et la peinture de bureaux, de la cui-sine, d’une chambre et d’une annexe, lapeinture et la réparation d’une clôture,l’abattage d’arbres et divers petits travauxde plomberie et de serrurerie ;

Considérant que le même montage finan-cier a été utilisé avec l’entreprise Satom, quia fourni pour 600 000 F de prestations auprofit de la résidence du chef de mission ;que, toutefois, une seule commande d’unmontant de 197 400 F a été retrouvée ;

Considérant que les utilisations irrégulièresayant affecté le projet de construction dela piste d’aviation de Faya-Largeau ne sontpas contestées par leurs auteurs ; qu’ellescontreviennent aux règles rappelées ci-dessus relatives à l’engagement des créditsdu fonds d’aide et de coopération, et par-tant à celles de l’Etat, en particulier à la règlede spécialité des crédits fixée par les

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articles 6 et 7 de l’ordonnance du 2 janvier1959 ; que ces irrégularités sont constitu-tives des infractions sanctionnées par lesarticles L. 313-2 et L. 313-4 du Code desjuridictions financières ;

Sur les responsabilités :

Considérant que M. Bailleul a reconnu aucours de l’instruction et devant la Couravoir décidé de l’imputation irrégulière destravaux en cause sur les crédits du FAC pourdes dépenses étrangères à l’objet du projetconcernant la piste d’aviation de Faya-Lar-geau ; que sa responsabilité doit donc êtreretenue de ce chef, d’autant qu’il a béné-ficié des travaux effectués dans la résidencedu chef de mission ; qu’il peut cependantse voir reconnaître les circonstances atté-nuantes déjà mentionnées qui tiennent à lapratique ancienne, connue de l’administra-tion centrale, d’utilisation sur place et sansautorisation des reliquats de crédits, àl’insuffisance des crédits d’équipementaffectés à la mission et enfin à l’étatmédiocre de la résidence provisoireaffectée au chef de mission à N’Djaména ;

Considérant que M. Le Vouédec qui récep-tionnait les travaux prétendument effec-tués à Faya-Largeau, gérait les avoirs consti-tués auprès de l’entreprise SATOM, etsupervisait les travaux réellement exécutésà N’Djaména, doit être également tenupour responsable des irrégularités ; qu’ilpeut toutefois bénéficier de la circonstanceatténuante qu’il pouvait s’estimer couvertpar la décision de son supérieur hiérar-chique ;

Sur l’imputation de dépenses de fonc-tionnement et d’équipement de la mis-sion sur les crédits de coopération :

Considérant que l’instruction a confirméqu’ont été imputées sur les crédits dutitre IV du budget de la coopérationdiverses dépenses de fonctionnement etd’équipement, notamment des frais detéléphone, d’acquisition et d’entretien duparc de véhicules, la rémunération du pilotede l’avion de la mission et le paiement devacataires, en violation des règles d’exécu-tion des dépenses de l’Etat ;

Considérant toutefois que ces faits, qui n’ontété accompagnés d’aucune manœuvre frau-duleuse, sont prescrits pour certains ouenglobés dans d’autres infractions rete-nues, qu’ils s’inscrivent dans une logique deglobalisation tolérée par l’administrationcentrale, de sorte que leurs auteurs,M. Bailleul, en sa qualité d’ordonnateur, et,à un moindre degré M. Le Vouédec etMme Bernard-Bret, bénéficient de circons-tances atténuantes telles qu’elles condui-sent à ne pas prononcer de sanction ;

Sur les irrégularités dans la certificationdu service fait :

Considérant que, dans la plupart des casmentionnés ci-dessus, l’utilisation irrégu-lière des crédits s’est effectuée au moyende certifications de complaisance du ser-vice fait ou de pièces comportant des indi-cations fallacieuses consistant notammenten un descriptif inexact des prestations oude leur localisation ; qu’il en a été ainsi pourdes travaux à la mission (facture SAC pourla construction de placards, facture SECpour l’aménagement du hall d’entrée ducentre médico-social, d’un montant de9 640 F), pour des travaux à la résidence duchef de mission (qualification de la piscinecomme réserve d’eau sur une facture de

l’entreprise SEC, factures SEC de 535 910 Fet SATOM de 197 400 F faisant fallacieuse-ment référence à la construction de la pistede Faya-Largeau) et pour des travauxd’entretien des logements des conseillersde la mission (diverses factures pour unmontant total de 73 017,70 F) ;

Considérant que ces pratiques avaient pourobjet de contourner le caractère limitatifdes crédits d’entretien des bâtiments ins-crits sur le titre III ; qu’il s’agit d’une irrégu-larité tombant sous le coup des dispositionsde l’article L. 313-2 du Code des juridictionsfinancières ;

Que l’établissement de fausses factures oul’altération des mentions figurant sur lesfactures présentées par les fournisseursconstituent une violation des règles d’exé-cution des dépenses de l’Etat sanctionnéepar l’article L. 313-4 du Code des juridictionsfinancières ;

Considérant que M. Bailleul porte, en tantqu’ordonnateur, la plus grande responsa-bilité de ces opérations irrégulières, soit dufait de son implication directe, soit du faitd’un défaut de surveillance sur ses ser-vices ; mais que la responsabilité deM. Le Vouédec et de Mme Bernard-Bret estégalement engagée dans les limites queleur confère leur position de subordonnés ;

Considérant que les auteurs de ces irrégu-larités peuvent toutefois bénéficier de cir-constances atténuantes tenant à l’insuffi-sance des dotations du titre III, à latolérance de l’administration centrale quiconnaissait ces pratiques, comme en atémoigné à l’audience M. Bobillo, à la défail-lance du contrôle exercé par le payeur deFrance et enfin à l’ancienneté du procédéqui existait avant l’arrivée de M. Bailleul ;

II. Sur la constitution d’une caisseocculte, son alimentation notammentpar des fausses factures et son utilisa-tion :

Sur les faits :

Considérant que l’existence d’une « caissenoire » à la MCAC de N’Djaména a étéreconnue au cours de l’instruction par lapersonne qui la tenait, Mme Bernard-Bret,et par plusieurs témoins, notammentMmes Baraillon et Lagneaux, MM. Flesch etFoucher, mais que la comptabilité occultea été délibérément détruite ;

Considérant que l’existence de cette« caisse noire » préexistait à l’arrivée deM. Bailleul, mais que les sommes en causeétaient d’une ampleur très réduite ; que lesirrégularités se sont développées àcompter de l’arrivée de M. Bailleul ; quel’approvisionnement de la caisse noire àpartir de septembre 1992 a fait appel à troismontages financiers irréguliers ;

Qu’en premier lieu, certaines recettes per-çues pour l’utilisation d’infrastructures dela mission (avion, cases de passage), n’ontpas été retracées dans la comptabilité de lamission mais, selon plusieurs témoignages,ont alimenté une comptabilité occulte ;

Qu’en deuxième lieu, des recettes issues dela vente de véhicules ont été versées demanière analogue dans la caisse occulte ;

Qu’enfin, cette « caisse noire » a été ali-mentée, avec la complicité d’une entrepriselocale, à l’aide de quatre fausses facturesde la société Amalgame et de certificationsfallacieuses du service fait, certificationssignées dans trois cas sur quatre du chef

de mission ; que cette pratique a étéreconnue au cours de l’instruction parM. Banguina, directeur de ladite société, quia indiqué avoir établi quatre fausses fac-tures pour un montant total de 120 240 F,ainsi que par M. Le Vouédec et Mme Ber-nard-Bret, qui n’ont toutefois reconnu quela remise de 108 000 F en espèces à la mis-sion par M. Banguina ; qu’il ressort desdéclarations de Mme Bernard-Bret que lapart de cette somme qui a transité par la« caisse noire » a été d’un montantminimum de 70 300 F ;

Considérant que les bénéficiaires des fondssusceptibles d’avoir transité par la caisseocculte n’ont pu être identifiés au cours del’instruction ; que Mme de Carvalho-Pus-sick, épouse Bailleul, a reconnu lors del’audience avoir bénéficié à plusieursreprises de fonds remis en espèces parMme Bernard-Bret, afin de faire des achatslors de déplacements au Cameroun voisin,qu’elle affirme avoir ignoré l’origine desfonds qui lui étaient remis, mais a déclaréen avoir fait usage pour l’achat de produitsd’entretien pour la résidence ;

Considérant que le versement, dans unecaisse distincte de celle de la mission, duproduit de la location des cases de passage,de recettes liées à l’utilisation de l’avion etde recettes de cession de véhiculesconstitue une gestion irrégulière de fondspublics et une violation du principe deséparation des ordonnateurs et des comp-tables, que les montants en cause ne sonttoutefois pas établis ; que le versementdans la même caisse occulte d’espècesextraites irrégulièrement de la caisse dupayeur au moyen de fausses factures revê-tues d’une certification fallacieuse de ser-vice fait relève des dispositions de l’arti-cle L. 313-4 du Code des juridictions finan-cières ;

Considérant en outre que le règlement à lasociété Amalgame, émettrice des faussesfactures, d’une commission de 10 % enl’absence de service fait constitue l’octroid’un avantage injustifié ; que dès lors cesfaits sont constitutifs de l’infraction sanc-tionnée par l’article L. 313-6 du code ;

Sur les responsabilités :

Considérant que les responsabilités deMme Bernard-Bret et de M. Le Vouédecsont établies, chacune pour deux opéra-tions de fausse facturation ;

Considérant que M. Bailleul, bien qu’ilconteste en avoir eu connaissance, pouvaitdifficilement ignorer l’existence d’unecomptabilité occulte dans sa mission ; qu’ila d’ailleurs signé l’attestation du service faitsur trois factures, alors même qu’il ne lefaisait pas couramment et qu’il a accom-pagné l’une d’elles d’une note de sa mainau payeur ; considérant également qu’il esttrès peu vraisemblable que M. Bailleul, quiavait organisé à la même période plusieursfausses imputations pour des dépensesd’achat de climatiseurs, ne se soit pasenquis de la destination et de l’origine desommes présentées comme servant àl’acquisition des mêmes matériels ;

Sur le montant des amendes :

Considérant qu’il sera fait une juste appré-ciation des circonstances des affaires eninfligeant une amende de 5 000 c à M. Bail-leul, de 1 500 c à M. Le Vouédec et de 750 cà Mme Bernard-Bret ;

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Sur la publication :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circons-tances de l’espèce, de publier le présentarrêt au Journal officiel de la Républiquefrançaise ;

Arrête :

Article premier. – M. Bailleul est condamnéà une amende de 5 000 c (cinq mille euros).

Art. 2. – M. Le Vouédec est condamné à uneamende de 1 500 c (mille cinq cents euros).

Art. 3. – Mme Bernard-Bret est condamnéeà une amende de 750 c (sept cent cin-quante euros).

Art. 4. – Le présent arrêt sera publié auJournal officiel de la République française.

Note

L’arrêt Mission de coopération et d’actionculturelle au Tchad constitue un modèledu genre s’agissant de la violation desprincipes fondamentaux du droit publicfinancier. Afin de financer des travauximmobiliers et l’acquisition d’équipe-ments mobiliers dans la résidence du chefde la mission de coopération et d’actionculturelle au Tchad, les intimés ontdétourné une partie de l’aide budgétaireexceptionnelle consentie par la France auTchad, en violation évidente du principede spécialité des crédits. Le mêmeconstat peut être opéré s’agissant del’utilisation d’une délégation de créditaffectée à l’assistance technique finan-cière au Tchad en vue de couvrir desdépenses d’équipement de la résidencedu chef de la mission. Or, le non-respectde la règle de spécialité des crédits estsusceptible d’entraîner la mise en jeu dela responsabilité du contrevenant. C’estpar exemple le cas de dépenses de fonc-tionnement et d’équipement imputées,par le truchement d’associations, sur descrédits affectés à des interventions publi-ques, en infraction à la règle de la spécia-lité des chapitres budgétaires (CDBF,30 avril 1985, M. Blanc, Service des haraset de l’équitation du ministère de l’Agri-culture, JO du 7 décembre 1985,p. 14257 ; Rec. CDBF, tome II.10) ou del’utilisation de crédits d’équipement pourfinancer, par voie de subventions, desdépenses de fonctionnement d’un minis-tère (CDBF, 26 mai 1987, Darmon etautres, BRGM, JO du 23 janvier 1988,p. 1153 ; Rec. CE 508 ; Rec. CDBF,tome II.75).

Ensuite, la constitution d’une « caissenoire », outre qu’elle est susceptibled’entraîner une qualification de gestionde fait, constitue une violation flagrantedu principe de séparation des ordon-nateurs et des comptables.

On sait également que la Cour sanctionnela violation de la règle du service fait,notamment en cas de fausses attesta-tions de service fait (CDBF, 25 janvier 1977,Delouis, JO NC du 23 juillet 1977, p. 4317 ;Rec. CE 675 ; Rec. CDBF, tome I.126. CDBF,11 et 12 décembre 1991, Dehu et Bel-mokhtar, CHS du Rouvray, JO du 3 sep-tembre 1992, p. 12098 ; Rec. CE 640 ; LaRevue du Trésor 1992.31), de la certifica-tion de fausses factures (CDBF,16 octobre 1981, Agard et Laboudigue,DDE de la Gironde, JO NC du 31 mars 1982,p. 3181 ; Rec. CDBF, tome I.188) oud’assertions et certifications fallacieuses

apposées sur des pièces de dépenses(CDBF, 13 octobre 1993, Longérinas etLorenzi, La Revue du Trésor 1995.677). Enl’espèce, il avait été procédé à des certifi-cations de complaisance du service fait etles pièces comportaient des indicationsfallacieuses (descriptif inexact des presta-tions ou de leur localisation). L’infractionest aggravée par le fait qu’il avait été pro-cédé au règlement d’une commission de10 % à la société émettrice de fausses fac-tures, en l’absence de service fait. Il existepar conséquent une volonté de favoriserun tiers au sens de l’article L. 313-6 duCode des juridictions financières.

L’arrêt mérite enfin l’attention comptetenu de la relative magnanimité de la Courdans la prise en compte des circons-tances atténuantes. Elle retient eneffet, de manière classique, le fait que lespratiques litigieuses étaient anciennes,connues de l’administration centrale. Onsait en effet qu’une atténuation de la res-ponsabilité interviendra lorsque l’adminis-tration de tutelle était parfaitementinformée des irrégularités commises(CDBF, 30 septembre 1987, Le Goff, Ecoledes hautes études en sciences sociales(EHESS), Association Marc Bloch, Rec. CE515 ; Rec. CDBF, tome II.94) ou en pré-sence de pratiques anciennes du minis-tère dont à aucun moment les supérieursde l’intéressé n’ont tenté de le détourner(CDBF, 11 mai 1990, Trillaud et Frasseto,Fonds d’action conjoncturelle, JO du1er mars 1991, p. 2984 ; Rec. CDBF,tome II.198). Plus surprenante enrevanche est la prise en compte de l’étatmédiocre de la résidence provisoireaffectée au chef de la mission à N’Dja-ména expliquant, en partie, le détourne-ment de son objet de l’aide budgétaireexceptionnelle consentie au Tchad par laFrance.

140Arrêt du 23 avril 2003Rihet, TGI de Marseille

La Cour,

Vu le titre Ier du livre III du Code des juridic-tions financières relatif à la Cour de disci-pline budgétaire et financière ;

Vu le rapport de l’inspection générale desservices judiciaires sur la situation budgé-taire du tribunal de grande instance (TGI) deMarseille, daté de novembre 1996, commu-niqué le 26 mai 1997 à la Cour des comptesà la demande du procureur général prèsladite cour en application de l’article 19 dudécret du 11 février 1985 (devenu l’art.R. 141-4 du Code des juridictions finan-cières) ;

Vu la lettre en date du 9 juillet 1997 du pré-sident de la 4e Chambre de la Cour descomptes au procureur général près laditecour, enregistrée au Parquet général le10 juillet 1997, lui renvoyant ledit rapporten vue d’une éventuelle saisine par sessoins de la Cour de discipline budgétaire etfinancière ;

Vu le réquisitoire du 5 septembre 1997 parlequel le procureur général près la Cour descomptes, Ministère public près la Cour dediscipline budgétaire et financière, a saisi laCour, de sa propre initiative conformémentà l’article L. 314-1 du Code des juridictionsfinancières, d’engagements de dépensespar le tribunal de grande instance de

Marseille largement supérieurs aux créditsbudgétaires disponibles et d’irrégularitésrépétées concernant leur gestion ;

Vu la décision du président de la Cour dediscipline budgétaire et financière du15 octobre 1997, désignant comme rap-porteur M. Jean-Pierre Auger, conseillerréférendaire à la Cour des comptes ;

Vu les lettres recommandées du 19 juin1998 par lesquelles le procureur général aavisé MM. Alphonse Rihet, greffier en chefdu tribunal de grande instance de Marseilleau moment des faits, retraité, et Jean-LouisFéraud, premier greffier chargé de la ges-tion des crédits de fonctionnement decette juridiction, de l’ouverture d’une ins-truction dans les conditions prévues àl’article L. 314-4 du code susvisé, ensembleles accusés de réception de ces lettres ;

Vu la lettre du procureur général au prési-dent de la Cour de discipline budgétaire etfinancière en date du 9 avril 2001 l’infor-mant de sa décision de poursuivre la pro-cédure, en application de l’article L. 314-4du Code des juridictions financières ;

Vu l’avis émis le 13 juillet 2001 par laministre de la Justice en application del’article L. 314-5 du code susvisé ;

Vu la décision du procureur général, en datedu 10 juin 2002, renvoyant M. Rihetdevant la Cour de discipline budgétaire etfinancière, en application de l’article L. 314-6du code susvisé, et exonérant de touteresponsabilité personnelle M. Féraud ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière, en date du23 juillet 2002, transmettant le dossier auministre de la Justice, en application desdispositions de l’article L. 314-8 du codesusvisé ;

Vu l’avis rendu par la commission consulta-tive paritaire compétente à l’égard du corpsdes greffiers en chef, dans sa séance du29 janvier 2003, sur la mise en cause deM. Rihet ;

Vu la lettre recommandée du 5 décembre2002 de la secrétaire générale de la Cour dediscipline budgétaire et financière avisantM. Rihet qu’il pouvait prendre connaissancedu dossier suivant les modalités prévuespar l’article L. 314-8 du code susvisé,ensemble son accusé de réception ;

Vu le mémoire en défense du 3 janvier2003, enregistré au greffe de la Cour le9 janvier 2003, transmis par M. PatrickLebrun, conseil de M. Rihet ;

Vu la lettre du 24 décembre 2002 parlaquelle le procureur général a cité M. Rihetà comparaître devant la Cour de disciplinebudgétaire et financière, ensemble sonaccusé de réception ;

Vu la lettre du 29 janvier 2003 de M. Rihetdemandant à ne pas comparaître en per-sonne à l’audience et le certificat médicaljoint ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent audossier, notamment les procès-verbauxd’audition de MM. Rihet et Féraud ainsi quele rapport d’instruction de M. Auger ;

Entendu M. Auger, résumant le rapportsusvisé ;

Entendu Mme le Procureur général en sesconclusions et réquisitions ;

Entendu en ses observations M. Lebrun,conseil de M. Rihet, qui a eu la parole endernier ;

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Considérant que la personne renvoyéedevant la Cour était, au moment des faits,fonctionnaire civil de l’Etat ; qu’elle est enconséquence justiciable de la Cour en appli-cation de l’article L. 312-I (I, b) du Code desjuridictions financières ;

Sur l’amnistie :

Considérant que les amendes qui peuventêtre infligées aux auteurs des infractionsdéfinies aux articles L. 313-1 à L. 313-10 duCode des juridictions financières sont assi-milées par l’article L. 313-14 de la même loiaux amendes prononcées par la Cour descomptes en cas de gestion occulte au sensdu paragraphe XI de l’article 60 de la loi definances pour 1963 ; que ces amendes nesont pas des sanctions disciplinaires ou pro-fessionnelles au sens de la loi du 6 août2002 portant amnistie ; que cette dernièreest, par suite, sans effet sur le renvoi deM. Rihet devant la Cour ;

Sur la prescription :

Considérant que, compte tenu de la saisinede la Cour par le procureur général le 5 sep-tembre 1997, les faits postérieurs au 5 sep-tembre 1992 ne sont pas couverts par laprescription instituée par l’article L. 314-2du code précité ;

Sur l’absence de sanctions discipli-naires :

Considérant que l’administration judiciairen’a pas poursuivi M. Rihet, alors qu’il étaiten activité, devant le conseil de disciplinede son corps à la suite du rapport susviséde novembre 1996 de l’inspection généraledes services judiciaires ; que l’absence desanction disciplinaire n’exonère pasM. Rihet de ses responsabilités devant laCour ;

Sur les faits :

I. Sur la mauvaise tenue de la compta-bilité des engagements du tribunal :

Considérant que, depuis le 1er janvier 1987,en application du décret nº 86-1244 du8 décembre 1986, les dépenses des juridic-tions du premier degré de l’ordre judiciaireont été mises directement à la charge del’Etat ; que les règles générales d’applica-tion à ces juridictions des principes fonda-mentaux de la comptabilité publique fixésà la première partie du décret nº 62-1587du 29 décembre 1962 sont depuis lorscelles de l’Etat fixées à la deuxième partiedudit décret ;

Considérant que la loi du 10 août 1922 rela-tive à l’organisation du contrôle desdépenses engagées oblige à la tenue d’unecomptabilité des dépenses engagées ;qu’en application de l’article 98 du décretdu 29 décembre 1962 portant règlementgénéral sur la comptabilité publique, lesengagements sont retracés dans descomptabilités tenues en particulier par lesordonnateurs secondaires dans les limitesdes délégations qui leur ont été consen-ties ;

Considérant qu’en application du décretnº 82-389 du 10 mai 1982 relatif au pouvoirdes préfets et à l’action des services etorganismes publics de l’Etat dans les dépar-tements, la fonction d’ordonnateur secon-daire des dépenses des services du gardedes Sceaux tient compte des spécificités deleurs missions ;

Considérant qu’aux termes de l’arti-cle L. 814-1 du Code de l’organisation judi-ciaire, issu du décret nº 83-454 du 2 juin

1983, le chef du secrétariat-greffe d’unejuridiction tient la comptabilité administra-tive des opérations de recettes et dedépenses relatives au fonctionnement dela juridiction ;

Considérant que, pour la mise en œuvredes textes susmentionnés, une circulaireinterministérielle du 17 décembre 1986 adéfini le schéma d’organisation administra-tive et financière retenu pour l’administra-tion des juridictions du premier degrétransférée à l’Etat, ainsi que les modalitésde gestion de leurs crédits de fonctionne-ment et d’investissement ; qu’elle précisela comptabilité à tenir par la juridiction, quiprend trois formes : une comptabilité desfactures, une comptabilité des dépensespar imputations budgétaires et une comp-tabilité des engagements ; que les moda-lités de la tenue de la comptabilité desengagements ont été simplifiées par unecirculaire du ministre de la Justice DAGEnº 89-1013 du 3 mai 1989 ; que désormaisles montants imputés sur un engagementcomptable sont regroupés en un docu-ment unique intitulé « comptabilité descommandes et des mandats sur engage-ment » et qu’un second document pré-sente une situation cumulée de l’ensembledes engagements ;

Considérant que la circulaire du17 décembre 1986 précitée rappelle que« conformément à la loi du 10 août 1922,l’engagement comptable d’une dépensedoit précéder son engagement juridique etqu’il est donc interdit aux services decontracter un engagement juridique sanss’être assurés au préalable de l’existenced’une autorisation d’engagement quigarantit la mise en réserve des créditsnécessaires au règlement de la dépense » ;

Considérant qu’une circulaire CD-3909 du8 août 1991 du ministre délégué au Budgeta rénové les procédures d’engagementcomptable des crédits ; qu’elle précise quetoute dépense doit donner lieu à engage-ment spécifique, sauf les cas pour lesquelsla faculté d’engagement provisionnel estouverte ; qu’elle exclut expressément de laprocédure des engagements provisionnelsun certain nombre de cas, dont notam-ment les dépenses impayées de la gestionprécédente qui doivent faire l’objet d’unengagement spécifique ; qu’elle a bien étédiffusée au tribunal de grande instance deMarseille où elle est arrivée le 14 avril 1992et qu’elle a été rappelée à l’attention dugreffier en chef par le préfet des Bouches-du-Rhône le 1er octobre 1993 et par leschefs de la cour d’appel d’Aix-en-Provencele 14 février 1994 ;

Considérant cependant que la comptabilitédes engagements du tribunal de grandeinstance de Marseille tenue pendant lesannées 1992 à 1995 ne retrace pas les com-mandes et que seuls les mandats donnentlieu à une imputation sur l’engagementcomptable des crédits ; qu’il s’ensuit que lacomptabilité du tribunal ne permet pas deconnaître le montant des crédits réelle-ment disponibles pour l’engagement de lajuridiction, mais seulement le montant descrédits qui restent disponibles pour le man-datement ;

Considérant que cette pratique, qui neprend pas en compte les commandes dansla comptabilité des engagements, estcontraire à l’obligation de tenir une comp-tabilité des dépenses engagées, telle qu’elle

résulte des textes susmentionnés et tellequ’elle a été explicitée par les instructionscomptable, édictées par le ministre del’Economie, des Finances et de l’Industrie,le ministre de la Justice et le ministredélégué au Budget conformément àl’article 10 du décret du 29 décembre 1962précité ; qu’elle constitue une violation desrègles d’exécution des dépenses de l’Etatet qu’elle tombe sous le coup des disposi-tions de l’article L. 313-4 du Code des juri-dictions financières ;

II. Sur l’engagement des dépenses au-delà des crédits ouverts :

Considérant qu’en l’absence de prise encompte des commandes dans la compta-bilité des engagements du tribunal, desfactures ont été reçues de fournisseurs à lasuite de commandes alors que les créditsdisponibles pour mandatement étaientinsuffisants ; que ces factures ont alors étémises en attente à la juridiction jusqu’à ceque des délégations de crédits permettentde demander à l’ordonnateur secondaire,le préfet des Bouches-du-Rhône, l’émis-sion des mandats correspondants ;

Considérant que cette situation estancienne ; qu’ainsi, à la fin de l’exercice1989, le montant des impayés s’élève déjàà 0,26 Mc (1,7 MF), selon les constatationsmêmes des chefs du TGI et du greffier enchef alors en fonctions ; que cependant lamise en place d’un pilotage strict de la ges-tion du budget par un comité budgétaireinstitué par les chefs de la juridiction en1988 avait permis de ramener ce montantà 0,11 Mc (0,7 MF) à l’issue de l’exécutiondu budget 1991, selon les comptes rendusde réunion de ce comité ; que les engage-ments pris par le tribunal en 1991, estiméssur la base des factures émises cetteannée-là par les fournisseurs, avaient étéinférieurs de 0,06 Mc (0,4 MF) aux créditsouverts ; qu’ainsi, lors de l’installation le16 septembre 1991 du nouveau greffier enchef, M. Rihet, la situation budgétaire dutribunal était en voie d’assainissement ;

Considérant que ledit comité budgétaire atenu sa dernière réunion le 19 septembre1991 et que le contrôle des chefs du TGI nes’est alors exercé qu’au vu des états comp-tables ; qu’un rapport, en apparence rassu-rant, d’une mission conduite par l’inspec-tion des greffes sur la situation budgétairedu tribunal en mars et avril 1992 et sollicitéepar M. Rihet à la suite de son entrée enfonctions sans qu’un procès-verbal de pas-sation de service ait pu être dressé, avaitconclu à un budget particulièrement bientenu au niveau de la comptabilité ;

Considérant que, de 1992 à 1995, la situa-tion budgétaire du tribunal s’est à nouveaudétériorée ; qu’en effet, le montant desimpayés à la fin de l’exercice 1995 s’élevaità 0,59 Mc (3,9 MF) ; que les dépenses enga-gées ont dépassé les crédits ouverts de0,14 Mc (0,9 MF) en 1992, de 0,05 Mc(0,3 MF) en 1993, de 0,24 Mc (1,6 MF) en1994 et de 0,03 Mc (0,2 MF) en 1995, sansqu’il soit possible de déterminer exacte-ment les engagements en cause ;

Considérant cependant qu’en 1994, auregard de la répartition indicative des cré-dits faite entre les postes de dépenses parles chefs de la cour d’appel d’Aix-en-Pro-vence une fois arrêté le montant des cré-dits alloués, les commandes passées par letribunal de grande instance de Marseillepour ses fournitures courantes (0,55 Mc[13,6 MF]) ont dépassé de 0,2 Mc (1,3 MF)

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le montant des crédits attribués pour ceposte (0,35 Mc [2,3 MF]) ; qu’elles ontmême été supérieures de 0,17 Mc (1,1 MF)à la demande de crédits faite pour elles ini-tialement par les chefs du TGI (0,38 Mc[2,5 MF]) ; que le montant des créditsouverts arrêté pas la cour d’appel étaitpourtant en rapport avec l’activité du tri-bunal ; que les commandes de fourniturescourantes relevaient du greffier en chef ;

Considérant qu’à la fin de I’exercice 1994 lemontant des factures impayées s’élevaitdéjà à 0,56 Mc (3,7 MF), alors que les créditsouverts pour 1995 (2,12 Mc [13,9 MF])étaient pour plus de la moitié (1,14 Mc[7,5 MF]) affectés aux marchés publics etaux dépenses d’intérêt commun et gérésdirectement par les services de la préfec-ture ; que, dans ces conditions, plus de lamoitié des crédits restant à la dispositiondu tribunal en 1995 (0,98 Mc [6,4 MF]) setrouvait hypothéquée par les impayés desannées antérieures ; que la situation bud-gétaire était alors devenue critique, commel’a reconnu M. Féraud, adjoint du greffieren chef, lors de son audition le 19 janvier1996 par les chefs du TGI ;

Considérant que l’engagement de dépensesau-delà des crédits ouverts est contraire auprincipe du caractère limitatif des créditsédicté par l’article 11 de l’ordonnancenº 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi orga-nique relative aux lois de finances applicableà l’époque ; qu’en effet les lois de financesdes années 1988 à 1995 ne spécifiaient pasle chapitre 37-92 du budget du ministèrede la Justice, où sont inscrits les crédits defonctionnement des juridictions du pre-mier degré, parmi ceux dotés de créditsévaluatifs ou provisionnels, et qu’ainsi lescrédits délégués pour le fonctionnementdu tribunal de grande instance de Marseilleétaient limitatifs ; que cette pratiqueconstitue également une transgression deslimites fixées à l’engagement des dépensespar l’article 97 du décret du 29 décembre1962 portant règlement général sur lacomptabilité publique ; qu’elle est à cedouble titre constitutive d’une violation desrègles d’exécution des dépenses de l’Etatet tombe ainsi sous le coup des dispositionsde l’article L. 313-4 du Code des juridictionsfinancières ;

III. Sur le report irrégulier de dépensesd’un exercice sur l’autre :

Considérant que pour éviter leur rejet parl’ordonnateur pour insuffisance de crédits,des factures étaient laissées impayées enfin d’année en attente au tribunal ; qu’ellesétaient présentées à l’ordonnateur secon-daire pour imputation sur le ou les budgetssuivants lorsque des crédits étaient dispo-nibles ; que concomitamment les facturesn’étaient pas prises en charge dans lacomptabilité du tribunal le jour de leurarrivée, mais à la date de leur transmissionà l’ordonnateur pour mandatement ; quecette pratique a conduit à une imputationirrégulière de dépenses engagées au coursd’un exercice sur les exercices suivants ;qu’il en est résulté également une tenuedéfectueuse de la comptabilité des factureset une mise à jour tardive de l’inventairecomptable des matériels ; qu’ainsi les maté-riels inscrits à l’inventaire entre le 16 février1995 et le 22 février 1995, à la date de pro-position de mandatement des dépensescorrespondantes, visent des facturesdatées, les plus anciennes, de juin 1994 et,les plus récentes, de décembre 1994 ;

Considérant que le montant des dépensesengagées les années antérieures ainsiimputées sur le budget de chacun desexercices en période non prescrite a atteint0,14 Mc (0,9 MF) en 1992, 0,27 Mc (1,8 MF)en 1993, 0,3 Mc (2 MF) en 1994, 0,53 Mc(3,5 MF) en 1995 et 0,59 Mc (3,9 MF) en1996 ; que la moitié environ des quelque800 factures imputées sur le budget 1995concernait des engagements contractés autitre du budget de 1994, avec une date deprise en charge en 1995 ; que sur le budget1996 ont été imputées 38 factures datéesde 1994 pour un montant de 0,03 Mc(0,2 MF) et 547 factures datées de 1995pour un montant de 0,56 Mc (3,7 MF) ;

Considérant que ces pratiques de report decharges d’un exercice sur l’autre sontcontraires aux dispositions des articles 11et 16 de l’ordonnance nº 59-2 du 2 janvier1959 portant loi organique relative aux loisde finances alors en vigueur et du décretnº 86-451 du 14 mars 1986 qui dispose queles engagements de dépenses s’imputentsur les crédits du budget de l’année encours (art. 6) et qui précise dans quelleslimites les réimputations sur l’exercice sui-vant sont possibles (art. 7 à 9) ;

Considérant que, de 1993 à 1995, aucuncrédit n’a été affecté sur un engagementcomptable annuel spécifique pour couvrirles impayés des années antérieures ; quecette pratique est contraire aux disposi-tions de la circulaire précitée CD-3909 du8 août 1991 du ministre délégué au Budgetet de sa circulaire d’application aux juridic-tions judiciaires signée par le ministre de laJustice le 24 mars 1992 ;

Considérant que la tenue systématique-ment ajournée de la comptabilité des fac-tures est contraire à la circulaire précitée du17 décembre 1986, qui précise que cettecomptabilité, assimilable au livre-journal dela comptabilité privée, est à tenir autantque possible au jour le jour ;

Considérant que les retards importantsapportés au règlement des facturescontreviennent aux dispositions des arti-cles 178 et 357 du Code des marchéspublics alors en vigueur, lesquelles pré-voyaient l’intervention du mandatementdans un délai à compter de la réception dela facture fixé à quarante-cinq joursjusqu’en 1994, puis à trente-cinq jours ;

Considérant que les retards constatés dansla tenue des inventaires sont contraires auxdispositions de l’article 54 du décret du29 décembre 1962 portant règlement surla comptabilité publique ; que la tenuedéfectueuse des inventaires est de surcroîtune violation de l’article R. 812-2 du Codede l’organisation judiciaire ;

Considérant que le report de dépensesd’un exercice sur l’autre est une infractionaux règles d’exécution des dépenses del’Etat ; qu’il n’est pas prouvé cependant quel’imputation irrégulière des dépenses cor-respondantes avait pour objet de dissi-muler les dépassements de crédits ; que cereport a entraîné la commission d’autresviolations à ces règles ; que ces violationssont sanctionnées par l’article L. 313-4 duCode des juridictions financières ;

IV. Sur les autres irrégularités :

Considérant que des achats sur facturesont été effectués au-delà du seuil de pas-sation d’un marché public fixé à l’article 123du Code des marchés publics alors en

vigueur et porté à 45 734,7 c (300 000 F) parle décret du 3 juillet 1990 ; qu’ainsi, de 1992à 1995, en l’absence de suivi des com-mandes par fournisseurs, des factures ontété réglées en dépassement de ce seuil à lapapeterie Mouret (76 690,5 c [503 057 F] en1992, 63 349 c [415 542 F] en 1993,92 793,6 c [608 686 F] en 1994 et 74 132,9 c[486 280 F] en 1995) ; qu’il en a été demême avec la société Sud Buro Reprogra-phie de 1993 à 1995 (76 265,7 c [500 270 F]en 1993, 86 672,9 c [568 537 F] en 1994 et81 155,2 c [532 343 F] en 1995) ; qu’il n’estpas prouvé que l’absence de passation demarchés a procuré à ces sociétés un avan-tage injustifié ;

Considérant que des dépenses ont étéengagées par le greffier en chef du tribunalau-delà de ses compétences ; qu’en effet,des dépenses relatives aux travaux d’entre-tien immobilier lourd et d’équipement qui,aux termes de la circulaire précitée du17 décembre 1986, ne relèvent pas de lacompétence des juridictions du premierdegré, ont été prises en charge par le TGIsur ses crédits de fonctionnement cou-rant ; qu’il en avait été ainsi en 1989, 1990et 1991 ; qu’il en a été de même en périodenon prescrite, mais pour des montantsmoindres, M. Rihet prenant en charge troisfactures d’un montant total de 11 758,9 c(77 133 F) payées en 1994 et 1995 à lasociété Spie Trindel pour des travaux effec-tués notamment dans le self et la cafétériaet sur le système de sécurité ; que le règle-ment de telles dépenses relevait des créditsdu chapitre 35-10, « services judiciaires,entretien des bâtiments », du budget duministère de la Justice géré à la courd’appel ;

Considérant que ces irrégularités sontconstitutives de violations des règles d’exé-cution des dépenses de l’Etat et qu’ellestombent ainsi sous le coup des dispositionsde l’article L. 313-4 du Code des juridictionsfinancières ;

Sur les responsabilités :

Considérant que, aux termes des arti-cles R. 812-1 et R. 812-2 du Code de l’orga-nisation judiciaire, les chefs du tribunal degrande instance, à savoir son président etle procureur de la République, sont respon-sables de son fonctionnement et que legreffier en chef, qui participe à la prépara-tion du budget, gère les crédits de fonc-tionnement de la juridiction sous leurcontrôle ; que les chefs de juridiction nepeuvent se substituer au greffier en chefdans l’exercice de ses fonctions ;

Considérant que M. Rihet, greffier en chef,a été responsable de la gestion des créditsde fonctionnement du tribunal de grandeinstance de Marseille pendant la périodepostérieure au 5 septembre 1992 etjusqu’en 1996 inclus ;

Considérant que, aux termes de la circulaireinterministérielle du 17 décembre 1986, lacomptabilité de la juridiction est tenue parle greffier en chef ; que la mauvaise tenuede la comptabilité des engagements du tri-bunal est donc imputable à M. Rihet ; que,cependant, l’absence de comptabilisationdes engagements juridiques était une pra-tique antérieure à son arrivée ; qu’elle avaitété relevée par la mission précitée d’inspec-tion des greffes qui a estimé toutefois queles crédits disponibles n’en demeuraientpas moins suivis scrupuleusement ; que saresponsabilité est donc atténuée ;

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Considérant que la responsabilité desdépassements des autorisations d’engage-ment de 1992 à 1995, qui ont représentéun montant de 0,46 Mc (3 MF) pendantcette période, découle de la mauvaisetenue de la comptabilité des engage-ments ; qu’elle est entièrement imputableà M. Rihet en sa qualité de responsable dela gestion des crédits ;

Considérant que le report irrégulier desdépenses d’un exercice sur l’autre estimputable à M. Rihet, seul responsable despropositions de mandatement au préfetdes Bouches-du-Rhône, ordonnateur desdépenses du tribunal ; que le fait quel’ordonnateur n’ait pas cherché jusqu’en1996 à faire respecter l’obligation nouvellefaite par la circulaire précitée du 8 août1991 de réserver des crédits de chaqueexercice pour faire face aux impayés desgestions antérieures, et sans d’ailleurs quele trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône, chargé du contrôle financier, aitrelevé cette carence, atténue la responsa-bilité de M. Rihet ;

Considérant que les défaillances constatéesdans la tenue de la comptabilité des fac-tures et de la comptabilité spéciale desmatières sont imputables au greffier enchef, M. Rihet ; qu’elles étaient toutefoisantérieures à son arrivée ;

Considérant que les achats sur facturespour des montants dépassant le seuil depassation d’un marché public sont imputa-bles à M. Rihet ; que les charges indues sup-portées par la juridiction en raison del’engagement de dépenses d’entretienlourd qui ne relevaient pas de la compé-tence reconnue au gestionnaire des créditsde fonctionnement lui sont égalementimputables ; que, cependant, le règlementde telles dépenses, d’un montant réduitpendant les fonctions de M. Rihet, a pu êtreencouragé par le magistrat de la courd’appel délégué à l’équipement ;

Considérant qu’en quittant ses fonctionsen 1998, M. Rihet avait réduit le montantdes dépassements globaux de crédits desannées antérieures au tribunal de grandeinstance (TGI) de Marseille ; qu’il y a lieu,enfin, de tenir compte de ses états de ser-vices ;

Sur le montant de l’amende :

Considérant qu’il sera fait une juste appré-ciation des circonstances de l’affaire eninfligeant une amende de 1 000 c àM. Rihet ;

Sur la publication :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circons-tances de l’espèce, de publier le présentarrêt au Journal officiel de la Républiquefrançaise ;

Arrête :

Article premier. – M. Rihet est condamné àune amende de 1 000 c.

Art. 2. – Le présent arrêt sera publié auJournal officiel de la République française.

Note

L’article 10 du RGCP (décret du29 décembre 1962) prévoit que les ordresdonnés par les ordonnateurs sontretracés dans des comptabilités tenuesselon des règles générales définies par leministre des Finances, et selon des règlesparticulières fixées par le ministre des

Finances et le ministre intéressé. C’est ledécret nº 86-451 du 14 mars 1986, pris enapplication de l’article 16 de l’ordonnancedu 2 janvier 1959 portant loi organiquerelative aux lois de finances, qui a fixé lesrègles en matière de comptabilisation desrecettes et des dépenses de l’Etat.L’article 98 du même RGCP prévoit enoutre que les engagements sont retracésdans des comptabilités tenues par lesordonnateurs principaux et par les ordon-nateurs secondaires dans la limite desdélégations qui leur ont été consenties.

L’exigence d’une comptabilité d’engage-ment constitue bien plus qu’un principedu droit de la comptabilité publique : elleest l’expression d’une règle de bon senspermettant aux collectivités publiques dene pas dépenser davantage que ce dontelles disposent, c’est-à-dire des créditseffectivement ouverts en lois de finances.

Ces règles sont d’application générale etconcernent non seulement les adminis-trations centrales mais également,comme en l’espèce, les services décon-centrés, en l’occurrence un tribunal degrande instance. Il n’est pas inutile de rap-peler que, depuis la réforme entreprisepar la loi du 30 novembre 1965, les juri-dictions de l’ordre judiciaire sont dotéesd’un secrétariat-greffe à la tête duquel setrouve placé le greffier en chef. Outre sonrôle judiciaire (assistance des magistrats,rédaction et conservation des actes,tenue des répertoires et registres), legreffier en chef gère, sous le contrôle deschefs de juridiction, les crédits de fonc-tionnement de la juridiction (art.R. 812-2-1º du Code de l’organisation judi-ciaire). On notera que l’article R. 812-1 duCode de l’organisation judiciaire prévoitque les chefs de juridiction exercent leurautorité et un contrôle hiérarchique sur legreffier en chef, sans toutefois pouvoir sesubstituer à lui dans l’exercice de sesfonctions.

En l’espèce, le greffier en chef du TGI deMarseille, reprenant une pratique bienantérieure à son arrivée, s’était abstenude tenir une comptabilité d’engagement(v. déjà CDBF, 5 juin 1989, Velozzi etautres, Hôpital d’Orange, JO 1990, p. 978 ;Rec. CDBF, tome II.172), ce qui allait luicauser une série de désagréments « enchaîne ». Ne disposant pas du montantdes crédits réellement disponibles pourl’engagement de la juridiction, des enga-gements de dépenses au-delà des créditsouverts sont presque mécaniquementintervenus, entraînant de ce fait unedeuxième série d’infractions pour viola-tion du caractère limitatif des crédits. Onsait en effet qu’en dehors de l’hypothèsevisée à l’article L. 313-1 du Code des juri-dictions financières, l’infraction estconstituée en cas d’engagement d’unedépense publique sans crédits disponibles(CDBF, 14 décembre 1984, Augier, JO du10 juillet 1985, p. 7780 ; Rec. CDBF,tome I.236. CDBF, 15 décembre 1993,SIRPA, JO du 25 juin 1994, p. 9242 ; LaRevue du Trésor 1995.679). Pour lesmêmes raisons, le greffier en chef a pro-cédé à des reports irréguliers de créditsd’un exercice à l’autre, entraînant de sur-croît des retards de paiement contrairesau Code des marchés publics.

L’amende de 1 000 c à laquelle est finale-ment condamné l’ancien greffier en chefdu TGI de Marseille peut apparaître

comme une sanction relativement sévèrefrappant un agent ayant manifestementde bons états de service et ayant poursuiviune pratique, certes contestable, maisantérieure à son arrivée. Certes, commeon l’a rappelé ci-dessus, les chefs de juri-diction ne peuvent se substituer au gref-fier en chef, notamment dans ses attribu-tions budgétaires et comptables ; resteque l’arrêt n’indique pas si la question deleur inclusion dans le périmètre de l’actiona été envisagée, notamment au titre d’undéfaut de surveillance (CDBF, 4 avril 1973,Gentaz, Crédit municipal de Lyon, JO du21 octobre 1973, p. 11348 ; Rec. CDBF,tome I.78) ou de négligence dans l’exer-cice des missions de contrôle (V. parexemple CDBF, 6 novembre 1992, Billon,Pillay, Hébras, CPAM de Seine-et-Marne,Rec. CE 644 ; La Revue du Trésor1993.782).

141Arrêt du 13 juin 2003

SEM Sarcelles Chaleur,Lamontagne, Mestre, Foret et Birota

Au nom du peuple français,

La Cour de discipline budgétaire et finan-cière,

Siégeant à la Cour des comptes, enaudience publique, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour,

Vu le livre III du Code des juridictions finan-cières, relatif à la Cour de discipline budgé-taire et financière ;

Vu la communication en date du 29 décem-bre 1995, enregistrée au Parquet le 2 jan-vier 1996, par laquelle le commissaire duGouvernement près la chambre régionaledes comptes d’Ile-de-France a informé leprocureur général près la Cour descomptes, Ministère public près la Cour dediscipline budgétaire et financière, d’irré-gularités constatées dans la gestion de laSociété d’économie mixte (SEM) SarcellesChaleur ;

Vu le réquisitoire en date du 10 décembre1996 par lequel le procureur général a saisila Cour de discipline budgétaire et finan-cière des faits susmentionnés, conformé-ment aux articles L. 314-1 et L. 314-3 ducode précité ;

Vu la décision du président de la Cour dediscipline budgétaire et financière en datedu 14 février 1997 désignant comme rap-porteur Mme Michèle Coudurier, conseil-lère référendaire à la Cour des comptes ;

Vu les lettres recommandées en date des1er et 15 octobre 1999 par lesquelles le pro-cureur général a informé Mme Marie-AlineBirota, secrétaire de la SEM Sarcelles Cha-leur au moment des faits, MM. Jean-ClaudeForet, directeur de la SEM Sarcelles Chaleur,Raymond Lamontagne, maire de Sarcelleset président de la SEM Sarcelles Chaleur etJean-Claude Mestre, adjoint au maire deSarcelles, délégué pour les affaires finan-cières et administrateur de la SEM SarcellesChaleur au moment des faits, de l’ouver-ture d’une instruction dans les conditionsprévues à l’article L. 314-4 du code précité,ensemble les accusés de réception de ceslettres ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière en date du30 janvier 2001 transmettant au procureur

chronique financière

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général le dossier de l’affaire après dépôtdu rapport d’instruction, conformément àl’article L. 314-4 du code précité ;

Vu la lettre du procureur général au prési-dent de la Cour de discipline budgétaire etfinancière en date du 25 octobre 2001l’informant de sa décision de poursuivrela procédure, en application de l’arti-cle L. 314-4 du code précité ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière en date du12 novembre 2001 saisissant pour avis leministre de l’Economie, des Finances et del’Industrie et le ministre de l’Intérieur, enapplication de l’article L. 314-5 du code pré-cité ;

Vu la décision du procureur général en datedu 19 décembre 2002 renvoyantMme Birota et MM. Foret, Lamontagne etMestre devant la Cour de discipline budgé-taire et financière, en application de l’arti-cle L. 314-6 du code précité ;

Vu la lettre du président de la Cour de dis-cipline budgétaire et financière en date du20 janvier 2003 transmettant le dossier auministre de l’Intérieur, de la Sécurité inté-rieure et des Libertés locales pour avis de lacommission administrative paritaire com-pétente, en application de l’article L. 314-8du code précité ;

Vu les lettres recommandées en date du17 février 2003 de la secrétaire générale dela Cour de discipline budgétaire et finan-cière avisant Mme Birota et MM. Foret,Lamontagne et Mestre qu’ils pouvaientprendre connaissance du dossier suivant lesmodalités prévues par l’article L. 314-8 ducode précité, ensemble les accusés deréception de ces lettres ;

Vu les lettres recommandées en date du4 mars 2003 par lesquelles le procureurgénéral a cité Mme Birota et MM. Foret,Lamontagne et Mestre à comparaîtredevant la Cour de discipline budgétaire etfinancière, ensemble les accusés de récep-tion de ces lettres ;

Vu les mémoires en défense déposés etenregistrés au greffe de la Cour de disci-pline budgétaire et financière les 25 mars2003 par Me Goldnadel pour M. Lamon-tagne, 3 avril 2003 par Me Angot-Covillepour M. Foret et 4 avril 2003 par M. Mestre ;

Vu l’ensemble des pièces qui figurent audossier, notamment les procès-verbauxd’audition de Mme Birota et MM. Foret,Lamontagne et Mestre, les témoignagesrecueillis ainsi que le rapport d’instructionde Mme Coudurier ;

Entendu Mme Coudurier en son rapport ;

Entendu le procureur général en sesconclusions et réquisitions ;

Entendu en leurs plaidoiries Me Goldnadelpour M. Lamontagne et M. Angot-Covillepour M. Foret et, en leurs explications etobservations, Mme Birota, MM. Foret,Lamontagne et Mestre, les intéressés etleurs conseils ayant eu la parole en dernier ;

Sur la compétence de la Cour :

Considérant que les faits concernent la SEMSarcelles Chaleur, dont le siège social est àSarcelles (Val-d’Oise), constituée le 9 juin1987 avec un capital social réparti pourl’essentiel entre la commune de Sarcelles(59,9 %) et la Compagnie immobilière de larégion de Sarcelles (CIRS), filiale majoritairede la Caisse des dépôts et consignations(28,33 %) ; que ce capital social est

majoritairement détenu par des orga-nismes qui sont soumis au contrôle de laCour des comptes ou de la chambre régio-nale des comptes d’Ile-de-France ;

Considérant que les quatre personnes ren-voyées devant la Cour étaient, au momentdes faits, administrateurs ou agents de laSEM Sarcelles Chaleur ; que M. Foret a étérecruté comme directeur par contrat detravail en date du 1er juillet 1987 ; queMme Birota a été engagée comme secré-taire le 14 septembre 1987 ; qu’ils ont tousdeux continué à travailler dans la sociétéjusqu’à leur mise à pied conservatoire àcompter du 21 avril 1995, puis leur licencie-ment intervenu respectivement le 30 sep-tembre 1995 pour M. Foret et le16 novembre 1995 pour Mme Birota ; que,s’agissant de MM. Lamontagne et Mestre,les fonctions qu’ils exerçaient à la SEMn’étaient pas l’accessoire obligé de leurfonction principale de maire ou d’adjoint ausens du dernier alinéa de l’article L. 312-1du Code des juridictions financières ; queces personnes sont, en conséquence, jus-ticiables de la Cour de discipline budgétaireet financière au titre de l’article L. 3l2-1-I-cdu code précité ;

Sur la procédure :

Sur l’absence d’avis des ministres :

Considérant que l’absence de réponse duministre de l’Economie, des Finances et del’Industrie et du ministre de l’Intérieur, dansle délai de deux mois qui leur avait étéimparti par la demande d’avis formulée le12 novembre 2001, ne fait pas obstacle à lapoursuite de la procédure, en applicationde l’article L. 314-5 du code précité ;

Sur l’absence d’avis de la commissionadministrative paritaire :

Considérant que l’absence d’avis de la com-mission administrative paritaire compé-tente, dans le délai d’un mois qui lui avaitété imparti par la demande formulée le20 janvier 2003, ne fait pas obstacle à lapoursuite de la procédure, en applicationdu premier alinéa de l’article L. 314-8 ducode précité ;

Sur l’existence d’une procédure pénale :

Considérant qu’une procédure pénale,ouverte devant le tribunal de grande ins-tance (TGI) de Paris, a été conduite parallè-lement à la procédure ouverte devant laCour de discipline budgétaire et financière ;qu’elle trouve son origine dans uneenquête effectuée en décembre 1994 surl’obtention par des ressortissants haïtiensde faux passeports délivrés par la sous-pré-fecture de Montmorency (Val-d’Oise) ;qu’au cours de l’enquête, les bénéficiairesde faux passeports ont déclaré avoir reçude faux documents et des fonds de la partde Mme Birota ; que celle-ci a reconnudétourner des fonds de la SEM SarcellesChaleur, où elle était employée commesecrétaire, à l’aide de chèques falsifiés ; quedes investigations ont été alors diligentéesau sein de la société et de nombreux docu-ments saisis par la police judiciaire et parl’expert judiciaire nommé par le juge d’ins-truction, dont le rapport a été commu-niqué dans le cadre de l’instruction devantla Cour ;

Considérant que la procédure pénale adonné lieu à un jugement de la12e Chambre du TGI de Paris en date du21 novembre 2002 ; que ce jugement a faitl’objet d’un appel de certaines des

personnes condamnées, dont M. Foret, etd’un appel incident du procureur de laRépublique ; que Mme Birota, égalementcondamnée, n’a toutefois pas fait appel dece jugement dont les dispositions qui laconcernent peuvent donc être considéréescomme définitives ; que M. Lamontagne aété déclaré non coupable et relaxé des finsde la poursuite pour les faits qualifiés de« complicité de prise illégale d’intérêts parchargé de mission de service public dansune affaire dont il assure le paiement ou laliquidation » ;

Considérant, qu’aux termes de l’articleL. 314-18 du Code des juridictions finan-cières, les poursuites devant la Cour de dis-cipline budgétaire et financière ne font pasobstacle à l’action pénale ;

Considérant que, dans son mémoire pourla défense de M. Lamontagne, Me Goldnadelsoutient que les faits pour lesquels sonclient est renvoyé devant la Cour de disci-pline budgétaire et financière sont exacte-ment les mêmes que ceux pour lesquels ila été définitivement relaxé par la12e Chambre du TGI de Paris ;

Considérant que M. Lamontagne a étérelaxé par la 12e Chambre du TGI de Parispour des infractions qui sont distinctes decelles pour lesquelles il est poursuivi devantla Cour de discipline budgétaire et finan-cière ; que, dès lors, le moyen ne peut êtreretenu ;

Sur la prescription :

Considérant que l’ensemble des faits pourlesquels les intéressés sont renvoyésdevant la Cour se sont produits ou pour-suivis postérieurement au 2 janvier 1991 ;qu’ils ne sont donc pas couverts par la pres-cription édictée par l’article L. 314-2 ducode précité ;

Sur les faits et les infractions :

Considérant que les faits visés concernentle détournement de fonds au détriment dela SEM Sarcelles Chaleur et de l’Etat, la priseen charge indue par la SEM de divers fraisprofessionnels et le cumul irrégulier derémunérations ;

Sur le détournement de fonds au détri-ment de la SEM Sarcelles Chaleur et del’Etat :

Considérant que le grand ensemble deLochères, situé sur le territoire de la com-mune de Sarcelles, est raccordé à un sys-tème de production et de distribution dechauffage et d’eau chaude sanitaire ; quedes contrats conclus en 1963 et 1969avaient confié l’exploitation et l’entretiende ce système à la société « Industrielled’exploitation et de chauffage » (IDEX) ; que,depuis 1979, la production de la chaleur dis-tribuée aux logements du grand ensemblede Lochères est en partie assurée parl’usine d’incinération des ordures ména-gères de Sarcelles ; que le Syndicat inter-communal pour la gestion de l’usine d’inci-nération de déchets urbains de la région deSarcelles (SIGIDURS), propriétaire de l’usine,en a confié l’exploitation à la société ennom collectif « Sarcelloise de récupérationd’énergie », dite SAREN, dont les associéssont la société en commandite simple IDEXet Compagnie et la société anonyme ESYS-MONTENAY ;

Considérant qu’aux termes de l’article 2 deses statuts, la SEM Sarcelles Chaleur « a pourobjet l’étude, la réalisation et l’exploitationde toutes installations nécessaires à la pro-duction et au captage d’énergie, à la

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production, au transfert et à la distributiond’énergie calorifique et à toute action pou-vant concourir à la satisfaction des per-sonnes physiques ou morales de la régionde Sarcelles, et plus particulièrement dugrand ensemble de Lochères » ;

Considérant que, par convention conclue le16 février 1988, la SEM Sarcelles Chaleur aconfié au groupement d’exploitantsconstitué par les sociétés IDEX et IDEX etCompagnie, dont IDEX et Compagnie est lemandataire, l’exploitation du service de dis-tribution publique de chaleur qui lui a étéconcédée par la commune de Sarcelles etqu’elle a mis à sa disposition les ouvragespublics correspondants, qui lui ont étéprêtés par les copropriétaires du grandensemble de Lochères ; qu’à la suite del’obligation faite au groupement d’exploi-tants d’utiliser en priorité comme sourceénergétique la vapeur produite par l’usined’incinération de Sarcelles, un contrat devente de chaleur a été conclu le 10 juin 1988entre l’exploitant de l’usine, la sociétéSAREN, la SEM Sarcelles Chaleur et la sociétéIDEX et Compagnie ;

Considérant que, dans le cadre de lamodernisation de l’usine d’incinération deSarcelles, le SIGIDURS a passé, entre 1990 et1992, quatre marchés de travaux publicsd’un montant total hors taxes de 15,7 Mc(103 MF) pour la réalisation d’équipementsde traitement de fumées, le changementde la grille du four nº 2 puis de celle du fournº 1 et l’installation d’un groupe turboalter-nateur ; que le SIGIDURS a délégué la maî-trise d’ouvrage de chaque marché à la SEMSarcelles Chaleur ; qu’aux termes desconventions de mandat conclues les 8 jan-vier 1990, 30 septembre 1991 et 25 janvier1993, la mission de la SEM Sarcelles Chaleurconsistait notamment à préparer le dossiertechnique, s’occuper des formalités admi-nistratives et assurer le suivi des travauxjusqu’à la réception de l’ouvrage ;

Considérant que les quatre délégations demaîtrise d’ouvrage susvisées avaient été enpartie motivées par l’avantage escomptéd’une récupération plus rapide de la TVAsur les investissements effectués ; que laSEM Sarcelles Chaleur, entreprise commer-ciale, récupérerait ladite TVA auprès del’administration fiscale pour la reverser auSIGIDURS, ainsi dispensé de faire unedemande d’attribution au Fonds de com-pensation de la taxe sur la valeur ajoutée(FCTVA) ;

Considérant que la SEM Sarcelles Chaleura par conséquent déduit de ses déclara-tions de TVA collectée de 1990 à 1994 la TVAafférente aux investissements réalisés àl’usine d’incinération par le SIGIDURS, puisdemandé le remboursement des crédits deTVA ainsi dégagés pour un montant estimépar l’expert judiciaire à 3,5 Mc (23 MF) ;qu’un montant de 3,1 Mc (20,5 MF) lui a étéeffectivement remboursé par le TrésorPublic, les demandes de remboursementau titre des troisième et quatrième trimes-tres de 1994 n’ayant pas été honorées à lasuite de l’ouverture de l’information judi-ciaire ;

Considérant que la TVA déduite par la SEMSarcelles Chaleur au titre des investisse-ments réalisés à l’usine par le SIGIDURS étaitsupérieure au montant figurant dans sacomptabilité, celui-ci étant lui-mêmemajoré par rapport au montant de laTVA effectivement payée sur les

investissements réalisés ; qu’il est établi queMme Birota a passé de fausses écriturescomptables en comptabilisant soit des fac-tures fictives, soit des factures déjà comp-tabilisées au cours d’un exercice antérieuret en comptabilisant même à cinq reprisesla même facture ; qu’elle a eu recours àd’autres faux mis en évidence par l’exper-tise judiciaire ; que, dans le but de dégagerde la trésorerie, elle n’a pas rétrocédé entemps voulu au SIGIDURS la TVA qui lui reve-nait ;

Considérant que ces malversations ontpermis à Mme Birota de détourner, entre1993 et 1995, une somme totale de557 141 c (3 654 605 F) en émettant28 chèques sur les comptes bancaires de laSEM Sarcelles Chaleur au Trésor Public(17 chèques) ou au Crédit Lyonnais (11 chè-ques) ; que Mme Birota signait les chèquesen utilisant le tampon-signature deM. Foret ou en contrefaisant la signaturede ce dernier, et qu’elle portait sur lasouche des chèques le nom des fournis-seurs habituels de la SEM Sarcelles Chaleur ;

Considérant que ces détournements defonds ont été facilités par la mauvaisetenue de la comptabilité de la SEM ; qu’eneffet, celle-ci ne comportait pas de comp-tabilité distincte retraçant les opérationsrelatives à l’activité propre de la société etcelles réalisées pour le compte du syndicatSIGIDURS, comme lui en faisait pourtantobligation l’article 15 des quatre conven-tions de maîtrise d’ouvrage ; que d’autresobligations contractuelles relatives à cesopérations n’ont pas été respectées nonplus, telles que la production de comptesrendus financiers annuels, la reddition d’uncompte récapitulatif annuel par opérationet l’établissement d’un état récapitulatif detoutes les dépenses à l’achèvement dechaque opération ; que la SEM SarcellesChaleur a produit un certain nombre dedocuments qui sont annexés au rapportd’expertise mais qu’ils ne peuvent être assi-milés, contrairement à ce que soutient endéfense M. Lamontagne, aux comptesrendus financiers annuels tels que lesdéfinit l’article 15 susmentionné ; qu’ils nepeuvent pas non plus constituer les reddi-tions de comptes prescrites par le mêmearticle ;

Considérant que si le mandataire, la SEMSarcelles Chaleur, n’a pas respecté ses obli-gations, le SIGIDURS, en tant que mandant,ne l’a pas contrainte à le faire ; que soncontrôle comptable et financier sur l’exé-cution des conventions de maîtrised’ouvrage a été défaillant ;

Considérant que ces faits constituent desviolations des règles relatives à l’exécutiondes recettes et des dépenses de l’Etat et dela SEM Sarcelles Chaleur et sont constitutifsde l’infraction sanctionnée par l’arti-cle L. 313-4 du Code des juridictions finan-cières ; qu’ils sont également constitutifsde l’octroi d’un avantage injustifié à autruiayant entraîné un préjudice pour la sociétéau sens de l’article L. 313-6 du code ;

Sur la prise en charge indue par la SEMSarcelles Chaleur de divers frais profes-sionnels :

Considérant que le contrat de travailde M. Foret, conclu le 1er juillet 1987,prévoyait qu’il serait employé par la SEMpour une durée représentant les troiscinquièmes de la durée hebdomadairelégale, de 39 heures à l’époque, et

l’autorisait à exercer parallèlement uneautre activité salariée ou libérale ; qu’unavenant du 9 janvier 1990 a porté la duréedu travail de M. Foret aux quatre cin-quièmes d’une durée de 39 heures parsemaine pour faire face au surcroît de tra-vail résultant de la mission de maîtrised’ouvrage déléguée à la SEM Sarcelles Cha-leur par le SIGIDURS ; que cet avenant n’apas remis en cause la clause permettant àM. Foret d’exercer parallèlement une autreactivité salariée ou libérale ;

Considérant que M. Foret a continué,d’abord en son nom personnel, puis sousl’appellation commerciale CE & E (« Consul-tant en Energie et Environnement », puis« Conseil en Energie et Environnement »), àeffectuer plusieurs missions commeconsultant ; qu’il a rempli notamment lesfonctions de chargé de mission dans lazone Caraïbes auprès de la société IDEX, quiétait candidate pour la conception, laconstruction et l’exploitation d’une usinede traitement et de valorisation desordures ménagères à Fort-de-France enMartinique ; qu’aucun contrat écrit ne liaitcependant M. Foret à la société IDEX ;

Considérant qu’en tant que chargé de mis-sion de la société IDEX, M. Foret a étéconduit à se déplacer à plusieurs reprisesaux Antilles en compagnie de Mme Birota,qui favorisait ses contacts sur place ; quecinq déplacements attestés par des piècesfigurant au dossier et pouvant se rattacherà la mission confiée à M. Foret par la sociétéIDEX pour répondre à l’appel d’offres de lacommune de Fort-de-France ont été effec-tués en 1991 et 1992, quatre parMme Birota et M. Foret et un parMme Birota seule ;

Considérant que quatre autres déplace-ments, dont trois entre Paris et Fort-de-France et un entre Fort-de-France etPointe-à-Pitre, ont été effectués parMme Birota en 1991 et 1993, accompagnéed’un ou de deux membres de sa famille ;qu’un autre déplacement entre Paris etTénériffe a été effectué en octobre 1993par M. Foret accompagné de quatre mem-bres de sa famille ;

Considérant qu’une partie des frais detransport entraînés par ces déplacements aété supportée par la SEM Sarcelles Chaleurpour un montant total de 5 518,35 c(36 198 F) ; que sur cette somme, établie àpartir des pièces et des recoupementseffectués auprès des agences de voyages,un montant de 1 609,86 c (10 560 F) se rap-porte au déplacement entre Paris et Téné-riffe effectué par M. Foret et sa famille,alors que le solde, soit 3 908,49 c (25 638 F),concerne les déplacements effectués parMme Birota et sa famille ;

Considérant que Mme Birota n’a pascontesté avoir fait supporter à la SEM Sar-celles Chaleur les déplacements la concer-nant ; que M. Foret a toujours soutenu qu’ilavait remboursé la SEM mais qu’il n’a paspu en apporter la preuve ; que la produc-tion, à l’appui de son mémoire en défense,de la copie d’un chèque, en date du 7 juillet1993 pour un montant de 1 486,38 c(9 750 F), soit un montant différent du coûtdu déplacement de Paris à Ténériffe(1 609,86 c ou 10 560 F), n’est pas de natureà entraîner sa relaxe sur ce point ;

Considérant que l’activité libérale deM. Foret ne s’est pas limitée à la missionaux Antilles ; que d’autres missions effec-tuées pour le compte de la société IDEX et

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d’autres sociétés lui ont permis de perce-voir des honoraires pour un montant totalde 154 529,49 c (1 013 647 F) en 1992,238 819,92 c (1 566 556 F) en 1993 et254 228,10 c (1 667 627 F) en 1994 ; queMme Birota a déclaré, lors de son auditiondu 17 novembre 1999, que « la gestion del’activité personnelle de M. Foret occupaitl’essentiel de mon temps » ; que si M. Foreta seulement admis la participation deMme Birota au dossier de la commune deFort-de-France en Martinique, il n’a faitappel à aucune autre personne pour leseconder dans son activité libérale ; qu’ilexiste dès lors une forte présomption queMme Birota, employée à temps completpar la SEM, ait en fait consacré une partiede son temps à l’activité libérale deM. Foret ;

Considérant que ces faits constituent uneviolation des règles relatives à l’exécutiondes dépenses et à la gestion des biens dela SEM Sarcelles Chaleur et sont en consé-quence constitutifs de l’infraction sanc-tionnée par l’article L. 313-4 du Code desjuridictions financières ; qu’ils sont égale-ment constitutifs de l’octroi d’un avantageinjustifié à autrui ayant entraîné un préju-dice pour la société au sens de l’arti-cle L. 313-6 du code ;

Sur le cumul irrégulier de rémunéra-tions :

Considérant que la SEM Sarcelles Chaleurs’est vu confier par le SIGIDURS, aux termesd’un contrat conclu le 20 juin 1988 et pre-nant effet au 1er mai 1988, pour une duréed’un an renouvelable par tacite reconduc-tion, le suivi technique de l’usine d’inciné-ration de Sarcelles ; que la SEM SarcellesChaleur a subdélégué cette mission de suivitechnique à M. Foret, dans le cadre de l’acti-vité libérale de ce dernier, par conventionen date du 1er mai 1988 ; que la rémunéra-tion annuelle de M. Foret a été identique àcelle versée par le SIGIDURS à la SEM, déduc-tion faite de la part de rémunération dusecrétariat de la SEM, soit 3 131,30 c horstaxes (20 540 F) ; que les honoraires versésà M. Foret se sont élevés au montantcumulé hors taxes de 237 107,77 c(1 555 325,01 F) pour les exercices 1991 à1994 ;

Considérant que la mission de suivi tech-nique de l’usine d’incinération de Sarcellescomportait notamment le suivi de la comp-tabilité des quantités et celui des presta-tions fournies par la société SAREN, l’opti-misation de la couverture énergétique surle réseau de Sarcelles-Lochères et unecontribution à la mise en place et au suivides investissements ; que cette missionentrait dans l’objet social de la SEM SarcellesChaleur défini par ses statuts ; qu’elle auraitdonc pu être assurée par M. Foret en saqualité de directeur de la SEM, sa durée detravail étant augmentée pour faire face ausurcroît de travail ;

Considérant qu’il ne résulte pas de l’instruc-tion que M. Foret ait bien effectué la mis-sion de suivi technique de l’usine d’inciné-ration de Sarcelles dans le cadre de sonactivité libérale ; qu’à compter de janvier1990, M. Foret devait consacrer quatrejours par semaine à la SEM Sarcelles Chaleuret qu’il a perçu pour cela une rémunérationcumulée de 213 750,14 c (1 402 109 F) pourles années 1991 à 1994 ; qu’il ne lui restaitdonc que deux jours ouvrables pour sonactivité libérale ; que ce temps disponible,

même augmenté des congés hebdoma-daires et annuels, paraît insuffisant euégard au volume des affaires rattachées àson activité libérale et à l’absence de per-sonnel pour le seconder ; qu’il en résulteque la mission de suivi technique de l’usined’incinération de Sarcelles n’a pu êtreeffectuée par l’intéressé que dans le cadrede son activité salariée ; qu’ainsi M. Foret,par l’effet d’un contrat de prestatairelibéral, a bénéficié d’honoraires faisantdouble emploi avec le salaire qu’il percevaitpar ailleurs de sorte qu’il a, en fait, étérémunéré deux fois pour le même travail ;

Considérant que cette double rémunéra-tion a constitué un préjudice pour la SEMqui, en rétrocédant à M. Foret la quasi-tota-lité des honoraires perçus du SIGIDURS,s’est privée de ressources substantielles ;

Considérant que M. Lamontagne, dans sonmémoire en défense, soutient que tant lecomité syndical du SIGIDURS que le conseild’administration de la SEM étaient parfaite-ment au courant de la subdélégationconsentie par la SEM à M. Foret, mais quela preuve n’a pas été apportée que l’infor-mation des deux organes délibérants avaitbien été faite au préalable et dans lesformes régulières ; que la délibération ducomité syndical du SIGIDURS en date du29 avril 1988 indique seulement que « leConseil, après en avoir délibéré, approuvele contrat de suivi technique [de l’usined’incinération par la SEM Sarcelles Chaleur]et mandate le vice-président pour lesigner » et que « le contrat prenant effet le1er mai 1988, les prestations assurées anté-rieurement feront l’objet d’une facturationà part » ; que M. Lamontagne a produit aucours de l’instruction des attestations éma-nant de trois membres du comité syndicaldu SIGIDURS mais que les intéressés ne lesont pas confirmées lors de leurs témoi-gnages ;

Considérant d’ailleurs que la convention desuivi technique de l’usine d’incinération,conclue entre la SEM Sarcelles Chaleur etM. Foret le 1er mai 1988, aurait dû être sou-mise à l’autorisation préalable du conseild’administration de la société, et commu-niquée au commissaire aux comptes afinqu’il présentât un rapport spécial à l’assem-blée générale conformément aux disposi-tions des articles 101 et 103 de la loi du24 juillet 1966 sur les sociétés commercialesalors en vigueur ; que le procès-verbal dela délibération du conseil d’administrationde la SEM du 8 avril 1988 ne fait aucunemention du projet de cette convention ;que celle-ci n’a jamais été mentionnée nonplus dans les rapports spéciaux établis parle commissaire aux comptes ; que leprocès-verbal de l’assemblée générale ordi-naire en date du 20 juin 1990 indique quele commissaire aux comptes a eu connais-sance de la convention en question, maisqu’il n’est pas établi que cette informationa bien eu lieu dès la signature de laditeconvention par un avis officiel du présidentdu conseil d’administration de la SEM Sar-celles Chaleur, ainsi que le prescritl’article 103 de la loi précitée ;

Considérant que ces faits constituent uneviolation des règles relatives à l’exécutiondes dépenses et à la gestion des biens dela SEM Sarcelles Chaleur et sont en consé-quence constitutifs de l’infraction sanc-tionnée par l’article L. 313-4 du Code desjuridictions financières ; qu’ils sont égale-ment constitutifs de l’octroi d’un avantage

injustifié à autrui ayant entraîné un préju-dice pour la société au sens de l’arti-cle L. 313-6 du code ;

Sur les responsabilités :

Sur la responsabilité de M. Lamon-tagne :Considérant, en premier lieu, queM. Lamontagne, à l’époque maire de Sar-celles, a été désigné comme administrateurde la SEM Sarcelles Chaleur par délibérationdu Conseil municipal en date du 30 avril1987 ; qu’il a été ensuite nommé présidentde la SEM Sarcelles Chaleur lors de la pre-mière réunion du conseil d’administrationde la SEM le 9 juin 1987 et qu’il l’estdemeuré jusqu’au 10 juillet 1995 ; que,durant cette période, il a été égalementprésident du SIGIDURS ;

Considérant qu’aux termes de l’article 22des statuts de la SEM Sarcelles Chaleur, « leprésident du conseil d’administrationassume, sous sa responsabilité la directiongénérale de la société » et que « sur sademande, le conseil peut nommer undirecteur général soit parmi les administra-teurs, soit en dehors d’eux et qui assiste leprésident » ; que lors de sa première réu-nion, le 9 juin 1987, le conseil d’administra-tion a nommé « pour assister le présidentdans ses fonctions, à titre de directeur,M. Jean-Claude Foret » ; que M. Lamon-tagne a accordé une large délégation depouvoir à M. Foret, sans que cette déléga-tion ait fait l’objet d’un document formel ;que, selon les déclarations de M. Lamon-tagne, les pouvoirs délégués comportaientnotamment celui de percevoir toutessommes dues à la société et de payer cellesqu’elle devait sans limitation de montantainsi que de déterminer les placementsfinanciers ;

Considérant que cette ample délégation depouvoir n’a pas été assortie de la mise enplace d’un système de contrôle adéquatcomprenant notamment la double signa-ture pour les paiements par chèque au-delàd’un seuil donné ; que des règles précisesn’ont pas été prévues afin d’éviter uneconfusion entre les activités de M. Foretcomme directeur de la SEM et celles résul-tant de son activité libérale ; qu’enfin aucuncontrôle n’a été effectué sur le respect desobligations qui incombaient à la SEM dansle cadre des délégations de maîtrised’ouvrage que le SIGIDURS lui consentait ;

Considérant, dans ces conditions, qu’undéfaut de surveillance peut être reprochéà M. Lamontagne ; que peut être retenue àson encontre la circonstance aggravantequ’il cumulait les fonctions de président dela SEM Sarcelles Chaleur et de président duSIGIDURS et qu’il a été ainsi doublementdéfaillant dans ses obligations de contrôleet de surveillance ; que l’importance dessommes détournées, soit plus de 0,55 Mc(3,7 MF), et le caractère répété des détour-nements de 1992 à 1995 constituent aussides circonstances aggravantes ;

Considérant que M. Lamontagne peutbénéficier toutefois de circonstances atté-nuantes tenant au fait qu’il a pris soin derecourir à des administrateurs déléguéspour assurer auprès de la SEM un suivi tech-nique et un suivi financier ; qu’en plus desdélégations de signature auxquelles il a pro-cédé, il a demandé au conseil d’administra-tion de transférer aux deux intéressés sondroit au remboursement de ses frais dereprésentation et de déplacement, propo-sition approuvée par délibération en date

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du 19 février 1988 ; que M. Lamontagnepeut bénéficier aussi de circonstances atté-nuantes tenant au fait que les garanties quele conseil d’administration de la sociétéétait en droit d’attendre de l’interventionde professionnels rémunérés, expertscomptables et commissaires aux comptes,n’ont pas fonctionné correctement ;

Considérant, en second lieu, queM. Lamontagne a été le signataire ducontrat de travail initial de M. Foret et del’avenant, conclus respectivement les1er juillet 1987 et 9 janvier 1990 ; qu’il a étéégalement le signataire, en tant que prési-dent de la SEM Sarcelles Chaleur, du contratconclu le 20 juin 1988 en vue de déléguerla mission de suivi technique de l’usined’incinération de Sarcelles à la SEM, commedu contrat sous-déléguant cette mission àM. Foret ; que c’est ainsi en connaissancede cause, sans avoir au préalable sollicitél’autorisation du conseil d’administrationde la SEM, que M. Lamontagne a sous-délégué à M. Foret, agissant à titre libéral,une mission confiée à la SEM par le SIGI-DURS ; qu’en reversant à l’intéressé, enapplication de ce contrat, la quasi-totalitédes honoraires perçus du syndicat, déduc-tion faite des frais de secrétariat, il a privé,sans justification, la SEM de toute margebénéficiaire sur cette opération contraire-ment aux intérêts de la société qu’il prési-dait ;

Sur la responsabilité de M. Mestre :

Considérant que M. Mestre, administrateurde la SEM spécialement délégué aux affairesfinancières, avait en cette qualité la respon-sabilité d’effectuer un contrôle effectif surles aspects budgétaires, financiers etcomptables de la gestion de la société ; qu’ila été indemnisé pour ce faire et qu’il pos-sédait de surcroît la compétence requisepour remplir cette fonction en raison deson expérience d’adjoint aux finances de lacommune de Sarcelles ;

Considérant, en premier lieu, queM. Mestre, comme il l’a reconnu au coursde l’instruction, n’a pas exercé véritable-ment les contrôles qui lui incombaient, qu’ils’agisse des opérations budgétaires etd’investissement ou de la comptabilité dela SEM ; qu’il s’est de même désintéressé del’exécution des conventions successives dedélégation de maîtrise d’ouvrage concluesavec le SIGIDURS ; qu’il s’est ainsi rendu cou-pable d’un défaut de surveillance surl’ensemble du domaine qui relevait de sacompétence d’administrateur délégué ;

Considérant que son expérience d’adjointaux finances de la commune de Sarcellescomme, dans un sens différent, celled’ancien président d’une association, crééepar la commune, dans laquelle des détour-nements de fonds avaient eu lieu, et le faitqu’il a perçu une indemnité annuelle del’ordre de 1 829 c (12 000 F) pendant plu-sieurs années pour s’acquitter de sa fonc-tion de délégué aux affaires financières ausein du conseil d’administration de la SEMconstituent des circonstances aggravantesà l’encontre de M. Mestre ; qu’il doit égale-ment être tenu compte des circonstancesaggravantes, tenant à l’importance desdétournements, déjà évoquées s’agissantde M. Lamontagne ;

Considérant que M. Mestre peut bénéficieren revanche, comme M. Lamontagne,de circonstances atténuantes tenantaux dysfonctionnements constatés dans

l’exécution de leurs missions par lesexperts-comptables et les commissairesaux comptes ;

Considérant, en second lieu, que M. Mestrea engagé sa responsabilité d’administrateurdélégué aux affaires financières à raisond’un défaut de surveillance sur l’exécutiondes conventions de délégation et de sous-délégation du suivi technique de l’usined’incinération de Sarcelles et sur l’avantagequi en résultait au bénéfice de M. Foret etau détriment de la SEM ; qu’il doit cependantbénéficier sur ce point des mêmes circons-tances atténuantes que M. Lamontagne ;

Sur la responsabilité de M. Foret :

Considérant que si M. Foret avait le titre dedirecteur de la SEM Sarcelles Chaleur, sesfonctions s’apparentaient à celles d’undirecteur général ; qu’aux termes de soncontrat de travail, il était responsable de lagestion courante de la société ;

Considérant que si l’instruction judiciairen’a pas établi qu’il a lui-même signé les chè-ques qui ont été à l’origine de la prise encharge indue par la SEM de divers frais pro-fessionnels ou privés, il aurait dû veiller àséparer clairement les dépenses liées à sesfonctions salariées à la SEM de celles rela-tives à son activité libérale ou à sa vie privée,que la société n’avait pas à régler ; qu’enparticulier il n’a pas ignoré l’existence duchèque ayant servi à régler notamment ledéplacement de sa famille entre Paris etTénériffe puisqu’il prétend, sans enapporter la preuve, que cette dépense a étéremboursée par ses soins à la société ; quesi, s’agissant des détournements de fonds,il n’est pas prouvé qu’il était au courant desmalversations de sa secrétaire dont il nepeut en conséquence être considérécomme le complice, il en a néanmoins faci-lité l’exécution par sa négligence et sonmanque de surveillance sur sa subor-donnée ; qu’il a négligé de détruire untampon reproduisant sa signature utilisédans ses fonctions précédentes et qu’ilavait apporté à son bureau ; qu’il n’a exercéaucune surveillance sur l’utilisation descomptes bancaires de la société ; qu’il anégligé de satisfaire aux obligationscontractuelles de la société SEM SarcellesChaleur en matière d’états et de comptesrendus financiers sur l’exécution desconventions conclues avec le SIGIDURS ;

Considérant que constitue une circons-tance aggravante à la charge de M. Foretl’enrichissement personnel qu’il a tiré durèglement par la SEM de son déplacementfamilial privé à Ténériffe, pour lequel leremboursement qu’il prétend avoireffectué n’est pas établi ; qu’il en est demême de la confusion entre ses intérêtspersonnels et professionnels propres etceux de la SEM Sarcelles Chaleur dont il étaitle directeur, en raison de son activité libé-rale ; que d’autres circonstances aggra-vantes, déjà évoquées dans les cas deMM. Lamontagne et Mestre, tiennent àl’importance des détournements ;

Considérant que M. Foret peut cependantbénéficier de circonstances atténuantestenant au fait que la poursuite de son acti-vité libérale était expressément men-tionnée dans son contrat de travail et qu’ila mis au service de la SEM Sarcelles Chaleuret du SIGIDURS une réelle compétence pro-fessionnelle qui a permis un bon fonction-nement de l’usine d’incinération et unebaisse du prix du chauffage urbain ;

Sur la responsabilité de Mme Birota :

Considérant que Mme Birota a été secré-taire de la SEM Sarcelles Chaleur du 14 sep-tembre 1987, date de son engagement, au16 novembre 1995, date de son licencie-ment ; que sa fonction a évolué du statutde secrétaire à temps partiel à celui d’assis-tante de direction à temps complet ; qu’ellecomprenait notamment la charge du secré-tariat des conseils d’administration et desassemblées générales de la SEM SarcellesChaleur, comme des comités syndicaux duSIGIDURS, l’établissement de la paie, la fac-turation pour les redevances du réseau dedistribution calorifique, le règlement desfactures des fournisseurs, l’établissementdes déclarations mensuelles et desdemandes de remboursement trimes-trielles de TVA, la tenue de la comptabilitéde la société et la gestion de la trésoreriedisponible sur les deux comptes bancaires ;

Considérant que Mme Birota porte la respon-sabilité principale de la prise en charge induepar la SEM Sarcelles Chaleur de divers frais liésà des déplacements effectués dans le cadrede l’activité libérale de M. Foret ou à desdéplacements privés ; qu’elle a, en effet, pré-paré les règlements des factures présentéespar l’agence de voyage ou des billets fournispar cette agence ; qu’elle ne pouvait ignorerle caractère indu d’une partie de ces règle-ments qui concernaient des déplacementsaux Antilles effectués dans le cadre de l’acti-vité libérale de M. Foret à laquelle elle a elle-même participé ou des déplacementsd’ordre privé pour elle-même et sa familleou celle de M. Foret ; qu’elle a, pour ce faire,notamment utilisé le tampon reproduisant lasignature de M. Foret ou, dans certains cas,falsifié les écritures comptables de la SEM enimputant cette dépense au compte du SIGI-DURS au titre des dépenses relatives àune usine d’incinération ;

Considérant que Mme Birota porte la respon-sabilité principale des détournements defonds effectués au préjudice de la SEM et duTrésor Public pour un montant total de557 141 c (3 654 605 F) ; que l’intéressée areconnu au cours de l’instruction judiciaireavoir non seulement imité la signature deM. Foret ou utilisé le tampon la reproduisantsur les chèques détournés, mais aussi établide fausses déclarations fiscales au titre de laTVA et falsifié les écritures comptables de laSEM ; qu’il doit également être tenu comptedes circonstances aggravantes tenant àl’importance des détournements déjà évo-quées dans les cas de MM. Lamontagne,Mestre et Foret ; que par jugement en datedu 12 novembre 2002 de la 12e Chambre duTGI de Paris, devenu définitif à son égard, ellea été déclarée coupable des faits qualifiés decontrefaçon ou falsification de chèque,usage de chèque contrefait ou falsifié, abusde confiance, faux et usage de faux en écri-ture privée, de commerce ou de banque etcondamnée à une peine de trois ansd’emprisonnement avec sursis et mise àl’épreuve ;

Sur le montant des amendes :

Considérant qu’il sera fait une juste appré-ciation des circonstances de l’affaire eninfligeant une amende de mille euros àMM. Lamontagne et Mestre, une amendede dix mille euros à M. Foret et une amendede sept mille euros à Mme Birota, comptetenu pour cette dernière des sanctionspénales dont elle a fait l’objet ;

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Sur la publication :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circons-tances de l’espèce, de publier le présentarrêt au Journal officiel de la Républiquefrançaise ;

Arrête :

Article premier. – M. Lamontagne estcondamné à une amende de mille euros(1 000 c).

Art. 2. – M. Mestre est condamné à uneamende de mille euros (1 000 c).

Art. 3. – M. Foret est condamné à uneamende de dix mille euros (10 000 c).

Art. 4. – Mme Birota est condamnée à uneamende de sept mille euros (7 000 c).

Art. 5. – Le présent arrêt sera publié auJournal officiel de la République française.

Note

Compétence. – La création des cham-bres régionales des comptes et la dévo-lution à ces chambres de compétencesantérieurement attribuées à la Cour descomptes n’ont pas eu pour effet de sous-traire à la juridiction de la CDBF les repré-sentants, administrateurs et agents desorganismes qui, avant la loi du 2 mars1982, relevaient du contrôle de la Courdes comptes (CDBF, 22 mai 1990, Georgeset autres, CHS de Saint-Venant, JO du27 janvier 1995, p. 1497 ; Rec. CDBF,tome II.204. CE, 30 novembre 1994,Sieur George, Rec. CE 520 ; La Revue duTrésor 1995.178). La CDBF s’est ainsireconnue compétente, comme enl’espèce, s’agissant d’une société d’éco-nomie mixte locale (CDBF, 23 février 1994,SEMA, JO du 1er novembre 1994, p. 15583 ;La Revue du Trésor 1995.680). Ce faisant,la Cour est conduite à attraire à sa juridic-tion des élus locaux dès lors que les fonc-tions exercées au sein du secteur publiclocal ne constituent pas l’accessoireobligé de la fonction principale. Ainsi, laprésidence du conseil d’administrationd’une SEML ne constitue pas l’accessoireobligé du mandat d’adjoint au maire

(CDBF, 23 février 1994, SEMA, préc. V. déjàCDBF, 19 juillet 1974, De Grailly et autres,SEM de La Villette, JO NC du 4 février 1978,p. 943 ; Rec. CDBF, tome I.103 ; GAJF,4e éd., nº 56. CDBF, 16 juin 1987, Lebas,Société d’aménagement de Jeumont-Avesnes, Rec. CE 512 ; Rec. CDBF,tome II.83).

Sur le fond. – La présente espèce révèle,une nouvelle fois, un système de faussefacturation dont la mise en place a étépermise grâce aux défaillances dans lecontrôle comptable et financier sur l’exé-cution de conventions de maîtrised’ouvrage conclues entre un syndicatintercommunal et une société d’éco-nomie mixte locale. L’une des personnespoursuivies a en effet procédé à defausses écritures comptables par la comp-tabilisation de factures fictives ou de plu-sieurs factures identiques, ayant permisun remboursement indu de TVA (v. déjàpour des commandes fictives et desfausses factures, CDBF, 17 février 1988,Aubert, Direction départementale desservices vétérinaires des Alpes-de-Haute-Provence, JO du 16 septembre 1989,p. 11749 ; Rec. CE 538 ; Rec. CDBF,tome II.122).

La Cour relève encore que la sociétéd’économie mixte avait été conduite àverser des rémunérations fictives, nonpas tant en raison de l’absence de « ser-vice fait » de la mission de suivi techniqued’une usine d’incinération, mais parceque l’intéressé était en réalité rémunérédeux fois pour le même travail : l’une entant que salarié de la SEM, l’autre en tantque « consultant » dès lors que soncontrat de travail l’autorisait à exercerparallèlement une autre activité (v. déjà,par exemple, CDBF, 24 novembre 1986,Rouquet, Centre hospitalier de Sainte-Anne [dépenses de personnel], JO du11 juillet 1987, p. 7807 ; Rec. CDBF,tome II.42. CDBF, 20 mars 1996, Institutnational de promotion supérieure agri-cole, La Revue du Trésor 1998.728. CDBF,1er octobre 1997, Institut de France, LaRevue du Trésor 1999.193).

S’agissant enfin de la mise en jeu desresponsabilités, la Cour estime que lemaire de Sarcelles, président de la SEMLet du syndicat intercommunal, s’estrendu coupable d’un défaut de surveil-lance (V. déjà CDBF, 6 novembre 1992,Billon, Pillay, Hébras, CPAM de Seine-et-Marne, Rec. CE 644 ; La Revue du Trésor1993.782. CDBF, 30 octobre 1985, Martinet Demoget, CNAM, JO du 3 mai 1986,p. 5992 ; Rec. CDBF, tome II.23) dans lamise en œuvre d’une large délégation depouvoir au directeur général ; il avait parailleurs signé les différents contrats liti-gieux (contrat de travail du principal inté-ressé ; contrat de délégation de suivitechnique de l’usine d’incinération).

Enfin, confirmant une jurisprudence clas-sique, la Cour prend en compte la qualitéde l’agent en cause pour évaluer le niveaudes responsabilités encourues. En raisonde leurs fonctions ou de leurs compé-tences, certaines personnes peuvent dif-ficilement arguer d’une méconnaissancede la réglementation pour justifier leurinaction. Tel est le cas par exemple s’agis-sant d’une personne qui, en raison desconnaissances juridiques exigées par lafonction occupée, ne pouvait ignorer lagravité des irrégularités en cause (CDBF,20 avril 1988, Langlois et Marelle, Caisseinterprofessionnelle de retraite des com-merçants détaillants de la région pari-sienne [CIRCD], JO du 3 décembre 1988,p. 15156 ; Rec. CE 546 ; Rec. CDBF,tome II.138). Il en va de même pour unadministrateur du ministère des Finances(CDBF, 3 décembre 1985, Dehaye etautres, Direction des monnaies etmédailles, JO du 16 septembre 1987,p. 10795 ; Rec. CDBF, tome II.31. CE,22 juin 1987, Dehaye, req. nº 77.001). Enl’espèce, la Cour indique que l’un desadministrateurs de la société d’économiemixte était spécialement délégué auxaffaires financières ; en tant qu’adjointaux finances de la ville, il n’a manifeste-ment pas exercé les contrôles qui luiincombaient.

C O L L O Q U E

LA SÉCURITÉ FINANCIÈRE ET L’ÉTATVendredi 6 février 2004

Centre Sécurité et DéfenseUniversité de Paris-V - René-Descartes - Faculté de droit

Avec le concours de La société française de finances publiques et de l’Ecole doctorale de la Faculté de droitde l’Université de Paris-V.

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