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INTRODUCTION 1. Objectifs du cours Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le poids de l’Etat dans l’économie française n’a cessé d’augmenter, comme le suggère le tableau suivant qui retrace l’évolution des dépenses des administrations publiques en pourcentage du PIB : Il faut noter que les administrations publiques correpondent à une version élargie de l’Etat. On place à côté des autorités centrales les organismes de sécurité sociale et les collectivités locales (communes, départements, régions). Quoi qu’il en soit, il s’avère donc que le poids relatif de l’Etat dans l’économie a clairement augmenté. La question que l’on peut se poser est alors de savoir quels sont les arguments économiques qui justifient l’intervention de l’Etat dans l’économie (on s’interroge alors sur le «pourquoi» de l’in- tervention de l’Etat) ? Ensuite, quelle est nature de son intervention (on s’interroge alors sur le «comment» de son intervention) ? Enfin, en dernier lieu, quelles sont les conséquences de son intervention ? On se propose de donner des éléments de réponse concernant ces trois questions dans ce cours. 2. Le rôle économique de l’Etat De manière générale, le principal rôle économique de l’Etat est d’intervenir en cas de défaillan- ce des marchés. On peut en distinguer 4 grandes catégories: a. La persistance d’une situation de sous-emploi b. Les problèmes de monopoles c. Le problème des effets externes d. L’existence de biens publics a. La persistance d’une situation de sous-emploi Historiquement, deux visions antagonistes de la façon dont fonctionne une économie se sont af- frontées. La vision classique et néoclassique prône une intervention minimale de l’Etat, limitée à ses fonctions régaliennes (justice, maintien de l’ordre, défense). Selon cette approche, un mar- ché parfaitement concurrentiel aboutira à ce qu’on appelle un optimum de Pareto: il s’agit d’une situation dans laquelle on ne peut augmenter la satisfaction d’un agent sans réduire celle d’au moins un autre agent. Dès lors, il est nécessaire de laisser fonctionner les marchés sans intervention étatique. La loi de l’offre et de la demande ainsi que la parfaite flexibilité des prix permettant l’équilibre sur tous les marchés et donc, le plein-emploi des facteurs de produc- tion. Année 1913 Avant 1939 1962 1995 2008 Dépenses des APU en % du PIB 10% 20% 30% 47% 52,7%

Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

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Cours détaillé sur l'investissement, la théorie des dépenses publiques et des politiques contra-cycliques qui en découlent.

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INTRODUCTION

1. Objectifs du cours

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le poids de l’Etat dans l’économie française n’a cessé d’augmenter, comme le suggère le tableau suivant qui retrace l’évolution des dépenses des administrations publiques en pourcentage du PIB :

Il faut noter que les administrations publiques correpondent à une version élargie de l’Etat. On place à côté des autorités centrales les organismes de sécurité sociale et les collectivités locales (communes, départements, régions). Quoi qu’il en soit, il s’avère donc que le poids relatif de l’Etat dans l’économie a clairement augmenté.

La question que l’on peut se poser est alors de savoir quels sont les arguments économiques qui justifient l’intervention de l’Etat dans l’économie (on s’interroge alors sur le «pourquoi» de l’in-tervention de l’Etat) ? Ensuite, quelle est nature de son intervention (on s’interroge alors sur le «comment» de son intervention) ? Enfin, en dernier lieu, quelles sont les conséquences de son intervention ?

On se propose de donner des éléments de réponse concernant ces trois questions dans ce cours.

2. Le rôle économique de l’Etat

De manière générale, le principal rôle économique de l’Etat est d’intervenir en cas de défaillan-ce des marchés. On peut en distinguer 4 grandes catégories:

a. La persistance d’une situation de sous-emploib. Les problèmes de monopolesc. Le problème des effets externesd. L’existence de biens publics

a. La persistance d’une situation de sous-emploi

Historiquement, deux visions antagonistes de la façon dont fonctionne une économie se sont af-frontées. La vision classique et néoclassique prône une intervention minimale de l’Etat, limitée à ses fonctions régaliennes (justice, maintien de l’ordre, défense). Selon cette approche, un mar-ché parfaitement concurrentiel aboutira à ce qu’on appelle un optimum de Pareto: il s’agit d’une situation dans laquelle on ne peut augmenter la satisfaction d’un agent sans réduire celle d’au moins un autre agent. Dès lors, il est nécessaire de laisser fonctionner les marchés sans intervention étatique. La loi de l’offre et de la demande ainsi que la parfaite flexibilité des prix permettant l’équilibre sur tous les marchés et donc, le plein-emploi des facteurs de produc-tion.

Année 1913 Avant 1939 1962 1995 2008

Dépenses des APU en % du

PIB

10% 20% 30% 47% 52,7%

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Cette vision de l’économie repose néanmoins sur des hypothèses si restrictives qu’elle est peu réaliste. C’est pourtant la vision qui a prévalu jusqu’à la crise économique de 1929, date à partir de laquelle l’économie mondiale a sombré dans une grave dépression qui s’est caractérisée par plusieurs aspects:

- La faillite de grandes banques américaines et européennes- Un chômage structurel qui apparâit dans tous les pays- Une réduction durable de l’activité et des échanges internationaux

L’idée que le marché permet la régulation harmonieuse des activités est donc mise à défaut. Ainsi, à partir de cette période, l’Etat devient acteur à part entière de l’économie. Il doit inter-venir afin de corriger les déséquilibres sur les marchés et aider l’économie à retrouver le chemin de la croissance et du plein-emploi. Cette vision interventionniste, qui s’est développée durant la seconde moitié du 20e siècle, doit beaucoup au succès des idées keynésiennes. Keynes déve-loppe une vision de l’économie dans laquelle la demande occupe une place centrale. Contraire-ment à la vision classique dans laquelle l’offre conduit la demande, pour Keynes, c’est la demande qui conduit l’offre. En effet, lorsque les entrepreneurs sont sûrs de pouvoir écouler leur production, ils produiront en quantité suffisante pour assurer un niveau d’emploi élevé. L’Etat doit alors avoir pour rôle de stimuler la demande lorsqu’elle est insuffisante afin d’éviter des situations de chômage chronique.

Au cours du temps, il apparaît que 4 périodes se sont succédées. La période allant de 1850 à 1929 correspond à la révolution industrielle durant laquelle les idées libérales avaient le vent en poupe. La période allant de 1929 jusqu’au début des années 1970 est marquée par un interven-tionnisme étatique important dans l’économie. Cependant, l’échec des politiques de relance keynésiennes pour résorber les crises économiques des années 1970 a conduit les pays occiden-taux à revenir à une vision plus libérale de l’économie. Enfin, depuis la crise financière et éco-nomique de 2008 a conduit de nouveau les pays occidentaux à remettre en cause l’idée selon laquelle les marchés peuvent fonctionner efficacement sans interventionnisme étatique.

b. Les problèmes de monopoles

On a un monopole quand une seule entreprise fournit toute la demande sur un marché donné.

Exemple: Microsoft pour les systèmes d’exploitation fournit (quasiment) toute la demande mon-diale.

De manière générale, lorsqu’un marché se caractérise par un petit nombre d’entreprises (voire à une seule entreprise), ces dernières ont la possibilité de contrôler les prix, et donc de dégager des surprofits (que l’on appelle rente de monopole) qui sont pris aux dépends des consomma-teurs et qui ne résultent pas d’une efficacité productive. L’Etat doit alors intervenir pour pro-mulguer des lois visant à préserver la concurrence, à éviter la constitution de trusts et de positions dominantes.

Exemple: en accord avec ses lois anti-trust, l’Etat américain a décidé de condamner Microsoft pour abus de position dominante car l’entreprise profitait de son monopole sur Windows pour imposer un nouveau monopole sur Explorateur Internet.

Il existe néanmoins des situations pour lesquelles la concurrence n’est pas possible car elle con-duit à des situations inefficaces. C’est le cas des activités nécessitant des coûts fixes tellement

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élevés que le coût de production est minimisé si une seule entreprise fournit tout le marché. On est alors en présence de rendements d’échelle croissants (et donc de coûts marginaux dé-croissants): on parle de monopole naturel.

Exemples de monopoles naturels: le transport ferroviaire, l’électricité.

En concurrence pure et parfaite, l’efficacité du marché est assurée lorsque la tarification s’éta-blit au niveau du coût marginal. Or, dans les secteurs à rendements d’échelle croissants, la tari-fication au coût marginal provoque des pertes pour l’entreprise qui n’est alors pas rentable. C’est la raison pour laquelle bien souvent, les monopoles naturels sont gérés par l’Etat lui-même via des entreprises publiques. Autrement dit, l’Etat prend à sa charge les déficits engendrés par ces activités, ce qui permet d’assurer l’efficience en autorisant une tarification au coût marginal. Par ailleurs, l’idée sous-jacente est que ces entreprises fournissent des missions de service pu-blic en desservant des zones non rentables (par exemple, la SNCF dessert un ensemble de petites gares non rentables, EDF fournit de l’électricité partout en France, même dans les zones les plus reculées).

c. Le problème des effets externes

Selon Pigou (1920), on parle d’externalités quand le bien-être d’un consommateur ou les pos-sibilités de production d’une entreprise sont affectées directement par les actions d’un groupe d’agent ou d’un agent sans que cette perte ou ce gain de bien-être soit compensé.

On parle d’externalités positives lorsque le comportement d’un agent conduit à l’augmentation du bien-être pour un autre agent.

Exemple: un apiculteur qui profite de la proximité d’un arboriculteur. Cette proximité permet à ses abeilles de produire un miel de meilleure qualité qu’il pourra vendre plus cher sans que cela ne lui coûte rien.

On parle d’externalités négatives lorsque le comportement d’un agent réduit le bien-être d’un autre agent.

Exemple: un agriculteur utilise des pesticides nocifs pour les abeilles, ce qui détruit une partie de la production de miel de l’apiculteur se trouvant à proximité. Un autre exemple classique est celui d’une entreprise qui pollue une rivière par des rejets de produits toxiques sans supporter les coûts qu’elle fait subir à l’environnement (disparition de la faune et la flore).

La caractéristique fondamentale des effets externes est qu’ils ne font pas l’objet de tran-sactions sur le marché. En d’autres termes, le marché ne peut pas spontanément éliminer les externalités négatives et encourager les externalités positives. Par exemple, l’entreprise qui pol-lue une rivière ne supporte pas le coût de sa pollution. Ce coût est supporté par d’autres catégo-ries d’usagers (par exemple les pêcheurs se situant en aval lésés par la disparition des poissons). Puisque ce sont d’autres usagers qui subissent le coût de sa pollution mais pas l’entreprise elle-même, cette dernière n’a aucune incitation à dépolluer. En effet, investir dans des systèmes de rejet d’eaux non polluantes lui coûterait de l’argent et ne lui rapporterait rien. Il en résulte donc que le marché ne permet pas d’encourager spontanément les comportements induisant des effets externes positifs et de décourager les comportements induisant des effets externes négatifs. C’est donc parce que le marché ne prend pas en considération les effets ex-

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ternes résultant du comportement des agents économiques que l’Etat doit intervenir. L’idée qui est défendue par Pigou consiste à taxer le responsable des effets externes négatifs (principe du pollueur-payeur) et à subventionner le responsable d’effets externes positifs.

d. L’existence de biens publics

Enfin, dans le cadre de la concurrence pure et parfaite, on suppose l’absence de biens publics. Un bien est dit public (ou collectif) lorsque:

- Il n’y a pas de rivalité dans consommation du bien: autrement dit, le fait qu’un indi-vidu bénéficie des services procurés par le bien ne prive pas un autre individu du bien en question- L’exclusion du consommateur n’est pas possible: c’est ce qu’on appelle la non-exclu-sion d’usage. Tout le monde peut profiter du bien à partir du moment où il est produit. Autrement dit, il est impossible d’empêcher quelqu’un de le consommer.

Exemple: l’éclairage public. Il n’y a pas de rivalité dans la consommation. Le fait que je passe devant un lampadaire n’empêche pas les autres passants de profiter de l’éclairage public. De même, une fois que le lampadaire est construit, il est impossible d’empêcher qui que ce soit de profiter de l’éclairage public

Exemple de bien privé (par opposition au bien public): les tomates sur un marché. Si j’achète le dernier kilo de tomate disponible sur les étals du vendeur, les consommateurs qui arriveront après moi ne pourrony plus acheter de tomates. De même, il est possible d’exclure des individus du marché. Si le consommateur ne souhaite pas payer le prix du marché, le vendeur refusera de lui vendre des tomates.

La non-exclusion d’usage implique inévitablement un problème de financement du bien public par le marché. En effet, le vendeur de tomates n’aura aucun mal à refuser de donner 1 kilo de tomates à un client si celui-ci refuse de payer. Mais prenons l’exemple d’une firme privée qui souhaite installer un système d’éclairage public dans une ville. La question qui se pose est: com-ment financer ses investissements ? La solution serait de demander à chaque habitant de la ville ce qu’il serait prêt à payer (ce qu’on appellera aussi par la suite sa disposition marginale à payer) pour la mise en place d’un système d’éclairage public. Mais se pose alors un problème de «passager clandestin»: chaque habitant sait qu’il pourra profiter de l’éclairage public une fois que celui-ci sera mis en place, et cela même s’il ne paie rien. Il en résulte que personne ne voudra financer le système d’éclairage public, et donc la société privée ne pourra jamais réunir les fonds nécessaires pour construire le bien public.

Le phénomène de passager clandestin repose sur l’idée que chaque habitant choisit de se reposer sur l’effort de financement des autres usagers. Plus précisément, chaque habitant espère que les autres financeront le bien public et qu’il pourra alors profiter du bien public sans avoir à le payer. Le problème vient de ce que tous les habitants font le même raisonnement si bien qu’au final, personne n’accepte de payer pour la mise en place de l’éclairage public !

Par conséquent, on arrive à une situation paradoxale dans laquelle personne n’est incité à révéler ses préférences et participer au financement du bien public alors que tout le monde souhaite la production de ce bien ! La seule solution pour que l’éclairage public soit mis en place est que l’Etat (en l’occurence dans notre exemple, la commune) intervienne en imposant un finance-ment coercitif par l’impôt. Autrement dit, l’Etat s’impose une nouvelle fois comme producteur

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face à un secteur privé défaillant.

3. La nature de l’intervention de l’Etat

L’Etat intervient dans l’économie de diverses façons, mais nous nous limiterons dans ce cours à l’analyse de deux principaux outils d’intervention: les dépenses publiques et le prélèvement des taxes et des impôts. Les dépenses publiques peuvent être de différentes natures selon les objectifs suivis par l’Etat. D’un point de vue économique, il peut aussi bien s’agir de politiques conjoncturelles visant à relancer la demande et la croissance économique (par exemple des po-litiques budgétaires) que de subventions accordées à des entreprises dans le cadre de politiques industrielles. Il peut également s’agir de dépenses poursuivant des objectifs de redistribution (allocations chômage, revenu minimum d’insertion etc.).

Les impôts et les taxes peuvent également être de différentes natures. Par exemple, l’impôt peut être forfaitaire (ce serait par exemple le cas si tout le monde payait le même montant d’impôts, quel que soit son niveau de salaire), progressif (dans ce cas le taux d’imposition augmente lors-que le revenu augmente et un contribuable riche paie donc proportionnellement plus qu’un con-tribuable pauvre) ou encore proportionnel (ce serait le cas si taux d’imposition était constant quel que soit le niveau de revenu d’un individu).

4. Les conséquences de l’intervention de l’Etat

L’intervention de l’Etat dans l’économie n’est pas neutre. Les actions entreprises par l’Etat peu-vent avoir des conséquences à la fois d’un point de vue macroéconomique que sur le compor-tement des individus d’un point de vue microéconomique. Par exemple, une politique de relance budgétaire peut avoir comme effet bénéfique de relancer la croissance et de rapprocher l’éco-nomie de l’équilibre de plein emploi. Mais cette politique comporte également des effets per-vers (problème de l’effet d’éviction, de creusement de la dette publique). Dès lors, l’efficacité d’une telle politique dépend largement du contexte économique dans lequel se trouvent les agents.

D’un point de vue plus microéconomique, la politique fiscale mise en oeuvre par un pays n’est pas sans conséquences sur le comportement des agents économiques. Par exemple, la mise en place d’un taux dimposition trop important sur le revenu des travailleurs peut avoir pour inci-dence de décourager les individus à se présenter sur le marché du travail ou à effectuer des heu-res supplémentaires car ils considèreront alors injuste qu’une partie trop importante du fruit de leur travail revienne au fisc. De même, la mise en place d’un taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés peut induire des comportements néfastes de la part de l’entreprise: dans certains contextes, cette dernière peut être incitée à faire supporter la charge de l’impôt à ses salariés (en les rémunérant plus faiblement) et/ou aux consommateurs (en augmentant le prix de ses pro-duits).

5. Plan du cours

Dans ce cours, nous reviendrons sur certains des aspects développés dans cette introduction. Dans un premier chapitre, nous étudierons l’efficacité de la mise en place d’une politique de re-lance de l’activité économique, notamment par l’augmentation des dépenses publiques. Autre-ment dit, on se demande dans ce chapitre dans quelle mesure la mise en place de politiques de relance permet ou non de relancer la croissance et de diminuer le chômage. C’est une question d’actualité dans la mesure où la crise financière de 2008 a relancé l’intérêt des économistes pour

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les idées keynésiennes.

Enfin, dans un deuxième chapitre, nous nous intéressons à l’étude des effets de la fiscalité sur l’économie en prenant le cas des impôts français. Nous étudions dans ce chapitre l’incidence de la fiscalité sur le comportement des agents économiques (par exemple en matière d’offre de tra-vail pour les salariés, d’investissement, de politique salariale et de tarification pour les entrepri-ses).

REFERENCES

Begg, David, Stanley Fischer et Rudiger Dornbusch: «Macroéconomie», 2e édition, éditions DUNOD, 2002Stiglitz, Joseph et Carl Walsh: «Principes d’Economie Moderne», 2e édition, éditions De Boeck, 2004Blanchard Olivier et Daniel Cohen: «Macroéconomie», 3e édition, 2004Généreux, Jacques: «Economie Politique: macroéconomie», 4e édition, éditions Hachette su-périeur, 2007

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CHAP 1 - ANALYSE DES INCIDENDES MACROECONOMIQUES DES POLITI-

QUES DE RELANCE

Nous étudions dans ce chapitre l’efficacité de la mise en oeuvre par l’Etat de politiques de re-lance. Nous montrerons que la pertinence de la mise en oeuvre de telles politiques dépend lar-gement des hypothèses émises concernant l’environnement macroéconomique dans lequel évoluent les agents. A cet égard, les politiques de relance sont étudiées sous trois environne-ments différents: en supposant dans un premier temps que l’économie fonctionne de manière classique, puis dans un second temps en supposant que l’économie fonctionne de manière key-nésienne, puis enfin dans le cadre du modèle IS/LM.

1. LE MODELE CLASSIQUE DE L’EQUILIBRE MACROECONOMI-QUE ET L’INUTILITE DES POLITIQUES DE RELANCE1.1. Les hypothèses du modèle

Une économie qui fonctionne de manière «classique» doit satisfaire un certain nombre d’hypo-thèses. La plus importante d’entre elles est l’hypothèse de marché concurrentiel. Cela signifie que les propriétés suivantes doivent être vérifiées:

- L’atomicité (grand nombre d’offreurs et de demandeurs)- La transparence du marché (l’information est parfaite et connue de tous les agents écono-miques- L’homogénéité des produits, (les produits sont suffisamment proches les uns des autres pour que seuls leur prix puisse les différencier) et du facteur travail- La libre entrée et la libre sortie sur le marché

On suppose en outre dans ce modèle que les prix sont parfaitement flexibles à la hausse, com-me à la baisse. En outre, les agents sont parfaitement rationnels et ont un comportement maximisateur (les consommateurs cherchent à maximiser leur utilité et les entreprises leur pro-fit). 1.2. La logique du modèle classique: une logique d’offre

Le modèle classique repose sur l’hypothèse selon laquelle les prix sont parfaitement flexibles et assurent un équilibre automatique et instantané entre l’offre et la demande sur tous les marchés. Dans ces conditions, les entreprises n’ont pas à se préoccuper des débouchés éventuels pour leur production puisque la parfaite flexibilité des prix leur assure d’écouler sur le marché n’importe quelle quantité de biens et services. En d’autres termes, s’il y a surabondance de biens sur le marché, leur prix diminuera instantanément de manière à augmenter la demande et à permettre aux producteurs d’écouler leur production. Par conséquent, selon cette logique, ce sont les en-treprises qui décident du niveau de production, sans se préoccuper du niveau de la demande, car la demande s’ajustera toujours à l’offre grâce à la parfaite flexibilité des prix. Les entreprises trouveront donc toujours un débouché pour leurs biens, quel que soit le niveau de production qu’elles décident de mettre en place. C’est ce qu’on appelle la «loi des débouchés» mise en évi-dence par l’économiste français Jean-Baptiste Say. Cette vision de l’économie exclut donc toute

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possibilité d’insuffisance de la demande, et donc, de débouchés pour les biens et services pro-duits par les entreprises.

1.3. Une économie de plein-emploi

Le modèle «classique» fonctionnant selon une logique d’offre, les entreprises commencent par décider du niveau de production qu’elles décident de mettre en place. Ce niveau de production dépend lui même de la quantité de facteurs de production disponibles (ici le travail). Le point de départ du modèle consiste à analyser l’équilibre sur le marché du travail car c’est l’équilibre s’établissant sur le marché du travail qui permettra à l’entreprise de déterminer le niveau d’em-ploi d’équilibre. Ce niveau d’emploi d’équilibre, noté NPE permettra ensuite de déterminer le niveau de production YPE.

L’équilibre sur le marché du travail résulte de l’intéraction entre deux types d’individus: les of-freurs de travail et les demandeurs de travail. L’offre de travail émane des travailleurs. Cette of-fre (notée No) est une fonction croissante du salaire réel (noté ) qui leur est proposé ( à ne pas confondre avec w qui est le salaire nominal, ce que les salariés observent sur leur fiche de paie). Plus le salaire réel est élevé, et plus les individus seront nombreux à vouloir travailler car la rémunération est attractive. L’offre de travail est notée No( ). Il faut noter ici que les in-dividus se basent sur leur salaire réel ( ) et non pas sur leur salaire nominal (w) pour prendre la décision d’entrer ou non sur le marché du travail. En effet, le taux de salaire est divisé par le niveau général des prix car les individus s’intéressent au pouvoir d’achat de leur salaire, et non pas à ce qu’ils observent sur leur fiche de paie. Ils ne sont donc pas victimes d’illusion moné-taire. Autrement dit, si par exemple leur salaire nominal augmente mais que le niveau général des prix augmente dans les mêmes proportions, les individus ne sont pas dupes et se rendent compte que leur pouvoir d’achat n’a pas augmenté. Par conséquent, ils n’augmenteront pas leur offre de travail.

La demande de travail émane des entreprises. Cette demande (notée Nd) est une fonction dé-croissante du salaire réel . Plus le salaire réel est élevé et moins les entreprises seront dis-posées à embaucher de travail car plus le travail coûte cher. La demande de travail est notée Nd( ).

Graphiquement, l’équilibre sur le marché du travail se traduit simplement de la façon suivante:

w pe

w pew pe

w pe

w pe

No, Nd

w pe

NPE

wp----© ¹§ ·

PE

No w pe� �

Nd w pe� �

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Graphique 1.1. Modèle classique et équilibre sur le marché du travail

Au croisement des deux courbes, l’offre de travail égalise la demande de travail, ce qui permet de déterminer le niveau de travailleurs embauchés à l’équilibre NPE ainsi que le salaire d’équi-libre .

L’équilibre atteint sur le marché du travail est un équilibre de plein-emploi. Cela signifie que tous ceux qui souhaitent obtenir un travail pour le salaire proposé sur le marché (autrement dit

) peuvent obtenir un emploi. D’un point de vue graphique, cela se vérifie assez faci-lement:

Graphique 1.2. Modèle classique et équilibre de plein-emploi

Si on commente la fonction d’offre de travail dessinée ci-dessus, on voit bien que si le salaire est nul, personne ne veut travailler. Pour qu’il y ait un premier travailleur qui se présente sur le marché, le salaire qu’on lui propose doit être au moins égal à . Pour qu’un deuxième tra-vailleur se présente, il faut que le salaire s’établisse à au moins .

Par conséquent, le salaire à l’équilibre sur le marché du travail étant égal à , tous les travailleurs qui exigent un salaire inférieur au salaire de marché trouvent nécessaire-ment un emploi. Ceux qui exigent un salaire supérieur (par exemple le NPE + 1ème travailleur), n’obtiennent pas d’emploi. La courbe d’offre peut donc être décomposée en deux parties: la par-tie située en dessous de composée d’individus qui obtiennent un emploi, et la partie située au-dessus de qui comprend tous les individus qui ne travaillent pas parce qu’ils considèrent que le salaire proposé par le marché est insuffisant pour compenser la pénibilité du travail.

Graphiquement, on a alors la situation suivante:

w pe� �PE

w pe� �PE

No, Nd

w peNo

Nd

0 NPE NPE + 1

c

w1 pew2 pe

1 2

cwp----© ¹§ ·

PE

wp----© ¹§ ·

PE 1�

w1 pew2 pe

w pe� �PEw pe� �PE

w pe� �PEw pe� �PE

c

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Graphique 1.3. Courbe d’offre de travail et chômeurs volontaires

La portion de la courbe d’offre entourée en bleu représente les individus qui trouvent un emploi car ils exigent un salaire inférieur ou égal au salaire du marché pour entrer sur le mar-ché du travail. La portion de courbe d’offre entourée en rouge correspond aux individus qui, pour se mettre à travailler, demandent un salaire supérieur à la rémunération proposée par le marché. Leur degré d’exigence étant trop élevé, ils ne trouvent pas de travail et restent au chô-mage. Il s’agit ici d’un chômage volontaire. C’est parce qu’ils n’acceptent pas les conditions de rémunération que ces individus sont au chômage. Autrement dit, si ces individus voulaient travailler pour le salaire de marché, ils trouveraient nécessairement un emploi.

Le chômage volontaire se différentie de la notion de chômage involontaire. On parlera au con-traire de chômage involontaire lorsque les individus souhaitent travailler au taux de salaire cou-rant offert sur le marché et qu’ils ne trouvent pas d’emploi. La définition du plein-emploi adoptée par les économistes classiques admet donc l’existence d’un chômage volontaire mais exclut totalement la possibilité de voir apparaître du chômage involontaire. Pour la macroéco-nomie classique, tous les gens qui veulent travailler le peuvent, à condition qu’ils acceptent le salaire que leur propose le marché. C’est la flexibilité du salaire réel qui permet le plein-em-ploi des travailleurs.

En effet, supposons qu’à un moment donné, l’offre de travail soit supérieure à la demande de travail, autrement dit No > Nd. Il y a donc plus de gens qui veulent travailler que d’entreprises qui veulent embaucher. Dans cette situation, le modèle prédit une baisse du salaire réel sur le marché du travail. Cette baisse incitera certaines entreprises à embaucher davantage (Nd aug-mente). En outre, certains individus sortiront volontairement du marché du travail, découragés par la baisse de salaire (No diminue). La flexibilité du salaire réel permettra alors de revenir à une situation dans laquelle No = Nd, une situation qui exclut la possibilité de chômage involon-taire.

<ajouter ici partie sur rigidité salariale et chômage involontaire>

No, Nd

No

w pe

NPE

wp----© ¹§ ·

PE

chômeurs volontaires

w pe� �PE

w pe

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L’existence d’un équilibre de plein-emploi conduit donc les économistes classiques à rejeter toute politique interventionniste de l’Etat pour relancer l’économie. Pour eux, les déséquilibres macroéconomiques ponctuels seront automatiquement résorbés par la flexibilité des prix. L’in-tervention de l’Etat doit se limiter aux fonctions régaliennes: la justice, le maitien de l’ordre, la sécurité extérieure (diplomatie et défense du territoire), et l’émission de monnaie.

2. LE MODELE KEYNESIEN ET L’EFFICACITE DES POLITIQUES DE RELANCE

Même si l’on ne peut pas reprocher au modèle classique de l’équilibre macroéconomique son manque de cohérence interne, ce dernier repose néanmoins sur des hypothèses si restrictives qu’elles ne collent souvent pas à la réalité de la conjoncture économique. Ainsi, la grande dé-pression des années 1930 et la crise financière et économique qui a débuté en 2008 ont mis en évidence que laisser faire le marché ne conduit pas toujours à une situation de croissance et de plein-emploi, mettant à mal la vision classique du fonctionnement de l’économie. C’est la rai-son pour laquelle la vision de John Maynard Keynes qui propose dans les années 1930 un mo-dèle macroéconomique admettant la possibilité d’existence de chômage involontaire doit être pris en considération. Selon Keynes, il se peut que dans certaines situations, le marché ne par-vienne pas spontanément à conduire l’économie vers la croissance et le plein-emploi. Dans ce contexte, il est nécessaire que l’Etat intervienne pour relancer l’activité économique.

2.1. Les hypothèses du modèle

Les principales hypothèses du modèle présenté par Keynes sont les suivantes:

- Une économie d’incertitude: pour Keynes, l’incertitude règne dans la vie économique. Par conséquent, l’état de l’économie dépend de la façon dont les agents économiques appré-cient et évaluent leur environnement et leur futur.- Une économie de la demande: Keynes décrit une économie tirée par la demande. Le niveau de la demande détermine les comportements d’offre des entreprises. Plus précisé-ment, puisque l’incertitude règne, c’est l’idée que les entrepreneurs ont de la demande qui s’adressera à eux qui détermine le niveau de production qu’ils vont mettre en place. Keynes nomme cette demande la demande effective.- Une économie monétaire: selon Keynes, la monnaie n’est pas neutre. Les fluctuations monétaires ont un impact sur le niveau d’activité et sur le niveau d’emploi via le taux d’intérêt. En effet, le taux d’intérêt de la monnaie se détermine sur le marché de la monnaie et dépend de la confrontation entre la demande de monnaie et l’offre de monnaie.

Les caractéristiques de l’économie keynésienne conduisent aux 2 propriétés suivantes:

- Le sous-emploi représente une situation d’équilibre. La cause première du chômage chez Keynes résulte d’une insuffisance de la demande globale qui gouverne l’activité économi-que. Dans ce modèle, rien n’assure que le niveau de demande effective au cours d’une période conduise à l’équilibre de plein-emploi.-L’efficacité des politiques interventionnistes: le niveau de l’emploi peut être influencé à travers une modification de la demande perçue par les entrepreneurs. Le rôle de la politique économique est alors d’ajuster cette demande dans le sens recherché.

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En résumé, contrairement à la logique du modèle classique où l’offre crée sa propre demande, pour Keynes, c’est la demande effective à laquelle les agents s’attendent à être confrontés à l’équilibre qui détermine l’offre. Dès lors, l’ordre logique dans lequel on doit aborder l’étu-de de l’équilibre macroéconomique se trouve modifié par rapport au modèle classique.

Keynes décrivant une économie tirée par la demande, le point de départ naturel consiste à étu-dier les différents déterminants de la demande globale ainsi que l’équilibre sur le marché des biens et services.

2.2. L’équilibre sur le marché des biens et services2.2.1. Les composantes de la demande globale en économie fermée2.2.1.1. La fonction de consommation keynésienne

Dans une économie fermée, la demande globale a 3 composantes: la consommation, l’investis-sement et les dépenses publiques.

La fonction de consommation keynésienne sous son expression la plus simple prend la forme suivante:

C = cY + Co avec 0 < c < 1

Le paramètre c représente la propension marginale à consommer (ou PmC). Il s’agit de l’aug-mentation de la consommation consécutive à une hausse du revenu global de 1 euro. Par exem-ple, si c = 0,75, cela signifie que les agents consacrent 75% de l’augmentation du revenu à la consommation, ou autrement dit cela signifie que quand le revenu Y augmente de 1 euro, la con-sommation augmente de 0,75 euro.

D’un point de vue mathématique, la PmC désigne la dérivée de la fonction de consommation par rapport au revenu Y, soit:

PmC =

Attention: la PmC ne doit pas être confondue avec la propension moyenne à consommer (notée PMC). La PMC désigne le rapport entre la fonction de consommation et le revenu global Y, soit:

PMC = = = c +

La PMC désigne la part du revenu national consacrée à la consommation.Enfin, dans la fonction de consommation, le paramètre Co désigne la consommation incom-pressible, c’est-à-dire ce que les individus consomment même lorsque le revenu Y est nul. Il s’agit d’un minimum de subsistance.

Etant donné que toute la partie du revenu qui n’est pas consommée est nécessairement épargnée, on peut facilement en déduire l’expression de la propension marginale à épargner, soit:

PmS = s = 1 - c

CwYw

------

CY----

cY Co�Y

-------------------CoY

------

Page 13: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

De même, la fonction d’épargne se déduit très facilement: il s’agit d’un résidu, c’est-à-dire de la partie du revenu qui n’est pas consommée:

S(Y) = Y - C = Y - cY - Co = (1 - c)Y - Co

L’épargne dépend ici du revenu global (S(Y)). Plus précisément, selon Keynes, les agents cher-chent d’abord à satisfaire leurs besoins de consommation présents et une fois ces besoins satis-faits, s’il reste quelque chose par rapport au revenu reçu, ils l’épargneront.

2.2.1.2. L’investissement et les dépenses publiques

Pour Keynes, l’investissement mis en place par les entrepreneurs dépend du taux d’intérêt du marché (comme chez les classiques) mais également des anticipations des entrepreneurs con-cernant la demande future. Les anticipations des entrepreneurs étant quelque chose de très dif-ficile à modéliser, nous supposerons pour simplifier que l’investissement est un montant exogène décidé par les entreprises en fonction de ces deux paramètres, et nous notons:

I = Io

Enfin, les dépenses publiques (G) sont également supposées exogènes, et nous notons:

G = Go

2.2.2. L’équilibre entre l’offre et la demande globale

A l’équilibre sur le marché des biens et services, l’offre globale est égale à la demande globale. On note OG l’offre globale. On a alors:

OG = Y

La demande globale correspond à la somme de la consommation, de l’investissement et des dé-penses publiques, soit:

DG = C + I = cY + Co + Io + Go

Graphiquement, l’équilibre entre l’offre et la demande globale se représente à l’aide d’un dia-gramme à 45 degrés. On obtient la situation suivante:

Page 14: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.11. L’équilibre sur le marché des biens et services et diagramme à 45 degrés

La droite à 45 degrés représente tous les points pour lesquels on a l’égalité entre l’offre et la demande globale. L’intersection entre la droite de demande globale et la droite à 45 degrés don-ne le niveau de production d’équilibre de l’économie Y*. C’est le niveau de production qui permet d’ajuster l’offre et la demande sur le marché des biens et services. Ce niveau de pro-duction dépend donc intégralement du niveau de la demande globale. Plus celle-ci est élevée, plus Y* est élevé. Par conséquent, dans cette vision du marché des biens et services, l’offre s’adapte à la demande et non l’inverse.

2.2.3. Un équilibre de sous-emploi

Jusqu’à présent, on n’a pas parlé du marché de l’emploi. L’équilibre entre l’offre et la demande globale est obtenu indépendamment de l’équilibre sur le marché du travail. Par conséquent, rien ne garantit que le niveau de production Y* correspond à une situation de plein-emploi des fac-teurs de production. En d’autres termes, si YPE > Y*, on a une situation de sous-emploi carac-térisée par une insuffisance de la demande globale. Autrement dit, le niveau d’activité Y* est insuffisant pour pouvoir donner du travail à tous ceux qui souhaitent en avoir. Dans ce modèle, il est donc possible qu’il y ait du chômage involontaire lié à l’insuffisance de la demande glo-bale.

45oOG: Y

DG: C, I, G

OG = DG

Y1 Y*Yo

C = cY + Co

C + I

C + I + G

Yobs

Page 15: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.12. Equilibre sur le marché des biens et services et sous-emploi

Le graphique précédent montre que la demande globale conduit à un niveau d’activité écono-mique égal à Y*. Cependant, le niveau de production qui assure le plein-emploi est supérieur (et vaut YPE). La demande globale est donc insuffisante et conduit donc à l’existence de chômage involontaire (il faudrait que la demande passe de DG à DG’ pour résorber le chômage involon-taire). Si rien n’est fait pour corriger cette situation, l’économie peut rester durablement en si-tuation de sous-emploi sans qu’aucun mécanisme de marché ne résorbe le chômage involontaire.

C’est pourquoi, dans cette situation, Keynes préconise l’intervention de l’Etat sous forme d’in-vestissements publics. Selon Keynes, l’augmentation des dépenses publiques permet d’alimen-ter la demande globale et de tirer à la hausse la production globale par l’intermédiaire de l’effet multiplicateur.

2.3. Les effet multiplicateurs et la politique budgétaire

L’analyse keynésienne du marché des biens et services a abouti à la conclusion selon laquelle la politique économique de l’Etat est nécessaire pour stimuler la demande globale et la produc-tion globale en situation de sous-emploi. Le moyen le plus naturel pour soutenir la demande glo-bale est la mise en place d’une politique budgétaire consistant à augmenter les investissements publics.

Mais le point fort de l’analyse keynésienne consiste à montrer que l’augmentation de la deman-de globale d’un montant consécutive à une hausse des investissemements publics ou pri-vés conduit à une augmentation plus importante du revenu global Y et donc de l’emploi. Autrement dit, si la demande globale augmente de 1 euro, l’augmentation du revenu global qui en résulte sera supérieure à 1 euro. C’est le principe de l’effet multiplicateur.

Exemple: si = 100 et que la variation du revenu qui en résulte est = 200, alors le mul-tiplicateur vaut:

45oOG: Y

DG

OG = DG

DG

Y* YPE

DG’

'DG

'DG 'Y

Page 16: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

k = = 2

Autrement dit, le revenu a été multiplié par 2 par rapport à l’augmentation initiale de la demande globale). On peut dire aussi que lorsque la demande globale augmente de 1 euro, le revenu glo-bal augmente de 2 euros.

2.3.1. Le mécanisme du multiplicateur en économie fermée sans Etat

Intuitivement, le mécanisme est assez simple à comprendre. Supposons que le niveau de l’in-vestissement privé augmente d’un montant . Cela se traduira par une augmentation de la de-mande globale dans les mêmes proportions. Cette hausse de la demande globale tire à la hausse la production globale pour un même montant. La production globale étant égal au revenu natio-nal, ce dernier peut-être soit consommé, soit épargné. La partie qui est consommée va alors de nouveau alimenter la demande globale, et donc la production et ainsi de suite. Schématique-ment, on obtient la situation suivante:

Schéma 1.1. Le multiplicateur dans le cas général

L’effet multiplicateur vient de ce que la hausse de la consommation qui résulte de la hausse initiale de l’investissement réalimente la demande globale qui elle-même stimule encore plus la production. Malheureusement, cet effet multiplicateur n’est pas inépuisable. Cet effet s’estompe peu à peu car à chaque fois que le revenu global augmente, une partie du revenu est épargnée et cette épargne n’alimente plus la demande globale mais fuit hors du circuit du mul-tiplicateur.

La question qui se pose alors est de quantifier l’importance de cet effet multiplicateur. En d’autres termes, est ce qu’une hausse des investissements de 1 euro permet de doubler la pro-duction ? De la tripler ? Intuitivement, on peut penser que l’importance de l’effet multiplicateur dépend de la façon dont la hausse du revenu national est partagée entre consommation et épar-gne. Si le partage est plutôt favorable à la consommation, l’effet multiplicateur sera élevé car la hausse de la consommation réalimente la demande globale et donc la production. Si le partage est plutôt favorable à l’épargne, l’effet multiplicateur sera plus faible car l’épargne ne réalimen-te pas la demande globale mais traduit une fuite du multiplicateur.

D’un point de vue analytique, l’effet multiplicateur correspond à la variation du produit global par rapport à la variation de l’investissement . Autrement dit, on a:

kI =

'Y'G--------

'I

'I 'DG 'Y'C

'S fuite

'C'I

'Y 'I

'Y'I-------

Page 17: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Pour le calculer, on commence par déterminer le niveau de production Y* qui assure l’équilibre sur le marché des biens et services. Si on considère dans un premier temps une économie sans Etat, on a, à l’équilibre sur le marché des biens et services:

OG = DG

Y = C + I

Y = cY + Co + Io

Y - cY = Co + Io

Y* =

Supposons à présent que l’investissement augmente d’un montant .On peut en déduire faci-lement la valeur du multiplicateur keynésien k:

kI =

Or,

= =

Par conséquent, on a:

kI = = =

L’effet multiplicateur correspond à l’inverse de la propension marignale à épargner. Plus cette propension est élevée, plus multiplicateur sera faible. Dans le cas extrême où s = 1, une aug-mentation de 1 euro du revenu entraîne une hausse de 1 euro de l’épargne. La consommation supplémentaire est donc nulle et le coefficient multiplicateur vaut 1. En d’autres termes, on a alors:

kI = = 1

soit,

=

En d’autres termes, dans ce cas extrême, la hausse de la production induite par la hausse des investissements publics entraîne une variation nulle de la consommation (car toute la hausse de la production est épargnée). Par conséquent, la demande globale n’est pas réalimentée et le re-venu global augmente dans des proportions identiques à l’augmentation des investissements. La

�Co Io�1 c�

-----------------

'I

'Y'I-------

'YCo Io 'I� �

1 c�-----------------------------

Co Io�1 c�

-----------------� 'I1 c�-------------

'I1 c�-------------

'I------------- 1

1 c�------------- 1

s---

'Y'I-------

'Y 'I

Page 18: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

boucle du multiplicateur ne joue pas du tout.

Schéma 1.2. Le multiplicateur dans le cas où la propension marginale à épargner est maxi-male

Par conséquent, plus s est élevé, plus le multiplicateur est faible. Inversement, plus s est faible et donc c (PmC) est élevé, plus le multiplicateur est important car une PmC élevée signifie qu’une partie importante de la hausse du revenu global Y est consacrée à la consommation et donc, sert à réalimenter la demande globale.

<Introduire exemple numérique ici>

2.3.2. Généralisation de la formule du multiplicateur

Comme nous l’avons vu précédemment, le multiplicateur d’investissement prend la forme sui-vante:

kI =

Si à présent on raisonne sur des variations infiniment petites de l’investissement, la formule du multiplicateur devient:

kI =

2.3.3. L’introduction du budget de l’Etat et l’effet multiplicateur

On suppose désormais que l’Etat intervient dans l’économie en prélevant des impôts et en réa-lisant des dépenses publiques. La prise en compte du budget de l’Etat modifie la fonction de consommation car l’Etat prélève des impôts et opère des transferts vers les ménages (exemples: allocations chômages, RMI etc.). Par conséquent, la consommation des ménages est désormais fonction du revenu disponible après déduction des impôts et adjonction des transferts versés par les administrations publiques. En d’autres, termes, on a:

Yd = Y - T + F

Avec T le montant des impôts versés et F le montant des transferts reçus. On supposera que le montant des impôts versé par les ménages à l’Etat comprend une partie forfaitaire et une partie proportionnelle au revenu national Y. En d’autres termes, on posera:

T = tY + To,

avec t = taux d’imposition (0 < t < 1), et To désignant le montant de l’impôt forfaitaire, c’est-à-dire, qui ne dépend pas du revenu Y.

'I 'DG 'Y'C 0

'S 'Y fuite

'Y'I-------

'Y'I-------

'I 0olim Yw

Iw------

Page 19: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Regardons à présent l’impact de l’introduction du budget de l’Etat sur le multiplicateur d’inves-tissement. A l’équilibre sur le marché des biens et services, on a:

OG = DG

Y = cYd + Co + Io + Go

Y = c(Y - T + F) + Co + Io + Go

Y = c(Y - tY - To + F) + Co + Io + Go

Y - cY + ctY = cF + Co + Io + Go - cTo

On en déduit le revenu d’équilibre:

Y* =

et le multiplicateur d’investissement:

kG = = = <

Le multiplicateur d’investissement est plus faible que dans une économie sans Etat. Cela est dû à l’existence d’un impôt proportionnel au revenu qui a pour effet de freiner l’augmentation de la demande globale. Autrement dit, initialement, lorsque l’investissement augmente, le revenu augmente dans les mêmes proportions. Mais cette hausse du revenu global est désormais parta-gée entre l’épargne, le paiement d’impôts supplémentaires (l’impôt étant proportionnel, plus l’activité économique est importante, plus T augmente) et la consommation. Il existe donc à pré-sent deux types de fuites dans le circuit du multiplicateur qui empêchent la demande globale d’être alimentée à plein régime (l’impôt et l’épargne) alors que dans une économie sans Etat, seule l’épargne constituait une fuite.

Schéma 1.3. Multiplicateur d’investissement public dans le cas de la mise en place d’un impôt proportionnel

Deux cas extrêmes peuvent être signalés. Tout d’abord, si le taux d’imposition est nul (t = 0), alors le multiplicateur avec impôt équivaut au multiplicateur sans impôt, et donc on a:

cF Co Io Go cTo�� � �1 c� ct�

-----------------------------------------------------------

YwIw

------ YwGw

------- 11 c� ct�------------------------ 1

1 c�-------------

'G 'DG 'Y 'Yd'S

'C

'T t'Y fuitefuite

Page 20: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

kG =

Dans l’autre situation extrême, si t = 1, alors toute la hausse du revenu est redistribuée à l’Etat sous forme d’impôts et n’alimente donc pas la consommation et la demande globale. Dans ce deuxième cas de figure, l’effet multiplicateur vaut 1 et on a:

, et k = 1

2.3.4. Comparaison de l’efficacité de la politique budgétaire et fiscale

Analysons ce qui se passe si, au lieu d’augmenter les dépenses publiques, l’Etat décide de di-minuer le montant de l’impôt forfaitaire. Intuitivement, on pourrait penser que si au lieu d’aug-menter ses investissements dans l’économie, l’Etat réduit les impôts forfaitaires perçus d’un montant équivalent, l’effet sur la demande globale sera similaire et donc, l’efficacité du multi-plicateur sera équivalente. Tel n’est pas le cas. On peut montrer que la mise en place d’une po-litique fiscale dans un contexte keynésien est moins efficace qu’une politique budgétaire expansionniste.

Calculons le multiplicateur des impôts forfaitaires. En reprenant l’expression du revenu d’équi-libre calculée dans la section précédente, on a:

kTo = =

Le multiplicateur des impôts forfaitaires est évidemment négatif car le revenu global et l’impôt forfaitaires sont deux grandeurs qui varient dans un sens opposé. Autrement dit, lorsque l’impôt forfaitaire augmente, le revenu diminue et inversement.

Cependant, si on prend la valeur absolue du multiplicateur d’impôts forfaitaires et qu’on la com-pare au multiplicateur d’investissement, on remarque facilement que le multiplicateur d’impôt est toujours plus faible que le multiplicateur d’investissement. En d’autres termes:

< car c < 1

Le terme de gauche donne l’augmentation du revenu global Y consécutive à une diminution de 1 euro du montant de l’impôt forfaitaire T. Le terme de droite donne l’augmentation de Y con-sécutive à une hausse de 1 euro du montant des dépenses publiques.

Exemple: supposons que c = 0,8 et t = 0,1. Dans ce cas, on a:

= = 2,85: une diminution de 1 euro de To induit une hausse de 2,85 euros

de Y.

= 3,57: une hausse de 1 euro de G engendre une hausse de 3,57 euros de Y.

11 c�-------------

'T 'Y 'C 'S 0

YwcTow

----------- c�1 c� ct�------------------------

c�1 c� ct�------------------------ 1

1 c� ct�------------------------

c�1 c� ct�------------------------ 2 85��

11 c� ct�------------------------

Page 21: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Par conséquent, le multiplicateur des dépenses publiques est plus efficace que le multiplicateur d’impôts forfaitaires. Une hausse des dépenses publiques a un effet multiplicateur plus fort sur le revenu global Y qu’une baisse de l’impôt forfaitaire d’une ampleur équivalente.

Pour comprendre pourquoi le multiplicateur d’impôts est moins efficace, il est nécessaire de dé-composer le mécanisme dans le cas d’une baisse d’impôt forfaitaire. Plus précisément, si les im-pôts forfaitaires diminuent, la conséquence directe est une augmentation du revenu disponible des ménages. Ce revenu disponible supplémentaire est soit consommé, soit épargné. La partie du revenu disponible destinée à la consommation peut alors alimenter la demande globale qui elle-même alimente l’offre globale. L’offre globale augmentant, le revenu disponible augmente de nouveau et la boucle du multiplicateur se met en marche. Schématiquement, on obtient la si-tuation suivante:

Schéma 1.4. le fonctionnement du multiplicateur d’impôts

Si on compare le schéma 1.4. avec le schéma 1.3., on comprend mieux pourquoi le multiplica-teur d’investissement est plus efficace. Au moment de l’impulsion initiale provoquée par la hausse dépenses publiques, le multiplicateur d’investissement agit dans un premier temps direc-tement sur la demande globale. En revanche, le multiplicateur d’impôts agit dans un premier temps sur le revenu disponible des ménages. Or, une partie de ce revenu disponible est épar-gnée, ce qui pénalise d’autant la consommation, et donc la hausse de la demande globale.

Autrement dit, pour le multiplicateur d’investissements, on a initialement: = = : Ainsi, une hausse de 1 euro de G entraîne initialement une hausse de 1 euro de la demande glo-bale et de l’offre globale.

En revanche, pour le multiplicateur d’impôts, on a = < = . Une baisse de 1 euro des impôts forfaitaires entraîne une hausse de 1 euro du revenu disponible. Mais puis-qu’une partie du revenu disponible est épargnée, la hausse de la demande globale qui en résulte sera inférieure 1 euro. Par exemple, si la PmC vaut 0,8, la consommation augmentera seulement de 0,8 euro, et il en sera de même pour la demande globale et l’offre globale.

Il résulte donc que le multiplicateur d’impôts pénalise davantage la demande globale (et donc l’offre globale) que le multiplicateur d’investissement. En effet, le premier agit dans un premier temps sur le revenu disponible (qui n’est pas consommé en totalité) tandis que le deuxième agit en premier lieu directement sur la demande globale et la production glo-bale. C’est la raison de sa meilleure efficacité.

2.3.5. Le multiplicateur des transferts publics

'To 'Yd'S

'C 'DG 'Y

fuite

t'Y fuite

'Go 'DG 'Y

'To 'Yd 'DG 'Y

Page 22: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Le multiplicateur des transferts publics correspond à la hausse du revenu global Y consécutive à une hausse de 1 euro du montant des transferts aux ménages. on a alors:

kF =

kF =

Le multiplicateur de transferts publics est équivalent au multiplicateur d’impôts au signe «moins» près. Autrement dit, une hausse de 1 euro du montant des transferts a la même inciden-ce sur le revenu global Y qu’une baisse de 1 euro du montant des impôts forfaitaires. Comme le multiplicateur d’impôts, le multiplicateur des transferts publics est donc plus faible que celui des investissements publics car une hausse des transferts publics agit en premier lieu sur le re-venu disponible des ménages (et non pas directement sur la demande globale).

2.3.6. Le multiplicateur du budget équilibré ou théorème d’Haavelmo

Supposons à présent que le gouvernement décide de financer intégralement la hausse des dé-penses publiques par une hausse de l’impôt forfaitaire. Intuitivement, on pourrait penser que l’effet multiplicateur des dépenses publiques est annulé par une hausse des impôts. En d’autres termes, le gouvernement contribue à l’augmentation la demande globale et du produit national d’un côté (hausse de G) tout en étant également responsable de la diminution de ces deux gran-deurs de l’autre (hausse de To). En termes plus familiers, on pourrait croire ici que l’Etat donne d’une main et reprend de l’autre, ce qui par conséquent, devrait laisser le revenu global Y in-changé ( ).

On peut montrer très facilement que cette intuition, quoique paraissant évidente au premier abord, est fausse. Pour cela, et pour simplifier l’analyse, on supposera que l’impôt proportionnel est nul (autrement dit, t = 0) et que les ménages ne supportent que l’impôt forfaitaire To. Autre-ment dit, on a T = To.

Dans le cas où l’impôt proportionnel est nul, le multiplicateur des dépenses publiques s’écrit, comme nous l’avons déjà vu, de la façon suivante:

= (1)

Le multiplicateur d’impôts, quant à lui, s’écrit de la façon suivante:

= (2)

La variation nette du produit national induite par la mise en place simultanée d’une hausse des dépenses publiques et d’une hausse des impôts forfaitaires s’obtient en aditionnant les relations (1) et (2). On obtient alors:

= -

YwFw

------

� c1 c� ct�------------------------

'Y 0

'Y 11 c�-------------'G

'Y c�1 c�-------------'To

'Yn1

1 c�-------------'G c

1 c�-------------'To

Page 23: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Autrement dit, la variation nette du produit national correspond à la différence entre ce que

l’économie gagne grâce à la hausse des dépenses publiques ( > 0) et ce qu’elle perd

en raison de la hausse des impôts (- < 0).

Puisque = , on peut réécrire la relation précédente comme suit:

= +

Si on met en facteur, on a alors:

=

Le multiplicateur du budget équilibré n’est donc pas nul mais est égal à 1. Autrement dit, une hausse des dépenses publiques de 1 euro financée par une hausse des impôts de 1 euro n’a pas un effet nul sur le revenu global Y, mais l’augmente de 1 euro. Par conséquent, plus le mon-tant des dépenses publiques est important, plus le revenu global augmente, et dans les mêmes proportions que les dépenses publiques.

Intuitivement, ce résultat s’explique par le fait que le multiplicateur d’investissement est plus important que le multiplicateur d’impôts (kG > kTo). Par conséquent, l’augmentation de l’offre globale que permet d’obtenir une hausse des dépenses publiques est plus forte que la baisse de production induite par une hausse des impôts forfaitaires d’un montant équivalent. Dit autre-ment, puisque kG > kTo, l’effet positif de la politique budgétaire sur l’offre globale est supérieur à l’effet néfaste de la politique fiscale sur cette même offre globale. Par conséquent, l’effet net de la combinaison de ces deux politiques est favorable à une augmentation de la production glo-bale Y. L’inconvénient de la mise en place d’une telle politique est qu’elle ne peut être utilisée qu’avec modération par les pouvoirs publics car augmenter continuellement les dépenses publi-ques en ayant recours à une hausse sans fin de l’imposition n’est pas supportable pour les con-tribuables.

2.3.7. Le multiplicateur keynésien en économie ouverte

Pour rendre le modèle plus réaliste, nous allons maintenant admettre que l’économie exporte une certaine quantité de marchandises vers le reste du monde et importe également des mar-chandises à partir des pays étrangers. On suppose que le niveau des exportations (notées X) est exogène, et est principalement déterminé par l’activité dans les économies étrangères. On écrit donc:

X = Xo

Cette hypothèse semble réaliste pour un pays comme la France. En effet, pour un petit pays comme la France, le niveau du revenu à l’étranger et la demande étrangère de biens d’exporta-

11 c�-------------'G

c1 c�-------------'To

'G 'To

'Yn1

1 c�-------------'G c�

1 c�-------------'G

'G

'Yn1 c�1 c�-------------'G

� 'Yn 'G

Page 24: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

tions français sont largement indépendants du niveau de revenu dans l’économie française. En revanche, on admettra que les importations (notées M) dépendent du revenu global Y selon la relation suivante:

M = mY,

m désignant la propension marginale à importer: il s’agit de la fraction d’une hausse du revenu national consacrée aux importations. Là aussi, c’est une hypothèse relativement réaliste. Par exemple, si le PIB français augmente, l’économie française aura besoin de davantage de matiè-res premières qu’elle ne peut pas produire pour faire fonctionner l’économie (pétrôle, gaz etc.). La demande d’importations est donc positivement corrélée au niveau d’activité d’activité do-mestique Y.

L’ouverture de l’économie vers l’extérieur change l’expression de l’offre et de la demande glo-bale. L’offre globale comprend désormais la production nationale Y à laquelle on doit rajouter la production de biens et services des pays étrangers vendue à l’économie nationale (en d’autres termes les importations M). On a donc:

OG = Y + M

La demande globale correspond à la demande de consommation, d’investissements publics et privés, à laquelle on doit rajouter la demande de biens et services que le reste du monde com-mande à l’économie nationale. On a donc:

DG = C + I + G + X

A l’équilibre sur le marché des biens et services, l’offre globale doit être égale à la demande globale soit:

OG = DG

Y + M = C + I + G + X

Y + mY = cYd + Co + Io + Go + Xo

Y + mY = c(Y - tY - To + Fo) + Co + Io + Go + Xo

Y + mY - cY + ctY = - cTo + cFo + Co + Io + Go + Xo

Y* =

L’ouverture de l’économie a pour conséquence d’affaiblir encore plus le multiplicateur des dé-penses publiques. On a en effet:

k = = <

Le coefficient m apparaît maintenant avec un signe positif au dénominateur de la formule du

�cTo� cFo C� o Io Go Xo� � � �

1 c� ct m� �-------------------------------------------------------------------------------

YwGw

------- 11 c� ct m� �---------------------------------- 1

1 c� ct�------------------------

Page 25: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

multiplicateur, ce qui diminue encore plus son efficacité. L’affaiblissement du multiplicateur s’explique par le fait que lorsque les dépenses publiques augmentent, une portion m de la hausse du revenu global Y qui en résulte est destinée à l’achat de produits importés du reste du monde. Par conséquent, ces achats n’alimentent pas la demande et la production globale nationale, mais nourrissent la production et la croissance des pays étrangers. L’importation de produits cons-titue donc une nouvelle fuite dans le circuit du multiplicateur car elle détourne une partie de la demande globale nationale vers l’achat de biens produits par les pays étrangers.Autrement dit, 1 euro de produits importés en plus, c’est 1 euro de demande nationale en moins, et donc, 1 euro de production nationale en moins. Il résulte donc de cette analyse que plus la propension marginale à importer est importante, plus la relance budgétaire profitera aux pays étrangers et non pas à l’économie nationale !

C’est ce qui s’est passé en 1981 lors de la mise en place de la politique de relance de la demande en France. La politique de relance du gouvernement Mauroy consistait en une vaste politique de dépenses budgétaires. Plus de 110 000 emplois publics ont été créés, le SMIC a été augmenté (de 31% entre juin 1981 et mars 1983) et les prestations familiales ont été revalorisées (de 25% en juillet 1981 et de 25% en 1982 pour les familles de deux enfants) ainsi que les allocations logements (de 25% en juillet 1981 et de 20% en décembre 1981). De plus, des aides financières ont été attribuées aux secteurs économiques en difficulté comme le textile et l’acier. Cette poli-tique de relance n’a pourtant pas eu les effets escomptés sur la croissance. Durant cette période, la valeur du multiplicateur budgétaire était négligeable (1,05 en 1982). La principale cause de la faiblesse du multiplicateur vient de ce que la politique de relance a buté sur la contrainte ex-térieure. Au lieu d’acheter des biens nationaux et donc, de doper la production et la croissance nationale, les français ont acheté massivement des biens produits à l’étranger. Puisque dans le même temps, les pays étrangers menaient une politique de rigueur, les exportations ont peu pro-gressé sur la période 1981-1983. Le solde de la balance commerciale s’est donc dégradé. Notre politique a donc contribué en partie à la croissance de nos partenaires commerciaux étrangers !

Pourtant, certains politiques et économistes estiment qu’une politique de relance par la demande menée sur le plan mondial pourrait être efficace pour lutter contre la crise économique de 2008. En effet, si la relance menée par la France profite en partie aux pays étrangers (hausse des im-portations en provenance des pays étrangers), une relance menée dans les autres pays profiterait aussi à la France (hausse des exportations vers ces pays qui alimente la production nationale), ce qui pourrait atténuer l’impact négatif de la contrainte extérieure sur la croissance, à l’instar de ce qui s’est passé lors de la politique de relance du gouvernement Chirac en 1975.

Pour une analyse comparée des relances françaises de 1975 et 1981-1982, voir l’article de Fonteneau et Gubian en ligne sur le bureau virtuel.

2.4. Introduction de la monnaie et efficacité des politiques économiques

L’objectif de cette section est de montrer que la prise en compte du marché de la monnaie af-fecte l’efficacité du multiplicateur keynésien, et donc de la politique budgétaire. Nous analysons également l’impact prévisible d’une politique de relance par la monnaie (politique monétaire) selon Keynes. Mais avant d’en arriver là, il est nécessaire de bien comprendre comment fonc-tionne le marché monétaire selon la logique keynésienne.

2.4.1 Le marché monétaire chez Keynes

Dans l’approche keynésienne, c’est l’équilibre entre l’offre et la demande de monnaie qui dé-

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termine le taux d’intérêt du marché, et non pas l’équilibre entre l’épargne et l’investissement. En d’autres termes, le taux d’intérêt se détermine sur le marché de la monnaie, et pas sur le marché des biens et services, comme dans le modèle classique. C’est une différence fon-damentale, car en fixant le taux d’intérêt, l’équilibre monétaire agit sur l’investissement, et donc sur le niveau de demande globale, de production globale et in fine, de l’emploi. Dans ces con-ditions, il n’y a plus de dichotomie entre l’économie monétaire et l’économie réelle. Des fluc-tuations sur le marché de la monnaie peuvent perturber ou au contraire encourager l’activité économique, d’où l’importance d’analyser le fonctionnement de ce marché avec attention.

2.4.1.1. L’offre et la demande de monnaie

Chez Keynes, comme chez les classiques, l’offre de monnaie émane des autorités monétaires (banques centrales) et est supposée exogène. On note l’offre de monnaie exprimée en termes réels. Cette offre étant exogène, on a alors:

=

L’aspect novateur du modèle keynésien se situe au niveau de la demande de monnaie. Pour Keynes, il existe trois motifs de détention de la monnaie:

- Le motif de transaction: les agents gardent de la monnaie pour effectuer des achats cou-rants. Ils détiennent donc de la monnaie afin de pouvoir financer les transactions qu’ils réa-lisent.- Le motif de précaution: les agents détiennent de la monnaie afin de constituer des réser-ves destinées à faire face à des dépenses imprévues.

Ces deux premiers motifs de détention de monnaie sont communs avec la vision classique de l’équilibre macroéconomique étudiée précédemment. On peut admettre que plus l’activité éco-nomique est importante, plus les agents auront besoin d’argent pour pouvoir réaliser leurs tran-sactions. De même, plus le revenu global est élevé, plus on peut supposer que les agents économiques auront tendance à mettre de côté de l’argent afin de faire face à d’éventuelles dé-penses imprévues. En conséquence, on peut admettre que la quantité de monnaie détenue pour motif de transaction et de précaution est une fonction croissante du revenu global Y. Nous appellerons L1 la quantité de monnaie détenue par les agents pour motif de transaction et de précaution.

- Le motif de spéculation: selon Keynes, les agents économiques peuvent vouloir détenir des encaisses monétaires afin d’attendre le moment propice pour acheter des titres à bas prix (notamment des obligations) qu’ils pourront revendre ultérieurement lorsque leur cours aura augmenté. Par conséquent, si à un instant t, ils anticipent que le cours des obligations va diminuer, ils préfèreront vendre leurs titres et récupérer des encaisses spéculatives qu’ils pourront utiliser plus tard. Si au contraire, ils pensent que le cours des titres risque d’aug-menter dans un futur proche, ils vont se séparer de leurs encaisses spéculatives et acheter des obligations sur les marchés financiers car ils espèrent pouvoir les revendre en réalisant une plus-value.

Ce troisième motif de détention de monnaie est spécifique à l’analyse keynésienne. Nous appel-lerons L2 la quantité de monnaie détenue par les agents pour motif de spéculation.

Mo pe

Mo

p------- M

p-----

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Keynes s’appuie sur le mécanisme boursier pour son analyse de la demande spéculative de mon-naie en admettant qu’il existe un lien inverse entre le cours des titres et le taux d’intérêt. Autrement dit, plus le taux d’intérêt augmente, plus le cours des titres baisse et vice-versa. Cette relation se démontre assez facilement.

Supposons qu’en période t0, une obligation A est émise pour un prix de 100 euros. Cette obli-gation rapporte à son détenteur un taux d’intérêt annuel fixe de 10%. Supposons qu’entre la pé-riode t0 et t1, le taux d’intérêt sur le marché monétaire augmente et qu’une nouvelle obligation (B) soit émise en t1 pour un prix de 100 euros. Cette obligation rapporte 12% d’intérêts à son détenteur. Les caractéristiques de ces deux obligations sont résumées dans le tableau suivant:

Supposons que M. Tartanpion achète l’obligation A en t0 et qu’il veule le revendre en t1. Comp-te tenu du taux d’intérêt de son obligation qui n’est que de 10%, personne en t1 ne voudra ache-ter son obligation à un prix de 100 euros car les agents savent qu’ils peuvent acheter pour le même prix l’obligation B qui rapporte un taux d’intérêt supérieur ! Vraisemblablement, M. Tar-tanpion devra revendre son obligation à un prix inférieur à 100 euros pour pouvoir espérer trou-ver un acheteur. On peut facilement calculer la valeur de revente de l’obligation A en période t1. Si on considère qu’en t1, une obligation rapportant 12% d’intérêt vaut 100 euros, on se demande combien vau-drait une obligation qui ne rapporte que 10% d’intérêt. La réponse à cette question s’obtient en résolvant un simple produit en croix. On a alors:

Valeur de l’obligation A en t1 = = 83,3 euros

Par conséquent, M. Tartanpion a fait une très mauvaise affaire en achetant l’obligation A en t0. En effet, il ne pourra revendre son obligation qu’au prix de 83,3 euros alors qu’il l’a achetée à 100 euros. Il réalise donc une moins-value de 16,7 euros. Cette moins-value est directement liée à la hausse des taux d’intérêt entre t0 et t1. En effet, pour un prix fixé à 100 euros, la hausse des taux d’intérêt rend l’obligation A moins intéressante pour les acheteurs car les nouvelles obligations émises sur le marché le sont à un taux supérieur à 10%. Pour pouvoir concurrencer ces nouvelles obligations, la seule solution pour M. Tartanpion est donc de revendre son obli-gation à un prix inférieur à son prix d’achat.

Il existe donc bien une relation inverse entre le taux d’intérêt et le cours des obligations. Plus le taux d’intérêt augmente, plus le cours des obligations qui ont été émises dans le passé à un taux d’intérêt fixe diminue. Il résulte donc de cette analyse que la demande d’encaisses spéculatives dépend des anticipations des agents économiques concernant le taux d’intérêt futur du marché. Plus le taux d’intérêt est élevé, plus le cours des titres est faible, et donc plus les agents ont ten-dance à acheter des titres et à se débarrasser de leurs encaisses spéculatives dans l’espoir de réa-liser des plus-values une fois que le taux d’intérêt se mettra à baisser et donc, que les cours

Caractéristiques de l’obli-gation

Obligation A Obligation B

Valeur (ou prix) 100 100

Taux d’intérêt 10% 12%

Date d’émission t0 t1

10 100u12

---------------------

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commenceront à remonter. De manière similaire, plus le taux d’intérêt est faible, plus le cours des titres est élevé. Dans cette situation, les agents seront donc de plus en plus nombreux à ven-dre leurs titres afin de ne pas risquer de réaliser des moins-values dans le cas où le taux d’intérêt se mettrait à croître. En vendant leurs titres, ils récupèrent de l’argent sous forme d’encaisses spéculatives qu’ils pourront réutiliser ultérieurement pour racheter des obligations quand ils es-timeront que les cours ont suffisamment baissé.

En conclusion, la demande de monnaie pour motif de spéculation est une fonction décrois-sante du taux d’intérêt. Plus le taux d’intérêt est élevé, plus le cours des titres est faible, et plus les agents se débarrassent de leurs encaisses spéculatives en achetant des titres. Inversement, plus le taux d’intérêt est faible, plus le cours des titres est élevé, et plus les agents seront nom-breux à vendre leurs titres. Ces ventes permettent alors d’augmenter la quantité d’encaisses spé-culatives détenues par ces agents.

Plus formellement, une partie de la demande de monnaie dépend donc du revenu Y. C’est la de-mande de monnaie pour motif de transaction et de précaution que nous notons L1(Y). L’autre partie de la demande de monnaie dépend du taux d’intérêt i. C’est la demande de monnaie pour motif de spéculation que nous notons L2(i). L’expression générale de la fonction de demande de monnaie keynésienne est donc la suivante:

= L1(Y) + L2(i)

2.4.1.2. L’équilibre monétaire

A l’équilibre sur le marché de la monnaie, l’offre de monnaie doit être égale à la demande de monnaie. Autrement dit, l’égalité suivante doit être respectée:

= L1(Y) + L2(i)

D’un point de vue graphique, l’équilibre sur le marché de la monnaie se représente de la manière suivante:

Md

p-------

Mp-----

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Graphique 1.13. L’équilibre monétaire keynésien

Sur ce graphique, le taux d’intérêt est porté sur l’axe vertical et la quantité de monnaie (offerte ou demandée) sur l’axe horizontal. Puisque l’offre de monnaie est supposée exogène, elle ne dépend pas du taux d’intérêt et peut être représentée par une droite verticale de niveau (en vert sur le graphique).

La demande de monnaie comprend deux composantes. La demande de monnaie transactionnel-le L1 ne dépend que du revenu Y qui est déterminé par l’équilibre du marché des biens et servi-ces. Par conséquent, il est indépendant du taux d’intérêt et il est représenté par une droite verticale de niveau L1 (en bleu sur le graphique). La distance qui va de 0 à L1 mesure donc la quantité d’encaisses détenues par les agents pour motif de transaction et de précaution. Au delà de L1 (et pour un taux d’intérêt inférieur à i1) commence la demande d’encaisses spéculatives L2 qui est une fonction décroissante du taux d’intérêt. Cela signifie que lorsque le taux d’intérêt est supérieur à i1, les cours sont tellement bas que tous les agents sont persuadés qu’ils ne peu-vent que remonter. Ils préfèrent donc acheter des titres dans l’espoir de réaliser des plus-values une fois que le taux d’intérêt aura baissé et donc, que les cours auront remonté. Les encaisses spéculatives sont donc nulles pour tout taux d’intérêt supérieur à i1. Ce n’est que lorsque le taux d’intérêt descend en dessous de ce taux plafond, et donc que les cours ont commencé à suffi-samment monter, que certains agents décident de vendre leurs titres et de récupérer des encais-ses spéculatives. Et évidemment, plus le taux d’intérêt baisse, plus les cours montent, et donc, plus nombreux seront les agents à vendre leurs titres en l’échange d’encaisses spéculatives.

Le point d’intersection entre l’offre de monnaie et la demande de monnaie permet d’obtenir le taux d’intérêt d’équilibre du marché i*. Sur le graphique 1.13., la demande d’encaisses spécu-latives à l’équilibre sur le marché de la monnaie correspond à la distance entre la droite verticale représentant L1 et la droite verticale représentant l’offre de monnaie. En d’autres termes, L2s’obtient en faisant la différence entre la masse monétaire en circulation et la demande de mon-naie transactionnelle L1. Il ne peut d’ailleurs en être qu’ainsi pour que l’équilibre entre l’offre et la demande de monnaie sur le marché monétaire soit respecté ( = L1 + L2).

Nous avons vu précédemment qu’il existait un taux i1 au-delà duquel la demande d’encaisses spéculatives est nulle. Mais Keynes met également en évidence l’existence d’un taux d’intérêt

i

,Mo

p------- Md

p-------

Mo pe

M pe

Md pe

L1

i0

i1

i*

0

M pe

M pe

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plancher (noté i0) en dessous duquel l’économie ne peut pas descendre. Dans cette situation, le taux d’intérêt est tellement bas que tous les agents sont convaincus qu’il ne peut que remonter. Dès lors, les agents anticipent une baisse des cours, et donc vident leurs portefeuilles de titres pour récupérer des encaisses spéculatives. On dit alors que les agents ont une préférence ab-solue pour la liquidité. Keynes appelle cette situation extrême la «trappe à liquidité». Keynes montre en outre que lorsque l’économie se trouve prise au piège de la trappe à liquidité, toute politique monétaire consistant à augmenter la masse monétaire en circulation est inefficace.

2.4.1.3. Trappe à liquidité et inefficacité de la politique monétaire

L’explication du mécanisme de fonctionnement du marché de la monnaie chez Keynes nous permet de nous rendre compte que ce modèle n’est pas dichotomique. Supposons par exemple que les autorités monétaires décident d’augmenter la masse monétaire. Le taux d’intérêt dans le modèle keynésien représentant en quelque sorte le «prix» de la monnaie, plus la monnaie en cir-culation est abondante, plus son «prix» devrait être faible, et donc plus le taux d’intérêt devrait, en toute logique, baisser.

C’est effectivement ce mécanisme que l’on constate lorsque l’équilibre monétaire se trouve ini-tialement dans la portion décroissante de la courbe de demande de monnaie. L’augmentation de la masse monétaire a alors bien pour conséquence une diminution du taux d’intérêt comme le montre le graphique suivant:

Graphique 1.14. Incidence d’une hausse de la masse monétaire sur le taux d’intérêt

L’augmentation de la masse monétaire de à rend la monnaie plus abondante dans l’économie, ce qui diminue le taux d’intérêt d’équilibre (de i* à i*’). Par exemple, d’un point de vue bancaire, lorsque la banque centrale injecte davantage de liquidités dans l’économie, les banques disposent d’une quantité de monnaie plus importante et peuvent donc augmenter leur offre de crédit (auprès des particuliers, des entreprises ou d’autres banques). Pour une demande de crédit inchangée, le taux d’intérêt baisse car les banques se font concurrence pour attirer les emprunteurs. La baisse des taux d’intérêt fait augmenter le cours des obligations et incite les agents à la thésaurisation.

i

,Mo

p------- Md

p-------

c

c

Md pe

L1

0

i*i*’

Mp----- Mc

p------

M pe Mc pe

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On peut aussi expliquer cette baisse des taux d’intérêt en faisant intervenir l’équilibre entre l’of-fre et la demande de monnaie. Si la masse monétaire augmente, la demande de monnaie doit aussi augmenter pour que l’équilibre soit conservé sur le marché monétaire. Pour un niveau d’activité Y constant (et donc, pour une demande transactionnelle de monnaie constante), la de-mande spéculative de monnaie doit augmenter pour absorber la hausse de la masse monétaire. Et la seule façon de convaincre certains agents à se débarrasser de leurs titres, c’est de faire aug-menter les cours en diminuant les taux d’intérêt (de i* à i*’).

Cette politique n’est évidemment pas neutre et a des répercussions sur le marché des biens et services. En rendant le crédit moins cher, la baisse du taux d’intérêt encourage la consommation et l’investissement, et donc, augmente la demande globale, l’offre globale et in fine, l’emploi. Par conséquent, les fluctuations sur le marché de la monnaie influencent l’équilibre du marché des biens et services (on peut d’ailleurs montrer que l’inverse est vrai).

Cependant, dans le cas où l’équilibre initial du marché de la monnaie se situerait dans la trappe à liquidité, la mise en place d’une politique visant à augmenter la masse monétaire et à baisser le taux d’intérêt s’avère complètement inefficace comme le montre le graphique suivant:

Graphique 1.14. Trappe à liquidité et inefficacité de la politique monétaire

Dans le cas extrême de la trappe à liquidité, la hausse de la masse monétaire de à n’a aucun impact sur le taux d’intérêt qui reste égal à i*. Cela s’explique par le fait que toute hausse de la masse monétaire n’est pas injectée dans l’économie mais se trouve immédiatement thésaurisée par les agents économiques en raison du cours très élevé des titres. Dans la situation où les taux d’intérêt sont très bas, tous les agents économiques (sans exception) anticipent que les cours (très élevés), ne peuvent que baisser (et donc que le taux d’intérêt, qui a atteint un ni-veau plancher, ne peut que remonter. Pour éviter tout risque de moins-value, tous les agents se débarrassent de leurs titres en échange d’encaisses spéculatives. Ainsi, lorsque l’économie se situe dans la trappe à liquidité, on dit que les agents ont une préférence absolue pour la monnaie.

Par exemple, d’un point de vue bancaire, le problème qui se pose lorsqu’on se trouve dans une trappe à liquidité est qu’au lieu de réinjecter les liquidités supplémentaires octroyées par la ban-

i

,Mo

p------- Md

p-------

c

Md pe

L1

i*

0 Mp----- Mc

p------

M pe Mc pe

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que centrale dans l’économie en augmentant leur offre de crédit, les banques préfèrent conser-ver ces liquidités. Par conséquent, l’offre de crédit ne varie pas et donc, le taux d’intérêt ne peut pas varier. Puisque le taux d’intérêt ne varie pas, l’économie réelle (investissement, croissance et emploi) n’est pas touchée et la politique monétaire est inefficace.

2.4.1.4. La crise économique de 2008 et le spectre de la trappe à liquidité

Dans la pratique, on parle de «trappe à liquidité» lorsque la politique monétaire de la banque centrale (hausse de la masse monétaire et diminution des taux directeurs de la banque centrale) n’arrive pas à relancer l’économie. A cet égard, certains économistes estiment que la crise éco-nomique qui a commencé en 2008 risque de conduire les principales puissances économiques mondiales dans une trappe à liquidité. Certains estiment que l’on y est déjà. En effet, en Europe, la BCE a augmenté l’offre de monnaie de 400 à 800 milliards d’euros dès septembre 2008. Son principal taux directeur, qui était de 4,25% en juillet 2008, a diminué progressivement pour at-teindre aujourd’hui 1%. Les banques centrales des autres pays occidentaux ont également injec-té massivement des liquidités dans l’économie après la crise financière et maintiennent également un taux directeur très bas (entre 0 et 0,25% pour le taux directeur de la FED, 0,5% pour la banque d’Angleterre). Pourtant, ces mesures se sont avérées inefficaces. Les conditions d’octroi de crédit se sont durcies depuis 2008. Malgré la baisse des taux directeurs et la hausse de la masse monétaire, les banques prêtent donc de moins en moins facilement, tant aux entre-prises qu’aux particuliers, du fait des perspectives économiques moroses, et préfèrent conserver les liquidités supplémentaires qui leur sont octroyées, plutôt que de les injecter dans l’économie. Il s’avère donc que les stimulis monétaires ne se sont pas transmis à l’économie réelle, malgré les baisses successives des taux d’intérêt.

Si cette situation perdure, l’économie mondiale pourrait se retrouver dans une trappe à liquidité dans laquelle il peut être difficile de sortir. En effet, le pessimisme du secteur bancaire sur les perspectives économiques futures les conduit à contracter leur offre de crédit, ce qui décourage la consommation et l’investissement. La baisse de la consommation et de l’investissement dé-priment l’activité économique, ce qui conforte les banques dans leur thésaurisation.

Une trappe à liquidité est également apparue sur le marché interbancaire au plus fort de la crise financière en septembre 2008. Alors que le système financier était en péril, la confiance sur le marché interbancaire s’est effondré. Chaque banque craignait la faillite des autres banques et de ce fait, toutes les banques refusaient de se prêter de l’argent entre elles. Les taux d’intérêt sur le marché interbancaire se sont de ce fait envolés. Afin d’endiguer ce problème, les banques cen-trales sont intervenues massivement en fournissant des liquidités aux banques pour rétablir la confiance sur le marché interbancaire. Mais la situation de panique était telle que les banques ont préféré dans un premier temps conserver les liquidités octroyées, plutôt que des utiliser sur le marché interbancaire.

2.4.2. L’incidence du marché monétaire sur l’efficacité du multiplicateur

On peut montrer que la prise en compte du marché de la monnaie affecte l’efficacité du multi-plicateur budgétaire en créant un effet d’éviction des investissements privés par les dépenses publiques. Pour simplifier l’analyse, on raisonne en économie fermée. On suppose également que l’Etat finance ses dépenses par émission de titres (émissions d’obligations) et qu’il ne pré-lève pas d’impôt proportionnel. Dans ces conditions, le multiplicateur des dépenses publiques mis sous forme de circuit peut être schématisé de la façon suivante:

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Schéma 1.5. le multiplicateur sans prise en compte du marché de la monnaie

Il s’agit du schéma standard du multiplicateur tel que nous l’avons analysé dans la section 2.3.1. Si à présent, on prend en considération le marché monétaire dans l’analyse, le circuit du multi-plicateur est modifié de la façon suivante:

Schéma 1.6. le multiplicateur avec prise en considération du marché de la monnaie

L’augmentation de la demande globale induite par la hausse des dépenses publiques entraîne naturellement une hausse de l’offre globale Y. Mais la hausse de l’offre globale entraîne à son tour une augmentation de la demande de monnaie pour motif de transaction (L1). Cela est natu-rel dans la mesure où lorsque l’activité économique augmente, il faut plus de monnaie pour fi-nancer les transactions supplémentaires qui s’opèreront alors sur le marché des biens et services. A ce stade de l’analyse, rappelons que l’équilibre sur le marché de la monnaie stipule l’égalité entre l’offre de monnaie et la demande de monnaie, soit:

= L1(Y) + L2(i)

Par conséquent, si L1 augmente et que la masse monétaire en circulation reste constante, L2 doit diminuer pour conserver l’équilibre entre l’offre et la demande de monnaie. Mais pour que L2baisse, il faut que le taux d’intérêt augmente. La hausse des taux d’intérêt fait alors baisser les cours, et la baisse des cours incite les agents économiques à se débarrasser d’une partie de leurs encaisses spéculatives en achetant des titres. L’augmentation de L1 étant compensée par la di-minution de L2, l’équilibre sur le marché de la monnaie est préservé.

Mais la conservation de cet équilibre ne sera pas neutre sur le marché des biens et services. En effet, la hausse du taux d’intérêt aura pour conséquence de faire baisser à la marge l’investisse-ment privé, et donc le revenu global Y. La prise en compte des aspects monétaires dans l’analyse du multiplicateur fait apparaître l’existence d’un effet d’éviction des investissements privés par les dépenses publiques. En effet, par sa politique de dépenses publiques, l’Etat entre en

G DG YC

S fuite

G DG YC

S fuite

L1 i L2

I Y

Mp-----

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concurrence avec les projets d’investissements privés. Pour pouvoir trouver des épargnants dis-posés à acheter ses titres, l’Etat doit émettre des obligations à un taux supérieur au taux d’intérêt du marché. Il en résulte une hausse du taux d’intérêt moyen sur le marché de la monnaie qui fait chuter l’investissement privé et détourne une partie de l’épargne des ménages vers les obliga-tions émises par l’Etat. Nous reviendrons plus en détail sur ce point ultérieurement dans le cadre du modèle IS/LM.

2.4.3. L’étude simultanée du marché monétaire et du marché des biens et services

Il ressort de cette analyse que l’analyse keynésienne ne peut pas se concevoir sans une étude simultanée du marché des biens et des services et du marché de la monnaie. En effet, les mou-vements s’opérant sur le marché des biens et services affectent l’équilibre sur le marché de la monnaie. Inversement, des fluctuations sur le marché monétaire ont des répercussions sur le marché des biens et services.

L’exemple de la mise en place de la politique budgétaire étudiée plus haut est un exemple frap-pant de l’interconnexion entre ces deux marchés. D’un côté, la politique budgétaire permet d’augmenter le revenu global Y via l’effet multiplicateur observé sur le marché des biens et ser-vices. Mais de l’autre, la politique budgétaire se traduit par une hausse des taux d’intérêt qui est nécessaire afin que l’équilibre puisse se maintenir sur le marché monétaire. Mais cette hausse des taux d’intérêt tire à la baisse la demande globale et donc, le revenu global Y.

La question qui nous vient naturellement à l’esprit est la suivante: quel est l’effet net de la po-litque budgétaire sur le revenu global ? Est ce que la baisse de l’investissement privé annule in-tégralement la hausse des dépenses publiques, auquel cas le multiplicateur s’annule (effet d’éviction total) ? Est ce qu’au contraire la baisse des dépenses privées est moins forte que la hausse des dépenses publiques, auquel cas le multiplicateur ne s’annule pas mais est seulement freiné (effet d’éviction partiel) ?

Répondre à ce type de question suppose un examen simultané de l’équilibre sur le marché des biens et services et sur le marché monétaire. Or, si Keynes met bien en évidence les liens qui existent entre ces deux marchés, son modèle les analyse néanmoins de manière séparée. C’est la raison pour laquelle John Hicks présente en 1937 un modèle dans lequel l’équilibre sur le marché des biens et services et l’équilibre sur le marché monétaire sont analysés simultanément sur un même graphique: c’est le modèle IS-LM.

3. LE MODELE IS-LM ET L’EFFICACITE DE LA POLITIQUE BUDGE-TAIRE

Le modèle IS-LM a été proposé comme une interprétation de la théorie générale de Keynes. Dans ce modèle, I désigne l’investissement, S l’épargne, L les encaisses monétaires et M l’offre de monnaie. Ce modèle se présente sous la forme de deux courbes. La courbe IS représente l’équilibre sur le marché des biens et services, tandis que la courbe LM représente l’équilibre sur le marché monétaire. C’est un modèle dont l’esprit est keynésien. En effet, conformément au modèle de Keynes, le revenu global Y est déterminé sur le marché des biens et services par l’égalisation de l’offre et de la demande globale tandis que le taux d’intérêt i se fixe sur le marché monétaire par l’égalisation de l’offre et de la demande de monnaie. Mais c’est un modèle dont la méthode est néoclassique puisqu’il utilise une approche en terme d’équilibre général.

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L’intérêt du modèle IS-LM est qu’il permet de déterminer simultanément l’équilibre sur ces deux marchés (biens et services et monnaie). Par ailleurs, il constitue un très bon outil d’analyse des effets des politiques conjoncturelles de l’Etat. En effet, la politique budgétaire déplace la courbe IS tandis que la politique monétaire déplace la courbe LM. Les mouvements combinés des deux courbes permettent de prévoir les effets théoriques de différentes combinaisons de po-litique économique.

Dans cette section, on supposera pour simplifier que l’économie nationale n’a pas de relations avec le reste du monde. On raisonne donc en économie fermée. De même, on suppose que l’Etat ne perçoit pas d’impôts. Ces simplifications nous permettront de nous focaliser spécifiquement sur l’analyse approfondie des interactions entre marché monétaire et marché des biens et servi-ces dans le cadre de la mise en place d’une politique budgétaire. Mais avant d’en arriver là, il est nécessaire d’expliquer en détail comment est construit ce modèle et comment il fonctionne.

3.1. La courbe IS et l’équilibre sur le marché des biens et services3.1.1. L’allure de la courbe IS

Dans le modèle keynésien, le marché des biens et services est en équilibre quand la droite de demande globale coupe la droite à 45 degrés. La demande globale est alors égale à l’offre glo-bale Y et on a:

Y = C + I (dans une économie sans Etat)

Puisque Y correspond également au revenu réel de l’économie et que le revenu n’a que deux utilisations possibles (la consommation et l’épargne), on peut donc écrire:

Y = C + S

L’étude de l’équilibre macroéconomique classique nous a permis de déterminer que l’égalité entre l’offre et la demande globale correspond au point où l’investissement prévu I est égal à l’épargne prévue S. Donc, à l’équilibre sur le marché des biens et services, on a aussi:

S = I

En outre, dans le modèle keynésien, l’épargne dépend du revenu global Y tandis que l’investis-sement dépend notamment du taux d’intérêt i. A l’équilibre sur le marché des biens et services, on a donc l’égalité suivante qui est vérifiée:

I(i) = S(Y)

La relation précédente indique clairement qu’à l’équilibre sur le marché des biens et services, il existe une relation entre le taux d’intérêt i dont dépend l’investissement et le revenu global Y qui détermine l’épargne. C’est précisément cette relation que décrit la courbe IS. La courbe IS peut être définie comme le lieu des points représentant l’ensemble des combinaisons du taux d’intérêt i et du revenu Y qui assurent l’équilibre du marché des biens et services.

Attention: dans ce modèle, le revenu global Y est déterminé par l’équilibre entre l’offre et la demande globale sur le marché des biens et services: il est donc exogène sur le marché de

Page 36: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

la monnaie mais agit comme une variable explicative des fluctuations observées sur le marché monétaire. Inversement, dans ce modèle, le taux d’intérêt i est fixé sur le marché monétai-re. Il est donc exogène sur le marché des biens et services, mais c’est une variable explicative des fluctuations observées sur ce marché. Autrement dit, sur le marché monétaire, on a i = f1(Y))tandis que sur le marché des biens et services, on a Y = f2(i)). Par exemple, une baisse des taux d’intérêt sur le marché monétaire déplace la demande globale de manière parallèle vers le haut sur le marché des biens et services et augmente le revenu global Y (voir graphique 1.16. ci-des-sous). Plus trivialement, l’équilibre observé sur un marché dépend de ce qui se passe sur l’autre marché.

D’un point de vue analytique, comment détermine t’on l’équation de la courbe IS ? Tout sim-plement en égalisant l’offre globale et la demande globale sur le marché des biens et services:

Y = C + I + G

Avec

C = cY + Co

I = - gi + Io

G = Go

Dans ce modèle, g désigne l’élasticité de l’investissement par rapport au taux d’intérêt, et i dé-signe le taux d’intérêt. Plus g est élevé, plus une petite hausse des taux d’intérêt induira une forte baisse de l’investissement. L’ajout du paramètre - gi constitue la différence majeure entre le mo-dèle IS-LM et le modèle keynésien, le taux d’intérêt permettant de faire le lien entre marché monétaire et marché des biens et services.

A l’équilibre entre l’offre et la demande globale, on obtient l’équation suivante:

i = - (2)

La relation (2) donne l’équation d’une fonction linéaire de type y = ax + b dans laquelle on a:

a = - = - < 0

b = > 0

La relation (2) a donné lieu à un graphique célèbre conçu par Hicks et appelé courbe IS. En effet, cette relation donne toutes les combinaisons du taux d’intérêt et du revenu global Y qui assurent l’équilibre sur le marché des biens et services. La pente de cette fonction linéaire vaut - . La courbe IS est donc décroissante. On peut la représenter graphiquement en faisant un parallèle avec le diagramme à 45 degrés de Keynes. On obtient la situation suivante:

� 1 c�g

-------------YCo Io Go� �

g------------------------------�

1 c�g

------------- sg---

Co Io Go� �g

------------------------------

s ge

Page 37: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.15. Représentation de la courbe IS

La courbe IS est traditionnellement représentée sur un plan avec en abscisses, le revenu Y et en ordonnée le taux d’intérêt i. Tous les points situés le long de cette droite représentent des équilibres potentiels pour le marché des biens et services. Cette courbe est décroissante, ce qui est logique car quand le taux d’intérêt diminue, l’investissement augmente, ce qui accroît la demande globale et le revenu global Y.

Graphique 1.16. a, b. La courbe IS et le diagramme à 45 degrés

Y

i

IS

Y = OG

DG

Y

Yo Y1

Yo Y1

a. Le diagramme à 45o

b. La courbe IS

i

Eo

E1

45o

DGo

DG1

Eo

E1

io

i1

DG1

DGo

Page 38: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Les graphiques 1.16 a, b permettent de mieux comprendre la signification de la courbe IS ainsi que la logique des interactions qui s’établissent entre marché monétaire et marché des biens et services. Si le taux d’intérêt d’équilibre s’établit à io sur le marché monétaire, le revenu global s’établit à Yo sur le marché des biens et services. En reportant Yo sur le diagramme à 45 degrés, on peut déduire le niveau de demande globale DGo qui permet d’assurer l’équilibre sur le mar-ché des biens et services. Ainsi, en Eo, on a égalité entre offre et demande globale, ou de ma-nière équivalente, entre l’épargne et l’investissement sur le marché des biens et services. La combinaison (Yo, io) de la courbe IS correspond à un équilibre possible sur le marché des biens et services.

Supposons à présent qu’une hausse de la masse monétaire diminue le taux d’intérêt d’équilibre de io à i1 sur le marché monétaire. Cela aura des répercussions sur le marché des biens et servi-ces. La baisse des taux d’intérêt conduit à une hausse de l’investissement et de la demande (de DGo à DG1). L’offre globale répond à la demande globale et passe de Yo à Y1 (sur le diagramme à 45 degrés et sur la courbe IS). Le nouvel équilibre sur le marché des biens et services corres-pond alors à E1. La combinaison (Y1, i1) de la courbe IS représente un deuxième équilibre pos-sible sur le marché des biens et services.

En conclusion, la superposition de ces deux graphiques permet de voir que la courbe IS corres-pond à une droite décrivant une infinité d’équilibres possibles sur le marché des biens et servi-ces.

3.1.2. Déplacement de la courbe IS

On se demande maintenant ce qui détermine la position de la courbe IS pour une pente donnée, c’est-à-dire pour des valeurs données de s et de g. Rappelons que l’expression de la droite IS est la suivante:

i = - (2)

A partir de la relation (2), on voit que si la pente de la droite IS reste fixe (s et g fixes), toute modification de l’ordonnée à l’origine induit un déplacement parralèle de la droite vers la droite ou vers la gauche. Cette modification ne peut provenir que d’une ou plusieurs composantes de la demande autonome (Io + Go + Co). Autrement dit, la courbe IS se déplace de manière paral-lèle vers la droite ou vers la gauche sous l’effet de modifications de la demande autonome (Io + Go + Co). Plus concrètement, pour un taux d’intérêt donné, si une des composantes de la deman-de autonome augmente, le revenu global augmente et la courbe IS se déplace parallèlement vers la droite comme le montre le graphique suivant:

1 c�g

-------------YCo Io Go� �

g------------------------------�

Page 39: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.18. Déplacement de la courbe IS

Sur ce graphique, nous supposons que pour un taux d’intérêt donné io, et pour des niveaux don-nés de s et g, l’investissement privé augmente d’un montant . La droite IS se déplace alors vers la droite et l’augmentation de l’investissement augmente le revenu global de Y1 à Y2. Mais quelle est l’ampleur de ce déplacement ? Il dépendra bien évidemment de l’efficacité du multi-plicateur. Plus ce dernier sera élevé, plus le déplacement de la droite IS sera importante.

Ainsi, une hausse des dépenses publiques, une baisse des impôts et une hausse des exportations déplacent la courbe IS vers la droite. Des variations en sens inverse de ces différentes variables déplacent la courbe vers la gauche.

3.2. La courbe LM et l’équilibre sur le marché monétaire3.2.1. L’équation de la courbe LM

Comme nous l’avons vu précédemment dans le modèle keynésien, l’équilibre sur le marché mo-nétaire suppose l’égalité entre l’offre et la demande de monnaie. En termes analytiques, cet équilibre est décrit par la relation suivante:

= L1(Y) + L2(i)

= l1.Y - l2.i (3)

avec l1 désignant l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au revenu Y et l2 désignant l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d’intérêt. L’équation (3) montre qu’à l’équilibre sur le marché monétaire, il existe une relation entre i et Y.

On peut donc définir la courbe LM comme la courbe qui représente l’ensemble des com-binaisons de i et de Y qui assurent l’équilibre du marché monétaire. On peut réécrire la re-

YIS1 IS2

io

Y1 Y2

i

Co Io Go� �g

------------------------------

Co Io 'Io�� � Go� �g

--------------------------------------------------

'Io

Mp-----

� Mp-----

Page 40: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

lation (3) en exprimant le taux d’intérêt i en fonction du revenu global Y:

i = (4)

On a donc une droite de type y = ax + b dont la pente est positive et égale à . L’équation de la droite LM met donc en évidence une relation croissante entre Y et i. Ce résultat s’explique facilement. Supposons que le revenu global Y augmente sur le marché des biens et services. Les agents auront alors besoin de davantage de moyens de paiement pour financer la croissance des échanges et donc la demande transactionnelle de monnaie L1 augmente. Pour une masse moné-taire inchangée, la seule façon de financer la hausse des volumes d’échange tout en maintenant l’équilibre sur le marché monétaire est d’inciter les agents à se débarrasser d’une partie de leurs encaisses spéculatives (L2 doit diminuer). Mais pour que les encaisses spéculatives diminuent, le taux d’intérêt i doit augmenter. Cette hausse du taux d’intérêt fait alors baisser les cours et incite les agents à acheter des titres. Les encaisses spéculatives ainsi libérées peuvent ainsi fi-nancer l’accroissement de l’activité économique.

Il y a donc bien un lien croissant entre le revenu global Y et le taux d’intérêt i. Grahiquement, la courbe LM prend la forme suivante:

Graphique 1.19. Représentation de la courbe LM

3.2.2. Déplacement de la courbe LM

Supposons à présent que l’on maintienne constants les paramètres l1 et l2 et que la masse mo-nétaire augmente. L’équation de la droite LM est régie par la relation (4):

i = (4)

Si augmente, l’incidence sur la pente de la droite LM est nulle car les élasticités l1 et l2

l1

l2----Y M pe

l2------------�

l1 l2e

Y

i

LM

l1

l2----Y M pe

l2------------�

M pe

Page 41: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

sont supposées fixes. En revanche, la hausse de la masse monétaire aura pour conséquence de diminuer l’ordonnée à l’origine de la relation (4) et provoque donc un déplacement vers la droite de la droite LM comme le montre le graphique suivant:

Graphique 1.21. Augmentation de la masse monétaire et déplacement de LM

Intuitivement, ce déplacement s’explique assez facilement, une fois encore en terme d’équilibre entre l’offre et la demande de monnaie. Si l’offre de monnaie augmente, pour éviter tout désé-quilibre sur le marché monétaire, il faut que la demande de monnaie augmente. Si le niveau d’activité économique est supposé constant (fixé à Yo), la seule façon d’inciter les agents éco-nomiques à détenir plus de monnaie est de diminuer les taux d’intéret (de io à i1) afin de faire augmenter les cours. Toute hausse de la masse monétaire implique donc un déplacement vers la droite de la droite LM (de LM1 à LM2) et donc, une diminution de son ordonnée à l’origine .

3.2.4. Précisions sur la forme de la courbe LM

Nous supposerons dans toute cette partie que l’élasticité de la demande de monnaie par rapport à Y est non nulle et fixée à un certain niveau connu qu’on appellera . Les représentations de la courbe LM présentées jusqu’ici ne prennent pas en considération l’existence de situations extrêmes. Or, nous avons vu lors de l’étude du marché monétaire key-nésien que la courbe de demande de monnaie pouvait en théorie avoir trois allures différentes selon le niveau du taux d’intérêt. Pour des niveaux élevés de i, la demande de monnaie est ver-ticale (on a dans ce cas l2 = 0). Pour des niveaux intermédiaires de i, elle est normalement dé-croissante (c’est en fait ce cas que nous avons étudié jusqu’ici). Enfin, pour un taux d’intérêt plancher, elle est horizontale (cas de la trappe à liquidité dans laquelle on a ) (cf. gra-phique 1.13.).

Cette caractéristique particulière du marché monétaire keynésien peut être transposée au modè-le IS-LM. Ainsi, la courbe LM peut également, en théorie, connaître trois phases selon le niveau du taux d’intérêt. Elles sont illustrées par le graphique suivant:

Y

i

c

LM1LM2

Yo

io

i1

l1

l2 fo

Page 42: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.22. Allure de la courbe LM en fonction du niveau du taux d’intérêt

La phase normale est celle que nous avons étudiée plus haut (paragraphe 3.2.1). Elle corres-pond à la situation dans laquelle la courbe LM est croissante et le taux d’intérêt est compris entre le taux plancher io et le taux d’intérêt i1. Dans cette phase, la demande de monnaie est imparfai-tement élastique au taux d’intérêt. C’est la situation dans laquelle lors d’une augmentation de Y, il faut une hausse du taux d’intérêt pour réduire les encaisses spéculatives et financer le dé-veloppement de l’activité économique.

La portion horizontale de la courbe LM, correspond à la situation à la phase dite «keynésienne». Lorsque l’équilibre monétaire se situe sur la portion horizontale de la courbe LM, on se situe dans la «trappe à liquidité» et la demande de monnaie est alors parfaitement élastique au taux d’intérêt. D’un point de vue analytique, tous les équilibres monétaires situés dans la zone key-nésienne de la courbe LM vérifient cette propriété:

= .Y - l2.i avec

Lorsque l’économie se trouve dans la trappe à liquidité, l2 est tellement élevé que si jamais le revenu global se mettait à augmenter, cette augmentation pourrait avoir lieu sans augmentation du taux d’intérêt comme le montre le graphique suivant:

Y

i

phase keynésiennephase normale

phase classique

io

i1

Mp----- l1 l2 fo

Page 43: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.23. Hausse du revenu global dans le cas de la trappe à liquidité

Ainsi, une variation du revenu global d’un montant peut être obtenue sans variation du taux d’intérêt et en conservant l’équilibre sur le marché de la monnaie. Nous avons vu précédemment que si le revenu global augmente, L1 augmente, et donc à masse monétaire constante, le taux d’intérêt doit normalement augmenter pour faire baisser L2. Or, ici, le niveau de l2 est tellement fort que des encaisses spéculatives peuvent être libérées sans variation du taux d’intérêt.

Prenons un exemple pour mieux comprendre. Supposons que le taux d’intérêt plancher io soit de 3%. Si Y augmente, il faut que les encaisses spéculatives diminuent pour financer l’augmen-tation des échanges sur le marché des biens et services. Mais puisque la demande de monnaie est infiniment sensible aux variations du taux d’intérêt, si ce dernier passe de 3% à par exemple 3,0000001%, ce sera largement suffisant pour dégager les encaisses spéculatives nécessaires au financement la croissance économique. On pourra constater que la variation du taux d’intérêt est ici négligeable et on pourra donc admettre que dans la phase de trappe à liquidité, une augmentation du revenu global peut être obtenue sans variation des taux d’intérêt.

Enfin, la troisième phase correspond à une situation dans laquelle le taux d’intérêt atteint ou dé-passe i1. Il s’agit de la phase «classique» dans laquelle le taux d’intérêt est tellement élevé et les cours tellement bas que tout le monde achète des titres et ne détient aucune encaisse spéculative. Dans cette phase, l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au taux d’intérêt est nulle et on a donc l2 = 0. D’un point de vue analytique, la demande de monnaie se réduit à une de-mande d’encaisses transactionnelles, et on a:

= .Y

La demande de monnaie ne dépend donc que du revenu global et pas du taux d’intérêt car la demande de monnaie pour motif de spéculation est nulle. Cest la raison pour laquelle cette phase est appelée phase «classique». Dans cette situation, toute la monnaie disponible est utilisée pour financer les échanges et il est impossible d’augmenter le revenu global Y à masse monétaire constante. En effet, augmenter les taux d’intérêt afin de financer la croissance des échanges par

Y

i

io

i1

'Y

'Y

Mp----- l1

Page 44: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

une baisse de la demande spéculative de monnaie est évidemment impossible lorsque L2 = 0 ! Il apparaît donc qu’il existe une borne supérieure pour le revenu global, notée avec

. Lorsque l’économie se trouve dans la zone classique de la courbe LM, le revenu global reste bloqué à ce niveau et il ne pourra jamais le dépasser si la masse monétaire n’aug-mente pas. En d’autres termes, le revenu global représente le revenu maximal que l’éco-nomie peut atteindre compte tenu de la masse monétaire disponible.

Graphique 1.24. Phase classique et borne supérieure pour le revenu global

3.3. L’équilibre global sur les deux marchés

On sait maintenant que la courbe IS décrit comment évolue le revenu sur le marché des biens et services quand le taux d’intérêt varie (en quelque sorte, sur le marché des biens et services, on a Y = f1(i)). On sait aussi que la courbe LM décrit comment évolue le taux d’intérêt sur le mar-ché monétaire quand le revenu varie (sur le marché monétaire, on a i = f2(Y)). Par conséquent, dans ce modèle, l’équilibre sur chaque marché dépend de l’équilibre sur l’autre marché. L’in-tersection entre les courbes IS et LM permet de déterminer le niveau d’équilibre du revenu glo-bal Y* et le niveau d’équilibre du taux d’intérêt i*. Graphiquement, on obtient la situation suivante:

YY M pl1� �e

Y

Y

i

io

i1

Y

Page 45: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.24. L’équilibre simultané sur les deux marchés

Il n’existe donc qu’une seule combinaison de i et Y qui assure l’équilibre simultané sur les deux marchés. Elle correspond à l’intersection des courbes IS et LM, c’est-à-dire au point E, pour un revenu global Y* et un taux d’intérêt i*.

3.4. Politique budgétaire et modèle IS-LM

Nous allons maintenant reprendre l’analyse de la politique budgétaire que nous avions entrepri-se précédemment lors de l’étude du modèle keynésien. Dans le cadre du modèle IS-LM, toute politique budgétaire déplace vers la droite la courbe IS et induit donc une modification de l’équilibre IS-LM (modification de Y et de i). L’intérêt du modèle IS-LM est qu’il va nous per-mettre d’évaluer l’incidence de cette politique de manière simultanée sur le marché des biens et services (à travers les variations de Y) et sur le marché monétaire (à travers les variations de i).

Nous supposons dans cette section que la hausse des dépenses publiques est financée intégrale-ment par émission de titres (obligations d’Etat). Nous montrons alors que le degré d’efficacité de la politique budgétaire dépend de l’endroit où se situe initialement l’équilibre IS-LM. Ce dernier peut se situer dans trois zones différentes de la courbe LM: dans la phase «classique», dans la phase normale, et dans la phase keynésienne.

3.4.1. La politique budgétaire dans la phase «classique»

Une hausse des dépenses publiques se traduit nécessairement par un déplacement vers la droite de la courbe IS. Dans la zone classique de la courbe LM, cette hausse peut être représentée gra-phiquement de la façon suivante:

Y

i

io

Y* Y2

i*

IS

LM

E

i1

Y1

Page 46: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.25. La politique budgétaire dans la phase «classique» de la courbe LM

Supposons que l’équilibre initial soit (Y1, i1) de sorte que la droite IS coupe la portion verticale de la courbe LM. Une hausse des dépenses publiques aura alors pour conséquence d’augmenter le taux d’intérêt d’équilibre de i1 à i2 sans aucun effet sur le revenu global Y, qui reste bloqué à Y1. La politique budgétaire s’avère donc totalement inefficace pour relancer l’activité économi-que dans ce contexte.

En effet, dans la portion verticale de la courbe LM, les encaisses spéculatives détenues par les agents sont nulles (L2 = 0). En d’autres termes, les cours sont tellement bas que toutes les en-caisses spéculatives de l’économie sont utilisées dans l’achat de titres (actions, obligations émi-ses par les entreprises privées). Si l’Etat décide d’intervenir en augmentant les dépenses publiques, il entre en concurrence avec les projets d’investissement privé pour capter l’épargne des ménages. L’offre de titres augmentant sur les marchés financiers, cela crée une pression à la hausse sur les taux d’intérêt. Plus précisément, si l’Etat veut trouver l’épargne nécessaire au financement de ses investissements, il devra émettre des titres à des taux d’intérêt plus élevés que les obligations émises par les entreprises privées. Ces taux d’intérêt plus élevés auront alors pour effet de détourner une partie de l’épargne des ménages vers les obligations émi-ses par l’Etat, plus attractives en terme de rémunération. Ce redéploiement de l’épargne s’effectue fatalement au détriment des investissements privés. Autrement dit, l’augmenta-tion des dépenses publiques ne peut s’obtenir ici que par une baisse des investissements privés de la même ampleur. L’effet d’éviction est ici total et la politique budgétaire échoue à relancer la demande globale et donc, la production globale.

3.4.2. La politique budgétaire dans la phase keynésienne

Regardons à présent ce qui se passe lorsque l’augmentation des dépenses publiques a lieu alors que l’équilibre initial de l’économie se situe dans la trappe à liquidité. On suppose par ailleurs que la hausse des dépenses publiques est telle que l’équilibre IS-LM final qui en résulte reste dans la portion horizontale de la courbe LM. On obtient la situation suivante:

Y

i

Y1

LM

IS

IS’ i1

i2

Page 47: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.26. La politique budgétaire dans la phase keynésienne de la courbe LM

La hausse des dépenses publiques n’a cette fois-ci aucun impact sur le taux d’intérêt mais aug-mente le revenu global de Y1 à Y2. C’est la situation inverse de celle étudiée précédemment. Ici, la politique budgétaire est pleinement efficace (l’effet multiplicateur joue à plein régime) car elle ne conduit pas à une augmentation des taux d’intérêt, et donc, à un évincement de l’inves-tissement privé au profit de l’investissement public. Cela s’explique par le fait que la monnaie spéculative est tellement abondante (L2 est très élevé) que l’Etat peut financer ses investisse-ments en puisant dans les encaisses spéculatives de l’économie, sans pour cela détourner l’épar-gne des ménages du financement des investissements privés. En d’autres termes, la hausse des dépenses publiques est ici intégralement financée par une baisse de L2, sans hausse des taux d’intérêt et donc, sans diminution des investissements privés.

En résumé, dans la trappe à liquidité, l’investissement public n’entre pas en conflit avec l’inves-tissement privé. L’Etat peut profiter de l’abondance des encaisses spéculatives de l’économie pour financer ses dépenses publiques sans pour autant évincer l’investissement privé. L’effet d’éviction est nul et le multiplicateur d’investissement, maximal.

3.4.3. La politique budgétaire dans la phase normale

Dans la phase normale (intermédiaire entre les deux cas extrêmes vus précédemment), une hausse des dépenses publiques se traduit à la fois par une augmentation du revenu global et par une augmentation des taux d’intérêt, comme le montre le graphique suivant:

Y

i

LM

IS IS’

i1

Y1 Y2

Page 48: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.27. La politique budgétaire dans la phase normale de la courbe LM

On se retrouve dans une situation où la hausse des dépenses publiques se traduit bien par une augmentation du revenu global, mais au prix d’une augmentation des taux d’intérêt et donc, d’un effet d’éviction partiel de l’investissement privé. Autrement dit, ici, la baisse du revenu global induite par des conditions monétaires plus défavorables n’annule pas entièrement l’effet multiplicateur de l’augmentation des dépenses publiques sur ce même revenu global.

Comme nous l’avons étudié lors de la présentation du modèle keynésien, l’augmentation des dépenses publiques implique, dans le cas normal, une augmentation des taux d’intérêt pour maintenir l’équilibre sur le marché de la monnaie. Cette hausse des taux d’intérêt va avoir ici deux effets:

- La diminution de L2: les encaisses spéculatives ainsi libérées vont alors financer une partie de l’augmentation des dépenses publiques- La diminution de l’investissement privé: l’épargne des ménages ainsi libérée va alors finan-cer l’autre partie de l’augmentation des investissements publics

En conclusion, on a ici un effet d’éviction qui n’est que partiel car l’Etat peut financer une partie de ses dépenses publiques en ponctionnant dans les liquidités oisives de l’économie, sans qu’il soit nécessaire, pour cette partie de la hausse des dépenses publiques, de détourner l’épargne des ménages du financement des investissements privés.

3.4.4. Conclusion sur l’efficacité de la politique budgétaire

En définitive, l’efficacité de la politique budgétaire dépend du contexte monétaire au sein du-quel cette politique est menée. C’est lorsque l’économie se trouve dans la trappe à liquidité que l’effet multiplicateur d’une hausse des dépenses publiques joue pleinement sur le niveau d’ac-tivité économique. L’ampleur de l’effet d’éviction dépend donc de la quantité d’encaisses spé-culatives disponibles dans l’économie. Plus L2 est élevé, plus l’effet d’éviction sera faible.

Y

i

LM

IS

IS’

Y1 Y2

i1

i2

Page 49: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Graphique 1.28. Courbe LM et efficacité de la politique budgétaire

3.5. Le policy-mix pour contrer l’effet d’éviction

Une façon de contrer le problème de l’effet d’éviction est de mettre en place une politique de relance budgétaire en augmentant simultanément la masse monétaire (la politique budgétaire s’accompagne donc d’une politique monétaire). La relance budgétaire provoque alors un effet d’éviction et donc une hausse des taux d’intérêt, mais cette hausse est annulée par la croissance de la masse monétaire qui tire à la baisse les taux d’intérêt. Le graphique ci-dessous met en évi-dence le déplacement de l’équilibre IS/LM suite à la mise en oeuvre d’une relance simultanée par le budget et la monnaie:

Graphique 1.28. Policy-mix et annulation de l’effet d’éviction

Y

i

politique budgétaire politique budgétaire

politique budgétaire

io

i1

très efficacemoyennement efficace

totalement inefficace

Y

i

LM1

IS1

Y1 Y’

i1

IS2

Y2

LM2

E1 E2

E’i2

Effet d’éviction de la politique budgétaire

Page 50: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

Sur le graphique précédent, E1 représente l’équilibre initial (à l’intersection des courbes IS1 et LM1), E’ l’équilibre dans le cas d’une politique budgétaire seule et E2, l’équilibre qui prévaut dans le cadre d’une policy-mix.

Après la mise en place de la politique budgétaire, le déplacement de la courbe LM (et donc la hausse de la masse monétaire) doit être telle que l’effet d’éviction de la politique budgétaire est annulé, et donc que le taux d’intérêt converge de nouveau vers le taux d’intérêt qui prévalait avant la hausse des dépenses publiques (i1). C’est le cas en E2, à l’intersection des courbes IS2et LM2. Il est possible de déterminer graphiquement l’ampleur de l’effet d’éviction. Il s’agit de la différence entre le revenu global obtenu si la politique budgétaire ne se traduit par aucun effet d’éviction (c’est-à-dire pour un revenu Y2, lorsque la politique budgétaire est complétée d’une politique monétaire) et le revenu global avec effet d’éviction (c’est-à-dire pour un revenu Y’, lorsque la politique budgétaire est utilisée seule). On a donc:

Effet d’éviction = Y2 - Y’

3.6. Modèle IS-LM et politique budgétaire en économie ouverte3.6.1. La prise en compte du taux de change et de la mobilité des capitaux

Lorsque l’économie s’ouvre vers l’extérieur, deux autres paramètres doivent être pris en consi-dération dans l’évaluation de l’efficacité d’une politique budgétaire: le taux de change et la mobilité des capitaux.

Le marché des changes est le marché international où une monnaie nationale peut être échangée contre une autre. Le prix auquel deux monnaies s’échangent s’appelle le taux de change. Dans un système de change flexible, plus une monnaie est demandée, plus sa valeur augmente, autrement dit, plus cette monnaie aura tendance à s’apprécier. Inversement, moins une mon-naie est demandée sur le marché des changes, plus sa valeur est faible. On dit alors qu’elle se déprécie.

Exemple: au début de l’année 2000, 1 euro s’échangeait contre 1 dollar. Aujourd’hui, 1 euro s’échange contre environ 1,5 dollar. La demande d’euros sur le marché des changes a eu ten-dance à augmenter au cours du temps, et la monnaie européenne s’est donc appréciée car il faut davantage de dollar qu’auparavant pour obtenir 1 euro.

Le taux de change d’une monnaie n’est pas neutre sur l’économie d’un pays. Les fluctuations du taux de change d’un pays influence sa compétitivité à l’international. En effet, plus la mon-naie d’un pays a tendance à s’apprécier, plus cela pénalise ses exportations. Inversement, plus une monnaie se déprécie, plus un pays est compétitif à l’international, ce qui se traduit par une augmentation de ses exportations.

Exemple: un euro fort vis-à-vis du dollar, comme c’est le cas actuellement, pénalise les expor-tations françaises vers les Etats-Unis

De la même façon, la mobilité des capitaux n’est pas neutre sur une économie nationale car elle joue sur les taux de change entre les monnaies des différents pays. Les entrées de capitaux se traduisent par une augmentation des placements effectués par les étrangers sur le territoire na-tional, ce qui augmente la demande de monnaie nationale et apprécie le taux de change. Inver-sement, une sortie de capitaux correspond à une augmentation des placements effectués par les résidents nationaux à l’étranger. Cela se traduit par une diminution de la demande de monnaie

Page 51: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

nationale et une augmentation de la demande de monnaie étrangère, et donc, par une déprécia-tion de la monnaie nationale.

La question que l’on se pose alors est la suivante: dans un contexte international caractérisé par des taux de change flexibles entre les différentes monnaies et par une parfaite mobilité des capitaux, quel est l’impact attendu d’une politique budgétaire expansionniste menée par un pays ?

La réponse à cette question est donnée par le modèle de Mundell et Fleming [1962] qui est une extension du modèle IS-LM en économie ouverte. Ce modèle montre que dans une économie caractérisée par un système de changes flexibles et une parfaite mobilité des capitaux, l’ef-fet d’éviction par le taux d’intérêt se double d’un effet d’éviction par le taux de change, ce qui peut annuler la stimulation budgétaire initiale.

Le mécanisme qui sous-tend ce résultat est assez intuitif. Si l’on laisse de côté le cas extrême de la trappe à liquidité, dans une situation normale, lors de la mise en place de la politique budgé-taire, le taux d’intérêt augmente du fait de l’effet d’éviction des investissements privés par les dépenses publiques. Cette hausse des taux d’intérêt augmente l’attractivité des placements fi-nanciers domestiques par rapport aux placements financiers dans le reste du monde, toute chose égale par ailleurs. Par conséquent, de nombreux investisseurs voudront effectuer des place-ments financiers en France en raison des taux d’intérêt attractifs. Les titres financiers détenus en France par les investisseurs étant exprimés en euros, la demande d’euros augmente donc sur le marché des changes tandis que la demande de devises étrangères diminuent. Il en résulte par conséquent une appréciation de la monnaie nationale qui détériore la compétitivité des produits français à l’exportation. La baisse des exportations se répercute évidemment sur le revenu glo-bal. Si les capitaux sont supposés être parfaitement mobiles, le modèle prédit que l’effet d’évic-tion traditionnel combiné à l’effet d’éviction par le taux de change annulent complètement la hausse initiale du revenu global issue du choc budgétaire.

Schéma 1.12. Ouverture de l’économie et l’effet d’éviction par le taux de change

Sur le schéma précédent, l’effet (2) annule partiellement l’effet (1) si les capitaux ne sont pas

G

Y

iLes placements domestiquesdeviennent relativement plusattractifs que les placements étrangers: entrée nette de ca- pitaux

Hausse de la demande de monnaie nationaleet baisse de la demandede devises étrangères

La monnaie nationale s’apprécie

X Y

(1)

(2)

Page 52: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

parfaitement mobiles. Dans ce cas, une politique budgétaire conduit tout de même à une hausse du revenu global. En revanche, si les capitaux sont parfaitement mobiles, l’effet (2) amortit complètement l’effet (1) et la politique budgétaire est totalement inefficace.

3.7. Modèle IS-LM et politique monétaire en économie ouverte

Alors que l’ouverture de l’économie au reste du monde aura tendance à diminuer l’efficacité de la politique budgétaire, on peut montrer par un raisonnement similaire que l’efficacité de la po-litique monétaire est renforcée dans un système de change flexible.

Schéma 1.13. Ouverture de l’économie et l’effet d’éviction par le taux de change

Une hausse de la masse monétaire se traduit par une baisse des taux d’intérêt et donc, par une augmentation du revenu global Y (1). La baisse des taux d’intérêt rend, toute chose égale par ailleurs, les placements domestiques moins attractifs par rapport aux placement étrangers, ce qui incite les investisseurs français à augmenter leurs placements à l’étranger. La demande de de-vises étrangères augmente donc tandis que la demande de monnaie nationale diminue. Cela se traduit par une dépréciation de la monnaie nationale sur le marché des changes, dépréciation qui accroît la compétitivité des produits nationaux à l’exportation. La hausse des exportations se tra-duit alors par une hausse du revenu global (2) qui renforce l’impact initial de la politique mo-nétaire (1).

4. LA CRITIQUE POST-KEYNESIENNE DES POLITIQUES DE RELAN-CE

La politique budgétaire a fait l’objet de nombreux débats dans la littérature économique post-keynésienne. Nous commencerons par analyser les critiques théoriques formulées par les éco-nomistes néoclassiques post-keynésiens (monétaristes, nouvelle économie classique) à l’égard de la politique budgétaire. Nous soulignerons ensuite les problèmes pratiques que soulèvent la mise en oeuvre d’une politique budgétaire (en insistant notamment sur les problèmes relatifs au creusement des déficits et de la dette publique). Nous montrons enfin dans une dernière section

M

Y

iLes placements domestiquesdeviennent relativement moinsattractifs que les placements étrangers: sortie nette de ca- pitaux

Baisse de la demande de monnaie nationaleet hausse de la demandede devises étrangères

La monnaie nationale se déprécie

X Y

(1)

(2)

Page 53: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

que malgré ses nombreuses imperfections, la politique budgétaire trouve tout de même un cer-tain intérêt dans nos économies modernes. En France, même si les politiques budgétaires actives (relance de la croissance par une hausse des dépenses publiques et/ou une baisse des impôts) ne sont plus d’actualité, les politiques budgétaires «passives» agissent toujours sur l’économie par le biais des stabilisateurs automatiques.

4.1. Les critiques théoriques des néoclassiques post-keynésiens

Au-delà du problème de l’effet d’éviction, les trois principales critiques théoriques de la politi-que budgétaire viennent du courant monétariste (Friedman [1957], [1968], Phelps [1967]) et de la nouvelle économie classique (Lucas et Sargent [1972], Barro [1974]).

4.1.1. L’arbitrage inflation-chômage et la courbe de Phillips

Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore abordé la question de l’inflation. Cela s’explique par le fait que dans l’analyse macroéconomique keynésienne et dans le modèle IS-LM, les prix sont supposés constants. Ainsi, lorsque la demande globale augmente, l’offre globale réagit instan-tanément dans les mêmes proportions, maintenant ainsi constant le niveau général des prix. Or, la réalité est plus complexe. Dans les faits, une augmentation de la demande globale produit un effet volume (hausse de l’offre globale) mais crée également une tension à la hausse sur les prix (effet-prix). Par conséquent, toute politique de relance conjoncturelle visant à accroître la de-mande globale aura également pour effet d’augmenter le niveau général des prix.

En 1958, le professeur Alban William Phillips met en évidence d’un point de vue statistique une relation inverse entre le taux de chômage de l’économie et le taux d’inflation. Cette relation in-verse s’est avérée à l’époque vérifiée dans plusieurs pays, si bien que cette liaison a vite pris le nom de courbe de Phillips. Graphiquement, on peut la représenter de la façon suivante:

Graphique 1.29. La courbe de Phillips

La courbe de Phillips montre qu’un taux d’inflation plus élevé s’accompagne d’un taux de chô-mage plus faible, et inversement. Elle suggère donc un arbitrage entre inflation et chômage. Se-lon cette courbe, un gouvernement qui souhaite par exemple mener une politique budgétaire visant à relancer la demande et à réduire le chômage ne peut le faire qu’au prix d’une hausse du niveau général des prix. En effet, la stimulation de la demande globale exerce une pression à la

Taux de chômage (%)

Taux d’inflation (%)

Courbe de Phillips

E

Page 54: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

hausse sur le niveau général des prix sur le marché des biens et services, ce qui conduit à une inflation plus forte.

Schéma 1.7. La politique budgétaire et l’arbitrage inflation-chômage

Dans les années 1960, alors que les idées keynésiennes étaient très à la mode, cette courbe mon-trait le menu des options possibles. Les gouvernements n’avaient plus qu’à décider combien d’inflation supplémentaire ils étaient prêts à tolérer en échange d’une baisse du chômage. Ils re-tenaient un point sur la courbe de Phillips et fixaient les normes budgétaires et monétaires sus-ceptibles de déboucher sur le niveau correspondant de la demande globale et du chômage. Une étude menée en France a montré qu’entre 1960 et 1970, l’inflation, estimée à l’époque à 2,5% par an, était compatible avec un taux de chômage de 4,9%, soit 1 million de personnes.

Or depuis le premier choc prétrolier en 1973 et jusqu’au milieu des années 1980, on a constaté une hausse progressive du chômage. Pourtant, cette hausse du chômage s’est accompagnée par une inflation également soutenue (supérieure à 5%), et non pas faible comme le prédisait la courbe de Phillips. De plus, la croissance économique s’est mise à rallentir, si bien que cette période a été qualifiée de période de stagflation.

Il semblait alors évident que quelque chose clochait dans la courbe de Phillips. Les monétaristes ont proposé des éléments d’explications qui aident à comprendre pourquoi la relation inverse entre chômage et inflation s’est rompue à partir des années 1970.

Plus précisément, les monétaristes distinguent deux courbes de Phillips: celle de court terme, qui est décroissante, et celle de long terme, qui est verticale. On peut les illustrer à l’aide du gra-phique suivant:

Graphique 1.30. La réinterprétation monétariste de la courbe de Phillips

G DG Y U

P

taux de chômage (%)

Taux d’inflation (%)

U*

Courbe de Phillips de long terme

Courbe de Phillips de court terme

E

A

TI*

TI’ B

Page 55: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

La courbe de Phillips de long terme admet un taux de chômage constant, indépendant du niveau d’inflation, que Milton Friedman appelle taux de chômage naturel. Il s’agit du taux de chôma-ge qui s’établit quand le marché du travail est en équilibre. Autrement dit, c’est un chômage qui est entièrement volontaire. C’est le taux de chômage vers lequel tend l’économie sur le long ter-me.

<Compléter la section - BFD page 238-239>

Par ailleurs, l’intersection entre la courbe de Phillips de court terme et celle de long terme per-met de déterminer le taux d’inflation de l’économie (TI*). Ce dernier dépend donc entièrement de la hauteur relative à laquelle se trouve la courbe de Phillips de court terme. Plus la courbe de court terme se situe à un niveau élevé, plus l’inflation sera forte.

Dans ce contexte, Milton Friedman montre que les politiques de relance n’ont pour effet que de déplacer la courbe de Phillips de court terme vers le haut. Plus précisément, il montre que les politiques de relance ne produisent des effets bénéfiques qu’à court terme. A long terme, ces politiques n’auront aucune incidence sur le taux de chômage naturel de l’économie. Leur seul effet est d’augmenter le niveau général des prix, et donc, d’accroître l’inflation.

Compte tenu de la complexité de l’analyse de Friedman, nous ne présenterons ici que l’intuition générale de son modèle. Si l’on considère par exemple une politique de relance consistant à aug-menter la masse monétaire, une telle politique se traduit bien à court terme par une hausse du revenu global, une baisse du chômage et une hausse de l’inflation (passage du point E au point A sur le graphique 1.30). Cependant, la hausse du niveau général des prix se traduit, sur le mar-ché du travail, par une baisse des salaires réels. A court terme, les salariés ne se rendent pas compte que la politique de relance a diminué leur pouvoir d’achat. Ils ne modifient donc pas leur comportement d’offre de travail et sont victimes d’illusion monétaire. Cependant, à moyen terme, lorsqu’ils se rendent compte que leur pouvoir d’achat a diminué, ils diminuent leur offre de travail et le taux de chômage se remet à augmenter pour revenir à son niveau naturel U*. (passage de A à B sur le graphique 1.30). Au total, le taux de chômage n’a pas bougé, mais le taux d’inflation a augmenté (de TI* à TI’) et la nouvelle courbe de Phillips de court terme est décalée vers le haut.

L’analyse monétariste conclut donc à l’inefficacité des politiques de relance par le budget et la monnaie dont le seul effet est de conduire à des dérives inflationnistes. Les monétaristes préco-nisent la mise en place d’une politique de rigueur monétaire visant à contrôler la croissance de la masse monétaire afin de limiter la hausse des prix. En effet, une inflation trop forte peut être néfaste, notamment parce qu’elle augmente l’incertitude sur les prix futurs (ce qui peut peser sur les décisions d’investissement) et parce qu’elle nuit à la compétitivité des produits nationaux à l’exportation.

Les idées monétaristes, qui ont pour objectif prioritaire la lutte contre l’inflation, ont eu beau-coup d’influence et sur les politiques menées par certaines banques centrales depuis les années 1980. Ainsi, la Banque Centrale Européenne pratique une politique monétariste dans le sens où son objectif premier est la lutte contre l’inflation par le contrôle de la masse monétaire.

FIN CHAPITRE 1 - COURS 2009/10

4.1.2. La théorie du revenu permanent4.1.2.1. Présentation du concept de revenu permanent

Page 56: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

La théorie du revenu permanent a été développée par Friedman en 1957. Ce dernier revisite le concept de fonction de consommation. Si pour Keynes, la consommation d’un individu dépend de son revenu disponible, pour Friedman, c’est un peu plus compliqué.

Il élabore sa théorie en partant de l’observation de certains groupes sociaux dont le revenu varie fortement d’une période à l’autre (mois ou année). En théorie, en raison de la relation linéaire entre le revenu et la consommation décrite par Keynes, à une baisse du revenu, devrait corres-pondre une diminution de la consommation et inversement. Or, selon Friedman, les faits tendent souvent à montrer que cette relation ne se vérifie pas. Plus précisément, même lorsque leur re-venu fluctue fortement, Friedman observe que la consommation de certains groupes d’individus a tendance à rester plutôt constante. C’est par exemple le cas de certains métiers (agriculture, tourisme etc.) pour lesquels les revenus peuvent varier de façon importante d’un mois ou d’une saison à l’autre. Pour autant, la consommation des individus concernés par ces activités s’avère être relativement stable dans le temps malgré les variations de revenus. Cette observation conduit Friedman a remettre en cause la fonction de consommation keyné-sienne et à en proposer une nouvelle. Pour Friedman, la consommation ne dépendrait pas seu-lement du revenu du mois ou de l’année en cours, mais de l’ensemble des revenus constatés dans les années antérieures et des revenus espérés pour les années à venir. C’est ce que Friedman ap-pelle le revenu permanent. Le revenu permanent désigne le revenu sur lequel les individus peuvent compter à long terme et qu’ils considèrent comme normal et habituel. Autrement dit, il s’agit du revenu moyen (annuel, mensuel) que l’individu anticipe percevoir tout au long de sa vie compte tenu de ses caractéristiques personnelles (niveau d’études, type de métier exercé, expérience, relations de travail, fortune personnelle, résistance physique etc.). En termes plus simples, on dira que le revenu permanent est la partie du revenu que les agents s’atten-dent à conserver à l’avenir. On notera ce revenu Yp.

Mais il ne s’agit pas là du seul type de revenu d’un individu. A un instant t (par exemple, pour une année donnée), Friedman considère en fait que le revenu d’un individu se décompose en deux parties: le revenu permanent (Yp), et le revenu transitoire (que l’on notera YTR). Le revenu transitoire désigne, pour sa partie positive, les gains imprévus obtenus par l’individu à la période t (gain à la loterie, prime de fin d’année non prévue, etc.). Il s’agit également, pour sa partie négative, de pertes de revenus imprévues (diminution du nombre d’heures supplémen-taires effectuées pour cause de baisse de l’activité de l’entreprise, chômage, sécheresse, inon-dation etc.). Contrairement au revenu permanent, ce revenu résulte de facteurs aléatoires et donc non anticipés par l’individu. A un instant t, on pourra considérer que le revenu transitoire dé-signe l’écart aléatoire par rapport au revenu permanent.

Exemple: supposons qu’une étude économique montre que le revenu moyen (observé sur une longue période) pour un étudiant travaillant dans les vignobles à la saison des vendanges soit de 500 euros par semaine. Ce revenu moyen peut être considéré comme un revenu permanent pour l’étudiant. Un étudiant qui souhaite faire les vendanges et qui a pris connaissance de l’étu-de économique sait qu’en moyenne, il peut espérer percevoir 500 euros pour une semaine de travail. Mais cela ne signifie pas que tous les ans, il percevra le même revenu. Ce dernier peut varier d’une année à l’autre en fonction de divers facteurs, comme par exemple les conditions météorologiques. Supposons qu’à l’année t, un orage de grêle s’abatte sur la région où notre étudiant travaille juste avant les vendanges. Une partie des vignes étant détruites, il y a un peu moins de travail que prévu, si bien que l’étudiant sera finalement payé 400 euros la semaine, au lieu des 500 euros qu’on lui aurait donné en temps normal. Son revenu transitoire vaut donc

Page 57: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

YTR = 400 - 500 = - 100. Il s’agit de l’écart de revenu par rapport au revenu permanent anti-cipé par l’étudiant.

Le revenu courant d’un individu est donc la somme de ces deux revenus:

Y = Yp + YTR

De la même façon, la consommation peut être décomposée en deux parties: la consommation permanente (Cp) qui correspond aux dépenses normales liées au mode de vie, et la consom-mation transitoire (CTR). La consommation transitoire désigne toutes les dépenses accidentelles ou aléatoires non prévues par l’individu, mais qu’il doit néanmoins assumer à l’instant t. Il s’agit donc d’une consommation exogène. La consommation totale d’un individu à la période t se compose de la consommation permanente et transitoire, soit:

C = Cp + CTR

Ce cadre d’analyse conduit ensuite Friedman à considérer que la fonction de consommation d’un individu s’écrit de la façon suivante:

Cp = aYp

avec a = propension moyenne et marginale à consommer.

Pour Friedman, il n’existe pas de relation stable entre le revenu permanent et transitoire, ni entre la consommation permanente et la consommation transitoire. Le seul lien stable est celui qui lie la consommation permanente et le revenu permanent. Autrement dit, le niveau de consomma-tion choisi par l’individu ne dépend que de son revenu permanent, et non pas du revenu cou-rant (permanent + transitoire).

Intuitivement, la fonction de consommation proposée par Friedman suggère que l’individu pré-fère baser sa consommation sur le revenu qu’il estime être sûr de pouvoir gagner sur le long ter-me, afin d’éviter des fluctuations trop fortes de sa consommation cours du temps. Il s’agit notamment pour l’individu de protéger un niveau de consommation moyen afin de ne pas avoir à subir des baisses de consommation dans le futur. La conséquence directe de cette spécification est donc qu’elle permet en quelque sorte un lissage de la consommation dans le temps. Ce type de comportement est très souvent vérifié d’un point de vue statistique.

Exemple 1: si, en raison d’une promotion, le salaire d’un individu augmente de 500 euros par mois au 1er janvier de l’année N, il est fort probable que cet individu consacre une grosse partie de ce revenu supplémentaire à l’augmentation de sa consommation mensuelle car la promotion lui a permis d’augmenter son revenu permanent. Maintenant, si au cours de l’année N, l’indi-vidu gagne 10 000 euros à la loterie, il est peu probable qu’il consomme la totalité des 10 000 euros au cours de la même année. Il est plus raisonnable de penser qu’il va en épargner une bonne partie afin de lisser sa consommation dans le temps. Cette épargne lui permettra par exemple de faire face à des dépenses futures imprévues ou de maintenir son niveau de consom-mation en cas de baisses imprévues de ses revenus futurs.

Exemple 2: supposons que le cours mondial du blé s’établisse en moyenne à 100 euros la tonne chaque année. Supposons qu’à l’année N, une sécheresse aux Etats Unis rende les récoltes moins bonnes et augmente le cours du blé à 120 euros la tonne. Cela a pour conséquence d’aug-

Page 58: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

menter la rémunération des agriculteurs français en N par rapport à leur revenu permanent. Les agriculteurs français vont-ils augmenter leur consommation en N du fait de la hausse de leur rémunération ? Probablement pas ! Leur consommation va rester stable et continuera à se baser sur leur revenu permanent, c’est-à-dire 100 euros la tonne de blé. Pourquoi ? Si par exemple, en N + 1, le cours mondial du blé tombe à 80 euros par mois, cela aurait pour effet de réduire le revenu courant des agriculteurs français. Les gains exceptionnels perçus en N per-mettraient alors aux agriculteurs de maintenir leur consommation à un niveau stable.

En résumé, pour Friedman, le fait de boire quelques bouteilles de champagne en plus les années où le revenu est élevé ne compense pas le fait d’avoir faim les années où leur revenu est faible, si bien que les individus préfèrent épargner les gains qu’ils considèrent comme exceptionnels par rapport à une situation normale pour pouvoir en disposer les années où leur revenu sera ha-bituellement bas. Nous allons maintenant expliquer comment les monétaristes utilisent le con-cept de revenu permanent d’un point de vue macroéconomique pour remettre en cause la politique budgétaire keynésienne.

4.1.2.2. Politique budgétaire et revenu permanent

Si les individus fondent leurs décisions de consommation sur leur revenu permanent et non pas sur leur revenu courant comme le suggère la fonction de consommation keynésienne, l’effica-cité du multiplicateur risque d’en être affectée. En effet, une politique budgétaire expansionniste augmente le revenu courant national, mais seulement de façon transitoire (ou conjoncturelle) car l’impact du multiplicateur sur le revenu national ne dure qu’un temps. Au bout d’un mo-ment, le multiplicateur s’épuise. Par conséquent, si les agents estiment que la hausse de leurs revenus courants n’est pas de nature à affecter de manière significative leur revenu per-manent, ils vont épargner la grande majorité de ce revenu supplémentaire et l’effet de la politique budgétaire sur la consommation sera négligeable.

En d’autres termes, si la politique budgétaire augmente le revenu courant de court terme, il n’est pas garanti qu’il ait un effet significatif sur le revenu de long terme (et donc le re-venu permanent) des agents. Dans ce contexte, toute hausse des dépenses publiques entraînera une hausse du revenu global qui sera interprétée comme transitoire par les agents et donc, sera absorbée en totalité par l’épargne.

Schéma 1.9. Revenu permanent et inefficacité de la politique budgétaire

4.1.3. Le rejet de la politique budgétaire par la nouvelle économie classique

La nouvelle économique classique s’est développée dans les années 1960 et 1970. Ce courant a tenté de démontrer par divers développements théoriques les faiblesses de la politique budgé-taire keynésienne. L’une des principales critiques de ce courant est connue sous le nom de théo-rème d’équivalence «Barro-Ricardo» que nous allons plus particulièrement développer.

La théorie de l’équivalence ricardienne, en référence à David Ricardo qui l’a formulée au départ

G DG Y (transitoire)

S

'Yp 0 'C 0

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en 1820, a été redécouverte un siècle et demi siècle plus tard par Barro, en 1974. La thèse de Barro réhabilite le message classique et libéral du 19e siècle affirmant l’inefficacité de l’inter-vention de l’Etat et le respect des principes de l’orthodoxie budgétaire (c’est-à-dire un budget équilibré avec des dépenses intégralement financées par les impôts).

Le principe d’équivalence Barro-Ricardo stipule que l’efficacité d’une relance de la demande par l’augmentation des dépenses publiques est indépendante du mode de financement de ces dépenses, et tout particulièrement, du choix entre l’impôt (paiement aujourd’hui), l’emprunt (paiement futur), voire la création monétaire.

Sans entrer dans le détail du raisonnement qui amène à cette équivalence, l’objectif de Barro dans son analyse est surtout de montrer que le mode de financement des dépenses publiques est un problème secondaire par rapport au problème principal qui est selon lui les pertes d’efficiences engendrées par un niveau excessif de dépenses publiques. Il montre que ces pertes d’efficience sont imputables aux effets distorsifs des dépenses publiques sur les comportements des agents économiques.

Plus précisément, si l’augmentation des dépenses publiques se fait par le recours à l’emprunt, les individus anticipent que des impôts seront prévelés dans le futur pour que l’Etat puisse rem-bourser sa dette. Autrement dit, les agents perçoivent les dépenses publiques actuelles com-me un impôt différé dans le temps. Par conséquent, lorsqu’ils observent une augmentation des dépenses publiques, ils augmentent leur épargne en prévision des futures hausses d’impôts. En d’autres termes, chaque euro de dépenses publiques en plus est un euro de dette publique en plus qu’il faudra rembourser demain. Anticipant ces futures dépenses, cet euro supplémentaire est totalement épargné, ce qui affaiblit le multiplicateur d’investissement (k = 1 ici).

Schéma 1.10. L’effet à court terme d’une hausse des dépenses publiques financée par em-prunt selon Barro

Si l’Etat décide maintenant de financer les dépenses publiques par une augmentation de l’impôt forfaitaire, le multiplicateur vaudra également 1 (cf. théorème de Haavelmo). On voit donc qu’arbitrer entre emprunt et impôt revient en quelque sorte à arbitrer entre un impôt aujourd’hui ou un impôt demain, ce qui est strictement équivalent en terme d’efficacité.

Enfin, si le financement des dépenses se fait par émission monétaire (hausse de la masse moné-taire), le raisonnement est du même type que pour une hausse des dépenses financée par em-prunt. Les agents anticiperont l’augmentation de l’inflation qui résultera de cette politique. Ils épargneront donc davantage aujourd’hui afin de préserver la valeur réelle de leurs encaisses fu-tures, et donc leur pouvoir d’achat futur.

En résumé, lorsque les dépenses publiques sont financées par emprunt ou création moné-taire, les comportements induits par le principe de l’équivalence ricardienne induisent un affaiblissement du multiplicateur. Les agents économiques anticipent les effets pervers à long terme de la hausse des dépenses publiques et augmentent leur épargne en conséquence. Cette épargne sert, selon le mode de financement des dépenses, soit à rembourser la dette publique future, soit à reconstituer le stock d’encaisses réelles futur, mais n’alimente pas le multiplica-

'G 'Y

'dette 'S 'G 'Y

Page 60: Cours de1 ére année de licence en Economie Gestion

teur.

Le théorème de l’équivalence ricardienne a fait et fait toujours l’objet de nombreux débats par-mi les économistes. La démonstration de ce théorème repose sur des hypothèses si restrictives que beaucoup s’interrogent sur sa validité empirique. Parmi les hypothèses nécessaires pour que le modèle fonctionne, on pourra notamment citer:

a. La perfection des marchés des capitauxb. Les impôts forfaitairesc. L’altruisme intergénérationnel: chaque génération est composée d’un nombre fini d’individus et agit en tenant compte du bien-être des générations auxquelles elle est liée par des chaînes pa-trimoniales ininterrompues.

4.2. Les problèmes pratiques posés par la politique budgétaire

Au-delà des débats théoriques qu’elle a suscités, la politique budgétaire fait l’objet de contrain-tes du point de vue de son application pratique. En effet, depuis ces deux dernières décennies, l’environnement des économies développées s’est complètement modifié au point d’entraîner au niveau de l’instrument budgétaire une perte de souveraineté et de décisions des Etats. On peut distinguer 3 grandes catégories de contraintes pratiques qui pèsent sur l’efficacité de la po-litique budgétaire:

- Les contraintes liées à la mise en oeuvre de la politique budgétaire- Les contraintes liées à la mondialisation commerciale, productive et financière (contrainte extérieure)- Les contraintes liées à l’accroissement des déficits publics et de la dette publique

4.2.1. Les contraintes liées à la mise en oeuvre de la politique budgétaire

De nombreuses difficultés peuvent surgir au moment de la mise en oeuvre d’une politique bud-gétaire. Nous en retiendrons principalement trois. Le premier problème qui se pose est le pro-blème des délais de mise en oeuvre de la politique budgétaire. Plus précisément, il faut du temps pour modifier la politique budgétaire d’un pays. On ne peut pas changer du jour au len-demain les plans de dépense à long terme concernant la construction d’hôpitaux ou la défense. Et une fois que le changement de politique a été mis en oeuvre, il faut du temps pour qu’il agisse par l’intermédiaire de toutes les étapes du processus du multiplicateur et pour que la nouvelle politique budgétaire fasse sentir tous ses effets.

Le deuxième problème qui se pose a trait à l’incertitude sur l’environnement macroécono-mique. Comme la politique budgétaire demande du temps pour produire ses effets, le gouver-nement doit prévoir le niveau qu’atteindra la demande globale à l’époque où la politique budgétaire jouera à plein régime. Si l’investissement est faible aujourd’hui, mais s’il est sur le point de connaître une hausse importante, il peut être inutile d’amorcer aujourd’hui une politi-que budgétaire expansionniste. Des erreurs de prévision sur la valeur d’autres composantes de la demande autonome, comme l’investissement, peuvent conduire à des décisions incorrectes sur les modifications budgétaires nécessaires aujourd’hui.

Enfin, le dernier problème tient à la difficulté pour l’Etat d’évaluer avec précision la valeur du multiplicateur. Des erreurs d’estimation du multiplicateur induiront des décisions incorrec-tes sur l’ampleur des modifications qu’il convient d’apporter à la politique budgétaire pour

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changer d’un montant donné le produit d’équilibre.

4.2.2. La contrainte extérieure

La mondialisation des économies a fait apparaître la contrainte extérieure comme l’un des prin-cipaux problèmes auquel se heurtent les économies nationales lorsqu’elles veulent mettre en oeuvre une politique budgétaire. La contrainte extérieure peut peser de différentes façons sur la politique budgétaire d’un pays.

Nous avons vu lors de l’étude du modèle keynésien que l’ouverture de l’économie vers les échanges extérieurs avait pour conséquence directe un affaiblissement du multiplicateur. En ef-fet, toute politique budgétaire augmente le revenu des agents nationaux, mais une partie de ce revenu est consacrée à la consommation de biens importés, ce qui pénalise la demande nationa-le. Lorsque l’on tient compte de ce problèmes dans le modèle, on a vu que le multiplicateur d’in-vestissement valait:

k =

Dans l’expression ci-dessus, le coefficient m (propension marginale à importer) réduit la valeur du multiplicateur par rapport au multiplicateur observé en économie fermée. Néanmoins, l’ar-gument de perte d’efficacité de la politique budgétaire en économie ouverte du fait des fuites de la demande par les importations doit être tempéré. En effet, si l’on émet l’hypothèse que nos partenaires étrangers sont également en situation de sous-emploi, alors la mise en place d’une politique budgétaire en France génère davantage d’importations en provenance de ces pays. La demande de produits étrangers augmentant, le revenu global de ces pays augmente aussi, ce qui les conduira à acheter davantage de produits étrangers, et notamment des produits français. Un tel effet compense alors partiellement l’affaiblissement du multiplicateur causée par l’ouverture de l’économie.

Schéma 1.11. L’effet marginal de la politique budgétaire sur les exportations nationales

Par ailleurs, et dans le même ordre d’idée, il faut aussi noter que si une politique budgétaire na-tionale profite en partie, aux pays étrangers, l’inverse est également vrai. Une augmentation des exportations, suite par exemple, à une relance menée chez l’un de nos partenaires, joue le même rôle qu’un choc sur l’investissement et enclenche un mécanisme multiplicateur (car la demande de produits français de la part des pays étrangers augmente). En résumé, l’ouverture d’un pays exporte vers ses partenaires une partie des effets bénéfiques d’une politique de relan-ce nationale, mais importe une partie des effets bénéfiques d’une politique de relance me-née par l’un de ses partenaires. Par exemple, la politique budgétaire menée en France au début des années 1980 a en partie bénéficié à l’Allemagne (le principal partenaire commercial de la France) car les exportations allemandes vers la France ont augmenté suite à la relance budgé-taire française. Cependant, l’ouverture internationale peut également bénéficier à la France si une relance budgétaire est par exemple pratiquée aux Etats-Unis ou en Allemagne. L’augmen-tation de l’activité économique dans ces pays se traduirait par une hausse des exportations fran-

11 c� ct m� �----------------------------------

G Y M YETR X

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çaises vers ces pays.

4.2.3. Les contraintes liées à l’accroissement des déficits et de la dette publics4.2.3.1. Le déficit budgétaire

Le déficit budgétaire s’observe lorsque les dépenses de l’Etat (dépenses publiques, transferts aux ménages) dépassent les recettes, autrement dit les recettes fiscales. D’un point de vue ana-lytique, et en supposant pour simplifier que les transferts sont nuls (F = 0), on a alors:

Déficit budgétaire public = G - T

Si on suppose que l’impôt est proportionnel et que le taux marginal d’imposition vaut t, alors l’expression du déficit budgétaire devient:

Déficit budgétaire public = G - tY L’existence d’un excedent ou d’un déficit budgétaire est ainsi déterminé par trois éléments: le taux d’imposition t, le niveau de la dépense publique G et le niveau du revenu Y. Pour un taux d’imposition donné, une hausse de G induit, par effet multiplicateur, une augmentation du re-venu global. Mais cela entraîne à son tour une augmentation des recettes fiscales. La question que l’on peut se poser est alors la suivante: est-il concevable qu’en dépensant plus, l’Etat puisse accroître le niveau d’équilibre du revenu et des recettes fiscales dans une mesure telle que le déficit budgétaire soit réduit par cette dépense plus élevée ? Nous allons montrer que c’est im-possible.

Nous avons vu dans les parties précédentes de ce chapitre que dans une économie sans Etat, l’équilibre sur le marché des biens et services implique nécessairement une égalité entre l’épar-gne et l’investissement. Si l’on introduit le budget de l’Etat dans l’analyse, les choses se modi-fient quelque peu. En effet, le revenu national ne comporte plus deux, mais trois utilisations: il est soit consommé, soit épargné, soit reversé à l’Etat sous forme d’impôt. On peut donc écrire:

Y = C + S + T (1)

Comme en plus, à l’équilibre, la production globale doit être égale à la demande globale, on peut aussi écrire:

Y = C + I + G (2)

En combinant les relations (1) et (2), on obtient:

S + T = I + G

S - I = G - T (3)

Autrement dit, la relation (3) stipule qu’à l’équilibre sur le marché des biens et services, le dé-ficit budgétaire doit être égal à la différence entre l’épargne et l’investissement. Cette relation indique nécessairement qu’un accroissement des dépenses publiques augmente nécessairement le déficit budgétaire. Pourquoi ? Pour un taux d’imposition donné, une hausse de G implique nécessairement une augmentation du revenu d’équilibre Y. Le revenu disponible Yd augmente également et une partie de ce revenu disponible est épargnée (S augmente dans le terme de gau-

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che). Puisque l’investissement est indépendant du revenu, le terme de gauche de la relation (3) s’accroît. Puisque l’écart entre l’épargne et l’investissement s’accroît, cela signifie donc que le déficit budgétaire s’accroît et donc, que que l’augmentation des recettes fiscales induites par un niveau plus élevé du produit ne peut pas, à court terme, contrebalancer complètement la hausse des dépenses publiques.

On peut donc conclure qu’une hausse de la dépense publique en biens et services accroît le niveau d’équilibre du produit. Pour un taux d’imposition donné, les recettes fiscales aug-mentent. Toutefois, à court terme, le déficit budgétaire augmente également (ou l’excédent budgétaire diminue).

Nous pouvons analyser de la même façon une hausse du taux d’imposition. Lorsque le taux d’imposition augmente, le revenu d’équilibre diminue. Le revenu disponible diminue égale-ment, ce qui incite les agents à diminuer leur épargne. L’investissement étant indépendant du revenu, le terme de gauche de l’équation (3) devient plus faible, ce qui signifie donc que le terme de droite devient aussi plus faible et donc, que le déficit budgétaire se réduit (ou que l’excédent budgétaire augmente).

On peut donc conclure que pour un niveau donné de la dépense publique G, une hausse du taux d’imposition diminue à la fois le niveau d’équilibre du revenu national et le déficit budgétaire.

4.2.3.2. Politique budgétaire et accroissement de la dette publique

On appelle dette publique l’ensemble des dettes de l’Etat résultant des emprunts que ce dernier a émis ou garantis. La dette de ce dernier augmente chaque fois qu’est enregistré un déficit, puisqu’il doit accroître ses emprunts pour combler l’excédent des dépenses sur les recettes.

Puisque l’augmentation des dépenses publiques accroît les déficits (cf. section précédente), elle accroît donc nécessairement la dette de l’Etat. Est ce que cela signifie pour autant que l’augmen-tation de la dette est quelque chose de mauvais pour la nation ? La réponse à cette question est négative. On peut donner plusieurs arguments qui montrent qu’une dette qui s’accroît n’est pas en soi quelque chose de dramatique pour un pays.

Tout d’abord, l’endêttement de l’Etat n’est pas malsain si l’argent emprunté sert à réaliser des investissements productifs (ex: construction d’écoles) qui augmenteront le revenu global et les recettes fiscales à long terme et permettront de rembourser la dette. De plus, si la dette nominale d’un pays augmente, sa dette réelle peut quant à elle diminuersous l’effet de l’inflation. La dette nominale représente le montant total des emprunts émis par l’Etat tandis que la dette réelle représente la valeur de la dette une fois qu’on a neutralisé la haus-se des prix.

Exemple: supposons qu’en 2005, la dette d’un Etat (intérêts compris) soit de 100 000 euros et que sa dette augmente de 1% (soit 1000 euros) entre 2005 et 2006. Sa dette nominale (intérêts compris) s’élève donc à 101 000 euros en 2006. Mais supposons que le taux d’inflation entre 2005 et 2006 soit de 5%. La valeur réelle de la dette vaut alors:

dette réelle = = 96190,47 euros1010001 05�

------------------

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Le taux d’inflation étant supérieur au taux de croissance de la dette nominale, la valeur réelle de la dette a diminué. Autrement dit, une dette de 101 000 euros en 2005 ne vaut plus que 96 190,47 euros en 2006 sous l’effet de la hausse du niveau général des prix. L’accroissement de la dette n’est pas non plus problématique à partir du moment où l’économie croît suffisamment en termes réels. En effet, il n’est pas nécessaire que le budget de l’Etat soit excédentaire pour que l’endêttement de l’Etat diminue. Pour cela, il suffit juste que le ratio det-te/PIB diminue. Autrement dit, l’augmentation de la dette (notamment tributaire des taux d’in-térêt) doit être inférieure à la croissance nominale du PIB. Intuitivement, si le PIB augmente plus vite que le montant de la dette, cela signifie qu’un euro de dette en plus aujourd’hui pourra être remboursé demain par l’augmentation des recettes fiscales obtenue grâce au dynamisme de la croissance économique.

Tous les arguments présentés précédemment suggèrent donc qu’une croissance de la dette n’est pas en soi quelque chose de mauvais dans bon nombre de circonstances. Mais pour autant, aucun de ces arguments n’explique pourquoi une dette positive est désirable pour la nation. En d’autres termes, quelle est l’utilité de la dette pour un pays ? Pourquoi ne pas la ramener à 0 ?

L’argument prépondérant pour ne pas ramener la dette publique à 0 est davantage technique qu’économique. La disparition des emprunts et des obligations d’Etat perturberait fortement les marchés financiers pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les obligations d’Etat constituent un placement immuable pour tous les agents (ménages, banques, institutions financières etc.). Dé-tenir une partie de ses actifs en obligation d’Etat est un gage de sécurité. Par exemple, pour les banques centrales, les obligations d’Etat sont un instrument incontournable. Leur politique «d’open market» visant à réduire ou augmenter la liquidité sur le marché monétaire passe par la vente et l’achat d’obligations d’Etat et de bons du Trésor. Ces titres se présentent comme une contrepartie sans risque (garantie de l’Etat) des liquidités injectées dans l’économie. De même, sur les marchés financiers, de nombreux opérateurs utilisent les obligations d’Etat pour couvrir les parties les plus risquées de leur portefeuille.

Enfin, sur les marchés financiers, les obligations d’Etat servent de référence pour comparer les rendements d’autres titres financiers et produits dérivés. Etant donné que la probabilité pour un Etat de faire faillite est minime, leur risque de crédit est quasiment nul. Par conséquent, les titres publics servent de référence pour mesurer le risque de crédit des entreprises et d’autres institu-tions.

Exemple: le fait stylisé suivant nous permet de mieux comprendre le genre de déréglement pou-vant se produire en cas de disparition de la dette publique. Aux Etats-Unis, il est apparu que les marchés financiers ont apprécié les excédents budgétaires de l’ère Clinton. Mais cet enthou-siasme a fait place à la panique lorsque le Trésor a annoncé au début de l’année 2000 qu’il allait désormais émettre moins d’obligations à 30 ans en remboursant les anciens emprunts et ne procéder qu’à une seule émission par an au lieu de 3. Suite à cette raréfaction de l’offre d’obligations à long terme, leur cours a grimpé et leur rendement a chuté, à tel point que la courbe des taux s’est inversée, les obligations à 30 ans rapportant jusqu’à 0,5% d’intérêt de moins que les obligations à 10 ans ! Le marché a ainsi perdu ses repères. En effet, une courbe des taux inversée avec des taux d’intérêt plus faibles pour une durée plus longue est quoi qu’il en soit, un événement exceptionnel.

On a donc mis en évidence un ensemble d’arguments qui montrent clairement que la dette pu-blique n’est pas condamnable. De plus, étant donné le rôle important joué par les titres publics

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sur les marchés financiers, une dette publique réduite à 0 n’est pas souhaitable.

Dans ces conditions, pourquoi un économiste raisonnable se soucie-t-il le moins du monde de l’ampleur de la dette publique ? Essentiellement parce que lorsque le taux d’intérêt nominal est supérieur au taux de croissance du PIB, alors les intérêts de la dette auront tendance à devenir une charge de plus en plus lourde pour la nation. En effet, quand le taux d’intérêt est supérieur au taux de croissance de PIB, alors le ratio dette/PIB a tendance à augmenter. L’augmentation de la charge d’intérêt se traduit alors par une augmentation des dépenses publi-ques (car il faut bien payer les intérêts aux détenteurs de titres publics). Si les taux d’imposition sont maintenus à un niveau stable, la croissance des recettes fiscales n’est pas suffisante pour absorber ces dépenses supplémentaires (car la croissance du PIB est inférieure à la croissance du taux d’intérêt). De quelles solutions dispose alors l’Etat pour résoudre ce problème ?

Pour payer la charge croissante que représentent les intérêts, l’Etat peut augmenter les taux d’imposition. Cependant, ces taux d’imposition élevés peuvent avoir des effets distorsifs (baisse de la consommation, les entreprises délocalisent leur production dans des pays à la fiscalité plus avantageuse etc.).

Si l’Etat n’est pas prêt à subir les effets distorsifs d’une hausse des impôts, l’augmentation des charges d’intérêt se traduira par un déficit qu’il ne pourra financer qu’en empruntant davantage. Autrement dit, l’Etat serait obligé d’emprunter pour rembourser ses emprunts passés, ce qui ag-grave encore plus les déficits et la dette publique ! C’est ce qu’on appelle l’effet boule de neige de la dette. Non seulement emprunter pour rembourser les intérêts de la dette constitue une dé-pense non productive, mais en plus, cela contribue à alimenter encore plus la dette. On peut re-présenter sous forme de schéma le cercle vicieux qui menace un pays qui s’endêtte de manière excessive:

Schéma 1.13. L’effet boule de neige de la dette publique

C’est pour éviter un effet boule de neige tel que décrit par le schéma précédent que l’Union européenne impose aux pays de la zone euros un déficit budgétaire qui ne dépasse pas 3% du PIB et une dette publique cumulée inférieure à 60% du PIB (critères de Maasticht).

En France, le service de la dette, c’est-à-dire le paiement des intérêts, se montait à 47 milliards d’euros en 2005 (17% des recettes de l’Etat), soit presque la totalité de l’impôt sur le revenu

Augmentation des dépenses publiques

Nouveaux emprunts pour financer les déficits

Augmentation des déficits publics

Augmentation de la dette publique

Augmentation de la charge d’intérêt

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payé par les français. Le service de la dette était en 2005 le deuxième poste budgétaire de l’Etat français, après celui de l’Education nationale. La dette totale de l’Etat français peut être évaluée à environ 1100 milliards d’euros, ce qui représente 64% du PIB en 2004. Le poids de la dette en France est donc relativement important, et son évolution doit être contrôlée afin d’éviter l’ap-parition du fameux effet boule de neige qui aurait pour conséquence de gonfler mécaniquement les charges d’intérêt.

Cependant, si les statistiques relevées ci-dessus peuvent paraître inquiétantes, elles doivent être relativisées pour deux raisons. Tout d’abord, quand on calcule la dette, on ne tient pas comp-te du patrimoine de l’Etat (bâtiments, patrimoine culturel, parcs naturels etc.). Ce dernier est évalué à environ 2000 milliards d’euros (estimation basse) alors que la dette publique est éva-luée à environ 1250 milliards d’euros. Ensuite, la dette de l’Etat est détenue en grande majorité par les ménages français. Autrement dit, c’est une dette que la nation se doit à elle-même. Par exemple, les français placent très souvent leurs économies dans des contrats d’assurance-vie. Or, ces derniers contiennent beaucoup d’obligations d’Etat. Lorsque les administrations publi-ques paient les intérêts de leur dette, une part file dans la poche des détenteurs de ces contrats. Ce n’est donc pas de l’argent perdu pour l’économie française, mais de l’argent qui revient di-rectement à la nation.

4.3. La politique budgétaire passive: les stabilisateurs automatiques

Nous avons mis en évidence tout au long de ce chapitre les différentes difficultés qui émergent lors de la mise en place d’une politique budgétaire active, c’est-à-dire lorsque l’Etat augmente ses dépenses publiques pour soutenir la demande et la croissance économique. Les problèmes qui se posent sont si nombreux (effets d’éviction, hausse des déficits publics et augmentation de la dette etc.) que, dans la pratique, les Etats n’utilisent quasiment plus cet instrument de politi-que macroéconomique dans le but de mettre en place une relance conjoncturelle de la demande. Faut-il pour autant en conclure que la politique budgétaire n’est plus d’aucune utilité dans le monde actuel ? La réponse à cette question est négative. Si les politiques budgétaires actives sont devenues rares, les politiques budgétaires dites passives continuent à jouer un rôle im-portant.

La politique budgétaire passive agit sur l’économie par le biais des stabilisateurs automati-ques. Pour comprendre ce que représentent les stabilisateurs automatiques, partons du modèle keynésien standard étudié dans la section 2 de ce chapitre. Dans une économie fermée avec in-troduction du budget de l’Etat, nous avons vu que le revenu d’équilibre sur le marché des biens et services était:

Y* =

Et donc le multiplicateur d’investissement vaut dans ce cas:

kG = kI =

Pour une PmC donnée, plus le taux d’imposition t est élevé, plus le revenu global Y est faible, et plus le multiplicateur est petit. Par exemple, quand la PmC vaut 0.8, alors le multiplicateur

cF Co Io Go cTo�� � �1 c� ct�

-----------------------------------------------------------

11 c� ct�------------------------

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vaut 5 avec un taux d’imposition nul et 2.78 avec un taux d’imposition de 0.2.

Supposons que l’économie soit frappée par une chute de la demande d’investissement égale à 100 ( ). Si le taux d’imposition est nul, le revenu global diminue de 500 unités. Mais avec un taux d’imposition de 0.2, le revenu global ne diminue que de 278 unités. De même, si l’investissement augmentait, l’effet multiplicateur sur le produit d’équilibre serait d’autant plus atténué que le taux d’imposition serait élevé. Le taux d’imposition proportionnel offre un exem-ple de stabilisateur automatique. Les stabilisateurs automatiques sont des mécanismes de l’économie qui réduisent automatiquement la réaction du PIB à des chocs macroéconomi-ques.

Ainsi, une politique budgétaire passive peut par exemple consister à maintenir les taux d’imposition à un niveau élevé afin de réduire le multiplicateur et d’atténuer l’impact né-gatif d’une baisse de la demande sur le revenu global. Evidemment, et en contrepartie, lors-que la demande globale augmente, le poids de la fiscalité freine la hausse du revenu global. En 1992, le ministère de l’Economie et des Finances fait remarquer que la politique budgétaire a aussi consisté à «laisser jouer les stabilisateurs automatiques en période de ralentissement con-joncturel pour accompagner la reprise».

L’impôt sur le revenu, la TVA et les allocations chômage sont d’importants stabilisateurs auto-matiques. Chaque fois que le revenu global diminue, les allocations chômage versées par l’Etat augmentent automatiquement à taux de prestations constants (car le chômage augmente), et les recettes que l’Etat tire de l’impôt sur le revenu et de la TVA diminuent automatiquement, sans variation des taux d’impôt. La conséquence directe de l’existence de ces stabilisateurs automa-tiques est qu’en période de récession économique, le déficit budgétaire de l’Etat s’allourdit.

Il apparaît donc clair que laisser jouer les stabilisateurs automatiques constitue une autre façon de mener une politique budgétaire, mais l’avantage additionnel des stabilisateurs automatiques par rapport à une politique budgétaire classique est justement qu’ils fonctionnent automatique-ment, sans que personne doive décider de les mettre en oeuvre. Cela permet d’éviter certains coûts liés à la mise en oeuvre de la politique budgétaire que nous avons relevés dans la section 4.2.1 (problèmes de délais de mise en oeuvre de la politique budgétaire, problèmes liés à l’in-certitude de l’environnement macroéconomique). Personne n’a à décider s’il s’est produit un choc auquel le gouvernement devrait réagir. En réduisant la sensibilité de l’économie aux chocs, les stabilisateurs automatiques contribuent à garantir que le produit ne tombera pas jusqu’à des niveaux catastrophiques.

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