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Cours 5 : L’Eve future 1. L’auteur - 1838-1889 (même période que Zola Ŕ Villiers : défenseur du symbolisme en opposition au naturalisme Ŕ ce roman est un roman anti-naturaliste) - Auteur maudit car il n’a jamais eu un grand succès (seuls Verlaine, Mallarmé l’appréciaient) - Origines nobles mais n’a pas eu une vie financièrement facile - Connu pour la rédaction de conte (Contes cruels en 1883), grâce à ce succès, on lui ouvrira la porte de journaux. Il y publiera L’Eve Future en feuilleton. - L’Eve Future est le seul roman qu’il a achevé complètement - Roman précurseur de la science-fiction 1.1. L’horizon culturel - Décadence : la fin de siècle est considérée comme le déclin de la civilisation ; idée qui est apparue avec l’apparition de la science et l’évolution matérielle. Ce progrès est compris comme un effondrement des valeurs. - Désenchantement : l’âme n’est plus présente dans le monde à cause de l’arrivée des sciences. On a remplacé le côté spirituel d’un monde sous l’influence de Dieu par un monde scientifique + progrès matériel. Certaines personnes vont se tourner vers l’ésotérisme ou l’occultisme = réinvestir le monde d’une âme, d’idéal, etc., en résumé tout ce que la science a fait disparaître. 2. Le livre - <Le sosie : matrice du roman - <Le Gaulois : il publie la première partie de son roman mais ça n’a pas de succès - <L’Etoile française : il publie un peu la suite, mais pas de succès non plus - <Le succès : un autre texte d’un autre auteur sera publié au lieu de son ouvrage, il n’a pas toujours pas de succès - <La vie moderne, revue dans laquelle il publie la 1 ère partie qui va jusqu’au moment où Lord Ewald s’en va en Angleterre avec Hadaly. = difficulté d’écrire le dénouement du récit = difficulté de publier - Ce n’est qu’en 1886 qu’il va le publier en volumes 2.1. Résumé Edison, personnage historique réel, est un savant qui reçoit dans son atelier, nommé L’Eden sous terre, son ami Lord Ewald. Ce dernier vit une histoire amoureuse difficile avec une actrice, Alicia Clary. Il souffre de son amour car il aime Alicia mais la trouve bête et sans intérêt intellectuel, il veut se suicider. Edison lui propose de la remplacer par une femme artificielle qui ressemblerait à Alicia mais qui aurait des capacités intellectuelles supérieures à son modèle humain. Edison appellera sa créature Hadaly. La perfection de l’être renvoie à la supériorité de l’artifice sur la nature, de la fiction sur le réel. (>< Frankenstein, ici on voit vraiment l’anatomie et la manière dont on construit la créature). Edison sera un peu effrayé par le fait que Hadaly est une créature artificielle. Lord Ewald va être convaincu par Hadaly elle-même qui se fait passer pour Alicia lors d’une rencontre avec celui-ci ; il croit même qu’il est en face de la vraie Alicia. Lord Ewald

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Page 1: Cours 5 mes notes

Cours 5 : L’Eve future

1. L’auteur - 1838-1889 (même période que Zola Ŕ Villiers : défenseur du symbolisme en opposition au

naturalisme Ŕ ce roman est un roman anti-naturaliste)

- Auteur maudit car il n’a jamais eu un grand succès (seuls Verlaine, Mallarmé l’appréciaient)

- Origines nobles mais n’a pas eu une vie financièrement facile

- Connu pour la rédaction de conte (Contes cruels en 1883), grâce à ce succès, on lui ouvrira la porte

de journaux. Il y publiera L’Eve Future en feuilleton.

- L’Eve Future est le seul roman qu’il a achevé complètement

- Roman précurseur de la science-fiction

1.1. L’horizon culturel

- Décadence : la fin de siècle est considérée comme le déclin de la civilisation ; idée qui est apparue

avec l’apparition de la science et l’évolution matérielle. Ce progrès est compris comme un

effondrement des valeurs.

- Désenchantement : l’âme n’est plus présente dans le monde à cause de l’arrivée des sciences. On a

remplacé le côté spirituel d’un monde sous l’influence de Dieu par un monde scientifique +

progrès matériel. Certaines personnes vont se tourner vers l’ésotérisme ou l’occultisme =

réinvestir le monde d’une âme, d’idéal, etc., en résumé tout ce que la science a fait disparaître.

2. Le livre - <Le sosie : matrice du roman

- <Le Gaulois : il publie la première partie de son roman mais ça n’a pas de succès

- <L’Etoile française : il publie un peu la suite, mais pas de succès non plus

- <Le succès : un autre texte d’un autre auteur sera publié au lieu de son ouvrage, il n’a pas toujours

pas de succès

- <La vie moderne, revue dans laquelle il publie la 1ère partie qui va jusqu’au moment où Lord Ewald

s’en va en Angleterre avec Hadaly.

= difficulté d’écrire le dénouement du récit

= difficulté de publier

- Ce n’est qu’en 1886 qu’il va le publier en volumes

2.1. Résumé

Edison, personnage historique réel, est un savant qui reçoit dans son atelier, nommé L’Eden sous terre, son

ami Lord Ewald. Ce dernier vit une histoire amoureuse difficile avec une actrice, Alicia Clary. Il souffre de

son amour car il aime Alicia mais la trouve bête et sans intérêt intellectuel, il veut se suicider. Edison lui

propose de la remplacer par une femme artificielle qui ressemblerait à Alicia mais qui aurait des capacités

intellectuelles supérieures à son modèle humain. Edison appellera sa créature Hadaly. La perfection de

l’être renvoie à la supériorité de l’artifice sur la nature, de la fiction sur le réel. (>< Frankenstein, ici on voit

vraiment l’anatomie et la manière dont on construit la créature). Edison sera un peu effrayé par le fait que

Hadaly est une créature artificielle. Lord Ewald va être convaincu par Hadaly elle-même qui se fait passer

pour Alicia lors d’une rencontre avec celui-ci ; il croit même qu’il est en face de la vraie Alicia. Lord Ewald

Page 2: Cours 5 mes notes

emporte alors Hadaly en Angleterre, c’est là que s’arrête la version publiée dans La Vie Moderne. La fin :

Alicia et Hadaly meurent sous les flammes.

2.2. Le savant, entre mythe et réalité

- Importance de la science : la créature est construite par des moyens scientifiques -> modèle du

savant + discours scientifique utilisé

- Dimension critique et satirique><il y a une dimension lyrique et ironique. Il dédie ce roman aux

rêveurs, aux railleurs (=>polyphonie) : => double discours

Ce n’est pas un plaidoyer pour la science. L’auteur va utiliser la figure connue du savant pour

dénoncer ce discours sur la science.

- Dimension poétique du discours : le savant devient poète. En effet, on retrouve dans la

dimension réflexive sur la créature un discours qui est aussi un discours sur l’écriture. À certains

moments, le texte devient plus poétique que scientifique.

2.2.1. Le véritable Edison

Il invente beaucoup de nouvelles inventions. L’atelier, L’Eden sous-terre, existe vraiment. Il ne va pas

chercher à créer des objets uniques, mais des objets qu’il pourra construire pour le public de masse ->c’est

un scientifique, mais aussi personnage qui s’intéresse au commerce et aux profits. Il a construit lui-même

sa légende d’ingénieur-génie. Il avait aussi une réputation de Prométhée moderne car en 1889, à

l’exposition universelle de Paris, il avait exposé quelque chose qui était entre art et technique : une peinture

(?) représentant Prométhée avec une ampoule électrique en guise de flambeau. Après 1877, il avait fait une

version miniature des phonographes : il voulait l’utiliser pour faire une poupée parlante. Mais cette

invention n’a pas eu de succès car elle a un côté un peu inquiétant et lugubre, reproche que lui-même

reconnu.

2.2.2. Le « magicien »

Villiers dit dans son introduction qu’il s’agit d’un personnage de fiction. Il mettra en avant son côté

magicien, enchanteur, sorcier, etc. Il transforme donc le personnage historique d’Edison.

Figures mythiques et bibliques

- Référence à Prométhée

- Faust : Edison et Lord Ewald vont faire un pacte (dit pacte diabolique) // au pacte faustien,

même si le côté magie noire n’est pas présente. On a un Faust qui travaillerait pour un bien, pour

sauver son ami Ewald du suicide.

- Lucifer (porteur de lumière) qui est en révolte contre Dieu.

- Il se présente comme un Dieu de substitution. En effet, son laboratoire est nommé l’Eden sous-terre

(c’est comme un paradis mécanique).

- Intertexte religieux (« Et la lumière fût, phrase que l’on retrouve dans la Bible=> dans le texte :

« Et l’ombre fût »)

Entreprise sotériologique (= de sauvetage)

- Hadaly = Œuvre rédemptrice contre la nature corrompue et contre le monde qui aurait été

abandonné par Dieu

- Artifice = imposture et moyen de salut (>< Hofmann où on ne sait pas qu’elle est une créature

artificielle)

- La nature décevante va être remplacée par l’artifice idéal (Hadaly)

- Transgression car il crée un substitut à la vie réelle, mais dans un côté positif car il veut sauver son

ami.

Page 3: Cours 5 mes notes

2.2.3. Le statut du discours scientifique

- Science = origine et solution du désastre - solution car c’est grâce à la science qu’Edison va

pouvoir construire Hadaly. La science a un statut ambigu

- Edison incarne cette ambiguïté : Villiers utilise le scientifique parfait pour défendre le discours

de l’idéal contre celui de la science et avec le langage de la science.

= Distance et ironie : idée d’une grande réalisation scientifique et en mm temps une ironie par

rapport à la science.

Position ambigüe par rapport à la vision de la science : les lecteurs ne savent plus très bien où

se positionner = dialectique permanente de valorisation et de dévaluation

- Pour l’Edison du livre, la science =un leurre

- Il veut rétablir le Mystère, et remettre à l’honneur l’âme et l’idéal.

3. Roman ou discours ? - Très peu romanesque : même lieu, peu de personnages, peu d’actions, livre discursif, inflation du

discours scientifique qui prend le dessus dans tout le roman par rapport à l’intrigue.

- Le discours construit l’Andréïde. Le discours est performatif = la seule action : en parlant, en

décrivant sa création, il fait exister l’Andréïde.

- Mélange entre lexique spécialisé et dimension lyrique => Villiers a essayé donc de créer un récit

de scientificité et de complexité

- Par son exagération, il montre l’absurdité du discours scientifique

3.1. Discours paradoxal

Il est censé nous expliquer comment a été faite Hadaly mais + il parle, plus cette figure nous devient

opaque et difficile à imaginer.

La séduction est dans le mystère de la créature.

4. Hadaly, une présence mixte Il va essayer de dire que Hadaly est une créature digne de se substituer à la nature et pas simplement de

copier maladroitement une femme réelle. Ici, il veut surpasser les femmes réelles.

4.1. Du corps mécanique au corps idéal

- Hadaly = substitut idéal de la femme

- Portraits satiriques de la féminité mauvaise (Villiers est assez mysogine)

a. Alicia Clary = « déesse bourgeoise » = a beaucoup de défauts, mais elle est très belle

o =Allégorie du monde moderne

o Dissociation entre son âme et son corps : comme Alicia, le monde est beau mais il a

perdu son âme

o Dénonciation de la théâtralité et de l’artifice du monde contemporain : la créature sera

meilleure que la vraie Alicia

b. Evelyn Habal

o Marionnette

o Danseuse qui a mené un homme au suicide

Page 4: Cours 5 mes notes

o Illusion corruptrice : femme qui a construit sa beauté sur l’artifice (postiche, prothèse,

maquillage, etc.) => être de prothèses et d’artifices

c. Hadaly

o Artifice pour artifice, autant avoir une créature réellement artificielle mais qui aurait

beaucoup plus de qualités que la femme réelle. Autant choisir une illusion parfaite et

maîtrisée.

o = Olympia sophistiquée et qui ne cache pas sa vraie nature

o Hadaly a une dimension compensatoire : elle est là pour remplacer la nature décevante

o « Eve scientifique » : libérer les hommes des femmes trompeuses

4.2. L’âme d’une autre

Edison a créé une femme parfaite physiquement, mais il reste le problème de l’âme et de la parole à

résoudre : les phonographes sont des disques enregistrés, Hadaly ne peut donc pas avoir un discours

spontané. La science ne suffisait pas pour résoudre ce problème, il va trouver une autre solution. Il va

chercher des explications dans le magnétisme et le spiritisme (elle est pénétrée par l’âme d’une autre :

Sowana, âme qui émane de la veuve qu’il accueille ?). L’âme et son caractère supérieur vient d’une instance

supérieure. Le spiritisme était à l’époque du 19e siècle considéré comme de la science. Villiers s’intéressait à

William Crookes, qui croyait en un état radian : l’âme pouvait avoir une existence à l’extérieur du corps. Il

a été influencé par les travaux d’Allan Kardec et de Charcot (qui a traité l’hystérie et qui mettait ses

patients sous hypnose -> c’est en mettant Harrison (?) sous hypnose qu’il arrive à fait sortir l’âme de la

veuve Ŕ Sowana).

5. Lord Ewald, un pygmalion malgré lui - Hadaly doit être appelée à l’existence par le désir de qqn, c’est le rôle d’Ewald (véritable

pygmalion)que de désirer l’existence de Hadaly(// Nathanaël qui faisait exister Olympia par son

désir)

- Ewald confond Alicia et Hadaly => // dialogue entre Frankenstein et son monstre : dialogue

dans le style : « si tu me rejettes c’est comme si tu te rejetais car je suis née de ton désir. C’est toi

qui m’as appelé à la vie… »

- La sexualité est exclue entre Ewald et Hadaly >< grand pouvoir de séduction de Hadaly. Hadaly

n’a pas les défauts des autres femmes, mais elle n’a pas leur privilège qui est d’enfanter

- Pygmalionisme : terme qui désigne les hommes qui éprouvent un désir quasi sexuel pour les

statues, créature. (voir la tradition à l’époque : un des scénarios joué par les prostituées à

l’époque est de jouer la statue)

- Fétichisme :hommes ayant des fixations sexuelles sur un endroit précis du corps ou gants,

combinaison, etc. Ici : on a la mise en valeur du bras + lorsqu’on a l’épisode avec la description

de sa valise : tous ses vêtements et accessoires.

Création idéale et idéal de création

- Tout le discours scientifique est un discours sur l’art et la littérature (il utilise parfois plus le

vocabulaire de l’art que celui de la science

Un idéal d’écriture

- Créateur, scientifique = figuration idéalisée du romancier (le romancier essaie aussi de créer la vie)

- Hadaly/idéal = projection sublimée de la littérature

- Réflexion sur l’art poétique

Page 5: Cours 5 mes notes

- Idée de l’art et de la littérature à laquelle cette créature répond = c’est que l’artifice l’emporte sur

la réalité =>>< au naturalisme. On voit un refus de la mimésis (idée que l’art et la littérature doit

représenter la réalité telle qu’elle est) et du réalisme

- L’objectif de l’art ce n’est pas la nature

- La littérature ne doit pas non plus s’inféoder à la science (><naturalisme qui décrit la vie à l’aide

de la science)

- Edison propose de substituer la nature par l’artifice (remplacer Alicia par Hadaly)

- Hadaly n’est pas = modèle naturel -> supériorité du beau idéal. Il faut créer un beau idéal qui

dépasse la nature

Suprématie de l’art

- L’artifice serait une réponse à ce sentiment de décadence exprimé au début du roman ; l’art serait

une forme de réponse

- Mais cet idéal est détruit -> fin pas du tout optimiste

- Edison renonce à la fabrique où il voulait construire pleins d’Hadaly.

Fin pessimiste

- À la fin, on découvre le fait qu’il était quand même inquiet par rapport à Hadaly // à

Frankenstein qui serait rassuré de voir sa créature morte

- Elle meurt par le feu : image du sacrilège, de l’enfer = punition de l’ambition prométhéenne du

créateur (à ce moment, dans sa vie, l’auteur se rapproche du catholicisme)

- Autre interprétation de la fin-> cette création n’est peut-être pas encore prête à être acceptée par

la société (// à Frankenstein) = impossibilité de l’insertion publique de la créature

- Hadaly est quand même inquiétante, comme le monstre de Frankenstein

COMPARAISON

Dans les 3 livres : évacuation de la femme au profit de la créature

Elisabeth est évacuée du récit au profit de la relation du créateur avec son monstre

Mélange de sciences et d’alchimie

Fin qui est tragique

D’autres éléments à trouver !!!! pour l’examen

Idée qu’entrevoit Edison de faire une production de masse, ni Coppola ni Frankenstein ne voulait

construire en série des créatures. La fabrication de masse de proto-humains sera un grand thème de la

science-fiction du 20e et 21e siècle.

6. Philip K. Dick, BladeRunner

Los Angles en 2019, sur une terre anéantie. Deckard est chargé de tuer les robots dissidents qui sont

échappés de Mars. Les robots sont programmés pour s’arrêter et ils vont développer un sentiment

humain : la peur de la mort. Ils vont essayer de trouver leur créateur pour répondre à cette question : les

robots ont-ils une âme et les hommes qui habitent avec des robots ne perdent-ils pas la leur ?

Page 6: Cours 5 mes notes

Comparaison entre le film et les livres

- L’œil (// Hofmann) -> dans le film, c’est un test sur l’œil qu’on peut voir s’il s’agit d’un robot

- Dialogue entre créateur et création comme dans Frankenstein

- Relation amoureuse : Deckard tombe amoureux d’une androïde, qui ne sait pas qu’elle est un

robot.

- Le jeu d’échec (voir intro)