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Couverture:HachetteRomansStudioVisuel:©LilacHome/Shutterstock
Traduitdel’anglais(États-Unis)parBrigitteHébertL’éditionoriginaledecetouvrageaparuenlangueanglaisesurlaplateformed’écritureWattpad,souslemêmetitre.
©ClaudiaTan,2016,pourletexte.TheauthorisrepresentedbyWattpad.
©HachetteLivre,2019,pourlatraductionfrançaise.HachetteLivre,58rueJeanBleuzen,92170Vanves.
ISBN:978-2-01-707874-6
CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.
Cemecest tropmignon.J’adoresavesteenjean.Ilessayedesortirquelquechose de sa poche,mais l’objet lui résiste. Ça l’énerve etmoi, çam’amuse !Cheveux noirs, yeux noisette, pommettes hautes, longs cils, bouche sexy,décidément, toutmeplaîtchez lui. Iln’apas l’airbeaucoupplusâgéquemoi.Vingtanspeut-être?Ça y est,M.Sexy a réussi à régler son problème : c’était son trousseau de
clés.Tiens,ilentredansnotrecaged’escalier.Onseravoisins,tropcool.Iln’apasremarquéquejelereluquaisdepuiscinqbonnesminutes.Jecroismêmequej’enavaisl’eauàlabouchecommeuneécolièreboutonneuse.Jesais,jesuisunefillepathétique.Passurprenantquemesparentsm’aientpousséeàquitterledomicilefamilial
pourallervivreavecCara,alorsquenotremaisonsetrouveàvingtminutesducampus. Mais il paraît que je dois expérimenter, découvrir des trucs aussibasiques que de s’occuper du linge sale ou de réussir à choisir un melon ausupermarché.Jedoisaussiapprendreànepasbaverlamentablementdevantunmectropmignon.Bref,Caraadupainsurlaplancheavecmoi.—Bahalors,tescartons,ilsvontmontertoutseuls?lanceunevoixfamilière.Carame fixe d’un regard furibond. Enmême temps, cela fait plus de deux
heuresqu’ondéménagemesaffaires,elleenaraslacasquette.D’unautrecôté,cen’estpasmafautesiellelefaitentalonsaiguillesetminijupe.—Allô,laTerre?ditencoreCara.—Pardon!Iln’yenaplusquetrois,jefiniraiseule.
—C’estbon,jelessorsducoffre,grommellemonamie.Ellelesposeausommetdelapile.Sesyeuxlancentdeséclairsetmescrutent
enmêmetemps.Jecroisqu’elleadevinépourquoij’étaisdanslesnuages.Cararepartgarermavoiture, j’espèrequ’ellenevapas rayer la carrosseriedemonbébéd’amour(oui,enplusdureste,jesuisdinguedemacaisse).Oh,M.Veste-en-jeanestressorti,iltournelatêteversmoi.Merdealors.C’estàmontourdecommenceràtripoternerveusementmesclés,histoirede
me donner une contenance. Mon problème, c’est que je suis encore plusmaladroite quand onm’observe. Je fixemes chaussures, je coince unemècherebellederrièremonoreille,jejetteuncoupd’œilrapideverslui.Ilmeregardetoujours, en plissant le front cette fois-ci. Peut-être se demande-t-il si on seconnaîtdéjà.Levoilàquisourit.Unsourireincroyablequiilluminesesyeuxetcreuse ses fossettes. Finalement, mes parents avaient raison de me pousser àpartir!Aucunregretpourleschambresducampus,jepréfèrem’installeràcôtédeM.Sourire-craquant!Bon,j’arrêtedelemater.Auboulot.Jesaisismapiledecartons.C’estlourd,
maisjem’applique.Jenevoudraispaspasserpourunepetitenaturedevantmonadmirateur.Jecommenceàgravirlesmarchesduperron.—Aïe!Lemur, jeme suis pris lemur.Vlan, la tour dePise dégringole, les caisses
s’éventrent,mesaffairesvolent. Je tented’éviter ledésastre totalenplongeantpourrattraperladernière.Erreur.—Tut’esfaitmal?demandemonspectateur.—Euh…Çapourraitallermieux.Une violente douleur m’élance la cheville droite. Je crois qu’il se retient
d’éclater de rire. Il me tend la main, m’aide à me relever, me soutient parl’épaule. Jem’appuie sur lui, un peu, beaucoup, sa chaleur irradie enmoi. Ilreculeimperceptiblement.Dommage.—Merci.Désolée,dis-jeenm’agrippantàlarampe.—Pasdequoi!Çapeutarriveràtoutlemonde.L’adorablegentlemansebaissepourrassemblermescartons.Saproximitéme
trouble.—Normalement,jenesuispasaussiempotée,j’aiétéserveuse.J’emménage
auquatrième,jem’appelleAlex.
Jenesaispaspourquoijeluiracontemavie.Sonsourires’élargitànouveau,c’estaumoinsçadegagné.—Alex,c’estundiminutif?—Oui.Jetrouvequ’Alexandriaesttroplong.—Alexandria!répète-t-ilavecdélectation.J’adorequandilprononcemonnom.—Moi, c’est Nate, un raccourci deNathaniel ! Tu arrives pour la journée
d’intégrationdesFreshmen?—Oui,jesuisnouvelle.Toiaussi?—Non, c’estmadeuxième année.Sophomore, pour vous servir, ta sœur et
toi!Masœur?Qu’est-cequ’ilraconte?—Caraestuneamie.Maisjesuiscontentequetudisesqu’onseressemble,je
latrouvetrèsbelle!—Toiaussi,réplique-t-ildutacautacenplissantsesyeuxnoisette.Jepiqueunfardenpassantpartouteslesnuancesderouge.Qu’est-cequeje
peuxrépondreàcecompliment?Nateattend,unfinsourireencoin…Toutd’uncoup,jemefige:jeréaliseavechorreurqu’ilestplantéaumilieudemespetitesculottesendentelleetdemessoutiens-gorgebalconnets.Ausecours, toutemalingerieestéparpilléesurdeuxmètresàlaronde!Lahonte.Alex,championnetoutescatégoriesduridicule.C’estreparti,jeme
jetteàquatrepattespourrassemblermesaffaires.Naterigole.OK,cemecestdugenre joyeux et moi, je suis Miss Cruche n 1. Une pile de sous-vêtementsdégringoleàsespieds.—Pardon,jen’enloupepasune,jesuis…—T’inquiète!Çapeutarriveràtoutlemonde.—N’empêche,jesuisvraimenttrop,tropridicule.C’estvrai,quelleidiote,jepourraismeflanquerdesbaffes.—Alex?Jevaist’aideràremontertes…—Non,c’estbon!Aïe!dis-jeenessayantdem’appuyersurmacheville.—Laisse-moiregarder.S’ilteplaît,Alex.Jem’assoisensoupirant.Nates’adresseàmoicommesionétaitamisdepuis
longtemps. Il s’accroupit, écarte une mèche de mon front puis me relève
o
doucementlementon.Cemecadesyeuxsublimes.—Jepeux,Alex?J’abdique.OKpour laconsultationmédicale.Avecdélicatesse, ilpalpemon
hématome.Sonpouceglissesurmapeau,unevraiecaresse…Ouhlàlà,retenez-moi!—Jecroisquec’estuneentorse.Ceseraitmieuxdebandertacheville.J’ai
unetroussedesecourschezmoi,jereviensdansdeuxminutes.—Hébé,c’estréussicommepremièrerencontre,jemurmure.—Oui,jetrouveaussi!Onéclatederireaumêmemoment.
S’adapteràunnouvelenvironnementmedemandedeseffortssurhumains,je
n’aijamaisétéfortepourgérerleschangements.Aujourd’hui,jesuiscontentedem’installer avec Cara, ma meilleure amie depuis l’école primaire. Je neconnaîtrai personne en dehors d’elle à l’université, mais je sens que je vaisassurer:j’aienviequemavieévolue.Nate apris les choses enmainpourmesaffaires, il lesmontedans l’appart
pendantque je resteassise, lepiedbandéenappuisurun tabouret.Lapoticheinutile,quoi.Cara entre alors queNatedépose le dernier carton. Je suis surprisequ’il ne
soit pas scotché par son apparition : avec sa tenue archi-sexy et son chignonartistiquement défait, Cara est canon. Elle l’a toujours été. Mais Nate ne secomporte absolument pas comme l’essaim de mecs qui papillonnenthabituellement autour d’elle. Il n’a pas un seul regard pour ses jambesinterminables et bronzées ou pour ses petites fesses parfaites et moulées. Aucontraire,j’ail’impressionqu’ilseraitcapabledelasermonnersursesfringues.D’ailleurs, ma copine a l’air fâchée qu’il reste insensible à ses charmes ! Jerigole.Zut, la voilà qui fonce sur moi en agitant les bras. Grande scène en
perspective.—Onfaitcommentavectatonned’affaires,Alex?Çadébordedepartout.— Arrête, Cara ! C’est juste quelques vêtements, des chaussures et mes
bouquins.Commentselancerdansunenouvelleviesansmesromancespréférées?—C’estquoi,leproblème?s’enquiertNate.
—Alex est obsédée par les livres, tu viens d’en charrier des tonnes, je tesignale.— Tu es une grande lectrice, Alex ? me demande-t-il avec son adorable
sourire.—Oui…Unpeu.—Unpeu?C’estunedingue,unegivréedeslibrairies,elleachètetoutcequi
sort,s’étrangleCara.Onacomptéseslivres,elleenaplusdehuitcents.Merci,mameilleure amie. J’essaye de faire bonne impression devant notre
charmantvoisinet,enmoinsdedeuxsecondes,ellemecassemonplan.—Ouah!Tantqueça?siffleNate.—Hé,j’enailaisséàlamaison!—Deux?Trois?J’aioublié,insistecettetraîtressedeCara.Nates’amusedevantnotrescènedevieuxcoupleblasédelavieàdeuxalors
qu’ellen’amêmepasencorecommencé.—Jeseraiscurieuxdelesvoir,Alex,situesd’accord,biensûr,ajouteNate.Oh,unmecintéresséparleslivres,parmeslivres,jerêve.—Laissetomber,tun’aimeraspas,dis-je.Natesouritdeplusbelle.Décidément,sapalettedesouriresmeplaît.—Si,si,çam’intéresse.Ils’approchedemoicommepourmeparlerenaparté.—Tuasl’aird’yêtretrèsattachée,enplus,chuchote-t-il.Nos regards s’accrochent. J’ai l’impression que ses yeux sont remplis de
promesses.Jerougiscommeunetomate.—D’accord.Jetelesmontreraiquandilsserontrangés,jebafouille.—Super…Aufait,j’aimebeaucoupladécochezvous.Effectivementc’esttrèssympaici,maisjen’ysuispourrien,c’estl’œuvrede
Cara, qui a beaucoup de goût. Elle joue maintenant la parfaite maîtresse demaisonennousservanttroisverresdejusd’orange.Zut,jen’yavaismêmepaspensé.—Jevoudraisbien fairepareilchezmoi,mais j’aidescolocs tropbalourds
pourappréciercequiestbeau,ditNate.—Tuasdescolocs,toi?C’estdrôle,jel’avaisimaginéseulchezlui,allezsavoirpourquoi!
—Oui,deux.Simon,monmeilleur ami,unchampionde jeuxvidéoquinesort pas de sa chambre. Et Daniel, un tombeur de nanas, tout le contraire deSimon. Je vous conseille d’éviter de croiser sa route, il ne vit que pour sontableaudechasse.Daniel.Paspossible.Est-ceque…?Du calme, Alex, respire. Plein de mecs aux États-Unis s’appellent Daniel,
inutiledefaireunefixette.J’essaye de reprendre le fil de leur conversation.Cara a sûrement posé une
questionsurlesfameuxcolocsparcequeNateesttoujourssurlemêmesujet:—…Ouais,Danielterefileraitdel’herpès!Beurk.Nateéclatederiredevantmonairdégoûté,puisilconsultesamontre.—Zut,déjà,fautquejefile.Bye,lesfilles,bonneinstallation.Penseàsoigner
tacheville,Alex!Il s’enva.L’appart est soudainplus triste.Saprésence était…Je sensdeux
yeuxfixéssurmoi.Ah.Cara.Jel’avaisoubliée.—Quoi?—Ilestmignon,n’est-cepas?medemande-t-elleendétachantsesmots.—Qui?Nate?—Alex!Arrêtedefairel’idiote!Sij’entamelesujetpotinsavecCara,onyseraencoredemainetjemeferai
desfilmstoutelanuitsurNate,et…Stop.—Jevaisdégagerlescartonsdusalon,OK?—D’accord, et après tume raconterascequi s’estpassédans l’escalier,on
diraitquej’airatélescoopdelajournée.—Maisnon!—Maissi!Merde,ellenelâcherapaslemorceau.
Monemploidutempsest top, jecommencetouslesjoursàonzeheures,ducoupjepeuxdormirtard.Touslesétudiantsdumondeenrêvent,n’est-cepas?Cematin,lepremierdemanouvellevie,j’aiadorémeréveillersanssonnerie,
traînersousmacouette,sortirdulittranquillement,sansmamèrepourmehurlerdepuis lacuisine«Alex,dépêche-toi !». J’aimebienprendremon temps,pascomme mes parents, toujours speedés. Depuis qu’ils ont créé leur sociétéWood & Co., ils sont devenus des fous de boulot, des drogués de l’activitéprofessionnellenon-stop.Lebureauestleurdeuxièmemaison,fairefortuneleuruniquepréoccupation.Engentille fillequi se soucied’eux, j’appellemamèrepourdonnerdemes
nouvelles.Elledécrocheàlatroisièmesonnerie.Incroyable.—MargarethWood,j’écoute.—Maman,c’estmoi!Ellemeconsacreexactementquatresecondesetdemie,puisj’entendslebruit
desesdoigtsquipianotentsurunclavierd’ordinateur.—Maman,tumepassespapa,s’ilteplaît?—Pasmaintenant,Alex.—Ahbon,pourquoi?—Iln’apasletemps.Unegrosseaffaire,tucomprends.Etvoilà.Monpèren’aplusjamaisletempsderien,allezsavoirpourquoi.Je
décide quand même de raconter l’emménagement, ma cheville, les cartonsrenversésdansl’escalier,maispasNate.
— Ah… oh… oui, je vois, répond ma mère, qui m’écoute d’une oreilledistraite.Ensortantdemachambre, j’aperçoisCara, lescoudessur lecomptoirde la
cuisine,absorbéeparsatablette.Mêmemalcoiffée(oupascoifféedutout),cettefilleenjette.—Maman,jetelaisse,fautquejeparteencours.—OK,bonnejournée,machérie.Et elle raccroche. Fiou.Mamère est expéditive, ça fait peur. Je m’écroule
dansunfauteuiltellementçamescie.—Alex?Toutvabien?demandeCara.—Oui,oui,c’estbon.—Alorsonyva!Premierpetitdéjeuneràlafac,fautfêterça.Stony Brook, notre quartier, est bien situé par rapport au campus, mais,
comme on est flemmardes et que j’ai encore mal à la cheville, on prend mavoiture.MasuperCadillactouteneuve.Mesparentsmel’ontoffertepourlafindulycée.C’étaitsûrementunefaçondesedédouanerpourtoutletempsqu’ilspassentàbosser,week-endscompris.Dixminutesplustard,nousentronsdansleparkingduBostonCollege,perché
ausommetdelacolline.Aucundoute,c’estmagnifique,jevaismeplaireici.Caram’entraîneverslacafèt’,oùl’ons’achètedessmoothiesetdesmuffins
qu’on va manger dehors au soleil. Il y a déjà de nombreux étudiants. Lesnouveaux, comme Cara et moi, se repèrent facilement : ils sont surexcités,habillésavecsoin,c’estamusant.Caranemeposepasdequestionssurlecoupdefildecematin,elleconnaîtla
situation avec mes parents. On papote tranquillement. Au bout d’un quartd’heure,jemelève,ilesttempsd’allerfairemarentrée.—Bye.Jen’aipasenvied’êtreenretard.Caranebougepas,elleetmoinesommespasensembledanstouslescours.—Mets-toiaupremierrang,surtout!semoque-t-elle.J’arriveencoursdecréationlittéraireavecquinzebonnesminutesd’avance.
Çamepermetdechoisiruneplacediscrèteaumilieudel’amphi,quicommenceàseremplir.Les étudiants continuent d’affluer, ceux qui se connaissent déjà se
rassemblent. OK, j’aurais peut-être dû me coller à un groupe, j’ai tout de la
pauvreclochepaumée.Çacraint.Jepasseenrevuetousmesstylospouravoirl’airmoinsconne.Montéléphone
bipe.Messaged’unnuméroinconnu.Jetevois.Nate.Jerelèvelatêteetscrutelesvisagessanslerepérerdansl’amphi.D’ailleurs,
queferait-ildansuncoursdepremièreannée?Commentt’aseumonnuméro?Jetevoispas,t’esoù?Montéléphonevibreencore.Devant.Jeressorslepériscope.Çayest,jelevois.Ilestdeboutprèsdelaporteetme
fixe avec son grand sourire. Ses cheveux sombres sont ramenés en arrière. IlporteunT-shirtgris,unjeanetdesbaskets.J’ailevisageenfeu.Jeluiadresseuncoucoudelamain.Salut,Alex!jereçoisaussitôtparmessage.Commentvatacheville?Rosedeplaisir,jetapemaréponse:Mieux,merci.C’estCaraquit’adonné
monnum?Jelevoislire,froncerlessourcilspuisreleverlatête.Oui.Àl’instant.OK.Caraavaitraisondetraînerdehors.Salut,moncoursvacommencer,tudevraisyaller!Ilsemarreendécouvrantmonmessage.Non,jereste!Zut alors, qu’est-ce qu’il vient foutre ici ? Me voir ? Un deuxième texto
m’apportelaréponse:Jesuis làpourDaniel. Ilestdanscecours.Lendemaindecuitepour lui, je
préfèrel’avoiràl’œil.Daniel.Daniel.Daniel.Natepointe ledoigtvers lehautde l’amphi.Merde,
c’estbienLEDaniel.Fautvraimentquej’arrêtedecroireauPèreNoël.Danielavecsesbouclesblondesjamaiscoiffées.Yeuxbleus,visagedécoupéà
la serpe, pas rasé, commed’habitude.Une fille est en train de lorgner sur sesbiceps, puis elle donne un coup de coude à sa voisine.Les ravages deDanielauprèsdelagentféminine.Commed’habitude.
Ilestexactementcommedansmonsouvenir.Dommagequecemecsoitunsalaud.Montéléphonevibreànouveau.TVB?Oui,à+Horreur, voilà queDaniel dirige unœil versmoi. Il n’y a personne à côté.
Non,non,non,non,non,nevienspast’asseoir.Raté, il s’installe. Il repousse légèrementmesaffairesensortant lessiennes.
Incroyable,ondiraitqu’ilnemereconnaîtpas.Oualors,c’estqu’ilachoisidenepasmereconnaître.La prof arrive enfin, avec dix minutes de retard. Elle se lance dans le
programmede l’année.J’essayedemeconcentrersursesparoles,mais j’aidumal.Laprésencedemonvoisinmeperturbe.Alex,bonsang,réagis.Oui,maisbon,pourquoi faut-ilqueDanielKerrington se retrouveàcôtéde
moilejourdeMArentréedansMAnouvellefac?Lemondeesttropcruel.Oualorsc’estmonkarma,àcausedecequis’estpassécetété.Merde.J’essaye de prendre des notes sur ce que raconte la prof,mais je crois que
j’écris n’importe quoi. On dirait que mon voisin s’en sort mieux malgré sonlendemaindecuite. Ilmordille le capuchonde son stylo.Oups, je replonge latêtedanslecahier.Jedoisoublierlaprésencedecemec,sinonmonannéeserafichue.SansparlerdufaitquejesuisauBostonCollegepourquatreans.Ilvafalloirquejetrouveunestratégiepournepluscroisersaroute.Quandl’heuresetermineenfin,jerassemblemesaffairesenvitesseetfonce
jusqu’àlaporte.Sauvée.Maintenant,enpistepourleprochaincours.Jeremontelecouloir,àgauche,àdroite.Non!Danielestlà,sacenbandoulière.Cettefois-ci,aucundoute,ilmereconnaît.—Tiensdonc,dit-ild’unevoixlugubre.Moiquiespéraisoubliercemecjusqu’àlafindemesjours,c’estraté.—Lafilleduresto.Lapetitesalope,persifle-t-il.—T’asditquoi,là?Jem’enétrangled’indignation.
—Jet’emmerde,salope,s’écrie-t-ilenmefaisantundoigtd’honneur.Tropc’esttrop,monpoingparttoutseulenpleindanssasaletronche.
—Vousavezréservé,monsieur?
Je suis l’hôtessedu restaurant, c’estmoiqui accueille les clients.Lecouplequivientd’entrersetientétroitementparlataille,j’aimêmel’impressionquelegarscaresselesfessesdesacopine.Pasgonflé,cetenfoiré.—Oui.AunomdeDanielKerrington.Je le sais très bien, il appelle tous les samedismatin et réserve « une table
pourdeuxàpartirdedix-neufheures».Sa table,prèsde la fenêtre, lecoin leplusagréabledelasalle.Çaduredepuisunmois,certainsclientscommencentàs’enplaindre.—Unetablepourdeuxpersonnes,c’estbiença.Ilnequittepassananadesyeuxsaufpourmatersesseins,quidébordentde
sondécolletétrèèèèspigeonnant.J’avouequelafilled’aujourd’huiesttrèsjolie.Vulamanièredontilsecomportedèsmaintenant,ellepasseracommelesautresàlacasseroledirectensortantd’ici.DanielKerringtonalignelesconquêtes.—Bienvenue,monsieuretmadameKerrington,suivez-moi,jevousconduisà
votretable.Cela fait un moment que j’avais envie de la jouer protocolaire, juste pour
embêtercecoureurdejupons.—Euh…Non,onn’estpasmariés,répond-il,unpeugêné.Sa compagne adore, au contraire. Elle caresse son épaule en lui lançant un
regardlangoureux.—MadameKerrington?Hum,c’estmignon.J’aimebien!
Mapauvrefille,situsavais,ilfaudraitdéjàpasserlecapdudeuxièmerendez-vous.JetravailleauKitchenBasilicpendantmesvacancesd’été.C’étaitçaoume
retrouver chezWood& Co., la boîte de mes parents. Nonmerci, ça n’auraitjamaiscollé,assisetoutelajournéeaveceuxsurledos.Ici,c’estsympacommetout,j’adorelespausesbavardagedanslacuisine,onseracontedestrucsdrôlessurlesclients.On m’avait justement mise en garde contre Daniel Kerrington, fils de son
père, P-DG de Kerrington Enterprises, une société qui gagne un fric fou envendanttoutl’équipementdelamaison.Vaisselle,évier,lingedetoilette,mêmelesdrapsdanslesquelsdortCara.DanielestconnupouravoirdéjàprovoquédesscandalesauKitchenBasilic.Il
sepointetoujoursaubrasd’unenanadifférente,blondeouroussedepréférence,avecunegrossepoitrineetdesjambesinterminables.Elleassurelaconversation,luiposeuntasdequestions,maiscetenfoiréenditlemoinspossiblesurlui.Auboutd’uneheure,uneheureetdemiemax,ildemandel’additionetrepartavecsa conquêtedu jour, faussement amoureux.Ensuite, c’est en avant lamusiquedanssonapparttoutproche,lagazellevasefairecroquer.Ledimanchematin(ilyatoujoursdesemployésaurestopourassisterauspectacle),lapauvrefillesortde chez Daniel les vêtements froissés, le maquillage dégoulinant à cause deslarmes.C’est vrai que ce ne sont pasmes affaires et quemes échanges avec lui se
bornent à « Bienvenue chez nous, suivez-moi, monsieur Kerrington », çan’empêche:jehaiscetype.Iljettelesfemmescommedeskleenex.Donc,jelesconduisàleurtable,lasalleduKitchenBasilicestdéjàpleineà
craquer, comme tous les samedis soir. Ils me suivent, j’entends la rousse quiglousse, elle se dandine de plaisir.Une fois qu’ils sont assis, je leur tends lesmenus.Danielmerendlesienauboutdetrentesecondestopchrono.Aveclui,c’esttoujourspareil.—Saladeduchef,dit-ilsansmeregarder.Bahvoyons,justeunesalade,monsieurestpressé.—Ettoi,mabelle,tuprendsquoi?ajoute-t-ilensetournantverssaconquête.Ellerougitducompliment.Siellesavaitqu’illesappelletoutes«mabelle».—Lescôtelettesd’agneau,s’ilvousplaît.Jeretourneencuisineavecleurcommande,jecroiseMarianne,uneserveuse
qui est devenue ma copine. Elle connaît bien les « sexcapades » de Daniel,
commeonlesabaptisées.—Alors,elleestcomment?medemande-t-elle.—Rousseavecdesjambesd’unkilomètre.—Jevois!Çasepassebien?—Oui,maisj’aiunmauvaispressentiment…Àjustetitre,vousallezcomprendrepourquoi.Lelendemainmatin,mesparentsétantpartistoutleweek-end,jereviensdire
bonjourauKitchenBasilic,pour leplaisir.Laconversationarrive trèsvite surDaniel,notresujetdecomméragesn 1.—C’étaitdégueu,iln’apasarrêtédelatripoter,ditMarianne,quis’occupait
deleurtable.Mêmequandellecoupaitsaviande.Etellepoussaitdespetitscris.J’avaisenviedeluidemanderdecouinermoinsfort.—Etc’estcommeçatouslessamedis?s’enquiertuncuisinier.—Oui,cemecsecroittoutpermis.Si Daniel Kerrington savait qu’il est notre sujet de conversation favori, il
n’apprécieraitsûrementpas.Maisonpeutaussidirequ’illecherche,àforcedereveniretdesedonnerenspectacle.Lesclientscommençantàarriverpourlebrunch,jelaissemesamisdémarrer
leurservice.C’estlàquejerepèreunetêteroussedehors.Merde.Lananad’hiersoir,avecunT-shirttropgrand.Rienàvoiravecsajolietenuedelaveille.Maisjeremarqueaussiqu’elleestrougedecolère.Est-cequejedoislarejoindrepourl’aider ? Daniel débarque alors dans la scène, à peine habillé, en T-shirt etcaleçon.UnvraidéfiléCalvinKlein.Daniel rattrape la fille par l’épaule. Elle se dégage, une vraie furie. Çame
plaît,ellerestecombative.LavoilàmaintenantquiinsultecopieusementDaniel,toutçadevantlerestaurant.—Dégage,connard,salaud,enfoiré!T’esqu’unsalementeur!hurle-t-elleà
s’encasserlescordesvocales.Jenesuispaslaseuleàmater,desclientssesontlevésdeleurtable.—Tuvoulais juste baiser, t’avais promis qu’avecmoi ce serait pas pareil !
poursuitlarousse.—Jen’aijamaisditça!—Si!Hiersoir,pendantlerepas!—OK,j’aimenti,maintenanttais-toi,onnousregarde.
o
—T’esqu’unesous-merde,Kerrington.Vatefairefoutre.Elleluibalanceunegifleenpleinefigure.Ouah,cettefilleadutempérament.
Marianne éclate de rire. La fille s’en va, Daniel reste à moitié sonné sur letrottoir.Hébé!Bienfaitpourlui,cetypeestdétestablejusqu’àlamoelle.
Lesamedisuivant,DanielKerringtonsepointeaubrasd’unenouvellenana.Grande,mince, lesyeuxbleus,de longscheveuxbouclés,unefillecanonmaisquisemblebienmoins«expérimentée»que laprécédente.Enplus, je lasensnerveuse. Sortir avec Daniel l’impressionne, ça ne fait aucun doute. Elle lecouve du regard comme si elle le remerciait à chaque instant de daigners’intéresseràelle.J’enrageàl’idéedecequil’attend,ondiraitunagneauquiimploreleloupde
sejetersurlui.Lesdeuxs’installentàlatablehabituelledeDaniel,jeprendslescommandes.
Danielnem’accordepaslamoindreattention,ilesttropoccupéàdéployersonnuméro de charme. Je confirme que la brune est captivée. Réussira-t-elle aumoinsàlerembarrerdemainmatin?Pfff,çam’étonnerait,etelleferalaunedesconversationsencuisine…Jedoisessayerdelamettreengarde.J’ignoreencorecomment,maisplusje
les regarde, plus je pense que c’est mamission humanitaire du jour. Commed’habitude,illalaisseparler,ilplaceunpetitmotpar-cipar-làpourl’encourageràcontinuerpendantquesesmainssepromènentsouslatableetquesesyeuxseperdentdanssondécolleté.Ondiraitmêmequ’ilsepourlèchedéjàlesbabines.—Cettefois-ci,c’esttrop,jemurmureàMarianne.Action.—T’esfolle?—Cetypeestàgerber.—Un bon conseil,Alex, ne temêle pas de ça.C’est toi qui vas avoir des
ennuis.
—Etelle,demainmatin,tunecroispasqu’elleseraaussidanslepétrin?IlfautluiouvrirlesyeuxsurKerrington.Mariannelèvelesyeuxaucieletrepartservirlesplatsqu’elletient.Jem’en
fichedesennuis.Sij’étaisàlaplacedecettenana,jeseraisdrôlementcontentequ’on tente deme protéger d’un prédateur. Je parlerai à cette fille, après elledécidera.Aumoins,elleauraétéinforméesurquiestvraimentDaniel.Voilàqu’elleselèvepourallerauxtoilettes.Àmoidejouer,c’estl’occasion.
Jelarattrapedanslecouloir.— Salut ! Je m’appelle Alex, je travaille ici… J’ai un truc à te dire qui
pourraitt’intéresser.Je lui raconte le manège que j’ai observé au fil des semaines passées. Les
filles,lesdîners,lespromesses,sonappartementàdeuxpasd’ici,leslendemainsmatinquidéchantent.Sonsourires’évanouitrapidement,sesyeuxseremplissentdelarmes.Ellea
du mal à y croire, mais le nombre impressionnant des exemples que je citeachèvedelaconvaincre.—Ildisait qu’avecmoi cen’étaitpaspareil,murmure-t-elle.Que j’étais ce
quiluiétaitarrivédemieux.Je m’en veux d’avoir cassé son rêve, mais c’était plus honnête comme
démarche,non?—Merci,Alex,j’yretourne.J’enfaisautantetjereparsaccueillirlesclientscommesiderienn’était.En
jetant des coups d’œil discrets vers leur table, je me rends compte quel’ambiancen’estplusdutoutlamême:lafillenemâchepassesmots,Danielaviréaurougetomate,commeuntaureauprêtàcharger.Ilreprendsamainpourl’amadouer,ellelaretired’ungestesecpuisselève,furieuse,ets’enva.Danielal’airsonné.Bienfait.Ouuuuf,missionaccomplie.Satisfaite de ce premier succès, je recommence mon opération sabotage le
samedisuivant,etlesuivant,etainsidesuiteduranttoutlemois.Ilyenaunequimedonnedufilàretordre:jedoissubtilisersonportablequisetrouvedanssonsacafindeluitaperunmessage.Jeluirendsenmêmetempsquej’apportelesdesserts,enexpliquantqu’ilétaittombésouslatable.Quandellelit,jevoissescheveuxsedressersursatête!CeuxdeDanielaussi,ilblêmit,luidemandece qui cloche. Et là, elle fait un truc formidable en lui balançant un coup degenou là où vous savez.Ouille ! AvecMarianne, on est restées pliées de rire
pendantuneheure.IlyaeuaussiMissBonnetsE.Jel’aicoincéedanslestoilettesalorsqu’ellese
remaquillait (un vrai pot de peinture). Quand elle est retournée chercher sesaffaires, elle a fait un scandale àDaniel.C’était grandiose.Mais, le hic, c’estqu’à partir deMiss Bonnets E Daniel a commencé à avoir des soupçons : illançaitdesregardslouchesautourdelui.J’aifaitprofilbasquelquetempspourqu’ilreprenneconfiance.Jepensaiséviterlesennuis…maislesennuisontfiniparmetomberdessus.Lafilledecesamedi-lànebougeaitpasdesachaise,ducoupj’aiécritunmot
quejeluiaiglisséaumomentdel’addition…Patatras,Daniels’esttournéetmel’aprisdesmains.—Alorsc’esttoiquisabotestousmesplans!a-t-ilhurlé,furax.J’avouequej’aipaniqué.Aulieuderépondre,j’aicommencéàreculer,cequi
agonflél’egodeDaniel.Ilm’aattrapélepoignetpourleserrercommeunfou.—Aïe!—Tusaisquijesuis,petitesalope?Unsilencedemortesttombésurlerestaurant.—Lâche-moi!—Non.C’estquoi,cepetitmanègedepuisdessemaines?—Tu n’as pas le droit de traiter les femmes comme ça ! Tu devrais avoir
honte,c’estmalhonnête.—T’esmalbaiséeouquoi?agrondéceconnard.Parceque,sic’estça, je
peuxm’occuperdetoipourtecalmer.Saremarquedemachoarchi-sûrdeluim’afaitl’effetd’unélectrochoc.Cette
fois-ci,plusquestiondemetaire.—Etpuisquoiencore!T’esunmenteur,unvioleur,un…—Mavieprivéeneteregardepas.Jetejurequeçavatecoûtercher.Tusais
quijesuis?—Oui,j’aitrèspeur!J’auraispeut-êtredûrabattremoncaquetaulieudelaramener,cemecales
moyensdemebarrerl’entréedel’universitéavectoutsonfric.—Petiteconnassemalbaisée,jevaiste…—Du calme !Du calme ! S’il vous plaît,monsieur, on ne brutalise pas le
personnel,estenfinintervenulegérantduKitchenBasilic.
—Virezcettefilled’ici,agrondéDaniel.—MonsieurKerrington,jevouspried’acceptertoutesnosexcuses,mais…—Sivousnelavirezpas,jevouscolleunprocèsaucul!Votrerestones’en
remettrapas,s’estemportéDaniel.Ettoi,lafragilequineconnaîtrienàlavie,jevaiste…—Ahoui?Danstouslescas,jeneregretterien!Cesfillesavaientledroitde
savoir. Ce n’est pas parce que ton père est bourré de fric que tu peux tecomporterdecettemanière.Jet’emmerde,DanielKerrington!Ensuite,jel’avoue,j’aifaituntrucdeouf,sansréfléchir…Jenem’enserais
pas crue capable : j’ai attrapé sa bouteille de champagne dans le seau pour laversersursatêtejusqu’àladernièregoutte.C’estlesilencedemortquim’afaitprendreconsciencedemongeste.—Euh…Jesuisvirée,n’est-cepas?ai-jebafouilléàmonpatron.Oui, évidemment.Quelle idiote,moiqui adorais ceboulot etmes collègues
sympas.J’aidénouémontablier,jel’aitenduàMarianned’unemaintremblante.Daniel serrait lesmâchoires, sesyeuxauraientpume tuer s’ilsavaientétédescanonsdefusil.Jevenaisdedéclencherlaguerreentreluietmoi.
—Jerêve,t’aspétéunplombouquoi?medemandeCara.
—C’estpartitoutseul…Caraappliquedubaumesurmesdoigts,lesjointuressontdevenuesbleuesà
cause du coup de poing.On est rentrées à l’appart, ce qui est une très bonnechosesijeveuxéviterdemeridiculiserdavantage.Çafaittropmal,jejuredeneplus jamais cogner personne après Daniel. La première et la dernière fois. Sij’étaismoinssous-douée,jenemeseraispasflinguélamain.Je suis pourtant une fille zen dans la vie.MêmeHollyHiggins n’avait pas
réussiàmefairesortirdemesgondsensixième,quandellesemoquaitchaquejourdemapoitrineultra-plate.Toutes les fillesdemaclasseavaientdes seinssaufmoi.Bref,d’habitude,jesuiszen.—Ilpourraittepoursuivrepourcoupsetblessures,ajouteCara.—Jesais,jesais.Vu que Daniel aurait déjà pu porter plainte cet été, je vais essayer de
positiver:ilneleferapasnonpluscettefois-ci.—Sérieux,Alex,àquoitupensais?Unjourderentrée,enplus.— Je… Je voulais peut-être me venger d’avoir perdu mon super job au
KitchenBasilic?—N’importequoi,çatependaitaunez,tumel’asdittoi-même.J’airacontél’histoiredeDanielàCaradèssonretourdevacances,ycompris
mahonte totaleaumomentdequitter lerestaurant, la têtebassedevant tout lemonde.—C’estvrai,t’asraison,jesoupire.—Tupeuxrépéter,s’ilteplaît?Quejet’enregistre!—Jamaisdelavie!On s’installe devant Netflix avec un grand bol de popcorn sur les genoux.
Caraestunechampionnedescochonneriesàgrignoter.C’estunesoiréesympa,maisjen’arrivepasàfixermonattentionsurl’écran.Monesprits’échappe…JerevoislascèneavecDaniel,sonœilamoché,mamainencompote,sonairsidéréaprès ce que je venais de lui infliger. Et puis jeme suis barrée en courant…Décidément,pourunejournéederentrée,cen’étaitpasglorieux.Lasemainepasseà lavitessede l’éclair.Onvaencours, je forceCara,qui
seraitparfoistentéedesécherparcequ’elletrouvesesprofsennuyeuxàmourir.D’un autre côté, quand on choisit marketing et commerce, il ne faut pass’étonner.Moij’adorecequej’étudie:littératureetatelierd’écriture.C’estmontruc.Quandj’écris,jemesenstransportée,jevis,jerespirelesmots.ÇasepassetrèsbienavecMmeHoward,j’aieuunesupernoteaupremierdevoir.Ellem’amêmeditaprèslecoursquej’avaisdutalentetdemandésij’avaisréfléchiàmelancersérieusementdansl’écriture.C’estvraiqu’écrire,c’estmapassion,maisdelààenfairemonmétier!Mes
parentss’étrangleraientsijeleurannonçaisquejesouhaitedevenirécrivain.Ilsveulentquejereprenneleurboîte«parcequ’onafaittoutçapourtoi,Alex».Pfff,commesiçametransportaitdegéreruneentreprise…Grossoupir.Peut-êtrequejedevraisessayerd’aborderlesujetleweek-endprochain?On
verra.La bonne nouvelle, c’est que j’ai réussi à éviter Daniel presque toute la
semaine(balèze, lafille!).Sachantquec’estaussimonvoisind’immeuble,çan’apasétéfacile.Uneoudeuxfois,enamphi,nosregardssesontcroisés,c’étaitchaud:ilmemitraillait.Jeudi,jesuistombéesurluienbasdechezmoi.Monsieurfourraitsalangue
danslabouched’unenanaquicouinaitcommeungoret.Archi-dégueu.Danielalevéunœilquandjepassais,c’étaitépique.Bref,luietmoi,onestloind’êtrepotes.
—Tudoisvraimentyaller?s’inquièteCara.
—Oui.C’estjusteunweek-end.J’attrape mon chargeur et je le fourre dans mon sac à main. Ça fait deux
semainesquejenesuispasrentréechezmesparents,ilsmemanquentunpeu.Nos conversations téléphoniques, toujours expéditives du côté de ma mère,m’énerventaussi.Lorsquej’essayedejoindremonpère, ilnedécrochejamais.Laseulefoisoùmamèreafiniparmelepasser,ilm’aàpeinedittroismotsets’estdépêchédechangerdesujetquandjeluiaidemandés’ilallaitbien.C’étaitbizarre. J’ai l’impression quemes parentsme cachent quelque chose. J’espèrequeceseraplusfaciledediscuterfaceàface.—Tuveuxquejet’accompagne?meproposeCara.—Non,çavaaller.Merci.Fautaussiquejebossesurundevoir.Jerentrerai
dimanchesoir.Letrajetjusquechezmesparentsestrapide.Biensûr,j’aitoujourslesclésde
lamaison,j’entresanssonner.—Papa!Maman!C’estmoi!Yaquelqu’un?Personne. Autant monter dans ma chambre pour commencer mon boulot.
J’envoieuntextoàchacundemesparentspourleurannoncerquejelesattends.Monportablevibreaussitôt.Tiens?C’estNate!Caram’aditquetuétaisrentréeceweek-end?Yep!jeréponds.Tuauraisdûmeprévenir.
Qu’est-cequiluiprend?Envoilàunedrôlederemarque.Jepeuxt’appeler?medemande-t-ilencore.Çaalors.Moncœurs’emballe.Ducalme,Alex.JerépondsOK.Sonnuméro
s’afficheaussitôt.—Salut,Alex!Laforme?Tufaisquoi?—Techniquement,j’étaissurlapréparationd’undevoir!Ettoi?— Chez moi. Simon est là, Daniel est aussi rentré chez ses parents. Tant
mieux.J’enaimarredudéfilépermanentdenanas.—Jevois…—Commentvatacheville?— Bien. Je ne marche plus comme un pingouin, si c’est ça que tu veux
savoir!—Ahoui!J’aimebienlespingouins,jenet’enaijamaisparlé?On papote pendant une bonne demi-heure. Ma mère envoie un texto pour
m’annoncerqu’ilsrentreronttard.Ducoup,j’aitoutmontempsavecNate.Ilestvraiment adorable. Jen’osepasmeconfier surDanielni sur lesproblèmesdeboulotdemesparents.Cequiestsûr,c’estquejemesenshyperàl’aiseaveclui.Ilmefaitrire,toutal’airsimpleetfacile.Jecaleletéléphonesurl’oreillerpourécoutersavoix(aussisexyquesapersonne).—Allô,Alex,jet’aiperdue?Tudors?—Pardon!Si,si,jet’écoutais!Tudisaisquoi,déjà?—J’aiuntrucàtedemander,maisjepeuxterappelerdemainsitupréfères.—Non,vas-y!Heureusementqu’ilnemevoitpas,mesjouesvirentaurougetomate.—Tueslibrevendredisoir?MonDieu,çayest,Natemeproposedesortiraveclui.—Oh…Euh,ettoi?—Alex,t’esrigolote!C’estmoiquiposelaquestion!J’aimeraisqu’onsorte
ensemblevendredisoir.S’ilteplaît…Jevouslaissedevinerlaréponsequejeluidonne.
Lelendemainmatinauréveil,jedécouvrequaranteetuntextosnonlus,vingt-troisappelsetdix-septmessagesdansmaboîtevocale.Jesupposequec’estCara,dontlacuriositélégendairen’estpassynonymede
patience. Elle cherchait sûrement à savoir si Nate m’avait téléphoné. Maisfinalement je suis mauvaise langue, c’est mes parents qui se sont déchaînés.Qu’est-cequileurprend?Jesautedulitetparsinspecterlamaison.Personne.Ondiraitmêmequ’ilsne
sontpasrentréshiersoir.Ducoup,j’écouteleursmessages.«Ondoitteparler,Alexandria,c’esturgent.»Bip.«Rejoins-nousaubureau,mapuce.Dépêche-toi,c’esturgent.»Bip.«Alex,tupeuxdécrocher,s’ilteplaît?C’estpapa.»Bip.Commeçadans lesdix-septmessagesvocaux.Mêmechosepour les textos.
Ohlà,grosproblème.Ilsontdécidédem’annoncerleurretraiteanticipée?Unvoyageauboutdumonde?Ausecours,jenesuispasprêteàprendrelerelaisdelaboîtefamiliale.Onsecalme,lesparents,jen’aiquedix-huitans,lâchez-moilesbaskets!Bref,jem’habilleenvitessepourfilerchezWood&Co.Jecroisbienqueje
grilleunfeurougeenchemin.
Quand je déboule dans le hall d’entrée, j’entends la réceptionniste quis’énerveautéléphone.—…Je ne sais pas !Oui, c’est ce qui vient d’être annoncé, oui…Non, je
vousdis…—Euh,bonjour,je…—M.etMmeWoods’enchargent,oui.—S’ilvousplaît,je…Jerêve,ellem’ignoretotalementalorsquemesparentssontpeut-êtreaubord
de lacrisecardiaque. J’attrape lecombinédanssamainet je raccroche.Oups.Çayest,j’existe.—Vousvousprenezpourqui,mademoiselle?—M.etMmeWood,s’ilvousplaît.Jesuisleurfille.—AlexandriaWood?—Oui.—OK,jevousannonce.Ellecomposeunnuméro,discuteàvoixbasse,puismetendunbadge.—Ascenseurdedroite.58 étage.Lesuspensemebouffe, j’entremble.Qu’est-cequim’attendlà-haut?Ding,
les portes s’ouvrent. Le palier est vide, toujours pas de parents. Je m’engagedanslecouloirdedroite.J’aperçoisenfinmamèredansunbureauvitré.Elleal’airexténuée,avecdesvalisessouslesyeuxetlescheveuxdécoiffés.—Maman?—Alex,tevoici,dit-elleenmeserrantdanssesbras.Hum,cegenrededémonstrationest tellementraredesapartquejeflairele
lézard.—Wood&Co.estenfaillite.Onadéposélebilan.—Paspossible !Maisquand?C’estcomplètementdingue, l’entreprisede
mesparentssemblaitflorissante.Ilsdécrochaienttropdecontrats,embauchaientàtourdebraspourhonorerlescommandes.Mamèrem’entraînealorsparlamaindanslecouloir.J’aimeraisbienqu’elle
m’expliquelesdétails,maisjelasensarchi-stressée.—Maman,tunepeuxpasme…—Onn’apasletemps,Alex.Tuesattendue,dit-elleens’arrêtantdevantune
e
lourdeporteenbois.Unseulconseil:écoutejusqu’aubout,d’accord?Neréagispasàchaud.—Mais…Écouterqui?Papa?Maman,parle-moi,bonDieu!—Onn’apaslechoix,machérie,soupire-t-elle.Onestcoincés…Quelqu’un
nousaproposésonaide.Uneopportunitéquineseprésenterapasdeuxfois.—Jenevoispasenquoiçameconcerne.— Au contraire, tu es la première concernée, Alex, murmure-t-elle en me
poussantdanslebureauetenrefermantlaportederrièremoi.Coincée?Non,monpèreestlà,l’airépuisé.Jeletrouvemêmeamaigri,alors
qu’onnes’estpasvusdepuisàpeinedeuxsemaines.—Coucou,papa.—Aaaah,voici tafille,John!Jedésespéraisde larencontrerunjour, lance
unevoixgrave.Unhommedel’âgedemonpèreestassisprèsdelafenêtre.Jenel’avaispas
remarqué, celui-là. Il est très élégant dans ce costume sombre. Son regardmetransperce, m’étudie même. En face de lui se trouve…Daniel Kerrington !!!C’estquoi,ceplanfoireux?—Euh…Oui,c’estmoi.Vousêtes?Etjepeuxsavoircequ’ilfaitici?Jem’étrangle.Danielnesemblepasplusàl’aisequemoi,ilnes’attendaitpas
nonplusàmevoirici.—VoicidonclafameuseAlexandriadonttumeparlais,fiston!Jedétestesontonsuffisant.—Assieds-toi, m’ordonne-t-il. Apparemment, tu ignores qui je suis. Harry
Kerrington, président fondateur de Kerrington Enterprises et père de DanielKerrington,quetuconnaisdéjà.Oups,lepaternel.Cesdeux-làneseressemblentpasdutout,lepèreestbrun
auxyeuxnoirs,lefilsestblondauxyeuxbleus.C’estpossibleça?—Tum’écoutes,jeunefille?—Oui.Pardon.—Wood&Co.estenfaillite.Tonpèreetmoiavonstrouvéunarrangement.
Macompagniepeutremettrecelledetesparentsenselle,et…—Super,monsieurKerrington!—N’est-cepas?Laisse-moifinir,jeunefille.Jenesuispasphilanthrope,les
affaires sont les affaires. Il se trouve que ton père m’a proposé un montage
intéressant,sijepuisdire.Monpèredétournelesyeuxquandjecherchesonregard.Qu’est-cequ’ilme
cache?— Papa, de quoi tu parles exactement ? intervient Daniel, qui pianote
nerveusementsursonaccoudoir.—J’yviens.JesuisdisposéàfaireunprêtfinancierpoursauverWood&Co.
àlaconditionqu’Alexandriasefianceàtoi,Daniel.Allô?
Au début, je suis trop sonnée pour émettre le moindre son. Mon cœurs’emballe tellementqu’il vame lâcher. J’ai les jambes sciées, jem’assois.Auboutdequelquessecondes,l’adrénalinecirculantànouveaudansmesveines,jeréagisenfin:—Pardon???FiancéeàDanielKerrington,c’estquoicebordel?Pourunefois,luietmoi
sommessurlamêmelongueurd’onde,parcequ’ilexplosetoutautant.—Papa,tudélires?J’enairienàfoutre,detesaffaires.Etilselèvepourpartir.—Daniel,turestesiciettuterassois.—T’aspétéunedurite?continueDaniel,trèsénervé.Gagnéeparl’ambianceélectrique,j’interpellemonpèresurlemêmeton:—C’est toi qui as inventé une connerie pareille ?Quemoi, jeme fiance à
lui?— Jamais de la vie !N’importe qui sauf cette gamine, hurleDaniel enme
toisantdelatêteauxpieds.—Etenplus,ilmetraitedegamine!—T’asoubliécequetum’asfaitàlafac,mapauvrefille?—Tul’avaischerché,connard.—Oh,c’estdonctoiquiasflanquéunœilaubeurrenoiràDaniel?persifle
M.Kerrington.
Tiens,çaneplaîtpasaugéniteur.Jem’enfous.Moiaussi,jesuisfurieuse.—Oui,c’estmoi.Votrefilsleméritait.—Çasuffit,lacourderécréation,intervientmonpère.—Tuteréveilles,papa?Tuveuxquejem’afficheaubrasd’ungigolo?—Pauvreniaise,c’estlarançondusuccès,riendeplus,sevanteDaniel.Commentcetypepeut-ilêtreaussiarrogant?—Tagueule,Daniel!—Alexandria,nesoispasgrossière,ditpapa.Calme-toi.— Jamais ! Je n’en reviens pas, que tu aies proposé une connerie pareille.
Monproprepère!Jenetereconnaisplus,turefusesdemeparlerautéléphonedepuis des jours et, quand je te retrouve, j’apprends par un étrangerque tu asinventéuntrucdeoufsansmêmemeconsulter.—Jesuisdésolé,Alexandria.Macolèreretombecommeunsoufflé,jenesensplusquelablessureinfligée
parmonpère.Ilm’utilise,ilmevendpoursauversaboîte.Jepréfèremetirerdecetendroitaugalop.— Taratata, jeune fille, tu restes ici, s’interpose M. Kerrington. Daniel,
Alexandria, vous écoutezmaintenant. John etmoi savions que vous bondiriezcommedeschatssauvages.—UnmariagearrangéauXXI siècle,çanecourtpas les rues,hein ! ironise
Daniel.Mariage?BonDieu,moi,Alex,forcéedememarieràdix-huitansparmon
proprepère.— Tais-toi, Daniel. Oui, des fiançailles, cela peut vous paraître un peu…
étrange,surtoutquevousêtesencorejeunesl’uncommel’autre,maisJohnm’aconvaincuquec’étaitunebonneidée.Jefusillemonpèreduregard,ilblêmitsousl’attaquedemesbouletsrouges.— Nul n’ignore que Daniel a une réputation détestable, poursuit
M.Kerrington.Tum’étonnes!—Maismonfilsestaussil’héritierdeKerringtonEnterprises.Àcetitre,ila
besoinderedorersonblason.Finilesscandales.Grâceàcetengagementofficiel,lepersonnel,nosrelations,nosamiscommencerontàlevoird’unautreœil.—Non,non,non,papa!T’aspasledroitdetemêlerdemavieprivée.
e
—Arrête tes enfantillages, Daniel. C’est la condition pour que tu hérites,tranchevertementsonpère.—Mais moi ? Qu’est-ce que je viens faire dans vos histoires de famille,
hein?VousnepouvezpasvoustrouverunenanasurCraigslistousurMeetic?jem’énerveànouveau.— Les autres candidates se sont montrées quelque peu… récalcitrantes,
soupireM.Kerrington.—Moiaussi,jesuisrécalcitrante.Maislasituationcommenceàs’éclaircirdansmatêteet,enyréfléchissant,je
pigeuntruc:jesuislacandidateidéale.M.Kerringtonabesoindecontrôlerlafiancée.S’ilpayeunefille,ellefileratôtoutardaveclefric,etceseraleretouràlacasedépart.Alorsqu’avecmoi,ilfinanceleredressementdeWood&Co.enéchangede…demoi.Laboucleestboucléeentremonpèreetlui.Oooooooooh.— On dirait que tu commences à comprendre, Alexandria ! se réjouit
M.Kerrington.Tuaslachancedepouvoiraidertesparents.Monpèrem’adresseunpetitsourireinquiet.—Alors,qu’est-cequetuenpenses?m’interrogeM.Kerrington.—Ilyadesconditionssubsidiaires?—Unengagementdetroisans,pourquecelaparaissecrédible,quemonfils
perdesesmauvaiseshabitudesetqu’ils’initieàsesfuturesresponsabilités.Troisans.Maisiln’apasparlédemariage.Sijedonnemonaccord,jeperds
trois ans demavie.Et au nomde quoi ?De l’amour filial. Pour que la boîtepaternelle ne batte plus de l’aile. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ?Connaissantmesparents,s’ilssesontrapprochésdeleurconcurrent,c’estqu’ilsn’avaientpasd’autrechoix.Lasituationétait-ellesidésespérée?Jeleurenveuxdenepasm’enavoirparléavant,c’estunsacrécoupd’épéedansledos.Mais,sijerefuse,c’estquinzeansdeleurviequis’écroulent.Bordel,jedoisfairequoi?M.Kerringtonpousseuneliassedepapiersversmoi.Lecontrat.Toutcequ’il
vient dem’expliquer est écrit dedans, annonce-t-il. Je feuillette les pages, leslignessebrouillent.Dois-jesigner?Oui.Non.
Oui.Non.Oui.Non.…Oui.—Jesigneoù?dis-je,leslarmesauxyeux.
Noussommesassisautourdelatable,papa,mamanetmoi,pourledîner.Lesilenceestassourdissant.Je triemes légumes avec la pointe dema fourchette. Le cœur n’y est pas,
l’appétit encoremoins.Papan’avale riennonplus, il tournicote ses spaghettisdanssacuillère.Mamanestlaseulequimange,maissonespritestailleurs.Trop,c’esttrop.Jenepeuxpasresterassiseicicommesiriennes’étaitpassé
pourWood&Co.oupourDaniel.—Jevaismecoucher.—Non,Alexandria,resteici!S’ilteplaît,ondoitparler,imploremonpère.—Pourquoi?Tuasencoreunesurprise?Non,merci.—Arrêtedetecomportercommeça,Alex,intervientmamère.—Monattitudenevousplaîtpas?J’aipourtantsignévotresaletédepapieret
jevais sacrifier trois ansdemavie. Jen’aipas entenduun seul remerciementalorsquejevoussorsdesemmerdes,non?Mesparentssontscotchés,c’estlapremièrefoisquejeleurtienstête.—Calme-toi,réagitpapa.—Non!—Çasuffit,Alex, tuvasécoutermaintenant, tranchemaman.Onacompris
que tu nous en voulais, mais tu peux faire un effort. On t’en demande sisouvent?—Nousaussi,onestsonnés,c’estarrivé tellementvite, reprendpapad’une
voixtriste.— Pourquoi vous n’avez rien dit ? Pourquoi vous m’avez caché que
Wood&Co.allaitsimal?Cen’estpassortiduchapeau,merde!Mamanpousseungrossoupiretmecaressetimidementlamain.—C’estmoiquiairefuséquetamèret’enparle,ditpapa.—Onnevoulaitpasquetut’inquiètes.Ils’agissaitdenosproblèmes.—Raté.Jemelesprendsenpleinepoire,vosproblèmes.—Quandlasituations’estdégradée,onpensaits’entirerenréagissant,mais
ças’estaccéléré.Lecarnetdecommandesmaigrissaitàvued’œil,soupirepapaavectristesse.—Jecroyaisquec’étaitl’inverse,quevousembauchieztellementlademande
étaitforte.—Lemilieudesaffairesestinfestéderequins,répondmaman.Wood&Co.
étaitdanslecollimateurdecertains.Onn’apaseulesreinsassezsolides.—Alorsons’esttournésversHarry,celafaisaitlongtempsqueWood&Co.
l’intéressait,poursuitpapa.Ilpouvaitnousaideràrelancerl’activité…maisilaposésesconditions.Tuenfaisaispartie.Jesuisdésolé.Le silence retombe comme une enclume. D’accord, mes parents étaient au
fonddutrou,maisest-ceuneraisonpourm’entraînerdansleurchute?Jenesuismêmepascertainequecelasuffira.—Parle-nous,Alex,ditmaman.—OK,vousêtesdésolés,maisc’estvraimentcequevousvoulezpourmoi,
desfiançaillesavecunmachopuant?Pas de réponse, mais leurs visages en disent long. Je rêve.Mes parents se
soucientdavantagede l’avenir de leurbébéprofessionnelquede celui de leurproprefille.Jefaisungroseffortpourretenirmeslarmes.Paslapeinedeleurdonnerceplaisir.—D’accord.Jerentredansvotrepetitjeu,mais,demainmatin,jequittecette
maisonetjen’yremetsplusjamaislespieds.—Enfin,Alex!s’exclamemaman.—Tudramatises!ditpapa.—Non, je constate.Votreboulot avant tout le reste,moiy compris.Bonne
nuit.Etjemontem’enfermerdansmachambre.
Lelendemainmatin,jemelèvesupertôtpourpartirendouce.Hiersoir,papaetmamanontessayédemeraisonneràtraverslaporte,maisjen’aipascédé.J’attrapemonsacpuisdescendsl’escalierenvitesse.Aprèsundernierregard
àlamaison,jedémarre.Leleverdusoleilestmagnifique,j’aiaumoinsgagnéçaenmeréveillantauxaurores.PournepasdérangerCara,jenevaispasplusloinquelecanapédusalon.Les
événementsdelaveilletournentenboucledansmatête,c’estépuisant.—Alex,c’esttoi?Pourquoituesrentréeplus…Carasursautedevantmonairdechienbattu.—Qu’est-cequisepasse?Les larmes que je retiens depuis vingt-quatre heures jaillissent comme un
geyser.
Laviereprendsoncoursnormal.J’ailecœurplusléger,maisj’ignoresic’estbonsigne.Mesparentsm’inondentd’appelsetdemessages,maisjenedécrochepas.Jefinismêmeparcoupermonportable,ilvibraitenpermanence.Jesaisquecen’estpaslameilleurestratégie,tôtoutardmamanvadébarquer.
S’il y a un truc que j’ai pigé avec mes parents, c’est celui-ci : ils sont trèscrampons.—Tuessûrequetuveuxallerencours?medemandeCarapourlavingtième
foisdepuisledébutdelajournée.—Oui,Cara!—Jem’inquiètepourtoi.Çaaussi, j’ai compris.Depuisque je suis revenuedimanchematin,Carane
me lâche pas d’une semelle. Et elle me demande toutes les trente secondescommentjemesens.—Jevaisbien!Etmoncourscommencedanscinqminutes,doncjetelaisse,
Caramia!—SijamaisDanielt’embête,tum’appelles.—Jesais,tuviendrasluiréglersoncompteavectonfouet!—Tuasunemeilleureidée?Horsdequestionquetuluicasseslafigureou
que tu te promènes avec une bouteille de champagne dans ton sac à main,donc…—T’eslameilleure,Cara!J’yvais.
Jel’adore.Jem’installeàmaplacehabituelle.Mêmesilaprofm’aimebien,jen’aipas
envied’attirer l’attention.L’amphi se remplit doucement, les étudiantsne sontpaspressés.—Tuasunesalegueulecematin,j’entendsalorsderrièremoi.DanielKerringtons’assoit,àl’aise,etcommenceàbalancersesaffairessurla
table.—Merci,jesuisaucourant,connard,jegrommelle.—Pasdequoi,chérie!Tudevraisfaireuneffortdemaquillage,vuqu’onest
fiancésmaintenant.Sa petite phraseme fait l’effet d’une décharge électrique.Comment ose-t-il
beuglerçadevanttoutlemonde?—Tagueule,Daniel.—J’insiste,chérie.Situveuxpasserpourmafiancée,tuvasm’arrangertout
ça.Jenesuisjamaissortiavecunthon.Metsdufonddeteintetdel’anticerne,çaaidera.Bordel,sic’est legenredeconversationsdestroisprochainesannées,autant
quejemetireuneballetoutdesuite.—Arrêtedemeparler,onn’apasélevélescochonsensemble,connard.—Jet’explique,chérie: tucroisvraimentquej’aienviedeteparler?Jele
faisparobligation.—Arrêtedem’appelerchérie.—Tupréfèresquejedisesalegarce?Non,Alex,turestescalme,tun’aspasdechampagnedanstonsacàmain.—Donc,jet’appellechérie!conclutDaniel,fierdelui.—Nem’appellepas,nemeparlepas,connard.Danielsepenchebrusquement,seslèvressontàquelquescentimètresdemoi.BonDieu.Respire,Alex.Jedétournelatêteenrougissant.—Écoute,chérie,lemicmacducontratnemeplaîtpasnonplus.Tun’espas
mongenre.—Alors,déchire-le.—Tu crois que c’est si facile ?Depuis une semaine, je propose des tas de
solutions à mon père pour qu’on arrête ce truc débile entre toi et moi. Rienàfaire.Et,vulabanqueroutedetesparents,c’estcoincédetoncôté.Donconestfiancés…Onpeutsedétesterpendanttroisanssituveux,maisçan’aiderapas.Tupourraismeremercierdefaireuneffort,chérie.—Medirequej’aiunesalegueule,t’appellesçafaireuneffort?—OK!Disonsque j’essayed’êtreplus agréablequed’habitude.Alors, toi
aussi,mets-ydutien.—Jevaisyréfléchir,connard.Lecoursest terminé,jen’airienécouté.Jemedépêchedesortirdel’amphi
pourm’éloignerdeDanielleplusvitepossible.—Vafalloirt’habituer,chérie,parcequ’onemménageensemble!crie-t-il.Le restede lamatinée est tranquille, jen’ai pasd’autres cours avecDaniel.
Mais,quandjerentreàl’appartement,lecielmetombesurlatête:uncamiondedéménagementeststationnéenbasdel’immeuble.Jereconnaismalampedanslesmainsd’uninconnu.Jecours la luiarracheret remonte lesescaliersquatreàquatre.Laporteest
grandeouverte.Descartonssontempilés,attendantd’êtredescendus.—Hé!Qu’est-cequevousfaites?Quivousaautorisés?jem’exclame,prise
depanique.Personnenemerépond,lesgarscontinuenttranquillementdetransportermes
affaires.J’attrapeuncostaudparlebraspourlestopper.—Stop!Arrêtezça,vousn’avezpasledroit.—Si,c’estréglé.Désolé.—Quivousademandédebougermesaffaires?—Monboss.Caradéboulesurlepalier,lesyeuxexorbitésdevantlespectacle.—Alex?Ilsfontquoi?C’estcomplètementouf!LaphrasedeDanielmerevientenmémoire.Jerallumemontéléphonepour
appelerceconnard.—Allô?—C’esttoilebossquiaordonnémondéménagement?T’esgivréouquoi?—Dequoituparles,chérie?—Mesaffaires,connard!Ilssontentraindedéménagermesaffaires.
— Si tu m’avais écouté ce matin au lieu de te barrer comme une gazelleaffolée,tuseraismoinssurprise.Jet’aiditqu’onemménageaitensemble.—Turêves!Horsdequestionquejeviveavectoi.—T’aspaslechoix,chérie!Ondiraitquetun’aspaslulespetiteslignesdu
contrat.C’estécritpage5.MonDieu.—Rangetespetitesculottes,chérie!Cesoir,tudorsavectonnouveaucoloc!—Commentpeux-turesteraussizen,Daniel?Çamedépasse.—J’essayedepositiver.Pascommetoi,MissDrama.Positiver, mais comment ? Ma vie est totalement bouleversée depuis une
semaine. Cara me fixe d’un regard à la fois inquiet et interrogateur. Je suislivide.—Allô,Alex?Jevienstechercher,ditDaniel.—Noooooon!—Si.Detoutefaçon,jedoisaussirécupérermesaffairespourlepenthouse.Unpenthouse?Décidément,papaKerringtonouvregrandleporte-monnaie.—Jamaisdelavie,jen’habiteraipasavectoi.—Arrêted’êtrebornée,chérie.J’arrive.Etilmeraccrocheaunez.—Alex!TuemménagesavecDaniel,c’estça?demandeaussitôtCara.Ça
faitpartiedudeal?—Oui.Jen’avaispaslulecontrat.—T’esdansunesacréemerde,disdonc,sifflemonamie.Complètement sonnée, je me laisse glisser par terre. Je ne parviens pas à
réalisercequim’arrive.Respire,Alex.Respire.J’entends des pas qui se rapprochent, des baskets apparaissent dans mon
champdevision.—Alex?Alex,qu’est-cequisepasse?demandeNate.Ohnon.Ilm’étaitsortidelatête,celui-là.Iln’estaucourantderien,etona
rendez-vousvendredisoir.Commentluiexpliquerunfoutoirpareil?—Tudéménages?—Nate…Salut.Oui.
—Maistuviensd’emménagerici,pourquoitut’envas?—Je…Jem’installeavecquelqu’un.—Euh!Jevouslaisse!lanceCaraenrentrantcheznous.Merde, Cara est fâchée, forcément, elle va se retrouver seule pour payer le
loyer.Ohlàlà,mavieestunradeauquiprendl’eau.—Pardon.Pardon.—Vousvousêtesdisputées,Caraettoi?demandeencoreNate.Pasmaintenant. Jenepeuxpas luibalancer toute l’histoirecommeça, c’est
au-dessusdemesforces.—Nate,jesuisdésolée.C’estl’enferdepuisdimanche,jet’expliquerai,je…Unetêteblondesurgitdansl’escalier.Non,paslui.Jerectifie:c’estpireque
l’enferdepuiscematin.—Salut,chérie!Àcesmots,Nateestlittéralementstatufié.— T’as une tonne d’affaires, heureusement que l’appart est grand, ajoute
Daniel.Natepigeaussitôt.— Tu t’installes avec lui ? Avec Daniel ? murmure-t-il, choqué jusqu’à la
moelle.—…—Oui!répondDanielenmetendantunemainpourmerelever.—Alex,jenecomprendspas,balbutieNate.Tuneleconnaismêmepas.—Toutfaux,monpauvreNate!C’estmafiancée!Danielexplosederire,tropcontentdelascènequivientdesejouer.
Natemeregardeunbonmomentetmoijesuistétanisée,incapablederemuerlepetitdoigt.—C’estuneblague?dit-ilenfin.—Pasdutout!Jeteconfirmequ’Alex,iciprésente,estmafiancée.—Arrête,c’estridicule.Jen’arrivetoujourspasàarticulerlemoindremot.D’ailleurs,qu’est-cequeje
peux lui expliquer ?Que je suis amoureuse deDaniel alors que j’adorais noslonguesconversationstéléphoniques,commecelledel’autresoir?Jen’aipasledroitdediscuterducontrat,c’estécrit(maisjen’aipasrespectélaclauseavecCara).—Alex,c’estvrai?insisteNate.—Oui,jemurmured’unevoixàpeineaudible.— Pas possible ! s’emporte Nate. Je ne savais même pas que vous vous
connaissiez, tous lesdeux…Alex, je t’aiparlépleindefoisdeDaniel, tun’asjamaisréagi.Putain,mais,sic’était tonfiancé, tuauraispuledire.J’auraiseul’airmoinscon,maintenant…Etjenet’aijamaiscachéquejet’aimaisbien.Ondevaitmêmesortirensemblevendredi.—Nate,je…—Tutefichaisdemagueule,enfait?—Attends,Nate,jet’explique,intervientDaniel.—Fous-moilapaix,Daniel.Tumenscommeturespires.Alex,sincèrement,
pourquoitut’esmiseavecuntypecommelui?Jeleconnais,c’estunmenteur,unmanipulateur,unsalaudavectoutes lesnanasqu’ilapproche.T’esnaïveouquoi?—Disdonc,Nate,tuvasfermertagrandegueule?s’énerveDaniel.—Non!C’estn’importequoi,cettehistoirede fiançailles !Alex, tuneme
feras pas croire une connerie pareille. Je ne te connais pas depuis longtemps,maissuffisammentpourtedirequecetrucnecollepas.Alors,soitvousmenteztouslesdeux,soitilyaquelquechosequevousmecachez.—Cenesontpastesoignons,mec.Dégage.—Désolée,Nate,jenepeuxpast’expliquer.—Jecroyaisquet’étaisdifférente,Alex.—Jelesuis!—Non,tuescommelesautres.Vousfinisseztoutespartomberdanssonlit.
Çamedégoûte…Ettoi,c’estpire,tuchoisisdepassertavieaveclui.Natetournelestalonsets’enva.—Pathétique,commenteDanielenleregardantpartir.Jepréfèrenepasrépondre,j’aiuneénormeboulecoincéeaufonddelagorge.
Natenevoudrajamaismerevoir,jel’aiprofondémentblessé.—Unevraiescènederupture,ajouteDaniel.—Non,onn’étaitpasensemble,jemurmure.Etjen’aisûrementpasenviede
parlerdeçaavecmonfauxfiancé,OK?— Comme tu veux, chérie ! Viens, je t’emmène à notre penthouse, mon
carrosset’attendenbas.On descend jusqu’à son véhicule. Il ne fait aucun geste déplacé pour me
toucheroum’approcher.SoncarrosseestuneLamborghini.—Jenemontepaslà-dedans.Jetesuisavecmavoiture.—Quoi?T’estarée,chérie!—Vatefairefoutreetarrêtedem’appelerchérie.—Ont’adéjàditquetuétaisexaspérante?—Jet’emmerde,Kerrington.Donne-moil’adresse.—Non,tumontesavecmoi.Unevoitureaulieudedeux,c’estmeilleurpour
l’environnement.—N’importequoi!Tusaiscequeçaconsomme,uneLamborghini,espècede
filsàpapa?—On gagnera du temps si tumontes avecmoi. Je te déposerai ici demain
matinpourqueturécupèrestacaisse.J’acceptesaproposition.Moinsdetrenteminutesplustard,ilsegareaupied
d’unemagnifiquerésidence.Jeneluidispas,maisjesuisbiencontentequecesoitprocheduBostonCollege.L’appartement est sublime, ensoleillé avec ses grandes baies vitrées, très
jolimentdécoréavecsestapis,rideauxetcanapésassortis.Lireunbonbouquindanscetteatmosphèredequiétudedoitêtresuperchouette…—T’asl’aird’aimer!s’amuseDaniel.—Çaira.—Dis-le,queçateplaît!—Jesuisbienobligéepuisquejedoisvivreici.—C’estvraiquec’estpasmal,sachantquemonpèren’aeuquedeuxjours
pourl’acheteretl’équiper.Lesdéménageursnevontpastarder,d’ailleurs.L’interphone retentit comme pour lui répondre. Les cartons arrivent. Mon
premierjourdecohabitationavecDanielKerringtoncommenceofficiellement.
Je serais capabledevivredans cettenouvelle chambre jusqu’à la findemesjours…Euh,siDanielm’entendait,ceseraitmafête!J’admire les murs lavande. Ma couleur préférée. Je n’en reviens pas que
M. Kerrington ait tapé dans le mille en choisissant celle-ci. De nombreusesétagères ont été posées pourmes livres, qu’un déménageur a pris la peine deranger soigneusement. Devant la fenêtre, une jolie coiffeuse sur laquelle j’aidisposétubesderougeàlèvres,chouchousetaccessoires.Unénormelustreencristal est suspendu au plafond, la classe. J’ai dormi commeun bébé dans lesdrapsdesatinetlesmultiplesoreillersmoelleuxdugigantesquelit.C’est ma nouvelle chambre. Je m’y sens encore mieux que dans la
précédente…Zut,Cara.Commentai-jepuoublierqu’ellem’enveutàmortdel’avoir laissée tomber. Cara a rejeté mes appels hier soir. Je dois réessayerjusqu’àcequ’elleréponde.—Quoiencore?répondCaraauboutdedeuxsonneries.Ah,ilyaduprogrès.—Euh…Jenem’attendaispasàcequetudécroches,Cara!—Tupréfèresparleràmonrépondeur?—Non!Jepensaisquetuseraisencorefâchéeaprèsmoi.—Pasfaux.—Pardon.Jesuisdésolée,jenesavaispasquej’auraisàdéménager.Tupeux
metraiterdenulle:jen’avaispaslulecontrat.Cararestesilencieuse,jel’entendsrespirerauboutdufil.
—J’aidumalàtesuivre,Alex…Personnenet’aforcéeàsignerceputaindecontrat.—Jel’aifaitpourmesparents.—Pourtesparentsquin’enontrienàfoutredetoisaufquandtupeuxservir
leursintérêts,s’exclame-t-elle.—Cara,jepensaisquetumecomprendrais,jemurmure.—OK,pardon,maistusaisaussiquec’étaitnotrerêvedepuislaprimaire,de
vivreencoloc.J’étaissupercontente.Çam’ablesséequeturepartesaussivite.Quelerêvesebriseenmillemorceaux.—Jesais,maiscommentj’auraispudevinerquelaboîtedemesparentsferait
failliteetqu’ilsinventeraientuntrucpareil?Turestesmameilleureamie,Cara.J’aibesoinquetumesoutiennescommetul’astoujoursfait.—Biensûr,Calimero.Tumeferasvisitertanouvellecrèche?—Montriplex,madame!—Leprincecharmantt’offresonchâteau?—LefauxfiancéKerringtonmeprêtesonfauxtriplex.Notre complicité est revenue,onpapote commeavant. Je lui raconte cequi
s’estpasséentreDanieletNate.CaraprometdetenirsalanguepourqueNatenedécouvrerien,vuquejen’aipasledroitdeparlerducontrat.—Tucomptesfairecommentaveclui?medemande-t-elle.—Çam’étonneraitqu’ilyaitunesuiteavecNate,jesoupire.—Dommage.Çaavaitl’airderoulerentrevousdeux.—Tropdommage,maisjesuisfiancée.—Unefaussefiancée,Alex.—TantquejesuisavecDaniel,jen’aipasledroitdem’intéresseràd’autres
garçons.— Pendant trois ans, l’horreur totale… Tu crois que ça pourrait devenir
sérieuxaveclui?—T’esfolle!C’estunpsychopathe.—Un psychopathe sexy ! Ne me dis pas que tu ne l’as pas remarqué. Je
détestesamentalité,mais,pourlereste,ilestplutôtbienfoutu!—Stop, Cara.Ne répète jamais ça devant lui, il a un ego surdimensionné.
N’oubliepasqu’ils’estdéjàtapé90%desfillesduBostonCollege.Alors,luiet
moi:jamais!—Turéussiraspeut-êtreàlechanger,quisait.JesorsdelachambreencontinuantdepapoteravecCara,j’aienvied’uncafé.
Danslacuisine,lechoc:unenana…àpoil,tranquillementassiseaucomptoir.Elle se sert un verre de jus d’orange. Une goutte tombe entre ses seinsproéminents.—Cara,jeterappelle.Jedoistordrelecoudetu-sais-qui.—Ahoui?Tumeraconteras!—Jepeuxsavoircequetufaislà?jedemandeàlafille.—Oups.Tuessacopine?—Safiancée,bordel!—Aïe!Jetejurequ’onnel’apasfaitpleindefois…enfin,unpeu,maisj’ai
fermélesyeux…presquetoutletemps,medit-elleenattrapantuntorchonpoursecouvrir.—Dégage.—Toutdesuite!JelavoisfilerverslachambredeDanielpourenressortiravecsesfringues
moins d’une minute plus tard chrono. OK, maintenant je dois m’occuper duprincecharmant.JedonneuncoupdepieddanslaportedeDanielavantd’entrer.Ilestencore
au lit, étalé de tout son long. À poil. Décidément, c’est unemanie ce matin.Hum, la vue de ses tablettes de chocolat n’est pas déplaisante, j’avoue. Jem’empêchederegarderplusbas.Quandjerevienssurterre,jeréalisequeDanielm’aparlé.—Quoi?—Jetedemandaissituaimaislespectacle,répète-t-ilsuruntonnarquois,pas
gênédutout.—Non!—Alorsqu’est-cequetufousdansmapiaulesic’estpaspourmater?—Jesuisvenue…t’engueulerparcequetuasramenéquelqu’unàlamaison.LevisagedeDanieln’affichepasl’ombred’unremords.—Lananaàpoildanslacuisine,tuasoublié,connard?T’aspourtantcouché
avecelle,jesuppose.
—Oui,etalors?Jeramènetoujoursdesnanaspourcoucheravec.Oùestleproblème?—Oùest leproblème?jerépète,superénervée.Leproblème,c’estquetes
conquêtessontàpoildanslacuisine,connard!—Jenepouvaispasdevinerqu’ellesepromèneraitàpoil,répondDaniel le
plustranquillementdumonde.—Tripleconnard,tutesouviensquetunedoispasramenerdesnanassousle
toitofficiellementconjugal?T’aslulecontrat?—Ducalme,tumefaismalaucrâne.OK,jesuisdésolé.C’étaitjusteunplan
cul pour la soirée, j’aurais dû te prévenir.Mais je pensais qu’avec le boucanqu’onafaittut’enseraisrenducompte!—Stop.Çasuffit,jeneveuxplusrienentendresurlesujet.—Hum…j’aipeut-êtreétéunpeumaladroit.Désolé.—Maladroit? J’aidûmentiràNate,unmecque j’apprécieénormémentet
avecqui jedevaissortirvendredi,parceque jesuisofficiellement fiancéeavectoi.J’aifaitdestasdesacrifices,cen’estpasfacile,alorsoui, toiaussi, tuvasfairedesefforts.—OK,OK,dit-ilens’enveloppantenfindanssondrappourselever.Onva
fixerdes règles, çaévitera cegenrede situation…Tupeux te tournerpendantquejem’habille?Jepivote,rougedehonte.Quandj’entendsletissutombersurleplancheretle
bruitd’unefermetureéclairremontée,jevireaucramoisi.—Règlen 1,lanceDaniel,tun’entresplusjamaisdansmachambrecomme
tuviensdelefaire.J’aibienremarquéquetuaimaismereluquer,maiscen’estpasuneraison.Gardeçapourlesespacespartagéscommelacuisineoulesalon.—T’asl’intentiond’ouvrirunclubdenaturismeouquoi?—Non,chérie,maisj’aimebienmepromeneràpoilchezmoi!Cemecmerendfolle.—Règlen 2,neramènepasdenanasàl’appartetnevapasbaiserailleurs,
j’enchaîne.Çafiniraparmeretomberdessussitonpèredécouvrequelefiancécopuleàdroiteetàgauche.—Ilyadeuxrèglesdanscequetuviensdedire,chérie.Jerefuselaseconde:
tu veux que je me fasse curé ou quoi ? Abstinence pendant trois ans, t’escomplètementmalade.
o
o
—Ças’appellefairedessacrifices,t’esconcernécommemoi.SijenepeuxpassortiravecNate,tunepeuxpasbaisercommeunclébardenchaleur.Danielserrelepoing,fulmine,puisaboie:—Larèglevautaussipourtoi,chérie.—Ceneserapasunproblème,connard.—C’estvraique,dececôté-là,lessoupirantsnecourentpaslesrues!—Tagueule!T’esvraimentunmecpuant,dis-jeenluibalançantsonoreiller
àlafigure.—Unmecquiditlavérité!Je n’en peux plus, je préfère sortir de sa chambre, mais il me suit dans
l’appartement.—Onvaavoirbesoindebeaucoupderèglessionveutsurvivretroisans,je
marmonne.—Exact.Tuasdespropositions?—Oui:toietmoi,onneserajamais,jamais,uncouple.—Accordé!Tun’espasmongenre,Alex.—Idem…Pourêtresûrsderespecterlesrègles,onvafixerdespénalitésen
casdenon-respect.—Jet’écoute,répond-ilencroquantdansunepomme.Jeréfléchisàuntrucquipourraitl’emmerder…J’ysuis:sabagnole!—Situnerespectespaslesrègles,jet’empruntetaLamborghini!Ettuignorescommentjeconduis,mec.—Pasmacaisse,chérie.—Si.—T’esdingue,ellecoûteuneblinde.PersonnenetoucheàmaLamborghini.—Si tu respectes les règles, je ne toucherai pas à ta Lamborghini, Daniel.
Pigé?Ilronchonne,maisfinitparaccepter.Bien.Onverracequ’onverra!—Ettoi,tongage,cesera…tesprécieuxbouquins,macocotte!—Touchepasàmeslivres,connard.—Tantqueturespecteraslesrègles,jenetoucheraipasàteslivres,chérie!Jemaudiscemecjusqu’àlatroisièmegénération.
—Bon,maintenant qu’on a réglé les choses sérieuses, passons aux détails,dit-ilenfarfouillantdanslespochesdesonjean.Ilensort…uneénormebaguedefiançailles.Merdealors.— Donne ta main, chérie… On dirait que c’est la bonne taille… Tiens,
attrape.Et ilme la lance. BonDieu, je n’avais jamais imaginé ni lu qu’on pouvait
recevoirunebaguedefiançaillesdecettefaçon.—Tudoislaporter.Toutdesuite.Monpèremel’ademandé.—Pourquoi?—Parcequ’ondoitêtreinterviewésdansmoinsdedeuxheures,prépare-toi,
chérie!Lemondeentiervasavoirquenoussommesfiancés.
Deux heures plus tard, je suis installée dans une loge où s’assoientgénéralementlesprésentateurstéléetlesstarsdecinéma.Deuxdamess’activentpourmecoifferetmemaquiller.Jenesaispascequejefaislà,ouplutôtjenemesenspasdutoutàmaplace.
Danielm’aforcéeàvenir,moiquidétestelesdémonstrationsenpublic.Onvame poser un tas de questions plus indiscrètes les unes que les autres, je seraiincapablederépondreàcausedescamérasbraquéessurmoi.Et,commeonestarrivésenretard,iln’yauraaucunerépétitionpours’entraîneravant.Moncœurseserredetrouille.Lespréparatifssontterminés,jenereconnaismêmepaslafilledanslemiroir.
J’ail’aird’unbonbonàpaillettesjolimentemballé,maislerésultatestpasmal.On m’appelle. Ça commence dans cinq minutes. Un certain Pascao
m’expliqueledéroulementdel’interview.—M.Kerringtonarrivelepremiersurleplateau,Charlizeluiposequelques
questions.Quandellelance«Voyonsmaintenantvotrefiancée!»,vousentrezrejoindrevotrepromis.Monpromis.Benvoyons.C’estprécisémentlemomentquechoisitDanielpourapparaîtreprèsdemoi…
J’en ai la mâchoire qui se décroche. Il est sublime. Ses cheveux blonds sontcoiffés, il porte un costume gris parfaitement coupé et des boutons demanchettes.Élégantetchic,leDaniel.Jemesouviensquejedoisrespirerpourvivre.
Luiaussimedétailledelatêteauxpieds,maisjen’arrivepasàdéchiffrers’ilapprécieous’ilsemoque…Jem’enfous,çanem’intéressepas.—Vousêtesplutôtmignons,touslesdeux!s’exclamePascao.Ilsepencheàmonoreilleetmurmure:«Et,àlafaçondontvotrefiancévous
dévoredesyeux,iln’yaaucundoute,ilestamoureuxfou.»Pfff,cemecraconten’importequoi.Legénériquedudébutdel’émissions’affichesurunécrandecontrôle,Daniel
apparaîtsurleplateauavecCharlize,laprésentatrice.—Bonjour,lesamis!Noussommesravisd’accueillirDanielKerrington.Troisrangéesdespectateursinstallésdansunepetitetribuneapplaudissentet
sifflentcommedesmalades.OnsecroiraitauMuppetShow.—DanielestlefilsdeHarryKerrington,entrepreneurréputédanscetteville.
Mesdames, mesdemoiselles, accueillez Daniel, qui nous fait l’honneur de saprésence!lanceCharlize.Mini-délire dans la salle. Daniel salue avec son demi-sourire craquant.
Quelqu’uncrie:«Épouse-moi,Daniel!»—Alors,Daniel,onconnaîtbienvotrepère,maisvous,unpeumoins.Parlez-
nous de vous. Je me suis laissé dire que vous aviez du succès auprès de cesdames!Vousconfirmez?—C’estdel’histoireancienne!J’aichangé.—Jenevous suispas,Daniel, j’aimanquéunépisode? Ilyadunouveau
dansvotrevie?—Çasepourrait!lance-t-ilavecunclind’œilétudié.Des«Ooooh»etdes«Aaaah»s’élèventdanslepublic.— Une confidence pour nos spectatrices, Daniel ? l’encourage Charlize.
Quelqu’un,quelqu’unedevrais-jedire,estentrédansvotrevie?—Oui!—Etquiestl’heureuseélue,Daniel?N’importequoi,Charlizem’avue juste avant ledébutde ce showpourri et
ellesaittrèsbienquenoussommesfiancés.—Elles’appelleAlexandria.ElleestenpremièreannéeauBostonCollege,
commemoi.Alexandriaest formidable,c’est lapremière foisque je rencontrequelqu’uncommeelle.Jelatrouvedrôle,attentionnée…génialequoi!Sonregardseperddanslelointain.Putain,arrêtezcettecomédiegrotesque.
—Ouah!Elleestsûrementfabuleuse,etc’est laseulequiait réussiàvousattraperaulasso,ondirait!—Alexm’atransformé.Jeluienseraiéternellementreconnaissant.Charlize continue d’interroger Daniel sur moi, il lui sert encore plusieurs
conneries,elleplaisanteensuitesurlabaguedefiançailles.—Jelaluiaidéjàofferte,répondDaniel.—Vraiment?Daniel,jesuispersuadéequevosfansmeurentd’enviedefaire
laconnaissancedevotrepromise.Vousacceptezdenouslaprésenter?Pascaomefaitdegrandsgestes,jesuisobligéedesortirdel’ombrepouraller
meplacersouslesspots.Leshurlementsdupublicmefontvibrerlestympans.J’essaye de sourire sans être trop crispée,Danielme tend lamain.Quelqu’uncommenceàcrier:«Unbaiser!Unbaiser!»Toutlemondereprendenchœur.C’estquoi,cetraquenard?Daniel fixemes lèvres, jeblêmis sous lemaquillage.Auderniermoment, il
déviesurmajoue.Sauvée.—Alors, c’est elle ! s’exclameCharlize.On applaudit bien fort celle qui a
dompté Daniel Kerrington ! Bravo, Alexandria, quel talent, je suisimpressionnée!—Merci.Appelez-moiAlex.— Bien sûr, Alex…Voulez-vous nous dire ce que ça fait d’être fiancée à
DanielKerrington,l’héritierdeKerrington&Co.?C’estl’enfersurterre.—C’estcommedansunrêve.—Votrebonheurfaitplaisiràvoir,Alex!Jevousenvie.Daniellaremercie,jecroisquejem’étrangleàcemoment-là.—Alex,commentest-cearrivé?reprendCharlize.—Pardon?—Commentvousêtes-vousrencontrés?Toutlemondeaimeraitsavoir.JejetteunregardpaniquéàDaniel,quidéglutitpéniblement.— Je préfère que ce soit Alex qui raconte, elle est meilleure que moi en
littérature,lancececrétin.—Non,vas-y,Daniel,àtoil’honneur.—Chérie,jet’enprie!
—Non.Charlizesefige.—Daniel,j’adoooorequandc’esttoiquiparlesdenotrepremièrerencontre,
jeminaude.—Oui,Daniel,renchéritCharlize,votrefan-clubestvenupourvousentendre.—Ah.Euh…C’estunelonguehistoire.—Prenezvotretemps!J’ignorecommentilvasesortirdecetraquenard,maisçam’amusedelevoir
surlegril.—Ehbien…euh,c’étaitdansunrestaurant,ilyatroismois.Lecon,ilnevatoutdemêmepasraconterça?—AuKitchenBasilic,unendroitquej’aimebien.Jenesavaispasqu’Alexy
travaillait,maisjel’aitoutdesuiterepéréeavecsonpetittablier.Jesuisscotchéeàmonsiège.— Vous savez que j’aime les… que j’aimais beaucoup les femmes. Je les
invitaisauresto,avantde…pourdiscuterdevantunverre.Lepublicéclatederire,moipas.— La première fois, Alex était coiffée avec une queue-de-cheval. J’ai
remarquésesyeux,sonsourire.Chaquefoisquejevenais,jem’arrangeaispourquecesoitellequis’occupedematable.Jesentaisqueçal’irritaitqu’unenanadifférente m’accompagne chaque samedi soir. Alex était sûrement un peujalouse, parce qu’elle a commencé à saboter mes rendez-vous… Elle a dutempérament,mafiancée!Audébut,jenecomprenaispaspourquoimescopiness’énervaient après moi. J’ai fini par réaliser que c’était la petite hôtessemignonnequiprenaitmescompagnesàpartpourleurparlerdemoi.Çam’amisen rage, elle aussi. Un dimanche matin, on s’est hurlé dessus devant lerestaurant. Une vraie guerre thermonucléaire. Deux jours plus tard, quand lacolère est retombée, j’ai voulum’excuser,maisAlexest dugenrebuté. Jemesuisaccrochépourqu’ellemeregardedifféremment.Jel’aiinvitée,etvoilà!Son petit numéro de prince charmant déclenche un tonnerre
d’applaudissements. Il vient de réécrire tout le scénario à son avantage. Jem’étrangle,avecunsourirejaune.—Vous étiez vraiment faits l’un pour l’autre ! s’exclame Charlize.Merci,
Daniel, merci, Alex, on vous réinvitera, votre bonheur est éclatant. Nousclôturonscetteémissionsurcemerveilleuxhappyend!
Dèslafindecetteconneriemonumentale,monportablesemetàvibrercommeunfou.Jereçoisunetonnedemessagesdepotes,cousins,onclesettantes.T’es fiancée ? Congrats, Alex ! OMG, un fiancé et t’as rien dit. Bitch.
Appelle-moi. Pourquoi t’as rien dit ? Félicitations, ma chère Alex, bientôt larobe blanche. Je peux être demoiselle d’honneur, s’il te plaît ?Complètementouf,princesseAlex.Présente-moitonfiancé!Yenaquines’emmerdentpas!J’éteins.Jenesavaispasquelesnouvellescirculaientsivite.Enouvrantmon
ordi,jeconstatequemescomptesFacebook,TwitteretInstagramexplosent.J’aides followers comme jamais et une tonne demessages envoyés par des adosfurieuses.Danielentredanslesalonetbalanceunepiledemagazinessurlatablebasse.—Alors,heureuse,lavedette?ironise-t-il.Jeluirépondsparmonregarddekilleuse.Apparemment,onfaitlaunedeces
torchons.Lesphotossonttiréesdel’émissiontélévisée.Lapireestunportraitdenous deux faussement énamourés, les yeux dans les yeux. Bien sûr, c’est dubidon,maistoutlemondel’ignore.—Donc,ilsyontcru,jemurmure.—Évidemment.Jesuisuntrèsbonacteur.—Tonpèreestcontent?—Moyen.Lisl’articlepage15.Denotreenvoyéspécial,JoNelson.
Certes,DanielKerringtons’estmontréconvaincantsursapremièrerencontreaveccellequiestdevenue sa fiancée.Maiscesdeuxoiseaux sont-ils vraimentamoureux ? Le fils indiscipliné qui alignait les conquêtes depuis ces derniersmoisnousamaintesfoisprouvésonappétitféroce.Alexandrian’étaitpasdanslepaysage,ellesemblesortied’unchapeaudemagicien.Lecouplen’ajamaisété vu ensemble. Des sources bien informées confirment que leur romancepourraitavoirétéarrangéepourblanchirl’héritierKerrington.QuellecomédienousjouaientDanieletAlexsur leplateaudeCharlizehier
après-midi ? Ce ne serait pas la première fois qu’on nous mène en bateaulorsqu’ils’agitd’unrichefilsàpapa.Ouah.Cette journaliste est une pyromane qui joue avec le feu, elle n’a pas
froidauxyeux.—Monpèrel’afaitvirer.—Onvaêtreobligésdefairedesefforts,jemurmure.—Oui.Etdes’afficherenpublic.Fairedestrucsdecouple.Gloups.Cecontratdemerde,quellepurge.—Tirepascettetête,Alex!Tun’espasaubagne!—OK,onsetiendraparlamain.—Cen’estpassuffisant.Ilfautaussis’embrasserenpublic.—Jamais!—Si j’étais toi, je tenterais le coup, il paraît que j’embrasse très bien ! se
rengorgeDaniel.—J’aidit:Jamais!—T’asjamaisembrassédemecs?—Biensûrquesi,maistoi,jenet’aimepas.—Parcequ’ilfautquetuaimespourembrasser?— Oui, ça te défrise ? Peut-être qu’un jour tu connaîtras ça. Donc, je ne
t’embrasseraipas.—Surlajoue,aumoins,soupire-t-il.—OK.—Alors,onpasseàl’entraînement!—Quoi!Maintenant?—Oui.Àlafac,toutlemondevanousregarder,j’ensuissûr.
Jeblêmis.—Alex,t’aspeur?C’esttoiquiproposaisdefairedesefforts!Coincée.Jereconnaismadéfaite.Lajournées’annoncelongueetpénible.Comme Daniel l’avait prédit, quand nous arrivons sur le campus, tous les
yeuxsetournentversnous.J’entendsdes«fiancés»,«tropjeunes»et«c’estlouche».Danielestàl’aise,commetoujours.Jecroismêmequ’ilsedélectedelasituation.Moi,c’esttoutl’inverse,enplusçamerendsupernerveusequelesfillesmatentlegroscaillouquejeporte.Danielmecaresselamain.Jemeraidis.—Bahalors,chérie!—Tagueule.Ilentrelacesesdoigtsauxmiens.Jemecramponnedansmatêtepournepas
lesretirer.—Tuvois,cen’estpaslafindumonde!semoque-t-il.—Jen’aimepasqu’onmeregardecommeunebêtecurieuse.—Vafalloirt’habituer,maintenantquetuesavecmoi,chérie.—Personnenet’ajamaisparlédetonegosurdimensionné?—Si,maisjem’enfous!Jerepoussesamain,çasuffit.Daniels’arrête.—Avance,connard.Au lieu de me répondre, il m’attire à lui et plonge ses doigts dans mes
cheveux,remetunemècherebellederrièremonoreille.—Ducalme,chérie,ondiraitquet’asvuunfantôme!Daniel se penche alors et m’embrasse sur la joue, tout près de la bouche.
Contentdelui, ilmesouritets’emparedenouveaudemamain.Qu’est-cequiluiapris?Soudain,jecomprends:Nateestlà,visagefermé.C’estlapremièrefoisquejelerevoisdepuislascènedel’escalier.Jecherche
sesyeux,maisilmetourneledosets’éloigneenvitesse.J’aimerais le rattraper, le serrer dansmes bras, lui dire que je suis désolée,
désolée,désolée,quejerêvedesortiravecluivendredi.Maisjenefaisriendetoutça,parcequejesaisqu’ilsouffreàcausedemoi.Inutiled’enrajouter.Alorsjeleregardes’enaller.
—Tupeuxmedirequellemouchet’apiqué,Daniel?
Onestàl’appart,ilesttempsdes’expliquer.—Quoiencore?soupireDaniel.—Tusaistrèsbiendequoijeveuxparler.—Pasdutout,chérie.—Tuasfaitexprèsdem’embrasserdevantNate,jehurle.—N’importequoi,répond-ilens’affalantsurlecanapé.—Tu savais très bien queNate n’apprécierait pas. C’est comme ça que tu
traitestespotes?—Onn’estpasvraimentpotes.—Quoi?Vuqu’ilshabitaientensemble,jenem’étaismêmepasposélaquestion.—Natenesupportaitpasmes…habitudesenmatièredesexe!Jel’énervais.—Etçat’étonne?—Oui,toutlemondem’aime,surtoutlesnanas!merépondcegrandcrétin.
Si onne s’est jamais tapé sur la gueule,Nate etmoi, c’est grâce àSimon,ungeeksupercool.Jem’entendsbienavecSimon.Nateaussi.Sanslui,notrecolocn’auraitjamaisfonctionné…—OK.Maismoi,j’aimebienNate.Tun’avaispasledroitdefaireunecrasse
pareille.
—Ah,ah!Tudérailles,chérie:j’aitouslesdroits,surtoutsiNatesefaitdesfilmssurtoi.Horsdequestionqu’ilnouscompliquelavie.Tuesmafiancée,jet’embrasse.—J’aienviequ’ilrestemonami.—Seulementsic’estplatonique,chérie.Ilteregardeavecdesyeuxdevache,
çam’énerve.Onval’ajouterànotrelistederègles:pasdeNatecheznous.JeproposeàDanieldecouchertoutçasurlepapier.Ilfarfouillecinqbonnes
minutesdanssonsacavantd’ensortirunefeuillefroisséeetunBicmordillé.—C’est parti.Règle n 1 : pas de nanas à poil dans la cuisine ! semoque
Daniel.—Etdanslerestedel’appart,jeprécise.—Interditd’entrerdanslachambredel’autre,ditDaniel.—Etdesemêlerdesaffairesdel’autre.—InterditderamenerNateici,sedélecteDaniel.—Doncjepeuxramenern’importequid’autre.— Non, chérie. Ça enfreindrait la clause Les fiancés s’engagent à ne
fréquenterpersonned’autredurantlestroisansprévusaucontrat.Argh,foutucontrat.Oncontinuedonccinqminutesàécrirecequinousvient
àl’esprit.Cequidonnecinqrègleschacun.Danielfixelafeuilleavecunmagnetsurlefrigidaire.—Aufait,monpèreveutqu’onorganiseunefêtedefiançailles.—Pourquoi?Toutlemondeestdéjàaucourantavecl’émissiondetélé.—C’estpourlesrelationsprofessionnellesdesaboîte.Jedoismontrerqueje
suissuffisammentsérieuxpourreprendreleflambeau.—Etc’estprévuquand?—Samedi.Çasepasseraici.—Cesamedi?C’esttropcourt,commedélai!—Ducoupons’ymettoutdesuite,chérie!Tupréfèrest’occuperduDJou
desfleurs?Quelqu’unsaitpourquoimavien’enfinitpasdefoirer?
o
Le lendemain matin, j’annonce à Daniel qu’on fait trajet à part. J’ai prévud’aller au campus avec Cara, dansma voiture. Je passe la prendre en bas denotreancienimmeuble.Onestsuperenavance,parcequ’elleaunexposéàprépareravecdeuxautres
étudiants. Pour une fois, je vais pouvoir être tranquille : jem’installe sous unarbreetjesorsunbouquin.Lebonheur.Unefoisquejesuisplongéedansmalecture, j’oublietoutlereste.Mais,au
bout d’un quart d’heure, j’entends quelqu’un se racler la gorge. Une paire dejambesestplantéedevantmoi.—Jepeuxtedérangerdeuxminutes?C’estNate.—Euh…OK.Ils’assoitprèsdemoi.Lesilences’étireentrenousdurantunbonmoment.—Jesuisdésolé,finit-ilparmurmurer.Jen’aipasétésympa, jem’enveux
de…—Non,c’estmoi,Nate,c’estentièrementmafaute.J’auraisdû teparlerde
Danielet…—Etmoi,j’auraisdûtedemandersituétaisavecquelqu’un.—Etmoi,j’auraisdûêtreplusclaire.—Etmoi,jen’auraispasdûréagircommeça.—Jenevoulaispasteblesser,Nate.
—Jenevoulaispasque…Onéclatederire.—J’aibienfaitdevenirm’asseoirprèsdetoi,onavaitdestasdechosesàse
dire!—Oui…Sansrire,Nate,jesuisvraimentdésolée,tun’aspasidée.—Moiaussi,Alex…J’aiunpeupétélesplombsaveccettehistoire.Pardon.
J’aimeraisqu’onresteamis,situesd’accord,biensûr.—J’aimetropdiscuteravectoi!—Alors,raconte-moi,s’ilteplaît.—L’histoiredesfiançailles?—Biensûr.Du coup, je lui explique enfin tout ce quime tracasse depuis une semaine,
depuisquemavieestdevenueuneplanchesavonneuseavecmoiàcalifourchondessus.—Etmaintenant, ilyacettefêteprévuesamedi, jeconclus.Çavaêtreune
méga-cata.—Maisnon.—Etsituvenais,Nate?Aïe,larègle.J’aiparlétropvite,Danielvametuer.—Non,Alex.Passûrquecesoitunebonneidée,enplus.—Allez,Nate.J’aiaussi invitéCara,avecvousdeuxceseramillefoisplus
sympa.—Vraiment?—Vraiment.Jeconfirme,Danielvametuer.Natem’accompagnejusqu’àmonamphi.Aumomentdelelaisser,jeleserre
dansmesbras.Ungroscâlin.Ilestd’abordsurpris,puissedétend.—Mercid’êtrerevenuversmoi,Nate.—Tusais,jenesaispastropoùtesfiançaillesavecDanielvontt’emmener,
maistupourrastoujourscomptersurmoi,Alex,répond-ilavecundemi-sourire.J’ailecœurbeaucoupplusguilleretenlequittantpourentrerencours.Daniel
estdéjàassis,ilm’accueilleplutôtfraîchement.—Jen’auraisjamaiscruquetoietlui,çaredémarreraitsivite,grogne-t-il.Il
seditpeut-êtrequ’enrestantpoteavectoiilterécupéreraplusfacilement.—Jeterappellequetuétaisd’accordpourquejeresteamieaveclui.—Cequineveutpasdirequej’approuve,ronchonne-t-ilencore.—Nate est quelqu’un de bien, il est au-dessus de tout ça, alors arrête d’en
faireunfromage.Lecourscommence,Danielserenfrognedanssoncoin.Sesmauvaisesondes
m’empêchentdemeconcentrer.—Nateneteméritepas,murmuremonvoisin,boudeur.J’aimalentenduouilestjaloux?
Lesdeuxjourssuivantssepassentenpréparatifsdesfestivités :coupsdefil,courriels,coursesenville,réceptiondeslivraisons.Pluslescoursquejeneveuxpas rater et un essai de quatre mille mots en littérature. Je reste l’après-midientièreàlabiblipourletravailler.C’estloind’êtremameilleuresemaine.Quandjepeuxenfinrentreràlamaison,maquiétudenedurepasdixminutes,
Danielestlàethurleàtraversl’appartement:—Çayest,tevoilà?Pourquoitunedécrochesjamaistontéléphone?Jet’ai
laisséunetonnedemessages.—Jerédigeaismonessai.—T’eslente,chérie,moij’aiachevélesdeuxilyabellelurette.—Menteur.Tunetravaillesjamais.Avecunclind’œil,ilmemontreuneliassedefeuillesposéessurlecomptoir
delacuisine.Jereconnaislessujetsdemandésparlaprof.Décidément,cemecn’en finit pas deme surprendre : plutôt écolo, bon cuisinier, surtout pour lespancakesdupetit déj, joueurdeguitare, fandeDesperateHousewives, à quoij’ajouteélèveassiduetsérieuxsansaucunetendanceàlaprocrastination.Ilestd’uneredoutableefficacitéaveclesdevoirs,jen’enrevienspas.—OK,jem’incline,tuestrèsfort.Maintenant,laisse-moidormir,jesuisau
boutdemavie.—Sûrementpas!Étudiecesfiches,chérie,medit-ilenbalançantunclasseur
surmesgenoux.—C’estquoi?
—Letrombinoscopedesinvités,avectouslesdétailsàconnaître.—Rienàfoutre,etjesuisépuisée,c’estinutile.—Essayed’intégrerdans tapetite têteque la fêtededemain est un test, et
qu’on doit le réussir. Plus on sera préparés,mieux ce sera. Surtout devant tesparentsetmonpère.Pigé,chérie?Argh,mesparents.Jelesavaiszappés,ceux-là,ilssemblaients’êtrecalmésen
nemeharcelantplusdecoupsdefil.—OK.Daniel ouvre le classeur. Première fiche. Ça va durer des heures, il y en a
tellement.Auboutd’uneheure,ons’interrogemutuellementpourvérifier.—TanteFrida?lance-t-il.—Tafamille,côtépaternel,lasoixantaine,deuxmaris,lepremierestmorten
avalantunearêtedepoisson, leseconds’estbarré.Elleaeucinqenfants.Tonpère l’aide financièrement. Elle a trois chats, Louis, Petra et Miou-Miou, jesoupire.—Mimi,mereprendDaniel.—Mimi,pardon.Ellevientdemainaccompagnéedesonnouveaucopain,qui
avingtansdemoinsqu’elle.Danielsaluemaperformance.Àsontour.Jeluimontrelaphotod’unlointain
cousin.— Sean, fils de Julia et Robert Hastings. Vingt ans, étudiant en archi à la
NYU.EncoupleavecTati,bienroulée,cheveuxbruns,grandsyeux,petitc…—Stop,Kerrington,concentre-toi!—IlsviventàBrooklynavecMax,leuriguanedecompagnie.—Bravo!Après la famille, on passe en revue les relations professionnelles de Harry
Kerrington, puis ses amis, les employés qui sont invités. J’en ai la tête quitourne,lesfichesdansentdevantmesyeux.— Plus jamais ça, Daniel, dis-je quand nous refermons enfin le maudit
classeur.—Pour une fois, on est d’accord. Plus jamais ça, répondDaniel.Un verre
pourfêterça?J’aidelatequila.—Jeneboispas.—Arrêtedefairetapimbêche,chérie,fauttedétendredanslavie.
—Justeunverre,alors.Il sert deux shots, j’attrape lemien et je le bois cul sec. L’alcoolme brûle
l’intérieurdelagorge,j’aisoudaintrèschaud.—C’étaitquand,ladernièrefoisquetuasbu?semoqueDaniel.—Euh…Pourmes dix-huit ans, je crois.Horrible.Cara avaitmis un seau
prèsdemonlittellementj’étaismalade.Ettoi,c’étaitquand,ladernièrefois?—Quandmonpèrem’a dit qu’ondevait se fiancer…Toute la bouteille de
vodkayestpassée.Leréveilaétébrutal.—Çameconsoleunpeud’apprendrequ’onétaitdeuxàavoirunweek-end
pourri.Ilnousressert.J’hésite,ilpousseleverreversmoi.Aprèstout.Jelevide.Grosseerreur.Ledeuxièmeestsuivid’untroisième,etainsidesuite,jusqu’à
cequejeperdelecompte.Lanuittombe,mespaupièresaussi.Jen’yvoisplusrien.
Lespremiersrayonsdusoleilmedéfoncentlecrâne.Quiaoubliédefermerlesrideaux?Argh,lendemaindecuite,c’estterrible.Jem’étaispourtantjurédenejamaisrecommencer.Alex,tun’esqu’unesombrecrétine.Jedécidededormirencorecinqminutes,maisungrognements’élèveprèsde
moi.Unedéchargeélectriquemevrillelecorps.Jetournelentementlatêteversl’origine du bruit. Daniel Kerrington est là. Sur mon lit, allongé la boucheouverte, le T-shirt àmoitié relevé sur les abdos, ce quime donne une vue depremièreloge.Il remue, prend ses aises, son visage arrive à cinq centimètres dumien, sa
mainremonte,tâtonne,atterritsurmacuisse.Benvoyons,netegênepas,mec.Sonnezs’enfoncedansmescheveux.Toutmaispasça.Jeglisseauborddulit
puis tombe sur les fesses. Super, le réveil. Dois-je flanquer deux baffes à cemalotrupourl’éjecter?Hum,unpeuviolent.Jedécidedeluipincerlenez.Trèsfort.—Putain,c’estquoi,ça?hurle-t-ilenseredressant.Merde,Alex,t’espsycho
ouquoi?—Vire.Toi.De.Mon.Lit.—T’essérieuse,là?Tuesdansmonlit,pauv’fille.J’écarquille les yeux pour regarder autour de moi. Les murs ne sont pas
couleurlavande,maisbleus.Mesétagèresdelivresontdisparu.
—Oh.—Ouais,oh.—Commentc’estpossiblequeje…—Soiréetequila,tutesouviens?—Euh…Jen’aipas…Onn’apas…Ils’estpasséquelquechosehiersoir?Mon Dieu. Dites-moi qu’on n’a pas couché ensemble. Rien que l’idée me
donneenviedegerber.Danielmefixeavecdesyeuxdeveau.—Non,non,non,c’estpasvrai,onn’apasfaitça!Unesueur froidedégouline le longdemondos. J’essayede rassemblermes
souvenirs.Rien.—Mais,tuesencorehabilléetmoiaussi!jem’exclame,enconstatanttout
demêmequemonsoutien-gorgeestdégrafé.Danielexplosederire,unriredehyènehystérique.—Situvoyaistatête,Alex!Bourréounon,jen’auraijamaisenviedetoi,tu
peuxterassurer!Cemecmerendrafolle.—Enfoiré.Grosnaze.Pervers.Pourquoitum’aslaisséecroireuntrucpareil?
Saletype!jehurleàpleinspoumons.—C’était trop tentant…Unconseil,chérie :neboispasautant.Tune tiens
pasdutoutl’alcool.—Qu’est-cequis’estpassé?—Rien.Au bout du quatrième shot, tu t’esmise à chanter.Archi-faux, en
plus.TuparlaisdeNate,toncherNate,c’étaitmortel.Après,tuasvomidirectdans l’évieret tu t’esécroulée raide sur lecomptoirde lacuisine.La fillepasintéressante,quoi.Bon,l’honneurestsauf.Jelelaisseserecoucherpuisfilemeservirunverre
d’eauavecdeuxcachetsd’aspirineetprendreunedouchebienchaude.Quandj’arrivedanslacuisine,Danielyestdéjà,habillé,entraindepréparer
despancakes.Incroyable,cemecpeutmangeraprèsunecuite.—Prêtepourlegrandjour?demande-t-il,labouchepleine.J’espèrequetuas
unetenueclassepourcesoir.—Non.Magarde-robesecomposedejeansetdeT-shirts,jegrogne.—Alorsjet’emmènefairedushopping.
—Horsdequestion!—Biensûrquesi,chérie.Unerobesexy,destalons,dumaquillagepouravoir
l’airprésentable.OK?Jevaisletuer.—Arrêtedemefairepasserpourunthon,Kerrington.—Lecontrat!Penseaucontrat!J’abdique.C’estpartipourleshopping.Daniel choisit unmagasin très chic. SiCarame voyait ici, elle tomberait à
genouxenrécitantdesalléluias:jenesuisjamaislamodedesmagazines,mesfringuesdetouslesjoursmesuffisent.Mon fiancé est en pleine discussion avec une vendeuse, j’imagine qu’il lui
expliquecequenouscherchons.Lafilleestmignonne,maisDanielsetientbienet la regardedans lesyeux(pasdans lesseins, ilprogresse).Enrevanche,ellen’arrêtepasderejetersescheveuxenarrière,deredresser lebustepour tendresonchemisier,dontlesboutonsvontexploser,etdeluifairedessouriresniais.Ilesttempsquejemettedel’ordre.—Jepeux savoirdequoivousparlez, tous lesdeux?dis-je enplaçantma
maingaucheaveclegrosdiamantsurl’épauledeDaniel.Effetgaranti,lajolievendeusebatenretraite.—Euh…Votrefiancém’expliquaitquelgenrederobeilcherchaitpourvous.—Ilestadorable,n’est-cepas!jeminaude.Elleacquiesceenrougissant,etpartnoustrouverdestenues.—Jalouse?medemandeDanielavecsonairnarquois.—Jemarquemonterritoire.Tuesmonfiancé,n’oubliepas.—Jalouse,c’estbiença!—Arrogant,c’estbiença.Lavendeuserevientavecplusieursrobes.—Sivousavezbesoindequoiquecesoit,n’hésitezpas,medit-elleen les
accrochantdanslacabined’essayage.Vatefairefoutre.J’enfile la première en lamé or, un truc de ouf. Je rouvre le rideau pour
montreràDaniel.—Non.T’asl’aird’uneCléopâtredepacotille.
OK.Lasuivante.Unerobelonguebustierquisoulignemataille.—Non.Ondiraitunetulipecueillietroptôt.Mêmecirquepour la troisième,et laquatrième.Pfff, cemecestdécidément
pénible.Jepasselacinquième,unerobearchi-mini,serréedepartout,unmouchoirde
poche.—Oui!s’exclamecevicieuxdeDaniel.—Non,j’aitoutd’unepute.Etpuisquoiencore,ilmeprendpourunedesesconquêtesd’unsoir?Jerefermelerideau,ilresteunedernièrerobe.Noire,simple,élégante.Jeme
trouveunpetitaird’AudreyHepburndansDiamantssurcanapé.Daniel en reste sans voix. Ses yeuxme détaillent de la tête aux pieds. Un
sourireéclairelentementsonvisage.—Trèsbien,murmure-t-il.Adjugé.Ellemeplaîtaussibeaucoup.Onpoursuitnotreshoppingenachetant
des chaussures à talons. J’ai ensuite droit à une séance de maquillage avecconseilsaccélérésdelavendeuse.J’ignoraisquec’étaitsicomplexe.C’estçaunsugardaddy,unmecquifaitchauffersacartebleuetoutelajournée?Quandonressortducentrecommercial,monportablebipe.UntextodeNate:Uncaféjustetoietmoi.Çatedit?Super!—C’estbientôtfini,lescourses?jedemandeinnocemment.—Dansdeuxpetitesheures,merépondDaniel.Parfait.Jetapeunmessageultra-courtàNate:Oui!!!!
Une fois le shopping terminé, je m’échappe comme une voleuse pour allerretrouverNate.Quand j’entre dans le café où ilm’attend, une petite voixmemurmure:«Calmetajoie,Alex…»Maisoui,c’estjusteunverreentreamis.Nateestlà,souriant,détendu.—Salut,Alex!Laforme?—Sij’oubliequejeviensdepassertroisheuresàcourirlesmagasinspourla
fêtedefiançailles,oui!—C’estvrai,quelcon,c’estaujourd’hui.Jen’auraisjamaisdûteproposerde
merejoindre,tueshyper-occupée.—Au contraire ! J’avais besoin d’une pause…Au fait, je n’ai pas reçu ta
réponse:tuvienscesoir?—Non,jerentrechezmoivoirmagrand-mère.—Unproblème?—Ouietnon.Magrand-mèreestvieille,surtoutsasantédécline…C’estelle
quim’aélevéaprèslamortdemesparents.J’aienviedepasserunpeudetempsavecelle.—Oh.Désolée,j’ignorais…je…Comme lesmotsmemanquent, je prends samain dans lamienne.Nate est
d’abordsurprisparmongeste,puissonsourireréapparaît.Sachaleurmegagne.—Merci.C’estlavie.J’aimeraisbienquetularencontres,jesuissûrqu’elle
t’apprécierait.
—Çame ferait super plaisir. Ta grand-mère doit être fière de toi, un futurmédecinquiréussitbrillammentsesétudes.—Oui,çacomptepourelle…Pourenreveniràtoi,jesuisdésolé,jen’aipas
encoreprisletempsdelirecequetuécrivais.—T’inquiète.Jesuisloindesprixlittéraires.—Peut-être,maisçam’intéressequandmême.Jesaisquetuesuneplume.—Ah!Etcommentenes-tusisûr?—Laisse-moimefairemapropreidée,Alex!Toutm’ensorcellechezcegarçon.Jesorsmatabletteetcherchel’histoiresur
laquellejetravailleencemoment.Naterapprochesachaise.Jeregretteaussitôtd’avoiracceptédeluimontrer.—Paravents,lit-ilàvoixhaute.C’estletitre?—Oui,maisjen’aiécritquequelqueschapitreset…Nate me lance un regard énigmatique puis se plonge dans la lecture. Je le
contemple.Jemedisqu’ilvaselasserauboutdetroislignes,maisnon,ilcliquesurleboutonpourfaireavancerlespages.Sesyeuxsuiventlesmots.Jecomptequinzeclics,seize,dix-sept…Vingt.C’estfini.—Alex,c’est…bluffant!J’adore!Tuvaslafairepublier?—Euh…Merci.Jenesaispas.Cen’estpasterminé,jedoisencoretravailler
dessus.Tul’appréciesparcequetuesunamiet…—Non, c’estobjectif.Onest amis,oui,mais tonhistoire estvraimentbien
tournée,tudevraisl’acheveretlamontreràunéditeur.—Onverra.—Essaye.Tun’asrienàperdreettuaurasl’opiniond’unprofessionnel.S’il
larejette,sesremarquest’aiderontàlaretravailler.Mais,franchement,jetrouvequetuasbeaucoupdestyle.—Mercidem’encourager,Nate.JefiniraiParavents.—Super.Viens,ondoityaller.—Oùça?—À la librairie, bien sûr ! J’aimerais que tume conseilles, tu nepeuxpas
refuser,toi,lapasionariadelalecture!Onadeuxheures.—C’estparti!
Cemecestmonâmesœur.
Lesdeuxheuressuivantessontunrégal.Nateetmoitraînonsentrelesrayonsdelivres,échangeonssurnoshistoirespréférées,choisissonsdeslectures.Celafaitdubiend’êtresurlamêmelongueurd’ondeavecquelqu’un.Malheureusement, toutes les bonnes choses ont une fin, Nate part chez sa
grand-mère,jerentredansmaprisondorée.Danielestlà,habillépourlafête.Dèsquejepousselaporte,ilaboie:—T’étaisoù,bordel?—Rebonjour,Daniel.—Mauvaiseréponse.Jerépète:t’étaisoù,bordeldemerde?Ondiraituntaureauquivacharger,delafuméesortdesesnaseaux.Calmons
labête.— Avec Nate. Je te rappelle qu’aucune clause ne l’interdit tant que c’est
platonique.—Tusorsencachetteaveccemecettuprétendsquec’est«platonique»?—Jenemecachaispas.Hum,terrainglissant.—Ahoui?Jeteconseillederéviserlecontratetderemballertessentiments
pourNatesituneveuxpastoutfoutreenl’air,fulmineDaniel.Jeblêmis.Ilaraison,jenemaîtriseplusrienquandjesuisprèsdeNate.—OK,pigé,jemurmureenfilantdansmachambremepréparer.Auboutd’unedemi-heure,lerésultatesthonorable,mêmesilesmaquilleuses
dustudiodetéléavaientfaitmieux.Les voix des premiers invités montent jusqu’à l’étage. En descendant au
salon,j’aperçoisdeshommesencostume,desfemmesenrobelongue.Lasoirées’annonceparticulièrementmondaine.Danielm’attendenbasdesescaliers.—Pasmal,chérie,murmure-t-ilenmebaisant lamain.N’oubliepasqueje
suisencoretrèsfâchécontretoi.—Commed’hab.—Jeterésumelasituationpourquecesoitbienclairdanstapetitetête:nous
sommesfiancés,amoureuxetheureux…Jecomptesurtoi.Danielm’entraîne vers un groupe d’invités pourme présenter. Je reconnais
quelquesvisagesgrâceauxfichesmémorisées,maiscen’estpas facileavec lemaquillagedesunesouleslunettesdesautres.M.Kerringtonnousfaitsigne.—Bonsoir,Alexandria.Tuesravissante.Bravo.—Merci,monsieur.—Lasoiréeteplaît,papa?demandeDaniel.—Beaucoup.Jevousfélicitetouslesdeux,c’esttrèsréussi.Danielrestedemarbre.J’ignorepourquoi,lesrelationsentrepèreetfilssont
tendues,ilyaducontentieuxdansl’air.—CommentvaWood&Co.?dis-jepourdétendrel’atmosphère.—Beaucoupmieuxdepuisquej’aimismonnezdedans,répondHarry.Situ
respectes ton engagement, l’entreprise de tes parents sortira définitivement durouge.Quel requin. Jebafouilleun remerciement et reprends la tournéeaubrasde
Daniel.Lesinvitésnousposenttoujourslesmêmesquestions,onrépètetoujourslesmêmesréponses.Originalitézéro,ennuimortel,j’aimalauxmâchoires.Cara arrive enfin. Elle a une heure de retard et une tenue particulièrement
sexy:unerobeécarlatefenduesurtoutelahauteurdesacuissegauche.Caraestsublime,commetoujours.Ellefoncesurmoidèsqu’ellemerepère.—Ouah,Alex,tuesdivine!—Arrête!Tusaisbienquec’esttoi…Champagne?dis-jeenattrapantdeux
coupessurleplateauquemetendleserveur.—Oui!Ontrinque?—Àquoi?
—Àlavie!Auxfaussesfianç…—Chut!Cara,t’esfolle?—Oups.Tchin,Alex!Jelapousseàl’écart,mapoteestdingo.—Cara,tuasbu?—Euuuuh…çasepourrait…j’avaissoifet…Oh là, si Cara est bourrée, la soirée risque d’être mouvementée avec les
journalistesquidéambulent.Oncourtàlacata…—Cara,jemedemandesitunedevraispasrentrertecoucher.—Noooon,Alex,t’esmameilleureamiiie,jeveuxvoirtesfiançailles!Aïe,elles’entête,çasecomplique.—Alex,qu’est-cequetufous?faitunevoixquejeconnaistropbien.Monstressmonted’uncran.—Jeterejoinsdansdeuxminutes,Daniel.—Pardoooon,chérie,jet’aifaitpeur?Bordel,DanielKerrington qui s’excuse ? Il y a un gros problème ou alors,
c’estque…—Toiaussi,t’esbourré?jeluidemande,glaciale.Mevoiciavecdeuxivrognessurlesbras.LesyeuxdeDanieltombentsurla
cuissefuseléedeCara.—L’amied’Alex!Hello!C’estquoitonpetitnom?—Dégage,lefiancé,cracheCara.—Oh…Qu’est-cequisepasse?Tacopinenem’aimepas?—Elleabu.Fous-nouslapaix,Daniel,jel’emmènedansmachambre.—Àcausedevotrepetitsecret?lanceCara,totalementgivrée.OndiraitqueDanieldessaouled’uncoup,ilsetourneversmoi,furax.— Pas de paniiiiique, le fiancé, je serai muette comme une tooooombe,
hoquetteCara.Jamaisjediraique,vosfiançailles,c’estdubidon.—Jegère,Daniel, çavaaller,dis-je enempoignantCarapour la tirerdans
l’escalier.Ma copine monte lentement, trébuche sur une marche, j’entends un
craquement dansma robe quand je la rattrape,mais c’est bon.On y est, je la
poussedoucementsurmonlit.—Pffff,Alex,t’espasfun.—Dors,Cara.Tumeremercierasdemain.Jeressorsenvitesse,l’enfermeetdécouvreDanielsurlepalier.—T’asoséluiparlerducontrat?gronde-t-il.Jetecroyaismoinscon,chérie.—Ça suffit, Kerrington. Cara est mameilleure amie. J’étais obligée, je te
rappelle que je venais d’emménager avec elle quand toute cette histoirem’esttombéedessus.OK?—D’abordNate,maintenantCara,tun’arrêtespasd’accumulerlesboulettes,
ondiraitque tu le faisexprès.T’aspenséà tesparents?Si tu fais tout foirer,c’esteuxquitrinqueront,Alex.Jen’airienbu,pourtantmoiaussi,jedessaouleenunclind’œil.Danielaplus
queraison.OnvientdefrôlerlacatastropheavecCara.Nosregardssecroisent,unface-à-facequidureplusieurssecondes.Etlà,incroyablemaisvrai,jeprendsDaniel dans mes bras. Il reste d’abord raide de surprise, puis se détend etm’enlaceàsontour.C’estlapremièrefoisquenoussommessiproches.—J’auraispeut-êtrefaitpareilavecmonmeilleurami,murmure-t-il.Aussi gênés l’un que l’autre, nous reculons chacun d’un pas. Nous
redescendons en silence dans la fosse aux lions. Les mondanités reprennent,mais mon esprit est ailleurs. Il y a eu un déclic avec Daniel, en bon ou enmauvais,jenesaispas…Oups,jeviensd’écraserunpied.—Pardon!—Alexandria,tevoilà!Mesparents.
J’avaisoubliéqu’ilsseraientprésentscesoir.Mamanmedétailledelatêteauxpieds.—Machérie,tunenousavaispashabituésàcestyleclassique.Saphrasemeporteaussitôtsurlesnerfs.—Tul’auraispeut-êtreremarquéenétantplussouventàlamaison,jeréponds
dutacautac.—Neparlepasàtamèresurceton,coupemonpère.—Tun’asrienàm’ordonner,papa.D’ailleurs,jerefusedevousparler,vous
lesaveztrèsbien.—Alexandria, tuboudesdepuis deux semaines, c’est suffisant, non ? lance
mamère.Etpuis,tavienesemblepassidésagréablesij’enjugelesapparences.Cetappartementestmagnifique,Danielal’aircharmantavectoi.Mesparentsnecomprennentrienàrien.—Vousavezvendutroisansdemavieetjedevraistrouverçagénial?Jene
peuxpassortiravecmesamis,jedoisleurmentir,jouerlacomédie,maislepire,c’estquevousavez traficotécepiègedansmondos,commesi jenecomptaispas,dis-jed’unevoixétranglée.—Biensûrquetucomptes!s’exclamemaman.—Çafaittroisansquevousavezdésertélamaison,jecontinue.Onéchange
par post-it dans la cuisine et par messages téléphoniques. Votre bébé, c’estl’entreprise, pasmoi…Vousm’avez rayéedevotrevie, àmon tourd’en faireautant.
Etjelesplantelà.Fini,lemélofamilial.Commej’aibesoinderespirer,jesorssurlaterrasse.Lavueestsuperbe,lecielétoiléetsanslune.—Toutvabien?medemandequelqu’un.Ungrandrouquinensmokingquejen’avaispasremarquéémergedel’ombre.—Çava,merci.—Onnediraitpas.—J’avaischaud…Onneseconnaîtpas,tut’appellescomment?—Simon.—Ah,l’amideDaniel.J’aientenduparlerdetoi.Moic’estAlex,lafiancée.—Jesais!D’ailleurs,iltecherche.—Encorecinqminutesdetranquillité,jesoupire.Très respectueux, Simon s’écarte et reprend son observation des étoiles. Sa
présenceestàlafoisrassuranteetpaisible.Ilbriselesilencedesavoixdouce:—Jesensbienqueçanevapas,tudevraisteconfieràDaniel…Quevousle
vouliezounon,vousêtesfiancésmaintenant.—Tuesaucourant,toiaussi?— Bien sûr, Daniel est mon meilleur ami ! s’exclame Simon. Je sais
égalementquevousn’êtespassidifférents,ilseraittempsd’enterrerlahachedeguerreentrevousdeux.—Qu’est-cequitefaitdirequ’onseressemble?—Danielseconfiebeaucoup,jesuissonseulami.Cettedernière remarquemescotche.Daniel,avecsesmillionsdedollars,sa
voituredeluxe,sagrandegueule,n’apasd’amis.—ParleàDaniel,reprendSimon.Ilsouffreautantquetoidecettesituation.
Vouspourriezvousaidermutuellement.SiDanielestblessé,illecachebienderrièresonarroganceetsesmoqueries.—Danielasurtoutdelachancedet’avoircommeami.Lesilenceretombe.Cetteconversationm’aapaisée,Simonestunsparadrap.
Laporte-fenêtres’ouvreavecfracas.—Simon,t’aspasvu…Daniels’interromptenm’apercevant.—…Alex,achève-t-il.Viens,chérie,onvas’amuserunpeu.
—Comment?—Enouvrantlebal!
LeDJadéjàlancéunemusiquedouce,lesinvitéssesontécartéspourdégagerunepisteaumilieudusalon,maisellerestevide.—Jenesaispasdanser,jechuchote.—Maissi,répondDaniel.Laisse-toifaire.Ilm’attrapedanssesbras,fermelespaupièresetposesonfrontsurlemien.Je
senssonsoufflechaud.—S’il vous plaît ! Chers amis ! s’exclame-t-il soudain en relevant la tête.
Alexetmoitenonsàvousremercier.Venezdanseravecnous!Daniel est bourré, il a son petit sourire fielleux en coin, je pressens la
catastrophe.Desdizainesd’yeuxsefixentsurnous.—Tumefaisconfiance,Alex?demande-t-il.—Euh…Danielme prend fermement par la taille et s’élance. Ses gestes sont précis,
sonrythmeestbon.J’ignoraisqu’ilétaitbondanseur.Ducoup,jenem’ensorspastropmal.Lamusiqueralentit,Danielcalesonmentonsurmatête,soncorpssecolleau
mien.—Allez,dis-le!s’exclame-t-ilavecfierté.—Quoi?—Tun’asjamaisétéavecunaussibondanseurquemoi!—Danstesrêves,Kerrington.
Jesuisvilainedenepasl’admettre,maisj’appréciecemoment.Danielécarteunemèchedemajoue,sesdoigtss’attardentderrièremonoreille.Uneboufféed’adrénalinem’électrise.—Tutedébrouillesbien,pourunefillequinesaitpasdanser.—J’aifaitdeladanseclassique.—Avecuntutuetdespointes?—Oui.Maisjedétestaislestutus!Lesdernièresnotesdemusiques’éteignent,dommage,j’étaisbiensurlapiste.—Chérie!—Hum?—Tesbras,tunem’aspaslâché!Oups.Jereculeprécipitamment.Unesalved’applaudissementsnousexplose
auxoreilles.Petit à petit, la salle s’éclaircit, les invités nous disent au revoir, les
journalistes remballent leur matériel. Il y aura encore des articles dans lesmagazinesdedemain.Mesparentsnesontplusenvue,partissanschercheràmerevoir.Jemerendscomptequecelameblesse.M.Kerringtonest ledernier, ilnousféliciteunenouvellefoispourcettesoiréeréussie.Àdeuxheuresdumatin,lesalonestvide,lecalmeestrevenu.—Unvraisuccès,conclutDaniel.Tuasaimé?—Oui.Mêmesij’ailespiedsencompote,jegrommelle.—Çaauraitétéencoremieuxsanstesparents.Jemefigecommeunestatue.Commentlesait-il?—Désolé, reprend-il.Jevousaientendus.Jenesavaispasque tuavaisdes
problèmesaveceux.—Ilyapleindechosesquetunesaispassurmoi,Kerrington.—Jet’écoute.Çam’intéresse.—Rien de passionnant, je soupire.Mes parents sont très… impliqués dans
leurboulot.Çaduredepuisdesannées.Onaperdul’habitudedecommuniquer,euxetmoi.—Jeconnais.C’estpareilavecmonpère.Tun’imaginesmêmepas.Tiens,nousavonsuntrucencommun,Simonavaitraison.Danielse lèveet
remetlamusique.HeyJude,desBeatles.
—Bonchoix.Merci.Danielquittelesalon,revientsansvesteetenbrasdechemise,saguitareàla
main. Quand la chanson s’arrête, il continue de gratter des accords enfredonnant.—C’estbeau.C’esttoiquiasécritlesparoles?—Oui.Çafaitcinqansquejen’aipasjoué,depuisque…mamèreestmorte.—Pardon,jenesavaispas.Jesuisdésolée,Daniel.—C’estbon.J’aiapprisàvivreavecladouleur.—Pasfaciledesurmonteruntrucpareil.—Oui.Mamèreétaitfantastique,compréhensive,douce.Ellemedisaittout
letempsdesuivremesrêves…C’étaituneartiste.Peindresestableauxlarendaitheureuse,etmoiaussi.C’est la première fois queDaniel se confie.Cela a dû être terrible pour lui
quandilaperdusamère.Ilfermelesyeuxetm’attirecontreluisurlecanapé.Jenebougeplus.—Jeteparleraid’elleuneautrefois,murmure-t-il.Bonnenuit,chérie.—Bonnenuit,Kerrington.Etlesommeilmetombedessuscommeunemasse.
Quand j’ouvre un œil le lendemain matin, je suis toujours sur le canapé,habilléeavecmarobenoireetcontreDaniel.Unecouvertureestétaléesurnousdeux. Sympa. J’imagine que Daniel s’est relevé dans la nuit pour aller lachercher.Décidément,Kerringtonn’enfinitpasdemesurprendre.Ildortpaisiblement. J’avouequecemecestcanondanssonsommeil. Jene
peux m’empêcher d’effleurer son visage détendu, de suivre la ligne de sesmâchoires. Je ne m’attarde pas, inutile qu’il se réveille et se moque de mongeste. C’est fou, il y amoins d’unmois, on se bouffait le nez,maintenant jepasselanuitprèsdelui.Sespaupièresremuent.Jeretiensmonsouffle.Seslèvress’étirentenunlent
sourire.—Bonjour,chérie,dit-ilparesseusement.Alors,queleffetça faitdedormir
prèsdemoi?Engénéral,lesfemmesadorent!Jeluiflanqueuncoupdepoingavantd’allerprendreunedouche.Quelcon,ce
mec.Unedélicieuseodeurdepancakesflottedansl’appartement.J’enail’eauàla
bouche,monestomacgronde.Daniels’affaireauxfourneauxquandj’entredanslacuisine.—Tureluquesmespancakescommesic’étaientmesburnes!lance-t-il.—Nemeparlejamaisdetesbijouxdefamilleoujetelescoupe,Kerrington.
Unerègledepluspourtoi.— J’adore ton humeur matinale, chérie ! répond-il en plaçant une assiette
devantmoi.Ilexplosederirependantquej’inscrislanouvellerègleaubasdenotreliste,
puisj’attaquelesdeuxpancakesarrosésdesiropd’érable.Undélice.Danielmeregardemanger,fierdelui,puissortsonportableetseplongedanslesnouvelles.—On fait la une ? Il y a des photos de nos fiançailles ? je demande, trop
curieuse.—TunousprendspourlesKardashianouquoi?Je reconnais pourtant une photo de nous deux hier soir, tandis que Daniel
m’enlaçaitsurlapistededanse.Lefaisait-ilpourlesobjectifsoubienyaurait-ilquelque chose qui…Non.C’est une chouette image, rien de plus.La légendetitre«Lecoupledel’année».— On n’est pas les Kardashian, mais les journalistes nous aiment presque
autant!—C’estvrai.Notrepetitefêteétaitréussie.Ondevraitcélébrerça!—OK.Pizza-télé,cesoir,maispasdeporno.Pigé,Kerrington?—Situviensfairelescoursesavecmoi,chérie.
Onrapportetroissacsdecommissionschacun,lefrigidaireestremplipourla
première fois depuis notre installation. La virée au supermarché était épique,surtout pour choisir le parfum de la crème glacée. Daniel est un dingue deBen&Jerry’s,moideHäagen-Dazs.Onafaillis’étriperdevantlescongélos.Pour me détendre dans le salon baigné de lumière, je décide de relire le
dernier chapitre de Paravents. Mon ordi est dans ma chambre, je monte lechercher.Aumoment où je tourne la clé dans la serrure, la porte s’ouvre à lavolée.Cheveux hirsutes, robe saucissonnée de travers, nez rouge, Cara se tient
devantmoi.Merdealors,jel’avaistotalementoubliée!— Approche que je t’étrangle, gronde-t-elle. Tu es officiellement la pire
meilleureamiedumonde,Alex.— Pardon, désolée, mais tu te souviens aussi que tu étais complètement
bourrée.Tuasfaillitoutfairefoirer.—J’avaisunpeubu,maistoi,tuasosém’enfermercommeunchienpuanten
quarantaine.Danielmontel’escalierquatreàquatreetdébarquedanslamêlée.
—Dégage!hurleCara.—Ellem’enveutencore?medemande-t-il.—Non,lafoudreestpourmoi.—Cloîtrée dans une pièce ! beugle Cara. J’ai cru que j’avais été droguée,
violée,envoyéeàl’autreboutdu…—Ducalme,Cara,tuimaginestropdechoses,et…— Se réveiller dans un lit inconnu, dans une chambre inconnue, sans se
souvenirderien,c’estpirequetout.Jetedétesteofficiellement,Alex!—Cara,jetelejure:jesuisdésolée.—Vousétiez tropoccupésàbaiser,c’estça?dit-elleenfusillantDanieldu
regard.—Pasdutout!Je tefaisdespancakes,OK?Alexpeut teconfirmerqu’ils
sontdélicieux,ajoute-t-ilenm’adressantunclind’œil.Carasoupire,jesoupire,nousdescendonsenprocessionàlacuisine.
Aprèssonorgiedepancakes,macopineestpluscalme,maisjesensqu’elleaencore un truc en travers de la gorge.Cara demande àDaniel de nous laisserseuleset,aussitôt,elleressortsesgriffes:—Commenttuaspum’oublieràcepoint-là,Alex?—Tuétaisbourrée,Cara!Sijenet’avaispasisolée,lesfiançaillestombaient
àl’eau.—Tumeprendspourqui?Jesuistameilleureamie,jenepeuxpasendire
autantdetoi.—Toujoursaussicharmante.Je boude,Cara boude, on dirait deux chiens de faïence qui se fixent.Notre
face-à-face dure cinq bonnesminutes, c’est la première fois qu’un truc pareilnousarrive.—Cara,reconnais-le,sijenet’avaispasarrêtée,c’étaitlacata.Tudoisêtre
plusprudenteavecmonsecret.—C’esttoiquinecomprendspasquetum’asblessée,Alex.Tun’asmême
pasconfianceenmoi.—Biensûrquej’aiconfiance,sinonjenet’auraisriendit.— Tu m’en as parlé parce que tu ne pouvais pas faire autrement. Mais,
bourréeoupas, jamais jenet’aurais trahie.Toi, tunem’asmêmepaslaisséletempsd’ouvrirlabouche.Toutcequetuvoulais,c’étaittedébarrasserdemoi…Tuauraispuresterjusqu’àcequej’aillemieux,c’estlerôled’uneamie,non?ToutcequevientdedireCaraestjuste.J’aihontedemonattitudedelaveille.
—Pardon,Cara.Tuasraison,j’aimerdé.—Excusesacceptées.Onamerdétouteslesdeux!Caraéclatede rire.Moiaussi.Ouf, finde l’étripage.Monamieauneplace
importantedansmavie,sanselle,jesuislamoitiédemoi-même.Danielréapparaît,ilécoutaitsûrementauxportes.—Vousêtestropmignonnes!—Dubalai,Kerrington,c’estréservéauxfillesici.—Sympas,lesfiancés!lanceCara,hilare.—Situsavais,luirépondDaniel.Onamêmeunelistederègles…Regarde.Caraseprécipitedevantleréfrigérateur.Elleglousseenpointantlarèglen 3,
Interditd’allervoirailleurs.—Byebye,Nate,c’estça?demandeCara.Daniellèvelesyeuxauciel,jerougis.Ellehurlederireàenpisserdanssaculotte.—InterditdeparlerdesbijouxdefamilledeDaniel.Commentvousenêtes
arrivéslà,lesamoureux?—Euh…,commenceDaniel.—Sujetsansaucunintérêt,dis-je.—Tunelestrouvespasassezbienpourtoi?s’étonneCara.—Ellenelesajamaisvus,préciseDaniel.—Vousnecoucheztoujourspasensemble?insistel’abominableCara.—Cara!T’esbourréeauxpancakesouquoi?jegronde.—Hében,vousêtesundrôledecouple,conclutCara.Danieletmoinousexclamonsenchœur:—Nousnesommespasensemble!—Ahouais?Vousêtesaveugles,alors,grogneCara.Bye,lesfiancés,j’enai
marredetenirlachandelle,jerentre.—Situveux,jeteramènecheztoi,jepropose.—J’aimavoiture.Accompagne-moienbas,s’ilteplaît.Caraattendquenoussoyonsseulesdansl’ascenseurpourmesortirundernier
truc:—Jeconfirme,vousaveztoutduparfaitcouple,Danielettoi.
o
Àcesmots,mesbrassehérissentdechairdepoule.
Laroutinereprend.Lematin,Danielpréparedespancakespourlepetitdéj,jem’occupe du chocolat chaud, on part dans la même voiture à l’université. JerejoinsCara,DanielretrouveSimon.Commèreenchef,CaramedemandechaquejouroùçaenestentreDanielet
moi,etjeluirépètetoujoursquenon,iln’yarienentrenous.Enlittérature,Danieletmoisommesassisensembleet,enfindejournée, je
rentreavecluiàl’appartement.Chacunbossedesoncôté,ondîneetonregardeunfilmdanslesalon,commedeuxpetitsvieux.Mais,auboutd’unesemaine,jereconnais que j’en sais beaucoup plus surDaniel. Je peuxmême en faire uneliste:1.Iln’aimepasparlerdesonpère.Je ne sais pas pourquoi. Quand j’essaye d’aborder le sujet, il hausse les
épaulessansrépondre.Untrucs’estpassé,j’aipresquepeurd’apprendrequoi.2.Ilfaitdelamuscudanssachambre.Quandj’aientendusesgrognements,jesuisvenuejeteruncoupd’œil.C’était
impressionnant.Pasétonnantqu’ilaitunecarrurededieudustade.3.Ilestgaucher.Cen’estpasvraimentimportant,maisçam’amusedelenoter.Unjour,Daniel
a piqué une crise de nerfs à cause d’une paire de ciseaux pour droitiers. Il apoussé des jurons et parlé de discrimination. Je lui ai offert une paire pourgauchers.Quand je le raconte à Cara, elle recommence avec son histoire de couple
parfait.—Tum’agaces,Cara!Combiendefoisdois-jetedirequ’iln’yarienentre
Danieletmoi?— Faux ! Jem’y connais, tu crèves d’envie pour lui, ça pue le sexe entre
vous!— T’es givrée. Je devrais à nouveau t’enfermer pour te calmer, ou alors
trouve-toiunmec.— Je sais, j’y pense aussi, soupireCara,mais ceux que je rencontre sont à
gerber…Pascomme tonDanielouNate,qui semeurtd’amourpour toi, je terappelle.—Cara,arrête,Nateestunami.—Quirêvedeconclureavectoi,n’oubliepas.Décidément,Caravoitdestasdetrucs,unevraiediseusedebonneaventure.
À la réflexion, j’avoue que Nate traîne souvent à la sortie de mes cours, meraconteledernierlivrequ’ilaluouuneblagueentendueàproposd’unprof.Ilestadorable,ilmedemandetoujoursdesnouvellesdeParavents,merépètequej’ailafibred’uneécrivaine.Nateest justeparfait, jeme sensbienavec lui…Dansununiversparallèle,
c’estavecluiquejeseraisfiancée.Toutseraittellementplussimple.—Toi,tupensesàNate!s’exclameCara.Ahlàlà,c’estlegrosbordeldansta
vieamoureuse.Conseild’amie:concentre-toisurDaniel.Lessemainespassent,c’estpresqueHalloween,unepériodedontjeneraffole
pas.Quandj’étaisenfant,c’étaitpourtantundesraresmomentsoùmonpèremeracontaitdeshistoiresquimedonnaientlachairdepoule.Mamèreledisputait,maisj’adoraisça.Un soir, Daniel se rend compte que je rêvasse devant mon ordi au lieu de
bosser.—Toutvabien,chérie?—Euh…oui.—Taratata.Tesparents?Décidément,illitdansmespensées.—C’est sansdoute la seulepériodede l’annéeoù ilsmemanquent. Je suis
tarée,quandjerepenseàcequ’ilsm’ontfait…—Pasdutout,tunepourrasjamaisleurenleverqu’ilssonttesparents.
—PareilpourtoiavecHarry.—Pourmoi,c’estsurtoutdepuisledécèsdemamère…Passons,onparlaitde
tesparents.—Situnemedisrien,jenedirairien.—Unjourjeteraconterai,chérie.Simonavait raison,Danieletmoipouvonsnousaidermutuellement sinous
acceptons de nous ouvrir à l’autre. Mais, pour cela, chacun doit montrer savulnérabilité,cen’estpasfacile…—Onvaàlafêted’HalloweendeCara?jedemandepourchangerdesujet.—Situyvas,jet’accompagne,évidemment.—Déguiséenquoi?—Aucuneidée…—Onpourraittrouverdestenuesassorties,vuqu’onestfiancés?—Bravochérie,tuesenprogrès!OKpourêtretonpingouin!—J’avaispenséàBatmanetBatgirl.—Bof.—JaceetClary?—Connaispas.—EdwardetBella?—Génial!—Sérieux?Jen’enrevienspasquetuacceptesaussivite.—Bahquoi,onseraparfaitsencouplecucul-gnangnan.— Daniel, tu as conscience que tu seras déguisé en vampire ténébreux et
maigrichon?—Jeprendraiunairfamélique!Etjesuisdéjàtonamoureuxtransietéternel,
Bellamyloooove!Jeluibalanceuncoussinenpleinefigurepourlefairetaire.
J’ignore si vous savez, mais, un déguisement de Bella, ça n’existe pasvraiment:ellealescheveuxfoncés,unmaquillageléger,desvêtementssimples,toutestnormal.Ducoup,cen’estpasévidentd’êtredifférentedecequejesuishabituellement.Mais,quandDanielvient seplanterdevantmoipourmemontrer saversion
d’Edward,j’attrapeunfourire:sachemiseestdéboutonnéejusqu’aunombriletils’estbadigeonnédepaillettes,commes’ilsortaitd’unpotdevernisàonglesgéant.—Jeteplais?crâne-t-ilengonflantsespecs.—Çava!—Moioui,maistoi,çanevapasdutout.Tuesjuste…normale.—Bellaestnormale,jeterappelle,c’estunehumaine.— Pour qu’on ait l’air d’un couple, tu dois te déguiser en Bella vampire,
crétine.—Tun’asrienpigé!—Tunem’asrienexpliqué!—T’estropcon!—Onsecalme,chérie.TuvasgentimentallertedéguiserenBellavampire,
parcequeEdwardetBellasontamoureuxetassortis.OK?—Onn’estpasamoureux.—Ons’enfout!hurleDaniel.Lecontrat,penseaucontrat!
Grrrr,putaindecontrat.Jeretournedansmachambrebouclermescheveux,appliquer un fond de teint blanc. Daniel m’apporte des lentilles de contact«spécialvampire».—Go!Onfaitlapaire,maintenant!seféliciteDaniel.
Quandellenousvoitsurleseuildesaporte,Caraestbluffée.—Super,mon petit couple adoré ! s’exclame-t-elle enme serrant dans ses
bras.—Faisgaffe,tuvastefoutredumaquillagepartout,jeronchonne.Caras’excuse,puis lorgne lespecsdeDaniel. Je laconnais,elleaime.Mon
promissepavaneetbombeletorse.Génial.—Tuvasnousfaireentrer,ouiounon?jedemande.—Pardon!Biensûr,entrez!La fête deCara et l’ambiance sont à des années-lumière de notre soirée de
fiançailles :plussimples,pluscoolset surtoutbeaucoupplus joyeuses.Pasdesmokingset robeschichiteuses,descostumescolorés,drôles,parfoisdélirants.Lamusique joueà fond lesballons, ilya tellementd’invitésqu’onsecroiraitdansunhalldegare.—Tuconnaistoutlemonde?jedemandeàmonamie.—Non!Jel’aiditàdeuxoutroispersonnesetl’infoacirculé!DuCaratoutcraché!Daniels’éloignepournouschercherdesverres,Carane
le quitte pas des yeux, puis elle file rouvrir la porte, ça n’arrête pas detambouriner.Onmetapotesurl’épaule.—Coucou,Alex!—Nate!Jenesavaispasquetuseraislà!—Jesuislevoisin,tutesouviens…Bravopourledéguisement,Bella.—Ettoi,enmédecin,biensûr.—C’estnul,jesais,maisjen’avaispastropletemps.J’aiattrapéuneblouse
aulabo,etvoilà.—J’aimebien.—Merci…Honnêtement,jedétestelessoirées,jenesaispastroppourquoije
suisvenu.
Deux Dracula de sexes opposés nous frôlent puis s’embrassent, prêts à sesauterdessus.Beurk.—Pareilpourmoi.Lamusiquemepercelestympansetiln’yajamaisassez
deplacepourbouger.Commepourmerépondre,leDJmonteleson,lahordededanseursdéchaînés
sedéhancheencoreplus.—Onsort?crieNate.J’hésite,jechercheDanielaumilieudelafouleetl’aperçoisentraindeflirter
avecdeuxblondinettesdéguiséesenlapines.Biensûr.Ilcaresselajouedel’une,puismurmureà l’oreillede l’autre.DanielKerringtonsera toujourségalà lui-même,maisçam’énervequandmêmedelevoirdraguer.Serais-jejalouse?—Onsort,jeréponds.
Mauvaiseidée,Alex,mesouffleunepetitevoix.
Audiablemabonneconscience,jemelaisseguiderparNate,quifendlafouled’invitésentassésdanslesalonensedirigeantverslepalier.—Tum’emmènesoù?—Surprise!répond-ilavecunclind’œil.Nous prenons l’escalier de service.Au dernier étage, il pousse une porte et
s’effacepourquejepasselapremière…Oh,untoit-terrasse!Devantmois’étaleun parterre de gazon avec des massifs de fleurs, une fontaine et de la vigneviergequicourtlelongd’unetonnelle.C’esttoutsimplementmerveilleux.—Etvoilà!Petitcoindeparadistranquille!s’exclameNate.—Jenesavaismêmepasqueçaexistait…Merci,Nate,j’adorecetendroit.—Jemontesouventlematin,çam’aideàdémarrerlajournée,murmureNate
ensouriant.Ses fossettes se creusent. Je cherche ses yeux. Soudain, ses doigts viennent
caresserma joue. Je crois quemon cœurmanqueunbattement.Mais samainretombedéjà,sonvisagesecrispe.—Pardon…jen’auraisjamaisdû,Alex.—Non,c’estmoi.Bon Dieu, ça a failli déraper. Je dois absolument canaliser mes sentiments
pourNateetmetenir…Maisalors,pourquoiétais-jejalousequeDanieljoueledonJuanilyacinqminutes?Décidément,jenemecomprendsplus.
—Alex?Toutvabien?s’inquièteNate.—Oui,çava.—Non,c’estécritdanstesyeux.UnproblèmeavecDaniel?Nate s’accoude à la rambarde, j’en fais autant. La vue est sublime, le ciel
constelléd’étoiles,leventrafraîchissant.Nousrestonslà,sansouvrirlabouche,unlongmoment.—Jemedemandecequisepassedanstajolietête!lancesoudainNate.—Tuseraisdéçusitusavais!—Sûrementpas.—Jepenseaulivrequej’écris,auxlivresquejelis,auxlivresquej’aimerais
lire,etc.,etc.!Lafillezarbi,quoi!—Aucontraire.—Tudisçaparcequetuesaussizarbiquemoi,Nate!—Jenesuispaszarbi,madame!—Jet’aidéjàvumangerunsandwichmayo-chocolat!—Justeunefois,etc’étaitpourunpari.—Ettuesundinguedepropreté,ilparaît.Donctuessuperzarbi,Nate!Iléclatederire.—Tuesobservatriceetperspicace,Alex.—Commetoi.—Peut-êtrequ’onaimes’observermutuellement?—Tumeprendspourunepsychopathe!Nates’avanced’unpas,soufflesurunemèchequiretombesurmonfront.—Quelqu’unt’adéjàditdefermertonclapet,Alex?—Euh…non!—Alorsjeserailepremier:ferme-la,Alex.—Pourquoi?—Pourça…Ilfermelespaupières,jel’imite,puisjesensseslèvresseposerdélicatement
sur lesmiennes.Mesmainsvont seglisser sur sanuque, les siennesentourentmeshanches.Sonbaiserestdoux,sucré,chaud.C’estdivin…
Bordel, je suis en train d’embrasser Nate… Nate ! Je recule comme si jem’étais brûlée sur une flamme et manque de tomber à la renverse. Nate merattrapeavantquejenemepètelecoccyx.Chacundenousreprendsonsouffleenessayantdepigercequivientdesepasser.—Nate?Onjoueàquoi,là?— Je suis désolé. Pardon,Alex.Triplemerde, qu’est-ce quim’a pris, tu es
fiancée,je…—Attends,onpeut…—Non, je suis entièrement responsable, je n’aurais jamais dû t’embrasser,
je…Jepréfère fermer lesyeuxpournepasvoirNatedans tous sesétats. Il s’en
veutàmort,commes’ilvenaitdecommettreuncrimedelèse-majesté.Jelesenssiblessé,sitournebouléquejedécided’abrégersaséanced’autocritique.Ilesttempsdeluirévélerlavérité:—Nate,écoute-moi,s’ilteplaît:iln’yapasdefiançailles,c’estdubidon.
Jevide enfinmon sac.Toutypasse, la faillite demesparents, leur combinepournepasdéposer lebilan, lecontrat, laréputationdeDanielàredorer, tout.Natem’écoute,blêmecommeunlinge,lesyeuxrondscommedessoucoupes.—Woooo,lâche-t-ilaprèsquelquessecondes.Tun’espasavecDaniel.—Non.—Maisvousêtesobligésdevivreensemble.—Oui.—Woooo.—Jetemensdepuisledébut,Nate.Tuasledroitd’êtrefouderage…Jesuis
désolée.—Jereconnaisquej’auraisaiméquetum’enparlesdèsledébut,maisjene
suispasfouderage.—Tunemedétestespas?—Jamaisjenepourraitedétester,Alex…Jamais.Ilcaressemeslèvresaveclapulpedesonpouce,songesteesttendre,naturel.
J’enaileslarmesauxyeux.—Jen’enrevienspasquetusoissicalmeaprèstoutcequejeviensdedire.—Disons plutôt que cela nem’étonne pas : je connaisDaniel depuis deux
ans,jesaiscommentilfonctionne.Jen’arrivaispasàcroirequ’ilsesoitfiancéparamour!J’éclatederire:c’esttellementvrai!
—Etpuis,toietmoi,reprendNate,çacollaittellement.Jemedoutaisqu’ilyavaituntrucquetumecachais.J’essayaisd’êtrepatient.—Tun’imaginespasàquelpointjesuiscontentedet’enavoirparlé!—Moiaussi.—Tuessûrdenepasm’envouloir?Sij’étaisàtaplace,je…—Non,Alex, je te jurequenon.J’aisurtout l’impressionqu’onm’aenlevé
ungrandpoidsquipesaitsurmesépaules.Sesyeuxplongentdanslesmiens.—Ahoui?jebafouille,hypnotisée.—Oui,Alex.Parcequemaintenantjemesenslibredefairececi…Natemeserredanssesbras,m’attirecontresoncorps, sabouchecapture la
mienne, nos souffles se mêlent. Son baiser est envoûtant, envahissant,renversant.J’oublietout.Uneimages’insinuemalgrétoutdansmacervelle:Daniel.—Alex?chuchoteNateenprenantmonvisageencoupe.—Désolée.—Non,c’estmoi.Jet’aiencoresautédessus.—J’adoretesbaisers,jemurmure,rougecommeunetomatetropmûre.—Lepremierouledeuxième?—Lesdeux,moncapitaine!—Mais?Jesensqu’ilyaun«mais».—Maisonvafairecomment?JesuisofficiellementavecDaniel,lecontrat
m’interdit d’aller voir ailleurs… Ce sera un énorme problème si on noussurprend.—C’étaittropbeau,marmonneNateenfronçantlessourcils.Cette fois-ci, les larmes me piquent les yeux. Dire que j’ai attendu si
longtempscemoment avecNate, cebaiser incroyable, et c’estdéjà fini.C’estinjuste,jesuissibienaveclui.—On pourrait essayer de se voir en cachette ? suggèreNate.NiDaniel ni
personnen’ensaurarien.—Tuesd’accord?Ilyaurabeaucoupdemensongesàassumer.—Jesais.Maisjeveuxtenterlecoup.J’aitropenvied’êtreavectoi.Sesmotstournentenboucledansmatête.Moiaussi,j’aimeêtreaveclui,près
de lui, contre lui. C’est ce que je désire depuis le premier jour. Le problème,c’estqu’ils’estpassétellementdechosesdepuis…Celaneserapasfacile,maisj’ycrois.—D’accordpourtenter,Nate!—Onyarrivera,ajoute-t-ilavecunbaisersurleboutdemonnez.LamêmepetitevoixintérieuremesoufflequelePèreNoëln’existepas.Comme nous sommes sur le toit-terrasse depuis près d’une heure, nous
descendonsrejoindrelesfêtards.Natemelâchelesdoigtsenbasdel’escalier,jeleremercied’unsourire.Dans l’appart, les haut-parleurs hurlent toujours autant, je ne sais pas
commentfontcesmaladespoursupporterlamusiquetechnoquientredansleurcorps.Caraestadosséedansuncoin,unverreàlamain.Ungarçonsepencheàson
oreille, elle rit comme une folle. Je décide d’approcher en reconnaissant quec’estSimon.—Salut,vousdeux!—Alex,t’étaispasséeoù?Jet’aicherchéepartout.—Surletoit.Ilyaunjardinlà-haut,tusavais?— Non, mais toi, comment tu le sais ? Tu es montée avec quelqu’un ?
demande-t-elle,suspicieuse.Nate nous frôle aumêmemoment, il se dirige vers un groupe de première
année,jeblêmisenlevoyantessuyerdiscrètementunetracederougeàlèvres.Cara,quin’ajamaislesyeuxdanssapoche,n’enperdpasunemiette.—Alex…tuconfirmescequejepense?dit-elled’unevoixsourde.Cette fille a des antennes, elle me lit comme un livre ouvert. J’acquiesce
lentement.—Merde,Alex,raconte.Jeveuxlesdétails.—Plustard,Cara.OK?TuasvuDaniel?—Nate,Daniel,tucollectionneslesbeauxmecs,toi.—Danielestmonchauffeur,jeterappelle.—Ah.—Pourquoitutiresunetêtepareille?—Daniels’estdéjàbarré.
—Sansmoi?Quellemouchel’apiqué?—Jediraisplutôtdeuxmouches…—Lesdeuxblondassesdéguiséesenlapinesétaientaveclui,c’estça?Cemecestpourrijusqu’àlamoelle.Enplus,ilsecontrefichedenosrègles…
Euh,àlaréflexion,jenevauxpaspluscherpuisquejeroucoulaistranquillementsurletoitavecNate.—Jeteramènequandlafêteserafinie,OK?meproposeCara.
À troisheuresdumatin, je rentreenfinchezmoidans lavoituredeCara. Jesuiscrevée,j’espèrequemonamieestdavantageenforme,parcequec’estellequiconduit.—TuvaspasserunsavonàDaniel?ironise-t-elle.—Jenecroispas…Moiaussi,jemesuismalcomportée.—AvecNate?Relax,vousn’avezpascouchéensemble.C’étaitjusteunpetit
bisouauclairdelune!—Peut-être,maislecontratl’interdit.—Cecontratestdusiècledernier,grogneCara.—Silapressel’apprend,onest…—…cuits.Jesais.MaistarelationavecNateresterasecrète,c’estbienceque
tum’asexpliqué.Etpuis,Danielenfaitpeut-êtreautantdesoncôté.—N’empêchequejecommencedéjààregretter.Siunjournalistenoustombe
dessus,çaferatrèsmal.—Netefaispaspincer,magrande!Tunevaspasnonplusdevenirbonne
sœur,alorsamuse-toiavecNate.ÇatedonneraletempsderéfléchiràDaniel!—Daniel?—Oui,vousêtesaveuglespourl’instant,maisjesaisquej’airaison:Daniel
ettoi,vousfinirezensemble.L’appartementestplongédanslenoir.QuandDanielestlàavantmoi,toutest
allumé,ilguettemonretouravecunsourirenarquoisouuneremarquedrôle.Zut,jesuispathétique,voilàqu’ilmemanque,c’estnouveau.Jefiledansma
chambrepournepasavoirl’airdel’attendrecommeuntoutou.Mais,vuquejen’arrivepasàtrouverlesommeil,jereviensdanslesalonavecmonordi.AutantavancerParavents.Jecommenceàtaperunpremierparagraphe,mais lesmotssortentaucompte-gouttes.Grrrr,toutm’énerve.PourquoiDanielnerentrepas?Sixheuresdumatin, jesuisépuisée, jen’aipasdormi, j’aimalauxfessesà
force d’être restée assise etmon texte est à gerber. Soudain, j’entends que çaremuesurlepalier.Bruitdeclés.Juronsétouffés.Daniel.Il bazarde son trousseau dans le vide-poche de l’entrée. Ses pas se
rapprochent. Il s’arrête sur le seuil, jevois son refletdans lavitre. Jeme jettealorssurleclavierdel’ordipourfairesemblantdetaperunephrase,pourtantjevoudraismetourneretl’accueilliravecunsourire.Pourquoijen’osepas?Jenesuisqu’unetrouillarde.Si moi je remarque la culpabilité dans ses yeux, lui aussi lira la mienne.
Danielacouchéavecl’unedesnanas,maisilsedouteraquej’aifautéavecNate.Jesenssongenouappuyécontrelecuirducanapé.Jemecourbeencoreplus
surl’ordi.Peut-êtrequ’ilvaparlerlepremier?Râler?Plaisanter?Moncœurs’emballe.J’attendsqu’ilfasselepremierpas.Rien.Danielsoupire,puiss’éloigne…Peut-êtrequej’aimanquéuneoccasion.
—T’es sûre que ça va ?me demandeNate quand j’ouvre la portière de savoiture.J’avouequelajournéeatrèsmalcommencé:monréveiln’apassonné(ouje
ne l’aipasentendu,allezsavoir),mon jeanpréféréadisparu,aucuneodeurdepancakesdansl’appart…etpourcause,pasdecuisinierauxfourneaux.Danielétaitdéjàparti.Ceconnarddefiancénem’amêmepasattendue.Jel’aimauditpendantdixminutesjusqu’àlacinquièmegénération,etjeme
suisdécidéeàappelerNate.—Jenageenpleincontedefées,jegrogne.Démarre,s’ilteplaît.Nate ne m’interroge pas davantage. Près du campus, il me dépose avant
d’allersegarer.Commepersonnen’estenvue,pasmêmeCara,jetraînedevantl’entréejusqu’àcequeNatemerejoigne.—Tudînesavecmoidemainsoir?murmure-t-il.Sonaudacem’amuse.—Non,Nate!Onaditpasenpublic.—Chezmoi.Plateau-repasdevant la télé.Je teferaides lasagnes.C’estma
spécialité.Çateva?Encoreuncuisinier.ÇaressembleàunesoiréeavecDaniel,maisjemegarde
biendeleluifaireremarquer.—OK!J’yvais,moncourscommence.—Bye,Alex!lanceNateavecundesessourirescraquants.
Je m’attends à tomber sur Daniel dans l’amphi, mais il n’est pas à notreemplacementhabituel.Ilm’évite?Lecourscommencesanslui.Lamatinéesepassesanslui.J’appelle Cara pour lui demander deme déposer en bas de chezmoi. Elle
accepte.Quand je l’aperçoisdans lacour,elleestengrandeconversationavecSimon.Encore.Jeleurlaissecinqbonnesminutesavantdemepointer,Caralesalueetm’entraîneverssavoiture.—Alors?Simonettoi,çaroule?jelaquestionne,curieuse.—Ilestsympa.—Ondiraitqu’ilestbavardavectoi.Vousparliezdequoi?—Demafêted’Halloween,dejeux,de…—Tut’intéressesauxjeuxvidéo,maintenant?—Oui,depuishiersoir!—Jevois!Cararougit,cequi,contrairementàmoi,ne luiarrivequasiment jamais.On
n’arrêtepasdepapotersur le trajet,çafaitdubien.Mais,unefoisqu’ellem’adéposéedevant chezmoi,monniveaude stress remonte :Daniel est peut-êtredéjàrentré.Bingo,j’entendssamusiquedepuislepalier.J’entredanslesalon,ilneréagit
pasetcontinuedechanteraveclesBeatles.Tropc’esttrop,ondoits’expliquer.Jecoupeleson.—Merde,Daniel,tufousquoi?Qu’est-cequinousarrive?Etjefondsenlarmes.Illèveenfinlesyeuxversmoi.Luiaussial’airdéfait.
Çaalors.Jelerejoinssurlecanapépourm’installerprèsdelui.Jesuisincapabled’arrêterdepleurer.Doucement,j’appuiematêtesursonépaule.Ilnemechassepas, au contraire.Nous restonsun longmomentdans cetteposition,ni l’unnil’autre ne remue pour se dégager. Mais aucun de nous n’ose se lancer pourparler.Commes’iln’yavaitplusrienàsedire.
Le lendemain matin, l’odeur de pancakes est revenue dans la maison.Chouette.Dans lacuisine,onnediscutepas,maisonreprendnotreroutine.Jeprépareduchocolatchaud,Danielmesertuneassiettedepancakesbienarrosésde sirop d’érable. Assis l’un en face de l’autre, on mange en évitant de seregarder. C’est tacite, aucun de nous deux ne parle de ce qui s’est passé àHalloween.Nous partons ensemble à la fac, la journée de cours s’enchaîne. En fin
d’après-midi, jevaisdirectementchezNate,autantcommencermasoiréeavecluisansfaireunsautaupenthouse,oùl’ambianceestsordide.Naten’apaschômé,sonplatdelasagnesestprêt, la tableestdressée, ilya
mêmeunefleurdansunverreetdesserviettespropresdanslesassiettes.C’esttrèsraffiné.—Jet’aidéjàditquejecraquaispourlesmecsentablierdecuisine?Nateéclatederireetm’attrapeparlataille.—Jet’aidéjàditquejecraquaispourlesfillesquirougissaient?répond-ilen
memordillantlelobedel’oreille.Unfrissonmeparcourtl’échine.—Tricheur!—Chatouilleuse?—Oui.Alors,teslasagnes,onselesmange?Jecrèvedefaim.—J’espèrequetuvasaimer.
Son plat est divin, cela fait un bail que je n’ai pas avalé de la nourriturecuisinéemaison.Mis à part la pâte à pancakes queDaniel prépare lui-même,c’estleroyaumeduMcDo,duchinoisoudujaponaisàemporteràl’appart.Pendantlerepas,Natemeparledesescours,dulivrequ’ilestentraindelire,
je lui raconte ledernierchapitredeParavents (quin’apasavancédepuis troisjours).Aprèsledîner,jecommenceàdébarrasser,maisilrefuseparcequejesuisson«invitée».Unefoisquetoutestrangé,onretourneausalon.—Merci,Nate,c’étaitsuperbon.Jereviendrai!—T’avaispeurquejet’empoisonne?—C’estàcausedeCara.Ellem’avaitjuréque,lacuisine,c’étaitsontruc.Je
l’ailaisséenouspréparerdeslasagnes,j’aivomitoutelanuit.— Ma pauvre ! Je refuserai de dîner chez elle la prochaine fois qu’elle
m’invitera.—Vousvousvoyezsouvent?—Onsecroisedansl’escalier.—Oooh!—Cen’estpascequetucrois.EllemeposedesquestionssurSimon.—Ahoui,j’airemarquéqu’illuiplaisait.—C’est réciproque,maisSimonn’osepas faire lepremierpas. Il la trouve
tropbienpourlui…Fautavouerqu’elleestcanon.—Pourquoitunesorspasavecellesitul’appréciesautant!—Jenesuispasintéressé.—Tuasquelqu’und’autreenvue?!Sa réponse arrive sous la forme d’un baiser. Sympa ! On s’installe sur le
canapéavecledessert.Natechoisitunfilmd’actionquejen’aimepastrop,maisje m’en fiche, je me cale contre lui, je ferme les yeux… Pendant quelquessecondes, j’imagine que ce sont les bras deDaniel quim’enlacent. Gloups, lahonte.Qu’est-cequim’arrive?Sijecontinuecommeça,jevaisfairedumalàNate.—Tuessûrequetuesbien?medemandeNate.Jesursaute.Cemecadesantennes,c’estdingue.—Désolée,jepensaisàautrechose.—Pasdesouci.
BonDieu,pourquoiNateest-ilunangequimepardonne tout ? Jevoudraisqu’ilrâle,qu’ils’énerveaprèsmoid’êtresicapricieuseetd’humeurchangeante.Jeneleméritepas.—Remets-toicontremoi,dit-ilencore.Je suis incapable de goûter ce moment avec lui, c’est pourtant ce que je
cherchais depuis le début.Nate est gentil, affectueux, on est bien ensemble…Non?Ilm’embrassesurlefront,descendversmajoue…Jeneméritepasnonplussesbaisers.Sesyeuxchocolatplongentdanslesmiens,mefixentavecuneintensité telle,uneconfiance telle,que j’en tremble.Natemurmuremaintenantdesdouceursàmonoreille.Seslèvresvoyagentjusqu’auxmiennes.J’attends. Son baiser est d’abord tendre, langoureux, puis le feu jaillit, la
languedeNates’immisceentremesdentsàlarecherchedelamienne,sesdoigtsseglissentsousmonT-shirt.Non!Jenepeuxpas.—Pardon,Nate…C’estimpossible,jedois…Jemelève,Natetented’attrapermamain,maisjelaretire.—Désolée…Vraimentdésolée.Etjem’envaisencourant.
Monportablevibrependanttoutletrajetduretour,jenedécrochepas,jenelispaslesmessages.Jen’arrivepasàcroirecequivientdesepasser,jemesuissauvéecommeunevoleuse.Quandjemegareenbasdelamaison,jesuisenvracetj’aiunetêteàfaire
peur avec mon mascara qui dégouline en longues traces noires. Je respireplusieurs foisà fondavantdesortirde lavoiture.Çavamieux.LenumérodeNates’afficheencore,jedécrochecettefois-ci.—Aaa-llôôô,jebégaye.—BonDieu,Alex,t’esoù?Çava?Non,çanevapas,jeneteméritepas,jenesaispluscequejeressenspour
toi.—Euh…Devantchezmoi.—Jecroyaisquetoutallaitbienentrenous,maisjemesuisplanté,c’estça?
J’aimeraiscomprendreoùj’aifoiré,Alex.—Non,cen’estpas toi.C’est justeque j’aibesoinde tempspour réfléchir,
Nate.—Réfléchiràquoi?—Destrucs.—Jevois.—Non,tunevoispas!Pardon,jeterappelledemain,OK?—Alex,tu…
—Désolée.Etjeraccroche.Jemontejusqu’ànotreétage,maisjesuisincapabled’entrer.
Je me laisse glisser sur le sol, sur notre paillasson. Une crise de larmes mesecoueànouveau.Je reste làunbonmoment, jecroismêmeque jem’endors,parcequej’ailanuqueraideetlesfessesencompotequandj’émerge.Jesuisundésastreambulant.Jefiledansmachambrepourmelaverlevisage.Ilmefautaussiuncafébien
fortpourmeremettrelesidéesenplace.Danielsifflotedanslacuisine,affairéàses fourneaux, comme d’hab. Les pancakes dumatin, ça aumoins, c’est uneconstantedansmavie.Dès que Daniel m’aperçoit, il lève ses yeux bleus sur moi, une myriade
d’émotionscontradictoiresmeparcourtl’échine.—Tubouffesici?Saquestionbrutalemeramènesurterre.C’estlapluslonguephrasequ’ilait
prononcée depuis Halloween. Je préfère ne pas répondre. Daniel attaque sonpetitdéjeunercommesiderienn’était.Jen’enrevienspasqu’ilsoitsicalmeetdétaché.Auboutdeplusieursminutes,commejenemangepas,ilmeregardeànouveau.—Quoi?demande-t-il.—Qu’est-cequet’asfoutuàHalloween,connard?—Tuasretrouvél’usagedelaparole,chérie?— Dit celui qui la boucle depuis deux jours. C’est quoi, ton problème ?
Pourquoitut’esbarrédelasoiréesansm’attendre,etavecdeuxgrognassesenplus?—Parcequej’avaisenviedem’amuser,chérie?C’étaitlepied,enfinunpeu
desexe,deuxjolispetitsculsà…—Tagueule,Kerrington!Vatefairefoutre!Je suis sûre qu’il fait exprès de me blesser, il veut me voir souffrir, je le
déteste.Montabouretserenversequandjemelève.—Non,chérie,turestesici!Tuvasm’écoutercommeunegrande.C’esttrop
faciledefuiraupremierproblème.Trouillarde.—Pardon?C’estmoi la trouillardealorsque tun’osesmêmepasaffronter
tonpère?Ilsepassequoientrevousdeux?Chaquefoisqu’onparledelui,turentres dans ta niche. T’es un loser qui se débine à la première alerte,Kerrington.Tualigneslesnanaspourtevoilerlaface.
—Tunesaismêmepascequis’estpasséàHalloween.—Alorsdis-le-moi,bordel!Commentçaapudéraperàcepointpourqu’on
enarrivelà?—Tu l’as embrassé,putain !hurleDaniel, foude rage.Tu as tout foutu en
l’air,Alex.Onentendsoudainunemouchevoler.J’ail’impressiond’avoirreçuunegifle
enpleinefigure.—Commentt’esaucourant?jemurmure.—Jetecherchais,j’aicroiséSimon,ilt’avaitvuesuivreNate.Jesuismonté
surlaterrasse.Tuétaislàavec…lui.J’aipresqueunvertigetellementj’aihonte.—Jesavaisqu’iltetournaitautour,maisjamaisj’auraisimaginéqu’iloserait
tenterquelquechoseavectoialorsqu’onestfiancés.Jevoulaisbalancercesaleenfoirépar-dessusbord.Iltetripotait,fourraitsalanguedanstabouche.Ilneteméritepas,tupiges?Cemecn’amêmepasledroitdeposerlesyeuxsurtoi.—Quialedroit,alors?Danielmarmonne,jenecomprendsrien.—Qui?jehurle.Pas de réponse. C’est inutile, je la connais. Daniel s’imagine être le seul à
pouvoirdisposerdemoi.— Je t’ai entendue lui proposer de vous retrouver en secret et que je n’en
saurais rien, que je faisais sûrement pareil de mon côté. Du coup, je suisredescendu pour choper les deux nanas. J’avais besoin d’oublier toute cettemerde… de t’oublier, toi. Ça a marché quelques heures, mais, quand je suisrevenuici,toutm’estretombédessus.Jelerevoyaisentraindetetoucher,deteserrerdanssesbras.Putain!C’estpourçaquej’étaisincapabledeparler,encoremoinsdeteregarder,Alex.Jenevoulaispasnonplusquetusachescombienjesouffrais…àcausedetoi.Jen’auraispasdûcoucheraveccesfilles,maisc’étaitlaseulefaçonpourmoidetesortirdemapeau.Ouah.Jesuisscotchée.—Çaamarché?jedemandedoucement.—Non.Jen’arrêtepasdepenseràtoi,murmureDaniel.—Jesuisdésolée,jen’auraisjamaisdûembrasserNate…Mêmesic’estlui
quis’estjetésurmoi.
—Apprendsleself-control,suggèretristementDaniel.—Pardon…Tuauraisdûm’enparleravant.—Tuauraisavouécequis’estpasséavecNate?—Euh…non.—Ducoup,jenet’auraispasparlédesnanas.Lesilenceretombeentrenousdeux.—Pourquoiest-cequ’onsefaittantdemal?jedemandealors.—Parceque,toicommemoi,onrefused’ouvrirlesyeux,Alex.—Surquoi?—Onestamoureux.
Daniel+moi=amoureux.
Troismots, une tonne d’emmerdes. Ça infuse au compte-gouttes dansmoncerveaualorsqueDanielratissenerveusementsatignasse.Lesigned’unstressintensechezlui.—Impossible!C’estNatequej’aime!—Tucroisl’aimer.—Qu’est-cequetuensais?—Tute jettesdanssesbras, tureviensdechezluienpleurantparcequetu
doutes,Alex.Tu t’interroges, tu n’arrives pas à t’avouer que c’estmoi que tuaimes.Simplissime.—Ben tiens.Toujours aussi prétentieux,Kerrington. Je te déteste depuis le
premierjouroùjet’aivuauKitchenBasilic,t’asoublié?—Tum’aimes,chérie,répèteDaniel.—Unmanipulateurégoïste,égocentriqueetconnard?Jamais!—Connard?Jet’aiconnueplusoriginale,Alex.—Fous-moilapaix,tunesaispascommentjefonctionne.—Ahoui?Approche,chérie.Jereculed’unpas.Danielm’attrapeparlatailleetplantesesyeuxdebraise
danslesmiens.J’ail’impressiondegrillersouslachaleur.—Jeteconnaisparfaitement,AlexandriaWood,murmureDaniel.Il se place derrièremoi,me coince contre son corps.D’unemain, il enlace
monventre,del’autre,ilcaressemanuque.—Tuesaussifolledemoiquejelesuisdetoi,machèreAlex…Quandjete
frôle,tufrissonnes,quandjet’observe,turougis,quandjetetouche,tuondules,souffle-t-ilenécartantmescheveux.Sabouchesuitmaintenant la lignedemoncou.Savoixrauque,soncontact
aussilégerqu’uneplumemeliquéfient,m’électrisent.Qu’est-cequim’arrive?— Tumanques de t’évanouir chaque fois que je sors de la salle de bains,
chérie,poursuitDanielentraçantlecontourdemeslèvresavecl’index.—Tutetrompes,jebégayeenessayantdemedégager.—J’airaison,chuchoteDanielenmeretournantcommeunecrêpe.Jedoisfaireuneffortdemaladepourm’écarterdeseslèvres,desesmains,de
sachaleurquiirradie,desonmagnétismequim’attire.Alex,réagis!Cemecaconfirméqu’ils’étaittapédeuxgreluchesàlafois.Cettepenséemefaitl’effetd’unjetd’eauglacée.—Laisse-moi.Jeneveuxpas.—Pourl’instant,chérie!Unjour,tumesupplieras,dit-ilavecunclind’œil
appuyé.Jeparsm’enfermerdansmachambre,l’espritplusqueperturbé.
Au bout de vingt minutes et d’une longue douche pour me débarrasser de
l’odeurdeDanielsurmapeau,jetéléphoneàCaraetluiraconte.Elletrouveçahyper-chaud.—Daniel,l’expertdusexe.Ondiraitqu’ils’yconnaîtentorturesjouissives!—Arrête, c’est dégueu. Je te rappelle qu’il vient de se faire un plan cul à
trois.—Pendantquetut’occupaisavecNatesurlaterrasse,mabelle!—C’estdifférent,jesorsavecNate.—Et,dèsqu’ilt’approche,tuparsencourant!Je soupire. Mon amie a raison, je suis complètement paumée, comme
d’habitude.—Qu’est-cequejedoisfaire,Cara?—AppelleNate.—Pourdirequoi?«Salut,Danielestpersuadéquejevaisluitaillerunepipe
avantlecoucherdusoleil»,c’estçaquetuveux?—Bouffonne,dislavérité.TonhistoireavecNaten’iranullepartsitumens
toutletemps.Pigé?Jeterappelledansdixminutespourvérifier.Elle raccroche.DuCara tout craché pourme secouer le cocotier. Nate doit
savoir,maisquellevérité?Je prends une grande inspiration, je cherche son nom dans les contacts,
j’appuiesursonnuméro.Ilrépondàlatroisièmesonnerie.—Salut,Nate.C’estmoi.—Salut.—Nate…Jesaisquetuesfâché.Jetenaisquandmêmeàtedirequetondîner
étaitsuper,j’aipasséunesoiréesympa…—Jusqu’àcequetutesauvesencourant.—Euh…Jesuisunefillecompliquée,jenesaispastoujourscequejeveux.
Jefaisdeserreursaussi.Jen’auraispasdûpartircommeça.Jeteprometsdemerattraper.—Comment?J’entendsdanssavoixqu’ilsedérideenfin.—Tufaisquoiceweek-end?jedemande.
Pancakesetchocolatchaudcommechaquematin,saufquelaflammedenotrecomplicitéestéteinteencedébutdejournée.Lepetitdéjeunersedérouledansunsilencepesant.Dèsquejefaisminedequitterlapièce,Danielm’interpelled’untonacerbe:—TuvasretrouverNate?—Mêle-toidetesaffaires.—J’ailedroitdesavoiravecquibaisemafiancée.Et,sic’estaveclui,jete
rappellequec’estuneméga-connerie.Sagrossièretémechoque,maisma«connerie»va l’aider à sedétacherde
moi.Ceseraplussimplepourtouslesdeux.—Laissetomberettournelapage,Daniel.—Évitelespaparazzis,chérie.Lecontratcontinueentretoietmoi,poursuit-il
commes’iln’avaitrienentendu.Natepassemechercherenbasdelamaisondixminutesplustard.Jeletrouve
moinssouriant,plusréservé.Ilnetenteaucungestepourm’approcher.J’espèreréussiràrecollerlesmorceaux.—Salut,Nate.—Salut.Laforme?—Écoute,Nate,àproposdel’autre…—C’estbon,tut’esdéjàexcusée…Tuessûredevouloirm’accompagner?—Oui.
Natepousseunsoupirdesoulagement.Quandjeposemamainsurlasienne,jesensqu’ilhésiteàlaretirer.Pourl’instant,jenesaispascommentbrisercetteglace invisible qui nous sépare. On roule en silence jusqu’à la maison de sagrand-mère,dansunebanlieuequejeneconnaispas.—Ouah,c’estmignonici!jem’exclamequandilsegare.— La maison appartenait à mon grand-oncle, j’en ai hérité à sa mort. Ma
grand-mèreadéménagéicipourêtreplusprèsdeBoston.L’intérieur est aussi soigné que le jardin. Je reconnais Nate enfant, sur des
photos de famille accrochées aumur de l’entrée. La plus drôle est celle où ilsouritjusqu’auxoreillessansdentsdedevant!J’éclatederire.—Tuétaisdéjàcharmant!Ilrougit,maissedétendenfin.Nousmontonsàl’étage,carsagrand-mèreest
alitée,m’expliqueNate.—Bonjour,grand-mère!—Nathaniel!Approche,mongrand…Oh,tum’asamenéunevisiteuse.—Oui,c’estAlex,uneamie.—LafameuseAlex!Raviedeterencontrer,Alex.—Moiaussi.Bonjour,madame.—Appelle-moiPepper,çamerajeunira.—Biensûr,mada…Pepper!Vousvoussentezmieuxaujourd’hui?—Ons’enfiche,Alex,ilyaDaniellepourcegenredequestion.—Soninfirmière,mepréciseNate.—Commenttutrouvesmonpetit-fils?reprendPepper.—Grand-mère,tais-toi!—Ilsaittrèsbiencuisinerleslasagnes!jeréponds.—Tupeuxmediremerci,jeunefille,c’estmoiquiluiaiappris.—Merci,Pepper!—Bienélevée,polieetmignonne,ellemeplaît,s’amuseencorePepper.—Grand-mère, tu es déchaînée, tu as mangé du lion ? Ce n’est pas à toi
qu’elledoitplaire!—Tantquejeseraivivante,jedonneraimonavis,fiston.Fourre-toiçadansla
caboche.EtprendsexemplesurAlex,ellesaitsetenir.—Jevousassurequevotrepetit-filsadetrèsbonnesmanières.Avecmoi,en
toutcas!—Çanem’étonnepas,ilaimelesblondesbienroulées!—Grand-mère, tume fais honte ! exploseNate. Je descendsme servir un
verre,j’enaibesoin.Alex,jetepréparequelquechose?—Nonmerci,çaira.—Tuessûrequetuneveuxpasveniravecmoi?—Nate,fous-luilapaix!s’exclamePepper.Quelpotdecolle,celui-là.J’éclatederire.Naterefermelaporte,laminecontrite.Iln’avaitpasmenti,sa
grand-mère a un sacré tempérament. Peppermedemande d’ajouter un oreillerderrièresondospourseredresser.Unefoisréinstallée,ellemefixeenfronçantlessourcils.—Euh…Unproblème,Pepper?—Oui. Qu’est-ce que tu fiches avec Nate ? Je t’ai vue à la télé, tu es la
fiancéedurejetonKerrington.Bing,laquestionquitue,jenel’avaispasprévue,celle-là.—Tutemoquesdemonpetit-fils,Alex?—Non,madame,jevousassureque…— Je t’écoute, Alex. Je sais que Nate tient beaucoup à toi, il me l’a dit à
plusieursreprises,mais j’ignoraisquetuétaisengagée…Et je tesens tiraillée,c’estlemoinsqu’onpuissedire.Tuesamoureused’unautre?Décidément,jesuisunlivreouvert,iln’yaquemoiquisuisincapabledeme
lire.—Je…Je…Meslarmesmontent.— Parle à Nathaniel, ne le fais pas mariner, Alex. Dis-lui la vérité. Ne
prolongepascemensonge.
Je digère les paroles de Pepper. Bien sûr que c’est vrai. Nate s’est toujoursmontréattentionné,àl’écoute,auxpetitssoinsavecmoi.Nousavonsdesgoûtscommuns,etc’estprincipalementpourçaquejel’aimebien,maisjenesuispasamoureusedelui.Quelquechosemeretient,m’empêchedecéderàNate,et jevoisenfindequiils’agit:Daniel.Jerefusaisdel’admettre,jesuismêmealléejusqu’à m’enticher de Nate, ma bouée de sauvetage, pour me détourner deDaniel. Maintenant, je suis littéralement terrifiée d’ouvrir les yeux sur messentiments.Danielestcommeunépouvantailàmoineauxquis’agitedevantmoi.JedoisparleràNate,cessercejeudangereux,jen’aipasledroitdelefaire
souffrir.Jemedétested’avoirétésiégoïsteetaveugle.—J’airaison,n’est-cepas?ditencorePepper.Jeravalemeslarmesetj’acquiesce.Leplusdurresteàfaire.Jemedemande
comment je vais aborder ça avec Nate. En tournant la tête vers la porte, jeconstateavechorreurqu’elleestentrouverte.Nateestlà.L’heurequisuitestunenfer.NateentreavecunetassedecafépourPepper,il
s’installedel’autrecôtédulit.Siseulementilpouvaits’énerver,mechasserdelamaison,maisnon,cen’estpassongenre.Ilévitesimplementdecroisermonregard et reprend la conversation avec sa grand-mère, qui est bavarde commeunepie.Elleestégalement trèsdrôle, jerismalgrélestressquimepétrifie.Jen’arrêtepasdepenseràcequivasepasserquandnous repartironsd’ici.Monesprit s’échappe souvent. Je continue de me raisonner, de douter aussi ensongeant à mes longs échanges par téléphone avec Nate. Deux petites voixintérieures s’affrontent : « Ne le laisse pas tomber, il est trop chou ».
«N’importe quoi, ça ne durera pas, tu n’es pas amoureuse. » Pepper bavardeencore pendant vingt bonnes minutes, puis annonce brutalement qu’elle estfatiguée.—Dubalai,lesenfants,c’estl’heuredemonfeuilleton!Quandjemepenchepourl’embrasser,Peppermefixedesonregardbleuqui
transperce.—Jecomptesurtoi,murmure-t-elle.—Promis.Letrajetduretourestunetorture,Naten’ouvrepaslabouche,sesyeuxsont
scotchés à la route. Je tente de me lancer à plusieurs reprises, mais renoncechaque fois : ça ne sort pas.Nous arrivons en bas de chezmoi.Nate gare lavoiture.C’estmaintenantoujamais.—Nate,ilfautque…—Jesais.J’aientenducequedisaitmagrand-mère…C’estvrai,alors?Tu
aimesvraimentDaniel?—Jecrois.—Tuastraverséunepériodedifficile,cen’estpeut-êtrepasaussisûrquetu
l’imagines.Tu as besoin de temps, j’ai bien vu que tu n’étais pas indifférentequandjet’embrassais…J’étaispersuadéqueçamarcherait,toietmoi.Moncœurexploseenmillemorceaux.—Sincèrement,moiaussi,Nate.J’étaisconvaincuequ’onétaitfaitsl’unpour
l’autre,quej’arriveraisàmesentirprochedetoi…Maisjemesuistrompée,jedoisarrêterdemementir,detementir.Natedétournelesyeux,meslarmesroulent.— Je t’aime beaucoup,Nate,mais pas suffisamment pour que ce soit de la
passion.Jesuisdésolée,jen’aijamaisvouluteblesser.—Jen’aipasréussiàterendreheureuse.—Si,tuesunamiformidable,surquijepeuxcompter.—MaispasautantquesurDaniel,achève-t-il.J’avouequemoi aussi, j’ai dumal à y croire : je haïssaisDaniel jusqu’à la
moelle,j’auraispul’écorchervif.—Jesais,Nate.Pardonne-moi.—Lepire,c’estquejem’encontrefichequetusoisamoureusedeDaniel.Je
veuxcontinuerd’essayer,Alex.
—Non,s’ilteplaît,Nate.Cessedetetorturer.—Sij’arrête,çanem’empêcherapasdepenserquetuseraismieuxavecmoi.Jesoupire.MonDieuquec’estcompliqué,l’amour.— Tu mérites mieux que moi, Nate. Je suis une fouteuse de merde
sentimentale.—Jet’aimecommetues,c’estcommeça,murmure-t-il.—Etmoi,jeneméritepasd’êtreaiméeautant.Unjourturencontrerascelle
quiseradignedetonamour…maiscen’estpasmoi.Jesuisdésolée.Natedéglutitpéniblement,fermelesyeux,lesrouvre.—C’estvraimentfini?demande-t-il.Jesecouelatête,incapabled’articuleruneparoledeplus.—Onneseparleraplusjamais?reprend-il.—Pasça!J’aimeraisqu’onresteamis,situesd’accord,biensûr.—Ceseraduraudébut.—Onpeutsedonnerdutemps?—Jepréfère,oui…Peut-êtreque tuchangerasd’avis, ajoute-t-il surun ton
faussementhumoristique.On s’attarde un peu dans la voiture, malheureux, sans dire un mot. Je me
secouelapremière.—J’yvais.Bye,Nate.—Salut,Alex.J’ai les jambes en compote, ellesme portent à peine. Quelle épreuve. Plus
jamais.—Alex!Attends!crieNateparlavitrebaissée.Tul’aimes?—Daniel?—Oui,tul’aimes?Cette questionque je ne cesse de retourner dansma tête.Est-ce que j’aime
Daniel ? Je peux affirmer qu’il ne me laisse pas indifférente, mais est-ce del’amour ? Aimer quelqu’un, c’est accepter tout ce qui le détermine, même lepire…C’estdurd’aimerinconditionnellement,presqueimpossible.—Jenesaispas.Onverra.—Onverra,oui.
Natedémarreets’éloigne.
Quellejournée!
C’est le calme plat dans l’appart, pas de Daniel, rien n’a bougé depuis cematin.Seullerépondeurdutéléphonefixeclignote.J’appuiesurlebouton.Lavoixdemonpère.Bonjour,Alexandria.Jesuisprofondémentnavréquenousn’ayonspasréussi
àdiscuterplussereinementsamedisoir.Tunousmanques…lamaisonestvidesans toi. Je sais que tu m’en veux, je comprends. J’aimerais que nous enreparlions si tu es d’accord. Thanksgiving arrive, ce serait une merveilleuseoccasion de se retrouver tous les trois. Tamaman et moi prenons un jour decongépourpréparerça.Taprésenceseraituntrèsbeaucadeau.Appelle,s’ilteplaît.Tunousmanques,machérie…Tumemanques.Jet’embrassetrèsfort.Je suis en larmes avant la fin du message. Quelle pleurnicheuse je suis
devenue.Mais aussi, pourquoi a-t-il choisi la journée la plus pourrie pourmetéléphoner?Déjàunmoisquej’aicoupélesponts,celamepèseégalementbeaucoup…Je
décrochelecombinépourrappeler…j’hésite…non,j’aibesoind’aborddefairelepoint. Je les appelleraidemain.Unedouchebienchaudeme tente.Hop, j’ycours,puisenfilemonpyjamatoutdoux.Justeaumomentoùj’éteinslalampedechevet,laported’entrées’ouvreenbas.C’est quoi, ça ? Je n’arriverai jamais à m’endormir si je ne descends pas
vérifier.J’attrapemabattedebaseballcachéesouslelitavantdesortiràpasdeloup.Gling.Bruitdeverrecassé.Sic’estunvoleur,iln’estpasdoué.—Brittany!
CesalauddeDanielvientderamenerunepouffe.—Laisse-toifaire,susurreunevoixféminine.C’est quoi, ce délire ? Je descends quelquesmarches afin de surplomber le
salon.Ilssontlà,enlacéscommeunsacdenœuds,titubantverslecanapésanscesser de se rouler des pelles. Elle accroche ses longues jambes autour de sataille,ilpétritsesfessescommeunemichedepain,elleluimordl’oreillefaçongrosse vorace, il fourre sonnez entre ses seins.Benvoyons. Je suis tellementchoquéequelabattedebaseballmetombedesmains.Lafilleluiarrachesachemiseetcommenceàlabourersondosdesesgriffes
rougevif.Ouah,jen’aimeraispasdutout…Danielréagitenfin.—Stop.Arrêteça,dit-ilenlarepoussant.—Dany,laisse-toi…—Non.Jenepeuxpas.Rentrecheztoi,s’ilteplaît.—T’essérieux?C’esttoiquim’asinvitée,jetesignale.—Changementdeprogramme.—Connard.Furax,Brittanyrajustesonsoutien-gorgepuisrenfilesestalonsaiguilles.—Désolé.Jen’auraispasdû,j’ailatêteailleurs,ajouteDaniel,àmagrande
surprise.C’est bien la première fois queDaniel refuse une partie de jambes en l’air,
habituellementlesexeluisertdepotionmagiquepouroublierlereste.—Viremonnumérodetonrépertoire,petitcon,cracheencoreBrittanyavant
desortir.Laporte claque,Daniel soupire, épuisé.Soudain, commes’il avait sentima
présence,sesyeuxbleussebraquentsurmoi.—Tueslàdepuisledébut?—…—Çateplaîtdemevoirsouffrir?—Dequoitusouffresexactement?—Det’avoirdanslapeau,Alex.Denevouloirquetoi.Jen’arrivemêmeplus
àtoucherunenana.Alorsoui,jesouffrependantquetut’éclatesavecNate.Décidément, la journée était loin d’être terminée. Les mots de Daniel me
vrillentlecœur,jen’avaispassaisiàquelpointjecomptaispourlui.
—C’estfiniavecNate,jebafouille.—Tupeuxrépéter,s’ilteplaît?murmureDaniel.—Je…J’airompu.Tuavaisraison,j’aimebienNate,maiscommeunpote.
Riendeplus.Etjerecommenceàpleurerpourlaénièmefoisdecettejournéeinterminable.—Jesuisnulle,jesanglote,jefaisdumalàtousceuxquim’approchent.J’ai
laissécroireàNatequejevoulaissortiraveclui,alorsqu’enfaitjemevoilaislaface…àtonsujet.Jemedéteste.Danielseradoucitetvients’asseoirprèsdemoi.Avectendresse,ilessuiemes
larmes,écartemescheveuxettournemonvisageversluipourquejeleregarde.—Jeneméritepasqu’ons’intéresseàmoi,Daniel.Laisse-moi,tuvasencore
souffrir.Detoutefaçon,tudevraismedétester,jeneteméritepasnonplus.—Arrêtedeterabaissercommeça.TuesalléeversNateparcequej’étaisun
vraisalaudquitefaisaitpeur.Oui,çal’asûrementblessé,maistut’esfaitencoreplusdemal.— Je ne veux plus vivre de cette façon, Daniel. J’aimerais me sentir en
confiance,êtremeilleureaveclesautres.Avectoiaussi.—Jet’aiderai!—J’aidéjàl’impressionquetum’aides.Jeposelatêtesursonépaule,ilglissesonbrasautourdemataille.Onreste
unlongmomentl’uncontrel’autre.Jeréalisealorsque,mêmesionsechamaillesouvent,Danieletmoi,onestaussicapablesdesecomprendrejusteenétantlàl’unpourl’autre.Le lendemainmatin, jeme réveille le cœurplus léger, j’ai l’impressionque
monhorizons’estéclairci.Faireunpeudeménagedanslavie,c’estbien.Pourdémarrerenbeautécettenouvellejournée, jedécidedechoisirunlivre
quejen’aipasludepuislongtemps.Jeparcourslesétagèresdemabibliothèque.Voilà,ceseraGameofThrones,tome1.Oh,latrancheestabîmée.Bizarre.Pardéfinition,jesuistrès,trèssoigneuseavecmeslivres.Celui-cin’estpeut-êtrepaslemien?Quandjelesorspourlefeuilleter,despost-itentombent.Si,c’estbienlemien.J’inspectel’étagèredudessusetjeremarqued’autresreliuresfroissées,pliées,arrachées.Lamoutardememonteaunez.Mes livres !Mesbébés!Ausecours!—Keeeeerrrrriiiiiiingtooooon!J’attrape les preuves du délit, je descends quatre à quatre et les pose avec
fracas sur la table de la cuisine. Daniel sursaute, le pancake qu’il retournaittombeàcôtédelapoêle.—T’aspétéunedurite,chérie?—Espècededégénéré!Meslivres,t’asosétoucheràmeslivres!—Oups…oui,enfin,non…Yaeuunpetitproblème.—UnpetitproblèmeavecMESlivres?Explique-moicommentMESlivres
sesontretrouvésentreTESmains,Kerrington.—Ducalme,chérie,tuvasterayerlescordesvocales.—Jesuiscalme! jem’égosilleencore.Tun’avaispas ledroitde toucherà
meslivres!—Euh…J’étaisénervéàcausedeNate,toutça…—Tut’esvengésurmeslivresàcausedeNate?—Jen’aipassupportéquetulerejoignes.J’avais la listedesrèglessousle
nez,alors…— Alors tu as foncé dans ma chambre pour passer ta frustration sur mes
bébés,enfoiré.—Hé!C’esttoiquiascommencéensortantaveclui.—Hypocrite!Rappelle-moicequetuasfaitàHalloween?Danielremetdeuxpancakesàcuirepouréviterdemeregarderenface.—Pardon,marmonne-t-il.— J’ai économisé deuxmois pourme payer celui-ci, un tirage limité super
rare…Celui-làétaitdédicacépar l’auteur…Jecroyaisqu’onavait franchiuneétapehiersoir.—Excuse-moi,Alex.Jen’auraisjamaisdû…Jemesuisemporté.Situsavais
commejeregrette.J’irailesracheter,jeteprometsquejechercheraidanstoutesleslibrairiesdeBostonjusqu’àcequejelestrouvetous.J’avouequ’ilavraimentl’airsincère,jesuissurlepointd’acceptersonoffre
quandsoudain…jepenseàuntruc!—Non,Kerrington!—Commentça,non?—Non.Tuasdétruitdesobjetsquim’appartenaient,àmon tour !dis-jeen
fixantlesclésdesavoiture,poséessurlecomptoir.—Pasça,tun’oseraispas,répond-il,déjàblême.
—Si!Jechipelescléssoussonnez.—Noooon!Alex!—Lesrèglessontlesrègles,moncher!
—Jemesuisoccupéedetavoiture.
Silence.— Les portières sont rayées, le pare-chocs avant est défoncé, j’ai perdu la
plaqued’immatriculationàl’arrière.Silence.—J’aiprisdeuxprunesaussi.Silence.—Tuenauraspourunpeucherdepeinture,maisjeconnaisungaragiste…Je
mesuisunpeulâchéesurtacaisse.Désolée.—Oui,«unpeu»,maugrée-t-ilentresesdents.—Situmeledemandesgentiment,jeparticiperaiauxfrais.—Non,çaira.La pauvre voiture roule encore suffisamment pour nous amener jusqu’à la
plage.Oui,nousavonsdécidédepasserlasoiréeauclairdelune,surlesable,avec le ressac de la mer en sourdine. Ce serait presque romantique si Danieloubliaitquej’aidéfoncésonjoujou.Noussommesquittes,mêmesilafactureestsaléepourlui.—Jevoulaism’endébarrasser,detoutefaçon,marmonne-t-il.—Fais-laréparer,ceseratoujoursmoinsruineuxqued’enacheteruneneuve.—C’estuneLamborghini,chérie,chaquepiècedétachéecoûteuneblinde…
Bref, je ferai raquermon père, ilme doit un cadeau de fiançailles ! plaisante
Daniel.Son petit clin d’œil craquant détend l’atmosphère tout en me faisant
culpabiliser.J’ysuisalléeunpeufortdanslesreprésailles.—Désolée,Daniel.Jen’auraispasdû.—C’estmoiquiaicommencéavecteslivres.Jen’auraisjamaisdû.Instinctivement,onserapprochel’undel’autresansquitterlamerduregard.
Jefinisparposerlatêtesursonépaule.Jemesensbien.—Harry et mamèrem’amenaient souvent ici quand j’étais petit, dit alors
Daniel.Ellen’étaitpasencoremalade, ilsétaientamoureux,on jouaitpendantdesheures…Jetrouvaisque,parrapportàd’autres,j’avaisunbeau-pèresympa.—Harryesttonbeau-père?Ettonpère,ilestoù?— Il est décédé avant ma naissance. C’est arrivé dans l’incendie d’un
immeuble.C’étaitsonboulotdesauverlesgens.—Oh…c’esttriste.Ilestmortenhéros.—Oui.Ensauvantunefamille.Mamanmerépétait toujoursque, là-haut, il
étaitfierdemoi.—Elleavaitraison.—Non. Je n’ai rien fait de bien.Riendu tout. Je laissemonbeau-pèreme
manipulercommeunemarionnette,jesuisunvéritablesalaudaveclesfilles,tumel’assouventdit.Jemedéteste.—Jeneteconnaissaispasaussibienqu’aujourd’hui.—N’empêchequec’estvrai:jenesuisqu’unnulquinevautrien.—Non,Daniel,c’estfaux.Jesaisquederrièreledragueurilyaunpassionné,
unoptimistequiaimeavec lecœur,quines’avoue jamaisvaincu,quicherchetoujoursleboncôtédeschoses,quijouedelaguitarecommeundieu,quiécritdeschansonsmagnifiques.Etsurtout,quiest toujoursdebonnehumeurquandmoi jene lesuispas !Unchefcuisinierquatreétoilesdepancakes!Tonpèreseraitfierdevoircequetuesdevenu.Danielmedévisagesansycroire.Ilouvrelabouchepourparler, lareferme,
puissonvisages’éclaire.—Voilà!dit-il.—Voilàquoi?—Voilàpourquoitumeplais,Alex,murmure-t-il.Tuesunefillepositivequi
saitremarquerlemeilleurdechacun,mêmechezunmecnulcommemoi.
Sonélogemefaitm’empourprer.—Tuexagères,dis-je,enessayantdedissimulermajoiesousunecouchede
nonchalance.—J’adoreaussiquandtuestêtuecommeunemule,mêmequandtureçoisun
compliment!Cette fois-ci, je vire au rouge tomate.Danielm’attrape lementon et plonge
sesirisazurdanslesmiens.—Alex,tun’imaginespasàquelpointj’aienviedetoi…Toi,dansmonpieu,
àpoil,rienque…—Daniel!—Jeveuxtoutdetoi,reprend-ilenparcourantmoncoudeseslèvreschaudes.
Tonesprit, tessautesd’humeur, tespetitscoupsd’œildiscrets, tessourires, tesfossettes. Je pourrais te dévorer toute crue quand tu souris. Nate n’a aucunechancedeterécupérer,tuesàmoi.Jemesouviensquejedoisrespirerpourvivre.—Ilne teméritaitpas,poursuitDaniel.Moi, si ! Je suis tellementheureux
d’êtreiciquelaTerrepeuts’arrêterdetourner,jem’enfous.Encore un millimètre et nos lèvres se rencontrent. Embrasser Daniel. J’en
meursd’envie,jenepensequ’àça.Mais…—Non,jenepeuxpas.JeviensjustederompreavecNate,jenepeuxpaste
sauterdessuscommeça.Ceseraitn’importequoi.Déçu,Danielsoupire,maisilnes’énervepas.—Tumecomprends,n’est-cepas?Toietmoi,onestsurlamêmelongueur
d’onde,maintenant.Çacompte.—Oui,çacompte,répondDaniel.Je me glisse à nouveau sous son bras et me blottis contre lui. Les vagues
continuent leuréternelmouvement,unspectacleapaisant.Daniel jetteuncoupd’œilàsamontre.—Ondevraitrentrer,ilestplusdeminuit.Tuaurasdescernes,chérie!—Dommaaaage,c’étaittellementbienici.Ilm’aideàmerelever.Oncherchenoschaussuresàmoitiéenfoncéesdansle
sable.Unepremièregouttedepluieatterritsurleboutdemonnez.—Zut,ilvapleuvoir!Enquelquesminutes,c’estl’averse.Avantmêmed’avoirrejointladune,nous
sommes trempés. Daniel danse la gigue, je l’éclabousse en sautant dans uneflaque,ilm’attrapelamainenriantetmetiredansuneornièreremplied’eau.—Traître!Mesbasketsneuves,Kerrington!Jelepoussedanslaboue,ils’étaledetoutsonlong,encerclemesjambespour
quejebasculesurlui.—Dancingintherain,baby?chante-t-il.Jesuissûrequetuconnaislasuite.—Tunem’auraspascesoir,Kerrington!—Untoutpetitbaiser…là…Et il place ses lèvres chaudes suffisamment près pour que mon cœur
s’emballe.Hum,c’estbondetomberamoureuse.—Viens,chérie,onrentre.NousrepartonsverslapauvreLamborghini,quiatristeminesurleparking.
Le lendemain,onprendmavoiturepouralleraucampusparcequeDaniela« trophontedesepointerauvolantdesapoubelle.J’aiuneréputationà tenir,moi,madame».Jemetordsderire!Côtéréputation,celledeDanieladuplombdansl’aile.
Maismonsieursevexe,iltirelatronchedurantletrajetpuispendantlescours,àtelpointqu’uneamiemefaitpasserunbilletpourdemandercequ’ilyaentrenous. J’enterre la hache de guerre en présentant mes excuses à Daniel, quidaignealorsremballersadignitéblessée.Leproblème,c’estquenotre«querellede fiancés » se déroule sous le nez de la prof, qui n’en peut plus de nosbavardagesincessants.—Daniel,Alex,fiancésounon,j’aimeraisquevosconciliabulesdemariage
aientlieuailleursquedansmoncours.L’amphiéclatederire,jesuismortifiée.Daniels’excusepuisdéposeunbisou
surmajoue,histoired’amuserlagalerie.L’enseignantesoupireetreprend.—Kerrington,tuserasfusilléàl’aube,jegrondeentremesdents.Enfindematinée,ondécidedesedonnerunpeud’air,jeretrouveCara,qui
sembleplanersurunpetitnuage.—Cara?Ondiraitquet’asfuméunjoint!—N’importequoi.—Yaunmeclà-dessous.C’estqui?—Personne.—Cara!Donne-moitonportable,jevaistrouver!dis-jeenluiarrachantson
sac.—Alex!Rends-moimonsac.—Dis-le-moid’abord.—C’estSimon.—Paspossible,vousavezdéjàcouchéensemble?—Merde,tupeuxcrierencoreplusfort?—Oups,pardon.—Ouais, pardon, ronchonneCara. Je te raconte si tum’offresun café. J’ai
besoindecaféine.Onpartendirectionde lacafèt’. Jecommandeun tripleexpressopourmon
amieetunallongépourmoi,queleserveurapportequelquesminutesplustard.Comme tous leshommesdeplusde seize ans, il semble très intéresséparmacopine.Mais,unefoisn’estpascoutume,Caraleremetàsaplacevitefaitbienfait.—Alorslà,jem’inquiètecarrément,Cara.Tuesamoureuse?—J’aiembrasséSimon.C’étaitsuper.Onapassélajournéeàjouerauxjeux
vidéo,jel’aibattuàdeuxreprises!Ilétaitimpressionné.—Etaprès?—J’étais fatiguée, jeme suis allongée sur son lit, je lui ai demandédeme
rejoindre.Onaencoreparlédepleinde trucs,et…je l’aiembrassé.Unbaiserincroyable.Simonestdifférentdesmecsque j’aieus. Ilest respectueux, iln’apascherchéàmesauterdessus.Non,ilmeplaîtbeaucoup.—Vousavezcouchéensemble?—Jet’aiditqu’iln’étaitpascommelesautres.Simonveutqu’onapprenneà
seconnaîtreavant.—Hum,ondiraitquecette fois-ci tu asdécroché lebon ! Je suisvraiment
contentepourtoi,Cara.—Merci.Parlonsdetoi.C’étaitcommentavecNate?—Ah…Euh,bof…Onvaresteramis.—C’estfini,alors?Jenecomprendspas.—Tudevrais.C’esttoiquinecessaisderépéterqu’onn’étaitpasfaitspour
êtreensemble.—Biensûr,maisjepensaisqueçadureraitunpeu…Ducoup,çava?Tuas
lemoral?—C’estplusclairdansmatête.—AurevoirNate,bonjourDaniel,c’estça?!—Ça sepourrait…J’ai euunmessagedemonpère. Il avait vraiment l’air
désolé.MesparentsaimeraientquejepasseThanksgivingàlamaison.—Jecroyaisquetuviendraischezmoi.—Jesais,mais…— T’inquiète. C’est normal que tu ailles chez eux. Appelle-les pour
confirmer.Caraaraison,ilesttempsd’enfiniraveccettevilainebouderiequimepèse.
Finalement, sans mes parents, je n’aurais jamais découvert l’envers de lamédailleDaniel.Jepeuxaumoinsleurêtrereconnaissantedecettepartie-làdel’histoire.J’attrapemonportable.
Entendremonpèrerépétercombienjeluiaimanquémeréconforteplusquejene l’aurais imaginé. Ilmeparle longuement,m’écoute avecattentionetbonnehumeur.J’apprécie.Lerestedelajournéepasseenunclind’œiltellementjeplanesurmonnuage
deréconciliationfamiliale.JeretrouveDaniel,appuyésurmavoiture,àl’heurederentrer.Alorsquej’ouvrelaportière,ilseprécipiteets’installeauvolant.—Dégage,Kerrington,c’estMAvoiture,jeconduis!—S’ilteplaît,chérie,jet’emmènequelquepart.—T’essérieux?—Très,surtoutquandjecrèvedefaim!Chinois,çatetente?—Italien,pourchanger.—Sûrementpas,tuvasaspergermachemisedebolognaise!—Kerrington,jetehais!—Maisnon,tum’adores,chérie!dit-ilendémarrant.Auboutducompte,oncoupelapoireendeuxenchoisissantdemangerdes
sushis qui ne tachent pas.Après le dîner,Daniel insiste pour aller prendre undessert ailleurs.Monsieur a besoin de sucré… En sortant du deuxième resto,commejegrelottedefroid,Danielenlèvesavesteetlaposesurmesépaules.—Unvraichevalierservant,Kerrington!Unevoixféminines’exclamesoudain,derrièrenous:—Paspossible!
C’estlarouquinelarguéeparDanielàlafindel’été.—Ducalme,ditDaniel.—Tumereconnais,salopard?Il ne répondpas, cequi déclencheunebordéed’injuresde la jeune femme.
Ellemeregardealors.—Évitecesaletypeoutuvassouffrir,majolie.Sesparolesmecausentunchoc,parcequejeluiavaisdonnéceconseililya
troismois.MaisDanielachangé,n’est-cepas?J’ensuiscertaine.—C’estmon fiancé, ilm’aime. Je suis désoléequ’il t’ait fait dumal…Tu
t’appellescomment,déjà?—Elaine.—Jetepriedem’excuser,Elaine,intervientDanielentendantlamain.Elaine lève la sienne,mais, au lieu de serrer lamain deDaniel en gage de
paix, elle lui balance une giflemonumentale puis s’en va. Daniel se frotte lajoue,oùseformeunesplendidemarquerouge.—T’asbesoind’uneinfirmière,Kerrington!—Putain,lafoldingue.Etçatefaitrire,toi?marmonneDaniel.—Reconnaisquetul’asbiencherchée,celle-là.—Mouais…Cettenanam’enrappelleuneautre.—Qui?—Toi!LejourdelarentréeauBostonCollege.—Oups!J’avoue.J’auraisdûteprésenterdesexcuses.—Non,jelaméritaisaussi,grogneDaniel.Jen’étaisqu’unsalegossepourri
gâtéquipiétinait toutsursonpassage.J’étaispaumé,c’est toiquim’asouvertlesyeux,Alex.— En progrès, élève Kerrington ! Mais tu pourrais faire encore mieux en
faisant amende honorable auprès de toutes les nanas que tu as méchammentlarguées.—Non,tuneveuxtoutdemêmepasque…—Si!Oncommencelatournéedemain!
Pendantprèsdedeuxheures,onrépertorieviaFacebook,InstagrametTwittervingt et une filles envers qui Daniel a eu un comportement inadmissible. Ontrouve les adresses de douze d’entre elles (poster des infos perso sur le Net,quellebandedetarées).Le lendemain soir marque le début de la tournée d’excuses officielles. Je
conduisparcequeDanieln’estqu’unebouledenerfsquin’arrêtepasdemonteretdescendrelavitre.—Tuvaspéterlemécanisme!Cessed’êtreaussistressé,Kerrington.—Jetesignalequejevismesdernièresheures,là.—Quelcinéma!—Jen’aipasenvied’yaller,grommelle-t-il.— Je sais, mais c’est une façon de tourner la page sur l’infect Daniel
Kerringtonquetuétais.—Pourquoituytiensautant,Alex?Bonnequestion.Honnêtement,jen’yaipasvraimentréfléchi.Est-cequecela
m’aideraàclarifiermessentiments?Àoublierquejeledétestaisencoreilyaquelquesmois?Je me concentre sur la route, cela m’évite de répondre. Nous nous garons
devantlamaisondelapremièrefilledelaliste.—Mélanie.Majeuredepuisunesemaineaumomentdesfaits,tuaseudela
chance,Kerrington.
—Hé,t’espasjugeautribunal,chérie.J’étaissalaud,maisjenesortaispasavecdesmineures.—Dingdong!ActeI,scène1,Kerrington!Unevoixjoyeuserépond«J’arrive!».Laportes’ouvre.—Bonsoir,Mélanie,jem’appelleAlex.Monfiancévoudraitteprésenterses
excuses.Daniels’avance,blanccommesachemise.—Toi!s’exclamealorsMélanie.— Je vois que tu te souviens de moi, marmonne Daniel. J’aimerais te
demanderpardond’avoirétéincorrect.Jesuisdésolé.Jen’auraisjamaisdû.Mélanie écoute à peine, elle lui flanque un coup de genou là où je pense.
Danielseplieendeuxengrognant.—Salaud!Neremetsplusjamaislespiedsici!Etellenousclaquelaporteaunez.—Çanes’estpastropmalpassé,jesuisencorevivant,articuleDaniel.C’est
quilasuivante?—Euh,çavaaller,Daniel?—Oui,chérie.Onsavaitbienqueceneseraitpasmameilleuresoirée.Autant
s’endébarrasser.Àquiletour?—ScarlettRivers.Tutesouviens?— Parfaitement. Ellem’avaitmis un sacré coup dans les burnes. Espérons
qu’elleviseraailleursaujourd’hui.C’est plus fort que moi, j’éclate de rire. À ce train-là, il ne va plus rester
grand-chosedesesattributs!Parchance,lesvisitessuivantess’avèrentmoinsdouloureusespourDaniel.Je
m’interpose juste à temps quand l’avant-dernière fille tente le coup du genoubienplacé.Lesexcusessontplusoumoinsbienacceptées,ilyenamêmedeuxqui nous proposent d’entrer boire un verre,mais on décline poliment.Affaireclassée,nousrentrons.—Quellesoirée,soupireDaniel.Plusqueraviquecesoitterminé,jemesens
léger,çafaitdubien,chérie!—Contented’avoirput’aider.
On se prépare un plateau télé pour une soirée sur le canapé. J’attrape latélécommande, j’allume et… pouf, le noir total. Plus d’électricité. Daniel varegarderparlafenêtre.—Pannegénéraledanslequartier.Soiréebougies,chérie.On en allume plusieurs pour y voir plus clair, mais l’absence de bruits
familiersmestresse.—Approche,ditDaniel.Je me blottis contre lui, sa main vient caresser ma nuque, ce qui me fait
ronronnercommeunechatte.—Tuaimes,ondirait,murmureDaniel.—Non.—Toujoursaussibutée,chérie!—Chut,Kerrington.Sesmassagesredoublent.— Tu me rends dingue, chérie, tu le sais ? Tu m’as aidé comme jamais
aujourd’hui. Tu as su aller chercher au fond de moi, traverser les murs quej’avaisérigésdepuisdesannées.Tueslaseuleàêtreentrée…Jet’aime,Alex.Tusens?dit-ilenmeprenantlamainpourlaposersursontorse.Oui,soncœurgalope,lemienaussi.— Je sais que tu as encore besoin de temps pour oublier Nate, j’attendrai
mêmesi…—Jeneveuxplusquetuattendes.Danielsursauteetm’obligeàleregarderdroitdanslesyeux.—Moiaussi,j’aienviedetoi,jemurmure.Voilà,jel’aidit.Jeluidonnemoncœur,maintenantjevaiscreverdetrouille
qu’illebriseenmillemorceaux.Pourtant,jenelisquedelasincéritédanssesyeux bleus. Ses brasm’encerclent, sa bouche parcourt l’ovale demon visagepour y déposer mille baisers légers, je sens son souffle chaud sur ma peaufrissonnante.Leplaisirmesubmerge.Jen’aijamaisconnupareillesensation.—Tuesprête,chérie?murmure-t-il.Oui.Jeleveuxdechaquefibredemoncorps.— Merci, mon Dieu, dit Daniel juste avant d’écraser ses lèvres sur les
miennes.
Àl’instantoùils’emparedemeslèvres,unfeud’artificeexploseàl’intérieurdemoi:ledésiraccumulédepuisdessemaines.Pourlui.Luiquejeveux,depuisque je saisqui il estvraiment.Luiquidéchaînecettepassionau fonddemonêtre.Je glisse mes mains derrière sa nuque comme si je le voulais encore plus
proche. Pourtant, il m’agrippe les hanches, nos langues se mêlentdélicieusement.— Alex, murmure-t-il en reprenant son souffle. Tu n’imagines pas à quel
pointj’attendaiscemoment.—Embrasse-moi,idiot!Ses lèvres reviennent capturer les miennes pour un baiser savamment
langoureux,inquisiteur,fouineur,doux.L’adrénalinecourtdansmesveines,mapeausehérisse,lesfrissonsmesillonnent.Danielsaisitmonvisageencoupe,jerouvrelespaupières.— Je te jure que personne nem’empêchera de finir ce qu’on a commencé,
Alex.Cesoir,tuesàmoi.Etnousreplongeonsdansunfantastiqueballetoùnos jambes,nosbras,nos
souffles semêlent. Danielmordille chaque centimètre carré dema chair avecdélectation.—Daniel…Maintenant,s’ilteplaît.—Ici?—Danstachambre.
—Tulisdansmespensées,chérie.Ilmesoulèveetmeportejusqu’àsonlit.JetiresursonT-shirtpourqu’il le
retire. Ouah, les pectoraux ! Pour une fois, je suis aux premières loges. Sesbaisersreprennent.Soudain,montops’envole.Instinctivement,jemecouvrelapoitrine,maisDanielm’enempêche.—Non,chérie,tun’aspasàavoirhonte.Tuesparfaite…Parfaite.Danielsavouremapeauencommençantaucreuxdemonépaule.Ilécartela
bretelle de mon soutien-gorge, cherche mon approbation du regard. Oui,j’accepte.Lentement,illedégrafe,libèremesseins.—Alex,tuessublime,murmure-t-il.Je gémis de plaisir, chuchote son nom, plantemes ongles dans son dos. À
chaquenouvellecaresse,ildemandemapermission.Unefoisquenoussommesentièrementnus,ils’interromptencore:—Tuessûre?—Maisoui!Tuveuxuneautorisationécrite?Iléclatederireettendlebrasverssatabledenuitpourattraperunpréservatif.—Daniel,jenel’aijamaisditàpersonne…c’estlapremièrefoispourmoi.—Quoi?Tuesvierge?Ilesttellementsurprisquejerougisjusqu’auxoreilles.—Tuasforcémentcouchéavecd’autresfillesquiétaientvierges.—Jamais.C’estàmontourd’êtrechoquée:lui,ledonJuan.—Ceseralapremièrefoispourtouslesdeux,jereprends.—Seulement si tu es d’accord. Je neveuxpas te bousculer,Alex, j’ai trop
hontedecequej’aifaitavant.—Jem’enfiche,dupassé.J’aienviedeceluiquetuesaujourd’hui,Daniel,
dis-jeenl’attirantàmoi.—Etmoi,jen’aiplusenvied’allervoirailleurs,Alex,jetelejure.—Pareilpourmoi,Daniel.Àpartird’aujourd’hui,tuesàmoi.Et,justecommeça,onsejurefidélité.Danielreprendsesbaiserstendresetdoux.Sadélicatesseetlachaleurdeson
corpsmerassurent.Seslèvressontpartout,sescaressesdéclenchentdesondes,desfrissonnementsdélicieuxjusqu’auplusprofonddemonêtre.
Quand j’entends qu’il déchire l’emballage du préservatif, je retiens monsouffle.Danielm’interrogeencoreduregard.—Oui.—J’aipeurdetefairemal.—J’aiconfianceentoi.Ilsefondenmoi,lentement,sadélicatessemebouleverse,m’attendrit.Jesens
àpeineladouleur,carleplaisirm’irradieaussitôt.Nossoufflessemêlentpourne former plus qu’un, nos corps sont avides de se retrouver enfin après cesquatremoispassésàs’observermutuellement.Lasueurdégoulinesursondos,j’aspiresonodeur.Noussommespeut-êtremaladroits,novicesl’unpourl’autre,maispassionnés,enflammésd’amour.—Encore,Daniel,n’arrêtepas.Je l’implore d’une voix méconnaissable, Daniel accélère ses va-et-vient
jusqu’àl’explosionfinale.Le courant est rétabli vers deux heures dumatin,mais on est trop occupés
pours’ensoucier.Àhuitheures,lesrayonsdusoleilmesortentdemaléthargie.Jerecalematêtesur lapoitrinedeDaniel, instinctivementsamainseposesurmahanche.—Tun’espasfatiguée?demande-t-il,unpeucomateux.—Ettoi?—Jamaispourça!Je soupire, remue la jambe, ce qui provoqueun craquement sinistre sous le
matelas.—Daniel,jecroisquetonsommierestfatigué,lui!— Le lit est complètement pété, tu veux dire ! Alex, merci pour cette
formidablenuit,reprendDanielavecsérieux.Mercidem’avoirfaitconfiance.—J’aiconfiancedetoutmoncœur.—Tantmieux.Jeleveuxtoutentier.—Jesuisàtoi,Kerrington…Situveuxdemoi,biensûr.Daniel roule surmoi etm’emprisonnedans sesbras.Ses lèvresviennent se
posersur lesmiennes, légèrescommedesailesdepapillon.J’aihâtequenouspoursuivions.Sonbaiserest inquisiteur,commes’ilcherchaitàmemarquerdesonempreinte.Samainencerclemonsein,l’autreseglissesousmesreinspour
soulevermonbassin.—Arrête-moi,chérie,oubientun’irasplusjamaisencours.—Situt’arrêtes,jemevengerai,Kerrington.Iléclatederireetfondderechefsurmeslèvrescommeunoiseaudeproie.—D’accord,chérie.Noussombronsànouveaudansunnuagedeplaisir.
LapremièrephrasedeCaraquandjelaretrouveaudéjeuner,c’est:
—OndiraitquetuasbaiséH24.Jeplongelenezdanslemenu,histoiredel’apprendreparcœur.—BonDieu, tu as baisé non-stop ! s’exclame-t-elle en rebondissant sur sa
chaise.—Chuuuuut.—C’estsuper,t’aspassélecapdelapremièrefois!—Cara,tais-toi!— Alex Wood n’est plus vierge, je suis trop contente ! hurle-t-elle en
m’applaudissant.Çava?Tutesensbien?Tul’asfaitavecqui?Putain, cette fille et la discrétion. Jeme lève et lui ordonne deme suivre à
l’extérieur,oùnousneseronspaslecentredetouslesregardsmoqueurs.—Oui,jevaistrèsbien,merci,Cara,jerâle.—Pardon,maisc’estsuper!Quiestl’heureuxélu?Detoutefaçon,jefiniraiparluidire,alors…—Daniel.— Quoi ? Daniel Kerrington ? Le Daniel Kerrington que tu étais prête à
massacrerl’étédernier?Jedoisrougirjusqu’àlapointedescheveux,parcequeCaraéclatederire.—OK,Alex!Vousêtesensemble,alors?Unvraicoupledefiancés?
—Jecrois.—Commentça,tucrois?Tuesavecluiounon?—Oui.Jesoupire.Caranelâchejamais.—Ilétaittempsquetuouvreslesyeux,mabelle!s’exclame-t-elle.Daniela
été…performant?—Trèsperformant!Ettrèsdoux…Parfait.Enretournantverslecampus,j’aperçoisDanielavecSimon.Caraseprécipite
pourluisauteraucou.Simonesttransformé,ilsouritetlaprenddanssesbras.Ouah,ilssontmignonsaussi,cesdeux-là.Danieletmoirepartonsensembleversl’amphi.—Alors?C’étaitsympatondéjavecCara?medemande-t-il.—Jen’aipasvraimentdéjeuné,Caraétaitinfernale.Ellevoulaittoutsavoir.—Surquoi?—Surnous.—Tun’aspasracontéça.Si?—Disons qu’elle a deviné toute seule. Je crois que… j’avais l’air un peu
différente. Les cheveux en bataille, les cernes… Désolée, Daniel. Je t’avaisprévenuquec’étaitlapremièrefois.Il pose son front sur lemien, ferme les yeux, inspire profondément pour se
calmer.—C’estbon,chérie.Maiscesmomentssont lesnôtres,ceuxque jepartage
avectoi.Mapetiteamie.Oooh.—Tupeuxleredire,s’ilteplaît!—Mapetiteamie?—Oui!—Toi,mapetiteamie,Alex!—Merci,Daniel,monpetitcopain.Il m’attrape le menton et m’embrasse sauvagement pendant de longues
secondes.Quandilreprendsarespiration,jem’écarteenfin.—Pardon,chérie,maistabouchemehurlaitdel’embrasser.
—Jen’enrevienspasd’êtreavectoi,jesoupire.—Tut’habitueras!Je me rends compte alors que Simon et Cara sont aussi très occupés à se
sauterdessus.—Hé,Simon!Macopinenesemangepas!Danieléclatederiredevantl’airpenauddeSimon,maisCaravoleaussitôtà
sonsecours.Ilspartentdeleurcôté,brasdessusbrasdessous,Danieletmoienfaisonsautant.
Àpeinesommes-nousarrivésàlamaisonqueDanielmecoincecontrelaporteetcherchemeslèvres.Insatiable, ilmesoulèvepourquej’enroulemesjambesautour de sa taille. Fier de cette première victoire,Danielme porte jusqu’à lacuisine,oùilmedéposesurlecomptoir.Entredeuxmordillementsdélicieuxetuneondedefrissonsrenversants,jetentedeleraisonner:—Daniel…tunecroispasqu’on…devraitaussi…huuum,Daniel…—Tudisais,chérie?s’amuse-t-ilsanscessersesdivinestortures.Jem’obligeàfaireuneffortsurhumainpourlerepousser.—Arrête!—Pourquoi?—Parcequetonlitestenmiettes.—Onesttrèsbienici,chérie!— Utilise ta bouche pour me parler, Kerrington ! On doit apprendre à se
connaître,sinontuvastelasser.—Jenemelasseraijamaisdeça.—Trèsdrôle.Tupeuxpenseravectatêtecinqminutes,mec?—OK,OK.C’estquoi,tacouleurfavorite?—Pfff,lavande,tulesaisdéjà.—Précisément, chérie ! Je sais aussi que tu adores les livres, qu’il ne faut
surtoutpasentoucherunsanstonautorisation,encoremoinsfroisserunepage,que tu prépares le chocolat chaud comme personne, que tu as des goûts de
chiottesenmatièredesériesNetflix,quetun’aimespasl’odeurducafémaisqueton bistrot préféré s’appelle Le Café-inné, que tu te grattes l’oreille quand turéfléchis,quetudétestesêtreinterrompuequandtuécristonroman,que…J’écarquillelesyeux.Commentdiablea-t-ilfaitpourremarquertoutça?—Tuvois,jeteconnaismieuxquepersonne,murmure-t-ilencaressantmes
lèvresaveclapulpedesonpouce.Jesaiscequetuaimes,commentturéagis,cequit’énerve,cequitefaitrire.Onvitsouslemêmetoit,chérie,j’aiapprisàteconnaître. Tu es vraiment sûre qu’on ne peut pas reprendre là où tu nous asinterrompus?Sonpetit sourireme fait fondre commeunmarshmallow. J’en ai les larmes
auxyeuxdeconstateràquelpointils’estdonnélapeinedemedécouvrir.—Merci,Daniel.Tuesparfait,jebredouilleenmecollantàlui.—Toiaussi,chérie.Jepeux?—Oui!Salanguerevientchercherlamiennepourunballetsavoureux.Ilmedévore,
megoûte,mehumecommes’ilétaitdroguédemapersonne. J’entredanssonjeu,jeluiretiresonT-shirtpoursentir,effleurersapeausousmesmains.Danielrépondàmescaressesenmeléchantlecou,jesuisélectrisée.Ilsedébarrassedemonchemisieràlavitessedel’éclair.Lasuiteestunfeud’artificedesensationsetdefrissons.Jenesaispascomment,mais,aprèslacuisine,nousatterrissonsdansmonlit.Maintenant, jesuiscrevée.Danielalesyeuxfermés,maisilcontinuedeme
caresser délicatement le bras. Il est particulièrement tactile, comme pours’assurerquejenesuispasunrêve.—Daniel,tudors?—Huuumm.—J’aieumonpèreautéléphone.Ilm’invitepourThanksgiving.—Super.Tuvasyaller?—Oui. Tum’as fait remarquer que c’était lâche de les fuir, j’ai beaucoup
réfléchiàça.—Oublie.J’étaisencolère,jenevoulaispas…—Non,tuavaisraison,Daniel.Ilesttempsquejepardonneàmesparents.Ils
sontmalheureuxqu’onnesevoieplus.J’aienviederecommenceraveceuxsurdenouvellesbases.
—Bravo,chérie!Jesuisfierdetoi.—Tuirascheztonpère?—Non.Iln’yaplusdeThanksgivingcheznousdepuislamortdemamère.JemeserrecontreDaniel,j’aimalpourlui.Soudain,jesuisdévastéeàl’idée
qu’ilresteseulpendantquej’iraicélébrercejourchezmesparents.—Viensavecmoi,s’ilteplaît.—Merci, Alex, mais non. Tu as besoin de recoller les morceaux avec tes
parents,jeneveuxpasm’imposer.—Pasdutout.Etpuisjesuissûrequemesparentsserontrassurésdevoirque
tuesungentilfiancé.—Lemec idéal pour leur fifille adorée !OK, chérie. Remercie-moi d’être
aussiparfait!—Danstesrêves,Kerrington!—J’ysuisdéjà,murmureDanielenm’attirantàlui.
AvoirDanielKerringtoncommecopainn’estpasfacile.Maintenantquenoussommes un vrai couple, la vie a bien changé dans le penthouse, surtoutl’organisationdesnuits.J’avoueque,cesdernierstemps,nousavonsététrèseuh…occupés,ducoup
s’estposéunnouveauproblèmeàrégler: lechoixdeschambres.J’expliquelescénario :Danielme sautedessus, je finis par craquer, ilme soulèvedans sesbras,m’emporte,etjecommenceàrâler.—Dansmachambre,Daniel,onétaitdéjàdanslatiennehiersoir.Tun’aères
pas,çapuetrop.—Ons’enfout,l’amourn’attendpas.Etpuismonlitestplusgrand,jedors
mieuxaprès.—Lemienestdelamêmetaillequeletien.—Alex,c’estridiculedesedisputerpourçamaintenant.—Justement.Alorspourquoiturefusesdelefairedansmachambre?J’enai
marre,decesbagarresdébiles.—Moiaussi,chérie.—Tuproposesquoi?— Un terrain neutre : la chambre d’invités du rez-de-chaussée. Il y a un
canapé-lit.Onseprécipiteenbas,Danieldéplielelit,quiestmoelleuxetencoreneuf.—Pourquoionn’yapaspenséavant?demandeDanielens’écroulantsurle
matelas.—Parcequet’esidiot!—Parlepourtoi,chérie!—OK,onestdeuxidiots.—Approchequejet’embrasse,mabelleidiote!Finduscénariosurleschambres.Un soir, Daniel médite devant le réfrigérateur où se trouve toujours cette
foutueliste.— Interdit de débarquer dans ma chambre sans prévenir sauf quand ma
princesseveuts’amuseravecsonsexyboy!s’esclaffeDaniel.Jedeviensécarlateetluiarrachelepapierdesmains.—Interditderamenerdesfillesdansl’appartement,jeréponds,furieuse.—Pardon,chérie,maisjen’aipascouchéavecelle,jetelejure.—Mouais.Incroyablemaisvrai.Danielmeserredanssesbraspoursefaire(encore)pardonner.Jen’arrivepas
à comprendre comment nous espérions contrôler notre cohabitation avec cesrèglesdébiles.Notrerelationatellementévoluédepuis.—Etsionl’encadrait?Aprèstout,cettelisteestlapremièrechosequenous
avonsréaliséeàdeux,jesuggère.—Oui,çameplaît!Àprésent,lafeuilletrônesurnotretabledechevet,ensouvenir.
Aujourd’hui, pour Thanksgiving, nous allons chez mes parents dans ma
voiture.Jeconduis,c’estplussûr.Dèsquejesuisgarée,papasortdelamaisonpourvenirànotrerencontre.Ilal’airsuperheureux,jemejettedanssesbras.—Bonjour,mafille!Tevoilàenfin!—Papa,jesuisdésolée,jem’enveux.—Moiaussi,Alex.Jesuisdésoléaussi.Tum’asénormémentmanqué.Maman accourt et me serre à son tour contre elle. Je pleure comme une
madeleine.J’entendsDanielseraclerlagorgederrièrenous.Oups,jel’aioublié.—Papa,maman,Danielm’accompagne,commeconvenu.—Ravideterevoir,Daniel,lancemonpère.Bienvenuecheznous.
—Bonjour,monsieur.Merci dem’avoir invité pourThanksgiving,madameWood.—Appelle-moiMargareth,s’ilteplaît,Daniel,etentre.—Jevaischercherlessacsdanslavoiture.Jevousrejoinstoutdesuite.Très à l’aise, Daniel m’embrasse vite fait puis file ouvrir le coffre. Mes
parentsn’enreviennentpasetm’entraînentàl’intérieur.—Vousjouezvraimentlacomédie,mêmeici?medemandemaman.—Euh…Non,onestensemble.Pourdevrai.—Quoi?Ettun’asrienditavantdevenir?—C’estassez récent.Etpuis je tesignalequ’onneseparlaitpasvraiment,
cesdernierstemps.—Stop,Alex.Jet’enprie,jepréféreraisque…—Margareth!Alex!appellemonpère.— On arrive ! crie maman d’une voix suraiguë. Mais on reprendra cette
conversationplustard,ajoute-t-elleàmonattention.Aïe,lesretrouvaillesfamiliales,çapromet…
JecoursaiderDaniel,cequimepermetd’échapperàmamère.J’ignorequellemouche l’a piquée et je n’ai pas envie de le savoir. Ce qui est bizarre, c’estqu’ellelancedescoupsd’œilfroidscommelabanquiseendirectiondeDaniel,quis’enestaperçu,évidemment.— On dirait que ta mère ne m’apprécie guère, murmure-t-il quand nous
montonsl’escalier.—Ellen’estpashabituée,jen’aijamaisramenédegarçonàlamaison.Tues
lepremier.Detoutefaçon,cequicompte,c’estquemoi,jet’aime.—Merci!Avectonpère,c’estmoinstendu.J’ai l’impressionqu’ilveutme
parlerdetoi,enplus.—J’ensuissûre,même.Prépare-toi,évitedediredestrucstropcons,s’ilte
plaît!—Tumeprendspourqui,chérie?—PourDanielKerrington!Viens,jetemontretachambre.—C’était prévu, ça ? Je ne dors pas dans la tienne ? J’aime ta déco rose
bonbon,pourtant!—Toi,c’estlaportesuivante.—Onpartagelasalledebains,aumoins?—Danstesrêves,mec!Danielm’attrapepar la taille etme serre contre lui.Huuum, ses lèvres sont
déjà à la recherche d’un carré de chair fraîche à mordiller, j’en frissonne de
plaisiranticipé.— Alex, j’ai besoin de toi ! Descends tout de suite, hurle ma mère dans
l’escalier.Daniellèvelesyeuxauciel.—Désolée,Kerrington,onremetça,jetelepromets.
LesdeuxheuressuivantessepassentenpréparatifsdurepasdeThanksgiving.
Jesuisdanslacuisineavecmaman,Danielestdanslasalleàmangeravecpapa.Chaquefoisquejetendsl’oreillepoursavoircequ’ilsseracontent,papasemblerigolerouécouterDaniel.C’estbonsigne.—Tonfiancémeditqu’iljouedelaguitare,lancepapaquandj’entredansla
pièce.Tul’asdéjàentendu?Jeprofitedesaquestionpourvenirm’installersurl’accoudoirducanapé,près
deDaniel.—Oui,ilesttrèsfort.—Non,jemedébrouille,préciseDanielavecmodestie.—Moiaussi,jejouaisavant,n’est-cepas,Alex?ditpapa,nostalgique.—Papaétaitdansungroupequandilavaitseizeans,j’expliqueàDaniel.—C’est loin tout ça…Margareth, la dinde sera prête à quelle heure ? crie
papa.—Bientôt!Aide-moiàlasortirdufour,leplatpèseunetonne.Dèsquepapaaledostourné,Danielmevoleunbaiser,c’esttropmignon.—Ças’estbienpasséavecmonpère?—Jecrois.Iladitquesafilleavaitdelachanced’êtretombéesurunfiancé
commemoi!—Onsecalme,Kerrington.—Onenreparleraaulit,chérie!—Gardetesdistances,mec,dis-jeenlerepoussant.—Compris?lancemamanenentrantaumêmemoment.Oups. Décidément, ma mère est à cran aujourd’hui. Daniel s’écarte
brusquement,gênédes’êtrefaitremonterlesbretelles.On s’installe autour de la table pour attaquer le repas.Mes parents se sont
surpassés,chaqueplatestunrégal,maisl’ambiancerestetendue.Danielmange
ensilence,mesparentsneposentplusaucunequestion.Ilfautquejetrouvelemoyend’adoucirmamère,quepeut-ellereprocheràDaniel?Finalement,paparelancelaconversation:—Commentvatonpère,Daniel?Zut, c’est raté pour le choix du sujet. Daniel s’étrangle à moitié avec un
morceaudedinde.—Bien,merci.—Ilnousabeaucoupaidés.L’activitédeWood&Co.aredécollé.—Tantmieux,répondpolimentDaniel.—Transmets-luinossalutations,s’ilteplaît.—Biensûr.Jen’ymanqueraipas.—Etsinon,vousdeux,commentçasepasse?Bien,ondirait.Cen’étaitpas
lapeinedefairetoutunplatdecesfiançailles,Alexandria,ditalorsmonpère.Je suis scotchée.Qu’est-ce qui lui prend de ramener ça sur le tapis ?Mais
c’estleregardmeurtrierquemamanlanceàDanielquimefaitexplosercommeunecocotte-minute.—Arrête,maman,j’enaimarre!Qu’est-cequetuascontreDaniel?—Tu ne lis pas la presse ?On parle de lui partout. C’est un play-boy, un
noceurquine t’arrivepasà lachevilleetquisefichede toi,Alex!s’exclamemaman.Ouvrelesyeux.—Lesjournauxracontentn’importequoi.JeconnaisDaniel.—Tuvauxmieuxquelui.—Danielestadorable,attentionné,drôle,etlui,aumoins,ilm’écoutequand
jeparle.—Jesuistamère,jesaiscequ’iltefaut,Alex.Surcesmots,ellese lèvebrusquementetpartdans lacuisine.Pendantcette
passed’armesentreelleetmoi,jeconstatequemonpèreasoigneusementévitédeparticiperàlaconversation.J’endéduisqu’ilestdemoncôté.—Papa,qu’est-cequ’ellea?—Unevieillehistoiredouloureuseavantquejelarencontre,mafille.—Elleapeurqu’ilnem’arrivelamêmechoseavecDaniel?—Jelecrains…
—Quelenfer,jesoupire,unefoisquenoussommesseulsdansmachambre.
—Oui.C’estofficiel,tamèremedéteste.—Çanefaitqu’unedeplus!jetentedeplaisanter.Danielmeregardeavecunairdecockermalheureux,jefonds.—Donne-luiunpeudetempspours’habituer,ellefiniraparouvrirlesyeux
surtoi.—Qu’est-cequitefaitdireça,chérie?—Moi!Jetedétestais,jet’adore.—C’estvrai?demande-t-ilenmerenversantsurlelit.—C’estvrai.Daniels’allongeaussitôtsurmoi,seslèvresviennentécraserlesmiennes.Sa
chaleurirradieenmoienunclind’œil.J’entreencombustionquandsesmainsécartent d’abord mes cuisses puis remontent sous ma robe. Je gémis, prête àl’accueillir.Maiscemonstrereculelatêteetmedévisaged’unairgourmand:—Pascesoir,chérie!Etilmerecouvrechastement.—Tamèreseraitcapabledem’arracherlesyeuxet…lereste,tulesaisbien!
Bonnenuit,chérie.—Bonnenuit,Kerrington.Machambremeparaîtsoudainlugubrequandils’enva.
Lelendemainmatin,onremballenosaffairespourpartirrapidement.Enbas,mamanestseuledanslacuisine,ondiraitquepapas’estarrangépouréviterlepetitdéjeuner familial.Danielavalesonassietteenvitesseetannoncequ’ilvachargerlavoiture.J’ail’impressionquemamansedétendunefoisqu’ilestsorti.—Alex,excuse-moipourhier.C’étaitstupidecommescène…j’étaisstressée.—Parquoi?—Jenesaiscommentteledire…J’auraisdût’enparleravant,ton…Danielapparaîtdansl’encadrementdelaporte.—Oui,maman,tudisais?—Rien.Net’inquiètepas.Allez-y,sinonvousaurezdesembouteillages.Ellealeslarmesauxyeuxquandellem’embrasse.—Jet’aime,machérie.Mêmequandtuendoutes.EllesetourneensuiteversDaniel,quiaparfaitementsentisonchangementde
comportement.—Jeteprésentemesexcusespourhiersoir,Daniel.J’espèresincèrementque
tunebriseraspaslecœurdemafille.—J’aimeAlex.Faites-moiconfiance,madameWood,celan’arriverapas.—L’avenirnousledira,conclut-elleenluitendantlamain.Papadébarqueàcemoment-là.—Vouspartezdéjà,queldommage.—Oui,papa, j’aideuxdevoirsà rendre, il fautque jebosse. J’essayeraide
revenirlasemaineprochaine.—Tesétudesavanttout,mafille.—John,tunecroispasquetu…Papalabousculegentimentpourlafairetaire.Bizarre,jesuissûrequ’ilsme
cachentencoreuntruc.—Papa,tuesmalade?— Je vais très bien. Rentrez vite, les amoureux. Daniel, j’espère te revoir
souventàlamaison.—Vouspouvezcomptersurmoi,monsieur!
Pendant le trajet du retour, je continue de m’interroger sur l’attitude
mystérieusedemesparents. Ilyaanguillesousrochechez lesWood,maisde
quelgenre?Jedécidedemefairecoulerunbainpourmedétendre.J’ajoutedugelmoussantpourqu’ilyaitpleindebulles.Justeaumomentoùjem’apprêteàglisserundoigtdepieddans l’eauchaude,Daniel toqueà laporte,maisentresansattendre.Ilestentenued’Adam,uneserviettenouéeautourdelataille.—Oui,Kerrington?—J’aicruquetum’appelais!Il refermederrière luisansmequitterdesyeuxpuis lâche le linge.Woaaah.
Mainsenl’air!Jesuisscotchée.—Ànousdeux,chérie!Lasuiten’estqu’unesuccessiondedécouvertessurprenantes.
Unmatin,lefacteurdéposeunelettreivoiredansnotreboîte:c’estl’invitationaugala trèschicdeHarryKerrington.Le trucdont tout lemondeparledepuisdeuxsemaines.Danielm’adéjàtraînéedanslesmagasinspourquej’achèteunenouvellerobe,luiaprévuunecravatedecouleurassortie.Voilà pourquoi je suis devant mon miroir à essayer de me maquiller
honorablementetsanstutoriel,parcequejen’aiplusletemps.—Aleeeeeeeex!appelleDaniel.—Quoiencore?—Onestenretaaaaaard!OK. Fini de me pomponner. J’enfile mes talons et je me précipite dans
l’escalier, où je manque de terminer en vol plané. Heureusement, Daniel merattrape juste à temps. Il m’observe, essuie en rigolant une trace de rouge àlèvresquidéborde,etnouspartons.Cettesoiréemestresse,j’aipeurquecenesoit une sorte d’examen de passage de la part de Harry. Comme d’habitude,Daniels’enrendcompte.— Arrête de t’inquiéter, chérie, tout le monde va t’adorer, mon père le
premier.Etilprofited’unfeurougepourm’embrasserl’épaule.—Harrynevapasforcémentapprécierqu’onsoitdevenusuncouple,non?—Pourunefois,jesuisplusheureuxquelui,jubileDanielenmecouvantdu
regard.Nous arrivons. La demeure est grandiose, plantée au milieu d’un parc très
joliment éclairé. On se croirait dans un film. Je ne savais pas que ça existaitvraiment.—Ehoui,monpèreadoredépensersonargent,commenteDaniel.Vulenombredevoituresgarées,ilyadéjàbeaucoupd’invités.Àl’intérieur
delamaison,c’estlacohuederobeslonguesetdesmokings.Lamoyenned’âgeestélevéeaussi,jenemesensvraimentpasàmaplaceici.Quandj’aperçoisunserveuravecunplateaudemignardisessucrées,jefonceverslui.Chouette,deséclairsauchocolat,çavamedétendre.Monportablevibre,j’enfournemespâtisseriespourlesortirdemonsac.C’est
unmessagedeCara:Ilvayavoirunproblème.Qu’est-cequiluiprend?ArrêtedefairetamadameIrma!TVB.N’oubliepasquelesmecssonttouslesmêmesetquej’aitoujoursraison.Danielm’aime,onestfiancés,occupe-toideSimon.Jet’auraiprévenue.Danielrevientavecdeuxmoussesauchocolat,monpéchémignon.—Tuesmonhéros!—Jesais!Tuécrivaisàqui?—ÀCara.Elleditqu’ilvayavoirunproblème.—Entrenous?—C’estsongrandtruc,ellevoitlemalpartoutchezlescouples.—Etellesetrompesouvent?—Destonnesdefois.Daniel éclate de rire, puis me propose d’aller danser. Il m’entraîne vers la
piste,oùévoluentdéjàplusieurscouples.Legroupejoueunslow.Jeposelajouesur lapoitrinedeDaniel, ilcalesonmentonsurmatêteetmeserrecontre lui.Depuis que nous sommes ensemble, c’est bruyant et fatigant, on se disputeautantqu’ons’embrasse,alorscegenrede tempscalmeestdupurbonheur.JesuisamoureusedeDaniel.Cemecarrogantquiestentrédansmaviecommeunetornade dévastatrice, mais aujourd’hui j’ai appris à le connaître. J’adore sonsourire,seséclatsderire,sescaresses.J’adoresonécoute,sondiscernement,saconfiancequimerendplusforte.—Rêveuse?
Jevoudraisluidirequejel’aime.Allez,Alex,deuxpetitsmots.Vas-y.Jet’aime.Jet’aime,Daniel.Daniel détourne le regard, mon cœur chavire. L’instant de bonheur s’est
envolé.—Qu’est-cequisepasse?jedemande.—Monpèren’arrêtepasdenousmater.Visagefermé,épaulesraides,HarryKerringtonnousfixed’unœilnoir.—Iln’apasl’aircontentdutout,jemurmure.—Ilapigéqu’onnejouaitpluslacomédie.—Daniel,valuiparler.Jesaisquec’estdurpourtoi,maisillefaut…Jesuis
avectoi.Il m’embrasse tendrement avant de s’éloigner vers son beau-père. Je les
observeàdistance.Daniels’adresseàluiavecassurance,celui-ciécarquillelesyeux,froncelessourcils,répondpuisentraîneDanielhorsdemavue.Monportablevibreànouveau,maisjenebronchepasvuquecedoitencore
êtreCara.Ladiscussionentrelepèreetlefilss’éternisant,j’attrapeunecoupedechampagne pour m’occuper. Quelques personnes me félicitent pour nosfiançailles,çam’aideàpasserletemps.Letéléphonecontinuedes’agiterdansmonsac.Agacée,jelesorspourconstaterquec’étaitmamèreetnonCara.Jerappelle.—Maman?—Alex,enfin…Machérie,jesuisdésolée…Je…—Tupleures?Qu’est-cequ’ilya?C’estpapa?—Oui.S’ilteplaît,viens.Ilest…Unvoilemetombedevant lesyeux,unesueurglacialedégoulinele longde
mondos.—Tonpèreaeuuninfarctus…C’estfini.
Voilàcequemesparentsmecachaient:lamaladiedemonpère,diagnostiquéeilyaunan,aprèsunepremièreattaquealorsqu’ilétaitaubureau.Celaexpliqueaussipourquoi ilsévitaientd’êtreà lamaisonenmêmetempsquemoi toutaulongdecettedernièreannée.Et dire que je ne voyais rien… Pourtant, mon père se crispait souvent en
portant la main à la poitrine. Encore à Thanksgiving, maintenant que j’yréfléchis.Cen’estpasjuste,monpèreestpartitropjeune…Etmoi,jen’aiplusde papa. Fini les sempiternelles histoires sur son groupe de musique et sesmorceauxdeguitarepréférés.Ilmemanque.Àlasecondeoùmamèremel’aannoncé,ilmemanquaitdéjà.
Pourquoi n’a-t-il rien dit ? Je le déteste pour ça. Je l’aime et je le déteste dem’abandonneraussibrutalement.Je n’arrive pas à quitter le cimetière. Maman s’excuse, elle veut rentrer.
Danielresteavecmoi.IcigîtJohnAtwardWood.1960-2019Ànotremari,pèreetamibien-aimé.J’aibeaulireetrelirel’inscription,jeneparvienspasàl’accepter.Cen’estpas
monpèrequiestlà-dessous.—Alex?appelledoucementDaniel.—Encorecinqminutes.—Tues làdepuisdeuxheures,chérie…Jem’inquiètepour toi, tun’aspas
verséuneseulelarme…Parle-moi.Jen’aiplusdemots.—Ilcommenceàpleuvoir.Rentrons,s’ilteplaît.Danielm’attrapelamain,jemelaisseguider.C’estvraiqu’ongèle,enplus.
Unefoisdanslavoiture,ilm’aideàattachermaceinturedesécurité.—Alex,tu…—Jevaistrèsbien.Lamêmephraseprononcéeparmonpèredansl’entréelorsquenoussommes
repartis après Thanksgiving. Daniel l’ignore. Il hésite à répliquer, puisabandonneensoupirant.Une fois à lamaison, je foncedansmachambre.Daniel est déçuque jene
reste pas avec lui pour parler. Après une douche bien chaude, j’enfile monpyjama préféré, jeme couche et là, enfin, je pleure. Je pleure longtemps, trèslongtemps.Jen’aijamaisétéaussimalheureusedetoutemavie.Danielentre.Jeneveuxpasdesapitié.—Laisse-moi.—Non.—Va-t’en!—Jenesuispastonennemi,Alex.Laisse-moit’aider.—Je…J’auraisdû…—Chuuut.Il s’assoit près demoi, je pose la tête sur son épaule et je laisse les larmes
couler. Daniel m’enveloppe dans sa chaleur, murmure des mots doux, desencouragements,desparolesréconfortantes.Maisjesaisquec’estfaux.Rienneseraplusjamaiscommeavant.
Les deux semaines suivantes se déroulent dans le brouillard épais de monchagrin. J’erre sur le campus commeuneombre.Mamèren’est guèremieux,elle sèche les réunions importantes de son entreprise en restant cloîtrée à lamaison.C’estsonassistantequim’aprévenue.Jenesaispasquoifaire,vuquejesuismoi-mêmeaufonddutrou.Onsetraînechacunedenotrecôté.Jeluienveuxsûrementencoredenepasm’avoirparlédelamaladiedepapa,j’imaginequ’ellesesentcoupable.Danielcomprend,ilesttoujoursaussipatientavecmoi.—Jesuislàpourt’aider,Alex.Jen’irainullepartsanstoi,répète-t-ilsouvent.Je l’aime un peu plus chaque jour. Ilmemontre son affection à travers ses
gestes,sonsoutien,soncorps,sesmainschaudes,sesbaisers.C’estNoëldansmoinsd’unesemaine,l’ambianceesttoutsauffestive.Encet
avant-dernier jour de cours, je travaille à la bibliothèque pour essayer derattrapermonretard.MerciGoogleetWikipédia.Quandj’aiterminé,j’envoieuntextoàDanielpourleprévenirquejerentrebientôt.OK,répond-il.Tuasbienbossé?Oui!Tutesensmieux?Euh…Mauvaisequestion.Arrrgh.Donne-moiunpeudetemps.Biensûr,chérie.Nem’attendspascesoir.
Pourquoi?Monpèreveutquejedîneaveclui.Aïe,çasentlecramé.Ilveutpeut-êtrem’annoncerqu’ilestgay!J’éclatederire.OK.Dommagepourtoi,j’avaisprévudessushis…Tum’achèves,chérie.Jet’attendraiquandmême.Danielm’envoieuneflopéedecœursailés,j’adore!Jerangemesaffaireset
quitte labibliothèque.Dans lehall,uncoupleesten traindesedireau revoir.Uneblondeet…Nate.Toujoursaussibeau,celui-là.Ilsetourneetm’aperçoit.—Oh…Salut,Alex.Çafaitlongtemps.—Hello, Nate. T’as l’air en forme…C’était ta copine ? je demande, trop
curieuse.—Euh…oui.—Jesuiscontentepourtoi.—Merci.Ons’entendbien…maisjenedevraispasteparlerd’ellealorsque
tuviensdeperdreton…Oh,pardon,Alex.Ils’interromptenvoyantquejeprendsunegrandeinspiration.—Jenesuispasencorehabituée,jemurmure.—Jesuisdésolépourtoiettamaman,Alex.Jerestetonami,tulesais,même
si…N’hésitepassituasbesoindequoiquecesoit.Etilmeserredanssesbrasdefaçonamicale,pasromantique,biensûr.—Merci,Nate.Nosconversationsmemanquent.—Àmoiaussi,Alex.Jesuisvraimenttristepourtoi.—Çavaaller.Danielm’aide.—Ilt’aime,jen’endoutepasuneseconde.—Moiaussi,jel’aime.Natesefige.Auboutdeplusieurssecondesd’unsilencegêné,ilramasseson
sac.—Lynm’attend.Salut,Alex.Malgrélesapparences,Nateal’airheureux,jelesens.Celamesoulagetout
enrenforçantmessentimentspourDaniel.J’espèrequeNateéprouvelamêmechosepourLyn.Jerentrecheznous,lecœurplusléger.Messushissontdélicieux,jefaisdurer
le plaisir en les mangeant lentement. Daniel ne devrait plus tarder. L’horlogecontinue de tourner. Je commence à trouver bizarre que son dîner ne soittoujourspasterminé.J’aiunmauvaispressentiment.Aprèstout,jepeuxappelerDanielpourme rassurer, non?Ça sonne.Une fois, deux fois, trois fois. Clic.Messagerie.Aussitôt,jesongeàCaraetluienvoieuntexto:Tucroistoujoursàtesprédictions?Saréponsearriveparretour:Fuck,çayest?JenedoispasmelaisserinfluencerparsespronosticsdeGitane.Danieln’estpasrentré,jem’inquiète,c’esttout.Iladitquoi?Qu’ildînaitavecsonpère,mais,commetum’aspréditunecata…Ducalme,mabelle,lemondeestremplidecatas.OK,OK,amoureuse=stupide,jevaismecoucher.Sweetdreams,Alex.N’empêche,jenesuispastranquille.
Lelendemainmatin,aprèsunenuitcomplètedesommeil–lapremièredepuisl’enterrementdemonpère–, jeprendsunerésolution : ilest tempsdefaire lapaixavecmamère,parcequejen’aiplusqu’elle.J’iraidonclavoir.Jemeprépareenvitesse,presséed’annoncerçaàDaniel.Maisjeremarqueun
trucquiclochedanslamaison:aucuneodeurdepancakes.—Daniel?Ilestdevantlaporte,prêtàpartir.Iltireaussiuneminededixpiedsdelong.—Tut’envas?Ilévitemonregard.—Tuesenretard?Ilyaunproblème?Jepose lamainsursa jouepour l’obligeràse tournerversmoi. Il rejette la
tête en arrière, serre lesmâchoires puis écartemon bras. Je n’en reviens pas,c’estlapremièrefoisqueDanielmerepousse.—Tumefaispeur,ils’estpasséquelquechosehiersoir?jebalbutie.—Tais-toi,s’ilteplaît,gronde-t-il.—T’esgivréouquoi?Situasuneraisondem’envouloir,explique-toi.—C’estfini…Toietmoi,c’estfini,marmonne-t-ilenfermantlesyeux.Soudain,jemanqued’air,mespoumonssontbloqués.—Je…necomprendspas.Répète?—T’esbouchée?C’estfini,Alex,onnesortplusensemble.Capito?
—Tuessérieux?Maispourquoi?j’articulepéniblement.—Parcequetumefatigues,çafaitdeuxsemainesquetuchialesnon-stop.—Tumequittesparcequejesuismalheureused’avoirperdumonpère?T’es
sérieux,sombreconnard?—Ouais!Finilapetiteviedecouplemerdique.Jesuiscommeça,lesnanas,
jelesbaiseetjelesjetteaprèsusage.Commedeskleenex…Prendstesaffairesettire-toi.Jeneveuxplusrienvoiricienrentrantcesoir.Je ne respire plus, j’ai trop mal, la tête me tourne, des taches lumineuses
dansent devantmes yeux. Je dois agripper la rampe pour ne pas flancher. Cen’estplusDanielquiest là,maisunétrangerqui ressembleàDaniel,avecsesirisbleuélectrique,sespommettes,sesmèchesblondesdécoiffées,maiscen’estpaslui.Commentpourrais-jefairerevenirmonDaniel?—Mais…jet’aime,jemurmure.Pathétiquejusqu’àlamoelle,jesais.—Mapauv’fille,commentt’aspucroireaugrandamour?T’asunjolipetit
cul,oui.Mamainparttouteseulesursajoue.Paf.—Salaud.Moiquipensaisleconnaître.Sesyeuxsontfroidscommedesicebergs.Mon
Dieu,quesepasse-t-ilàl’intérieurdelui?—Tumens,tumens,Daniel!jehurle.Cen’estpastoiquiparles,quelqu’un
t’amiscesidéesentête.Qui?—Tais-toi et ouvre les oreilles : c’est fini, FINI !On n’a plus rien à faire
ensemble,pigé?Onabaisé,c’étaitcool,maisj’aienvied’autrechose.—Etlecontrat?Ilrestedeuxansetdemi.—J’airégléçaavecmonpère,j’enavaistropmarre…Ciao,Alex.N’oublie
pas:viretesaffairesd’icicesoir.Jesuis tétanisée,statufiée.Monesprit refused’accepter l’information.Notre
amourétaitplusfortquetout…lemien,entoutcas.—Tunem’empêcheraspasdecroirequej’aicompté,Daniel.Etplusqueles
autres.Ils’estpasséquelquechosehiersoir.Jetrouverai.Ilpart.Je remonte fairema valise. Jamais je n’ai été autant blessée.Moi qui avais
tout,l’amourdeDaniel,unpère,laréconciliationavecmesparents,jen’aiplus
rien.J’essayedemeremémorerlesdétailsdecesderniersjourspourtrouverdessignesquiauraientpum’alerter,maisjenevoispas.Riendutout.DanielestpirequeDr. Jekyll etMr.Hyde. Comment peut-ilm’aimer la veille etme jeter lelendemain?Iladélibérémentvoulumemeurtrir…Çan’apasdesens,toutétaitau top jusqu’àhier soir… jusqu’audîner avec sonpère.Oui, c’est la faute deHarryKerrington, c’est forcément lui ! Je dois aller affronter cette ordure. Leproblème, c’est que j’ai laissé mes clés dans la chambre de Daniel. Hors dequestionquejeremonte.Jesonged’abordàCara,maiscen’estpasunebonne idée,elle fera toutun
platdelarupture.Nate?Pourquoipas,lesamissontlàpouraider,ill’arépétélui-même.J’appelle.Natedécrocheàladeuxièmesonnerie.—Alex?—Euh…Salut,Nate.J’aibesoind’aide.Tupeuxvenirmechercher?Naten’hésitepasuneseconde,ilsegarequinzeminutesplustardenbasdela
maison.—Qu’est-cequisepasse?Audébut, je suisunpeugênéedeparlerdemeshistoiresdecœuràunex-
boyfriend,maisçapasse.Natenem’interromptpas,ilpousseunjuronquandj’aiterminé.—Jesuisdésoléedetemêleràmessalades,Nate,maisje…—Dis-moiplutôtcequ’onpeutfaire.—Conduis-moijusqu’àKerrington&Co.,s’ilteplaît.—Conseild’ami,cen’estpasunebonneidée,Alex.—Monpèreestmortsansquejepuisseluiparler,Danielm’aquittéesansun
motd’explication,c’esttrop.J’aibesoindecomprendrecequim’arrive.Natehésite,mefixeenréfléchissantpuistournelaclédansledémarreur.—Tum’emmènes?—Oui.J’espèrequejen’auraipasàleregretter,s’ilt’arrivequoique…—Rassure-toi,jen’aiplusrienàperdre.Enbasdel’immeubleKerrington,jeremercieNateetluidemandedenepas
m’attendre.J’entre,jemedirigedroitverslabatteried’ascenseurs.Danieln’enajamaisparlé,mais j’imaginequelebureaudesonpèresesituedans lesétagesélevés.Audixième,alorsque lesportes s’ouvrent, j’aperçois la silhouettedeHarry
Kerringtondansunegrandepiècevitrée.Hop,j’yvaisdirect.Lasecrétairetentedem’intercepter.Non,jenemelaissepasfaire.Lediableenpersonneestau téléphone. Ilprendunairétonné,pose lamain
surlecombinéetdit:—Alexandria ? Je ne sais pas ce que tu veux, mais je suis en conférence
téléphonique.Attendsdehors,s’ilteplaît.—Dequoiavez-vousmenacéDanielpourqu’ilmequitte?
—Jen’aipasletempspourtesenfantillages,jeunefille.Commetulevois,jesuisoccupé,répond-ild’unairsuffisant.J’attrapelecombinéetlereposesursonsocle.—Maintenant,vousêteslibre.—Tuteprendspourqui?Jetecroyaismieuxélevéequeça,Alexandria.—Cen’estpaslaquestion.Qu’est-cequis’estpasséavecDaniel?Pourquoi
a-t-ilrompujusteaprèsvotredîner?Vousluiavezditdelefaire?—Çasuffit.Jen’aipascetteinfluencesurmonfils.Sorsd’icimaintenant.—Vousmentez,Danielment!C’estinsupportable.Toutestdevotrefaute.Harryéclatederire.—Petitesotte.Tunet’esjamaisdemandésileproblèmenevenaitpasdetoi?
Daniel se lasse très vite, tu sais, la liste de ses ex est longue. Il vient justed’ajoutertonnom,c’esttout.—Jenevouscroispas.— Tu dois accepter ce qui t’arrive. Daniel tourne la page à sa façon. Il a
besoindedémarrerunenouvellevie.Écarte-toidelui,tuletiresverslebas.Jesuisabasourdie.—Etlecontrat?—Ilestrompu.Vousn’avezpastenusixmois.—VouslaisseztomberWood&Co.?
—Oui.Çam’adéjàcoûtésuffisammentcher.—Maismamère remplacemonpère, vousnepouvezpas retirervosbilles
et…—Si, je peux.Tamère ne dirige plus rien depuis des semaines.Le comité
exécutifvaladémettredesesfonctions.Ilsiègedansdixminutes.—Non!Ilsn’ontpasledroit!Empêchez-les!—Cen’estpasdemonressort,Alexandria.—Mamèren’estmêmepasaucourant…—Celam’étonnerait.Detoutefaçon,Wood&Co.doitprendreunnouveau
départ… Désolé pour toi, Alexandria. Rude journée. Ma secrétaire va teraccompagner.Findel’entretien.Jemeretrouvedanslarue,complètementdéboussolée,sans
argentpourpayerun taxi, trophonteusepour appelerCara.Comment ai-jepumelaisseraveuglerparDaniel?Ils’estjustemontréégalàlui-même.Jemesensvide,bête,moche,pasintéressante.Moiquilevaislesyeuxauciel
quand les copines racontaient leurs chagrins d’amour. J’essaye d’appliquer laméthodeCouépourbloquermoncerveau:Danieln’existeplus,sonprénom,sonrire…Danieln’existeplus.Je pars chez ma mère, j’ai besoin d’elle. Je marche vite, je cours même,
longtemps. J’arrive épuisée et le cœur gros de constater dans quel état est lejardindemonpère.Jesonne.—Maman,c’estmoi.Laportes’ouvre.Mamanmeprenddanssesbrasetmeserre très fort.Mon
Dieu,cequeçafaitdubien.Onpleure,cesontdeslarmesderetrouvaillesmère-fille.À l’intérieur, ce n’est pas mieux entretenu que dehors, une tornade s’est
abattuesurlesalon.Ilyaduboulot.—Tuveuxboireunthé,Alex?J’accepte. Pendant qu’elle le prépare, je ramasse la tonne de kleenex qui
traînentparterre.Mamèreapleuréjouretnuitpendantunmois,dirait-on.Ellerevientavecunetassedethébiennoir,commemonhumeur.—Maman, pourquoi ne m’as-tu pas dit qu’on allait te virer de ta place à
Wood&Co.?Arrêtedemetraitercommeunegamine.
—Tuasraison,soupiremaman.J’aiaccumuléleserreurs,j’aimêmeréussiàperdrel’entreprisedetonpère…Continueràvivreicimetueàpetitfeu.Jenesaispascommentremonterlapente.—Moinonplus,maman…Mais,pourWood&Co.,onnepeutvraimentrien
faire?Prendreunavocat,lesattaquerenjustice?—Ilsnem’ontpas trahie,Alex. Jene suispluscapabledediriger laboîte.
C’esttout.Etjen’aiplusd’argentpourmedéfendre.—Quoi?—Malheureusement,oui.Tonpères’estlaissébernerdansplusieurscontrats,
ilme l’avaitcaché.Quand jem’ensuis renducompte,ons’estdisputés…Ilafait son attaque cette nuit-là, s’étrangle maman. Ton père avait quelqueséconomies de côté, le notaireme l’a confirmé la semaine dernière. Pas assezpourracheterlasociété,maissuffisammentpourredémarrerailleurs.—Tuveuxpartird’ici?—Oui,j’aitropdesouvenirsdouloureux.J’aimeraisquetuviennesavecmoi.—Maisj’aiCara,mesamis,lafac,Dan…mavieentière,quoi.—Je le saisbien,machérie,mais jeneveuxplusqu’onsoit séparées.Ton
pèrenesupportaitpascettedispute.—Tuvoudraisalleroù?— Pourquoi pas la Californie ? J’ai des relations qui peuvent m’aider à
trouverunemploi.Jerecommenceraienbasdel’échellemais,situesavecmoi,j’yarriverai.Déménageràl’autreboutdesÉtats-Unisalorsquej’ai toutici…que j’avais
tout.Peut-êtreque jeparviendraiaussià tourner lapage,à redémarrerunevienouvellecommemamère.—D’accord.
Voilà, nous sommes assises dans l’avion. Je dois couper mon portable, ledécollageestimminent.J’essayedemedétendreenregardantparlehublot.Est-cequej’aidécidésuruncoupdetêtedesuivremamèreenCalifornie?
Oui.Est-ceque,inconsciemment, jevoulaismettreleplusdedistancepossibleentreDanieletmoi?Oui.L’avenirnousdirasij’aifaitlebonchoix.Pourl’instant,jetrouvequec’est
uneexcellenteidée,quivanousaideràsurmonterladisparitionbrutaledepapa.Nousn’avonspasencoredelogement,lesamisdemamannoushébergenten
attendant qu’elle loue un appartement. Avec vue sur la mer pour admirer lecoucherdesoleil!Notrebudgetestserré,maiselletientàracheterdesmeubles.Nouveaudépart,nouvelenvironnement,répète-t-elle.Jesuisheureusedelavoirplus gaie, ma mère est ma priorité n 1. Le reste, comme mon changementd’universitéenpleineannée,estsecondaire.OnverrabiensileBostonCollegetransfèremondossierrapidement.Quandj’aiannoncéàCaraquejem’enallais,ellead’abordhurlé:—Encoreunedetesconneries,Alex.Dis-moiplutôtquetutebarresàcause
deDaniel.—Euh…non…enfin,oui,unpeu.Jenesaispas,Cara.Mamèreavraiment
besoindemoi,ça,c’estsûr.—Quetamèreveuilleredémarrerailleurs,jepige.Maistoi,Alex,tulefais
vraimentpourfuirdessouvenirsdouloureuxliésàtonpère?Toietmoi,onsaittrèsbienquenon.Taplaceestici.
o
—Peut-être,maisjeparsquandmême.J’aibesoind’air,ils’estpassétropdetrucsinsupportables.—Danielnepensaitpasforcémenttoutcequ’ilt’adit,tente-t-elle.—C’est ce que je me disais aussi, mais je me suis peut-être voilé la face
depuisledébut.—Çacrainttrop.J’irailuiparler.—Non!—Pourquoinon?—Parcequ’ilpenseraquejeveuxqu’ilrevienne.—Cen’estpascequetuveux,justement?
Jen’arrêtepasdemereposercettedernièrequestiondeCara.Quedirais-jes’il
voulaitreveniraprèstoutesleshorreursqu’ilaprononcées?Non,jel’enverraisbouler.J’aifaitjureràCaradeneriententerpourapprocherDanielnideprèsnide
loin.Quandons’estquittées,Carapleurait.Çaaussi,c’étaithorrible.—Ons’appelleratouslesjours.— T’as intérêt, Alex, je veux tout savoir. Y a plein de beaux mecs en
Californie,valesvoirdemapartsurlaplage!—Tuviendraslesvoirtoi-même,Cara.—Hum…Danielafaitbeaucoupdedégâts.—Oui.Mamèreavaitraison,cemecn’étaitpaspourmoi.Lepire,c’estque
jeseraisprêteàrecommenceraveclui.Caram’aserréelongtempsdanssesbras.Lesadieuxontététerribles.Après
Cara,ilyaeuNate.Quandilavumatête,iladevinétoutdesuite.—Tut’envas,c’estça?—Oui.Mercipourtoutcequetuasfait,Nate.—Tuvasmemanquer,Alex.Après ma tournée d’adieux, il me restait encore une dernière épreuve :
chercherlesvalisesquej’avaislaisséesaupenthouse.QuandDanielaouvertlaporte,ons’estregardésensilence.Laminutelapluslonguedetoutemavie.J’aibafouillélemot«affaires»,ilm’amontréuntasdansl’entrée.Toutétaitlà,déjàprêtàpartir.
—Jepeuxt’aideràlesdescendre,a-t-ilproposé.—Non.—Tun’yarriverasjamaistouteseule.Jepeuxaumoinst’aiderpourça.—Pourquoi?Tutesensmaldem’avoirjetéecommeunkleenex?C’estsortitoutseul.Danielaserrélesdentssansmerépondre.—Oualors,t’espressédevirermesaffairespourinstallerlasuivante.—N’importequoi,a-t-ilgrogné.—T’inquiète,onneseverraplus. JedéménageenCalifornie.Caraviendra
m’aiderpourlescartons.Salut.Etjesuissortie.Quandjesuispasséeàsahauteur,Danielm’aattrapélebras.
Nosregardssesontcroisés.Ilaouvertlabouche,ahésité.Allait-ils’expliquer?Ilabaissélesyeux.Lederniermorceaudemoncœurs’estbrisé.—Aurevoir,Daniel.
L’avion a décollé, Boston s’éloigne. Maman me serre la main en souriant.
J’aimequandellesourit.—Toutvabien?medemande-t-elle.Non,rienneva.—Oui.Beaucoupmieux.
Gina,l’amiedemaman,nousattendàl’arrivéeetnousamènechezelle.Ma
chambreestsympa,jedéballemesaffairesetm’installesurlelitavecmonordi.J’aienviedereprendreParavents,j’ainégligémonlivredepuistroplongtemps.Mais,auboutd’unparagrapheàpeine,monportablesonne.—Hello,Cara!CommentestBoston?—Nuldepuisquetuespartie.Jetedéteste.—Etmoijet’adore!Parle-moiplutôtdetesamoursavecSimon.—Onfêtenotrepremiermoiscesoir,maisjet’avouequejenesuispasdans
l’ambiance…Finileschocolatschauds,mameilleureamiem’aabandonnée.—Désolée.Situveux,jet’enverraidesphotostouslesmatins!—Çamarche!Aufait,DanielestvenuchezSimonquandj’étaislà.Jerestezen,Danieln’existeplus.
—Avec sa guitare, enchaîne Cara. Il n’a pas arrêté de chanter, une vraiecasserole. J’ai les oreilles écorchées… Franchement, je crois que votreséparationluiafichuuncoup,Alex.Jecontinuederesterzen.—Sérieusement,Alex,jesuispersuadéequ’ilyaunlézard.Iln’apaschoisi
detequitter,ilt’aime.Çasevoittrop.—Stop,Cara. Il apris ladécisionde rompre, jedoisvivre avec ça.Finde
l’histoire.—OK,maismoi, jeveuxcomprendre. Je suis tameilleureamie,c’estmon
job.—Non,tu…—Vousêtesfaitsl’unpourl’autre,Alex.Etelleraccroche.
DéjàunesemaineenCalifornie,jeneconnaistoujourspersonneendehorsdemamère. D’un autre côté, je nemets pas le nez dehors. Elle commence sonnouveauboulotdébutjanvier,cequinouslaisseencoredixjoursdecocooning.On fait des gâteaux ! Gina a offert un livre de recettes à maman, on lesexpérimentelesunesaprèslesautres.Jelisbeaucoupetj’avanceParavents.Dixchapitresdeplus,jesuisassezfière
demoi.J’essayedenepaspenseràDaniel,maislessouvenirsremontentcommedes bouffées de chaleur. Par exemple, la première fois où il m’avait arrachél’ordidesmainspourdécouvrirmon texte. Il s’étaitabsorbé longtempsdans lalecture.«Ouah,tuesdouée,chérie,tonhistoireestgéniale.Jeseraitonpremierfanquandceserapublié.»Stop.Jemelèveetdescendsdanslacuisine,mamèreestplongéedansunenouvelle
recette.—Alex,tevoilà!Desmacaronsfrançais,çatedit?—Sic’esttoiquilesfais,oui.Jeteregardeetjelèchelacuillère!Mamèreéclatederire,ilparaîtquejeléchaistoujourslesplatsquandj’étais
petite.Ellefredonneunechansonendosantlesingrédients.Un coup de sonnette nous interrompt.Mamanme demande d’aller voir qui
c’est.—MademoiselleAlexandriaWood?—Oui,c’estmoi.
—Voussignezicietici…Bonnejournée.Et ilme tend un paquet assez lourd. Pas d’expéditeur. J’attrape les ciseaux
pour l’ouvrir.Mon cœur rate un battement : des livres.Mes livres. Ceux queDaniel avait abîmés lorsdenotrepremièredispute. Il n’enmanque aucun.Unbilletestglissédanslepremier.Jetelesdevais.Çam’aprisdutemps,désolé.Daniel.Mes larmes éclaboussent déjà le papier. Je remonte en vitesse dans ma
chambreetm’écroule,enpleurs,surlelit.À Thanksgiving, mon père a demandé à Daniel d’être bon avec moi.
Aujourd’hui,jevoudraisqu’ilsoitlàpourreprendresesmots.JeneveuxpasqueDanielsoitbonpourmoi,parcequec’estencoreplusdifficilequedeledétester.J’ai besoin de le détester pour l’évacuer de mon esprit et de mon corps.J’aimerais le transformer en punching-ball dans lequel je frapperais à grandscoupsdepoing.MaintenantqueDanielapostécepaquet,jenesaisplusquoipenser.Pendantquemamanpréparaitlesmacarons,notredîneracramédanslefour!
Ducoup,onacommandédessushis,c’estsympa.— Ton père adorait les sushis, murmure maman. Il avait travaillé dans un
restaurantjaponais,tulesavais?Tongrand-pèrel’avaitobligéàprendreunpetitboulot. J’ai rencontré ton père en allantmanger des sushis. C’est grâce à seséconomiesqu’ilalancéWood&Co.—C’estdrôle,moiaussi,j’airencontréDan…Et je raconte l’histoire du Kitchen Basilic à maman. Elle se tord de rire à
proposdelabouteilledechampagne.Mauvaiseidée,çamecoupel’appétitd’yrepenser.—Alex,çava?Tuescontented’êtrevenueici?—Biensûr,maman.Commentluiavouertoutelavérité,ellesortàpeinelatêtedel’eau…
—Danieladit àSimonqu’il irait auCharlizeMatsonShow,ce soir,meditCaraautéléphone.Zut,çam’intéresse.—Pourquoi?—Danielauraitdestrucsàraconter.Çanem’étonnepas, je le trouvesuper
reloudepuisvotre rupture. Il traînedans lesbars,pascommeavant, tout seul.Quandilesttropbourrépourconduire,ilappelleSimon.Tuluimanques,c’estsûr.—Ah.—C’esttoutcequet’asàdire?Tonfiancésemeurtd’amouretd’alcool,ettu
t’enfous?—Jeterappellequ’ilm’alarguée,Cara.—Ilt’aime,bouffonne.Jelesais.Simonm’appelle,n’oubliepasderegarder
latélécesoir.—Onverra.—Danielt’aaaaaaaime,Alex,OK?Clic. Raccrocher la première est devenu sa grande spécialité. Maman
débarqueaumêmemomentetmedemandedesnouvellesdeCara.Jeluimontreunephotod’elleavecSimon.Ensuite, chacune s’occupe de son côté, maman rate encore une recette,
j’avanceParavents.Lesoir,oncommandeunepizzapourchanger.Soiréetélé.
Mamanfaitdéfilerleschaînesaveclatélécommande.Soudain,ellesefige.—Quoi?—Regarde…Daniel,assisprèsdeCharlize,surleplateaudesonémission.—Bonsoir,amistéléspectateurs,vousl’aurezreconnu,notreinvitédecesoir
estDanielKerrington!Applaudissements, sifflements flatteurs de nanas hystériques. Daniel, en
costume noir, beau comme un dieu, est là. Maman me jette un coup d’œilinterrogateurpoursavoirsielledoitchangerdechaîne.Non,troptard.Jeveuxlevoir.—Raviedevousretrouverparminous,Daniel.Laforme?—Euh…oui.—Oh, j’aiunpetitdoute…Commentvavotrefiancée,Alexandria,n’est-ce
pas?Unejeunefemmecharmante.Ellenevousaccompagnepascesoir?—Non…cen’estpasfacile.Nousavonsdécidéderompre.Un cri de stupéfaction générale monte dans l’auditoire. Même Charlize
semblesurprise.— Mais… vous aviez l’air si amoureux il y a trois mois, sur ce plateau,
s’étonneCharlize.—Onjouaitlacomédie.Parobligation…parcontrat,ajouteDaniel.Bordel. Mais qu’est-ce qui lui prend ? C’est quoi ce sabotage en direct ?
PourquoiDanielannonce-t-ilàl’antennequenosfiançaillesétaientbidon?Ilestentrainderuinersaréputationetcelledesonpère,toutlemondevacomprendrequel’idéevenaitdelui.Çan’apasdesens.— Sacrée révélation, Daniel. Personne ne s’y attendait, lance Charlize, les
yeuxbraquésverslarégie.—Jesuisfatiguédementir,lâcheencoreDaniel.—Maintenantquevousavezcommencé,racontez-noustoutel’histoire.— Mon père a toujours désapprouvé ma vie sex… sentimentale. Il avait
besoinderedorermonimagepourfaireremontermacoteauprèsdesoncomitéexécutif.QuandilaapprisqueWood&Co.étaitauborddudépôtdebilanetquelespropriétairesavaientunefille,ilamontécettecomédie.—Lesfaussesfiançailles,vousvoulezdire.—Oui. Intelligent, n’est-ce pas : lesWood avaient besoin d’argent, etmoi
d’unenouvelle image.Alexétait lavictimecollatérale, elleaacceptépour sesparents… Les premières semaines de cohabitation, c’était l’enfer ! plaisantesoudainDaniel.Alexmedétestait!—Etensuite?Jenesaismêmeplussi jerespire.Lamaindemamanvientseposersurma
cuisse.—Ensuite,onaapprisàseconnaître.Plusonpassaitdutempsensemble,plus
jemesentaisbien…etelleaussi.—Vousêtestombéamoureuxd’elle?—Oui.Trèstrèsamoureux.Ellem’aaidéàchanger.Alexestmonâmesœur.
Mamoitié.Mamanmesecoue.—Danielestvraimentamoureuxdetoi,murmure-t-elle.Je ne réponds pas. Peut-être qu’il l’est,mais ça ne résout pas lemillion de
questionsquitournentenboucledansmatête.—Commec’estromantique,soupireCharlize.Danielsepencheverslacaméra.—Alex,j’espèrequetuesdevanttatélé.Jet’aime,chérie.Jesuisledernier
desconnards,parcequej’auraisdûteledireplussouvent:jet’aime,jet’aime.Jet’aifaitsouffrir,jesais,maisjeteprometsdetoutexpliquer.—C’étaitdanslescript,ça?murmureCharlize,gênée.—Quandtuasvouluquejeparleàmonpèrelesoirdubal,jeluiaiditque
j’étaisamoureux,quetuétaisleplusbeaucadeaudemavie,quejenevoulaisplusdecettefarcenidesaplacededirecteurgénéralparcequejesouhaitaisfairemaproprecarrière.Çal’arendufou,ons’estdisputés.Ettuasappeléparcequetonpèrevenaitdemourir…Daniel ferme un instant les paupières, comme si ce souvenir lui était
douloureux.—Ilyaeul’enterrement,tonchagrin…Unjour,ilatéléphonépourm’inviter
àdîner.J’aicruqu’ils’étaitfaituneraison,qu’ilétaitheureuxquej’aietrouvélafemmedemavie.Non,Alex:HarryKerrington,cetodieuxpersonnagequimetientlieudepère,m’aproposéunmarché.IlsavaitquetonpèreavaitdesdettesetquetamèreseraitécartéedesesfonctionschezWood&Co.Sijetequittais,ilvousaidait…Votreavenirfinancierétaitentremesmains,Alex.Monpèreavaitdeviné que j’y serais sensible. J’ai cru bien faire, je m’en mords encore les
doigts. Aujourd’hui, je sais ce que je veux. Que tu comprennes. Que tu mepardonnes. Que tu reviennes, Alex. Je suis fatigué d’obéir à mon père. Je lelaisseépongerseultoutelamerdequivatomberaprèsceshow.Charlizejettedesregardsaffolésverslarégie,legénériqueestlancé.Finde
l’émission.
Je hais la presse people. Lesmagazines à sensation rivalisent d’âneries dansleurs articles, idem sur Internet, où nos fiançailles de pacotille sont devenuesvirales.Quand jesors fairedescourses,onmereconnaît,des inconnusm’accostent,
desfemmesmeconseillentdesauterdanslepremieravionpourBoston«poursoutenircepauvreDaniel».Mêmemamèreachangéd’opinionsurluietparledeçatouteslestrentesecondes.Commesimaviesentimentaleétaitlesujetn 1surlaplacepublique.J’essayederesterzen–jesuisdevenuechampionneenyogamental–,mais
j’avouequeDanielm’obsède.Ilm’aimeetjenesaisplusquoifaire.Mêmesijecomprendssesraisons,jen’arrivepasàluipardonner.Ilauraitdûm’enparleraulieudedéciderseul.La nuit tombe, je suis dehors sur la balancelle de la véranda. Les étoiles
s’allumentuneàune.Mamanfaitlavaisselled’unairdistrait.Ellepenseàpapa,je le sens. Il me manque aussi. Je feuillette souvent les albums photos pourrevoirsonvisage.— Tu me laisses une petite place ? demande ma mère, que je n’ai pas
entenduearriver.—Biensûr.—Tucherchesdesréponsesdanslesétoiles?— Maman, ce que Daniel a dit pendant le show à propos de l’aide
financière…Oùestcetargent?
o
—Jel’airendujusqu’auderniercentime.Jecroyaissincèrementquetonpèrel’avaitmisde côtépour le casoùon serait endifficulté et que lenotaire étaitchargédel’annoncer…Encoreuneerreurdejugementdemapart.C’estHarryKerringtonquiavaitvirélasomme.Jeneveuxpasdesonargent,jesuiscapabledem’ensortir.—Jesuisfièredetoi,maman…saufqu’onn’aplusunrond!—Pourl’instant,oui,maisfais-moiconfiance,çaseradurlespremiersmois,
maisjevaisremonterlapente.—Nousallonsremonterlapente,jevaischercherunboulot,moiaussi.— Justement, ma puce, je voulais te parler de ça… Je n’aurais jamais dû
t’obligeràmesuivre.—Tunem’aspasobligée,j’aichoisidet’accompagner.—Etjet’enremercieencore,mapetiteAlex,maisc’étaitégoïstedemapart.
Jen’avaispasmesuréàquelpointtavieétaitàBoston.—Jesuistrèsheureused’êtreiciavectoi,maman.—Non,Alex,jenesuispasaveugle.Tun’espasheureuse,tuessayesjustede
mefaireplaisir.Maisjerefusequetutesacrifiespourmoi.—Tudisaisquetuavaisbesoindemoi?—Oui,j’aibesoindetoi,maisjevoisaussiquetuesunegrandefillequiale
droitdefairesespropreschoix.Etvivreicin’estpasletien,maislemien.TesamisdeBostont’attendent,Danielabesoindetoi.Jelesais.—Tucontinuerasd’allerbiensijerepars?—Oui,machérie.Etjeviendraiterendrevisitedèsquejepourrai.—J’aipeur.Mamansortuneenveloppedesontablier.UnallersimplepourBoston.—Merci.J’aipeurquandmême.—Jesais,mafille,maistuyverrasbientôtplusclair.
Mondépartétantdansunesemaine,onenprofiteàfondpourêtreensemble
avec maman. Grandes balades pieds nus dans le sable, sur la promenade enmangeantdesglacesoudesgaufres,baptêmedeplongée, rollers,ons’incrustemême à un mariage sur la plage ! Ce qui est sûr, c’est que ma mère va memanquer.Lederniersoir,ondiscutelongtemps.
—Jemesuistrompéesurcegarçon,Alex.Ilt’aime.—Ilm’aaussiprofondémentblessée,jemurmure.Jenerentrepaspourlui,
maman,maisunepartiedemoiestvidesanslui.—Danielressentsûrementlemêmevide,machérie.—Peut-être,maisjenesuispasencoreprêteàlerevoir.J’aibesoindetemps.—Jesuispersuadéequetutrouveraslasolution.Lelendemainmatin,jesuisdansl’avionduretour.
Àlaminuteoùj’apparaisdanslehalldesarrivéesavecmesbagages,Caramesautedessus.—Bouffonne, je suis trop, trop contente que tu sois rentrée !Neme refais
plusjamaisça!—Salut,Cara,toiaussitum’asmanqué!—Plusjamais,pigé?Simons’avanced’unpas.—Hum,salut,Alex.Moiaussi, je suisheureuxde tevoir.Caravapouvoir
retrouversonétatnormal!—Ah,ah,çan’apasdûêtredrôletouslesjours,j’imagine!Onéclatederire.Simonm’aideavecmesbagagesjusqu’àlavoituredeCara.
Elle s’assoit derrière avec moi pour qu’on puisse papoter, Simon fait lechauffeur.Ellemeracontelafac,lescours,lesdevoirsàrendre,j’aidupainsurlaplanchepourrattraper.Caram’a proposé de réintégrer son appart, comme en début d’année,mais
cette fois-cima part de loyer repose entièrement surmes épaules. Je doismetrouver rapidement un petit boulot. Une fois mes affaires rangées – le restearriveraplustarddeCalifornie–,jem’écrouledanslecanapéprèsdeCara.—Finilescartons,jeseraigrand-mèrequandjepartiraidecheztoi!— J’avoue ! Trois déménagements en cinq mois, c’est beaucoup, s’amuse
Cara.Tucomptesfairequoi,maintenant,mabelle?
—Prendreunbain.—Non,idiote:tavieici,tulavoiscomment?—Euh…IlfautquejetrouveunjobprèsduBostonCollege,déjà.—Jeconnaisunendroitoùilsrecrutent…situessage,ilsm’ontdit.Jeleur
aitéléphoné,ilssontd’accordpourtedonnerunesecondechance.—Non!C’estvrai?—Oui!LeKitchenBasilict’attend.
Surlecoup,çam’aparufantastique,maintenantquejesuisfaceaugérantqui
m’aviréel’étédernier,unesueurfroidedégoulinelelongdemonéchine.Aprèsm’avoirfaitpromettredeneplusjamaismemêlerdesaffairesdesclients,ilmeréembauche.Jecommencesur-le-champ.Ensortantdesonbureau,unevoixfamilièremefaitsursauter:—Hey,revoicinotreAlexnationale!—Marianne!Tropcontentedereprendreleserviceavectoi!Elle me donne des nouvelles de ceux qui ne sont plus là, puis me pose la
questionquiluibrûleleslèvres:—J’aivuleCharlizeShow,jeveuxtoutsavoir,Alex!Commentt’asréussià
chopertonpireennemi?Tropforte!Laroutinefac-bibli-boulotrevientvite.JeparsavecCaralematinpuisqueje
n’aiplusdevoiture,jedéjeuneparfoisavecelleouavecNate–quiestbeaucoupmoinsdisponiblemaintenantqu’ilestencouple.Maisc’estsympaquandmême,ilmedonnedes conseils pour améliorerParavents. Le reste du temps, je suisseule.J’aimebien,jemedemandesouventcequemonpèredirait,jepenseaussiàDaniel.Iln’ajamaischerchéàmecroiserniàmecontacterdepuismonretour.Ilasansdoute réaliséque leCharlizeShowavaitétéuneerreurmédiatiqueetque, loin des caméras, ses sentiments pour moi n’étaient pas si ardents qu’ill’avaitprétendu.Aprèslescours,CaramedéposeauKitchenBasilicpourmonservicedusoir.Le restaurant est bondé en ce vendredi soir, j’ai à peine le temps de saluer
Marianne.Ensuite,oncourtd’une tableà l’autrepourprendre lescommandes.Auboutd’uneheuredecerythmeinfernal,Mariannem’interrompt:—Alex,tupeuxassurerdemoncôtécinqminutes,s’ilteplaît?
Jesoupire,maisc’estmaboss.—Table15,ilfautluiresservirduchampagne.Etelledisparaît.Jemedépêched’yallerpournepasmemettreenretardavec
mestables,j’attrapelabouteilleplacéedansleseauàglace,concentréesurmesgestespournepasmouillerlanappe.—Unpeuplusdechampagne?—Oui,situneleversespassurmatête.Jelèvelesyeuxetrencontreunregardbleuélectrique.C’estleblancdansmonesprit.Labouteillem’échappedesmainsetsebrise
surlecarrelage.
Je ne sais pas combien de temps je reste face à lui, stupéfaite. Je me fiched’avoir gâché un champagne millésimé ou que Daniel me prenne pour unedemeurée.Çatourneenboucledansmatête.C’estlui.C’estvraimentlui.DanielKerringtonenchairetenosetencostard,celuiqu’ilportaitàlafêtede
nosfiançailles,lorsquej’aidansédanssesbras.Sesyeuxn’ontjamaisétéaussibleus, aussi remplis de lumière. Il se lève précipitamment pour essayer deramasserlestessonsdebouteille.Jemesecoueenfinetmarmonne:—Jem’enoccupe.Il règned’abordun silencedemortdans la salle, suivid’unbruissementde
chuchotis.Onnousreconnaît.Jecourschercherdequoinettoyer.Danielnemequittepasduregard,jesombreànouveaudanslabanquisedesesyeux.Jesuisperdue.Perdueenlui.Saprésencem’anéantit.Je me jette à quatre pattes pour éponger le sol, ça m’occupe et j’évite de
croisersesyeux.—Laisse-moit’aider,Alex.Jefrotteencoreplusfort.—S’ilteplaît.Lepatronnousobserve,j’ensuiscertaine.Alex,zénitudeabsolue,tulepeux.—Chérie,écoute-moi,s’ilteplaît.Chérie,chérie,chérie.
—N’approchepas…jet’ensupplie…pasmaintenant.Je repars en courant, la vue brouillée par les larmes, le souffle coupé.Mon
Dieu,jesuistoujoursaussipathétique.MéthodeCoué,Alex:respire,bloquetoncerveau, Daniel n’existe pas, Daniel n’existe plus, il ne temanque pas, il estimpardonnable,tunel’aimesplus,tunel’asjamaisaimé,iln’estpasvenupourtoicesoir,c’estunhasard,unecoïncidence.—Alex?Danielestdevantmoi,anxieux,lefrontplissé.Ilveutjustevérifierquetoutva
bienavantdepartir.—S’ilteplaît,Alex,jenesuispaslàpourtefairedumal.—C’estdéjàfait…—Tuasregardél’émission?—Biensûr.Toutel’Amériquel’avue…—J’emmerdelesautres,Alex,tueslaseulequicompte.Danielesttoutproche,àquelquescentimètres,sansmetouchermaisattentifà
mesmoindresréactions.—Toutceque j’aiditétaitvrai,Alex.Jevoulaisque tusachescequemon
pèrem’avaitforcéàfaire.—Jesais.—Jel’aifaitparcequejet’aimais,chérie.Jenevoulaispastequitter,çaaété
unedesépreuveslesplusduresdetoutemavie.Lemondes’estécrouléquandtuespartie.Jenemangeaisplus,jenedormaisplus.Jetevoyaispartout.Chaquematin,lorsquejeréalisaisquetun’étaispaslà,jeretombaisencoreplusbas.—Etmoi, tucroisque j’aivécucomment,Daniel?Tuhantesmes jourset
mes nuits. Jeme sens détruite, blessée jusqu’au plus profond demon être. Jen’arrive pas à oublier les mots que tu as prononcés pour me chasser dupenthouse.—Jevoulaisvousmettreàl’abridubesoin,tamèreettoi.Rappelle-toi,elle
refusaitdebosser,Wood&Co.partaitàladérive.J’aipenséque…—C’étaitàmoidechoisir,Daniel!jehurle.Tun’avaispasledroitdelefaire
dansmondos!— Alex, essaye de me comprendre : je voulais te protéger. C’est la seule
manièrequejeconnaispourtemontrermonamour!Soncriducœurmelaissesansvoixdurantplusieurssecondes.Jen’aijamais
penséàça…—Maisjen’aipasbesoinqu’onmeprotège,jebafouille.Daniel avance samain versma joue pour la caresser très doucement. Je ne
l’enempêchepas, aucontraire, je ferme lesyeuxpourmieuxsentir lachaleurquiirradieenmoi.—J’aieutort,Alex,jelesais,mais,situavaisétéàmaplace,tuauraisfait
quoi?—J’auraiscommencépart’enparler.—Monpèrem’afaitchanteravec lespiresmenacesquisoient,Alex :si je
n’obéissais pas, il détruisait tout ce qui vous concernait, de près ou de loin.Uniquementparcequ’ilétaitjalouxdemonamourpourtoi.—Ilestmalade.—Oui, rongéde l’intérieur.Mais j’enaieumarrequ’ilcontrôlemavie.Tu
m’as appris à faire face, Alex, alors j’ai fini par passer à l’action grâce auCharlizeShow.Jevoulaisquemonpèresouffreautantquemoi.—Ilaréagicomment?—Mal…J’aidemandéàêtreémancipé.JenesuisplusliéàHarryKerrington
etàsonempire.Sesdoigtsdescendent,enveloppentmanuque.—JesuisjusteDaniel,chuchote-t-il.—JusteDaniel.Nosregardss’accrochent.—Caradisaitque tu reconstruisais tavieenCalifornie, loindemoi, jen’ai
pasoséappeler.—J’aidaismamère.—Quandj’aisuqueturentrais,j’étaisfoudejoie,maisjen’aitoujourspas
osémemontrer.—Tuasenfinosé,jemurmure.Danielprendmonvisageencoupe,posesonfrontsurlemien.—Jesuisdésolé,Alex,profondémentdésolédet’avoirmaltraitée,rejetée.Tu
sais que je fais des erreurs, je ne suis pas parfait, mais, si je suis venuaujourd’hui, c’est parce que j’espère que tume pardonneras. Si tu refuses, jecomprendrai,ettun’entendrasplusparlerdemoi.
Gloups.Sesyeuxfouillentlesmiensàlarecherched’uneréponse.—Çan’a jamaisété facilepournousdeux,et la suite serapeut-êtreencore
difficile,maisjesuisprêtàmebattrepourtoi,pournousdeux.Jet’ensupplie,réponds-moi,Alex.Jenetrouvepaslesmots.Toutcequ’ilvientdedéverser,lahainedesonpère,
l’émancipation,sonamour…toutestsicompliqué.Jedoisd’abordréfléchir.—Je…Jedoisretournerensalle.—Quoi?—S’ilteplaît,laisse-moiletempsd’ypenser.Danielrecule,meurtri.—Onsereparlequandj’aifini?—Oui…jet’attends.Ilal’airsiabattu,avecsesmainsdanslespoches,quesadétressemetouche.—Àtoutàl’heure,Daniel.Jereviens.—J’espère…Sinonj’auraitoutperdu.
Quandjeretourneensalle,Marianneestrevenuedesapause.
—Toutvabien?s’inquiète-t-elle.J’aivucequis’estpassé.—Fauttoujoursquejemedonneenspectacle,jegrommelle.—Oui, j’aivu.Lepatronaussi, ajoute-t-elled’unair embêté.Vousavezau
moinsmisleschosesaupoint,Kerringtonettoi?Comment répondre à cette question, je l’ignore encore. Je sais que j’aime
Daniel de toutesmes forces,mais ilm’a aussi fait beaucoupdemal.L’amourpeut-iltoutpardonner?—J’espèreteledirebientôt,Marianne.—Jecroiselesdoigts,mabelle!Jereprendsmonserviceencourantàdroiteàgaucheentrelestables.Daniel
estprèsde l’entrée,engrandeconversationavecmonpatron.J’ai l’impressionqu’il essaye de redorer mon blason. Nos regards se rencontrent, je lui souristimidement.Sonvisages’illumine,cequimeréchauffelecœur.Dèsquej’aifini,jefilemechangerauvestiaire.Monportableclignote.C’est
Caraquialaisséunetonnedemessagesénervésparcequejenedécrochaispas.Elles’imaginequejetricotependantleservice?Jelarappelle.—Enfin!—Cara,jen’aipasledroitderépondrequandjebosse,tupiges?—Ons’enfout,j’aiuntruchyper-importantàtedire.—Quoi?
—DanielvavenirauKitchenBasilic!—Ilestici.—Ettunedisaisrien?Jetedéteste!—Situmelaissesparler,peut-êtreque…—JETELAISSEPARLER!!!Qu’est-cequ’iladit?Ilt’aime?Ilva…—Danielm’attend.—Putain,ilteraccompagne?—Vuquetun’espaslàetquejen’aipasdevoiture,jesupposequeoui.Carasecalmeenréalisantqu’elleaoubliédevenirmechercher.—Oups!Désolée,Alex.Tuprometsdemeracontertout,tout,toutdèsquetu
serasrentrée,n’est-cepas?Promis,juré,craché?—Onverra,salut,Cara.—Quoi,tumeraccrochesau…Clic.Ouf.Elleétaittropdéchaînée.Jesorsparl’arrièredurestaurantetrejoins
Daniel,quiattendsurleparking.Ilseredresseenentendantmespas.—Ilfaitfroid,jeteramène,Alex.—Jenedispasnon.Il est garé plus loin, onmarche côte à côte et en silence. J’ai une furieuse
envied’enlacermesdoigtsauxsiens.Daniels’arrêteàlahauteurd’unevoiturequejeneconnaispas.—Tuasvendul’ancienne?—J’avaisbesoind’argent.J’assureleloyerdupenthouse,maintenant.—Tuyhabitestoujours?C’estunpeugrandetcher,non?— Tu veux vraiment savoir pourquoi je vis toujours là, Alex ? Parce que
j’attendsquetureviennes,chérie.Je rougis.Voilà, je suis toujours aussi pathétique et guimauve, comme fille.
Danielm’ouvrelaportièresansfairedecommentaire,ilseglisseauvolant.—JeteramènechezCara?—Euh…non,cheztoi.C’estdit,jenepeuxpluslereprendre.Danielexulteenfaisantrugirlemoteur.—C’estparti,madame!Ilnecessede jeterdespetitscoupsd’œilversmoipendant le trajet,comme
pours’assurerquejenedisparaispasdemonsiège.—Tumesurveilles!—Jetetrouvesublime.L’airdeCalifornie?—Toiaussi,tuaschangé,Daniel.—Heureusementquetunem’aspasvuaprèstondépart…J’étaisuneloque.—Moiaussi…Mercipourleslivres,aufait.Tun’étaispasobligé.— Si. Tu y étais tellement attachée, et moi, j’avais besoin de me faire
pardonner.Jepensaisauplaisirquetuauraisenlesretrouvant.—ÇaveutdirequejedoisteracheteruneLambo!—Non,ilyaCordy!—Cordy?—Cordy,manouvellecaisse,quim’emmènelàoùjeveuxaller!—Tuasvraimentvendul’autre?—Oui,jesuislibreetémancipé,jenedépendsplusdemonpère.Jeposemamainsurlasiennepourluimontrerquejesuisfièredeluietqu’il
aprislabonnedécision.UncourantélectriquemetraverselecorpsquandDanielenlace ses doigts aux miens. Notre complicité commence à refaire surface,chacundenousgoûtecesinstantsdebonheursimple.Remettrelespiedsdansl’appartementestunchoc,carrienn’achangédepuis
mondépart.Jesuispresqueintimidée.Daniellesentetréagitaussitôt.—Pancakes,chérie?—D’accord.Je le regarde sortir ses ustensiles, verser la pâte dans la poêle, surveiller
attentivementlacuisson.—Miam,tespancakes,çam’amanqué,jemurmure.Ilnoussertdeuxassiettesets’installeenfacedemoi.Unvrairégalavecdu
siropd’érable.Une foisnotre encas terminé, lemomentdediscuter est arrivé.Danielplantesesyeuxdanslesmiens.—Tuasréfléchiàcequejet’aidit,Alex?Sonpoucecaresselecarrédepeausousmonpoignet.—Tum’asénormémentmanqué,Daniel,iln’yaaucundoute…maisceque
tum’asfaitsubirétaithorrible.Nedécideplusjamaisdansmondos,sansm’enparler.Tuascruagirpourmonbien,tuaspenséquel’argentferaitmonbonheur,
alorsqu’enréalité,aprèslamortdemonpère,c’étaitdetoiquej’avaisbesoin.Tuétaislà,tum’aidais,ettoutd’uncouptum’asrejetée.—Jesuisdésolé,Alex,désoléàunpointquetun’imaginesmêmepas…—Moiaussi,jesuisdésolée.Onfaittousdestrucsstupidesdanslavie,donc
jevaisarrêterdet’envouloirpourça.Cequiestfaitestfait.Letrucpositifdanscettemélasse,c’estque,sijen’étaispaspartieenCalifornie,jen’auraisjamaiscommencéàsurmonter lamortdemonpèrenicompriscequ’était lavie sanstoi.Danielreprendespoir,jelelisdanssesyeux.—Ettusaisquoi,Daniel?Laviesanstoi,çacraint.—Sérieux?—Archi-sérieux.Danielsedétendenfin,éclatederire,exécuteuneincroyabledansedelajoie
(et casse une assiette par inadvertance) puism’attrape dans ses bras pourmefairetournerenl’air.Ilm’amanqué,tellementmanqué.— Alex, j’ai besoin de savoir : est-ce que tu m’aimes ? J’ai besoin de
l’entendre.—Oui,jet’aime!Jet’aime,jet’aimeàlafolie!J’aimetoutcequifaitdetoi
monDaniel.Maintenant,embrasse-moi,idiot!—Moiaussijet’aime,chérie.Cettefois-ci,enfin,noslèvres,nossouffles,noscorpssefondent,noscœurs
battentàl’unisson,sifortqu’ilsrésonnentdanslacuisine.Salanguevientàlarencontre de la mienne, ses mains caressent ma peau, je respire la sienne, jepuisesachaleur,ilmegoûte,mepressecontrelui,c’estsibon,lesretrouvailles.J’éclatederireenpensantàcequinousattend.—Qu’est-cequitefaitrire,chérie?—Toietmoi,onestcomplètementdingues!—Dingues,maisamoureux!
Huitmoisplustard
—Vousêtessûrd’avoirréservé,monsieur?demandeMarianne,amusée.Le monsieur en question a un sourire jusqu’aux oreilles. Sa joie n’est pas
destinéeàMarianne,maisàlafillependueàsonbras.Moi.—Marianne,jet’aiditquejeprenaismasoiréepourqueDanielm’emmène
dîner.Monamieéclatederireetattrapedeuxmenus.—Jet’imitais!TufaisaispareilquandDanielramenaitsescopineslesamedi
soir.—Rienàvoir!s’exclameDanielenm’attirantcontrelui.Je deviens aussi rouge que ma nouvelle tenue – une robe-bustier dont
l’encolure est brodée de perles – achetée pour l’occasion. Je suis trop bellededans!—LatabledeM.etMmeKerrington,alors?Qu’est-cequ’ellenouschante?Onn’estpasmariésnifiancésenvraioupour
defaux!Mariannesedécideenfinànousconduirejusqu’ànotreplace.Danielcommande les spécialités du Kitchen Basilic et du champagne (le même queceluiquej’avaisdéversésursatête).DèsqueMarianneestrepartie,ilm’attrapelamainetmeregardelangoureusement,unvraicocker!
—Mercid’êtrelà,chérie.Tubossesenpermanence,onn’aplusletempsderien.C’est dur de se réveiller dans un lit froid et de prendre des douches toutseul…J’avoue qu’il n’a pas tort, je n’ai pas été très présente ces derniers mois :
Paravents va être publié prochainement. J’avais envoyémonmanuscrit à unemaisond’éditionsans tropycroireet,moinsdedix joursaprès, je recevaisuncoupdefilpourunrendez-vous.Ensuite,touts’estenchaîné.Sima vie est transformée aujourd’hui, c’est aussi – et beaucoup – grâce à
Daniel.Lorsquenousavonsréaliséquenousnepouvionspasnouspasserl’undel’autre,nousavonsrecommencéàzéro.Surdemeilleuresbases.Lentementmaissûrement,nousavonsreconstruitnotrecouple,etcelaenvalaitlapeine,Danielenvautlapeine.Lesmédias, lespaparazzisont finiparnous laisser tranquillesquand ilsont
comprisquenousétionsvraimentamoureux. Idempour lepèredeDaniel,quin’avaitplusaucunmoyendepressionsursonfils.Audébut,çan’apasétérosepourDaniel, iladûapprendreàsedébrouiller
sanspistonpourdécrocherduboulot,perdreseshabitudesdefilsàpapanéavecunecuillèreenargentdanslabouche.Maisilyestarrivéentrouvantuntravaildansunbar.Daniels’estrévélétrèsdouépourinventerdescocktailsetvirerlesalcoolos bruyants ! Il économise pour acheter sa propre affaire, un bar qu’ilcomptebaptiserEva,leprénomdesamère.J’aitoutdesuiteadorésonidéedebaraveckaraokélesweek-endsetguitareensemaine,parDaniellui-même.Lesfillesraffolentdeses interprétations.Jem’enfiche tantqu’ilcontinuede jouerpourmoi.—Mercid’avoirétépatient,Daniel,lelivreseraenlibrairiedansdixjours.Je
reviens!—Tantmieux.Àmontourdeprofiterdetoi,chérie.Nosplatssontservis.Danielmeparledesonprojet,deSimonquivabientôt
demanderàCarad’emménagerchezlui.Ilparaîtqu’ilestmortdetrouille,parcequemonamiepourraitconsidérerquec’est«troptôt».Biensûr,Danielsoutientson pote et moi je trouve que Simon prend trop de précautions, commed’habitude.Onsetaquinepourlaforme,onboitduchampagne,ons’embrasse,on rit, la soirée passe comme un rêve. Marianne vient nous prévenir que lerestaurantferme.—Ilestdéjàsitard?s’exclameDanielenvérifiantsamontre.Zut,jevoulais
t’emmenerquelquepart.
—Oùça?—Tuverras.—Alleeeeeez!Danielmeregardeenriant,maisnelâcherien.Auboutd’unquartd’heurede
voiture,ilsegareenbasdel’immeubleoùhabiteSimon.Danielsortuneclédesapoche,meprendparlamainetm’entraînejusqu’auquatrième.Unétageau-dessusdechezSimon.Ilouvrelaported’unappartement.J’entredansunepiècevideauxmursclairs,baignéeparlesrayonsdelune.—Onestoù?Jesenssanervosité,ilmecachequelquechose.—Daniel?—Euh…Enfait,jecroisque…j’aiachetécetappart.—Acheté?Maispourquoi?—Parcequ’on continuedevivredans lepenthousedemonpère.Onades
souvenirs,c’estvrai,maispastousbons,alorsjevoulaisqu’onredémarrecheznous.Daniel,monamour.—JepensaisquetuéconomisaispourlancerEva?—Oui.Maisçaaussi,c’étaitimportant.Jedevaislefaire.—Jesuissuperheureuse,maistun’étaispasobligé,Daniel.—Si.Parcequejevoulaisaussit’offrirceci,cheznous.Danielplongelamaindanssapochedevestepourensortirunepetiteboîte.
Moncœur s’emballe. Jedevinecequ’ilya à l’intérieur.Daniel l’ouvreetmeprésenteunanneaud’orsurmontéd’undiamant.Sesyeuxbleusjubilent.Jesensdéjàdeslarmesmepicoter.—Ladernièrefoisquejet’aioffertunebaguedefiançailles,c’étaitratésur
toutelaligneet jenel’avaismêmepasachetéemoi-même.Jeregretterai toutemavie de t’avoir fait dumal,Alex,mais jamais de t’avoir rencontrée.Tumecombleschaquejourunpeuplus.Jet’aime,chérie.Vousvousendoutez,jepleure.—Tuesentréedansmaviecommeunetornade,tuasrenversélesmursqui
m’entouraientenfaisantl’effortdemecomprendre.Danielmetungenouàterre.
—Je t’aime,chérie.Je t’aimaisdéjàquand tuasdéverséduchampagnesurma tête,quand tum’asenvoyéuncoupdegenou làoù jepense,quand je t’aiembrasséelapremièrefoisetquetuétaisrougecommeunepivoine.Jet’aimeàla folie,pour toujoursetplusencore, et jeveuxpasser le restedemavieà teconvaincrequetuesfaitepourmoi.Toi,mamoitié.Alex.Jepleureàchaudeslarmes.Danielserelèvepourmeserrerdanssesbras.—Chérie,dis-moiquetuesd’accordpourtemarieravecmoi.—Ouiiiii!Oui,jesuisd’accord!Onsemarie!Jet’épouse!Soulagé,Danielsedétendpuismepassesajoliebagueaudoigt.—Elleestparfaite!s’exclame-t-il,fierdesonchoix.—Oui,elleestparfaite.Jet’aime,Daniel.Monfiancéofficielm’enlacepourunlongbaiserquim’électrisedelatêteaux
pieds.L’instantestmagique,unevraiescènedecinéma,dubonheuràl’étatpur.— Tu crois qu’on pourrait inaugurer l’appart ? murmure-t-il avec
gourmandise.—Oui,jecrois,monsieurmonfuturmari!Daniel se jette sur moi, j’éclate de rire. Nos vêtements volent à travers le
salon, ma robe, sa chemise, ses chaussures, mes talons, son pantalon, monsoutien-gorge,soncaleçon,maculotteendentelle.Onattrapelacouverturequitraîne dans un coin, puis on prend le temps de s’aimer longuement,passionnément,ensavourantchaqueminutedecettesoiréemagique.Commesic’était lapremière foisdenotrehistoire.Danielestattentifàmesdésirs, ilmecaresse avec délicatesse, va et vient en moi, crie mon nom puis s’écroule,heureux et épuisé. Je cale ma tête sur sa poitrine, j’écoute son cœur quitambourineetj’admiresabague.—Cettefois-ci,c’estpourdevrai,jemurmure.—Pourdevrai,oui.—Etonfaitquoi,maintenantqu’onestvraimentfiancés?— On s’occupe de notre mariage, chérie ! J’aimerais que ce soit en juin,
quandilferabeau…Huitmoisàattendre.—T’inquiète,cen’estpassilong.Ceseraunsupermariage!—Tamèreadéjàpleind’idées, ellem’enaparléquand je lui aiditque je
faisaismademandecesoir.Elleyréfléchitdepuisqu’ons’estremisensemble.—Dommagequepapanesoitpluslà…
—Oùqu’ilsoit,tonpèreestfierdevoirquituesaujourd’hui,Alex.—Etheureuxquej’aietrouvéunmeccommetoi.Danielm’enveloppedanssesbras,seslèvrescherchentlesmiennes.—Vivementquejet’épouse,AlexandriaWood.—Et qu’on continue de se disputer, de se réconcilier et de s’aimer encore
longtemps,DanielKerrington.—C’estcequidonnedupepsànotreamour,chérie.Tantquejeseraiavectoi,
toutirabien.Sesmotsme vont droit au cœur, je fonds comme une guimauve, j’ai de la
chance d’avoir rencontré l’homme dema vie.Ce n’était pas gagné au départ,nous avons traversé des épreuves, mais aujourd’hui Daniel est mon oxygène,monindispensable.Nous aurons des hauts et des bas comme tous les couples,mais je sais que
noussurmonteronslesobstaclesparcequesoncœurm’appartientetquejeluiaidonnélemien.