Upload
adra-artotheques
View
300
Download
39
Embed Size (px)
DESCRIPTION
Etude préalable au projet de création d'une artothèque
Citation preview
1
Conservatoire National des Arts et Métiers / CESTES
Centre régional Nord-Pas de Calais
Diplôme de manager d’organismes à vocation sociale et culturelle
Création d’une artothèque dans la région Nord-Pas de Calais :
un nouvel art à vivre et art de vivre pour la région
Etude préalable au projet de création
Clotilde Lacroix
Promotion n°3 : 2006-2008
Responsable atelier : Christophe Simone
Mémoire soutenu en décembre 2008
2
Remerciements
Je remercie Christophe Simone, intervenant au sein de l’ARCNAM Nord-Pas de
Calais pour son accompagnement et ses conseils tout au long de la formation.
J’exprime ma profonde reconnaissance à Catherine Texier, directrice de l’artothèque
du Limousin ainsi qu’à son collaborateur, Olivier Beaudet, chargé des relations avec les
publics, qui m’ont très chaleureusement accueillie au sein de leur structure avec le souci de
partager leur expérience professionnelle et de transmettre le sens de leur engagement.
Je souhaite témoigner ma gratitude à Hélène Decaudin, présidente de l’Adra
(Association pour le Développement et la Recherche sur les Artothèques) pour l’intérêt
qu’elle porte à ce travail et l’aide apportée dans le recueil des données.
Je tiens également à remercier les nombreuses personnes interviewées au cours de
cette recherche ainsi que tous les responsables d’artothèques, pour le temps qu’ils m’ont
consacré et sans lesquels ce travail n’aurait pu voir le jour : Christine Achard, Karinne
Bouchard, Lucie Cabanes, Anaïs Coenca, Michèle Dollmann, Mireille Duret, Maxime
Gaetner, Aurélie Gatet, Estelle Guichard, Jeannine Laroudie, Joëlle Lebailly, Françoise
Lonardoni, Anne Peltriaux, Jean-Christophe Radke, Géraldine Reynier-Gagnard, Valérie
Sandoz, Claire Tangy, Isabelle Tessier ; sans oublier Caroline Coll-Seror qui a eu la
gentillesse de me communiquer les résultats de son étude.
Mes remerciements vont enfin à toutes les autres personnes rencontrées lors de mes
travaux ainsi qu’à Isabelle Caniot pour son précieux soutien.
3
Sommaire
Introduction p.5
I. Arto…quoi ?! p.10
I.1 Perception et réception de l’art contemporain p.10
I.1.1 Quand l’art fait débat p.10
A. Un art pluriel, difficile à cerner p.10
B. Présence et perception de l’art contemporain p.13
I.1.2 Les publics de l’art contemporain p.17
A. Analyse sociodémographique p.17
B. Analyse des motivations p.20
I.2 Les artothèques en France p.23
I.2.1 Le concept p.23
A. Rappel historique p.23
B. 26 ans après : une mission commune pour une multitude de projets p.26
et d’expériences
C. La structuration du réseau p.33
I.2.2 L’exemple du Limousin :
l’artothèque comme outil d’aménagement du territoire p.34
A. Un ancrage régional unique en France p.35
B. Un fonctionnement hors les murs, créateur de nouveaux liens avec la p.41
population
I.2.3 Portées et limites de l’action des artothèques p.44
A. Un outil de diffusion et de sensibilisation original p.44
B. Un équipement fragile en quête de reconnaissance p.51
C. La question des publics et de l’impact de l’artothèque p.56
4
II. Analyse du paysage culturel du Nord-Pas de Calais p.62
II.1 Méthodologie suivie p.62
II.2 Panorama des acteurs de la région en arts visuels et p.64
création contemporaine
II.2.1 Quelques repères sur le territoire p.64
II.2.2 Les acteurs en présence p.66
A. Identification p.66
B. Répartition sur le territoire p.71
C. Premières pistes d’analyse p.73
II.3 Etude des publics p.77
II.3.1 Les particuliers p.77
A. Méthodologie suivie p.78
B. Principaux enseignements p.80
II.3.2 Les autres publics p.87
III. Quelles perspectives pour la région et au-delà, p.89
d’avenir pour les artothèques en France
III.1. Sur le plan régional : quelles conditions d’implantation p.89
III. 1.1 Analyse des atouts, faiblesses, opportunités et menaces de
l’environnement dans le domaine des arts visuels et de la création contemporaine p.90
III.1.2 Les facteurs clés de succès p.92
II.2 Sur le plan national : une expérience pilote ou une espèce en voie
d’extinction ? p.97
Conclusion p.101
Bibliographie p.104
Annexes p.106
5
Introduction
Et si on pouvait emprunter des œuvres d’art à installer chez soi, juste pour le plaisir de
pouvoir les contempler au fil des jours, de prendre le temps de la découverte en tête à tête ou
de partager son émotion avec des proches…
Et si on pouvait emprunter des œuvres d’art pour élargir le champ de son regard,
s’interroger et fertiliser son imaginaire…
L’idée, bien que très séduisante, pourrait sembler hasardeuse ou du moins atypique.
C’est pourtant une réalité pour les abonnés des quelques dizaines d’artothèques en France qui
proposent le prêt d’œuvres comme on le fait d’un livre ou d’un disque. Au fil des emprunts,
l’œuvre circule et voyage de lieux en lieux. Elle prend place sur les murs d’un salon ou d’une
chambre, dans les couloirs d’une école, dans le hall d’entrée d’un hôpital, dans un bureau ou
encore une salle de réunion. Chaque nouvel accrochage augure de nouvelles possibilités de
rencontre avec les passants ou les hôtes qui les accueillent, d’un nouveau dialogue.
Aujourd’hui, quelques milliers d’œuvres d’art contemporain sont rassemblées au sein des
collections des artothèques afin d’être partagées par tous les publics : particuliers, scolaires,
collectivités et entreprises. L’artothèque propose ainsi d’expérimenter de nouveaux rapports
entre population, art et territoires.
Problématique
L’objet de ce mémoire porte sur la situation des artothèques en France, pour tenter
d’en comprendre les réalités et les enjeux afin de s’interroger, par la suite, sur les conditions
de mise en œuvre de ce type d’équipement dans le Nord-Pas de Calais.
Cette recherche, qui s’inscrit en amont d’un projet de création, porte sur la capacité de
l’art contemporain à exister et à être reçu hors des espaces qui lui sont traditionnellement
dévolus, c'est-à-dire hors des circuits conventionnels. Elle répond également à l’envie
d’investir de nouvelles sphères, notamment dans les domaines domestique et professionnel
6
pour imaginer d’autres formes d’appropriation et de collaboration entre les personnes et l’art
contemporain.
Alors que le secteur culturel, et notamment le secteur muséal et patrimonial, a connu
de profondes transformations ces quarante dernières années, engendrant une fréquentation
accrue des lieux d’exposition, qualifiée par certains de véritable « ruée vers l’art », de
nombreux Français, en province comme à Paris, ne se sentent absolument pas concernés par
ces pratiques dites « cultivées » que les politiques publiques de la culture s’efforcent de
démocratiser, portées par l’ambition d’égalité d’accès de tous à la culture. Cette fracture ou du
moins ce malaise, pointé par le consultant Jean-Claude Wallach dans son ouvrage « La
culture, pour qui ? »1 prend un sens aigu quand il s’agit d’art contemporain. Réputé difficile
d’accès, cet art perçu comme élitiste semble réservé à une frange infime de la population.
Dans ce contexte, comment appréhender l’action des artothèques qui, à travers le
système de prêt, permet de nouer un lien direct avec une œuvre d’art et d’établir ainsi sa
propre vision de la création contemporaine ?
Que nous proposent-elles ? Avec quels moyens ? Comment se différencient-elles des autres
outils de diffusion de l’art contemporain au service des publics ? En quoi questionnent-elles
notre rapport à l’art ? Quel type de médiation mettent-elles en œuvre ? Quels publics
touchent-elles ? Avec quels effets et quels impacts ? Comment cette idée s’est elle développée
sur le territoire, avec quel succès, mais aussi quelles difficultés ?
Développé en France dans le début des années 1980, le concept d’artothèques,
largement méconnu du grand-public, renvoie à une réalité multiple : équipements publics
adossés à une autre structure (bibliothèque, centre culturel, école d’art…) ou autonomes, mais
aussi artothèques privées, constituées en association ou en entreprise. Si la plupart d’entres
elles poursuivent une mission de service public, animées par le projet pédagogique de
sensibilisation et de transmission de l’art contemporain pour le plus grand nombre, des
structures privées voient également le jour et développent une activité marchande autour de la
location d’œuvres en direction d’une clientèle bien ciblée. Le terme artothèque ne définissant
1Jean-Claude WALLACH, La culture, pour qui ? Essai sur les limites de la démocratisation
culturelle, Paris, Editions de l’attribut, 2006
7
pas un type d’équipement unique, au même titre par exemple que les bibliothèques, il est
possible de retrouver sous une même appellation des activités en réalité peu comparables.
Notre réflexion questionnant les possibilités d’accès du plus grand nombre à l’art
contemporain, nous avons choisi de nous intéresser aux artothèques qui relèvent d’une
mission de service public. Notre attention s’est portée sur les structures réunies au sein de
l’Adra, Association de Développement et de Recherche sur les Artothèques. Créée en 1999
avec le soutien de la Délégation aux Arts Plastiques, l’Adra, qui fédère à ce jour vingt-et-un
membres, constitue le seul réseau national.
Nous formulons l’hypothèse que l’activité de prêt développée par ces structures,
qu’elle concerne les particuliers ou les collectivités, créée de nouveaux rapports entre les
œuvres et les publics. En permettant à chacun de vivre en présence d’œuvres au sein d’un
environnement familier et dans la durée, l’artothèque offre des conditions privilégiées de
découverte et d’appropriation de l’art contemporain qu’il nous semble intéressantes de
développer dans la région.
.
La première partie de ce travail s’efforcera de dresser un état des lieux des artothèques
en France. Il s’agira dans un premier temps de s’interroger sur la façon dont l’art
contemporain est perçu aux travers des réactions qu’il suscite et des publics qu’il touche.
Cette analyse devra nous permettre de comprendre l’environnement dans lequel s’inscrit
l’action des artothèques, dont nous nous attacherons à saisir les caractéristiques dans un
second temps. Cette partie précisera le contexte historique dans lequel a pris place leur
création, puis présentera leurs missions et organisation. Nous nous attarderons notamment sur
l’artothèque du Limousin qui fournit un exemple unique de fonctionnement au niveau
régional, puis dégagerons les portées et limites de ces structures.
La deuxième partie de ce travail portera spécifiquement sur les caractéristiques du
paysage culturel de la région Nord-Pas de Calais en matière d’arts plastiques et plus
particulièrement en ce qui concerne la création contemporaine, afin d’évaluer l’opportunité ou
non d’inscrire un projet d’artothèque sur ce territoire. Dans cette perspective, nous nous
sommes intéressée à identifier les différents acteurs présents dans la région, qui représentent
autant de partenaires potentiels, mais avons également cherché à mieux connaître le profil et
les pratiques des publics qui fréquentent les lieux d’art contemporain.
8
Au regard des ces enseignements, cette recherche s’interrogera, dans la troisième
partie, sur les perspectives de développement d’une artothèque dans la région Nord-Pas de
Calais et plus globalement sur les perspectives d’avenir des artothèques en général.
Ce travail repose sur :
• Une analyse documentaire pour explorer la notion d’art contemporain, la question
des publics et des pratiques culturelles. Ces différents points, utilisés pour nourrir notre
réflexion sont néanmoins abordés brièvement tant les concepts auxquels ils renvoient
dépassent de par leur complexité le cadre de cette étude. Nous nous sommes également
tournée vers quelques travaux universitaires sur les artothèques au travers de mémoires
d’étudiants, mais force est de constater que si le sujet est riche, les informations et
connaissances à leur propos manquent. C’est d’ailleurs, un des enjeux de l’Adra que de
susciter des travaux de recherche sur les artothèques avec la mise en place récente d’un
observatoire.
• Une analyse empirique
Concernant, les artothèques, cette analyse s’appuie sur :
- Une enquête réalisée auprès des 21 artothèques du réseau Adra, destinée à recueillir des
données clés sur ces structures en matière de statut, fonctionnement, budget et publics. La
synthèse de ces informations, collectées en septembre et octobre 2008 sur internet et par
téléphone, figurent dans les tableaux présentés dans les annexes I, II et III.
- La conduite d’entretiens semi-directifs auprès de cinq professionnels d’artothèques (se
reporter au guide d’entretien, annexe IV p. 116) : Hélène Decaudin, présidente de l’Adra et
responsable de l’artothèque d’Auxerre, Catherine Texier, directrice de l’artothèque du
Limousin, Olivier Beaudet, chargé des relations avec le public au sein de l’artothèque du
Limousin, Aurèlie Gatet, responsable du relais de Tulle au sein de l’association Peuple et
Culture, Jean-Christophe Radke, chargé du service éducatif du Centre International d’Art et
du Paysage de Vassivière et du relais artothèque.
9
- La réalisation de deux entretiens semi-directifs auprès de collectivités emprunteuses (se
reporter au guide d’entretien, annexe V p. 118 ) avec notamment le souci d’interroger un élu :
Jeannine Laroudie, adjointe au maire de Royère-de-Vassivière jusqu’en 2008, ainsi que
Christine Achard, chargée des arts plastiques et des spectacles jeune public pour la ville de
Saint-Yrieix.
- Une observation sur le terrain avec un « stage » de trois jours au sein de l’artothèque du
Limousin, ainsi que les visites des artothèques d’Auxerre, de Pessac et de Saint-Cloud.
- Ajoutons enfin que cette analyse s’est enrichie de la formation « Créer une artothèque »
organisée par le CIPAC, à laquelle nous avons assisté en mars 2008, ainsi que de tous les
échanges qui ont pu naître avec les professionnels des artothèques à l‘occasion de l’enquête
adressée par internet.
Concernant l’analyse du paysage culturel du Nord-Pas de Calais et les publics des
équipements culturels de la région, notre analyse s’appuie sur une enquête en face à face
conduite auprès des visiteurs de la Foire d’art contemporain de Lille en avril 2008 ainsi qu’un
questionnaire auto-administré aux visiteurs de l’espace d’exposition d’art contemporain
Lasécu à l’occasion d’un vernissage en mai 2008. L’objectif et les contextes d’administration
de ces enquêtes sont présentés plus en détail p. 78 et 79 de cette étude.
Limites de ce travail
Les artothèques représentent un champ d’étude passionnant, mais aussi
particulièrement complexe de par la grande diversité des situations rencontrées. La finalité de
ce travail n’est donc pas de dresser un état des lieux exhaustif de l’action de ces structures,
dont nous avons pu mesurer au fur et à mesure de l’avancement de notre recherche combien
chaque cas est singulier. Ce travail, qui s’appuie avant tout sur l’expérience, le ressenti et les
convictions des personnes rencontrées, apporte des éléments de réponse sans prétendre
pouvoir les généraliser.
Par ailleurs, nous avons fait le choix d’axer cette recherche sur la mission de sensibilisation
des artothèques et ce faisant sur leurs modalités de médiation. Des lors, ce travail aborde peu
l’action des artothèques dans le domaine du soutien à la création, qui n’en est pas moins très
importante et intéressante.
10
I. Arto…quoi ?!
Volontairement provocateur, le titre de cette partie témoigne en fait d’un grand
nombre de réactions entendues à l’évocation du mot artothèque. Peu de gens connaissent le
terme et encore moins ce qui s’y fait. Qui se cache derrière ce vocable peu familier des
Français, de quoi s’agit-il ? Après un petit détour par le champ des arts contemporains où
s’inscrit l’action des artothèques, nous vous invitons à découvrir ces structures originales de
diffusion de l’art contemporain.
I.1 Perception et réception de l’art contemporain
I.1.1 Quand l’art fait débat
A. Un art pluriel difficile à cerner
L’art contemporain fascine, déconcerte, provoque, dérange ou encore indigne. Les
réactions à son égard semblent multiples et au moins autant médiatisées que sa mise en scène.
L’installation de 17 sculptures géantes et clinquantes de Jeff Koons, artiste parmi les plus
cotés du monde, dans les appartements et jardins royaux du Château de Versailles, en
septembre dernier, n’a pas manqué de défrayer la chronique. Un art dont le Président
d’honneur de la Fondation du Patrimoine, Edouard de Royère, s’est ému qu’il vienne « semer
la distraction et la destruction dans un ensemble parfait2», tandis que de son côté, M.
Aillagon, Président du domaine de Versailles et prédécesseur de Christine Albanel, promet
« une visite très tonique pour le regard et stimulante pour l’intelligence ». Au-delà de cette
anecdote parmi beaucoup d’autres (en son temps déjà, « l’affaire » des colonnes de Buren
avait suscité la polémique), et loin de vouloir enfermer la discussion dans une vision
stéréotypée, c’est la notion même d’art contemporain qui est interrogée.
2 Propos extrait de l’article « Jeff Koons s’expose au Château de Versailles », in Le Monde du 7
septembre 2008
11
Alors de quoi s’agit-il ? Qu’est ce que l’art contemporain ? Comment le définir ?
Quelles sont ses caractéristiques ? Force est de constater que ces trois questions, a priori
simples, nécessiteraient, à elles seules, un grand nombre de livres, de colloques et d’articles
sans pour autant nous permettre d’esquisser une réponse satisfaisante pour tous, tant le sujet
paraît complexe.
Depuis le début des années 1980, le sujet suscite de vives querelles esthétiques mais
aussi des polémiques idéologiques et politiques. Accusé d’imposture, ses détracteurs
considèrent que l’art contemporain conduit l’art dans une impasse et clament la mort de l’art.
Au-delà de ces violents griefs, le qualificatif même de contemporain pose question.
L’hétérogénéité de sa définition rend problématique toute tentative de classement ou de
rationalisation. S’agit-il de l’art en train de se faire, comme le laissent à penser plusieurs
interlocuteurs que nous avons rencontrés, qui l’assimilent à l‘art d’aujourd’hui, ou s’agit il,
comme pour Catherine Millet3 d’une certaine forme d’art propre à notre époque, qui, par
distinction à la catégorie temporelle évoquée précédemment, renvoie à une catégorie
esthétique.
Mais là encore, à l’intérieur même de ces catégories, les avis peinent à s’accorder.
Considéré comme une catégorie artistique, le terme d’art contemporain peut être défini à
partir des différents courants qui le composent, mettant ainsi en évidence son extrême
hétérogénéité. Ainsi, on recenserait un peu plus de 70 mouvements, groupes et tendances
faisant partie de l’art contemporain, tels que l’art conceptuel, l’art minimal, le body art, le
land art, le pop art, l’arte povera… Mais face à un art en perpétuelle évolution, ce classement
apparaît vite réducteur. La définition de l’art contemporain à partir d’une perspective
chronologique ne conduit pas plus à un consensus. Aux yeux de certains, il s’agit de l’art
postérieur à 1945, d’autres considèrent que les années 1960 marquent la rupture entre l’art
moderne et l’art contemporain, tandis que Yves Michaux4, pour sa part, fait débuter l’art
contemporain au tournant des années 1990.
3 Catherine Millet, L’art contemporain, Paris, Flammarion, coll. « Dominos », 1997
4 Yves Michaux, L’art contemporain, Paris, La documentation française, bimestriel, N°8004, 1998
12
La sociologue Nathalie Heinich5, note, qu’au-delà de la production de propositions
artistiques apparemment fort dissemblables, celles-ci présentent toutes des caractéristiques
similaires du point de vue des transgressions opérées. Elle explique que ce sont précisément
les frontières de l’art en tant que tel qui vont être systématiquement mises à l’épreuve par les
artistes de l’art contemporain. Une des principales remises en cause est sans doute la
transgression des canons de beauté. Avec l’art contemporain, la notion de beauté ou de bon
goût n’est plus pertinente. L'art ne relevant plus, ou pas seulement, de critères esthétiques,
l’acception du mot art s’élargit considérablement. Cette déconstruction artistique conduit à
considérer, soit que tout le monde est artiste, soit que tout est art.
La première direction, centrée sur les personnes, revient à nier la différence entre
artistes et non-artistes en proclamant que tout un chacun est un créateur en puissance. Le
public fait intégralement partie de l’œuvre, comme la machine à dessiner de Tinguely ou les
accumulations d’Arman à réaliser par les visiteurs.
La deuxième direction, centrée sur les choses, consiste à nier la différence entre œuvre
d’art et objet ordinaire en érigeant ceux-ci au rang de celles-là, à l’image de Robert Filliou qui
incorpora au catalogue de sa première exposition en 1961 des matériaux trouvés sur place
(élastiques, mégots, allumettes), tandis que César faisait scandale en exposant sa première
automobile compressée. On retrouve là la paternité de Duchamp avec ses ready-made.
Pour Nathalie Heinich, l’art contemporain ne constitue qu’une partie de la production
artistique, car la peinture figurative existe encore, de même que le genre classique ou
moderne. Elle le considère comme un genre de l’art actuel, dont elle souligne notamment
qu’il est soutenu par les institutions publiques plus que par le marché privé et qu’il se trouve
au sommet de la hiérarchie en matière de prestige et de prix.
5 Nathalie HEINICH, Le Triple Jeu de l’art contemporain : sociologie des arts plastiques, Paris,
Editions de Minuit 1998
13
Difficile à cerner, l’art contemporain semble brouiller les pistes et jouer de cette
ambigüité entre découpage chronologique et catégorie esthétique. Si un accord existe entre les
théoriciens, c’est pour reconnaître qu’il se caractérise par une pluralité de formes et
d’expression, par une profusion de propositions, par l’utilisation de matériaux hétéroclites,
nouveaux, voire incongrus. Tous les procédés semblent être permis, y compris les plus
déroutants. L’art contemporain, qui explore de nouvelles perspectives et de nouvelles
sensibilités, renvoie à une prolifération de recherches artistiques qui ont peu de points
communs avec ce qui se faisait auparavant dans l’art classique et même l’art moderne. L’art
contemporain ne serait alors qu’un terme utilisé pour rassembler des œuvres très différentes et
souvent contradictoires, et ainsi permettre à la communauté sociale de se réapproprier un art
qui lui échappe6.
B. Présence et perception de l’art contemporain en France
Une fois ce préalable énoncé, intéressons-nous à la place que l’art contemporain
occupe dans la société et à la manière dont il est perçu. Notre objectif n’est pas d’établir un
état des lieux de la situation de l’art contemporain en France. Nous avons limité notre propos
à quelques faits marquants qui nous ont semblé utiles pour l’avancement de notre réflexion.
Faut-il clamer, comme le titrait un célèbre magazine féminin, que les années 2000 sont
« arty » ? La journaliste, qui prend appui sur la présence accrue de l’art contemporain dans les
vitrines des magasins comme dans les restaurants branchés de la capitale, en passant par l’art
dans la rue en référence à la dernière édition des « Nuits Blanches », auxquels s’ajoutent la
multiplication des foires d’art contemporains et des biennales qui le célèbrent aux quatre
coins de la France, en déduit que les Français sont conquis par l’art contemporain. Un
enthousiasme partagé par Jennifer Flay, directrice artistique de la Fiac depuis 2004, qui
considère que l’engouement pour l’art contemporain est croissant. Elle explique cet attrait par
le fait que nous vivons dans une société où l’image joue un rôle prépondérant, facilité par
l’explosion des nouvelles technologies et conforté par la publicité qui s’appuie sur le langage
6 Catherine MILLET, L’art contemporain, Paris, Flammarion, coll. « Dominos », 1997
14
de la création visuelle. « Dans la société du spectacle et de la civilisation de l’image, le public
est prêt à recevoir l’art contemporain, il a la flexibilité mentale pour l’appréhender» estime
Jennifer Flay, qui ajoute que l’art contemporain exerce une véritable fascination sur les gens.
Une fascination envers des artistes devenus glamour qui seraient « les héros d’aujourd’hui ».
Fascination également pour les plus-values financières réalisées par la vente de certaines
œuvres. Ainsi le montant total des adjudications de Christie’s France aurait progressé de 75%
entre 2005 et 2006.
Incontestablement, ce constat traduit un attrait des Français pour l’art contemporain,
tant du point de vue du marché de l’art que des lieux de monstration qui lui sont dédiés. Un
marché dopé par des phénomènes de spéculation astronomique7 et qui voit naître de nouvelles
filières de vente avec le fort développement du net, mais aussi les ventes réalisées en
appartements privés. Aux côtés des collectionneurs fortunés, attirés par la notoriété des
artistes, un nouveau type de clientèle se dessine, courtisée par des galeries qui prônent un art
accessible à tous tant physiquement que financièrement.
Créée au début des années 2000, cette nouvelle génération de galeries, telles que « Art
up Déco » ou encore la « Toast Gallery » à Paris, s’attachent à développer leur activité dans
un espace qui rompt volontairement avec l’image élitiste des lieux d’art contemporain et avec
une gamme de prix allant de 100 à 1500 euros maximum. Aux dires de leurs protagonistes, ce
positionnement, qui reprend d’une certaine manière le concept de supermarché de l’art,
développé en son temps au sein du grand magasin la Samaritaine, semble séduire un nombre
croissant de personnes, décomplexées et rassurées à l’idée de pouvoir rapporter l’œuvre au
bout de deux mois, si elle ne convient pas. Cette possibilité de changement, des tarifs bas et
une grande variété de choix sont également à la base du succès rencontré par les galeries de
location d’œuvres.
7on peut à ce titre se reporter à l’annexe VI p. XIII relative à l’article d’Olivier Cena, « Le veau a
encore augmenté », paru dans le journal Télérama qui souligne les records d’enchères enregistrés par
certaines œuvres.
15
Du côté des instances institutionnelles, on ne peut également que constater la
multiplication des manifestations, opérations et lieux de diffusion de la création
contemporaine. Le petit dernier en date, prend la forme d’un gigantesque laboratoire de
création de 40 000 mètres carrés au nord de Paris, avec l’ouverture, le 11 octobre 2008, du
« Centquatre ». Cet équipement pluridisciplinaire entend présenter, en lieu et place des
anciennes Pompes funèbres municipales, la création contemporaine de manière vivante et
accessible.
Nous le voyons, l’art contemporain a plutôt le vent en poupe, certains de ses auteurs
font partie du star system tandis qu’un plus grand nombre de personnes semble s’y intéresser.
Pourtant l’analyse des études sur les publics de la culture et de l’art contemporain reflète une
toute autre réalité et nous montre que cet engouement n’est le fait que d’un petit noyau
d’initiés.
La sociologue Nathalie Heinich8
nous offre ainsi une lecture plus nuancée. Elle met en
avant l’indifférence de la très grande majorité des gens à l’égard de l’art contemporain. Une
indifférence qu’elle explique, non pas tant par absence de réactions face aux œuvres, que par
l’absence d’occasions de s’y trouver confronté. Les statistiques parlent d’elles-mêmes : en
1990, 58% des Français déclaraient n’être jamais allés dans une galerie d’art, 43% dans une
exposition temporaire, 19% dans un musée. Interrogés sur la notoriété de 65 personnalités,
1% disait connaître Garouste, l’artiste contemporain de la liste9.
Si comme nous le voyons, l’art contemporain est avant tout reçu par le silence, les
réactions qu’il suscite sont quant à elles davantage marquées par le rejet que l’adhésion. Face
à un art en rupture avec les codes traditionnels, jugé bien souvent élitiste et incompréhensible,
les réactions s’avèrent plutôt négatives. On peut se demander si la difficulté de définir l’art
contemporain n’augure pas de la fracture avec le grand public. En effet, comment le
spectateur peut-il s’approprier une œuvre quand elle est déjà difficile à reconnaître et quand,
dans certains cas, se pose la question de savoir si c’est de l’art ou non.
8 Nathalie HEINICH, Le Triple Jeu de l’art contemporain : sociologie des arts plastiques, Paris,
Editions de Minuit 1998
9 Olivier DONNAT, Les Français face à la culture : de l’exclusion à l’éclectisme, Paris, La
Découverte, 1994
16
Nathalie Heinich10
a particulièrement étudié les réactions de rejet face à l’art
contemporain. Elle a ainsi défini onze registres de valeurs de sens commun (esthétique,
herméneutique, éthiques, civique, économique…), qui fonctionnent comme des cadres de
perception et d’évaluation. Selon elle, la principale fracture des personnes avec l’art
contemporain vient d’un changement de paradigme que le grand-public n’a pas intégré. Elle
analyse ce changement de paradigme au travers de ce qu’elle a appelé « le triple jeu de l’art
contemporain » qu’elle explique de la façon suivante : plus les artistes transgressent les
normes esthétiques et morales, plus les réactions du public sont négatives, plus les marques
d’adhésion des spécialistes sont fortes, engendrant par là même l’intégration de la production
artistique par les institutions (musées, centres d’art…), et à nouveau, selon un mécanisme de
surenchère, les transgressions des artistes deviennent encore plus radicales et provocantes et
les rejets du public, qui se sent de plus en plus exclu, violents. Selon cette logique de
transgression, l’art contemporain n’apparaît valoir que par sa capacité à s’attaquer
frontalement aux habitudes, à heurter, à déplaire et finalement à se couper de la majorité de la
population. Nous sommes bien loin de la représentation dithyrambique décrite dans le
magazine évoqué précédemment.
Toutefois, si la fréquentation des lieux d’art contemporain apparaît comme une
pratique largement minoritaire et traduit de fait une nette coupure entre les initiés et les
profanes, la disqualification de l’art contemporain et son impopularité ne sont pas non plus
totales. Sans aller jusqu’à prétendre que l’art contemporain connaît un fort succès, on peut
néanmoins constater qu’il a un public. Les 8% de la population française qui fréquentent des
musées d’art moderne et contemporains représentent quand même près de 4 millions de
personnes. Que sait-on des personnes qui composent ce public ? Pourquoi s’intéressent-elles à
l’art contemporain ? Comment appréhendent-elles une œuvre d’art ? Autant de questions que
nous nous efforcerons d’aborder dans la partie suivante.
10 Nathalie HEINICH, L’art contemporain exposé aux rejets : étude de cas, Paris, Jacqueline
Chambon, 1998.
17
I.1.2 Les publics de l’art contemporain
Si, comme nous l’avons vu, la définition de l’art contemporain fait débat, la question
de ses publics s’avère également délicate dès lors que pour préciser un public, il revient de
saisir l’objet autour duquel il se constitue. Or l’art contemporain est un objet aux contours
flous et incertains. Les études à son sujet s’avèrent donc forcément limitées puisqu’elles
appréhendent ce public essentiellement à partir de la fréquentation des lieux d’art
contemporain et plus particulièrement des musées. L’une des caractéristiques de cet art étant
la sortie hors des murs de l’institution (tel que le land art, les performances, l’art
numérique…), considérer le musée comme unique lieu d’exposition s’avère problématique.
Cette difficulté explique sans doute pourquoi les publics de l’art contemporain ont fait l’objet
de peu d’études et de recherches. Les données qui sont aujourd’hui disponibles et sur
lesquelles nous nous sommes appuyée traitent essentiellement de l’art en général selon deux
approches : l’une sociologique, à partir des variables sociodémographiques, et l’autre plus
psychologique.
A. Analyse sociodémographique
C’est à partir des années 1960 que s’est imposé le besoin de connaître le profil des
publics des musées. L’analyse des déterminants de la fréquentation des lieux culturels est
incontestablement marquée par les travaux fondateurs de Pierre Bourdieu et Alain Darbel11.
Un des premiers constats de leur analyse est qu’on ne peut désormais plus parler du public en
général, mais qu’il convient de raisonner en terme de publics socialement différenciés et
stratifiés par milieux sociaux. Le deuxième constat révèle d’importantes inégalités sociales
d’accès aux musées d’art. Ainsi, ils observent que le public de ces musées est composé
majoritairement de visiteurs appartenant aux catégories socioprofessionnelles élevées ou
possédant un niveau de diplôme équivalent ou supérieur à la licence. L’influence de l’origine
sociale ne se limite pas à l’inégalité des revenus et des niveaux de vie. Bourdieu ajoute à la
notion de « capital économique » celle de « capital culturel ».
11 Pierre BOURDIEU et Alain DARBEL, L’amour de l’art : les musées d’art européens et leurs
publics, Paris, Ed.de Minuit, 1969
18
Il explique que l’accès aux musées et aux œuvres est également conditionné par un
« ensemble cohérent de capacités, d’habitudes et de marqueurs corporels, qui forment
l’individu par l’inculquation non consciente de l’intériorisation des façons d’être propres à
son milieu12
». C’est ce concept, désigné sous le terme « d’habitus » qui, selon lui, permet de
comprendre ce qui fait la véritable « barrière à l’entrée » dans les lieux de la haute culture. Il
ne s’agit pas tant d’une insuffisance de moyens financiers, ni même parfois de connaissances,
que d’un manque d’aisance et de familiarité qui donne cette sensation de ne pas être à sa
place. Ce faisant, Bourdieu dénonce le fait que les musées, au lieu d’être les instruments
d’une possible démocratisation de l’accès à l’art, contribuent à aggraver le clivage qui existe
entre profanes et initiés.
Ce sont sur ces acquis que seront produites, les décennies suivantes, quantité
d’enquêtes sur la fréquentation des théâtres, concerts, cinémas….auxquelles il faut ajouter, à
partir de 1974, les enquêtes sur les pratiques culturelles des Français, menées par le Ministère
de la Culture.
On apprend ainsi, dans l’enquête réalisée en 199713
, que la pratique des musées,
quoique légèrement plus répandue, demeure une pratique minoritaire qui concerne 33% de la
population. Parmi les différents genres de musées, ceux qui sont les plus fréquentés sont les
musées des beaux-arts (53% des visiteurs de musées), puis les musées d’histoire (43%). Les
visiteurs des musées d’art moderne et art contemporain représentent, pour leur part, 28% des
visiteurs de musées. Les quelques données statistiques disponibles spécifiquement sur les
musées d’art contemporain14
nous enseignent qu’il concerne un public majoritairement
composé de jeunes adultes, qu’il est plutôt féminin, diplômé, de niveau socioprofessionnel
élevé et enfin qu’il fréquente assidûment les lieux d’art et pratique davantage la culture y
compris en amateur.
12 termes extraits de Nathalie HEINICH in La sociologie de l’art, Paris, Editions La Découverte,
collection Repères, 2001
13 Les Pratiques culturelles des Français. Enquête 1997, Paris, La Documentation Française, 1998
14 Estelle GUICHARD, Les publics de l’art contemporain. Etudes de cas, mémoire de Master 2
recherche de Sociologie, Université de Limoges, Dir. Yvon Lamy, 2006
19
Comparé aux visiteurs des autres musées, le public de l’art contemporain semble donc
avoir un profil et un comportement assez proches. Les principales différences portent sur les
modalités de visite. Elisabeth Caillet15
de la Délégation aux Arts Plastiques, précise que la
visite d’un musée d’art contemporain s’effectue plutôt seul ou en couple, les familles y sont
donc moins présentes que dans les autres musées. Plus diplômé, plus célibataire, plus parisien,
plus jeune, mais aussi plus exigeant et moins conventionnel, telles semblent être dans les
grandes lignes les principales caractéristiques de ce public.
Des recherches marketing plus récentes menées par Juliette Passebois-Ducros et
Philippe Aurier16
, nous apportent quelques précisions supplémentaires sur le profil des
visiteurs de lieux d’art contemporain. Leurs travaux permettent de dégager des variables
sociodémographiques selon le niveau d’expertise du visiteur. Ainsi, ils observent la
segmentation suivante :
- les experts (expertise élevée) sont des visiteurs plutôt âgés et instruits, et exerçant, en
majorité, des professions artistiques,
- les connaisseurs (expertise moyenne) sont des consommateurs d’âge moyen (entre 30
et 50 ans), diplômés et exerçant des professions intellectuelles et liées à
l’enseignement,
- les novices (expertise faible) sont des visiteurs, soit jeunes et étudiants, soit plus âgés
et retraités et dans ce cas, détenant un niveau d’étude faible, comparativement aux
deux autres groupes.
15 Elisabeth CAILLET « Mieux connaître ses publics » in ADRA, Les Artothèques, des outils
novateurs au service de l’art et des publics – Acte de Colloque 18 et 19 octobre 2000
16 Juliette PASSEBOIS-DUCROS et Philippe AURIER, Le rôle de l’expertise sur la valorisation des
expériences de consommation en milieu muséal, Université Montpellier
20
B. Analyse des motivations
L’intérêt pour l’art revêt des formes variées et son accès ne saurait être appréhendé
uniquement sous le seul angle de la fréquentation des lieux d’exposition. Ainsi, au-delà de
l’approche statistique qui s’intéresse à « qui voit quoi », nous sous sommes tournée vers
d’autres études centrées davantage sur le comportement des visiteurs et le goût pour l’art.
Pourquoi les individus viennent-ils visiter des lieux d’art contemporain, à quelle logique
répond cette pratique, quelles ressources mobilise-t-elle ? Si les éléments manquent pour
donner des réponses à toutes ces questions, on peut néanmoins s’appuyer sur quelques
travaux.
Nathalie Heinich 17, qui s’est intéressée aux attitudes des amateurs d’art contemporain,
montre que l’adhésion à l’art contemporain est rendue possible par trois catégories de
ressources. La première est d’ordre psychologique et renvoie à la familiarisation avec les
œuvres contemporaines, c'est-à-dire au contact répété avec elle. Ainsi, l’imprégnation
progressive, la capacité de comparer avec d’autres oeuvres, crée une accoutumance de nature
à la rendre acceptable. Mais pour qu’opère cette familiarisation, encore faut-il avoir accès aux
œuvres. Les deux autres catégories sont dès lors d’ordre socioculturel : l’une se réfère à
l’importance du capital culturel cher à Pierre Bourdieu, qui montre que la possibilité de
fréquenter des lieux d’exposition est statistiquement corrélée au niveau d’éducation, lui-même
fonction de la position occupée par le chef de famille dans la hiérarchie sociale. La dernière
ressource renvoie à la capacité de faire face à « l’épreuve du vide », autrement dit à l’absence
de critères et de repères face à une œuvre originale.
Nathalie Heinich18 constate, par ailleurs, que l’adhésion aux œuvres contemporaines
relève chez ces amateurs d’art contemporain de trois motivations sociales, à savoir, la
valorisation du progressisme opposé au conservatisme, l’acceptation d’une prise de risque et
d’un pari sur l’avenir, et enfin l’intérêt pour l’innovation. Aux côtés de ces motivations,
l’auteur identifie des raisons plus personnelles, liées à la compassion pour l’artiste
contemporain, considéré comme injustement incompris et peu reconnu, mais aussi aux
œuvres et à leur puissance émotionnelle.
17 et 18 HEINICH Nathalie, Le Triple Jeu de l’art contemporain : sociologie des arts plastiques, Paris,
Editions de Minuit 1998
21
Hana Gottesdiener19
qui s’est intéressée au public du Musée National d’Art Moderne,
ajoute que ce goût pour l’art ne se construit pas seulement au contact des œuvres, mais que les
médiations sociales, opérées aux travers des échanges et des rencontres, apparaissent comme
des conditions essentielles de réception des œuvres. Ainsi, elle souligne le rôle crucial de
l’initiateur dans la construction d’une pratique muséale, qu’il s’agisse de la famille ou d’une
personne extérieure. Les recherches de Stéphane Debenedetti20
soutiennent cette analyse en
montrant que l’accompagnement du visiteur, loin d’être neutre et secondaire, contribue
activement à modeler son expérience muséale sur les plans affectif, cognitif et
comportemental. Il observe d’ailleurs que moins le public est familier avec l’art et les musées,
plus le rôle des « compagnons » s’avère important.
Une pluralité de principes semble donc à l’œuvre dans le rapport d’adhésion
qu’entretient le spectateur à l’art contemporain. Nous avons ainsi vu que cette adhésion relève
chez l’individu de ressources comme la familiarisation, le capital culturel, mais aussi la
capacité à trouver du sens dans les œuvres dont la signification immédiate échappe le plus
souvent et enfin la valorisation de l’innovation et de la transgression. Les travaux de
recherches évoqués nous permettent de conclure qu’une visite dans un musée d’art
contemporain engage la personne beaucoup plus profondément qu’on ne le pense.
C’est dans ce climat d’indifférence, voire d’hostilité ou du moins de difficultés
d’appréhension de l’art contemporain, mais aussi de segmentation sociale, que l’on observe
une volonté d’ouverture des institutions de la création contemporaine qui cherchent à aller à la
rencontre des publics. Désormais pensées comme des lieux ouverts et vivants avec boutiques
et restaurants, elles s’attachent depuis une dizaine d’année à conquérir des publics « non-
acquis ». La majorité d’entre elles s’est d’ailleurs dotée de services pédagogiques ou de
services des publics afin d’attirer et d’optimiser l’accueil et l’accompagnement des nouveaux
19 Hana GOTTESDIENER, Le public du Musée National d’Art Moderne en 1990, in les Cahiers du
Musée National d’Art Moderne, n°38, décembre 1991, p114-121
20 Stéphane DEBENETTI, Visite et confort de visite, le rôle des compagnons, In Donnat O, Le(s)
public(s) de la culture, Tome 2, Paris, Presse universitaires de Sciences Politiques, 2003
22
visiteurs avec une attention particulière portée à la médiation, la convivialité des espaces et
l’accessibilité de la tarification. Il reste à savoir si ces efforts portent leurs fruits. Si l’intention
est louable, les mesures à mettre en œuvre pour parvenir à élargir la base sociale des publics
s’avèrent complexes et les résultats limités. Ainsi, la gratuité des musées, testée dans 14
musées et monuments nationaux du 1er janvier au 30 juin dernier, a suscité la polémique.
Nous attendons les enseignements de l’expérimentation.
Dans le même temps, on assiste à l’émergence de nouvelles manifestations artistiques,
de nouvelles pratiques, de nouveaux lieux et modes de diffusion qui se veulent proches des
gens. C’est par exemple le cas de la biennale d’art contemporain de Lyon, « l’Art sur la
place » qui articule création artistique et action culturelle dans l’espace public en croisant
artistes et population, professionnels et amateurs. La manifestation se déroule en trois temps :
huit mois d’ateliers, trois jours d’exposition, et un retour festif dans la ville ou le quartier qui
a vu naître chaque création. Pour Stéphanie Claudin et Xavier Phélut, coordinateurs de l’Art
sur la place, « c’est l’occasion pour des gens a priori éloignés des problématiques artistiques
de croiser leurs regards avec ceux qui ont une appréhension différente de la vie »21.
Ces évolutions entérinent le fait que l’Etat et les collectivités ne sont plus les seuls
lieux de légitimation. Ainsi, depuis quelques années fleurissent des espaces « alternatifs » qui
offrent un cadre non institutionnel à diverses activités artistiques. Fiches, laboratoires,
fabriques, squats… Ces « nouveaux territoires de l’art », analysés par Fabrice Lextrait, dans le
cadre du rapport commandé par Michel Dufour, alors secrétaire d’Etat au patrimoine et à la
décentralisation culturelle, nous autorise à réfléchir autrement la notion d’équipement et les
dispositifs d’action en proposant des espaces, investis à la fois comme des lieux publics et des
lieux privés, des espaces de sociabilité à géométrie variable entre l’intimité et une volonté
d’ouverture. Ils se présentent comme des expériences qui visent à abolir les frontières entre
les artistes et leurs publics.
Dans ce contexte, que nous proposent les artothèques ? Comment se positionnent-elles
par rapport aux autres institutions de l’art contemporain et aux évolutions évoquées ci-
dessus ? Comment parviennent-elles à susciter le désir d’art et permettent-elles de toucher
d’autres publics ?
21 Jean-Pierre SAEZ, L’art contemporain : champs artistiques, critères, réception, Actes du colloque
l’Art sur la place, Paris, Edition l’Harmattan, 2001
23
I.2 Les artothèques en France
I.2.1 Le concept
Plus ancien qu’on ne l’imagine, le concept d’artothèque repose sur l’idée simple et
généreuse de donner accès aux œuvres et d’en faire l’expérience au quotidien. Né de
l’imagination des artistes, il est devenu au fil du temps, un outil de politique culturelle
dénommé graphothèque, galerie de prêt ou artothèque.
A. Rappel historique
Imaginé en Allemagne dès 1906, le concept d’artothèque est né du désir d’un groupe
d’artistes, sous la houlette d’Arthur Ségal, de faire circuler leurs œuvres chez les particuliers,
grâce à un système de location, plutôt que de les stocker dans leur atelier. L’enjeu pour ces
artistes, confrontés alors à la crise du marché de l’art, est de susciter chez les emprunteurs un
acte d’achat, mais aussi de permettre l’établissement de liens forts entre les individus et l’art.
Leur raisonnement est le suivant : nos contemporains sont éloignés de l’art en train de se
faire, faute de pouvoir le côtoyer. Dès lors, comment peut-on désirer ce qu’on ne connaît pas ?
Nous tenterons de rapprocher l’art du public par la mise à disposition de nos œuvres auprès du
plus grand nombre.
La recherche d’autonomie en matière de diffusion de leur travail, la volonté de
circulation et de partage des œuvres, mais aussi de formation du regard sont au cœur de leur
démarche. Au-delà de la volonté de relancer la production artistique, il s’agit pour ces artistes
de mettre l’œuvre au cœur de l’expérience de chacun, dans la durée et dans l’intimité : « C’est
la fréquentation quotidienne des œuvres, leur intégration à la vie intime, qui seules peuvent
ouvrir le chemin de la connaissance »22.
22 ADRA, Les Artothèques, des outils novateurs au service de l’art et des publics – Acte de Colloque
des 18 et 19 octobre 2000, Caen, édition de l’Adra
24
L’idée se développe dans les pays d’Europe du Nord (Allemagne, Pays-Bas et
Danemark) à partir des années 1960 et 1970, ainsi qu’en France où elle s’inscrit dans le
réseau des maisons de la culture, instruments emblématiques de la démocratisation culturelle
initiés par André Malraux, notamment celle du Havre et de Grenoble qui furent pionnières en
la matière. Son véritable avènement a lieu au début des années 1980 avec l’arrivée de Jack
Lang au Ministère de la Culture, qui marque l’institutionnalisation du phénomène en France.
Le développement des artothèques s’inscrit alors dans le contexte de décentralisation
culturelle de l’époque, qui voit aussi l’émergence des Fonds Régionaux d’Art Contemporain
(Frac) et des centres d’art.
L’ambition de ces structures, initiées sous l’impulsion de la Délégation aux Arts
Plastiques créée en 1981, est d’investir le domaine de l’art contemporain, jadis délaissé au
profit des Beaux-arts. Il s’agit, pour Claude Mollard, premier Délégué aux arts plastiques,
d’irriguer le territoire national avec la mise en place d’un dispositif de création, de diffusion et
de promotion de l’art contemporain. Cette politique volontariste de soutien aux arts plastiques
et notamment à l’art contemporain, dotée de moyens nouveaux et ambitieux, répond à deux
objectifs principaux :
- Favoriser la création par un meilleur accompagnement des systèmes de production et de
monstration des œuvres. L’enjeu étant de combler le fossé qui a longtemps séparé les
politiques publiques de la création contemporaine. Claude Mollard souhaite redonner à la
France une place d’envergure sur la scène et le marché artistique international. Le soutien aux
artistes vivants, notamment grâce à la commande publique, témoigne de la volonté de
constituer le patrimoine vivant de la France. Les Frac, centres d’art et artothèques, qui seront
les premières structures à expérimenter la politique de décentralisation culturelle, ont pour but
de recenser et de constituer des fonds d’œuvres, à l’échelle régionale ou locale, issues de la
création vivante la plus actuelle.
- Sensibiliser plus largement les Français à l’art contemporain et à la création actuelle, qui
leur sont étrangers, en renforçant et diversifiant les actions permettant de rapprocher les
œuvres, les artistes et les populations. Si les pouvoirs publics ont conscience des limites de la
politique de démocratisation culturelle portée par Malraux, ils ne renoncent pas à l’ambition
de favoriser l’accès à l’art dans toutes les couches de la société, ainsi qu’à diffuser cet art
vivant dans des régions pratiquement dépourvues d’équipements culturels. La relance de l’art
public, ainsi que le développement des Frac, centres d’art et artothèques, sont ainsi conçus
25
pour instaurer un rapport plus direct à l’œuvre. Il s’agit de renouveler le modèle muséal
traditionnel en proposant aux publics d’expérimenter d’autres lieux de rencontre avec l’art,
davantage orientés vers les missions de diffusion et de médiation que vers celle de collections
statiques.
C’est Eliane Lecomte, qui, ayant travaillé au sein de l’artothèque expérimentale de
Grenoble, sera chargée auprès du Ministère de la Culture, de la mise en place des artothèques
en France, dont l’implantation s’opère à l’époque par le biais de conventions qui engagent à
parité l’Etat et une structure décentralisée.
Mais tandis que les Frac font l’objet de conventions précises et systématiques entre
l’Etat et la Région, ainsi que d’un maillage géographique, la dotation des artothèques sur le
territoire ne s’accompagne pas, elle, du même cadrage. L’Etat limite son action à une
campagne incitative. Ainsi, les artothèques n’ont pas à répondre à un cahier des charges
précis. Elles se doivent simplement d’acheter des multiples23
(à partir d’une liste fournie par
l’Etat) destinés à être prêtées. En échange, l’Etat décide d’allouer un somme de 200 000
francs à toute collectivité locale désireuse de mettre en place un projet. Il revient à
l’organisme cosignataire de prendre en charge le fonctionnement de la structure, ainsi que
l’enrichissement de son fonds, en y consacrant un budget annuel. Libre à la collectivité de
choisir la structure juridique, le personnel, et de définir une politique d’acquisition et de
diffusion. L’aide distribuée est incitative, mais non renouvelable. Elle est stoppée en 1986.
Ces mesures en faveur des artothèques auront permis la création de 26 structures, de
1982 à 1986, réparties de façon aléatoire sur le territoire. A compter de 1986, ce sont les
collectivités territoriales qui ont pris le relais, donnant le jour à une quinzaine d’artothèques.
23 les multiples sont des œuvres sur papier, réalisées dans des techniques diverses de multiplication :
sérigraphie, lithographie, gravure, photographie, édition numérique…
26
B. 26 ans après : une mission commune pour une multitude de projets et
d’expériences
Aujourd’hui, il semblerait qu’une cinquantaine de structures compose le paysage des
artothèques en France. Notons que ce nombre, qui repose sur une estimation réalisée en 2000
par la Délégation aux Arts Plastiques, n’a fait l’objet d’aucun suivi et actualisation. C’est
pourquoi, notre attention s’est portée sur des données plus fiables à travers l’Adra qui fédèrent
21 artothèques. Ces structures, dont nous soulignerons la forte diversité dans la partie qui suit,
sont présentes sur la majeure partie du territoire, à l’exception de quelques régions comme
l’Ile de France ou le Nord-Pas de Calais (se reporter à la carte annexe XV p.146). Leurs
activités se sont développées dans des villes de tailles très variées, telles que Lyon ou
Grenoble pour les plus denses, mais aussi dans des zones rurales à l’image de la petite ville
d’Hennebont dans le Morbihan ou encore au sein de communes du Limousin.
.
Une mission commune de service public
La mission de ces équipements culturels s’articule autour de deux axes principaux : la
sensibilisation des publics et le soutien à la création.
La sensibilisation des publics
Le prêt d’œuvres constitue le principe de base de l’artothèque. L’idée est audacieuse :
emprunter une œuvre d’art comme un livre ou un disque. L’artothèque est alors souvent
décrite comme étant aux œuvres d’art ce que les bibliothèques sont aux livres, à la différence
que pour les œuvres d’art contemporain, ce système de prêt reste encore assez inédit. Au-delà
de cette séduisante idée, nous verrons dans une partie ultérieure que la pratique du prêt créée
de nouveaux rapports entre les œuvres et les publics.
27
Même si chacune des artothèques possède son propre protocole de prêt, les tarifs se
veulent modestes pour éviter de freiner des adhésions Par exemple, sur les quatorze
artothèques étudiées24
, le coût moyen par œuvre et par mois s’élève à 3 euros pour les
particuliers. On notera néanmoins que six d’entre elles pratiquent des tarifs inférieurs à 1
euro, ou sont complètement gratuites comme c’est le cas à Limoges25
. La marche à suivre
pour l’emprunteur est relativement similaire d’une structure à l’autre. En général, une
personne voulant s’abonner doit d’abord fournir une pièce d’identité pour s’inscrire. Après
avoir acquitté le montant de son abonnement, elle peut emprunter environ deux œuvres pour
une durée de deux mois, auxquelles s’ajoute parfois dans certaines artothèques un coût de
location allant de 2 à 12 euros par œuvre et par mois. Des emprunts occasionnels sont
également consentis par certaines structures afin d’inviter le plus grand nombre à
expérimenter la formule. A chaque emprunt, l’abonné doit remplir un contrat de prêt qui
précise le montant de l’œuvre et les contraintes de conservation à respecter. Parfois, la
signature de ce contrat s’accompagne du versement d’un chèque de caution.
Ce système de prêt est valable également pour des collectivités et des entreprises.
Seuls le nombre d’emprunts et le tarif varient26
. Plusieurs artothèques proposent des
expositions thématiques au cours desquelles un médiateur se charge du transport, de
l’accrochage et d’une animation pédagogique.
24 enquête réalisée auprès du réseau des l’Adra à laquelle ont participé 14 structures. Se reporter aux
résultats annexe III, p.112-115
25 l’analyse des conditions tarifaires présentées dans les tableaux annexe III, montrent que les prix
d’emprunt par œuvre et par mois varient de 0 euros à 19 euros minimum pour l’artothèque de Saint-
Cloud, dont la localisation au sein d’un bassin de population au revenu moyen par ménage trois fois
supérieurs à la moyenne nationale explique sans doute les tarifs pratiqués
26 les établissements scolaires bénéficient notamment de conditions particulièrement avantageuses
avec, sur les structures observées, un tarif moyen de 1 euro par œuvre et par mois. De leur côtés, les
entreprises et collectivités ont accès à des prix allant de 0,80 euros à 8,30 euros par œuvre et par mois,
c'est-à-dire des tarifs nettement inférieurs à ceux pratiqués par les galeries de location d’œuvres d’art,
dont les prix sont facilement multipliés par 10.
28
Mais les artothèques ne se contentent pas de mettre les œuvres au contact des gens, le
prêt n’étant qu’un moyen et non une finalité. Elles complètent le prêt par des actions destinées
à faciliter l’accès aux œuvres : mise à disposition de fiches de présentation des œuvres et des
artistes, documentation sur l’art contemporain, organisation de conférences sur une
thématique donnée, rencontres avec les artistes, animations variées autour des œuvres… La
relation avec le public, et surtout le dialogue quotidiennement entretenu avec les emprunteurs,
occupent une place prépondérante au sein de ces structures.
Le soutien à la création
Le deuxième objectif qui constitue le socle de l’activité de l’artothèque est le soutien à
la création à travers sa politique d’acquisition et parfois de commandes, voire d’édition. La
majorité des artothèques consacre chaque année un budget aux nouvelles acquisitions afin de
renouveler leur fonds et proposer des œuvres représentatives de la création contemporaine.
Pour 2008, le budget d’acquisition des structures observées s’est élevé en moyenne à 24 000
euros.
Les collections d’artothèques sont généralement composées d’œuvres appartenant aux
différents courants artistiques qui ont marqué la création, depuis les années 50 jusqu’à
aujourd’hui. L’axe majeur présidant à leur constitution est porté par une volonté
pédagogique : celle de permettre un ancrage dans l’histoire récente de l’art et d’ouvrir un
dialogue entre cette histoire et la création actuelle. Ces collections, sont pour beaucoup
d’artothèques, constituées d’œuvres sur papier, réalisées dans des techniques diverses de
multiplication (sérigraphie, lithographie, gravure, photographie, édition numérique..) dont le
coût modéré facilite la constitution d’un fonds pouvant répondre à une demande importante et
propice à la circulation. Le choix de l’estampe est aussi favorisé par le Ministère de la Culture
quand il lancera sa campagne d’incitation à la création d’artothèques, afin de redynamiser le
marché. Plusieurs artothèques se distinguent par la forte présence d’œuvres originales dans
leur fonds (collages, dessins, techniques mixtes), mais aussi pour certaines, d’œuvres sur
vidéo. On peut aussi y trouver des œuvres à « valeur d’usage », avec, par exemple, la
29
présence d’une œuvre sur tapis27
à l’artothèque de Caen ou encore d’un banc en bois et d’un
« Pouf-truie »28
à l’artothèque d’Auxerre, qui possède également le « Lieu Objet
Architecture », une installation de Jean-François Feuillant à monter à l’extérieur.
Aujourd’hui, les quatorze artothèques que nous avons étudiées offrent à elles toutes
une collection de plus de 14 000 oeuvres. Comme l’indique Claire Tangy, directrice de
l’artothèque de Caen, si le principe de collection implique l’idée de patrimoine, dans le cas
des artothèques, il s’agit d’un patrimoine vif, actif, circulant et partagé.
Une multiplicité de projets et d’expériences
Si toutes les artothèques ont comme dénominateur commun le système de prêt, leur
statut ainsi que leurs modalités de fonctionnement sont marqués par une grande hétérogénéité.
L’enquête que nous avons menée auprès des artothèques adhérentes à l’Adra en
septembre 2008 s’efforce d’offrir une photographie de la situation actuelle de ces structures.
Loin de prétendre à l’exhaustivité, on trouvera néanmoins dans les tableaux joints dans les
annexes I, II et III, les principales données concernant le statut, le financement, le
fonctionnement et le nombre d’adhérents des quatorze artothèques qui ont acceptés de nous
répondre. Ces chiffres sont cependant à manier avec la plus grande précaution car les données
ne sont pas forcement enregistrées sur les mêmes bases comptables et donc comparables
d’une structure à l’autre, mais aussi ne permettent pas toujours de rendre compte de la réalité
de l’activité. Ainsi concernant la question des adhérents, il revient de ne pas mettre sur le
même plan les abonnés particuliers des collectivités. Ces dernières pouvant disposer de plus
de trente œuvres dans leurs locaux, là ou un prêt de particulier ne dépasse pas les cinq œuvres
par foyer. Par ailleurs, les chiffres qui nous ont été communiqués ne permettent pas de
distinguer les adhérents occasionnels, des emprunteurs réguliers, mais aussi les personnes
mises au contact de l’œuvre en dehors d’une démarche d’adhésion.
27 œuvre sur commande réalisée par Christophe Cuzin pour l’artothèque de Caen
28 banc réalisé par le designer Damien Regamey et pouf réalisée par l’artiste Anne Ferrer
30
La majorité des structures étudiées ont plus de vingt ans d’existence. C’est
l’artothèque de Grenoble qui est la plus ancienne (créée en 1976), tandis que l’artothèque de
Saint-Cloud se présente comme la structure la plus récente avec trois années d’existence.
La diversité des types d’implantation administrative et juridique nous renseignent sur
la disparité des situations.
Cinq grandes catégories d’implantation ont été recensées :
- implantation dans un établissement à vocation artistique et culturelle : Ecole d’art
(artothèque d’Angers), musée (artothèque d’Angoulème), Maison des Jeunes et de la Culture
(artothèque de Saint-Cloud), centre d’art (relais artothèque du Lot et artothèque du Limousin),
association culturelle (relais artothèque du Limousin à Tulle),
- implantation dans une médiathèque ou une bibliothèque : artothèques d’Auxerre, Grenoble,
Lyon, Poitier, Villeurbanne, relais artothèque du Limousin à Limoges,
- implantation au sein d’un centre socioculturel : artothèque d’Hennebont
-implantation au sein de l’Hôtel du département ou de la région : structure centrale de
l’artothèque du Lot ainsi que de l’artothèque du Limousin
- structure autonome : artothèques de Caen, Pessac et Vitré.
On pourrait aussi opérer une distinction entre les projets nés à l’initiative des pouvoirs
publics et ceux relevant d’une initiative privée, mais finalement, l’examen des artothèques
analysées tend à montrer que l’origine du projet, qu’il soit public ou privé, n’a pas
nécessairement d’impact sur le mode de gestion administrative et financière. Les artothèques
initiées par l’Etat et/ou les collectivités territoriales sont parfois de droit public et parfois de
droit privé. Si elle sont constituées en associations, elles sont généralement signataires d’une
convention qui les place sous le contrôle des autorités territoriales dont découle très largement
leur financement. Au final, toutes dépendent massivement des fonds publics. Les villes sont
les premières, voire parfois les uniques, partenaires financiers des structures étudiées, (à
l’exception des artothèques du Limousin et du Lot qui sont portées par la région et le
département), qui fonctionnent alors en régie directe. La contribution de l’Etat est faible et,
dans le cas présent, se limite à trois artothèques (Pessac, Caen et Limousin).
31
En revanche, force est de constater que les moyens financiers sont très inégaux d’une
artothèque à l’autre. Au-delà de l’objectif général de sensibilisation des publics à l’art
contemporain, comment comparer l’activité de l’artothèque de Caen doté d’un budget global
en 2008 de 266 000 euros, à celle de l’artothèque d’Hennebont qui dispose d’un budget de
121 040 euros ou encore à celle de Vitré au budget de près de trois fois inférieur. En ce qui
concerne les moyens humains, à l’exception des artothèques de Caen et du Limousin qui
réunissent trois personnes et plus dans leurs équipes, toutes les autres structures observées
fonctionnent en moyenne avec 1,5 salarié à temps plein, ce qui laisse présager de la nécessaire
polyvalence des personnels des artothèques.
La question des publics varie aussi sensiblement entre les structures. Certaines
privilégient le prêt aux particuliers, tandis que d’autres s’adressent davantage aux collectivités
ou encore aux établissements scolaires.
La diversité des situations s’observe également en matière de collection. La politique
d’enrichissement d’une collection d’artothèque varie suivant le statut juridique, le mode de
fonctionnement et le personnel de direction. Si pour la majorité des artothèques étudiées, leur
collection s’enrichit par des acquisitions annuelles d’œuvres (les artothèques étudiées
consacrent de 8 000! à plus de 60 000!), on notera, le fonctionnement particulier de
l’artothèque de Saint-Cloud, qui, à l’image de ce qui se pratique dans les artothèques
implantées en Belgique, s’est constitué un fonds qui repose uniquement sur le dépôt d’œuvres
prêtées par les artistes pour une durée de 6 mois. Un fonctionnement qui a l’avantage de
renouveler régulièrement le fonds et surtout de contourner l’absence de ligne budgétaire
allouée aux acquisitions. C’est le cas de l’artothèque de Saint-Cloud, qui s’engage, en
échange des dépôts, à faire connaître les artistes par des actions de communication,
l’organisation d’expositions et à reverser une partie des sommes payées par les abonnés sous
la forme d’achats d’œuvres aux artistes (70% du montant de la location est mis de coté par
l’artothèque et capitalisé au fil des emprunts afin de permettre à l’adhérent de s’acheter une
œuvre).
Concernant la nature de la collection et les axes de développement des collections, on
observe, par exemple, que certaines artothèques comme celles de Vitré ou encore de Grenoble
se sont spécialisées dans le medium de la photographie, tandis que d’autres ont privilégié la
peinture (Nantes) ou encore les œuvres graphiques (Limousin).
32
Ces différents points, qui rendent difficiles toute tentative de classification, suffisent à
montrer la complexité du terrain d’études des artothèques tout en soulignant leur richesse :
des structures en prise directe avec le territoire, qui se sont développées en réponse à des
problématiques locales ou régionales. Des lors, il semblerait qu’il y ait autant de
configurations possibles que d’artothèques existantes.
Mais quelle que soit leur hétérogénéité, les artothèques ont certainement toutes en
commun d’être portées par des militants convaincus de l’originalité de cet outil, qui propose à
chacun d’expérimenter un autre rapport aux œuvres d’art. Rapport intime, singulier, prolongé
dans le temps, qui semble propice à une rencontre plus profonde et plus active avec l’art.
« Inscrire l’art dans le quotidien de chacun, lui permettre d’accompagner la vie dans ses
circonstances les plus variées et intimes, et ce faisant donner en retour l’opportunité à la vie
de le rendre plus lisible.29
» constitue sans doute pour leurs promoteurs l’un des fondements
majeurs de leur engagement au sein de ces structures.
29 Propos de Claire Tangy in Adra, Les Artothèques, des outils novateurs au service de l’art et des
publics – Actes de Colloque 18 et 19 octobre 2000, Caen, Edition de l’Adra
33
C. La structuration du réseau
Il faudra attendre 17 ans après la création des premières artothèques par l’Etat pour
qu’émerge l’Adra : Association pour le Développement et la Recherche sur les Artothèques.
Cette association de professionnels, fondée en 1999, sous l’impulsion du Ministère de la
culture, fédère aujourd’hui 21 artothèques (se reporter à la carte, annexe XV, p.146).
Désireuse de rompre l’isolement des structures implantées en France, l’Adra s’est
donné pour mission « d’étudier toutes les questions relatives à ce qui fonde leur action, à
savoir : la recherche artistique, la diffusion et la médiation, mais aussi la formation des
personnels et les problématiques juridiques liées au droit d’auteur30
. »
Le colloque qui s’est tenu à Caen en octobre 2000 afin de dresser un bilan de l’action
des artothèques, mais aussi de réfléchir à leurs perspectives de développement, constitue en
quelque sorte, l’acte de naissance de l’Adra, qui signe là sa première action publique.
La création de l’Adra, présidée depuis janvier 2008 par Hélène Decaudin, responsable de
l’artothèque d’Auxerre, marque un tournant dans la vie des artothèques et témoigne de la
volonté de ces professionnels de se constituer en force de proposition et de réflexion
collective. La publication des actes du colloque prend compte de cette volonté et du
dynamisme de ces structures. Alors que le terme d’artothèque recouvre des réalités très
diverses, l’enjeu de l’association semble clairement le suivant : relier et mutualiser les
expériences afin de doter ces structures d’une identité affirmée, et ainsi de relayer plus
fortement leurs actions auprès des pouvoirs publics. Il s’agit d’assurer une meilleure
connaissance et reconnaissance des artothèques au sein du paysage culturel institutionnel,
mais aussi auprès des publics. Gageons que la structuration du réseau et la mise en commun
de leurs moyens apporte une envergure nationale à ces équipements qui gagnent à être
connus.
30 Propos issus du site internet de l’Adra, page « Adra », consultée le 30/09/08 :
http://www.artotheques-adra.com/ladra.php
34
I.2.2 L’exemple du Limousin : l’artothèque comme outil
d’aménagement culturel du territoire
Essentiellement représentées au niveau communal et départemental, les artothèques
inscrivent leurs actions dans un rapport de proximité à la population. A ce titre, l’artothèque
du Limousin a tout particulièrement retenu notre attention pour trois raisons :
- Il s’agit de la seule structure régionale en France dont le fonctionnement s’appuie sur
la mise en place de quatre relais municipaux ou associatif. Ces relais sont implantés
pour moitié dans des zones rurales auprès d’une population qui s’avère, de fait plutôt
éloignée de l’offre culturelle.
- La constitution de sa collection, forte de plus de 3000 œuvres (c'est-à-dire équivalente
en quantité à certains Frac), repose sur une initiative inédite en France avec la mise en
place du Faclim, Fonds d’Art Contemporain des Communes du Limousin.
- Son action s’inscrit essentiellement hors les murs à travers un réseau de structures
relais et de partenariats variés, puisque l’artothèque centrale basée à Limoges, où sont
stockées les œuvres, ne dispose pas d’espace d’exposition31
.
Autant de spécificités qu’il nous a intéressé de questionner pour comprendre la
relation de l’artothèque au territoire et à sa population et ce faisant les modalités de médiation
mises en œuvre. Notre analyse s’appuie sur les entretiens menés auprès de Catherine Texier,
directrice de l’artothèque du Limousin32
, Olivier Beaudet, chargé des relations avec le public
au sein de l’artothèque du Limousin33
, Aurélie Gatet, responsable du relais de Tulle au sein de
l’association Peuple et Culture34
; ainsi que sur l’analyse des bilans d’activité de l’artothèque
du Limousin depuis 2004.
31 une situation qui devrait évoluer en raison de la fusion de l’artothèque avec le Frac Limousin en
juillet 2007 et de son projet d’installation dans de nouveaux locaux envisagée pour 2012.
32 se reporter à l’entretien, annexe X p.129
33 se reporter à l’entretien, annexe XI p.133
34 se reporter à l’entretien, annexe XII p.138
35
A. Un ancrage régional unique en France
« Constituer une collection d’art contemporain composée d’œuvres sur papier et en
assurer la diffusion sur le territoire régional », telle est la retranscription littérale de la
mission statutaire confiée par le Conseil Régional du Limousin à l’artothèque depuis sa
création en 1986.
La mise en place de l’artothèque, qui s’inscrit dans les mesures de décentralisation
culturelle des années 1980, s’appuie dès son origine sur l’établissement d’un partenariat
original avec le Faclim.
Fondé en 1982, à l’initiative d’élus locaux et indépendamment du Frac, qui verra le
jour en 1983, le Faclim repose sur un principe fort de mutualité, à savoir la constitution d’un
réseau de communes qui choisissent de consacrer un franc par an et par habitant (15 centimes
d’euro aujourd’hui) à l’acquisition d’œuvres d’art contemporain afin de construire une
collection destinée à circuler sur tout le territoire. L’idée est de permettre à chaque ville ou
village, situés dans un des trois départements de la région, d’avoir accès à cette collection
dans des conditions identiques. Plusieurs propositions sont ainsi faites chaque année aux
municipalités pour accéder à ce fonds : de l’exposition annuelle au prêt renouvelable (à raison
de 15 œuvres tous les 3 mois). Le fonds ainsi constitué et diffusé doit permettre, selon le
Faclim, d’élargir les possibilités d’accès à l’art contemporain pour l’ensemble de la
population du Limousin. L’engagement des élus s’appuie sur la conviction que « la
démocratisation de la culture ne serait pas une utopie. Les actions développées visent toutes à
redonner à la création artistique une fonction sociale, éducative et populaire35
». Dans un
souci de rééquilibrage territorial, l’action du Faclim s’oriente en priorité vers les zones rurales
en difficultés.
35 Propos extraits de la plaquette de présentation du Faclim
36
En 1986, la création de l’artothèque du Limousin répond à la volonté de doter la
région d’un équipement suffisamment modulable pour répondre à ces exigences. La collection
du Faclim et celle de l’artothèque (constituée grâce à la subvention de 200 000 francs allouée
par l’Etat) sont réunies et la gestion ainsi que l’animation du réseau, qui s’élève à l’époque à
18 communes, sont confiées à l’artothèque »36
.
Aujourd’hui, l’artothèque anime un réseau de 66 communes, réparties sur les trois
départements et sa directrice, Catherine Texier, observe que l’intérêt de la région pour la
diffusion de l’art contemporain n’a pas faibli durant toutes ces années.
La mise en place de cet équipement, qui s’ajoute à la création du Frac, puis à la
création de deux centres d’art, témoigne du souci des élus de prendre en compte les
particularités géographiques et démographiques du Limousin. Face à un territoire enclavé,
sans pôle économique fort et avec comme seule grande ville Limoges, ces derniers font le pari
de la culture et de l’accès à l’art contemporain pour renouveler l’image de la région et
contribuer à son rayonnement. Cette politique ambitieuse de soutien et de diffusion de l’art
contemporain, se traduit aujourd’hui par la création d’une offre artistique et culturelle riche et
variée. La région compte plusieurs équipements structurants.
- deux centres d’art
- un musée d’art contemporain,
- un Frac,
- une artothèque,
- Le Faclim, géré et animé par l’artothèque mais qui a conservé son autonomie juridique,
- un réseau d’associations dans le domaine de l’art contemporain.
36 Cette dernière est alors rattachée à l’Agence Technique Culturelle de la Région Limousin qui
rassemble à l’époque le Frac, un Parc de matériel et l’Orchestre Symphonique Régional. L’année 2007
marque un tournant dans la vie de l’artothèque, qui quitte l’ATCRL pour rejoindre le Frac Limousin,
qui avait lui-même déjà quitté la structure en 1998.
37
L’artothèque, qui opte pour un schéma de fonctionnement « hors les murs »37
s’attache
dès sa création, à créer des partenariats ainsi qu’un réseau de relais efficaces. Si la priorité est
d’abord donnée au jeune public par le biais de collaborations avec l’Education Nationale,
mais aussi aux collectivités et au réseau associatif, l’artothèque prolonge et élargit son action
de diffusion à partir de 1989, à travers quatre structures relais particulièrement bien ancrées
sur le territoire. Des relais qui lui permettront notamment d’assurer par délégation le prêt aux
particuliers. Les relais de l’artothèque sont le Centre international d’Art et du Paysage de
Vassivière (Haute-Vienne), la Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges (Haute-
Vienne), l’association Peuple et Culture de Tulle (Corrèze), la Ville de Guéret avec l’Espace
Fayolle (Creuse).
Chacun de ces relais assure, avec des niveaux d’activité différents, des missions très
spécifiques de diffusion afin d’organiser le rayonnement de la collection sur tout le territoire.
Un territoire aux caractéristiques bien spécifiques comme le souligne Catherine Texier : « Il
s’agit d’une région où les gens sont majoritairement en situation d’isolement par choix. Ce
n’est pas un isolement subi. De ce fait, il faut vraiment aller à leur rencontre, car ils ne vont
pas faire des kilomètres pour aller dans un équipement culturel ».
« Peuple et Culture » en Corrèze intervient plus particulièrement dans les zones rurales
en direction des établissements scolaires et des particuliers. Cette association, créée en 1951,
issue des mouvements d’éducation populaire, s’est intéressée à l’art contemporain dans les
années 1980 en invitant des artistes en résidence à Tulle. Désireuse de rapprocher les artistes,
les œuvres et la population sur un territoire donné, l’association est devenue relais de
l’artothèque en 1991.
37 La collection et le personnel sont abrités au sein de l’Hôtel de Région
38
Elle mène également un travail de sensibilisation aux arts plastiques à travers une galerie
d’exposition qu’elle anime depuis bientôt quatre ans. A partir de 1999, afin de rompre
l’isolement culturel des plus petites communes, l’association adopte un fonctionnement
itinérant avec la mise en place d’un « artobus qui permet d’acheminer les œuvres au fin fond
de la Corrèze », nous explique Aurélie Gatet, alors responsable du relais artothèque. Le trajet
de l’artobus comprend trois circuits destinés à couvrir tout le département. « Le parcours se
fait environ tous les 3 mois pour laisser le temps aux abonnés de découvrir les œuvres et,
dans le cas des instituteurs, de les exploiter ». Le bilan de l’artobus s’avère très positif.
Aurélie Gatet constate que le passage de l’artobus suscite une forte demande et surtout que sa
mise en place permet de toucher d’autres publics : « Au début, nous avions surtout un public
de particuliers, les gens qui se déplacent sont déjà intéressés par l’art. Avec l’artobus, on va
à la rencontre d’autres personnes ; et puis cela a renforcé notre collaboration avec les
écoles, notamment dans les villages enclavés où il arrive qu’il n’y ait qu’une classe unique. »
Cette collaboration avec Peuple et Culture génère une activité importante (expositions au sein
de la galerie et prêts) qui représente près d’un tiers du total des opérations de diffusion de
l’artothèque en Limousin.
Le Centre International d’Art et du Paysage de Vassivière, qui se situe comme un
laboratoire d’expérimentation, privilégie l’offre de prêt dans la continuité des expositions et
des activités du Centre. Pour Jean-Christophe Radke, chargé du service éducatif du Centre
d’Art de Vassivière et du relais artothèque abrité au sein de ce même centre depuis 1998,
l’artothèque constitue un formidable outil de médiation. Le fait de pouvoir proposer aux
visiteurs du centre de prolonger leur découverte par la présentation d’œuvres susceptibles
d’être empruntées, offre à ces derniers des pistes supplémentaires de compréhension et
simplifie l’approche de l’art. Par ailleurs, le Centre, dont la situation sur l’île de Vassivière est
assez isolée géographiquement, mène des actions hors les murs avec des animations
pédagogiques au sein des écoles à partir des œuvres du fonds et collabore également avec
l’artothèque centrale (à Limoges) à l’animation d’opérations dans le cadre des communes du
Faclim. L’opération « L’art en lieux » que nous détaillerons plus bas, fournit un excellent
exemple des expériences qui sont menées, notamment dans le domaine de la médiation des
œuvres.
39
La Bibliothèque Francophone Multimédia de Limoges assure le prêt aux particuliers
depuis 1998. A ce jour, faute de moyens suffisants (personnel dédié au prêt d’œuvres et formé
en conséquence), le potentiel de ce relais qui offre un cadre de grande qualité est sous-
exploité. Des réflexions sont menées pour optimiser le partenariat et développer le public des
particuliers.
La ville de Guéret, au sein du Centre Culturel municipal (Espace Fayolle) assure la
diffusion des œuvres pour la Creuse. Mis en place dès 1989, ce relais est celui qui semble le
plus difficile à consolider. Le cadre d’accueil de la collection rend difficile la dimension
départementale du relais. Dans cette perspective, un partenariat avec le Musée d’Art et
d’Archéologie de Guéret, initié en 2007 à l’occasion de la Nuit des Musées, permet de penser
à un développement réel de l’action de l’artothèque en Creuse, dont le musée est en passe de
devenir le relais.
Par ailleurs, soucieuse d’approfondir son action de diffusion régionale, l’artothèque du
Limousin expérimente depuis 2006 la mise en place de relais temporaires qui offrent la
possibilité sur une période donnée (correspondant généralement à un temps fort de la structure
d’accueil) d’emprunter des œuvres gratuitement. La formule est testée avec succès depuis
2006 auprès de la ville de Saint-Prieix ou encore avec le Parc Naturel Périgord Limousin à
l’occasion des journées du Patrimoine, en association avec le Musée de Rochechouart et le
Pôle des métiers d’art de Nontron. Cette nouvelle collaboration avec le Parc Naturel répond
également à la volonté de l’artothèque de faciliter et favoriser une démarche collective
d’accès à l’art. Si la médiation mise en œuvre par l’artothèque repose sur une appropriation
individuelle et intime des œuvres, Catherine Texier, directrice de l’artothèque du Limousin,
considère, pour sa part, que la capacité à rencontrer l’œuvre est très riche quand elle est faite
en groupe, avec d’autres personnes ou au sein de la cellule familiale. Le partenariat avec le
Parc Naturel, qui attire un public familial, s’inscrit dans cette démarche d’élargissement des
publics et d’accès collectif à l’art.
40
De son côté, le réseau des communes Faclim, ajouté aux actions propres de
l’artothèque, permet de développer régulièrement les actions en zones rurales. « Nous
intervenons de pleins de façons différentes et dans des endroits très variés : au cœur d’une
kermesse de village, dans une bibliothèque ou encore dans une bergerie en pleine nature. On
croise plein de publics. Chaque territoire ayant ses problématiques bien particulières en
termes de publics, de géographie, notre manière de fonctionner ne repose pas sur un concept
ou sur une recette qu’on va appliquer », nous explique Olivier Beaudet. Ainsi une dizaine
d’expositions ont été organisées en 2007 au sein de 33 communes du réseau Faclim, offrant
aux Limousins des opportunités uniques de rencontres avec les œuvres de la collection, mais
aussi avec les artistes eux-mêmes, invités à partager leur démarche.
L’organisation d’un réseau de ce type sur l’ensemble du territoire régional constitue, à
ce jour, une expérience unique. En 2007, l’artothèque du Limousin a facturé à ses abonnés
plus de 9 500 prêts d’œuvres qui ont circulé, hors abonnés particuliers, dans plus de 150 lieux
différents (45 collectivités publiques, 52 établissements scolaires et 23 collectivités privées).
Ces données ne concernant que les prêts facturés, il convient d’y ajouter tous les prêts gratuits
et toutes les œuvres prêtées dans le cadre des expositions Faclim notamment. Dans la réalité,
l’artothèque estime effectuer près de 15 000 prêts d’oeuvres par an.
En développant des actions plurielles en partenariat avec des acteurs variés, dans de
multiples points du territoire, l’artothèque s’attache à aller au-devant de nouveaux publics et
montre sa capacité à intervenir au plus près des besoins locaux.« En Limousin, nous avons
souhaité toucher des publics spécifiques, car nous répondions à une logique de territoire et
parce que nous étions missionnés par une Région dont le territoire est principalement rural.
Le travail avec le tissu associatif et les relais territoriaux est donc primordial. Aujourd’hui
nous rencontrons donc aussi bien une personne habitant un petit village rural, un enseignant
et ses élèves, un patient hospitalisé et sa famille, qu’un étudiant, un employé administratif,
une personne en centre de détention, un chef d’entreprise, un maire… Une artothèque a
vraiment pour vocation de faire pénétrer l’art dans toutes les couches de la société sans
ostracisme », souligne Catherine Texier. L’artothèque contribue ainsi pleinement à
l’aménagement culturel du territoire aux côtés des autres structures du réseau avec lesquelles
elle élabore des projets complémentaires.
41
B. Un fonctionnement hors les murs, créateur de nouveaux liens avec la
population
Loin des réactions de rejet ou d’incompréhension face à un art réputé difficile d’accès,
les témoignages d’Olivier Beaudet38, chargé des relations avec le public au sein de
l’artothèque du Limousin, de Jeannine Laroudie39, adjointe au maire de Royère de Vassivière
jusqu’en 2008, et de Christine Achard40, chargée des arts plastiques et des spectacles jeune
public pour la ville de Saint-Yrieix, sont révélateurs des échanges singuliers qui peuvent
naître de la rencontre de la population avec l’art contemporain. Nous avons choisi de mettre
en perspective deux expériences particulières.
La première concerne l’organisation d’expositions au sein du village de Saint-Martin-
la-Meanne (Corrèze), commune adhérente au Faclim. Olivier Beaudet a contribué à
l’organisation de l’exposition et assuré sa médiation auprès de la population.
« Quant on va dans une commune au fin fond de la Corrèze, c’est souvent un moment très fort
pour la population locale, un moment d’échanges privilégié. Dans le Limousin, les gens sont
très attachés à la vie de village, donc quand il s’y passe quelque chose, c’est quand même très
rare qu’il y ait un effet de rejet de la part de la population. Je suis plutôt confronté à une
curiosité très généreuse. Par exemple, j’ai des expériences assez fortes avec des villages de
campagne comme celui de Saint-Martin-la-Meanne, situé à 2h30 de Limoges, où il ne doit
pas y avoir plus de 500 habitants. On y a organisé pendant 3 ou 4 ans des expositions dans
une vieille maison transformée en Maison de la Culture. On transformait la salle de danse en
lieu d’exposition et on faisait une rencontre avec le public pour l’inauguration. Il y avait
toujours une cinquantaine de personnes et les gens étaient extrêmement curieux. Le fait que
ce soit dans un lieu que les gens connaissent bien ou autour d’un événement populaire, cela
fédère. Les gens avaient beaucoup de plaisir à échanger, à pouvoir dialoguer et à entendre
quelqu’un leur parler d’art. Au point que lors de la dernière exposition, un monsieur s’est
absenté, il est revenu avec une miche de pain. Il m’a dit : « je viens de restaurer mon four à
pain. Vous nous avez fait vivre un moment tellement fort en venant nous parler des œuvres.
Moi aussi je voulais vous donner quelque chose ».
38 Se reporter à l’entretien, annexe XI p.133
39 Se reporter à l’entretien, annexe XIII p.140
40 Se reporter à l’entretien, annexe XIV p.143
42
La deuxième expérience a trait à l’opération « L’art en lieux » dans le village de
Royère-de-Vassivière, commune de 636 habitants située en Creuse à une dizaine de
kilomètres environ du Centre International de l’Art et du Paysage. Adhérente au Faclim
depuis 2001, la Mairie accueille chaque année une douzaine d’œuvres du fonds qui prennent
place sur les murs de la salle du conseil municipal.
Désireuse de prolonger cette action, la municipalité décide en 2005, 2006 et 2007
d’accueillir des œuvres dans différents lieux de la ville tant publics (la Mairie, la
Bibliothèque, la Poste, l’Office de Tourisme, Radio Vassivière) que privés (le cabinet
médical, le salon de coiffure, la boucherie, le cyber café…). Pour recevoir les œuvres, nul
n’est besoin de beaux bâtiments à l’éclairage parfait, ni de vastes salles permettant un
accrochage flatteur, mais plutôt des hôtes désireux de partager les œuvres qu’ils ont choisies
et donc de s’en faire les médiateurs auprès de la population. Les visiteurs sont invités à
partager cet élan et cette émotion collectifs à travers des rencontres fortuites, des parcours
aléatoires ou encore des visites commentées programmées.
Le succès de l’opération, manifesté notamment par le nombre croissant d’hôtes
impliqués au fil des ans, est lié à l’important travail réalisé en amont avec l’artothèque, le
Centre International d’Art et du Paysage et tous les hôtes des œuvres. Olivier Beaudet nous
explique : « Une fois les 60 œuvres présélectionnées, on a organisé une rencontre avec toutes
les personnes disposées à accueillir une œuvre pour qu’elles fassent leur choix de manière
personnelle, mais avec la possibilité de pouvoir échanger avec l’équipe de médiateurs. Ainsi,
chacun disposait d’informations et pouvait dialoguer très ouvertement avec les médiateurs,
de façon totalement informelle. L’idée, c’était surtout qu’elles s’approprient pleinement les
œuvres et assument leur choix car c’est elles qui auront à en parler. A l‘exception des lieux
publics où les personnes qui avaient sélectionné les œuvres n’étaient pas forcement en mesure
de dialoguer avec les visiteurs, nous avons fait en sorte de supprimer tous textes explicatifs
des cartels. Il était important que les hôtes ne puissent pas entrer dans un rapport comparatif
avec des critiques ou des professionnels de l’art contemporain dont les préoccupations
esthétiques, par exemple, risquaient de susciter une frustration ou un complexe. Même si nous
veillons à leur fournir de la documentation sur les œuvres, moins pour les amener à lire sur
l’art que pour les rassurer, nous ne souhaitons pas que ce soit le discours du spécialiste qui
opère, mais celui de l’hôte qui souhaite vivre avec une œuvre, la montrer et la partager.
43
L’enjeu, c’est bien celui de le pousser au dialogue avec le visiteur et cela avec son propre
vocabulaire, ses propres préoccupations. Parler d’art, ce n’est pas que parler de l’œuvre, ça
peut être l’occasion, pour un restaurateur par exemple, de parler de ce qu’il ressent à travers
des recettes, des saveurs… Surtout parler d’art, cela suppose que l’on n’en ait plus peur.»
Les actions développées par l’artothèque au sein de ces partenariats montrent combien
la circulation de la collection et ses conditions d’accès auprès d’une population demandent
une mise en œuvre spécifique. Loin d’un modèle standard, la sélection des œuvres, l’accueil
des publics, la transmission des démarches artistiques, le dialogue engagé avec toutes les
parties prenantes procèdent et résultent d’une attention continue portée aux réalités du
territoire et à sa population. Une écoute garante de la capacité d’adaptation et d’innovation de
l’artothèque.
44
I.2.3 Portées et limites de l’action des artothèques
Présentes, pour certaines, depuis plus de 25 ans, les artothèques proposent à tous une
expérience inédite : vivre en présence d’œuvres d’art contemporain dans l’intimité
quotidienne de son domicile, de son travail, de son école, ou encore d’une maison de retraite,
d’un hôpital… Quel projet enthousiasmant et ambitieux ! Pourtant, la méconnaissance du
grand public à leur égard est criante et leur inscription dans le paysage culturel français plutôt
discrète, pour ne pas dire marginale.
Quels sont les atouts de ces structures ? Quelle est la nature des échanges qui se créent
entre les emprunteurs et les œuvres ? Comment s’opère la médiation ? Quels publics
touchent-elles ? Mais aussi, quels obstacles rencontrent-elles ? Autant de questions auxquelles
nous tenterons d’apporter des réponses à travers l’analyse des spécificités des artothèques
mais aussi de leurs difficultés.
A. Un outil de diffusion et de sensibilisation original
L’analyse des spécificités des artothèques nous a permis de dégager trois
caractéristiques majeures les concernant, qui constituent autant d’atouts à leur actif :
- un processus de médiation individualisé qui favorise l’appropriation ;
- la création d’un nouveau lien entre espace public et espace privatif ;
- une grande souplesse de fonctionnement et d’intervention.
Un processus de médiation individualisé qui favorise l’appropriation
Les restitutions d’expériences conduites au sein des artothèques, ainsi que les
entretiens menés auprès d’emprunteurs pour le compte de collectivités témoignent de la
singularité du processus de médiation mis en œuvre par ces dernières. Ce processus repose
sur l’établissement d’un contact direct et privilégié entre les emprunteurs et l’artothèque ainsi
que sur l’idée d’une appropriation intime et individuelle de l’œuvre par les emprunteurs.
45
Un contact direct et privilégié entre les emprunteurs et l’artothèque
Contrairement à une exposition, qui induit une relation anonyme et conjoncturelle, le
principe de prêt, qui suppose le respect d’un protocole particulier, permet à la structure
d’identifier ses abonnés et de développer une relation personnalisée avec ces derniers, et ce
d’autant plus que le contrat qui s’établit entre l’un et l’autre repose sur la confiance et la
responsabilité. Au-delà de la capacité à bâtir et à animer un fichier d’abonnés, les
responsables notent que la venue à l’artothèque est souvent l’occasion d’une rencontre et d’un
échange autour des œuvres qui, au fil du temps, permet de tisser des liens privilégiés entre le
personnel de l’artothèque et les emprunteurs. Hélène Decaudin, responsable de l’artothèque
d’Auxerre, observe que souvent, face à une œuvre, les gens se livrent et dévoilent une part de
leur intime. La nature des relations qui se nouent au sein de ces structures fait d’ailleurs dire à
Philippe Piguet41
, critique d’art, que l’artothèque est surtout un lieu d’échange : « un lieu
d’échange véritable, à visage humain et à parole humaine » au sein duquel l’œuvre semble
jouer le rôle de trait d’union.
Une appropriation intime et individuelle de l’œuvre par les emprunteurs qui s’inscrit
dans la durée.
Selon Catherine Texier, directrice de l’artothèque du Limousin, le prêt permet de
déplacer le rapport à l’œuvre. Ce déplacement se traduit sur plusieurs niveaux :
- l’œuvre devient un objet manipulable ;
- l’emprunt rend le spectateur actif et acteur ;
- l’activité de prêt sort l’art des lieux de légitimation artistique ;
- l’activité de prêt interroge la question de la possession comme préalable à
l’appropriation.
41 ADRA, Les Artothèques, des outils novateurs au service de l’art et des publics - Acte de Colloque
18 et 19 octobre 2000, p76
46
L’œuvre comme objet
Rangées dans des bacs posés au sol, dans des casiers, accrochées à des grilles ou
encore au mur, les œuvres sont mises à la disposition des personnes qui ont toute liberté pour
les prendre, les poser contre un mur, les changer de place, reculer, commenter… Ce contact
physique avec l’œuvre permet de rompre certaines barrières symboliques et intellectuelles qui
sont opérantes dans les musées ou les centres d’art. Le fait de pouvoir toucher et emporter un
objet d’art favorise une certaine proximité avec l’œuvre et la rend plus accessible. Olivier
Beaudet, chargé des relations avec les publics au sein de l’artothèque du Limousin, souligne
l’importance symbolique que revêt ce geste de l’emprunteur. Un geste qui permet de
désacraliser l’œuvre d’art. Un geste qui ne va d’ailleurs pas toujours de soi. Ainsi, si l’offre
d’emprunt suscite en règle générale beaucoup d’enthousiasme42, il arrive parfois qu’elle se
heurte à une grande incrédulité de la part des personnes qui n’imaginent pas que cela soit
possible43. Cette réaction rend compte de la façon dont on s’approprie l’art et de son caractère
sacré dans notre société. Avec les artothèques, l’œuvre devient un objet manipulable qui se
dérobe à la sacralisation muséale pour devenir à part entière un objet intégré dans la vie
quotidienne.
L’emprunt, un acte qui engage
Emprunter une oeuvre d’art, induit au préalable un choix, une sélection. Loin d’être
anodin, il s’agit d’un acte volontaire qui suppose un investissement conséquent de la part de la
personne qui affirme ainsi son goût pour l’art. La nature de cet investissement est soulignée
par Aurélie Gatet44 qui constate que le fait de choisir une œuvre, et a fortiori de l’emprunter,
responsabilise la relation à l’oeuvre. Elle s’appuie sur l’exemple d’une classe au collège, pour
42 Les enquêtes que nous avons conduites auprès des visiteurs de la Foire d’art contemporain de Lille
et de l’espace d’exposition Lasécu attestent de l’intérêt pour la formule, se reporter aux résultats
présentés annexes VIII et IX, p.123 et 125)
43 Expérience partagée par Claire Tangy, directrice de l’artothèque de Caen et Anne Peltriaux,
directrice de l’artothèque de Pessac, dans le cadre de la formation sur les artothèques organisée par le
CIPAC en mars 2008
44 Personne en charge du relais de l’artothèque du Limousin à Tulle jusqu’en 2007
47
laquelle choisir une œuvre et l’exposer à l’école pendant plusieurs semaines, revenait à
comprendre, dans la pratique, la notion de partage du bien public. De la même manière, on
perçoit bien dans les témoignages des « personnes relais » qui empruntent pour le compte de
collectivités45
la volonté de ne pas imposer leurs choix aux destinataires des œuvres. Olivier
Beaudet, chargé des publics au sein de l’artothèque du Limousin, que nous avons eu le plaisir
d’accompagner en juillet 2008 lors d’un accrochage d’œuvres dans une mairie, accorde une
attention particulière à ce que le choix des œuvres soit fait par les personnes qui vont les
accueillir sur leurs murs. Si les personnes rencontrées déclaraient vouloir s’en remettre au
jugement du « spécialiste », en l’occurrence de celui qui apportait les œuvres, Olivier les
amenait avec douceur et patience à exprimer leur choix. Il constate que cette « prise de
position » participe pleinement à l’appropriation de l’œuvre et favorise la responsabilisation
des emprunteurs qui sont par la suite plus respectueux de l’œuvre.
De plus, dans le cas de cette mairie, l’enjeu était également de conduire le Maire à assumer
pleinement son geste, un geste politique au sens où il invitait l’art à prendre place dans la cité.
Cette possibilité d’agir, qu’offrent les artothèques à leurs adhérents, libres d’exprimer
et d’afficher un choix, est comme nous l’avons vu, loin d’être anodin. En reconnaissant à
chacun la capacité d’exprimer un choix, une préférence esthétique, l’artothèque reconnaît
implicitement la validité de leur jugement et favorise le sentiment d’appartenance à une
communauté de culture. L’oeuvre choisie devient une valeur partagée, un langage commun.
Dans cette perspective, certaines artothèques s’attachent précisément à valoriser le geste de
l’emprunteur au sein de la collection. Cette expérience a été notamment menée par Christine
Achard46
dans le cadre de l’exposition « Tout doit disparaître ». Christine avait demandé aux
emprunteurs si elle pouvait les photographier en train de poser devant l’œuvre. Le portrait de
l’emprunteur était ensuite placé en lieu et place de l’œuvre empruntée et les polaroïds ont
servi l’année suivante à composer l’affiche et l’invitation de la nouvelle exposition.
45 et
46 Voir à ce sujet les entretiens de Jeannine Laroudie et Christine Achard, annexe XIII p. XXXIV
et annexe XIV p. 143
48
Dans le même registre, Claire Tangy, directrice de l’artothèque de Caen choisit
régulièrement d’exposer une anné d’emprunt d’un abonné avec sa photo afin de valoriser le
regard intime porté sur le fonds de l’artothèque. Il s’agit, pour elle, de rendre lisible un travail
qui est tout sauf spectaculaire, mais qui se joue au quotidien dans l’intimité de chacun . « Tant
que les œuvres ne sont pas empruntées, elles ne sont pas activées. C’est le regardeur qui fait
le tableau disait Duchamp, c’est l’emprunteur qui fait la collection47
».
Un cadre d’exposition banalisé
L’activité de prêt, qui sort l’art des lieux de légitimation artistique, modifie le regard porté
sur l’oeuvre. Comme le souligne Olivier Beaudet : « Quand vous n’êtes pas dans un lieu
dédié à la création, vous ne regardez pas l’oeuvre de la même façon. Dans ce contexte, la
distance ou l’attitude défensive que l’on peut rencontrer dans des centres d’art est
neutralisée. C’est un moment privilégié pour parler des œuvres ». Des lors, on ne regarderait
pas de la même manière une œuvre exposée dans un musée qu’accrochée dans son salon.
Christine Achard48
, qui organise depuis 2006, des expositions avec l’artothèque du Limousin
au sein du centre culturel de la ville, en a fait l’expérience. Une fois par an, l’exposition
intitulée « Tout doit disparaître » investit la galerie du centre culturel pour offrir la possibilité
au public d’emprunter gratuitement deux œuvres. « Pendant cette période, nous ne sommes
plus la galerie d’exposition avec un accrochage épuré, mais une galerie avec des murs
envahis de tableaux, photographies, dessins… dans le style des cabinets de curiosité du 19ième
siècle. Je pense que cette présentation favorise une certaine complicité avec le regardeur.
Cela désacralise la salle d’exposition, dont la porte n’est pas toujours simple à franchir pour
certaines personnes. »
47 Expérience partagée par Claire Tangy dans le cadre de la formation sur les artothèques organisée
par le CIPAC en mars 2008.
48 Chargée des arts plastiques et des spectacles pour le jeune public pour la ville de Saint-Yrieix. Se
reporter à l’annexe XIV p. 143
49
Une expérience esthétique dans la durée
Au sein de l’artothèque, la relation qui se noue entre l’emprunteur et l’œuvre repose
davantage sur l’expérience que sur la possession. En ce sens, la pratique des artothèques
apporte un regard nouveau sur la question de la propriété et de l’appropriation, en nous
montrant que l’appropriation d’une œuvre ne passe pas forcement par la propriété juridique.
Par ailleurs, la relation de l’emprunteur à l’œuvre d’art permet aussi de se situer dans un autre
registre que celui de la consommation immédiate. Car les oeuvres d’art ne se présentent pas
comme des biens de consommation immédiate. Leur approche ainsi que le plaisir que l’on
peut retirer de leur connaissance nécessitent de leur accorder du temps. Le principe de
médiation des artothèques repose sur l’idée d’une appropriation dans la durée. L’emprunteur a
la possibilité de vivre en présence d’une œuvre plusieurs mois. Grâce au temps passé à ses
côtés, il peut l’observer à loisir, peut-être la délaisser un temps, puis s’y intéresser à nouveau.
Tous les deux ou trois mois, il a l’opportunité de répéter cette démarche. Comme nous l’avons
vu dans la première partie de ce travail, la répétition entraine une certaine familiarisation. Nul
doute que la durée passée en présence d’œuvres que l’on a choisies favorise leur
contemplation et augure d’une rencontre plus profonde et plus active avec l’art.
Au fil des semaines, l’œuvre est investie d’un vécu. C’est d’ailleurs bien souvent le
décrochage qui va révéler à l’abonné à quel point l’œuvre avait pris place dans sa vie. Ainsi
posséder une œuvre, même temporairement, semble lui donner à jamais un statut particulier
aux yeux de son emprunteur. Il s’en sent aussi riche et proche que s’il en avait été le
propriétaire, à tel point que plusieurs responsables notent que quand les abonnés retrouvent à
l’artothèque une œuvre exposée qu’ils ont déjà empruntée, il est fréquent d’entendre : « Tiens,
c’est la nôtre ! ».
50
La création d’un nouveau lien entre espace public et espace privatif, intime.
L’activité de prêt de l’artothèque consiste à mettre à disposition de tous un bien
commun dont chacun est invité à disposer de manière individuelle à tour de rôle. L’artothèque
invite ainsi le public à partager une œuvre individuellement au sein d’un parcours collectif
(circulation de l’œuvre de lieu en lieu). Ce dispositif permet de toucher une dimension que
peu d’institutions ou équipements culturels prennent en charge, à savoir l’espace privé. Si la
commande publique existe, les artothèques sont les seules à investir la sphère intime. Selon
Claire Tangy49, la restitution des œuvres dans l’espace privé lui confère toute sa dimension
d’œuvre et son existence, grâce au dialogue qu’elle établit avec son environnement. Cette
capacité à advenir dans la vie des gens, à éprouver le quotidien, permet à l’œuvre
d’accompagner l’individu dans toutes les circonstances de sa vie.
L’analyse de Guy Amsellem50, Délégué aux arts plastiques de 1998 à 2003, rejoint
celle de Claire Tangy. Il considère que cette articulation entre espace privé et public, opérée
par l’artothèque, permet de redonner aux œuvres le statut d’oeuvres « à habiter » plutôt qu’à
contempler sur des cimaises. Guy Amsellem souligne notamment le fait que la plupart des
œuvres d’art n’ont pas été conçues pour finir dans des « cubes blancs », ni sur des cimaises,
mais plutôt pour pouvoir prendre place dans des espaces domestiques.
49 Propos partagés dans le cadre de la formation sur les artothèques organisée par le CIPAC en mars
2008
50 Source : ADRA, Les Artothèques, des outils novateurs au service de l’art et des publics – Acte de
Colloque 18 et 19 octobre 2000, Caen, Edition de l’Adra
51
Une grande souplesse de fonctionnement et d’intervention
L’exemple du Limousin est à ce titre édifiant. La nature des collections, composées
d’oeuvres relativement peu onéreuses et facilement transportables, associée à une politique
volontariste de diffusion, ont permis à la structure d’organiser la circulation des œuvres sur un
vaste territoire, de nouer des partenariats inédits auprès d’organismes variés, regroupant aussi
bien des associations, des collectivités, des écoles que des centres de détention ou encore des
hôpitaux. A l’image de l’artothèque du Limousin, de nombreuses structures ont compris
qu’un de leurs principaux atouts résidait dans leur capacité de rayonnement hors les murs
avec l’organisation, par exemple, d’expositions itinérantes. Autant de projets différents qui
témoignent de la capacité d’adaptation des artothèques et de leur force de proposition. Les
artothèques sont ainsi amenées à travailler avec des interlocuteurs divers émanant du monde
de l’enseignement, de l’entreprise, du travail social, du tourisme, des associations locales, du
milieu de l’art, des collectivités… Une variété d’acteurs et de partenaires qui souligne tout
l’intérêt et la complexité du projet de médiation qu’elle porte.
B. Un équipement fragile en quête de reconnaissance
Sur la cinquantaine d’artothèques dénombrée en 2001 par la Délégation aux Arts
Plastiques, seule une dizaine créée sous l’égide conjointe du ministère et des collectivités
territoriales a survécu, tandis qu’une quarantaine semble avoir vu le jour sans incitation
particulière de l’Etat ni cadrage réglementaire51
. Cette situation peut conduire à deux lectures
possibles : soit au succès de la formule (avec 40 créations en 25 ans soit un peu moins de
deux par an), soit à son relatif échec (puisque plus de la moitiée des artothèques créées sous
l’impulsion de l’Etat a disparu). Toute la question est de savoir si on peut comparer les unes
aux autres ? Nous l’avons vu, les artothèques recouvrent des réalités très diverses, tant du
point de vue de leur implantation que de leur fonctionnement. A quoi tient cette disparité, à la
nature du projet ou aux conditions de sa mise œuvre ?
51 Source : COLL-SERROR Caroline, Artothèques : le goût des autres. Interrogations sur l’efficience
du prêt d’oeuvre d’art contemporain, mémoire de DESS, université Pierre Mendes-France, IEP
Grenoble, 2001
52
L’étude menée par Nathalie Heinich52 en 1985 à l’occasion du rapport commandité par
le Ministère de la Culture, pointe en partie les insuffisances des artothèques. Il apparaît
clairement que ces structures aux modalités de travail très diverses rencontrent de nombreuses
difficultés, tant administratives que financières, qui entravent leur travail de médiation et
d’acquisition.
Vingt-trois ans après, qu’en est-il ? Il semblerait que les problèmes survenus à la
création des artothèques continuent de peser sur leur fonctionnement actuel. L’enquête menée
auprès des artothèques de l’Adra, ainsi que la visite de plusieurs d’entre elles, montrent qu’il
s’agit de structures hétérogènes et disparates, dont certaines souffrent d’un déficit de
visibilité, d’une faible lisibilité, de moyens financiers inégaux et souvent insuffisants, et enfin
d’un manque de reconnaissance.
Un déficit de visibilité
Les artothèques sont des équipements culturels peu connus voire totalement méconnus
du grand public qui, pour la plupart, en ignore l’existence. Faute d’une communication forte
et claire sur leur implantation et leurs activités53, ces structures peinent à sortir de la
confidentialité. Il est frappant de voir, par exemple, que l’artothèque d’Auxerre ou encore
celle d’Amiens, qui sont implantées au sein de bibliothèques, ne bénéficient d’aucune
signalétique spécifique. Ainsi, l’accès à l’espace de l’artothèque semble parfois relever
davantage du parcours du combattant ou du hasard que d’une visite au sein d’un lieu
clairement et facilement repérable.
52 HEINICH Nathalie, Les artothèques, Association pour le Développement des Recherches et Etudes
Sociologiques, Statistiques et Economiques, Ministère de la Culture, Service des études et des
recherches, Paris 1985
53 Un grand nombre d’artothèques ne disposent pas de moyens de communication : identité visuelle
propre, plaquettes de présentation, ou encore d’un site internet.
53
Si cette caractéristique est sans doute à lier au lieu d’implantation de l’artothèque, Pierre
Alain Four54, chercheur associé au CERAT-CNRS, note qu’à l’exception des structures
autonomes, les artothèques sont souvent des équipements peu visibles, sans bâti propre et
noyés dans un ensemble d’activités. Ce problème de visibilité est également à mettre sur le
compte de la dispersion de ces structures sur le territoire, sans réelle cohérence nationale, ce
qui ne contribue pas à créer une identité forte et unitaire en France.
Une faible lisibilité
La terminologie employée pour nommer ces structures semble plutôt rebuter et ne tend
pas à favoriser l’assimilation et la compréhension de leur champ d’activités. Si la plupart des
artothèques revendiquent le vocable, on notera que l’artothèque de Nantes a fait le choix
d’une autre appellation en se nommant « le Ring ».
Des moyens financiers inégaux et souvent insuffisants
Beaucoup d’artothèques souffrent d’une fragilité financière qui freine leur
développement. L’inégalité des moyens observés à la lecture des tableaux (présentés en
annexe II p.110), tant au niveau du personnel que des crédits d’acquisition, impacte
directement le fonctionnement des artothèques. Avec le désengagement de l’Etat, seulement
quelques années après leurs création, ces structures, dont le développement repose dès lors
essentiellement sur la volonté et le dynamisme d’acteurs du terrain, sont bien souvent
confrontées à une certaine précarité.
Un manque de reconnaissance
Si les artothèques ont acquis une certaine légitimité auprès des populations où elles
sont implantées et des artistes, elles semblent éprouver des difficultés à s’affirmer au sein du
réseau des équipements culturels. Force est de constater que les artothèques demeurent un
équipement à la marge. Ce problème de reconnaissance tend à s’observer, d’une part auprès
de certains professionnels de l’art, et d’autre part aussi - et cela nous questionne davantage -
54 Source : ADRA, Les Artothèques, des outils novateurs au service de l’art et des publics – Acte de
Colloque 18 et 19 octobre 2000
54
auprès de l’Etat, qui en a été pourtant l’initiateur. En effet, alors que, pour cette recherche,
nous nous sommes penchée sur les données accessibles sur les sites internet du Ministère de
la Culture et de la Communciation ainsi que de la Délégation aux Arts Plastiques, nous avons
constaté qu’aucune information sur les artothèques n’y apparaît. Si le site de la Délégation
aux Arts Plastiques, dont la page d’accueil stipule qu’elle « veille à permettre l’accès du plus
grand nombre aux œuvres et aux pratiques culturelles liées à l’art contemporain », mentionne
diverses structures telles que les Frac ou encore les centres d’art, il semblerait qu’il n’y ait
aucune trace des artothèques. Le même constat s’impose au sujet du site internet du Ministère
de la Culture et de la Communication. Comment expliquer l’absence de ces structures, qui
existent depuis plus de 25 ans et dont nous avons vu l’implication sur le terrain ? Alors que le
Ministère de la Culture a soutenu l’organisation du Colloque sur les artothèques55 et relayé
leurs actions avec la publication d’un guide56 et quand bien même les artothécaires se
félicitent, globalement, de la vitalité du réseau, comment expliquer leur isolement au sein du
paysage institutionnel ?
Les artothèques rencontrées invoquent principalement deux raisons pour expliquer ce
manque de reconnaissance.
La première est liée au socle de leur activité : le multiple, qui a été pendant longtemps
déconsidéré par les professionnels de l’art contemporain, lui privilégiant l’œuvre originale et
unique. Une situation dont Catherine Texier, directrice de l’artothèque du Limousin, remarque
qu’elle a fortement évolué. L’œuvre sur papier n’étant plus aujourd’hui considérée comme un
sous-produit de l’art.
La deuxième raison est certainement à trouver dans les conditions de mise en œuvre
des artothèques. Pour Claire Tangy, directrice de l’artothèque de Caen, le projet a été mis en
place sans que soit sérieusement considérée la question de leurs moyens57
. Elle considère que
l’Etat n’est pas allé au bout de l’idée qui a présidé à la création de ces structures.
55 Colloque organisé les 18 et 19 octobre 2000 à Caen par l’Adra
56 Ministère de la Culture et de la Communication – Actions/Publics pour l’art contemporain.
Supplément artothèques 2000, Paris, Editions Zéro heure
57 Propos partagés lors de la formation sur les artothèques organisée par le CIPAC en mars 2008
55
Les artothèques mises en place ne devaient pas coûter cher et leur montage a souvent été du
bricolage. Les financeurs n’ont pas eu conscience qu’il fallait réinjecter de l’argent chaque
année pour maintenir une collection vivante. L’Etat, au moment où il a alloué les subventions,
ne les a pas assorties d’un cahier des charges qui en aurait régi le cadre, si bien qu’il n’y pas
eu de suivi. A charge pour les collectivités de structurer et pérenniser l’outil dont elles avaient
hérité. Claire Tangy note que d’année en année, les budgets ont été réduits, et dès lors, quand
on a voulu faire des bilans, ils furent négatifs. Ainsi, les évaluations menées par le Ministère
de la Culture58
en 1985, soit seulement trois ans après leur création, concluent à un relatif
échec des artothèques au regard des objectifs qui leur avaient été fixés. Catherine Texier,
directrice de l’artothèque du Limousin, estime que cette étude, menée prématurément, a
certainement fourni un bon prétexte à l’Etat pour se désengager : « On avait changé de
ministère, l’idée, c’était peut-être de ne pas s’engager dans un énième réseau national qui
supposait des financements supplémentaires » déclare-t-elle. Caroline Coll-Serror59
en
conclut que la politique de l’Etat à l’intention des artothèques porte en elle même les gènes de
ses limites, à savoir l’insuffisance de moyens pour accompagner leur développement et
l’ambiguïté de leur statut.
58 HEINICH Nathalie, Les artothèques, Association pour le Développement des Recherches et Etudes
Sociologiques, Statistiques et Economiques, Ministère de la Culture, Service des études et des
recherches, Paris 1985
59 COLL-SERROR Caroline, Artothèques : le goût des autres. Interrogations sur l’efficience du prêt
d’oeuvre d’art contemporain, mémoire de DESS, université Pierre Mendes-France, IEP Grenoble,
2001
56
C. La question des publics et de l’impact des artothèques
L’action des artothèques, comme tout équipement culturel, pose la question de
l’élargissement des publics de la création vivante au regard de l’objectif de démocratisation
culturel visé par l’Etat. Le prêt contribue-t-il à sensibiliser de nouveaux publics, permet-il de
susciter la demande de « non pratiquants » ou bien les artothèques touchent-elle un public
averti, privilégié, déjà connaisseur ? Et qu’en est-il des objectifs de formation du regard : le
temps passé en présence des oeuvres, mais aussi la répétition permettent-ils de se faire
« l’œil » ?
Si, comme nous l’avons vu dans la première partie de ce travail, les publics de l’art
contemporain sont peu connus, ceux des artothèques le sont encore moins. Les enquêtes, dont
nous disposons à travers l’étude de Nathalie Heinich60
réalisée en 1985, puis celle d’Anaïs
Coenca61
en 2004, portent sur un nombre limité de structures (17 pour la première étude et 4
pour la seconde62
), ce qui en limite la portée.
Par ailleurs, ces études ne s’intéressent qu’aux abonnés, sans rendre compte des
publics plus larges que constituent les visiteurs de la structure, notamment à l’occasion des
expositions ou encore dans le cadre des actions hors les murs mises en place dans des lieux
dont nous avons pu apprécier la diversité à travers l’expérience de l’artothèque du Limousin.
Il s’agit, enfin, d’analyses uniquement quantitatives qui ne permettent pas de rendre
compte de la nature des relations qui se nouent entre l’emprunteur et l’œuvre. Néanmoins, les
enseignements de ces enquêtes, couplés aux observations des acteurs de terrain, nous
permettent de formuler quelques hypothèses.
60 HEINICH Nathalie, Les artothèques, Association pour le Développement des Recherches et Etudes
Sociologiques, Statistiques et Economiques, Ministère de la Culture, Service des études et des
recherches, Paris 1985
61 COENCA Anaïs, les Artothèques : succès ou insuccès ? La question des publics, mémoire de
maîtrise, Paris 1 Panthéon Sorbonne, dir.B.Darras, 2002
62 les quatre structures étudiées sont les artothèques de Villeurbanne, Hennebont, Cherbourg, St Maur-
des-Fossés
57
Le public des abonnés particuliers
Si on se concentre uniquement sur le public des particuliers, l’objectif de
démocratisation apparaît très relatif. Les enseignements sur les publics de l’art contemporain,
présentés dans la première partie de ce travail auguraient de ce constat, qui ne suscite pas la
surprise.
Les personnels des artothèques observent bien qu’il n’existe pas de demande
spontanée pour emprunter des œuvres, a fortiori quand il s’agit d’art contemporain, qui est un
des domaines les moins fréquentés par le public. Dans ce contexte, les artothèques
reconnaissent aisément que les personnes qui font la démarche d’aller jusqu’à elles
représentent un public minoritaire, bien ciblé, plutôt motivé (et ce d’autant plus quand,
comme nous l’avons vu, l’accès à l’artothèque peut s’avérer difficile). Les travaux menés par
Nathalie Heinich, puis ceux d’Anaïs Coenca, nous fournissent des indications sur les
caractéristiques des emprunteurs. Notons que, malgré les 20 années qui séparent les deux
études, les résultats s’avèrent sensiblement peu différents, signe que les publics de la culture
mettent du temps à évoluer.
Leurs recherches montrent que le profil des emprunteurs ne se distingue pas
fondamentalement des visiteurs des musées d’art contemporain, c’est-à-dire un public
fortement doté de « capital culturel ». Les artothèques drainent un public sur-déterminé, tant
du point de vue du statut social, du niveau d’étude, des revenus, que des pratiques culturelles :
un tiers sont des cadres supérieurs ou professions libérales, la moitié possède au moins une
licence, les deux tiers sont jeunes (60% des emprunteurs ont moins de 35 ans) et 57%
pratiquent une activité culturelle (au sens large du terme). Aucune classe populaire n’y figure.
La comparaison avec la population française révèle que le monde des artothèques reproduit
massivement la traditionnelle sélection socioculturelle opérée par les pratiques dites cultivées.
Il serait néanmoins intéressant de réaliser des études plus approfondies pour savoir dans
quelle mesure l’implantation géographique et administrative des artothèques impacte la
composition socio-démographique du public des particuliers. On pourrait supposer qu’une
artothèque implantée au sein d’une bibliothèque, et qui plus est, sur un territoire rural, ne
touche pas nécessairement le même type de personnes qu’une structure autonome située en
plein centre ville au sein d’une agglomération importante. Ainsi, la responsable de
l’artothèque d’Hennebont, dont la structure est implantée au sein du centre socioculturel de la
58
ville qui accueille également l’antenne Anpe, nous a confié ne pas retrouver les
caractéristiques de son public dans le portrait-type dressé par ces études.
On notera que l’analyse de Nathalie Heinich, qui remet en cause le rôle présupposé de
démocratisation culturelle joué par les artothèques, est, pour beaucoup de responsables
d’artothèques, une étude prématurée63
à l’origine du désintéressement de l’Etat à l’égard de
ces structures.
Les résultats d’Anaïs Coenca, permettent néanmoins de nuancer ce constat en offrant
des signes positifs d’évolution :
- Elle observe une ouverture à un public dont les pratiques culturelles sont moins
fréquentes. Pour 10% des adhérents, l’artothèque a permis de faire évoluer leur
pratique, avec par exemple la fréquentation des musées.
- Si les artothèques ne recrutent pas des non publics de la culture, elles offrent toutefois
aux 10 à 30% des adhérents qui ne fréquentent pas de musées ou de galeries et ne
visitent jamais d’expositions, une occasion spécifique de contacts avec l’art
contemporain.
- L’artothèque touche des particuliers qui ont un taux de sociabilité élevé : plus d’un
tiers des personnes sondées reçoivent des hôtes chez elles au moins une fois par
semaine. L’œuvre empruntée est donc susceptibles de toucher d’autres personnes et
l’abonné est invité à jouer le rôle de médiateur. Une médiation par délégation, qui
semble particulièrement efficace et dont l’artothèque du Limousin a eu recours à
travers l’opération « l’art en lieux » menée à Royère de Vassivière. Cette expérience,
ainsi que les témoignages recueillis auprès de Christine Achard, chargée des arts
63 Cette étude a été menée seulement trois ans après la création des artothèques. Or, comment évaluer
l’efficience d’un dispositif de ce type après si peu d’années d’activité. La médiation demande du
temps, des ressources humaines et financières, ce dont, et l’étude le souligne, manquaient les
artothèques en 1985.
59
plastiques et des spectacles jeune public pour la ville de Saint-Yrieix, ou encore de
Jeanine Laroudie, adjointe au maire de Royère-de-Vassivière, qui empruntent des
œuvres pour le compte de leur collectivité, montrent que l’élargissement des publics
s’appuie sur la formation et l’implication « d’emprunteurs-relais » ou encore de
« médiateurs délégués ».
- Enfin, si l’artothèque attire spontanément des personnes plutôt privilégiées
socialement, déjà sensibilisées à la culture, il ne s’agit pas de spécialistes de l’art (les
personnes sondées ne connaissent pas les techniques et peu les artistes des œuvres de
la collection), contrairement aux « experts » ou aux « connaisseurs »64
que l’on
rencontre plus fréquemment parmi les visiteurs des musées d’art contemporain.
D’ailleurs, l’ensemble des responsables d’artothèques rencontrées constatent, qu’à
l’exception de quelques personnes qui attachent de l’importance au nom et à la
notoriété de l’artiste65
, dans la plupart des cas, les gens choisissent avant tout au
« feeling », c'est-à-dire mettent en jeu leur sensibilité plutôt que leurs connaissances.
C’est ce que nous décrit l’article de Télérama66
en nous parlant de Jacqueline : « je ne
connais pas les noms », « je ne fais pas partie des gens qui savent ». Comme la
plupart des adhérents de l’artothèque de Caen, elle fonctionne au coup de cœur. Peu
intellectualisé, l’acte d’emprunt repose avant tout sur des registres de valeurs d’ordre
émotionnel et relationnel.
Pour toutes ces raisons, Anaïs Coenca en conclut que l’artothèque permet d’opérer une
démocratisation relative dans la mesure où on observe une ouverture à des publics, certes
familiers de la culture, mais pas de l’art contemporain. A ces constats, dégagés par Anaïs
Coenca, il nous semble utile d’ajouter qu’un grand nombre d’artothèques nous ont indiqué
que, dans la majorité des cas, leurs abonnés venaient choisir les œuvres en famille. Cette
précision à retenu notre attention au regard des modalités de visites observées dans les musées
d’art contemporain qui seraient davantage fréquentés par les célibataires ou les couples. Cette
hypothèse, qui doit être vérifiée statistiquement, permettrait de conforter le fait que
l’artothèque touche, à travers les familles, un public plus large que les musées d’art
contemporain.
64 voir à ce sujet les recherches de Juliette Passebois-Ducros et Philippe Aurier sur le profil des
visiteurs de lieux d’art contemporain, évoqué p.1965
dans ce cas, les artothécaires notent que cette attitude apparaît souvent comme un moyen de se
différencier et de valoriser son appartenance à un groupe social.66
in « 300 francs le maître », Télérama n°2612 du 2 février 2000, p.67, se reporter à l’annexe XVI,
p.147
60
Le public des actions hors les murs
En revanche, si on s’intéresse à l’intervention de l’artothèque hors les murs, la
question des publics prend une toute autre dimension. Nous l’avons vu, l’artothèque semble
naturellement s’adresser d’abord à un public sur-sélectionné, mais c’est aussi un équipement
qui a potentiellement la capacité à toucher un public plus varié que les musées et les centres
d’art. Ainsi, Olivier Baudet, chargé de publics au sein de l’artothèque du Limousin, qui
intervient dans des espaces ruraux auprès de populations plutôt éloignées de l’offre culturelle,
constate pour sa part une vraie curiosité de la part de personnes qui n’ont pas l’habitude de
côtoyer de l’art contemporain. Une curiosité qui s’exprime d’autant plus facilement que les
œuvres vont aux personnes sans qu’elles aient besoin d’aller à elles. Il note que cette action
hors les murs, basée sur la rencontre entre « haute culture » et culture populaire, permet
précisément de toucher d’autres personnes. Ce constat est également partagé par Christine
Achard, au sein du centre culturel de Saint-Yreix. Les opérations ponctuelles comme « Tout
doit disparaître », qui permettent au public d’emprunter les œuvres de l’exposition, touchent
des emprunteurs particuliers qui semblent échapper à la catégorisation socioculturelle énoncée
plus haut. Christine Achard observe notamment que sur les emprunts enregistrés lors de
l’édition de 2007, un tiers a été motivé par des enfants de 6 à 10 ans, 20% par des écoles en
visite qui ont emprunté des œuvres pour les mettre dans leur classe. Le reste des emprunts a
été effectué par des adultes âgés de 25 à 65 ans, c'est-à-dire au sein de toutes les tranches
d’âge.
Par ailleurs, les actions menées auprès de publics « captifs » (tels que les centres de
détention ou encore les maisons de retraites et les hôpitaux, par exemple) permettent
également sans doute de toucher des publics différents. Dans cette perspective, les artothèques
gagneraient à renforcer leurs actions auprès des collectivités, dans la mesure où une oeuvre
exposée dans un cadre professionnel touche un public plus important. Par ailleurs, le public
des collectivités est intéressant, car il représente toutes les strates de la population. Les actions
de l’artothèques du Limousin, qui concernent majoritairement les collectivités, constituent, à
ce titre, de remarquables exemples.
61
La formation du regard
Au-delà de la question de l’élargissement possible des publics par l’artothèque, il
revient également d’interroger l’objectif de familiarisation et de formation du regard sous-
tendu par la présence d’œuvres dans un cadre de vie quotidien. En effet, grâce au mode de
médiation proposé, les artothèques visent la formation de leurs abonnés. Qu’en est-il ?
Les observations recueillies par Anaïs Coenca auprès de quatre artothèques semblent
conforter cette hypothèse : 80% des adhérents considère que l’emprunt régulier d’œuvres a
permis de faire évoluer leur regard et leur opinion sur l’art contemporain. Progressivement,
les adhérents développent une relation de confiance et d’appartenance à un univers auquel ils
pensaient parfois ne pas pouvoir prétendre. Cette position est partagée par toutes les
responsables d’artothèques rencontrées. Le temps passé en présence de l’œuvre, la
participation active de l’abonné au renouvellement des œuvres (qui évite l’endormissement du
regard et développe le sens critique), mais aussi le dialogue autour des œuvres avec le
médiateur, sont autant de caractéristiques qui forment le regard et le goût de l’emprunteur.
D’emprunt en emprunt, les motivations décoratives s’estompent, l’œuvre s’impose, « elle
oeuvre ! », comme se plait à dire Claire Tangy, et invite le spectateur à se laisser transformer
par cette expérience esthétique. Mais cette évolution n’est pas immédiate. L’abonné doit
accomplir tout un cheminement, étape par étape qui peut s’étendre sur plusieurs années. Ce
ressenti des personnels des artothèques conforte les travaux de Nathalie Heinich qui montrent
que le contact répété du regard avec l’œuvre favorise son appropriation.
62
II. Analyse du paysage culturel du Nord-Pas de
Calais
Le projet d’artothèque qui nous intéresse ayant vocation à être implanté dans la région
Nord-Pas de Calais, nous nous sommes intéressée, dans cette partie, à cerner et comprendre
les caractéristiques du paysage culturel de la région en matière d’arts plastiques et plus
particulièrement en ce qui concerne la création contemporaine, de manière à éclairer notre
action et la situer dans son environnement.
Cette réflexion qui s’interroge d’une part sur les acteurs présents sur le territoire (qui
sont-ils, quelle est leur offre et spécificité ?), et d’autre part, sur les publics (quelles sont leurs
pratiques et réaction à l’égard du prêt d’œuvres ?) devra nous permettre d’analyser
l’opportunité ou non d’inscrire un tel projet sur ce territoire. Ce sera l’objet de la troisième
partie de ce travail.
II.1 Méthodologie suivie
Dans cette perspective, nous avons cherché, dans un premier temps, à identifier les
acteurs qui interviennent dans le champ des arts visuels et de la création contemporaine. A
notre grand étonnement, et contrairement aux autres secteurs, tel que le spectacle vivant ou la
musique, nous n’avons pas trouvé d’étude sur la place des arts plastiques dans la région, ni
auprès du Conseil Régional, ni auprès de la Drac. Soit que le sujet n’ait pas suscité d’étude,
soit que celles-ci ne soient pas accessibles. Notre recherche s’est appuyée sur divers
documents dont l’annuaire culturel du Nord-Pas de Calais67
, ainsi que sur des discussions
avec des interlocuteurs issus de ce secteur.
67 Annuaire Culturel Nord-Pas de Calais Ouest de la Flandre et du Hainaut Belges, 2007, Avion,
Association CRIS
63
Nous avons centré notre analyse sur le secteur public et associatif, dont les missions de
sensibilisation à l’art relèvent d’une finalité de service public plus que d’une logique
marchande et avons choisi de distinguer huit catégories d’opérateurs principaux :
- les écoles d’art et universités destinées à former les professionnels,
- les établissements (ateliers et associations) destinés aux pratiques amateurs,
- les musées qui présentent des expositions d’art contemporain (aussi bien de manière
permanente que temporaire),
- les centres de production et de diffusion en art contemporain et création actuelle,
- les espaces d’exposition publics tournés vers la création contemporaine (autonomes ou
adossés à un autre équipement,
- les équipements polyvalents (type Maison Folie et centres culturels),
- les galeries associatives dites « alternatives » (par opposition aux galeries
d’artncommerciales) ainsi que les associations de sensibilisation et promotion des arts
visuels.
Cette analyse ne comprend donc pas, à ce stade de notre travail, les galeries d’art à
vocation commerciale, sujet qu’il serait néanmoins utile d’approfondir ultérieurement. Si nous
nous sommes efforcée de répertorier le plus grand nombre d’acteurs possible, le listing des
structures que nous avons établi68
ne prétend pas être exhaustif car il est fort probable que de
nouvelles associations se soient créées depuis ou au contraire aient disparu. Cette analyse doit
donc être lue comme une photographie à un moment donné. Néanmoins, ce travail, qui a
permis d’enregistrer au total 136 structures, fournit une vision des principaux acteurs que
nous nous sommes attachée à situer sur une carte pour évaluer leur répartition sur le territoire.
68 se reporter aux tableaux des structures référencées, annexe VII p.120 à 122
Dans un souci de synthèse, le présent listing ne rend compte que d’une partie des structures
inventoriées. Nous avons, notamment, fait le choix de ne pas mentionner les établissements présents
en Belgique, à proximité de la frontière, les structures d’accompagnement ainsi que les espaces
d’exposition au sein d’établissements privés.
64
En ce qui concerne l’analyse des publics présents sur le territoire, nous nous sommes
appuyée sur trois sources d’information :
- une étude de l’Observatoire du Comité Régional de Tourisme Nord-Pas de Calais,
menée en 2007,
- deux enquêtes que nous avons réalisées, d’une part, auprès des visiteurs de la foire
d’art contemporain de Lille en avril 2008 et d’autre part, auprès du public de l’espace
d’exposition d’art contemporain Lasécu, en mai 2008.
II.2 Panorama des acteurs de la région en arts visuels et
création contemporaine
II.2.1 Quelques repères sur le territoire
Avec un taux d’urbanisation de 83%, Le Nord-Pas de Calais est une région densément
et fortement peuplée (4 millions d’habitants, soit 7% de la population française). Les _ de la
population et l’essentiel de l’activité industrielle sont concentrés dans la partie nord-est de la
région, qui représente à peu près 40% de la superficie régionale. Cette situation explique le
fait que deux salariés sur trois travaillent dans le département du Nord. L'activité humaine y
est favorisée non seulement par le faible relief mais également par un intense maillage de
réseaux de transports : fleuves et canaux à grand gabarit, autoroutes (A1, A16, A23, A25,
A26), voies ferrées à grande vitesse, aéroport de Lesquin. Forte de trois grands ports,
Boulogne Dunkerque et Calais, frontalière avec la Belgique et reliée à la Grande-Bretagne par
le tunnel sous la Manche, la région offre une grande diversité industrielle et est marquée par
une importante activité commerciale liée à ses nombreux réseaux d’échanges.
En dehors de la métropole lilloise, qui concentre 25% de la population avec plus d’1
million d’habitants, la région compte huit agglomérations de plus de 100 000 habitants
(Valenciennes, Béthune, Dunkerque, Calais, Maubeuge, Boulogne-sur-mer, Arras,
Armentières). C’est une des plus jeunes régions de France : un habitant sur trois à moins de
20 ans.
65
Le Nord-Pas de Calais offre un paysage économique et social contrasté, marqué aussi
bien par des indicateurs plus lourds qu’au plan national (taux de chômage, part des
bénéficiaires du RMI, part des jeunes dans le chômage…), que par des signes forts de
dynamisme ainsi que des atouts indéniables (progression continue du nombre de créations
d’entreprises, développement des pôles de compétitivité et du secteur tertiaire avec à la fois
des grandes entreprises, le centre d’affaires Euralille et un réseau dense de PME….).Véritable
région européenne, elle se situe au sein d’un marché de plus de 100 millions d’habitants dans
un rayon de 300 kilomètres.
« Terre d’échange et de passage, le Nord-Pas de Calais est riche d’un passé
prestigieux qui lui a laissé un patrimoine culturel architectural, artistique et festif d’une
grande richesse69 ».Conscient de ces atouts et désireux de se doter d’une véritable politique
culturelle, le Conseil Régional a initié dès 1989 avec l’Etat et les villes concernées, un
ambitieux programme de rénovation des musées du Nord-Pas de Calais.
L’événement Lille 2004, capitale européenne de la culture, qui a réuni pendant un an
plus de 9 000 000 de participants autour d’un foisonnement de manifestations et de projets a
produit, selon ses promoteurs, une image renouvelée du territoire70 au rayonnement et à
l’attractivité accrus, des retombées économiques importantes71 et un nouvel enthousiasme
pour la vie culturelle. Cet élan s’est poursuivi avec la création de Lille 3000 qui a programmé
en 2006 « Bombaysers de Lille » et prévoit pour 2009 des événements autour de « l’Europe et
ses frontières invisibles ». Ce concept est également décliné au niveau régional avec la
création de la « capitale régionale de la culture », inaugurée par Valenciennes en 2007, qui
devrait être suivie de Béthune en 2010, puis de Dunkerque en 2012.
69 citation extraite de : Etude d’impact économique et socioculturel des musées du Nord-Pas de Calais,
2006-2007, Les Etudes de l’Observatoire, Comité Régional de Tourisme Nord-Pas de Calais, 2008.
70 en 2005, une étude TNS Sofres pour la Voix du Nord, sur la perception qu’ont les habitants du
Nord-Pas de Calais de leur région, conforte ce sentiment. Pour près de la moitié des sondés, Lille 2004
aura permis de changer l’image de la région et d‘affirmer Lille comme une grande métropole
européenne.
71 in LAVIEVILLE Jean-Pierre, Lille 2004, Tremplin pour l’élargissement du public ?, Rapport au
Conseil économique et social Régional, Région Nord-Pas de Calais, 2006.
66
II.1.2 Les acteurs en présence
A. Identification
Le recensement de structures que nous avons établi72
montre que la région dispose d’un
réseau dense d’équipements culturels et d’associations intervenant dans le champ des arts
visuels et de la création actuelle.
Cette richesse et cette vitalité du tissu culturel s’appuient sur :
Une forte concentration d’établissements d’enseignement artistique
Le Nord-Pas de Calais accueille quatre écoles d’art (ESERP Tourcoing, ESBA
Valenciennes, ERBA Cambrai, ERBA Dunkerque), soit autant qu’en Ile-de-France. Elle
abrite aussi le Fresnoy, Studio National des Arts contemporains, qui se présente comme la
première école européenne des arts multimédias et projet pilote sur les processus créatifs
actuels. A ces établissements s’ajoutent l’Ecole supérieure des Arts Appliqués et du Textile de
Roubaix ainsi que l’Université de Valenciennes, qui propose une section Arts plastiques.
Du côté des pratiques amateur, l’éducation artistique et l’accès collectif aux pratiques
de création s’opèrent à travers un vaste réseau d’écoles d’art municipales, de structures
associatives ou encore de musées qui, à l’image de l’Atelier 2 à Villeneuve d’Ascq ou encore
de l’école d’Art de Douai proposent des ateliers de pratique aux arts plastiques et aux arts
graphiques (sensibilisation, initiation et perfectionnement). Le nombre croissant de personnes
accueillies au sein de ces ateliers où dessin et peinture sont plébiscités témoigne d’un vrai
engouement du public. Cet intérêt n’est sans doute pas sans lien avec l’explosion des loisirs
créatifs constatée en France depuis le début des années 2000.
72 se reporter à l’annexe VII p.120 à 122
67
Un grand nombre d’équipements structurants
La région possède 1 Frac, 21 musées de renom (dont 18 classés Musées de France), 2
centres d’art et plusieurs espaces d’exposition publics. Autant de structures qui témoignent de
l’abondance et de l’éclectisme des collections du territoire, mais aussi de la qualité des
expositions présentées en matière d’arts visuels et de création actuelle. Ainsi, le Nord-Pas de
Calais peut s’enorgueillir d’abriter :
! Le premier musée de province avec le Musée d’Art et d’Industrie La Piscine à Roubaix
(classé à la 5e place au niveau national
73), mais aussi le Palais des Beaux-Arts de Lille qui
figure parmi les 10 premiers musées les plus dynamiques de France. Avec plus de 219 000
visiteurs accueillis pour La Piscine en 2007 et près de 240 000 pour le Palais des Beaux-Arts,
ces deux musées ont respectivement enregistré une progression de leur fréquentation de 36%
et 8,6% par rapport à 2006.
Sont également distingués dans le classement général annuel des musées fourni par le
Journal des Arts, le musée Matisse au Cateau-Cambrésis (23e), le musée des Beaux-Arts de
Tourcoing (37e) ou encore le Lieu d’Art et d’Action Contemporaine (46
e) à Dunkerque. Un
palmarès qui montre que les musées du nord de la France sont à même de rivaliser avec
certaines grandes institutions parisiennes.
Ces succès sont liés à une programmation énergique, étayée par de nombreux
partenariats avec d’autres institutions culturelles et soutenue par une communication efficace.
Une communication qui mise autant sur le prestige international que sur la culture locale, à
l’image du musée La Piscine, qui a su convertir un bâtiment historique en un lieu culturel
vivant. Fort d’un patrimoine industriel, le Nord-Pas de Calais s’est beaucoup impliqué dans la
reconversion de lieux chargés d’histoire tel que le Centre minier de Lewarde (129e), qui
célèbre l’histoire de la région tout en proposant des expositions d’art contemporain. Soucieux
de surprendre son public, ce musée scientifique a également su inscrire l’art contemporain
dans un cadre a priori austère. Une audace qui se révèle un gage d’intérêt aux yeux des
73 données issues du Palmarès 2008 du Journal des Arts qui propose un classement de 370
établissements nationaux notés au regard de l’accueil des publics, du dynamisme de l’institution et de
la politique de conservation – n° 283, 6 juin 2008.
68
visiteurs. Avec plus de 140 000 visites chaque année, le Centre historique minier de Lewarde
est le plus grand musée de la mine de France et le musée de site le plus fréquenté de la région
Nord-Pas de Calais74
. On remarquera également la surprenante reconversion de l’ancien
bâtiment de la Banque de France à Béthune, qui accueille depuis 2007 le centre de production
et de diffusion en arts visuels, Lab-La banque.
! Une collection d’art brut sans égal en France au sein du Musée du Musée d’Art Moderne
Lille Métropole, situé à Villeneuve d’Ascq. Fermé depuis 2006, en raison de travaux
d’extension et de modernisation, ce musée, dont la réouverture est prévue au printemps 2010,
disposera de 2700m2 supplémentaires pour organiser trois fois plus d’expositions et présenter
en permanence les collections uniques d’art brut issues de la donation de l’association
l’Aracine. Le musée ouvrira ses portes sous une nouvelle identité : le LaM, Musée d’art
moderne, brut, contemporain
! La troisième collection Matisse de France, dont le musée départemental au Cateau-
Cambrésis s’est enrichi en 2008 des 39 oeuvres de la donation Tériade, une des plus
importantes donations d’art moderne faites depuis 20 ans à un musée de province.
! Une collection de 900 œuvres contemporaines et de pièces design constituée par le Frac,
qui en assure la diffusion par le développement de collaborations autour de projets phares en
région, en France ainsi qu’à l’étranger. Basé à Dunkerque, le Frac prévoit de déménager en
2012 à l’AP2, lieu de mémoire collective surnommé « la cathédrale », où se construisaient les
plus gros bateaux des chantiers navals.
! Un important fonds d’estampes au sein du musée de l’Estampe à Gravelines, qui possède
6500 oeuvres.
! L’implantation en 2010 du futur Louvre-Lens avec un projet ambitieux qui se veut avant
tout destiné à la population du bassin minier, tout en visant les 500 000 visiteurs annuels.
74 selon le palmarès réalisé par le Journal des Arts, n° 283, 6 juin 2008
69
Aux côtés de ces musées, la région décline sa politique de soutien à la diffusion
artistique au travers plusieurs lieux d’exposition (autonomes ou adossés à un autre
équipement culturel). Des lieux aux configurations différentes, depuis l’espace intimiste de la
galerie Guy Chatilez, équipement de proximité implanté au cœur d’un quartier populaire de
Tourcoing, aux 6000 mètres carrés du Tri Postal, lieu emblématique de Lille 2004. Avec près
de 90 000 visiteurs pour l’exposition Pinault « Passage du temps » en 2007, le Tri Postal
s’affiche aujourd’hui comme une référence pour la diffusion de la création contemporaine.
De nouveaux équipements polyvalents
Il s’agit essentiellement des Maisons Folie, établissements culturels d’un nouveau
type, érigés à l’occasion de Lille 2004. Symboles d’un nouvel art de vivre, ces lieux de vie et
de fête, qui ont vocation à rassembler artistes régionaux, nationaux, voire internationaux, et
habitants des quartiers concernés, se sont développés sur d’anciennes usines ou lieux de
patrimoine.
De multiples petites structures associatives
Implantées sur divers points du territoire, les structures de production et de diffusion
(environ une vingtaine), les galeries associatives, les associations de promotion de la création
actuelle, développent des projets artistiques dans des contextes très divers. Véritables acteurs
de terrain, ces structures, qui ont en moyenne une dizaine d’année d’existence, sont fortement
ancrées dans le tissu local. Avec des moyens souvent limités (qui relèvent principalement de
financements publics), elles mènent néanmoins un travail de fond et des actions
complémentaires avec la volonté « d’exporter » l’art contemporain auprès d’un public élargi
ainsi que vers des non initiés.
Les centres de production et de diffusion de l’art contemporain, inscrivent pour la
plupart d’entre eux leurs interventions dans l’espace public avec des projets qui, comme Cent
Lieux d’Art ou Artconnexion, impliquent les habitants et reflètent une réflexion sur le
territoire. Le fait d’accueillir des artistes en résidence comme le font ces structures, présente
l’intérêt de donner à voir des propositions artistiques « en train de se faire » et permet ainsi
aux publics d’appréhender le processus créatif sur la durée.
70
Pour leur part, les galeries associatives s’attachent à promouvoir la création
contemporaine en offrant des espaces d’expression à des artistes émergents comme à des
artistes plus reconnus au sein de lieux dont les configurations vont du plus classique au plus
insolite. Enfin, plusieurs autres associations contribuent à la diffusion des arts visuels et à la
sensibilisation du public par des actions de médiation variées et des temps festifs
(organisation de rencontres avec les artistes, visites de lieux, performances, mise en place de
festivals…). Ces galeries et associations, nées d’initiatives individuelles ou de collectifs
d’artistes, sont pour la majorité d’entre elles portées par un grand nombre de bénévoles dont
l’engagement militant et artistique conditionne pour une grande part leur existence et activité.
Des structures d’accompagnement
Si le Frac Nord-Pas de Calais, tête de réseau de l’art contemporain dans la région, a
vocation, dans les années à venir, à créer et renforcer un réseau de partenaires, plusieurs
associations se sont développées ces dix dernières années afin de favoriser et accompagner le
développement sur le territoire de projets relatifs à la diffusion de l’art contemporain et à la
promotion de la création émergente. C’est le cas notamment de la Malterie à Lille, lieu de
recherche et d’expérimentation de la création contemporaine, qui propose une plate-forme
d’échanges ainsi qu’un espace d’information et de soutien aux artistes plasticiens. Le réseau
50° Nord à Maubeuge, créé en 1996, ainsi que « la Pomme à tout faire », créée en 1999 à
Béthune, s’inscrivent également dans cette logique de mise en synergie en fédérant des
structures professionnelles et des expériences artistiques sur le territoire euro régional pour le
premier, et davantage sur le Pas de Calais pour le deuxième.
Remarque sur le secteur marchand
Aux côtés de ces acteurs publics et associatifs, interviennent un grand nombre de
galeries d’art commerciales (environ une trentaine sur la métropole), que nous n’avons pas
intégrées, à ce stade de la recherche, à notre champ d’étude. Notons néanmoins, depuis moins
de trois ans, l’arrivée sur le marché de l’art lillois, de galeries qui se positionnent
différemment en revendiquant un art accessible à tous. A l’image des galeries que nous avons
évoquées dans la première partie de ce travail, ces entreprises développent une activité
marchande couplée à un travail de sensibilisation, en direction des enfants, par exemple, avec
71
l’organisation d’ateliers (telle que la galerie Carré d’Artistes), mais aussi en direction des
entreprises avec la possibilité de louer des œuvres (telle que la toute nouvelle galerie Artdies
ainsi que la galerie du Septentrion, plus ancienne).
B. Répartition sur le territoire
La carte, présentée à la page suivante, illustre l’implantation géographique des acteurs
en arts visuels et création contemporaine sur le territoire. Chaque pastille de couleur est
identifiée par un chiffre qui se rapporte à une structure répertoriée dans les tableaux situés
dans les annexes VII p. 121 – 123.
Légendes :
Les écoles d’art et universités destinées à former les professionnels
Les établissements (ateliers et associations) destinés aux pratiques amateurs
Les musées qui présentent des expositions d’art contemporain (aussi bien de manière
permanente que temporaire)
Les centres de production et de diffusion en art contemporain et création actuelle
Les espaces d’exposition publics tournés vers la création contemporaine (autonomes ou
adossés à un autre équipement,
Les équipements polyvalents (type Maison Folie et centres culturels)
Les galeries associatives dites « alternatives » (par opposition aux galeries d’art
commerciales) ainsi que les associations de sensibilisation et promotion des arts visuels.
72
Carte des acteurs en arts visuels et création contemporaine dans le Nord-Pas de Calais
Légendes :
Ecoles d’art et universités
Etablissements (ateliers et associations) destinés aux pratiques amateurs
Musées
Les centres de production et de diffusion en art contemporain et création actuelle
Les espaces d’exposition publics tournés vers la création contemporaine
Les équipements polyvalents (type Maison Folie et centres culturels)
Les galeries associatives et les associations de sensibilisation et promotion des arts
visuels.
73
C. Premières pistes d’analyse
Une forte disparité entre le Nord et le Pas de Calais
Si la région peut se prévaloir d’une politique culturelle volontariste qui a permis de
doter le territoire d’un grand nombre d’équipements structurants et d’assurer un maillage de
structures variées soutenues par une activité associative riche, le positionnement
géographique de ces structures sur le territoire révèle un déséquilibre important entre les deux
départements de la région au profit du Nord (et notamment de la moitié sud du département).
En effet, à l’exception de la Flandre intérieure, qui fait figure de parent pauvre par rapport aux
autres arrondissements du Nord, le département accueille plus de 75% des structures en arts
visuels et création contemporaine.
La métropole concentre à elle seule près de la moitié des opérateurs dont :
- plus d’un tiers des écoles d’art, des musées de France ainsi que des centres de
production et de diffusion,
- plus de deux tiers des espaces d’exposition publics, des galeries alternatives ainsi que
des associations de promotion.
Le sud du département se démarque par la présence accentuée de centres de
production et de diffusion, dont la moitié se situe dans des zones rurales, au sein de villes de
moins de 1 500 habitants (« Cent Lieux d’Art » à Dimont, la « Chambre d’Eau » à Favril ainsi
que l’association «Tous azimuts » à Mortagne-du-Nord).
Le Pas de Calais pour sa part accueille une trentaine de structures. L’éducation
artistique pour enfants et adultes y semble privilégiée, tandis que les autres structures
(musées, équipements polyvalents, centres de production et de diffusion) y sont représentées
dans des proportions quasi identiques. Le Ternois, l’Audomarois et le Calaisis sont les
arrondissements les plus faiblement dotés du département. Les territoires les plus dynamiques
en matière d’arts visuels se situent dans le Haut-Artois et l’Artois (avec une petite vingtaine
de structures), et, dans une moindre mesure, dans le secteur du Boulonnais/Canche/Authie.
74
Une répartition qui épouse les caractéristiques socioéconomiques du territoire
Au-delà du clivage entre les deux départements et de la tension historique qui les
sépare, il apparaît assez naturel que les territoires les mieux dotés en structures correspondent
aux zones d’activité économique qui concentrent les plus fortes densités urbaines, à savoir les
communautés urbaines de Lille, de Dunkerque et d’Arras, ainsi que les communautés
d’agglomération du bassin minier, porteuses de nouveaux enjeux autour du renouveau du
territoire.
De nouvelles ambitions pour le Pas de Calais
L’implantation du Louvre-Lens, centre culturel majeur, dans le Pas de Calais, vise
incontestablement à doter le territoire d’un outil de développement local à l’image du musée
Guggenheim à Bilbao, symbole de la renaissance de la ville. Si l’arrivée du Louvre à Lens
devrait s’accompagner d’un flux de touristes internationaux, le défi de cette antenne du
Louvre sera son intégration au sein d’un réseau d’établissements à forte identité locale et
surtout au sein de la population du bassin minier. Par ailleurs, le choix de Béthune comme
Capitale régionale de la culture en 2010 représente un événement phare pour le territoire du
grand bassin minier, susceptible d’engendrer des retombées, comme cela s’est produit pour
Valenciennes en 2007.
Des équipements en arts visuels capables d’exercer un fort attrait
Cet attrait repose notamment sur :
- le développement d’un dialogue fécond entre beaux-arts et arts appliqués, à l’image de La
Piscine à Roubaix ou du Musée des Beaux-Arts et de la Dentelle à Calais,
- la reconversion judicieuse de lieux chargés d’histoire, profondément ancrés sur le territoire,
ce qui facilite l’appropriation des publics,
- un savant mariage entre tradition et modernité, collection patrimoniale et création
contemporaine.
75
… Relayés par des structures associatives de proximité très dynamiques au
niveau local.
Porteuses d’expériences et de propositions artistiques innovantes, plusieurs de ces
associations cherchent à sortir des sentiers battus et s’attachent à travailler à partir de
l’identité du territoire et des populations qui leur sont proches, notamment en zone rurale. Les
actions de plusieurs de ces associations se caractérisent par la volonté de sortir l’art
contemporain des espaces qui lui sont habituellement dédiés, en favorisant des rencontres
avec le public dans des lieux insolites ou familiers tels que les espaces naturels, les lieux
patrimoniaux, les commerces….
Mais une politique culturelle qui semble privilégier la valorisation du patrimoine
au soutien et à la diffusion de la création actuelle.
Laurent Moscowisz, responsable de l’espace d’information et de soutien aux artistes
plasticiens au sein de la Malterie à Lille, note pour sa part, que la diffusion de la création
émergente s’opère essentiellement à travers le réseau associatif et qu’il n’existe pas au niveau
des équipements institutionnels de lieu phare clairement identifié. Ce point peut être discuté
au regard de la mission du Frac et de la place que sera certainement amené à occuper le LaM
à sa réouverture. En revanche, en ce qui concerne le soutien à la création, on peut s’interroger
sur la faible mise à disposition d’ateliers dans la région pour accueillir les artistes plasticiens,
alors que le département du Nord concentre à lui seul quatre écoles, ainsi que sur le montant
limité des aides à la création individuelle, accordées par la Région et la DRAC, pour soutenir
la production des artistes. Un soutien aux arts plastiques, dont on peut s’inquiéter de
l’évolution, tant au niveau de la production que de la diffusion, au regard du recul annoncé
des fonds publics pour 2009, qui menace la pérennité du réseau associatif75
.
75 Après renseignement auprès des directions culturelles des Conseils Généraux du Pas de Calais et du
Nord, le budget consacré aux arts plastiques du premier est resté stable de 2007 à 2008 (pour s’élever
à 150 000 euros), tandis que le deuxième enregistre une baisse de près de 20% pour se situer à 418 000
euros. En revanche, les deux départements annoncent des baisses pour 2009. Concernant le Conseil
Régional, nous n’avons pas réussi à obtenir d’informations chiffrées, à ce stade de notre recherche.
76
… Et des fonds d’art contemporain locaux en souffrance.
Nos multiples investigations sur le territoire nous ont révélé la présence de plusieurs
fonds d’œuvres, appartenant à des collectivités ou à des associations, qui sont faiblement
valorisés ou carrément gelés, faute de ressources humaines et financières suffisantes.
Ainsi, une étude commandée à Anne Desplanques pour l’association « La Pomme à
tout faire »76
en 2003, fait état de la présence de plusieurs fonds d’art contemporain, initiés
par quatre structures de diffusion du Pas de Calais77
. En l’absence d’inventaire précis, il est
impossible de chiffrer le nombre d’œuvres acquises par ces structures de 1970 à 1993, dont
les fonds sont constitués de peintures, photographies, estampes, dessins et sculptures. Autant
d’œuvres qui, faute de budgets pérennes et de politique de diffusion, semblent être
aujourd’hui tombées dans l’oubli. L’étude, qui avait pour objectif d’attirer l’attention des élus
sur la nécessaire valorisation de ce patrimoine contemporain, n’a manifestement pas rencontré
l’intérêt souhaité. Il nous reviendra ultérieurement de prendre contact avec ces structures pour
essayer de savoir ce qu’il est advenu de ces fonds.
Nos recherches nous ont également conduite à rencontrer l’association Lasécu, espace
d’art contemporain, situé à Lille qui possède une petite centaine d’œuvres acquises au fil des
expositions organisées dans ses murs depuis sept ans. Des œuvres qu’elle souhaiterait
aujourd’hui mettre à disposition de ses adhérents, à condition de trouver les ressources
financières nécessaires à la conservation et à la circulation de ce fonds. A l’image de cette
galerie associative, il est très probable qu’il existe d’autres fonds qui gagneraient à être
valorisés par la mise en place d’une politique de prêt.
76 Etude de valorisation des fonds d’art locaux, mai, juin, juillet 2003, Association La Pomme à tout
faire, 2003
77 il s’agit de l’artothèque Hénin-Beaumont, l’Espace Lumière à Hénin-Beaumont, la Maison de l’Art
et de la Communication à Sallaumines et la Maison de la Faïence à Desvres.
77
II.3 Etude des publics
II.3.1 Les particuliers
Après nous être intéressée aux acteurs en arts visuels et art contemporain qui
composent le paysage culturel contrasté du Nord-Pas de Calais, nous avons cherché à
connaître les publics qui visitent ces lieux : quelles personnes rencontre-t-on et que sait-on de
leurs motivations ? Si l’on se réfère aux études de Nathalie Heinich et d’Anaïs Coenca
relatives aux caractéristiques des abonnés des artothèques, l’analyse des publics des lieux
d’art contemporain devraient nous éclairer sur une partie des personnes susceptibles de
fréquenter une artothèque. Après investigation auprès du Conseil Régional et de la Drac, nous
n’avons pas trouvé d’étude quantitative ou qualitative sur les publics des équipements
culturels de la région. Il est possible que certains établissements mènent à titre individuel des
analyses, mais ces données ne sont pas diffusées. Comme nous l’avons vu dans la première
partie de ce mémoire, les informations sur les publics français qui fréquentent des lieux d’art
contemporain et plus globalement des arts visuels manquent, la région Nord-Pas de Calais ne
fait pas exception.
Nous nous sommes tournée vers le Comité Régional de Tourisme Nord-Pas de Calais,
qui réalise chaque année des statistiques de fréquentation des équipements touristiques de la
région. Malheureusement, peu d’équipements culturels dans le domaine des arts y sont
référencés. Notre attention s’est alors plus particulièrement portée sur les publics des musées
de la région à travers une étude récente78 qui s’est notamment intéressée à la clientèle des
musées de la région. Cette étude, réalisée en 2007 auprès de 17 musées, parmi lesquels 12
musées d’art, nous renseigne sur le profil et les pratiques des visiteurs. Si, comme nous avons
vu dans la première partie de ce travail, le public de l’art contemporain a un profil et un
comportement assez proche des visiteurs réguliers de musées (toutes disciplines confondues),
les résultats de l’étude du CRT Nord-Pas de Calais, nous fournissent des informations utiles.
78 Etude d’impact économique et socioculturel des musées du Nord-Pas de Calais, 2006-2007, Les
études de l’Observatoire, Comité Régional de Tourisme Nord-Pas de Calais, 2008.
78
En complément de cette étude, nous nous sommes attachée à mener deux enquêtes au sein de
deux lieux de diffusion d’art contemporain.
A. Méthodologie suivie
La première enquête porte sur les visiteurs de la foire européenne d’art contemporain
« Lille Art Fair » qui s’est tenue à Lille Grand Palais du 24 au 28 avril 2008. Cette première
édition, qui témoigne de l’intérêt des organisateurs pour une région « en plein essor
culturel 79» a été conçue pour « offrir au grand public, mais aussi amateurs et collectionneurs,
l’occasion de découvrir et d’acquérir des œuvres signées des plus grands artistes
contemporains des 50 dernières années. »
L’objectif de notre enquête était de profiter de la présence de cet événement inédit à
Lille pour :
- recueillir la notoriété spontanée des structures d’art contemporain de la région,
- tester l’intérêt des visiteurs à l’offre de prêt d’œuvres telle que le pratique une artothèque,
- mieux connaître le profil du public rencontré et a fortiori des emprunteurs potentiels.
L’enquête a été administrée par entretien semi-directif80 au sein de l’espace détente de
la foire, auprès de 30 visiteurs qui ont accepté de répondre à nos questions81, à raison de 15
minutes environ par personne. Cette enquête s’est déroulée le dimanche 24 avril, à l’occasion
de la dernière journée de la manifestation qui semble avoir accueilli, d’après nos observations,
un public à dominante familiale dont une grande partie avait eu accès à la foire sur invitation.
79 Termes extraits de la plaquette de communication de la foire
80 se reporter aux résultats de l’enquête, qui comprend le questionnaire, annexe VIII p. 123 et 124
81 Toutes les personnes sollicitées ont accepté de participer à l’enquête. Le choix de celles-ci s’est fait
au hasard, dès qu’un visiteur s’asseyait sur l’un des fauteuils de l’espace détente et dès lors était plus
disposé à nous consacrer du temps.
79
L’analyse de fréquentation, qui nous a été communiquée par l’organisateur, Lille
Grand Palais, permet de mieux cerner le profil des visiteurs : il s’agissait pour la majorité
d’entre eux de primo visiteurs (59% n’avaient jamais participé à une foire d’art
contemporain), issus à 71% de la métropole lilloise. Toutes les tranches d’âge étaient
représentées. 69% des visiteurs ont déclaré être venus en tant que « curieux/amateurs grand-
public ». Ces caractéristiques que nous retrouvons dans nos résultats, nous laissent à penser
que les personnes que nous avons interrogées sont assez représentatives de la population
globale des visiteurs.
La deuxième enquête a été conduite au sein de la galerie associative Lasécu en mai
2007, au sein de laquelle nous avons eu l’occasion d’effectuer un stage de trois mois. Créée
en 2001, dans les anciens locaux de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie au cœur du
quartier populaire de Fives à Lille, l’association Lasécu a pour vocation de favoriser l’accès à
l’art contemporain et de promouvoir le travail des artistes régionaux et nationaux. Le lieu
accueille cinq expositions par an, dont l’accès est gratuit, une boutique de jeunes créateurs
ainsi que des ateliers d’artistes. L’association, dont l’activité repose essentiellement sur le
bénévolat de ses adhérents, s’attache à mener des actions de sensibilisation en direction des
habitants du quartier, au travers notamment d’ateliers de pratique artistique avec les enfants
des centres sociaux ou encore les écoles du quartier. Différent des lieux institutionnels
traditionnels et implanté au sein d’un quartier populaire, il nous semblait intéressant de
questionner le public de cet espace, en complément de la première enquête.
L’enquête, administrée par questionnaire fermé82
a été réalisée le 17 mai 2008 auprès
de 49 personnes à l’occasion du vernissage de l’exposition de Nathalie Graal et Hervé
Robillard. L’objectif de cette enquête était de mieux connaître les motivations des visiteurs,
leurs souhaits pour prolonger leur approche de l’art contemporain, leur intérêt à l’égard de
l’offre de prêt et enfin leur profil sociodémographique et socioculturel.
82 se reporter aux résultats de l’enquête qui comprennent le questionnaire, annexe IX en p.125 à 128
80
Il est clair que le nombre restreint de réponses (79 personnes sondées au total) limite la
validité de nos résultats qui sont par ailleurs uniquement centrés sur des personnes
rencontrées au sein de lieux d’art contemporain. Ces informations sont donc forcément
partielles. Aussi, il serait utile, dans un second temps, d’interroger des personnes non
familières de ces lieux. Néanmoins, les données recueillies à ce stade de notre recherche (que
nous avons comparées aux données nationales), nous renseignent sur le profil des personnes
rencontrées dans les musées et dans les lieux d’art contemporain, ainsi que sur leur intérêt
pour l’offre de prêt.
B. Principaux enseignements
Profil type du visiteur des musées de la région
L’étude réalisée par l’Observatoire du CRT Nord-Pas de Calais en 2007 auprès de 17 musées
de la région (toutes disciplines confondues) nous permet de dresser le profil type du visiteur
des musées du Nord-Pas de Calais
Il s’agit d’une personne aux caractéristiques suivantes :
- Elle habite la région. Près de 4 visiteurs sur 5 résident dans la région Nord-Pas de
Calais avec une dominante pour les habitants du Nord qui représentent la moitié des
effectifs, tandis que ceux du Pas de Calais se situent à hauteur de 26%. Parmi les 10%
de visiteurs étrangers, la moitié vient de Belgique. A la lumière de la répartition des
structures sur le territoire en faveur du Nord, la surreprésentation des habitants du
Nord parait logique. Nous avons donc affaire avant tout à un public de proximité.
- Elle est plutôt âgée. Un quart des visiteurs a entre 50 et 59 ans. Les plus de 50 ans
représentent près de la moitié des visiteurs, alors que les moins de 30 ans n’en
constituent que 13%. On remarquera que cette répartition par âges diffère
sensiblement de celle obtenue sur le plan national où toutes les tranches d’âges
fréquentent de façon homogène les musées83
.
83 se reporter à la Fréquentation des musées de France Chiffres clés 2008, statistiques de la culture,
Ministère de la Culture et de la Communication, département des études, de la prospective et des
statistiques, La Documentation Française p.44
81
- Elle a un niveau d’étude assez élevé et occupe un poste de cadre ou exerce une
profession libérale. La moitié occupe une activité qui leur laisse plus de temps libre
que la moyenne (22% sont enseignants et 21% retraités).
- Elle vient en groupe organisé ou en famille.
- Elle connaissait déjà le musée ou en avait entendu parler, mais s’est quand même
renseigné dessus avant de venir, notamment sur les horaires et les tarifs pratiqués. Ce
sont les employés et les ouvriers qui sont les catégories de visiteurs le plus
demandeurs d’informations sur les tarifs.
En ce qui concerne ses pratiques culturelles :
- Le visiteur apprécie particulièrement la peinture, l’histoire et la sculpture. 1 visiteur sur 5
cite les musées des Beaux-Arts et d’Art Contemporain comme l’une des catégories de musée
les plus intéressantes.
- Il visite entre 3 et 5 sites culturels par an.
- Il est particulièrement attiré par la richesse des collections et leur mise en scène ainsi que par
l’architecture du site.
- Il reste moins de 2 heures dans le musée et préfère la visite libre.
- Il avait déjà visité le musée et reviendra le visiter à nouveau dans l’année.
- Il a dépensé en moyenne 4,30 euros (entrée et autres achats) et moins de 3 euros pour
l’entrée. Si pour les musées étudiés, le tarif d’entrée moyen adulte était de 5 euros en 2005
(avec un tarif minimum de 2 euros et un maximum de 10,20 euros), cette dépense est
inférieure au prix d’entrée moyen en raison des gratuités et réductions obtenues par certains
visiteurs (en effet, 33% des visiteurs de musée ont obtenu la gratuité de l’entrée en 2005).
Cette donnée nous fournit une information utile sur la politique tarifaire à appliquer en
matière d’offre culturelle.
82
Principales caractéristiques des visiteurs rencontrés sur deux lieux de diffusion
d’art contemporain
Les deux enquêtes réalisées au sein d’espaces dédiés à l’art contemporain (« Lille Art
Fair » et l’espace d’exposition Lasécu) confortent en partie certains des résultats et nous
renseignent sur l’intérêt porté au système de prêt84
.
Un public classique des équipements culturels, familier des musées, mais pas spécialiste
de l’art contemporain
Les personnes rencontrées constituent un public majoritairement féminin : 53% dans
le cas de « Lille Art Fair » et 65%pour Lasécu. Ces résultats sont cohérents avec toutes les
enquêtes sur les pratiques culturelles des Français où la présence des femmes au sein du
public est statutairement plus soutenue que celle des hommes.
Ces personnes occupent majoritairement des emplois au sein de catégories
socioprofessionnelles supérieure : 45% de cadres et profession libérale dans le cas de « Lille
Art Fair » et 41% pour Lasécu. Contrairement au profil type établit par le CRT, on notera la
faible présence des retraités (2% pour Lasécu), tandis que les employés, les étudiants et les
demandeurs d’emploi représente 40% des visiteurs de « Lille Art Fair » avec respectivement
25%, 10% et 5% des réponses. Le salon a donc attiré un public plus diversifié que les
visiteurs rencontrés au sein de musées ou d’espace d’art contemporain.
Il s’agit essentiellement d’un public de proximité : 82% des visiteurs de « Lille Art
Fair » viennent de la métropole, proportion qui atteint les 94% pour Lasécu.
Contrairement aux résultats du CRT et conformément aux statistiques nationales,
toutes les tranches d’âge sont représentées de façon assez homogène avec néanmoins une
petite différence pour le public de Lasécu où les plus de 40 ans représentent 60% de sondés.
84 résultats complets présentés en annexes VIII et IX p. 123 à 128
83
C’est un public qui aime les sorties culturelles. 70% d’entre eux sont capables d’identifier au
moins une structure d’art contemporain dans la région. Parmi les équipements cités, c’est le
Musée d’Art Moderne de Villeneuve d’Ascq qui arrive en tête avec 71% de réponses, puis le
musée d’Art et d’Industrie La Piscine (36%°) et enfin le Tri Postal (14%). La visite des
musées de la région ou sur les lieux de vacances fait intégralement partie des loisirs : 90% des
personnes interrogées sur « Lille Art Fair » se sont rendues dans un musée au cours de
l’année, alors que la moyenne nationale est de 33% en 1997. Les musées les plus visités au
cours des 12 derniers mois par les personnes interrogées sur « Lille Art Fair » sont le Palais
des Beaux-Arts de Lille et la Piscine qui obtiennent le même score (28% de réponses). Ces
résultats attestent du pouvoir d’attraction de ces équipements, dont nous avons vu qu’ils
figuraient parmi les 10 premiers musées les plus dynamiques de France.
Il entretient avec les œuvres d’art une relation de proximité, voire d’intimité, sachant
qu’au moins 75% des personnes (77% pour Lasécu) déclarent posséder une œuvre d’art
contemporain ou une reproduction chez eux. Quand bien même la notion d’œuvre d’art, qui
plus est contemporaine, est très subjective, ce pourcentage élevé témoigne du fait que la
majorité des personnes rencontrées vit au contact de l’art.
Familier des musées et intéressé par l’art, ce public se définit lui-même davantage
comme curieux, qu’amateur ou spécialiste de l’art contemporain. D’ailleurs, pour la quasi-
totalité des entretiens menés au sein de « Lille Art Fair », les personnes, semblaient d’abord
un peu intimidées par le sujet de l’enquête et faisaient d’emblée remarquer qu’elles n’étaient
pas du tout des spécialistes de la question. Il est clair que la terminologie « art contemporain »
effraie un peu et, comme dans la situation précédente, il serait utile de s’interroger au
préalable sur ce que les gens entendent par ces termes. Sans doute faut-il aussi se méfier de la
modalité de réponse « curieux » qui peut être une réponse « refuge » pour les enquêtés,
permettant au visiteur néophyte de donner le change et au visiteur initié de ne pas apparaître
élitiste ou snob. Néanmoins, il apparaît que ces lieux ne drainent pas qu’un public de
spécialistes. La moitié des visiteurs, qui ne manifeste pas un intérêt particulier pour l’art
contemporain, déclare être sensible aux arts plastiques en général ou être venus par simple
curiosité. A ce titre, on pourra s’interroger sur la présence élevée de primo-visiteurs, tant au
sein de « Lille Art Fair » (59%) que de Lasécu (43%), ce qui semblerait traduire un
engouement accru pour l’expérience artistique. On notera également que près d’un tiers des
84
personnes interrogées à Lasécu déclare être venue pour le plaisir de la sortie et de la
découverte, mais aussi pour la convivialité. Ce résultat nous révèle que l’intérêt pour le lieu
semble donc répondre autant à un besoin d’art que d’ouverture sur les autres.
Des modes d’accès à l’art contemporain multiples et variés
Les personnes interrogées étaient invitées à classer par ordre de préférence six
propositions destinées à prolonger leur approche de l’art contemporain85 : les réponses
données au sein de Lasécu, relativement homogènes d’un item à l’autre, montrent qu’elles
sont ouvertes et intéressées par l’ensemble des possibilités de médiation. Cette question avait
pour objectif d’apprécier la place de l’offre de prêt parmi d’autres modalités de médiation,
telles que les rencontres avec les artistes ou encore les ateliers de pratique artistique ; les
réponses semblent nous montrer que les personnes ne privilégient pas particulièrement une
modalité plutôt qu’une autre. Un échantillon plus grand aurait peut-être permis de dégager des
tendances plus nettes. Même si en réponses cumulées, trois propositions se détachent, il
apparaît que, pour les personnes interrogées, ces propositions représentent des modalités
d’accès complémentaires, toutes valables.
- La possibilité d’emprunter une œuvre d’art pour l’installer à son domicile pendant quelques
mois est l’item qui a recueilli le meilleur score en première position avec 26% des réponses.
- Les rencontres avec les artistes obtiennent le meilleur score en deuxième et troisième
position avec 22% des réponses.
- Les conférences sur l’art contemporain se placent en 4ème
position avec 19% des réponses.
- Les documents d’information sur les artistes et les œuvres recueillent le meilleur score en
cinquième position avec 21%
- La possibilité d’emprunter une œuvre d’art pour l’installer à votre domicile pendant
quelques mois obtient également le score le plus élevé en dernière position avec 36% des
réponses.
85 se reporter à la question 4 du questionnaire présenté avec les résultats, annexe IX p. 125
85
A noter :
- La formule d’emprunt suscite autant l’adhésion qu’un intérêt moindre avec les plus forts
taux de réponse en position 1 et en position 6. Il faudrait poser la question à un nombre plus
important de personnes pour savoir si cette dualité se maintient.
- Si on s’intéresse aux items qui ont obtenu les plus forts taux de réponses cumulées pour les
trois premières positions, ce sont les rencontres avec les artistes qui arrivent en tête avec 61%,
puis les ateliers de pratique artistique (58%), et enfin l’emprunt, à égalité avec les documents
d’information sur les artistes (50%).
La possibilité d’emprunter, une formule qui séduit
Plus de la moitié des personnes rencontrées (85% pour « Lille Art Fair » et 51% pour
Lasécu) se déclare intéressée par l’emprunt d’œuvres d’art pour une durée limitée, à
renouveler. La formule séduit pour plusieurs raisons, avec quelques petites nuances selon
qu’il s’agit des personnes interrogées sur le Salon ou à Lasécu. Le contexte dans lequel s’est
tenue l’enquête semble induire des motivations différentes.
Dans le premier cas, l’offre de prêt est perçue pour la moitié des personnes sondées
comme un moyen d’accéder à quelque chose qu’ils ne pourraient pas se payer. Beaucoup ont
fait remarquer qu’ils avaient eu de véritables coups de cœur pour des œuvres sur la foire, mais
que leur prix étant « exorbitant », l’achat d’une œuvre est vécue avant tout comme un luxe. La
possibilité d’emprunter est dès lors perçue comme une manière de démocratiser l’art
contemporain. A ce sujet, une personne ajoute qu’elle souhaiterait accompagner cette
démarche d’emprunt par un atelier de pratique artistique, afin de compléter le processus de
sensibilisation mis en œuvre par le système de prêt.
Dans le deuxième cas, c’est le fait de pouvoir apprécier une œuvre dans un
environnement familier et dans la durée, mais aussi de pouvoir partager l’œuvre avec son
entourage qui prédomine. Quand on sait qu’on a affaire à des personnes qui ont un taux de
sociabilité élevé86, cette réponse prend une autre dimension. Cette motivation est également
partagée par les personnes rencontrées sur la foire. Certains ont notamment mis en avant
86 41% des personnes interrogées à Lasécu déclare recevoir des amis, parents ou relations chez elles au
moins une fois par semaine, se reporter aux résultats en annexe IX p.125
86
l’intérêt de faire entrer l’art dans leur intimité, d’être plus proche de l’artiste, de « respirer »
l’œuvre. Ils soulignent le fait que la formule leur permettrait de découvrir progressivement
une œuvre et de s’y habituer. Cette possibilité d’appréhender une œuvre dans la durée et
d’avoir le temps de se familiariser avec le travail de l’artiste séduit également d’éventuels
acheteurs qui notent que certaines œuvres, difficiles d’accès au premier regard, gagneraient à
être empruntées pour faciliter l’acte d’achat.
Dans les deux cas, les personnes interrogées apprécient aussi de pouvoir renouveler
régulièrement l’accrochage des œuvres afin de varier et ainsi de découvrir des artistes
différents. L’expérience du changement semble donc particulièrement recherchée et les
emprunteurs potentiels déclarent se satisfaire de la possession provisoire des œuvres.
25% des personnes interrogées, tant à Lasécu que sur « Lille Art Fair », déclarent ne
pas être intéressées par l’emprunt d’œuvres. Les arguments présentés sont essentiellement liés
au désir de conserver l’œuvre. Ces personnes déclarent s’attacher aux choses et n’aiment pas
l’idée que l’œuvre ne fasse que passer. Dans une moindre mesure, la crainte d’abîmer
l’œuvre, de ne pouvoir la sécuriser face à la menace du cambriolage, est également invoquée.
Il est à noter que la majorité des personnes non intéressées par la possibilité d’emprunt font
précisément partie des CSP les plus élevées, c'est-à-dire en capacité financière d’acquérir une
œuvre d’art.
Dans les limites d’un tarif jugé « abordable »
Concernant le prix à payer pour bénéficier de ce service, les réactions des visiteurs de
« Lille Art Fair » et ceux de Lasécu s’avèrent plus contrastées. Le questionnaire situait le prix
de l’abonnement au prix de 60 euros par an pour avoir la possibilité d’emprunter 2 œuvres
tous les 2 mois. Les personnes interrogées sur la foire sont prêtes à payer ce montant. Dans
l’ensemble, le coût est jugé raisonnable, seulement 2 personnes étudiantes font remarquer
qu’il ne s’agirait pas d’une dépense prioritaire. Si les réponses à cette question sont très
positives, quelques-uns nuancent leurs propos en ajoutant que leur intérêt dépendra des
œuvres qui seront proposées. Une personne ajoute qu’elle fera un essai sur un an. Ces
87
remarques témoignent bien du fait que la nature de la collection et son degré d’attractivité
comptent autant, si ce n’est plus, que le tarif proposé. Au-delà de la formule inédite d’emprunt
qui séduit largement les personnes rencontrées tant sur le principe que sur le tarif, celles-ci
n’en sont pas moins exigeantes sur la nature et la diversité des œuvres proposées.
En revanche, pour les personnes rencontrées à Lasécu, ce prix constitue un obstacle
important. Ainsi parmi les 49% de personnes qui ont déclaré ne pas être intéressées par le
système de prêt, 70% d’entre elles jugent que le prix de l’abonnement est trop élevé. Notons
que ce tarif équivaut mensuellement à la somme de 5 euros, soit 2,50 euros par œuvre. Un
montant inférieur à la dépense moyenne des visiteurs de musées dans la région dont nous
avons vu qu’elle s’élevait à 4,30 euros.
Cette réaction nous invite à réfléchir au montant que les personnes sont prêtes à consentir
pour un tel service ainsi qu’à la politique tarifaire à appliquer pour une artothèque. Il s’agit à
la fois de ne pas décourager des abonnés potentiels tout en ne dévalorisant pas le service
offert par un prix trop bas. La fixation du prix d’une offre culturelle relève d’une alchimie
complexe.
I.3.2 Les autres publics
Aux côtés des particuliers que nous avons cherchés à mieux connaître, l’artothèque a
également vocation à s’adresser aux collectivités sous toutes leurs formes : établissements
scolaires, entreprises publiques et privées, associations. Nombreuses sont les artothèques qui
interviennent en direction des écoles, des hôpitaux, parfois des établissements pénitentiaires
ou encore des centres sociaux. En revanche, elles sont plus rares à investir le champ des
entreprises privées. La plupart des artothèques rencontrées notent que le développement de
leur activité en direction des entreprises nécessite des moyens spécifiques qu’elles ne sont
souvent pas en capacité de mobiliser, faute de ressources humaines suffisantes. A défaut
d’être en mesure de répondre de manière satisfaisante aux problématiques des entreprises,
mais aussi de tisser des relations dans la durée avec ces interlocuteurs qu’elles ont sans doute
plus de difficultés à appréhender que leurs contacts traditionnels, elles ont naturellement
tendance à se concentrer sur leurs publics cibles. En règle générale, l’intervention d’une
88
artothèque au sein d’une entreprise est fortement liée à l’intérêt que porte son dirigeant à l’art
contemporain, ce qui relève plus de l’exception que de la règle, mais est également sujet à
fluctuation, compte tenu du turn-over parfois élevé des dirigeants dans certaines entreprises !
Pourtant le développement des galeries de location d’œuvres à destination des entreprises,
ainsi que des agences événementielles spécialisées dans l’animation artistique, témoigne
incontestablement de l’engouement des entreprises pour l’art contemporain, ou du moins pour
l’art actuel, tant il est vrai que le qualificatif s’avère particulièrement subjectif. Une manière
sans doute pour certaines de s’offrir un décor « haut de gamme » à moindre coût, mais une
façon aussi d’expérimenter de nouvelles relations avec l’art contemporain. Le mécénat
d’entreprise, dont l’Etat s’attache aujourd’hui à valoriser la pratique à travers une fiscalité
avantageuse et un travail d’information, devrait encourager les partenariats.
En communication externe, ces relations permettent à l’entreprise d’investir un nouveau
territoire d’expression de son identité. En communication interne, l’intervention d’artistes
et/ou la présence d’œuvres d’art sur les lieux de travail contribuent à sensibiliser un grand
nombre de salariés tout en étant source de créativité, d’expression et de questionnement. La
biennale d’art contemporain qui s’est tenue à Rennes au printemps dernier, entendait
précisément explorer les relations entre l’art et l’entreprise avec l’organisation de résidences
d’artistes pendant plusieurs semaines au sein de diverses entreprises. Ainsi, la thématique
choisie, « Valeurs croisées », se proposait de questionner la possibilité de l'art comme espace
sensible et critique à l'intérieur même du système économique et du monde du travail.
Il ne nous a pas été possible, en l’état actuel de notre recherche, d’estimer le nombre
d’entreprises susceptibles d’être intéressées par l’emprunt d’œuvres d’art et/ou l’organisation
d’actions dans leurs murs. Cependant, un bref repérage des plus grandes entreprises présentes
sur le territoire87
suffit pour apprécier la clientèle potentielle qu’il conviendra de quantifier et
qualifier ultérieurement. De la même façon, en fonction du périmètre géographique retenu, il
sera utile d’identifier les établissements scolaires, centres sociaux et toutes autres collectivités
susceptibles d’accueillir des œuvres.
87 La Chambre de Commerce et d’Industrie du Nord-Pas de Calais recense plus de 2 200 entreprises
privées de 50 personnes et plus sur le territoire.
89
III Quelles perspectives de développement pour la
région et au-delà, d’avenir pour les artothèques en
France ?
III.1 Sur le plan régional : quelles conditions d’implantation ?
Au regard de l’analyse du paysage culturel de la région et d’une partie des publics
concernés, présentés dans la deuxième partie de ce rapport, nous tenterons de dégager les
principaux atouts, faiblesses, opportunités et menaces du territoire face au projet
d’implantation d’un nouvel équipement, tel qu’une artothèque.
Une fois cette analyse effectuée, nous nous attacherons à définir, à partir de notre
connaissance des artothèques et des conseils délivrés par leurs responsables, les facteurs-clés
de succès pour mettre en œuvre ce type de projet sur le territoire.
Ces données devront nous permettre, par la suite, de déterminer la stratégie à mettre en
place pour mener à bien ce type de projet. Ce dernier point opérationnel ne sera pas traité dans
le présent rapport.
90
III.1.1 Analyse des atouts, faiblesses, opportunités et menaces de
l’environnement en matière d’arts visuels et création contemporaine
Atouts Faiblesses
- Effervescence artistique et dynamisme culturel,
impulsés par Lille 2004, puis Lille 3000 et le
concept de capitale régionale de la culture qui a
entrainé un « désir de culture ».
- Des musées de renom à fort rayonnement.
- Une vie associative dense qui contribue
fortement à l’offre culturelle.
- Valorisation du bassin minier avec
l’implantation du Louvre-Lens
- Emergence de nouveaux modes de diffusion de
l’art contemporain dans des espaces privés et
domestiques (« Les fenêtres qui parlent »,
« Carnet plus ultra »….).
- Une répartition d’équipements sur le territoire
déséquilibrée.
- Un paysage culturel qui semble relativement
cloisonné avec des difficultés de mise en réseau.
- Beaucoup de structures associatives fragiles qui
risquent de s’essouffler faute de moyens.
- Faible capacité d’accueil des artistes plasticiens
au sein d’ateliers et de résidences.
- Un intérêt, a priori, peu soutenu des élus pour la
valorisation de fonds d’art contemporain présent
sur le territoire du Pas de Calais (hypothèse à
vérifier)
Opportunités Menace
- Absence d’artothèque sur le territoire
- Important vivier de créateurs88
- Des fonds d’œuvres existants à valoriser
- Volonté du département du Pas de Calais de
mieux irriguer le territoire, notamment en
direction des zones rurales les plus éloignées de
l’offre culturelle.
- Appétence du public régional pour les arts
plastiques89
- Développement des activités artistiques en
amateur, notamment dans le domaine des arts
plastiques90
-Intérêt pour l’offre de prêt et ce dans toutes les
tranches d’âge.
- Essor croissant sur le territoire des galeries de
location et de galeries qui proposent des œuvres
en libre service à très petits prix, qui semblent
traduire un désir d’art.
-Baisse des fonds publics en faveur des arts
plastiques depuis 2008, qui entraîne une baisse
des subventions au détriment notamment des
nouveaux projets (les fonds sont davantage
destinés à consolider l’existant).
- Concentration des moyens autour des
institutions phares et des opérations à fort impact
événementiel, tel que Lille 3000, au détriment
des petites structures.
- Essor croissant sur le territoire des galeries de
prêt en direction des entreprises, qui peuvent
apparaître comme des concurrents, à la différence
que pour les artothèques, le prêt est un moyen et
non une finalité.
- Présence dans le département du Nord d’un
réseau d’acteurs culturels assez dense qui
entraîne une mise en concurrence accrue des
structures en termes d’offre et de financement.
88 Près de 90 élèves sortent chaque année diplômés des écoles supérieures d’art. De plus, dans le cadre
des portes ouvertes des ateliers d’artistes en octobre 2008, nous avons comptabilisé plus de 1100
artistes sur tout le territoire (dont 57% dans le Nord et 43% dans le Pas de Calais). Si un grand nombre
de participants sont des amateurs, la Maison des artistes a enregistré, pour sa part, en 2006, 635
plasticiens dans la région.
91
Sans sous-estimer les points faibles et les menaces qui pèsent sur l’environnement,
l’analyse de cette grille de lecture tend à montrer que la région Nord-Pas de Calais offre un
réel potentiel pour la mise en place d’une artothèque. Complémentaire des autres structures de
diffusion de l’art contemporain, l’artothèque renforce et diversifie les actions de
sensibilisation à l’art contemporain en permettant de découvrir des œuvres dans des lieux
variés, mais plus encore en donnant la possibilité de vivre avec ses œuvres. Une expérience,
dont nous nous sommes attachée dans la première partie de ce travail, à montrer qu’elle est de
nature à favoriser une familiarisation et une formation du regard, mais est également
susceptible de toucher un public plus large. La création d’une structure de ce type peut
s’inscrire, soit à l’échelon régional avec la mise en place de relais repartis équitablement sur
le territoire, tels que nous l’avons étudié dans le Limousin, soit à l’échelon intercommunal.
Dans le premier cas, il s’agira, à partir des acteurs que nous avons identifiés, de
s’appuyer sur des partenaires variés, fortement ancrés sur le territoire et en capacité de
soutenir une activité de prêt dans la durée.
Dans le deuxième cas, il s’agira de cibler les territoires, moins pourvus en offre d’art
contemporain, et à partir desquels un rayonnement territorial est possible. Il serait intéressant,
par exemple, d’envisager la création d’une structure mobile itinérante, à l’image de l’artobus
déployé par « Peuple et Culture » en Corrèze afin de pouvoir se rendre dans des communes
éloignées des structures culturelles. La métropole lilloise, qui concentre déjà un très grand
nombre de structures, ne nous semble pas, à ce titre, être le territoire d’implantation le plus
pertinent, bien qu’en l’absence d’une offre équivalente, il y aura sans doute, une clientèle
importante. Nos efforts de prospection se porteront davantage vers les communautés
d’agglomérations d’Artois Comm, de Lens-Liévin et du Douaisis dont la position centrale, à
la croisée des axes nord-sud et est-ouest de la région, à mi-distance entre Lille et Arras, entre
le littoral et le bassin de la Sambre, présente des atouts importants ainsi qu’un potentiel de
clientèle élevée, compte tenu de la densité de la population sur ces zones.
89 L’étude d’impact CRT Nord-Pas de Calais nous révèle que parmi les 10 musées les plus visités de la
région en 2006, la moitié concerne les arts plastiques, dont 2 sont exclusivement consacrés à l’art
moderne et contemporain.
90 La présence importante des ateliers d’art sur tout le territoire en est le témoin majeur.
92
III.1.2 Les facteurs clés de succès
Nos observations sur le terrain ainsi que les entretiens conduits auprès de responsables
d’artothèques nous ont permis d’identifier six principaux axes déterminants dans la mise en
place d’une artothèque qui assure une mission de service public :
- Le projet doit être porté par une volonté politique forte impulsée par le terrain et
soutenue par l’engagement des élus locaux. C’est ce soutien politique qui assure la
pérennité de la structure et lui permet d’inscrire son action dans la durée, gage de son
efficacité. Un soutien dont bénéficie l’artothèque du Limousin dont l’engagement des élus en
faveur de l’art contemporain s’avère exemplaire, mais dont nous avons pu constater combien
il était fragile pour d’autres artothèques.
- Le projet doit avant tout répondre à une logique de territoire et à des impératifs
d’aménagement culturel. Il s’agit d’un outil de développement local dont l’intérêt réside
dans sa capacité à organiser la circulation des œuvres sur un territoire donné, à les faire aller
là ou vivent les populations. Cette capacité de rayonnement hors les murs est primordiale, car
c’est cette politique volontariste de diffusion qui permet de toucher de nouveaux publics.
C’est ce que nous exprime Jeannine Laroudie, ancienne adjointe au maire à Royère-de-
Vassivière, quand elle dit utiliser l’artothèque comme un outil culturel afin d’offrir à la
population une ouverture sur le monde, sur les idées et placer les « ruraux » à égalité avec
les « urbains ». Hélène Decaudin, Présidente de l’Adra, résume ces deux premiers points de la
façon suivante : « L'originalité et la force d'une artothèque, c'est d'être une émanation du
territoire qui revient au territoire: on naît de la volonté d'élus locaux, du désir des
emprunteurs qu'on enrichit de la rencontre avec les artistes ».
- Une forte exigence dans la construction de la collection, tant au niveau du renouvellement
des œuvres, afin de maintenir l’intérêt des abonnés (dont nous avons vu dans nos enquêtes
qu’ils étaient séduits par la diversité des œuvres) que de la nature du fonds qui doit s’attacher
à rendre compte de la pluralité des productions et des pratiques artistiques. Clef de voûte de
l’action des artothèques, les collections, par nature nomades, privilégient « la capacité des
œuvres à circuler, à se confronter au monde et à y agir91
» grâce à l’appui d’expertises
variées et pointues.
91 Propos issus de la charte des artothèques diffusée par l’Adra
93
Ainsi, les artothèques rencontrées conseillent la mise en place des comités techniques
composés notamment de professionnels de l’art. Dans notre cas, il serait judicieux d’associer
à la démarche une personnalité du monde de l’art (conservateur de musée, directeur d’une
école d’art …), un représentant des associations partenaires (à travers, par exemple « La
pomme à tout faire »), un représentant des institutions publiques avec le Frac , un abonné
entreprise et un abonné particulier, ainsi qu’un élu du territoire concerné.
Par ailleurs, concernant la politique d’acquisition de la collection, il nous semble intéressant
d’intégrer des œuvres de designer qui questionnent nos rapports aux objets et nous invitent à
voir autrement le monde qui nous entoure. Si, comme le constate Elisabeth Caillet, de la
Délégation aux Arts Plastiques92
, le goût du public pour le moderne et le contemporain
commence par s’installer dans le décor privé à partir du mobilier et du design, la présence
d’objets conçus par des artistes designer constituerait une sorte de passerelle et de tremplin
afin d’accéder par la suite à des œuvres d’art contemporain. Sans renier ses origines
utilitaires, le design semble de plus en plus se rapprocher du monde de l’art contemporain et
questionne le statut d’œuvre d’art. S’il ne s’agit pas d’entretenir la confusion entre art et
design, certaines créations, comme celles du collectif Droog design qui interrogent nos modes
de consommation, par exemple, auraient toutes leur place dans une collection d’artothèque.
- La capacité à s’insérer et à s’appuyer sur des réseaux existants. Comme nous l’avons
vu, la réussite de l’artothèque du Limousin repose sur la mise en place d’un réseau de
partenaires variés composé d’équipements de proximité, tels des associations bien ancrées
dans le tissu local, des collectivités (via le Faclim) plongées dans la réalité du territoire et des
attentes des populations, mais aussi des structures qui bénéficient d’une forte légitimité dans
le domaine de l’art contemporain, tel le centre d’art de Vassivière. Cette capacité à mettre en
synergie plusieurs acteurs qui représentent la société dans toute sa diversité renforce l’action
des artothèques.
92 source : ADRA, Les Artothèques, des outils novateurs au service de l’art et des publics – Acte de
Colloque 18 et 19 octobre 2000
94
- La mise en place d’actions de médiation pour attirer, fidéliser et élargir le public.
La relation avec les publics est au cœur du dispositif de sensibilisation mis en place par les
artothèques. Il ne s’agit pas d’installer des œuvres à un endroit et de partir, il s’agit de
construire une relation. Une relation d’autant plus importante que, comme le souligne
Caroline Coll Serror93
, la fréquentation de l’artothèque semble tenir autant si ce n’est
davantage à l’aspect « sociabilité » de la structure qu’à son offre esthétique et intellectuelle.
Ses enquêtes réalisées auprès de trois artothèques (Caen, Limousin, Villeurbanne) montrent
qu’il s’agit avant tout de lieux de paroles et de rencontres.
L’emprunt d’œuvres d’art représente pour le public des particuliers une expérience
enrichissante, répondant tout à la fois à un besoin d’art et d’ouverture sur les autres. Dès lors,
la qualité de l’accueil et la capacité d’écoute du personnel constituent un des principaux
critères d’attractivité de la structure. D’ailleurs, la capacité de l’artothèque à mettre en place
une médiation individualisée représente un formidable atout. Une « médiation généreuse »,
selon les termes d’Hélène Decaudin, responsable de l’artothèque d’Auxerre, qui ne consiste
non pas tant à transmettre des connaissances ou du goût que du désir. Désir d’expérimenter
une œuvre et peut-être de s’en faire le relais, à son tour, auprès des autres en la montrant et en
en parlant à son entourage.
C’est ce que nous évoque, à sa manière Jeannine Laroudie94
, ancienne élue au sein de la
commune de Royère-de-Vassivière, qui emprunte des œuvres pour la mairie : « Quand de
nouvelles œuvres arrivent, j’en parle simplement autour de moi. Je cherche tout de suite à
créer une sorte de complicité entre l’œuvre et les gens. Mon propos ressemble à un mot de
bienvenue.» Souhaiter la bienvenue à l’œuvre comme au spectateur, n’est-ce-pas là une jolie
définition de ce que doit être la médiation ?
La tonalité de ce second temps de rencontre entre l’œuvre et le public est fortement induite
par la qualité de la relation nouée en amont entre l’artothèque et ses emprunteurs. Un travail
de médiation d’autant plus important que pour un public démuni de repères esthétiques, la
rencontre avec l’art contemporain n’a rien de spontané.
93 COLL-SERROR Caroline, Artothèques : le goût des autres. Interrogations sur l’efficience du prêt
d’œuvre d’art contemporain, mémoire de DESS, université Pierre Mendes-France, IEP Grenoble,
2001
94 se reporter à l’entretien, annexe XIII p.140
95
- La capacité à jouer un rôle d’interface et à évoluer vers un pôle de ressources dans le
domaine culturel et en particulier en matière de médiation culturelle. Il s’agit de mettre à
disposition des artistes, des publics et des partenaires les connaissances et le savoir-faire de
l’artothèque dans ce domaine. D’ailleurs, nous avons pu constater qu’aux côtés des prêts
d’oeuvres, les artothèques sont de plus en plus sollicitées pour organiser des résidences
d’artistes et construire des projets multiples de sensibilisation. En outres, elles se présentent
également comme des lieux relais qui aiguisent la curiosité de leurs abonnés : après être
passés par l’artothèque, il est fréquent que les personnes manifestent l’envie de voir d’autres
expositions, d’aller dans des musées et se tournent alors vers l’artothèque pour être conseillés.
- Une communication claire et forte afin de bien se positionner face aux publics et se faire
connaître des professionnels. C’est l’existence même de l’offre alliée à un important travail de
communication et de médiation qui fait naître la demande. « Personne ne nous attend : c’est
comme si on s’installait dans une ville pour vendre des vélos, là ou personne ne sait en faire »
souligne Claire Tangy95
, directrice de l’artothèque de Caen. D’où l’importance de la
communication pour renforcer la lisibilité et la visibilité de l’action de l’artothèque. D’ailleurs
tous les professionnels rencontrés reconnaissent que le nombre d’adhérents augmente
considérablement dès lors que l’activité de l’artothèque est relayée par des outils de
communication, mais aussi dans les médias. Chaque article presse ou reportage à la télévision
se traduit, selon elles, par une hausse de la fréquentation de la structure et s’accompagne
d’une diversification des publics, notamment quand l’information passe dans une émission
grand public à la télévision. Par ailleurs, la communication des artothèques gagnerait
également à être renforcée sur le net avec la numérisation des œuvres afin de faciliter leur
consultation à distance et éventuellement permettre leur réservation, sachant que comme nous
l’avons indiqué précédemment, rien ne remplace le dialogue qui se noue au moment du choix
de l’œuvre par l’emprunteur.
95 Propos partagés dans le cadre de la formation sur les artothèques organisée par le CIPAC en mars
2008
96
A ces six points et bien qu’ils n’aient pas été évoqués par les professionnels
rencontrés, il nous semble utile d’en ajouter deux derniers :
- La capacité à s’appuyer sur des partenaires privés pour diversifier les sources de
financements. Largement tributaires des fonds publics en raison de leur mission de service
public, les artothèques, dont le fonctionnement est de fait fragilisé par un recul des
subventions, gagneraient à développer des partenariats avec le secteur privé, et ce notamment
pour consolider les budgets d’acquisition qui sont les premiers impactés par une baisse de
crédits. Ces partenariats pourraient se traduire par la constitution d’un club d’entreprises
mécènes, à l’image de ce qui est pratiqué par l’artothèque de Nantes, qui acquiert chaque
année des œuvres, sur proposition du comité d’achat, pour les mettre à la disposition de la
structure pendant cinq ans. La recherche de mécènes pour des projets spécifiques doit aussi
être explorée.
- La possibilité pour les personnes intéressées de pouvoir acheter des œuvres. Même si l’achat
d’œuvre ne constitue pas la motivation des publics des artothèques (avant tout séduits par la
formule de prêt), ni la vocation principale des artothèques, il n’en reste pas moins que
certaines personnes, ainsi familiarisées avec la chose artistique expriment le désir d’acheter
une œuvre. Avoir la possibilité de le faire au sein de l’artothèque faciliterait leur démarche et
permettrait par là-même de renouveler le fonds. Cette pratique interroge la notion
d’inaliénabilité des fonds publics d’art contemporain qui fait aujourd’hui débat.
97
III.2 Sur le plan national : une expérience pilote ou une espèce
en voie d’extinction ?
Ce titre volontairement provocateur traduit toute l’ambivalence qui semble caractériser
les artothèques aujourd’hui. Elles se présentent comme des dispositifs de diffusion et de
sensibilisation particulièrement novateurs, notamment dans le domaine de la médiation, tout
en apparaissant comme les parents pauvres des politiques culturelles, dont l’Etat semble s’être
désintéressé.
Comment expliquer cette situation à l’heure où le concept de prêt d’œuvre connaît un
regain d’intérêt, notamment auprès du secteur marchand, mais aussi auprès d’un nombre
croissant de porteurs de projets et de collectifs d’artistes, séduits par l’apparente facilité de la
démarche. On aurait pu imaginer que cette tendance conforterait les structures existantes et
renforcerait leur visibilité. Or, il faudra attendre presque dix ans après sa création pour que
l’Adra, qui a vocation à fédérer les artothèques qui ont une mission de service public, se dote
d’une identité visuelle, d’un site internet et surtout formalise une charte pour s’entendre sur la
définition et le respect de principes qui fondent leurs actions96
.
Ce tâtonnement traduit vraisemblablement la difficulté pour des structures si
hétérogènes de partager une vision commune de leurs pratiques. Il sous-tend également sans
doute les débats qui agitent les membres de l’association, tiraillés d’un côté par la recherche
d’une plus grande légitimité à l’image de celles dont bénéficient les centres d’art ou les Frac
confortés par un label et de l’autre, par la défense d’un modèle hybride et expérimental mais
que les pouvoirs publics ont du mal à aapréhender. La tentation de s’institutionnaliser
représente un danger certain pour ces structures en mal de reconnaissance, au risque de figer
leur capacité d’adaptation et de réactivité, mais aussi de se couper de leur public.
96 Ainsi l’Adra s’est dotée, lors de l’assemblée générale du 25 septembre 2008, d’une « Note
d’intention ». Celle-ci revendique une déontologie et garantit un niveau d’exigence dans les pratiques
de travail des structures membres.
98
Or c’est bien dans ce caractère hybride que réside la richesse des artothèques.
Complémentaires des Fracs, des centres d’art et des musées, les artothèques rencontrées ne
s’inscrivent pas dans une logique de concurrence avec ces structures, mais proposent une
action alternative pour multiplier les voies d’accès à l’art contemporain. Cette action se
différencie des autres structures sur un point essentiel : la finalité de la collection. Les œuvres
ne sont pas destinées à être conservées, mais à être empruntées, à circuler.
Sur ce point, Claire Tangy, directrice de l’artothèque de Caen note que « le champ des
artothèques commence là ou celui des Fracs s’arrêtent : les collections des Fracs sont
destinées à être présentées sous formes d’expositions dans des lieux publics, tandis que celles
des artothèques circulent chez des particuliers, collectivités, ou encore dans des lieux de
diffusion qui ne sont pas forcément reconnus, dans des lieux qui ne sont pas dédiés à la
création vivante97
». Olivier Beaudet de l’artothèque de Limousin énonce clairement cette
distinction : « On va là où ils n’osent pas aller ! On ose des choses98
». En cela, l’action des
artothèques investit de nouveaux espaces à l’image des nouveaux territoires de l’art.
Sylvie Boulanger99
, directrice du Centre National de l’Estampe et de l’Art imprimé à
Chatou, souligne une caractéristique supplémentaire des artothèques par rapport aux autres
structures d’art contemporain : elle considère que la spécificité d’un centre d’art contemporain
est le temps de la création, celle des Fracs, c’est la collection, tandis que pour les artothèques,
c’est le rapport avec l’amateur. Aucune autre structure ne gère de cette façon des personnes
qu’elles voient et qu’elles rencontrent régulièrement. En ce sens, les artothèques offrent des
conditions quasi-expérimentales d’analyse de situations particulières d’accès à l’art
contemporain et constituent de formidables laboratoires d’observation sur la question de la
réception des œuvres.
97 source : ADRA, Les Artothèques, des outils novateurs au service de l’art et des publics – Acte de
Colloque 18 et 19 octobre 2000
98 se reporter à l’entretien, annexe XI p.133
99 source : ADRA, Les Artothèques, des outils novateurs au service de l’art et des publics – Acte de
Colloque 18 et 19 octobre 2000
99
Mais le caractère hybride des artothèques signe aussi la fragilité du projet qu’elles
portent. Un projet complexe, dont nous avons pu constater combien il évoluait dans un
contexte difficile et souffrait d’être insuffisamment soutenu par les pouvoirs publics. Plusieurs
responsables font remarquer que tous les élus ne se sentent pas concernés par l’art
contemporain et n’assument pas toujours leur choix. Les actions de sensibilisation à l’art
contemporain relève d’un travail de longue haleine dont les résultats ne sont visibles que par
petites touches et dans le temps. Une discrétion qui serait, selon Aurélie Gatet100
, à l’origine
d’un moindre intérêt des pouvoirs publics pour les artothèques : « Les élus ont du mal à
s’approprier ce type d’actions qui s’inscrit dans la durée. C’est une démarche de fond qui
demande du temps. Aujourd'hui, les élus sont plus à la recherche de communication et
d’événementiels. Or l’artothèque, ce n’est pas très sexy pour les élus, justement parce que ça
a trait au quotidien. ».
La difficulté des pouvoirs publics à s’approprier l’outil résulte aussi peut-être de
l’écart pouvant exister entre la conception qu’ils s’en font, les retombées immédiates espérées
et le sens qu’il revêt pour les acteurs de terrain. L’action des artothèques ne peut plus être
évaluée sur la base des attentes formulées au moment de leur création. Aujourd’hui, c’est tout
le dispositif mis en place depuis les années 1980 pour sensibiliser le public à l’art
contemporain qui ne rencontre pas le succès escompté.
Pour Jean-Claude Wallach101, l’origine de ce relatif échec de la démocratisation
culturelle est sans doute à trouver dans le fait que l’action des pouvoirs publics a été
essentiellement orientée en faveur des créateurs, au détriment de la médiation (qui suppose
des moyens considérables) et donc des publics. Une action qui a favorisé les créateurs et
l’innovation, mais creusé le fossé entre les œuvres et ses destinataires. Cette analyse rejoint
celle de Catherine Texier, directrice de l’artothèque du Limousin au sujet du contexte de
création des artothèques. Sous couvert d’un objectif affiché de démocratisation, Catherine
Texier102 suspecte que l’Etat souhaitait en fait relancer le marché de l’estampe, et n’a pas
octroyé les ressources nécessaires à la consolidation du projet des artothèques.
100 se reporter à l’entretien d’Aurélie Gatet, annexe XII, p.138
101 Jean-Claude WALLACH, La culture, pour qui ?Essai sur les limites de la démocratisation
culturelle, Paris, Edition de l’attribut, 2006
102 se reporter à l’entretien de Catherine Texier, annexe X p.129
100
En équilibre sur un fil, oscillant tantôt vers un avenir prometteur, tantôt vers un avenir
menacé, l’action des artothèques a le mérite d’aborder de façon très pragmatique des
questions au cœur des enjeux sur la place de l’art dans notre société, sa sacralisation, son
inscription sur le territoire et dans la vie quotidienne, mais aussi sur la rencontre entre culture
populaire et culture de l’élite.
101
Conclusion
Il ne s’agit pas ici de conclure la recherche, mais plutôt une étape, tant nous avons eu
le sentiment, tout au long de ce travail, de poser plus de questions que d’apporter des
réponses. Cette recherche avait principalement pour objectif, d’une part, d’appréhender les
pratiques et les caractéristiques des artothèques, ces outils de diffusion de l’art contemporain
qui réalisent sur le terrain un travail de longue haleine, peu médiatique, mais combien fécond
en rencontres artistiques et humaines et d’autre part, de s’intéresser à la région du Nord-Pas
de Calais comme territoire potentiel d’implantation d’une structure de ce type.
Concernant le premier point, deux notions, très présentes dans tous les récits
d’expérience que nous avons recueillis, nous semblent particulièrement résumer l’action des
artothèques. Ces mots sont : proximité et familiarité.
- Proximité des œuvres et des emprunteurs dans la mesure où l’action de l’artothèque se
déploie dans l’intimité de l’espace domestique et va à la rencontre des gens là où ils se
trouvent. Cette capacité de rayonnement hors les murs, qui favorise la circulation des œuvres
là où vivent les populations constitue sans doute un des principaux leviers de développement
des artothèques. Pour Catherine Texier, directrice de l’artothèque du Limousin, si le fait de ne
pas disposer d’espace d’exposition dédié a nui à la visibilité de la structure, cet handicap
apparent a obligé l’artothèque à redoubler d’efforts pour aller vers les autres et ainsi nouer des
partenariats fructueux.
- Proximité des artothèques et des abonnés qui, contrairement aux autres institutions d’art
contemporain, constituent un public bien identifié et suivi dans la durée.
- Familiarité des lieux de diffusion dans la mesure où l’artothèque cherche à inscrire son
action dans des endroits banalisés, proches des gens, de leur quotidien et de la réalité de leur
territoire. Ce déplacement des œuvres d’art, hors des lieux consacrés, permet sa
désacralisation et favorise une approche décomplexée.
102
L’originalité des artothèques réside sans doute dans cette articulation entre ordinaire et
extraordinaire : ordinaire dans le sens où l’artothèque évolue dans la sphère du quotidien et
inscrit son action dans des lieux banalisés, mais aussi extraordinaire, dans le sens où cette
action crée des rencontres insolites et nous invite à vivre une expérience singulière.
L’action de sensibilisation et de familiarisation des artothèques s’appuie sur un
processus lent, exigeant et extrêmement complexe, qui ne produit aucun effet de masse. Il ne
s’agit pas d’une ambition quantitative consistant à diffuser le maximum d’œuvres au
maximum de personnes, telle que pourrait l’entendre une galerie de location, contrainte par
des impératifs commerciaux. Au contraire, la spécificité des artothèques et leurs richesses
reposent sur le fait qu’elles tissent des « micros relations ».
Ce que montrent les artothèques, notamment aux travers du témoignage d’Olivier
Beaudet, qui travaille au contact des publics au sein de l’artothèque du Limousin, c’est que le
désir d’art se nourrit de la possibilité qui est donnée à l’individu d’exercer son sens critique,
ou encore de laisser libre cours à son imagination (avoir le droit de rêver, d’exprimer son
ressenti, des émotions). C’est précisément ce à quoi invite l’artothèque. D’ailleurs, Olivier
Beaudet nous parle avant tout de désacralisation de la relation plus que de désacralisation de
l’œuvre : « Le pari de l’artothèque, c’est de laisser les gens s’approprier les œuvres. L’idée,
c’est que les gens parlent d’une oeuvre d’art aussi simplement qu’ils parleraient du dernier
film qu’ils ont vu ou du dernier livre lu ».
A travers leurs actions et l’offre de prêt, les artothèques nous invitent à refuser tout
rapport d’assignation entre les œuvres et les spectateurs : elles préservent la possibilité pour
chacun de construire une relation autonome à l’œuvre d’art, mais aussi favorisent
l’implication et l’expression de personnes pour lesquels il n’est pas toujours facile d’accéder
aux lieux d’énonciation et de réception consacrés. En ce sens, on peut se demander, comme le
fait Caroline Coll-Seror103
, ceci : plutôt qu’une politique de démocratisation culturelle, les
artothèques ne mettent-elles pas en œuvre les conditions d’une démocratie culturelle ?
103 Caroline Coll-Seror , Artothèques : le goût des autres. Interrogations sur l’efficience du prêt
d’oeuvre d’art contemporain, mémoire de DESS, dir X. Dupuis, université Pierre Mendes-France, IEP
Grenoble, 2001
103
Concernant la capacité de la région à accueillir ce type de projet, l’analyse du territoire
et des acteurs intervenant dans le champ des arts visuels et de la création contemporaine
montre que la création d’une artothèque aurait toute sa raison d’être, en synergie avec les
structures locales, pour favoriser l’accès à l’art contemporain et répondre à des
problématiques d’aménagement du territoire, notamment dans le Pas de Calais, qui s’avère
plus faiblement doté que le département du Nord. La proposition d’emporter de l’art chez soi
séduit les personnes que nous avons rencontrées, et ce dans toutes les tranches d’âges, sous
réserve toutefois d’un tarif jugé « abordable » qui s’avère relativement bas.
Notre étude nous a montré que les artothèques, quand elles sont soutenues par leur
tutelle et gérées avec dynamisme, comme nous avons pu l’observer dans le Limousin,
parviennent à constituer un outil de médiation de l’art particulièrement attractif et efficace,
dont on ne retrouve pas l’équivalent parmi les autres institutions publiques de diffusion de
l’art contemporain. On remarquera, par ailleurs, que ces structures de prêts se sont
développées sur une grande partie du territoire national à l’exception de la région Nord-Pas de
Calais104
. Il y a là un manque évident à combler dans une région qui affiche l’ambition de
pérenniser dans le temps l’opération Lille 2004, en favorisant « l’inscription de l’art et la
culture dans les lieux ou les gens vivent. » 105
Après le « slow food », né en Italie des les années 1980 pour soutenir la biodiversité et
les traditions culinaires, puis le « slow design » qui émerge en 2004 pour valoriser les notions
de lenteur et de développement durable dans la conception d’objets, les artothèques nous
invitent en quelque sorte au « slow art » : une façon d’expérimenter l’art contemporain fondée
sur une médiation profondément humaine, solidaire et durable. Une approche qui, nous
semble-t-il, augurerait d’un nouvel art à vivre et art de vivre, si cher à la région Nord-Pas de
Calais.
104 se reporter à la carte, annexe XV p.146
105 phrase extraite de « Lille 2004, Tremplin pour l’élargissement du public ? » Rapport au Conseil
économique et social Régional de M. Jean-Pierre Lavieville, février 2006, p.4
104
Bibliographie
Adra (2002), Les artothèques des outils novateurs au service de l’art et des publics, les
actes du colloque des 18 et 19 octobre 2000, Caen, édition de l’Adra.
Adra (2008), Charte des artothèques adhérentes à l’ADRA : site de l’Adra, page «Adra »,
consultée le 20/10/2008, http://www.artotheques-adra.com/ladra.php.
Annuaire Culturel Nord-Pas de Calais Ouest de la Flandre et du Hainaut Belges (2007),
Avion, Association CRIS.
Bourdieu P. et Darbel A. (1969), l’Amour de l’art. Les musées et leur public, Paris,
Editions de Minuit.
Cardona J. et Lacroix C. (2008), Ministère de la Culture et de la Communication,
Département des études, de la prospective et des statistiques, Chiffres clés 2008,
statistiques de la culture, Paris, La Documentation française p44.
Cena O. (2008), « Le veau a encore augmenté », in Télérama du 24 septembre 2008,
n°3063 p11.
Coenca A. (2002), Les Artothèques : succès ou insuccès ? La question des publics,
mémoire de maîtrise, dir.B.Darras, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne.
Coll-Seror C. (2001), Artothèques : le goût des autres. Interrogations sur l’efficience du
prêt d’oeuvre d’art contemporain, mémoire de DESS, dir X. Dupuis, Université Pierre
Mendes-France, IEP Grenoble.
DEBENETTI S. (2003), « Visite et confort de visite, le rôle des compagnons », in Donnat
O., Les publics de la culture, Tome 2, Paris, Presse universitaires de Sciences Politiques.
Donnat O. (1998), Les Pratiques culturelles des Français. Enquête 1997, Paris, La
Documentation française.
Donnat O. et Tolila P. (2003), Les publics de la culture, Paris, Presse universitaires de
Sciences Politiques.
Donnat O. (1994), Les Français face à la culture. De l’exclusion à l’éclectisme, Paris, La
Découverte.
Fabre C. et Lequeux E. (2008), « Jeff Koons s’expose au Château de Versailles », in Le
Monde du 7 septembre 2008.
Faclim (1999). Fonds d’art contemporain des communes du Limousin, publié par le
Faclim, Limoges.
Firmin-Didot C., « 300 francs le maître », in Télérama n°2612, 2 février 2000, p67.
105
Flouquet S. et Marozeau M. et Bétard D. (2008), « Classement des musées » in Le
Journal des Arts n° 283, 6 juin 2008.
Guichard E. (2006), Les publics de l’art contemporain. Etudes de cas, mémoire de Master
2 recherche de Sociologie, dir.Yvon Lamy, Université de Limoges.
Gottesdiener H. (1991), « Le public du musée national d’Art moderne en 1990 » in Les
cahiers du Musée National d’Art Moderne de décembre 1991, n° 38, p114-121.
Heinich N. (1985), Les artothèques, Association pour le Développement des Recherches
et Etudes Sociologiques, Statistiques et Economiques, Ministère de la Culture, Service des
études et des recherches, Paris.
Heinich N. (1998), L’art contemporain exposé aux rejets, étude de cas, Paris, Editions
Jacqueline Chambon.
Heinich N. (1998), Le triple jeu de l’art contemporain : sociologie des arts plastiques,
Paris, Edition de Minuit.
Heinich N. (2001), La sociologie de l’art, Paris, Editions La Découverte, collection
Repères.
La Pomme à tout faire (2003), Etude de valorisation des fonds d’art locaux.
Lavieville J-P (2006), Lille 2004, Tremplin pour l’élargissement du public ?, Rapport au
Conseil économique et social Régional, Région Nord-Pas de Calais.
Les Etudes de l’Observatoire (2008), Etude d’impact économique et socioculturel des
musées du Nord-Pas de Calais, 2006-2007, Comité Régional de Tourisme Nord-Pas de
Calais.
Lextrait F et Kahn F (2005), Nouveaux territoires de l’art, Paris, Editions Stéphane Place.
Michaux Y. (1998), L’art contemporain, Paris, La Documentation française, bimestriel,
N°8004.
Millet C. (1997), L’art contemporain, Paris, Flammarion, coll. « Dominos ».
Ministère de la Culture et de la Communication (2000) Actions/Publics pour l’art
contemporain. Supplément artothèques 2000, Paris, Editions Zéro heure.
Passebois-Ducros J. et Aurier P., Le rôle de l’expertise sur la valorisation des expériences
de consommation en milieu muséal, Université Montpellier.
Saez J-P. (2001), L’art contemporain : champs artistiques, critères, réception, Actes du
colloque l’Art sur la place, Paris, Edition l’Harmattan.
Wallach J-C. (2006), La culture, pour qui ? Essai sur les limites de la démocratisation
culturelle, Paris, Editions de l’attribut.
107
Annexe I
Implantation, ancienneté, statut, financement
de 14 artothèques adhérentes à l’Adra
Artothèque Implantation Date decréation
Statut Financement Nombre d’adhérents/Visiteurs par an
Angers
Directrice :Joëlle Lebailly
Ecole des Beaux-artssituée près du centreville
1984 Régie municipale Ville
ConseilRégional
-160 abonnementsqui touchent environ9500 personnes
-3500 visiteurs
- 1700 personnespour les 3 exposhors les murs en2008
Angoulème
Responsable :Mireille Duret
Musée du papier
Au sein de l’associationACAPA
1983 Association loi1901
Ville 55%
Département(12%)
Région (23%)
Communautéd'agglomération(6%)
Ressourcespropres (4%)
- 164 adhérentsACAPAdont 49 utilisateursartothèque
- 26 423 visiteurspour 7 expositions1 résidence d'artiste3 stages d'initiationsaux arts plastiquespour enfants.
Auxerre
Responsable :Hélène Decaudin
Bibliothèque municipale
Implantée en bibliothèquedepuis 2003
1983 Régie municipale Ville (100%) - 2231 visiteurs en2007 dont 606 ontbénéficiéd’animations au seinde l’artothèque
- 1724 personnes ontété concernées parles actions hors lesmurs
Caen
Directrice :Claire Tangy
Structure autonome,situéedans l’hôtel d’Escoville
1987 Association loi1901
Ville (58%)
ConseilGénéral (7%)
Etat (20,5%)
Ressourcespropres(15,5%)
" 600 adhérents :400 particuliers, 150établissementsscolaires et 60entreprises etcollectivités.
Grenoble
Responsable :Michèle Dollmann
Médiathèque KatebYacine
1976 Régie municipale Ville (100%) - 405 abonnés :350 particuliers,65 collectivités
108
Artothèque Implantation Date decréation
Statut Financement Nombre d’adhérents/Visiteurs par an
Hennebont
ArtothèquePierre Tal-Coat
Directrice :Lucie Cabanes
Centre socioculturel dela ville
1999 Equipementmunicipal
Ville " 235 adhérentsréguliers, dont31 établissementsscolaires et 6collectivités (hôpitaux,maison de retraite,médiathèque)
Artothèquedépartementaledu Lot
Responsable :Géraldine Reynier-Gagnard
Espace central de prêtà Cahors au sein duConseil Général
Rendez-vous ponctuelsà Cajarc (Centre d’art)et à Gramat(médiathèquemunicipale)
2002 Equipement duConseil Général
Budget proprede lacollectivité
- 125 adhérents
- 2 500 visiteurs
Limousin
Directrice :Catherine Texier
La structure centrale estsituée à l’Hôtel deRégion et dispose de 4relais en Limousin :
-Bibliothèquemunicipale de Limoges
- Association Peuple etculture à Tulle
- Ville de Guéret
- Centre internationald’art et du paysage àVassivière
1987 Association loi1901 dans lecadre durapprochementavec le FRACLimousin en2007
Région (81%)
Etat (5,9%)
Ressourcespropres(13,2%)
Structure centrale : - 104 écoles etcollectivités
-140 particuliers etagents de l’hôtel deRégion
Relais Bmf : 100abonnés particuliers
Relais Peuple etCulture :-47 structures (écoleset collectivités)-30 particuliers
Relais Guéret : encours de restructuration
Relais Centre d’art àVassivière : 14
Lyon
Directrice :FrançoiseLonardoni
Bibliothèque municipaledeLyon la Part-Dieu
1983
Ferméede 1993à 1996
Equipementmunicipal
Ville de Lyon Non connu
Poiters
Responsable : Karinne Bouchard
Médiathèque François-Mitterrand
1998 Equipementmunicipal
Ville 70 adhérents
109
Artothèque Implantation Date decréation
Statut Financement Nombre d’adhérents/Visiteurs par an
Pessac
ArtothèqueLes arts au mur
Directrice :Anne Peltriaux
Structure autonome 2002 Association loi1901
Ville (56%)
ConseilRégional(13%)
Etat, DRAC(20%)
InspectionAcadémique
Ressourcespropres (11%)
- 210 adhérents
- 5 000 visiteurs paran
St-Cloud
Responsable :Anaïs Coenca
Maison des jeunes etde la culture de la ville
2005 Equipementmunicipal
Ville - 82 adhérents :75 particuliers3 collectivités4 entreprises
Villeurbanne
Responsable : Valérie Sandoz
Maison du livre del'image et du sonFrançois Mitterrand
1988 Equipementmunicipal
Ville -250 emprunteursenviron
Vitré
Directrice : Isabelle Tessier
Structure autonome 1983 Equipementmunicipal
Ville - 300 Adhérentsparticuliers auxquelss’ajoutent lesscolaires
110
Annexe II
Ressources financières et humaines de 14 artothèques adhérentes à l’Adra
Nom de l’artothèque Budget global 2008 Montant desacquisitions
Moyens humains
AngersDirectrice :Joëlle Lebailly
65 000 !(hors salaires et fluides)
20 000 ! 2 personnes à temps pleins+ 1/3 temps + vacations
AngoulèmeL’ACAPAResponsable : Mireille Duret
Fonctionnement et subventionsur projets : 65 000!(hors salaire)
8 000! (encadrementcompris)
1 personne à temps plein
AuxerreResponsable :Hélène Decaudin
Fondu dans le budget de labibliothèqueInvestissement : 12 000 eurosDocumentation : 1300 eurosFonctionnement : 5000 euros
12 000 ! 3 personnes dont 2 à tempspartiel
CaenDirectrice :Claire Tangy
266 000 ! dont52,3 % pour les charges depersonnel10% pour les acquisitions5,6% pour la production
26 000 ! 3 salariés à temps plein
GrenobleResponsable :Michèle Dollmann
15.000! (dont 2000! pourencadrements)Hors salaire
13 000! 1 personne à temps plein
HennebontArtothèque PierreTal-CoatDirectrice :Lucie Cabanes
121 040 ! 15 000 ! 1 temps plein pourl’artothèque et la galeried’art
Artothèquedépartementale duLot à CahorsResponsable :Géraldine Reynier-Gagnard
55 100 !(hors salaires )
20 000 ! 2 personnes à temps plein
LimousinDirectrice :Catherine Texier
256 770 ! 40 000 ! (encadrementinclus)
A ce budget s’ajoute lesacquisitions financées parle Faclim à hauteur de 28 000 !, les deuxcollections étant réuniespour l’ensemble desactivités
Artothèque du Limousin4 salariés à temps plein
Relais territoriaux :1 personne à temps plein àTulle, 2 personnes à tempspartiel dans les relais de laBfm à Limoges et àVassivière, collaborationsponctuelles à Guéret.
111
Nom de l’artothèque Budget global 2008 Montant desacquisitions 2008
Moyens humains
LyonDirectrice :Françoise Lonardoni
Fondu dans le budget de labibliothèque
17 000 ! 2 personnes à temps plein
PoitersResponsable : Karinne Bouchard
NC 4 000! pour les oeuvres2 000! pour les livresd'artistes
3 personnes sur ce secteur(acquisitions, présentations)+ du personnel tournant surle prêt des oeuvres
PessacLes arts au murDirectrice :Anne Peltriaux
214 000 !, dont45% pour les chargessalariales24% pour les acquisitions etles encadrements
40 000 ! 2 salariés à temps plein1 salarié à mi temps
St-CloudResponsable :Anaïs Coenca
NC Pas de budgetd’acquisition
1 personne à temps plein
VilleurbanneResponsable : Valérie Sandoz
NC 32 000 ! 3 personnes pour 2,5 postes
VitréDirectrice : Isabelle Tessier
51 000!(hors salaires)
15 000 !2 salariés :- 1 responsable del’artothèque- 1 chargé du serviceéducatif et médiation
112
Annexe IIIConditions de prêt de 14 artothèques adhérentes à l’Adra
Artothèque Type depublics
Prix del’abonnement
Nombre et duréed’emprunt
Nombred’œuvresdans lefonds
Type d’œuvres
Angers
Directrice :Joëlle Lebailly
Particuliers…...
Entreprises etcollectivités…
Scolaires……
61 ! par an ……70! par an…….
200 ! par an……330 ! par an.
30! par an….
pour 2 œuvres tous les 2 moispour 3 œuvres tous les 2 mois
pour 3 œuvres tous les 2 moispour 5œuvres tous les 2 mois
pour 5 œuvres tous les 2 mois
964 Estampes,photographies,dessins,collages,peintures
Angoulème
Responsable :Mireille Duret
Particuliers
Entreprises/collectivités
Scolaires
Adhésion 20!+location 12! paroeuvre
Adhésion de50!+10! parœuvre
Adhésion 20!10! par oeuvre
Pour 2 mois
Pour 2 mois
par trimestre
900 Lithographies,sérigraphies,gravures,photographiestiragesnumériques...Quelquespièces uniquessur toile ou surpapier
Auxerre
Responsable :Hélène Decaudin
Particuliers
Entreprises/collectivités
Scolaires
35 euros40 euros (pourles nonAuxerrois)
Tarif carte verteouvrant droit auprêt de livres, cdet dvd, oeuvres
Prêt gratuit d’uneoeuvre pour lesenfants etétudiants
5 œuvres pour 2 mois1300 Estampes,
sculptures,installations,vidéos,objets,procédures,dessins,peintures,livres
Caen
Directrice :Claire Tangy
Particuliers…...
Entreprises etcollectivités…
Scolaires……
58 ! par an ou8,5 ! par œuvrepour 2 mois……..
160 ! par an1000 ! par an….
65 ! par an……..
pour 2 œuvres tous les 2 mois
pour 6 œuvres tous les 2 moispour 10 œuvres tous les 4mois avec intervention d’unmédiateur
pour 5 œuvres tous les 2 mois
" 2 300 Estampes,photographies,dessins,vidéoscollages,peintures
Grenoble
Responsable :Michèle Dollmann
Particuliers…...
Entreprises etcollectivités…
Scolaires……
13 ! par an……..
91.5 ! par an…...
gratuit……………
pour 3 œuvres tous les 3 mois
pour 10 œuvres tous les 3mois
pour 10 œuvres tous les 3mois
" 1200 Estampes,photographies
113
Artothèque Type depublics
Prix del’abonnement
Nombre et duréed’emprunt
Nombred’œuvresdans lefonds
Type d’œuvres
Hennebont
Artothèque Pierre Tal-Coat
Directrice :Lucie Cabanes
Particuliers…
Ecoles
Entreprises,associations,collectivités
Hennebont
Extérieurs
Abonnementadulte à lamédiathèque :- 22 !40 pour lesHennebontais- 54 ! 50 pourextérieurs àHennebont
- Gratuit pour lesétablissementsscolairesd’Hennebont
- 22 !par an pourles autres
Carte annuelle à50 !
Empruntoccasionnel :- 20 !- 35 !
Carte annuelle à100 !
Empruntoccasionnel :- 40 !- 70 !
2 oeuvres pour deux mois
5 œuvres tous les deux mois
5 œuvres tous les 2 mois
1 à 5 œuvres pour 2 mois6 à 10 œuvres pour 2 mois
5 œuvres tous les 2 mois
1 à 5 œuvres pour 2 mois6 à 10 œuvres pour 2 mois
768 Estampes,livres d’artiste,photographies,sculptures,oeuvressonores
Artothèquedépartementale du Lotà Cahors
Responsable :Géraldine Reynier-Gagnard
Particuliers
18-25 ans,étudiants,chômeurs,titulaire deminimasociaux
Scolairesassociations
Entreprises etcollectivités
20 ! d’adhésionpar an ……+ 50 ! ou 80 !(hors département)
20 ! d’adhésionpar an ……+ 25 ! ou 40 !(hors département)
adhésion gratuite+60 ! ou 100 !(hors département)
20 ! d’adhésionpar an ……+ 150 ! (au sein dudépartement)
Pour 2 œuvres tous les 2 mois
ou 6 ! pour prêt ponctuel
Pour 1 œuvres tous les 2 moisou 6 ! pour prêt ponctuel
Pour 3 œuvres tous les 2 moisou 100 ! pour une expoponctuelle de 15 œuvres pour unmois
Pour 5 œuvres tous les 2 moisou 200 ! pour une expoponctuelle de 15 œuvres pour 1mois
360 Estampes,Photographies,dessins
114
Artothèque Type depublics
Prix del’abonnement
Nombre et duréed’emprunt
Nombred’œuvresdans lefonds
Type d’œuvres
Limousin
Directrice :Catherine Texier
Structure centrale
Relais Bfm deLimoges
Relais Peuple etCulture à Tulle(Corrèze)
Relais CentreInternational d’Art etdu Paysage àVassivière (HauteVienne)
Musée d’art etd’archéologie deGuéret (Creuse)
Entreprises etcollectivités (orcommunesFaclim)
Scolaires……
Particuliers
Particuliers
Scolaires
Entreprises etcollectivités (orcommunesFaclim)
Particuliers
Entreprises etcollectivités
Scolaires
Particuliers
Scolaires
Entreprises etcollectivités (orcommunesFaclim)
103 ! +2,08 ! par mois et paroeuvre
50 ! par an +2,08 ! par mois et paroeuvre
gratuitprêt encadré parune caution de600! par œuvre auminimum,
15 ! par an +coût de l’adhésionà Peuple et Culture
50 ! par an +2,08 ! par mois et paroeuvre
103 ! +2,08 ! par mois et paroeuvre
26 ! par an +coût de l’adhésionaux amis du centred’art
103 par an +2,08 ! par mois et paroeuvre
50 ! par an +2,08 ! par mois et paroeuvre
gratuit
50 ! par an +2,08 ! par mois et parœuvre
103 par an +2,08 ! par mois et paroeuvre
Etablissement d’un contratpour 3 mois sans limite de nbr(en général, 30 œuvres maxipour 6 mois maxi).
Idem.La durée du prêt estgénéralement adaptée auxpériodes scolaires
3 œuvres par foyer pour 3mois.
3 œuvres par foyer pour 3mois.
Les conditions de l’Artothèquedu limousin sont identiquespour tous les relais àl’exception des contrats pourles particuliers.
Partenariat en coursd’élaboration
" 3 800Œuvresau total
,Dessins,peintures,estampes,photographies
115
Artothèque Type depublics
Prix del’abonnement
Nombre et duréed’emprunt
Nombred’œuvresdans lefonds
Type d’œuvres
Lyon
Directrice :Françoise Lonardoni
Particuliers…...
Collectivités etentreprises…
Scolaires……
9 ! par an……….
forfaits de 40 à150 ! par an……
gratuit……………
pour 2 œuvres tous les 2 mois
pour 4 à 20 œuvres tous les 3mois
pour 4 à 6 œuvres tous les 3mois
" 800 Estampes,photographies,vidéos
Poiters
Responsable : Karinne Bouchard
Particuliers
Collectivités etentreprises
32 ! adulterésidant àPoitiers64 ! adulte nerésidant pas àPoitiers
NC
pour 2 œuvres tous les 2 mois 350 Sérigraphies,lithographies,photographies
PessacLes arts au mur
Directrice : Anne Peltriaux
Particuliers…...
Entreprises etcollectivités…
Scolaires……
45 ! par an ……+ 10 ! à chaque emprunt
150! ou 230!+ 10 ! à chaque emprunt
60 ! par an ……+ 2 ! à chaque empruntet 10 ! pour les mallettespédagogiques
Versement d’unecaution de 10% dela valeur desœuvres
pour une œuvre tous les 2mois
pour 3 œuvres ou 5 œuvrestous les 2 mois
Entre 2 périodes de vacancesscolaires
" 435Estampes,photographies,dessins,aquarelles,collages
St-Cloud
Responsable :Anaïs Coenca
Particuliers…...
Entreprises etcollectivités…
Scolaires……
16!+ 3 ! à 12 ! par œuvreempruntéeVersement d’un chèquede caution de 500!
NC
NC
pour 1 œuvre par mois " 200Peintures,photographies,estampes,sculptures
Villeurbanne
Responsable : Valérie Sandoz
Particuliers
Collectivitésentreprises,associations,établissementsscolaires etc.)
Particuliers : de8,5 euros à 52euros
gratuit à 63 eurosAbonnement/carte multisupports
pour 5 œuvres d'art tous les 3mois maximum
pour 10 œuvres d'art tous les3 mois
1166(horsacquisi-tions2008)
Multiplesessentiellement
Vitré
Directrice : Isabelle Tessier
Particuliers
Etudiants,chômeurs
Associations
Entreprises etcollectivités
Ecoles de VitréCommunauté
Ecolesextérieures
52!
45!
80!
120!
20!
30!
pour 2 œuvres pour 2 mois
pour 2 œuvres pour 2 mois
pour 5 œuvres jusqu’à 6 mois
pour 5 œuvres jusqu’à 6 mois
pour 5 œuvres pour 2 mois
pour 5 œuvres pour 2 mois
Environ1200
Photographies(Noir et blanccouleur) etestampes(sérigraphies,lithographies etgravures)
116
Annexe IV Guide d’entretien artothèques
Identification
Fonction de la personne interviewée, ancienneté, parcours professionnel
Carte d’identité de la structure
- Statut juridique
- Projet culturel : offre/activités/spécificités
- Caractéristiques du fonds : nature des œuvres, quantité
Histoire
- Date de création
- Evolution par rapport à la structure et au projet initial
- Temps forts du développement
- Comment est née le FACLIM (pour artothèque Limousin)
Public
- Nombre d’adhérents
- Périmètre géographique couvert
- Nature des publics intéressés : particuliers, entreprises, associations, collectivités, publics
captifs…
- Profil : âge, sexe, CSP, public initié à l’art ou possibilité de toucher des populations
éloignées de l’offre culturelle
- Motivations, attentes (goûts, préférences…) et évolution
- Actions développées en direction du monde du travail et des entreprises
Fonctionnement- Equipe : qualification et missions
- Budget de fonctionnement et d’acquisition
- Sources de financement, répartition et évolution
- Superficie occupée : surface d’exposition et de stockage
- Modalités du système de prêt
- Politique d’assurance
117
- Politique d’acquisition : qui opère la sélection, à quel rythme, selon quels critères
- Politique d’animation et de médiation du fond
- Politique de communication
- Taux de rotation des œuvres
- Répartition du fond entre les 4 structures relais (pour le Limousin)
- Détermination du circuit du Faclim sur le territoire (pour le Limousin)
Impact de l’artothèque
- Nature des échanges entre les emprunteurs et les œuvres
- Le système de l’emprunt a-t-il modifié le rapport/la perception des publics à l’art
contemporain, de quel changement s’agit-il ?
- Mise en place des outils de mesure pour évaluer l’activité
Environnement
- Quels partenaires (autres que structures relais)
- Relations avec les autres équipements culturels de la région
- Relations avec d’autres artothèques en France
- Relations avec les élus locaux
- Nature de leur engagement
- Evolution sur les 10 dernières années
Perspectives d’avenir
- Depuis le colloque de l’ADRA qui témoigne de la vitalité des artothèques, mais aussi de
leurs difficultés, comment la situation a-t-elle évoluée ?
- Comment expliquez vous le faible développement des artothèques en France, qui malgré
leurs atouts et légitimité peinent à être intégrées dans les politiques culturelles actuelles ?
- Comment imaginez-vous votre artothèque dans 10 ans ? Quels sont les principaux axes de
développement ?
Expérience professionnelle
- Facteurs clé de succès pour monter une artothèque, écueils à éviter ?
- Principaux succès et échecs ?
118
Annexe V
Grille d’entretien collectivités adhérentes au Faclim
1. Fonction de la personne interviewée/ ancienneté et parcours professionnel
2. De quand date votre adhésion au Faclim ?
3. Dans quel contexte, quelles circonstances s’est produit cette rencontre ?
4. Depuis combien de temps empruntez-vous des œuvres ?
- en quel nombre
- à quel rythme
5. Qu’est-ce qui vous a intéressé dans le fonctionnement du Faclim ?
6. Qu’est-ce qui vous a séduit dans l’offre de prêt ?
7. Comment s’opère la sélection des œuvres empruntées ?
8. Comment évaluez-vous cette expérience ?
- Quels sont les apports positifs
- Les points négatifs
- Les publics concernés
9. Selon vous, que produit la mise en contact de la population avec les œuvres d’art ?
10. Quels intérêts une collectivité a ou aurait à se lancer dans cette aventure ?
11. Quelles difficultés ou freins avez-vous rencontrés ou peuvent se présenter ?
12. Quels sont les grands axes de la politique culturelle de votre ville en matière d’arts
plastiques ?
120
Annexe VIIListe des acteurs dans le domaine des arts plastiques, arts visuels et création contemporaine du NPC
Type de structure Nom Localisation1 - ERSEP - Ecole Régionale Supèrieure d'Expression Plastique TourcoingAssociation régionale des écoles d'Art du NPC Tourcoing2 - Le Fresnoy Tourcoing3 - ENSAIT Roubaix4 - ESBA - École Supérieure des Beaux- Arts Valenciennes5 - ERBA - École régionale des Beaux-Arts Dunkerques
Ecoles d'ArtFormation
intiale
6 - École régionale des Beaux-Arts CambraiUniversité 7 - Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis Valenciennes
8 - École d'Art de Douai Douai9 - Ecole des Beaux Arts Saint-Omer10 - Ecole d'Art de Calais Calais11 - Office de la culture Desvres12 - Ecole d'Arts de Boulogne Boulogne13 - Ecole municipale d'arts plastiques Henin Beaumont14 - Droit de Cité Harnes15 - L'atelier de sel Wargnies-le-Grand16 - Musée vivant des enfants Fresnes-sur-Escaut17 - Ateliers d'arts plastiques St Amand les Eaux18 - Centre Arc en Ciel Liévin19 - Maison de l’Art et de la Communication Sallaumines20 - Maison des Arts - MJC Sin le Noble21 - Association pour l'Image et les Arts Plastiques Dunkerque22 - Atelier 2 Villeneuve d'Ascq23 - Le camion Roubaix24 - Espace Édouard Pignon Lille25 - Le Cabinet des curiosités Lille26 - Atelier- Galerie bleu Lille27 - Centre d'art plastiques et visuels Lille
Écoles d'Art/Ateliers
municipaux ouassociatifs de
pratiquesamateurs
28 - Le Quai de la Batterie ArrasFédération régionale des Amis des Musées du NPC Dunkerque29 - FRAC NPC Dunkerque30 - La Piscine - Musée de France Roubaix31 - Le MAM Lille Métropole -Musée de France Villeneuve d'Ascq32 - Palais des Beaux Arts - Musée de France Lille33 - Musée des Beaux Arts-Musée de France Tourcoing34 - Musée de l'Hospice Comtesse - Musée de France Lille35 - Musée de la Lithographie HouplinesAssociation des conservateurs des musées NPC Roubaix36 - Musée départemental de Flandre - Musée de France Cassel37 - Musée des Beaux Arts et de la dentelle - Musée de France Calais38 - Musée des Beaux Arts - Musée de France Arras39 -Musée des Beaux Art - Musée de France Valenciennes40 - Musée des Beaux Art - Musée de France Dunkerque41 - Musée départemental Matisse - Musée de France Le Cateau-Cambrésis42 - Association Louvre Lens/ futur musée Lens43 - Musée Atelier du verre - Musée de France Sars Poteries44 - LAAC- Musée de France Dunkerque45 - Musée du Dessin et de l'Estampe originale - Musée de F Gravelines46 - Musée des Beaux-Arts - Musées de France Cambrai/Hainaut47 - Musée de la Chartreuse - Musée de France Douai/Hainaut48 - Musée Edouard Champion - Musée de France Le Touquet49 - Centre historique minier- Musée de France Lewarde50 - Musée de la Céramique et du verre Desvres
Muséeset
lieuxapparentés
51 - Musée des Beaux-Arts de St Omer St Omer /Audomarois
121
52 - Le Colysée Lambersart53 - Maison Folie de Moulin Lille54 - Maison folie de Wazemme Lille55 - Fort de Mons Mons-en Baroeul56 - La Condition Publique Roubaix57 - Hospice d'Havré Tourcoing58 - La Ferme d'en Haut Villeneuve d'AscqLille 3000 Lille59 - Centre musical les Arcades Fasche Tumesnil18 - Centre culturel Arc en Ciel Liévin60 - Maison Folie d'Arras Hôtel de Guînes Arras61 - La Brasserie Rivière dans l'Artois62 -centre culturel de l'Arsenal Maubeuge63 -Maison Folie Porte de Mons Maubeuge64 - Centre culturel transfrontalier le Manège Maubeuge Maubeuge65 - Escapade Henin Beaumont20 - Maison des Arts - MJC Sin le Noble
Équipementspolyvalents
66 - Centre culturel Balavoine Arques
67 - Centre d'arts pastiques et visuels Lille68 - Espace Croisé Roubaix69 - Espace le Carré Lille70 - Galerie Guy Chatilez Tourcoing71 - Galerie du 36 bis Tourcoing72 - Galerie Commune du pôle Art Plastique Lille 3 Tourcoing73 - Espace Édouard Pignon Lille74 - Maison de l'Architecture et de la ville Lille75 - Eglise St Marie Madeleine Lille76 - L'H du siège /Acte de naissance Valenciennes77 - Galerie municipale Robespierre Grande-Synthe78 - Espace Lumière Hénin Beaumont11 - Office de la culture Desvres
Espacesd'exposition
publics
19 - Maison de l’Art et de la Communication Sallaumines
79 - Médiathèque La Corderie Marcq en Baroeul80 - Médiathèque Marguerite Yourcenar Fâches Thumesnil81 - Les Archives départementales du Nord Lille82 - Centre des archives du monde du Travail Roubaix83- La manufacture des Flandres Roubaix84 - Le Grand Bleu Lille85 - Médiathèque de Roubaix Roubaix86 - Le Vivat Armentières87 - Le Channel Calais88 - Le Bateau Feu Dunkerque89 - Galerie de l’Université Catholique Lille90 - Service culturel de l'université de Lille 2, l'Antre Lille91 - Espace culturel USTL Lille 1 Villeneuve d'Ascq92 - Galerie des 3 lacs - Université Lille 3 Tourcoing93 - Service culturel de l'université d'Artois Arras
Espacesd'exposition
publicsadossés à un
autreéquipement
94 - Atelier culture de l'université du littoral, la Piscine Dunkerque
122
2 - Le Fresnoy Tourcoing95 - La Malterie Lille96 - Artconnexion Lille97 - Art Point M Roubaix98 - Bureau d'Art et de Recherche Roubaix99 - TEC/CRIAC Roubaix73 - Espace Édouard Pignon Lille100 - Le non lieu Roubaix101 - Le LEM, Lieu d’Expérimentation multiple Lille102 - L'heure exquise Mons103 - Association "à table" - Boulogne104 - Réseau 50° Nord Maubeuge105 - Espace 36 St Omer11 - Office de la culture Desvres106 - Lab Labanque Béthune107 - Cent lieux d'art Dimont108 - La Chambre d'Eau Favril109 - Idem+Arts Maubeuge110 - La Plate-Forme Dunkerque76 - Acte de Naissance Valenciennes111 - Association Tous Azimut Mortagne-du-Nord112 - Quai de la Batterie Arras113 - Centre régional de la photographie Douchy-les-mines114 - Ville d'Houdain Houdain
Centres de
production et dediffusion art
contemporain
50 - Musée de la Céramique et du Verre Desvres
115 - La vitrine MVD Arras116 - La vitrine Paulin Solre le Château
117 -la Galerie du MaraisLa Madeleine sousMontreuil
118 - Espace Alternance Arras119 - Galerie Frontière Hellemes120 - la Vitrine La Madeleine121 - Lasécu Lille122 - Carnet Plus Ultra Roubaix123 - Chez Rita Roubaix124 - La plus petite galerie du monde Roubaix125 - Œil Roubaix126 - Maison de la photographie NPC Lille22 - Galerie atelier 2 Villeneuve d'Ascq127 - Une poussière dans l'œil Villeneuve d'Ascq128 - Le cabinet des curiosités Lille129 - L'Univers Lille
Galeriesassociatives
130 - L'Hybride Lille
131 - A petits pas Ruisseauville132 –Réso asso métro pour « les fenêtres qui parlent » La Madeleine133 - ArmateuR Mouvaux134 -Les transphotographiques Lille135 - Art-titude Dunkerque
Associations depromotion et desensibilisationde la créationactuelle
136 - Le 118 Lille
123
Annexe VIIIRésultats enquête visiteurs Foire d’art contemporain de Lille avril 2008
Les résultats portent sur l’analyse de 30 entretiens
1. Notoriété spontanée des structures et espaces d’exposition d’art contemporain dans la région
Q : Quels sont les lieux et espace d’exposition d’art contemporain que vous connaissez dans la
région ?
! 70% des sondés identifie au moins une structure dans la région.
Parmi celles citées, c’est le MAM qui arrive en tête avec 71% de réponses, puis la Piscine (36%) et le
Tri Postal (14%). Très loin derrière, sont cités les équipements culturels suivants, qui recueillent
respectivement 1% de réponse : le Palais des Beaux Arts de Lille, le musée des Beaux Arts de
Tourcoing, les Maisons Folie, le LAAC de Dunkerque, L’Hospice Comtesse, le Musée Matisse, les
galeries d’art à Lille et en Belgique
! 30% des sondés sont embarrassés par la question et n’apportent pas de réponse
2. Motivations par rapport à la Foire d’Art contemporain de Lille
Q : Pourquoi vous êtes-vous rendu à cette Foire d’Art contemporain ?
! 50% s’intéressent à l’Art contemporain et à son actualité
! 30% sont venus par curiosité. Certains font remarquer qu’il est moins intimidant d’aller dans ce
type de lieu que dans une galerie d’art.
! 15% accompagnent une personne
! 5% sont venus pour voir du design
3. Pratiques culturelles des personnes interrogées
Au cours des 12 derniers mois :
! 90% des personnes interrogées ont visité un musée.
Les musées visités sont :
- le Palais des Beaux Arts de Lille et la Piscine qui obtiennent le même score (28%)
- des musées à Bruxelles (17%)
- le centre Pompidou à Paris (11%)
- le musée Matisse au Cateau-Cambrésis (11%)
- les musées sur les lieux de vacances (1%)
- le musée d’Orsay à Paris (1%)
! 65% ont vu une exposition.
- au Tri Postal (38%)
- à l’Hospice Comtesse (15%)
- à Paris (15%)
- à la Braderie de l’Art à Roubaix (7%)
- à Gand (7%)
! 25% se sont rendus dans une galerie d’art.
Il s’agit de galeries situées à Paris, en Belgique, à Cologne, au Touquet, à Lille ou encore sur les lieux
de vacances.
! 75% déclarent posséder des œuvres d’art (77%) ou des reproduction (33%) chez eux.
Il s’agit en majorité de peinture d’artistes contemporains et d’artistes amateurs. Seules 2 personnes
possèdent de la photo et de la sculpture.
4. Intérêt pour la formule d’emprunt
Q : Si vous en aviez la possibilité, aimeriez-vous emprunter des œuvres d’art à accrocher chez vous
pour une durée de 2 à 4 mois.
124
Q : Seriez-vous intéressé par la formule suivante : un abonnement annuel d’environ 60 euros qui
vous permettrait d’emprunter 2 œuvres tous les 2 mois? Si oui, pourquoi cela vous séduit-il ?
! 85% des personnes sondées se déclarent intéressées.
La formule séduit pour plusieurs raisons :
- Pour la moitié d’entres eux, ce type de formule leur permet d’accéder à quelque chose qu’ils
ne pourraient pas se payer. Beaucoup ont fait remarquer qu’ils avaient eu de véritables coups
de cœur pour des œuvres sur la foire, mais que leur prix étant « exorbitant », l’achat d’une
œuvre est vécu avant tout comme un luxe. La possibilité d’emprunter est dès lors perçue par
ces derniers comme une manière de démocratiser l’art contemporain. A ce sujet, une personne
ajoute qu’elle souhaiterait accompagner cette démarche d’emprunt par un atelier de pratique
artistique afin de compléter le processus de sensibilisation mis en œuvre par le système de
prêt.
- Plusieurs apprécient aussi de pouvoir renouveler régulièrement l’accrochage des œuvres et
ainsi de varier, de voir des œuvres différentes.
- Certains ont mis en avant l’intérêt de faire entrer l’art dans leur intimité, d’être plus proche de
l’artiste, de « respirer » l’œuvre. Ils soulignent le fait que la formule leur permettrait de
découvrir progressivement une œuvre et de s’y habituer. Cette possibilité d’appréhender une
œuvre dans la durée et d’avoir le temps de se familiariser avec le travail de l’artiste séduit
également d’éventuels acheteurs qui notent que certaines œuvres difficiles d’accès au premier
regard, gagneraient à être empruntées pour faciliter le choix de l’oeuvre.
- Une personne se déclare intéressée car elle possède un intérieur design.
Ces mêmes personnes sont prêtes à payer 60 euros annuel pour avoir la possibilité d’emprunter 2
œuvres tous les 2 mois. Dans l’ensemble, le coût est jugé raisonnable, mais 2 personnes étudiantes
font remarquer qu’il ne s’agirait pas d’une dépense prioritaire.
Si les réponses à cette question sont très positives, quelques uns nuancent leurs propos en ajoutant
que leur intérêt dépendra des œuvres qui seront proposées. Une personne ajoute qu’elle fera un
essai sur un an. Ces remarques témoignent bien du fait que la nature de la collection et son « degré
d’attractivité » priment autant si ce n’est plus que le tarif proposé. Au-delà de la formule inédite
d’emprunt qui séduit largement les personnes rencontrées tant sur le principe que sur le tarif,
celles-ci n’en sont pas moins exigeantes sur la «qualité et la diversité» des œuvres proposées.
! 25% des personnes interrogées ne sont pas intéressées par emprunter des œuvres. Les arguments
présentés sont essentiellement liés au désir de conserver l’œuvre. Ces personnes déclarent s’attacher
aux choses et n’aiment pas l’idée que l’oeuvre ne fait que passer. Dans une moindre mesure, la crainte
de ne pouvoir sécuriser l’œuvre empruntée et la menace du cambriolage est également invoquée. Il est
à noter que la majorité des personnes, non intéressées par la possibilité d’emprunter font précisément
parties des CSP les plus élevées, c'est-à-dire en capacité financière d’acquérir une œuvre d’art.
5. Profil des personnes sondées
Situation géographique :
! 82% habitent à Lille ou dans les villes avoisinantes (Lambersart, Carvin, Wattignies)
! 12% viennent de Bruxelles
! 6% viennent du Pas de Calais
Sexe :
! 65% sont des femmes
! 35% des hommes
Age :
! 21% ont entre 20 et 30 ans
! 26% ont entre 31 et 40 ans
! 16% ont entre 41 et 50 ans
! 21% ont entre 51 et 60 ans
! 16% ont plus de 60 ans
Statut :
! 45% sont Cadres/prof libérale
! 25% sont employés
! 10% sont AM et 10% étudiants
! 5% sont demandeurs d’emploi
! 5% sont intermittents du spectacle
125
Annexe IXRésultats enquête menée auprès du public de Lasécu lors du vernissage du 17/05/08
Les résultats portent sur l’analyse de 49 questionnaires
1. Est-ce votre première visite à Lasécu ?
" Un lieu qui accueille un public plutôt fidèle, mais qui est aussi très largement ouvert sur
l’extérieur avec plus de 40% de nouveaux visiteurs
43% oui
57% non, combien de fois êtes-vous venus au cours des 12 derniers mois :
Toutes réponses confondues, les visiteurs sont venus en moyenne 5 fois dans l’année, (ce qui
laisse supposer qu’ils se déplacent à l’occasion de chaque vernissage). 39% sont venus au
moins 3 fois, 33% au moins 5 fois, 28% plus de 6 fois.
A quelle(s) occasion(s) êtes-vous déjà venu :
58 % pour visiter une exposition
13% pour participer à l’auberge espagnole
11% dans le cadre d’une soirée/spectacle
8% pour voir la boutique des créateurs
2. Dans quel but êtes-vous venu (2 choix possibles) ?
" Par intérêt pour les arts plastiques d’abord
26% par intérêt pour les arts plastiques en général
23% par intérêt pour l’art contemporain plus précisément
20% pour la convivialité
15% par curiosité
11% simplement pour le plaisir de la sortie et de la découverte
5% pour l’artiste
3. Comment avez-vous eu connaissance de cet espace d’exposition ?
" Le bouche à oreilles au sein de l’environnement personnel et professionnel avant tout
67% par des amis ou proches
20% par le milieu artistique (artistes, autres lieux d’exposition…)
6% par la presse
4% autre, précisez : invitation par courrier
2% par des affiches
2% par hasard
0% par interne
126
4. Pour prolonger votre approche de l’art contemporain, seriez-vous intéressé par les
propositions ci-dessous à classer par ordre de préférence de 1à 6:
" Des modes d’accès à l’art contemporain multiples et variés : le public est ouvert à
l’ensemble des propositions avec des taux de réponse plutôt homogènes d’un item à l’autre
(un échantillon plus grand aurait peut-être permis de dégager des tendances plus nettes).
1. La possibilité d’emprunter une œuvre d’art pour l’installer à votre domicile pendant
quelques mois (item qui recueille le meilleur score en première position avec 26% de
réponse, suivi des ateliers de pratique avec 23%)
2 et 3 Des rencontres avec les artistes (item qui recueille le meilleur score en deuxième et
troisième position avec 22% de réponse, suivi des conférences sur l’art contemporain
avec 21%)
4 Des conférences sur l’art contemporain (item qui recueille le meilleur score en
quatrième position avec 19% de réponse, suivi des visites pédagogiques avec 18%)
5 Des documents d’information sur les artistes et les œuvres (item qui recueille le
meilleur score en cinquième position avec 21% de réponse, suivi des rencontres avec
les artistes avec 20%)
6. La possibilité d’emprunter une œuvre d’art pour l’installer à votre domicile pendant
quelques mois (item qui recueille le meilleur score en dernière position avec 36% de
réponse, suivi des visites pédagogiques avec 18%)
A noter :
- La formule d’emprunt suscite autant l’adhésion qu’un intérêt moindre avec les plus forts taux de
réponse en position 1 et en position 6.
- Les ateliers de pratique artistique qui n’apparaissent pas dans le classement obtiennent leur
meilleur score en première position avec 23% de réponse.
- Si on s’intéresse aux items qui ont obtenus les plus forts taux de réponse cumulés pour les
positions 1, 2 et 3, ce sont les rencontres avec les artistes qui arrivent en tête avec 61%, puis les
ateliers de pratique artistiques (58%), et enfin l’emprunt à égalité avec les documents
d’information sur les artistes (50%).
5. Seriez-vous intéressé par la formule suivante : la possibilité d’emprunter 2 œuvres
d’art (peinture, gravure, photo…) tous les 2 mois au prix d’un abonnement d’environ 60
euros par an ?
51% Oui (dont 24% sont des adhérents), dans
quel but (3 choix possibles)
49% Non (dont 22% sont des adhérents),
pourquoi
28% pour pouvoir apprécier une œuvre dans
un environnement familier et dans la durée
26% pour le plaisir de faire partager l’œuvre
choisie à votre entourage
24% pour avoir possibilité de changer
d’œuvres souvent
14% pour le plaisir de posséder
temporairement une œuvre d’art
5% pour décorer votre intérieur
2% autre : pas les moyens d’acheter.
34% prix de l’abonnement trop élevé
24% envie de conserver l’œuvre
17% peur d’abîmer l’œuvre
10% pas suffisamment de place
7% pas de système d’accrochage adéquat
7% crainte du cambriolage
7% autre, précisez : parce qu’une œuvre
doit être partagée/car une œuvre ne se
loue pas !
127
6.Si oui, par quel type d’œuvre à emprunter seriez-vous le plus attiré ?
32% la peinture
23% la photo
20% la sculpture
12% la gravure
7% le collage
5% le dessin
2 % autre, précisez : mobilier design
7. Généralement, pratiquez-vous vos « sorties culturelles » :
38% avec un ou des amis
27% seul
21% en couple, famille sans enfants
8% en famille avec enfants
5% en groupe
8. Etes vous actuellement inscrit à une bibliothèque ou médiathèque ?
54% oui
23% non
9. En moyenne, à quelle fréquence recevez-vous chez vous des parents, amis, relations ?
41% au moins une fois par semaine
32% deux à trois fois par mois
20% une fois par mois
15% plus rarement
10. Possédez-vous des œuvres d’art contemporain ou des reproduction chez vous ?
77% oui
23% non
11. A propos de l’art contemporain, diriez-vous que vous êtes plutôt :
48% curieux
25% amateur
19% connaisseur
6% sceptique
4% indifférent
128
12 Vous êtes :
53% une femme
47% un homme
13 Votre âge
47% ont entre 41 et 50 ans
24% ont entre 31 et 40 ans
18% ont entre 20 et 30 ans
12% ont entre 51 et 60 ans
14. Dans quelle ville habitez-vous (merci de préciser si vous êtes du quartier) :
50% des visiteurs habitent à Lille, dont 24% le quartier (Fives)
46% viennent des communes avoisinantes au sein de la métropole (10% Villeneuve d’Ascq, 7%
de Tourcoing, 5% de Mons, Ronchin ou Hellemmes, 2% Lambersart, Loos, Carvin, Haubourdin,
Wambrechies).
2% du Pas de Calais
2% sont extérieurs à la région
15. Etes vous adhérent à Lasécu ?
77% non
23% oui, depuis combien de temps (seulement 9 réponses à cette question) :
33% depuis 3 ans
33% depuis 2 ans
22% depuis le début
11% depuis 1 an
16. Quelle est votre profession/situation ?
31% Professeurs / profession intellectuelle
24% Professions artistiques / intermittent
14% Employés
10% Profession libérale / Cadres
6% A la recherche d’un emploi
4%Contremaîtres, agents de maîtrise / technicien
supérieur
4% Artisans / Commerçants
4% Au foyer
2% Retraités
129
Annexe X
Extrait* de l’entretien conduit auprès de Catherine Texier, directrice de
l’artothèque du Limousin et Présidente de l’Adra de 2004 à 2007
( avril 2007)
En poste à l’artothèque depuis 1986.
CT : Avant de commencer cet entretien, il me semble important de vous restituer l’historique de
l’artothèque. Mes propos sont également à évaluer dans le contexte actuel de restructuration de
l’artothèque du Limousin.
L’artothèque du Limousin a été créée en 1986 dans un contexte local spécifique. Elle va s’associer dès
sa création à une structure issue d’une première expérience : le FACLIM. Né en 1982 de l’initiative
d’élus locaux, le Fonds d’Art Contemporain du Limousin s’inscrit tout a fait dans les mesures de
décentralisation des années Lang. Il s’agissait de créer et de déployer en zone rurale une collection
d’art contemporain afin d’en permettre l’accès à chacun. En Limousin, il n’y a pas de bassin de
population important en dehors de Limoges qui est la plus grande ville. Les élus locaux décident alors
de créer « une coopérative d’art contemporain » qui repose sur un système d’adhésion, (1 franc par
habitant à l’époque,15 centimes d’euros aujourd’hui) avec la volonté de constituer une collection d’art
contemporain. Convaincus de l’importance de l’accès pour tous à la culture et à l’art en particulier, ces
élus pensent alors qu’il y a aussi là un contre-pied à l’image vieillissante de la région.
Dès l’origine, la collection ainsi créée a été pensée dans une optique de diffusion.
Le FACLIM a une vocation d’irrigation du territoire. 1982 à 1986 sont des années denses en termes
de création de structures et d’outils.
1983 : création des Frac
1985 : création de l’Agence Technique Culturelle de la Région Limousin. Il y en a eu d’autres dans
d’autres régions, (par exemple en Alsace).
Il s’agit d’une association qui va servir de levier dans le domaine de l’art contemporain et au delà
pour la politique culturelle à travers les actions et les programmations qu’elle met en place. Cette
association de loi 1901, avec une activité d’agence, va regrouper le Frac en 85, puis l’artothèque en
86.
La spécificité de l’artothèque, c’est vraiment son action régionale. Son action se développe hors les
murs, uniquement par un réseau de partenariats et un système de relais.
Elle a un réseau d’abonnés. Jusqu’à présent, il n’existe pas de lieu repérable par les publics (même si
nous disposons bien sûr d’une réserve centrale et de bureaux). La programmation et les prêts se
déroulent uniquement au sein des partenariats et des relais. Pour l’instant, car dans le cadre du
rapprochement avec le Frac, la création d’un nouveau lieu est un enjeu important. Je ne revendique pas
un lieu pour mener une programmation d’expositions « recentralisée ». Je tiens à conserver cette
spécificité de l’action qui est une action hors les murs.
* en raison de la longueur des entretiens menés, nous avons choisi de ne mettre dans le présent rapport
qu’une partie des réponses et avons écarté toutes les données relatives au fonctionnement qui sont
synthétisées dans les tableaux p.
130
CL : Le fait de ne pas avoir de lieu d’exposition dédié n’a-t-il pas rendu plus difficile la lisibilité
de l’artothèque ?
CT : Certainement, cela a eu deux effets. Cela a nuit et nuit encore à sa visibilité sur le territoire. C'est-
à-dire que nous touchons beaucoup de publics, très variés, mais qui ne savent pas toujours que l’œuvre
qu’ils rencontrent ou la conférence à laquelle ils assistent est organisée par l’artothèque puisqu’on
disparaît derrière le partenaire local. Mais c’est au profit justement de ce partenaire. L’artothèque du
Limousin effectue plus de 15000 prêts d’oeuvres d’art par an. On dispose d’un réseau, constitué à la
fois de partenaires institutionnels et de partenaires associatifs dans le domaine culturel. Ce réseau est
très dense sur le territoire. Les représentants de la collectivité régionale ne nous demandent pas
forcément que l’artothèque du Limousin soit bien « repérée ». Par contre, ils me demandent de justifier
en fin d’année d’un bilan d’activités qui revendique un nombre d’actions considérables et efficaces sur
le terrain.
Certainement, dans les années à venir, considérant la taille de l’artothèque et de sa collection, il sera
bénéfique d’avoir un lieu qui nous permette d’être visible et de communiquer. Mais je tiens à
conserver la majorité des actions hors les murs. Pour l’instant, c’est le cahier des charges que l’on m’a
demandé de remplir.
CL : Les structures partenaires sur lesquelles vous vous appuyez bénéficient-elles de plus de
visibilité ?
CT : Oui, en partie grâce au réseau de communes. Quant notre action est annoncée et relayée par la
commune ou par une association, la communication se fait très bien auprès de la population. Il y a un
fort ancrage dans la réalité du territoire.
Nous avons également choisi d’établir des partenariats avec des structures membres du réseau art
contemporain en région, bien repérées par la population.
L’artothèque du Limousin est la seule qui a un fonctionnement régional. Le Limousin est la seule
région où une artothèque s’est développée simultanément à un Frac. Tant sur le volume budgétaire que
celui de l’activité, on peut aujourd’hui nous mettre sur un plan comparable à certains Frac, peut-être
même en terme de collection (par exemple le Frac de Picardie).
CL : Quelle est la nature de la collection ?
CT : Je vais me référer à l’historique que je vous ai décrit y compris pour la collection. Parce qu’il y a
eu au départ, cette association de communes qui va vraiment fonder l’activité de l’artothèque sur le
territoire, les deux collections se sont construites simultanément. Elles sont séparées sur le papier, les
inventaires sont séparés, le financement aussi. Mais elles sont en parfaite synergie. Dans la réserve, je
suis incapable de dissocier les œuvres achetées par l’artothèque de celles acquises par le Faclim. C’est
d’ailleurs le même comité technique qui fait les propositions d’acquisition.
Cette spécificité a joué un rôle dans la constitution de la collection puisqu’il n’y a eu aucune contrainte
technique au départ. Donc, ils ont acheté tous types de supports : des sculptures, des peintures, des
dessins. Avec l’arrivée du Frac, les élus vont rationaliser les collections, les définitions vont alors se
préciser. La collection Faclim, déjà « nomade », va être alors constituée d’oeuvres sur papier,
peintures, dessins, estampes, photographies…. Quand l’artothèque va être créée, elle va bénéficier de
ce même statut : l’œuvre sur papier. Elle va aussi accepter la contrainte donnée par le Ministère de la
Culture avec la liste des premières acquisitions annexée à la subvention de 200 000 F. Cette fameuse
liste constitue aujourd’hui, ce noyau dans lequel les artothèques s’empêtrent parfois. Il s’agissait
d’oeuvres essentiellement liées à la figuration narrative. Mais surtout le voeux du Ministère, c’était
que les artothèques collectionnent des estampes. Il s’agissait non seulement de défendre la
démocratisation culturelle, mais aussi de développer ce secteur d’activité en valorisant le travail des
ateliers d’édition. Il y avait un double objectif de la part du Ministère qui ne sera pas opérant : relancer
cet aspect du marché de l’art via des partenariats avec les ateliers, inciter les français à devenir
collectionneurs…
131
Ici, comme dans beaucoup d’artothèques, nous avons acheté des œuvres à caractère unique en même
temps que des estampes. Seule l’œuvre était, est, au cœur de l’acquisition, peu importe son support ou
son statut (unique, multiple). Notre collection a été construite avec une forme de liberté plus grande.
Ce qui est apparu comme péjoratif, c’est sans doute de fonder des collections partout en France sur la
même base. Quarante artothèques avec les mêmes œuvres, ça c’était sans doute une grosse erreur. Il
faut néanmoins resituer le contexte: il fallait créer très vite des collections, faire en sorte qu’elles se
basent sur un fonds commun qui semblait pertinent à l’époque. Les subventions du ministère ont été
débloquées de 82 à 86. Ensuite, il était clair que la collectivité territoriale gérait seule l’artothèque :
fonctionnement et acquisitions.
CL : Quel regard les professionnels de l’art portent-ils sur les collections des artothèques ?
CT : Cela évolue. Au départ, et pour certains, on observe une sorte de mépris qui tient à deux choses :
- la première a trait à ce que je décrivais plus haut. Ce qui est connu des artothèques, c’est ce noyau
dur d’oeuvres souvent identiques, dont certaines ont perdu beaucoup d’intérêt.
- la seconde relève plutôt du fait que l’œuvre sur papier est dévalorisée, même si c’est en train de
bouger. En 20 ans, il y a une évolution énorme. Seuls ceux qui ne voyagent pas, ni à Bâle, ni à Berlin,
ni à Londres où tout démontre le contraire, restent persuadés que l’œuvre sur papier est un sous-
produit de l’art.
Cela ne veut pas dire que les collections des artothèques sont définitivement à l’abri des critiques, elles
sont d’ailleurs critiquables, mais aujourd’hui les professionnels, les artistes, examinent les collections
des artothèques en considérant qu’il ne s’agit pas uniquement des scories du marché de l’art.
CL : Quelle est votre définition de l’art contemporain ?
CT : Cela pose la question du critère. Je pourrai vous répondre en disant que c’est l’art actuel, mais
l’art contemporain, ce n’est pas l’art que font tous les artistes aujourd’hui.
L’art contemporain, c’est une très grande variété de démarches, une grande diversité. Les artistes nous
interrogent et nous amènent sur des territoires étrangers, originaux. Il s’agit de démarches qui posent
des questions nouvelles, qui vont nous interroger.
Je pense que l’art suppose un « déplacement ». J’espère des démarches artistiques qu’elles déplacent
ma vision et mon rapport au monde.
CL : Quel bilan dressez vous des artothèques en France ?
CT : Un réseau très difficile à structurer, parce que les artothèques disposent de statuts et de moyens
très différents.
Les objectifs de l’Adra sont donc de :
- structurer un réseau national, ce que l’on est en passe de réussir,
- attirer l’attention du ministère sur ce réseau, le réinstaller dans l’accompagnement de ces structures
qui ont rempli des missions de décentralisation. Nous sommes pourtant dans le mouvement inverse.
L'Etat n’est pas en train d’accroître son soutien aux réseaux décentralisés. Nous savons très bien qu’il
ne va pas s’investir dans un réseau qu’il n’a pas soutenu il y a 20 ans. Mais par contre, il existe de plus
en plus de subventions allouées aux artothèques, sur projet, mais aussi sur l’action globale de diffusion
auprès des publics.
On peut faire un bilan très positif d’un certain nombre de structures qui constituent l’ossature d’un
réseau. Sur un plan national, le bilan est plus mitigé: de l’artothèque laissée en jachère et qui n’a plus
d’existence, jusqu’aux artothèques qui disposent de budgets réguliers, de collections importantes et
qui mènent des actions originales.
Il existe une cinquantaine d’artothèques, mais toutes n’ont pas vocation à intégrer le réseau Adra.
Toutes n’ont pas une vocation de service public. L’Adra a d’ailleurs décidé de mettre en place une
charte des artothèques afin de définir des objectifs communs qui relèvent principalement de la mission
132
de service public. Une artothèque a avant tout une mission de service public et repose sur des fonds
publics en majorité. Le prêt n’est qu’un moyen au service du public et non une finalité. Il permet de
déplacer le rapport à l’œuvre.
CL : Vous avez dit que l’Etat n’avait pas soutenu les artothèques, comment expliquez-vous cette
situation ?
CT : Entre 1986 et 1988, il a choisi de ne pas accompagner ce réseau nouvellement créé. Un des
éléments déterminants a été un rapport commandé à Nathalie Heinich. Le Ministère a demandé ce
rapport sur les artothèques, peu de temps après leur création. Elle a rendu un rapport globalement
négatif. Je pense aussi que ce rapport est arrivé très tôt, trop tôt. Ce qu’on a demandé alors aux
artothèques, on ne l’a demandé à aucun autre type de structures. On a demandé à des artothèques, qui
avaient à peine quatre années d’existence, de remplir des missions qui commençaient juste à se mettre
en place avec des moyens par ailleurs extrêmement réduits. Ce rapport a donc eu un effet négatif,
pourtant si on le relit aujourd’hui, on y voit quand même des éléments prometteurs, mais qui ne sont
pas du tout analysés comme tels dans le contexte dans lequel il a été publié. On avait aussi changé de
Ministère, l’idée, c’était peut-être de ne pas de s’engager dans un énième réseau national qui supposait
des financements supplémentaires.
CL : La dénomination « artothèque » n’est pas forcement très lisible pour le public, qu’en
pensez-vous, faut-il la changer ?
CT : Non, c’est un faux problème. Aujourd’hui certaines galeries s’emparent du vocable et donc y
trouvent un intérêt. Les artothèques publiques répugneraient-elles à le prendre ? Au contraire, il faut
revendiquer le nom. Il a sans doute été dévalorisé dans les années 80 du fait de la nature des
collections. Il faut aujourd’hui revendiquer le fait d’avoir une action alternative, se positionner face
aux publics et faire connaître notre action aux professionnels.
CL : Quelle est la nature des publics ?
CT : L’artothèque du Limousin est un outil pensé pour un territoire qui repose notamment sur un
partenariat avec un réseau de communes, le tissu associatif, l’éducation nationale, les collectivités
privées et publiques. En Limousin par exemple, nous avons souhaité toucher des publics spécifiques,
car nous répondions à une logique de territoire et que nous étions missionnés par une région dont le
territoire est principalement rural. Le travail avec le tissu associatif et les relais territoriaux est donc
primordial. Aujourd’hui nous rencontrons donc aussi bien une personne habitant un petit village rural,
un enseignant et ses élèves, un patient hospitalisé et sa famille, qu’un étudiant, un employé
administratif, une personne en centre de détention, un chef d’entreprise, un maire… Une artothèque a
vraiment pour vocation de faire pénétrer l’art dans toutes les couches de la société sans ostracisme.
133
Annexe XI
Extrait de l’entretien avec Olivier Beaudet, chargé des relations avec les publics
au sein de l’artothèque du Limousin
(avril 2007)
En poste depuis 2001
CL : L’action du Faclim a t’elle toujours été soutenue par les élus ou a-t-elle parfois été remise
en cause ?
OB : Non. Le noyau dur d’origine est toujours autant actif. Les actions de l’artothèque les plus
importantes sont celles qui sont menées conjointement avec le FACLIM. Quand on va dans une
commune au fin fond de la Corrèze et qu’on organise une exposition d’art contemporain, ça n’a pas
forcement la même « ampleur » que les expositions que peuvent organiser les FRAC, mais c’est un
moment très fort pour la population locale, un moment d’échanges privilégiés. Il y a des lieux où on
rencontre des réticences, mais très souvent je suis plutôt confronté à une curiosité très généreuse.
Le FACLIM, c’est un outil de diffusion territorial et de rencontre avec le public. Donc, il n’est pas
remis en question et il n’a pas perdu de sa vitalité. Au fond aujourd’hui, ce qui fait vivre la création
contemporaine, c’est avant toute chose, les actions de médiation.
CL : Comment le Faclim Se positionne t-il par rapport au Frac, n’y t’il pas risque de
« concurrence » ?
OB : La collection du Faclim et celle de l’artothèque ne sont composées d’oeuvres qu’en deux
dimensions avec des médiums variés, qui facilite la diffusion, l’installation et la conservation. La
nature de cette collection rendait de fait plus efficace la diffusion territoriale et la diffusion de
« masse ».Le Frac a une idée de la diffusion différente. C’est, par exemple, mettre une pièce dans un
monument historique alors que nous on va dans des communes qui n’ont pas nécessairement de lieu
propre à l’accrochage d’oeuvres.
Les Frac exploitent des lieux de diffusion reconnus, alors que nous on va dans des lieux très différents,
parfois appropriés, parfois moins comme ça peut être le cas pour l’opération « l’art en lieux » que nous
organisons dans différents lieux de vie d’un village. Dans 15 jours, on fait un accrochage dans un petit
village en Creuse, dans une ancienne bergerie. C’est une sorte de grange dans laquelle on va intervenir
pour une exposition et une rencontre avec les publics.
CL : Comment est née cette rencontre ? Cette exposition se fait-elle à votre initiative ou
répondez vous à une demande ?
OB : Ce sont les communes qui en font la demande. On va étudier toutes les contraintes notamment en
matière de conservation. Une bergerie ça peut faire peur. Ca peut fait peur à mes collègues du Frac,
sauf que nous, on ose des petites choses. On est rarement à l’origine de la proposition car on est
tellement bien identifié qu’on vient nous chercher. Au début, c’était nous qui proposions. Aujourd'hui
dès le mois de février, l’agenda des expositions du Faclim est bouclé.
Il y a un noyau très fidèle, c’est un RDV très attendu pour chacune des communes. Pour la plupart on
essaie de les faire participer au choix de l’artiste ou du thème d’exposition. On développe des relations
très étroites de sorte à nouer un partenariat et non à intervenir comme un simple prestataire de service.
Avec le Frac, on ne se marche pas sur les plates bandes. Pendant longtemps le Frac a un peu négligé la
134
diffusion hors les murs de sa collection pour privilégier un travail de fond sur la création, plus qu’un
travail de médiation et de diffusion territorial. C’est parce que le Frac n’était pas présent que le terrain
était libre et a permis au fond une telle expansion du Faclim et de l’artothèque.
CL : Comment se compose votre public ?
OB : Nos publics ne se limitent pas à nos abonnés. Il y a des gens qui ne sont pas abonnés, mais qui
viennent aux expositions. On peut évaluer nos publics abonnés (à travers les facturations par exemple),
mais on n’a pas les moyens de connaître les publics des différentes animations qu’on fait. Quand on
fait des rencontres avec des artistes, là aussi on ne comptabilise pas les gens. Les chiffres les plus
visibles et les plus faciles à suivre sont ceux liés au prêt, mais ce n'est qu’une partie de notre activité,
la partie visible de l’iceberg. Dès qu’un reportage est fait sur l’artothèque, le nombre d’adhérents
progresse. Nous avons un public très fidèle. Il y a peu de mouvement. Les gens nous suivent sur la
durée.
J’ai des expériences assez fortes avec des villages de campagne comme celui de Saint Martin la
Meanne, situé à 2h30 de Limoges où il ne doit pas y avoir plus de 500 habitants. On y a organisé
pendant 3 ou 4 ans des expositions dans une veille maison transformée en maison de la culture. On
transformait la salle de danse en lieu d’exposition et on faisait une rencontre avec le public pour
l’inauguration. Il y avait toujours une cinquantaine de personnes et les gens étaient extrêmement
curieux. Le fait que ce soit dans un lieu que les gens connaissent bien ou autour d’un événement
populaire, cela fédère. Les gens avaient beaucoup de plaisir à échanger, à pouvoir dialoguer et à
entendre quelqu’un leur parler d’art. Au point que lors de la dernière exposition, un monsieur s’est
absenté, il est revenu avec une miche de pain. Il m’a dit : « je viens de restaurer mon four à pain.
Vous nous avez fait vivre un moment tellement fort en venant nous parler des œuvres. Moi aussi je
voulais vous donner quelque chose ».
Je peux aussi vous parler de notre intervention dans le village de Royère de Vassivière : « L’art en
lieux ». Le principe : accueillir des œuvres d’art dans différents lieux de la ville pour créer des
rencontres insolites. L’idée était de provoquer des rencontres buissonnières. Les œuvres étaient
sélectionnées par un comité composé de membres de l’équipe de l’artothèque, du chargé des publics
du Centre d’Art de Vassivière, d’un représentant de la mairie et de un ou deux hôtes qui avaient décidé
d’accueillir des œuvres. La première année, le choix des œuvres était libre, mais ça manquait d’unité.
Les années suivantes, nous avons préféré définir une thématique globale à l’ensemble de l’opération.
L’année dernière on a choisi la rencontre buissonnière, bucolique qui apporte un regard singulier sur
l’art. On invite les gens à sortir des sentiers battus.
Une fois les 60 œuvres présélectionnées, on a organisé une rencontre avec toutes les personnes
disposées à accueillir une œuvre pour qu’elles fassent leur choix de manière personnelle, mais avec la
possibilité de pouvoir échanger avec l’équipe de médiateurs. Ainsi, chacun disposait d’informations et
pouvait dialoguer très ouvertement avec les médiateurs, de façon totalement informelle. L’idée, c’était
surtout qu’elles s’approprient pleinement les œuvres et assument leur choix car c’est elles qui auront à
en parler. A l‘exception des lieux publics ou les personnes qui avaient sélectionné les œuvres n’étaient
pas forcement en mesure de dialoguer avec les visiteurs, nous avons fait en sorte de supprimer tous
textes explicatifs des cartels.
Il était important que les hôtes ne puisent pas entrer dans un rapport comparatif avec des critiques ou
des professionnels de l’art contemporain dont les préoccupations esthétiques, par exemple, risquaient
de susciter une frustration ou un complexe. Même si nous veillons à leur fournir de la documentation
sur les œuvres, moins pour les amener à lire sur l’art que pour les rassurer, nous ne souhaitons pas que
ce soit le discours du spécialiste qui opère, mais celui de l’hôte qui souhaite vivre avec une œuvre, la
montrer et la partager. L’enjeu, c’est bien celui de le pousser au dialogue avec le visiteur et cela avec
son propre vocabulaire, ses propres préoccupations.
Parler d’art, ce n’est pas que parler de l’œuvre, ça peut être l’occasion, pour un restaurateur par
exemple, de parler de ce qu’il ressent à travers des recettes, des saveurs… Surtout parler d’art, cela
suppose que l’on en ait plus peur.»
135
Des lors, la relation de la population locale à l’œuvre aura changé. Quand vous n’êtes pas dans un lieu
dédié à la création et identifié comme tel, l’œuvre, vous ne la regardez pas de la même façon. On vise
l’appropriation de l’œuvre par le public, cela suppose que le médiateur s’en dépossède, que vous
n’êtes plus le seul à en donner le sens.
Ce type d’échange, très fort, très significatif est très loin de tout ce qu’on peut dire sur l’art
contemporain, sur les relations d’incompréhension et tout ça. Ce type d’échange, c’est assez efficace.
De cette façon là, on touche un autre public.
CL : Vous voulez dire en allant directement à la rencontre de ces personnes ?
OB : Oui, comme ce sont des villages, en tous cas dans le Limousin, les gens sont très attachés à la
vie de village, donc quand il se passe quelque chose dans le village, c’est quand même très rare qu’il y
ait un effet de rejet de la part de la population. Il y a plutôt une curiosité assez saine. Il y a d’ailleurs
un autre village, Saint Martin de Jussac en Haute Vienne, qui fait une kermesse au moment où
l’artothèque y expose en mairie des œuvres et organise une rencontre avec les publics. C’est peut-être
pour ça que les gens parlent de choses ringardes aussi. C’est pour ça que ça nous colle au dos ce truc
de ringard. Mais moi je n’ai pas de honte à travailler dans ces petits villages. Pour moi c’est un vrai
choix de travailler à l’artothèque du Limousin. J’aurai pu travailler dans des structures plus
« prestigieuses », mais j’ai choisi l’artothèque parce que je trouvais que c’était une vraie contrainte de
ne pas avoir de lieu d’exposition.
La question qui se pose c’est : « comment faites-vous pour faire vivre des œuvres alors que vous
n’avez pas de lieux d’exposition ? N’ayant pas de lieu d’exposition, vous ne pouvez pas être centrés
sur votre nombril en vous disant que ce que vous faîtes, c’est génial, qu’il y ait du monde ou pas ».
C’est quand même une posture qu’on entend assez souvent dans des centres d’art contemporain. Alors
que si vous n’avez pas de lieu, vous ne pouvez pas jouer cette carte là. Vous êtes obligé de nouer des
partenariats avec d’autres structures et d’aller vers le public. Ca impose une vraie humilité, une vraie
réflexion, par rapport à notre propre action.
CL : Le milieu rural est-il particulièrement propice à ce type d’action ?
OB :Je ne peux pas m’avancer. En Touraine, d’où je viens, la ruralité n’a rien à voir. Ici dès qu’on
quitte la ville, on est à la campagne. Ce type de rencontre, comme dans le village de Saint Martin de
Jussac, c’est un moment où la création contemporaine touche un public. Le fait que se soit dans une
salle de la mairie, dans un local que les gens connaissent, autour d’un événement populaire, par
exemple quand on fait une animation avant le feu d’artifice, ça fédère et il se passe quelque chose.
Moi personnellement je ne sais pas faire d’évaluation là dessus, mais en tous cas c’est toujours un
moment assez fort. Je pense que si ce n’était pas le cas, les gens nous prendraient à parti et on ne
ferait pas d’expositions.
Ca vient aussi de là cette histoire de ringardise, c'est-à-dire que les artothèques ont osé désacraliser les
œuvres, ou plutôt, elles ont osé désacraliser la relation du public à l’œuvre. On ne peut pas dire ça dans
un centre d’art, ni dans un Frac. Là je suis dur, mais je l’ai vécu. Alors que nous, on tente l’inverse :
donnons les œuvres aux gens laissons les en parler, amenons les à en parler.
Par contre quand vous êtes dans un lieu d’art contemporain, la première chose qu’on vous dit c’est :
attention il ne faut pas faire de contresens, il faut respecter le point de vue esthétique et moral de
l’artiste. On se met ce type de barrières. Or nous, à l’artothèque ou du moins dans ma philosophie de la
médiation, on tient un autre pari : faisons en sorte que les gens n’aient pas peur de parler des œuvres,
laissons les se les approprier. C’est cette appropriation que nous souhaitons favoriser et développer
pour qu’au final on ose parler d’art aussi simplement qu’on le fait du dernier film qu’on a vu ou du
livre qu’on a lu.
136
CL : Quels sont vos clients parmi les collectivités ?
OB : Les collectivités privées ont énormément augmenté ces 3 dernières années. Le public
"entreprise", c’est du cas par cas. Par exemple, nous avons une école d’éducateurs. Le professeur
choisit les œuvres et fait un gros travail pédagogique autour de ces œuvres. Nous travaillons aussi avec
l’association, « Art Nomad », qui choisit des œuvres pour faire des animations autour d’un thème
spécifique. Ils font des ateliers plastiques et moi, j’assure les animations pour l’artothèque. Il y a aussi
une boîte d’informatique que nous avons rencontrée par l’intermédiaire de notre informaticien. Il
voyait les œuvres en venant chez nous et puis un jour il s’est dit qu’il pouvait s’abonner pour sa boîte.
Il prend les œuvres à titre de décoration, je pense, mais c’est le fait de les avoir vu chez nous qui lui a
donné envie d’emprunter.
Il y a aussi le château du Chiron qui fait chambre d’hôtes. Et puis, une entreprise qui fait des
chaudières. Là c’est la direction qui a souhaité avoir des œuvres d’art pour égayer ses locaux, pour
installer une dynamique et essayer de souder les salariés. C’est une volonté de la direction et une belle
idée, sauf que ça ne marche pas avec tout le monde. Certains le vivent comme un acte « totalitaire » de
la direction qui leur impose cela. Alors que d’autres, sont très heureux à chaque fois qu’il y a un
renouvellement. Ils font même des suggestions. La direction nous a demandé de l’accompagner dans
le choix des œuvres. Elle nous a expliqué ce qu’elle avait envie, la relation par rapport au lieu et
ensuite bureau par bureau, comment elle voulait toucher les gens. Ils savaient que certains étaient
plutôt réfractaires à l’art contemporain, donc ils nous ont demandé comment faire pour qu’à travers
une œuvre il y ait quand même une forme de satisfaction et pas un rejet immédiat. On a travaillé
comme ça.
On intervient aussi au CNASEA où l’espace est très vaste et nous a amené à repositionner notre
action. Ainsi nous y proposons des micros expositions que nous alternons selon des cycles variés dans
des zones clés de l’entreprise afin que chaque salarié puisse avoir un contact privilégié avec les œuvres
présentes sur site. C’est dans ce cadre d’intervention particulier que nous avons proposé d’organiser
des rencontres avec des artistes ou des ateliers de discussion autour d’œuvres de nos collections, mais
la direction nous a dit non, les gens n’étaient pas prêts. Avec les entreprises, il s’agit de définir des
zones clés, de passage, de vie dans l’entreprise où on va mettre des œuvres avec une certaine
homogénéité, une certaine cohérence. On y installe des micros expositions à des endroits différents
pour créer la surprise et susciter la curiosité.
C’est clair que la relation avec les entreprises évolue. Par rapport aux autres abonnés, en entreprise
l’art a plus une fonction décorative, il y a moins d’échanges avec les salariés. Le risque avec les
directions, c’est l’instrumentalisation.
CL : Nous n’avons pas parlé des publics captifs, intervenez-vous en milieu pénitencier,
hospitalier …
OB : Nous devons réaliser une exposition en milieu pénitencier accompagnée d'animations autour des
portraits d'écrivains en limousin de Xavier Zimmermann. Mais le projet n'est pas encore finalisé.
L'artothèque a beaucoup travaillé en direction de ce public (avant mon arrivée). Mais j'ai cru
comprendre qu'il y avait une réelle complexité technique qui pouvait constituer un frein à l'action en
milieu carcéral.
Nous avons beaucoup travaillé depuis 2002 en direction des publics en milieu hospitalier. Dans un
premier temps en coordonnant des ateliers de pratique plastique, l'un à l'attention des patients
souffrants de la maladie d'alzheimer, un autre pour les jeunes souffrants d'anorexie, enfin un troisième
atelier au sein du service de gérontologie. L'artothèque a coordonné et assuré la gestion de ces ateliers
plusieurs années (2 à 3 ans, selon l'atelier). Nous avons en parallèle mis en oeuvre un programme
annuel d'expositions dans le hall du CHU à Limoges et présentons quatre à cinq expositions par an.
Par exemple, Jacques Villéglé, Marc Pataut, Bruno Rousselot... Une résidence de longue durée,
puisqu'elle s'est étalée sur trois années, de Marc Pataut au CHU avec à l'origine des patients
anorexiques fut alors mise en oeuvre. Un livre devrait prochainement paraître. Il retracera toute cette
137
aventure. Enfin des rencontres avec des artistes ont été réalisées en 2006, et d'autres sont programmées
pour 2007.
CL : Comment évaluez-vous vos actions ?
OB : On est plus sur des données qualitatives que sur le nombre d’emprunts ou d’actions. En région on
est suffisamment bien identifié. Notre activité est suffisamment légitime pour qu’on ne vienne pas
remettre en question notre action et sa pertinence vis-à-vis des publics. On ne nous demande pas si on
touche ou pas du public. Ca paraissait tellement évident qu’on en touche qu’on ne nous a jamais
demandé des données quantitatives.
J’ai commencé à travailler dans la médiation en 1993 au Centre de création contemporaine à Tours.
Quand j’ai commencé à travailler, les rapports avec le public étaient très conflictuels, très tendus
parfois. On essuyait le plus souvent le vif rejet qu’exprimait le public. Il y avait une distance énorme
par rapport aux œuvres et par rapport au médiateur. L’hiver dernier, nous avons fait une opération
« Tout doit disparaître » au musée de Rochechouart lors des journées du patrimoine. Les gens
pouvaient décrocher les œuvres pour les emmener chez eux, ce qui est assez insolite dans un musée.
Environ un tiers des œuvres a été décroché. Je sais que mes collègues étaient un peu déçus en pensant
que ça marcherait mieux. Moi j’en ai tiré un constat très positif car lors de ces journées, je n’ai jamais
vu autant de monde venir manipuler les œuvres, venir pour dialoguer avec nous. Non plus être là pour
écouter celui qui sait, mais avec l’envie de partager un moment, de parler, de regarder les
œuvres…Moi ce que je vois, c’est que les gens sont de moins en moins frileux par rapport à la création
contemporaine, donc je me dis que peut-être qu’on ne travaille pas pour rien.
CL : Pensez-vous que ce sont vos efforts de médiation qui portent leurs fruits ?
OB : La médiation y contribue fortement. Après ce qui joue, c’est la façon dont on pense la médiation.
Aujourd’hui, la pratique de la médiation est extrêmement différente de celle qu’on m’a proposé quand
j’ai commencé à travailler. Dans les années 90, pour ma première médiation, on ma embauché et on
m‘a dit : dépêche toi car tu as un 1/4 d’heure pour bouquiner des trucs avant de recevoir un groupe. Le
groupe, c’était des gens qui venaient des quartiers sensibles, qui venaient avec leur classe donc dans
un cadre contraint, qui étaient complément étrangers au monde de l’art contemporain. Ils se
retrouvaient avec un jeune qui avait eu _ d’heure pour préparer une exposition qu’il ne connaissait pas
lui-même. Ou alors on lui filait des textes en lui disant que c’était ce qu’il fallait dire aux gens.
Je ne vois plus jamais ça autour de moi aujourd’hui.
Quand les gens viennent choisir des œuvres, je ne leur dis jamais que c’est un moment de médiation,
mais moi je me suis battu pour qu’on le prenne en compte comme tel. La médiation réclame du temps.
Laisser l’abonné effectuer son choix et le laisser repartir ainsi ne me convenait pas. Si c’est comme
cela qu’on devrait fonctionner, ça ne m’intéresserait pas et je m’en irais d’ici. Moi ce qui m’intéressait
quand je suis arrivé, c’est au contraire, parce que des gens venaient en réserve avec l’idée de visiter un
grenier, un lieu différent d’une exposition, où on peut manipuler des œuvres. Je me suis dit que c’était
un moment privilégié avec eux où j’allais pouvoir dialoguer sans qu’il y ait quelqu’un qui leur donne
le sens sur une œuvre. Dans ce contexte, il y a quelque chose de déjà neutralisé, la distance ou
l’attitude défensive est neutralisée, donc profitons en pour leur parler des œuvres, à travers une
anecdote par exemple ou autre chose.
Dans la réserve, rien n’est organisé de façon rigoureuse et la discussion peut naître de mille et une
façon. Aujourd’hui, je vois des gens qui n’auraient jamais pris un monochrome il y a 3 ans alors que
maintenant ça ne leur fait pas peur, ça les interpelle. Imaginer que vous soyez chez une amie qui vous
fait découvrir le grenier familial et qui découvre avec vous tous les trésors et les pépites qu’il peut y
avoir… On aborde un peu les choses de cette façon là.
De plus, le fait d’emprunter une œuvre, de la manipuler fait la différence. On se dit qu’on peut la
toucher.
138
Annexe XII
Extrait de l’entretien avec Aurélie Gatet, en charge du relais artothèque du
Limousin à Tulle au sein de l’association « Peuple et Culture »
(avril 2007)
En poste depuis 7 mois
CL : Pouvez-vous me présenter l’association, ses finalités, son projet ?
AG : Peuple et Culture est une association d’éducation populaire née après la seconde guerre
mondiale. Son projet s’organise autour de deux activités : le cinéma documentaire avec la projection
de films en zone rurale et les arts plastiques à travers l’organisation d’expositions, de résidences ou
encore le relais artothèque mis en place en 1991. Depuis 3 ans, l’association possède une petite galerie
dans le centre ville de Tulle.
L’équipe est composée de 5 personnes à temps plein en CDI, dont moi-même qui suis chargée de la
médiation et du relais artothèque. Toutes les personnes sont polyvalentes.
CL : Quels types de réactions votre venue et la présence d’œuvres dans les écoles suscitent-elles ?
AG : De la curiosité. Cela dépend aussi beaucoup de l’instituteur. Je lui fais plusieurs propositions en
fonction des œuvres et des thèmes. Nous en discutons ensemble. Il y a un suivi des œuvres. Le
principe, c’est de proposer des lectures d’œuvres et des ateliers d’arts plastiques.
CL : Comment vos publics ont-ils évolué (quantitativement et en terme de profil) ?
AG :Je crois qu’il y a eu un fort développement depuis la mise en place de l’artobus et maintenant cela
se stabilise. Au début, l’artothèque avait surtout un public de particuliers. II y a 5 ans ; l’association a
décidé d’avoir un artobus pour amener les œuvres au fin fond de la Corrèze et favoriser leur
circulation. On a définit 3 parcours qui couvrent une grande partie du département. Un, plutôt dans le
Nord du département, l’autre autour de Brive, dans les villages enclavés où on ne trouve parfois
qu’une classe unique.
Le parcours se fait environ tous les 3 mois pour laisser le temps aux abonnés de découvrir les oeuvres
et, dans le cas des instituteurs de les exploiter. La difficulté est d’identifier un relais au sein de chaque
établissement. Ca peut être le proviseur, l’instituteur, le professeur d’arts plastiques ou encore le CDI.
Question profil, les gens qui se déplacent sont déjà curieux. C’est un public intéressé par l’art, plutôt
averti.
CL : Mettez-vous en place des actions de communication pour faire connaître le relais et toucher
de nouveaux abonnés ?
AG : Globalement l’information sur l’artothèque se fait par le bouche à oreille. Tulle est une petite
ville, tout le monde se connaît, ça facilite les échanges. Il y a aussi les gens qui connaissent
l’association par ailleurs et puis la communication qui est donnée dans le cadre du journal mensuel de
l’association. Il n’y a pas d’action spécifique, mais l’opération « Tout dans disparaître » organisée
dernièrement dans la galerie nous a permis de toucher de nouvelles personnes. Sur une trentaine
d’œuvres exposées, une dizaine ont été décrochées (des personnes les ont empruntées). On a rencontré
de nouvelles personnes.
139
CL : Quelles actions de médiations développez vous en direction de vos publics ?
AG : Nous organisons des rencontres en arts plastiques à destination des adhérents. Il s’agit de
rencontres informelles, autour d’un pique-nique, par exemple, ou nous invitons un artiste à parler de
son travail. L’intérêt et l’atout de l’artothèque, c’est son rapport au quotidien.
La médiation se fait aussi par le biais des ateliers d’art plastiques que j’anime et par la réflexion
proposée autour des œuvres.
CL : Aujourd’hui, comment pensez-vous que l’art contemporain est perçu par la population sur
le territoire ?
AG : Il y a du travail. Parler d’art, ce n’est pas évident. Je crois que le vocable est trop rattaché dans
l’esprit des gens à l’art conceptuel. Par exemple, aux rencontres arts plastiques, il n’y à que 3 à 7
personnes. C’est une rencontre assez intimiste !
Dans ce sens, je trouve que l’artothèque est un outil super intéressant. C’est génial d’apporter de l’art
au fin fond de la Corrèze. Toute la question aujourd’hui (et cette question m’intéresse ayant fait des
études de muséologie) c’est : comment trouver son public, amener les gens dans les musées ? La
démarche d’aller vers les publics est une préoccupation de plus en plus une forte dans les musées. Je
connais bien cette problématique pour avoir travailler dans les musées où il m’a été donné d’organiser
des visites d’expositions. J’interviens de différentes manières, le principe étant de proposer une
médiation plutôt décalée par rapport aux visites traditionnelles: soit à travers une performance, soit au
travers une animation« loufoque ». Les gens sont plutôt bon public, ils se lâchent, c’est comme ça
qu’on arrive à susciter leur intérêt. L’idée c’est de désacraliser. Avec l’artothèque, on désacralise.
CL : Comment expliquez-vous le faible développement des artothèques en France ?
AG : je pense que les élus ont du mal à s’approprier ce type d’actions qui s’inscrit dans la durée. C’est
une démarche de fond qui demande du temps. Aujourd'hui les élus sont plus à la recherche de
communication et d’événementiels. Or l’artothèque, ce n’est pas très sexy pour les élus, justement
parce que ça a trait au quotidien. Et puis, il ne faut pas se leurrer. Si la question des publics est
aujourd’hui une préoccupation forte des institutions culturelles, ce n’est pas celle des élus. On est dans
l’image.
140
Annexe XIII
Entretien avec Jeanine Laroudie
Commune de Royère de Vassivière en Creuse (636 habitants)
sept.2008.
CL : Quelle est votre fonction au sein de la commune ?
JL : J’ai assumé la fonction d’adjointe au maire, chargée de la vie scolaire et culturelle de 2001 à
2008. Je ne me suis pas représentée pour le nouveau mandat, mais le maire avec l’équipe en place, a
souhaité poursuivre la collaboration avec l’artothèque du Limousin ; il m’a donc demandé de
continuer à m’occuper de ces actions. Avant d’être une élue, j’ai été pendant vingt-cinq années
directrice d’école primaire dans une commune de Haute-Vienne.
CL : De quand date votre adhésion au Faclim ?
JL : Notre adhésion au Faclim remonte à 2004, à l’époque de la mise en place de l’opération « L’art en
lieux ». Par contre, la commune s’est abonnée à l’artothèque dès le début du mandat, c'est-à-dire en
2001.
CL : Dans quel contexte s’est produite cette rencontre ?
JL : Une fois élue à Royère de Vassivière, j’ai réalisé que les habitants de la commune connaissaient
mal le Centre International d’Art et du Paysage (CIAP) et ne se sentaient pas concernés par ce lieu, de
même pour l’antenne de l’artothèque à Vassivière, alors qu’il s’agit d’équipements publics régionaux.
Certes, les enfants, dans le cadre institutionnel de l’école bénéficient de
séances éducatives au CIAP, mais une fois sortis du contexte scolaire, ces lieux leur sont à nouveau
étrangers. En tant qu’élue, il m’a semblé important que les habitants s’approprient davantage leur
environnement et profitent des structures locales. Pour sensibiliser la population, nous avons
commencé par faire connaître le Centre d’Art et l’activité de l’artothèque avec l’organisation de
visites.
CL : Depuis combien de temps empruntez-vous des œuvres, à quel rythme, en quelle quantité et
pour quels lieux ?
JL : Cela fait sept ans que nous empruntons des œuvres qui sont accrochées sur deux des murs de la
salle du conseil municipal. C’est la salle qui a la plus forte visibilité car utilisée pour toutes les
réunions de travail. C’est aussi le passage obligé pour consulter le cadastre. Je renouvelle l’accrochage
tous les 2 mois et emprunte au minimum 12 œuvres par an, hors manifestation « l’art en lieux ».
CL : Comment s’opère la sélection des œuvres ?
JL : Généralement, je me rends seule (faute d’autre personne disponible) à l’antenne de Vassivière,
parfois je vais à Limoges. Dans un premier temps, je fouine, je butine dans les œuvres du fonds. Puis,
141
le responsable me donne des explications sur les œuvres qui m’accrochent et me guide dans mon choix
tout en m’en laissant l’entière décision. Je veille à varier les formats, les auteurs, les thèmes et aussi
les techniques artistiques. Egoïstement, j’ai pris des œuvres qui, tout simplement, me faisaient plaisir.
Surtout, je ne veux pas heurter la population ou proposer quelque chose qui soit ressenti comme de la
provocation. Avec l’artothèque, nous avons également essayé de proposer des œuvres en lien avec les
expositions présentées au Centre d’Art de Vassivière. En ce qui concerne l’opération « l’art en lieux »,
les hôtes des œuvres participent au choix soit en se déplaçant à Vassivière ou à Limoges, soit sur place
dans le véhicule de transport des œuvres.
CL : Comment ces œuvres sont elles accueillies par le personnel de la mairie et le public ?
JL : N’ayant pas pris la peine de faire un bilan objectif, en fait, je ne connais pas l’éventuel mauvais
côté de l’opération. Je n’ai jamais eu de remarques désobligeantes, au pire les gens me manifestent de
l’indifférence ou de l’attention amusée. On ne m’a jamais dit « tu nous ennuies avec ces tableaux ». Il
arrive qu’on me dise « ça ne m’intéresse pas » ou « je ne m’attendais pas à ça ». Du fait que je
n’impose pas mais que je propose, dans l’ensemble, les réactions sont courtoises et plutôt positives.
J’ai pu mesurer l’intérêt des habitants pour cette action lors de cet été au cours duquel l’accrochage n’a
pu être renouvelé pour cause d’élections municipales. Certains se sont étonnés de voir les lieux
habituels d’exposition vides ; il leur manquait vraiment quelque chose. Les personnes de passage à la
mairie, les participants à des réunions manifestent souvent de la curiosité et il arrive que les œuvres
suscitent quelques échanges et discussions.
CL : Qu’est-ce qui vous a séduit dans le principe de l’artothèque et du Faclim ?
JL : L’existence, le fondement du Faclim est vraiment issu d’une idée noble, généreuse d’éducation
populaire : amener la culture au plus près des gens, considérer que tout le monde y a droit. Et la mise
en place, à Vassivière, d’une antenne de l’artothèque témoigne précisément de la volonté de la Région
de rapprocher les gens de l’art contemporain. Je considère que le rôle d’une municipalité est de
prolonger ce mouvement au plus petit niveau de l’organisation territoriale que sont les communes. Par
ailleurs, en ce qui concerne les enfants qui reçoivent soit à l’école soit au CIAP une éducation
artistique, je pense (j’en suis convaincue en tant qu’ancienne institutrice) qu’il est utile de leur
proposer en dehors de ces structures l’occasion de rencontrer des oeuvres d’art.
CL : Globalement, comment évaluez-vous cette expérience ?
JL : C’est une expérience de longue haleine. Mon objectif n’est pas de formater les gens. J’ai surtout
misé sur la proximité des équipements (j’en aurais fait tout autant pour un centre scientifique). J’utilise
l’artothèque comme j’utilise la bibliothèque départementale de prêt, c'est-à-dire comme un outil
culturel qui permet une ouverture sur le monde, sur les idées et qui place les « ruraux » à égalité avec
les « urbains ».
Aujourd’hui, je sais que l’art contemporain a une petite place dans la tête des gens. Bien sûr, ils ne
vont pas se rendre en masse au Centre d’Art, mais c’est quelque chose qui, comme pour moi, leur est
moins étranger. J’en veux pour preuve le nombre croissant d’hôtes volontaires intéressés par
l’opération « l’art en lieux » qui consiste à accrocher des œuvres dans divers établissements publics et
privés de la commune pendant l’été.
CL : Pouvez-vous me parler de l’opération l’art en lieux, de quoi s’agit-il ?
JL : Nous avons commencé cette opération en 2005 avec l’idée de présenter davantage d’œuvres au
public et de créer une animation estivale pour les résidents permanents mais aussi pour les habitants
des résidences secondaires et les touristes. Comme nous n’avons pas de salle d’exposition, nous avons
142
proposé à plusieurs personnes de Royère, au sein d’établissements tant privés que publics, d’exposer
une œuvre dans leur local accueillant de la clientèle. L’exposition se déroule durant les mois de juillet
et août avec un débordement en juin, période la plus favorable pour toucher un public un peu
conséquent. Nous avons renouvelé l’opération en 2006 et 2007 avec à chaque fois près d’une douzaine
de participants : la Poste, l’Office de tourisme, la bibliothèque, la maison de retraite, le médecin, le
salon de coiffure, le restaurant, la station de radio locale, la mairie… Le choix des œuvres se fait avec
les « hôtes » car ce sont eux qui accueillent les œuvres et qui seront amenés à en parler avec leurs
« visiteurs ».
CL : Avez-vous rencontré des difficultés dans la mise en place de ces actions ?
JL : La principale difficulté a été de trouver des lieux suffisamment ouverts au public pour que les
œuvres soient visibles et ce dans de bonnes conditions. S’il est important de trouver des lieux
familiers, ils doivent avoir la capacité d’accueillir quelques personnes et ce, dans un cadre respectueux
de l’œuvre. Par exemple, une année le boucher a souhaité participer à l’exposition en présentant une
œuvre dans son arrière boutique. C’était une pièce envahie de cartons. Ce désordre apparent pouvait
laisser penser, pour une personne extérieure, que le boucher manquait de respect vis-à-vis du travail de
l’artiste. Ce qui n’était pourtant pas le cas.
La deuxième difficulté est de faire en sorte que les hôtes parlent des œuvres, c'est-à-dire qu’ils jouent
pleinement leur rôle de « médiateurs ». A la Poste, par exemple, j’ai remarqué que le personnel était
très timide. En fait, je crois qu’il ne se sent pas compétent pour parler d’art contemporain. A la mairie,
c’est la bibliothécaire qui donne des indications sur les œuvres. Chaque œuvre est accompagnée d’un
cartel mentionnant le nom de l’artiste et le titre de l’œuvre et généralement un petit texte de
présentation. Cette année, je souhaite vraiment mettre des textes qui parlent à tout le monde, des textes
accessibles, avec des mots simples qui montrent que l’art contemporain n’est pas et ne doit pas être
réservé à une élite. Le risque avec certains textes actuels, c’est que les gens pensent : « ce n’est pas
fait pour moi ». Avec l’aide des responsables de l’artothèque, j’ai pour projet de les doubler, de les
accompagner de quelques phrases simples.
Quand de nouvelles œuvres arrivent, j’en parle simplement autour de moi. Je cherche tout de suite à
créer une sorte de complicité entre l’œuvre et les gens. Mon propos ressemble à un mot de bienvenue.
De toute façon, je ne saurais faire plus ; je n’ai pas de compétences en la matière.
CL : Selon vous que produit la mise en contact de la population avec les œuvres d’art ?
JL : Pour ma part, j’ai appris beaucoup de choses : sur les artistes, sur les œuvres présentées, sur les
courants artistiques … Maintenant quand j’entends parler d’un artiste dont nous avons emprunté une
œuvre, il y a une résonance qui s’opère en moi. Ce sont comme les pièces d’un puzzle qui
s’assemblent progressivement. Je pense que ça fonctionne comme ça chez beaucoup de personnes.
J’espère qu’en favorisant l’accès à l’art contemporain, on permet de s’ouvrir à autre chose, de
découvrir d’autres manières de s’exprimer. J’espère, naïvement, que l’on devient ainsi plus tolérant,
que cela participe à nous améliorer socialement.
CL : Quels intérêts une collectivité a à se lancer dans cette aventure, quels arguments
présenteriez-vous à un élu ?
JL : Je lui dirais qu’il ne prend pas beaucoup de risques. Du point de vue financier, il ne mettra pas la
commune en péril car le tarif de l’adhésion est très raisonnable. Du point de vue impact sur la vie de la
commune, la menace d’une réaction violente venant de la population est, à mon avis, fort improbable.
Je lui dirais que je pense que toute initiative culturelle est un plus pour ses administrés et ne peut que
grandir l’image de sa commune.
Je lui dirais « Osez ! ».
143
Annexe XIV
Entretien avec Christine Achard
Centre culturel JP Fabrègue – Saint Yrieix la Perche
(sept.2008)
CA : Quelle est votre fonction au sein de la mairie ?
CA : Je suis chargée de la programmation des arts plastiques et des spectacles jeunes publics pour la
ville, poste que j’occupe au sein du centre culturel de la mairie. J’assume cette fonction depuis février
2006 après avoir travaillé pour le centre d’art contemporain le « Domaine de Chamarande » dans
l’Essonne.
CL : De quand date l’adhésion de la ville au Faclim ?
CA : Elle remonte au moins à 1993. Je pense que nous sommes une des premières communes à avoir
adhéré au Faclim.
CA : Depuis combien de temps empruntez-vous des œuvres ?
CL : La mairie emprunte des œuvres pour ses locaux depuis son adhésion au Faclim. Les œuvres sont
exposées dans le hall d’entrée, l’accueil, les couloirs, mais aussi certains bureaux du personnel. La
mairie dispose d’une cyber base ouverte au public, c’est un lieu parfait pour accrocher des œuvres. Au
début j’ai privilégié les lieux ouverts au public, puis rapidement des collègues ont manifesté le désir
d’accrocher des œuvres dans leur bureau.
Jusqu’en 2006, 4 à 5 œuvres ont été empruntées chaque année.
Cette année, nous avons emprunté 12 œuvres pour une durée allant en théorie de 4 à 6 mois. Si
l’artothèque du Limousin ne nous réclame pas les œuvres, il arrive qu’elles restent plus longtemps.
Idéalement, j’aimerai renouveler l’accrochage tous les 3 mois, mais je ne trouve pas le temps.
CL : Comment s’opère la sélection des œuvres empruntées ?
CA : C’est moi qui vais chercher les œuvres à Limoges, mes collègues me laissent carte blanche. Mon
choix se fait assez spontanément. Connaissant leurs goûts, j’essaie de leur proposer des œuvres
proches de leurs univers. J’ai d’abord commencé « en douceur » avec des formats classiques, des
œuvres plutôt colorées et des thématiques figuratives, par exemples des photos de paysages, puis
progressivement, j’essaie d’emmener les gens vers des œuvres plus contemporaines. Je suis parfois
surprise par l’accueil positif d’une œuvre dans le bureau d’une personne qui donne l’impression
d’avoir des goûts très classiques. Comme quoi, il ne faut pas avoir des à priori ! Certains collègues me
taquinent sur le type d’œuvres que je vais leur rapporter, craignant de ne pas aimer ou ne pas
comprendre, mais finalement, ils sont souvent agréablement surpris et contents de pouvoir les
accrocher dans leur bureau. Comme c’est moi qui transporte les œuvres, je suis limitée en nombre.
J’aimerai bien en prendre une dizaine de plus pour les installer, par exemple dans la bibliothèque, mais
aussi pour que le personnel de la mairie ait un plus grand choix.
144
CL : Quel type d’action menez-vous avec l’artothèque ?
CA : Depuis 2006, nous organisons, tous les ans, une exposition dans le centre intitulé « Tout doit
disparaître ». Durant les 2 mois de l’exposition, les visiteurs ont la possibilité, chaque mercredi,
d’emprunter gratuitement 2 œuvres en échange d’un chèque de caution de 500 euros. Pour l’exposition
de 2007 nous avions 16 artistes et 70 œuvres exposées L’accrochage de style « cabinet de curiosités »
nous permet de présenter de nombreux tableaux : il y a en à tous les niveaux, et je pense qu’il favorise
une certaine complicité avec le « regardeur ». A ce moment nous ne sommes plus la galerie d’expo
avec un accrochage épuré mais une galerie avec des murs « envahis » de tableaux, photographies,
dessins… de styles, techniques et expressions différents, permettant un large choix aux futurs
emprunteurs. Comme les personnes peuvent immédiatement partir avec les œuvres choisies,
l’artothèque met à notre disposition d’autres œuvres des mêmes artistes pour remplacer les places
laissées vacantes. Ces nouvelles œuvres, apportées tous les mercredis, sont disposées dans des grands
bacs posés par terre comme une sorte de foire de l’art. Le fait que les œuvres soient au sol favorise la
proximité avec le public : elles sont à la hauteur des enfants et ils ont le droit d’y toucher. Cela
désacralise la salle d’exposition, dont la « porte » n’est pas toujours simple à franchir pour certaines
personnes. Toutefois, nous ne sommes pas un magasin de l’art et c’est pourquoi pour cette 3ème
édition que nous préparons en novembre nous changeons le nom de « tout doit disparaître » par « une
collection pour vous ».
C’est difficile d’aller dans une salle qui présente de l’art contemporain. C’est pourquoi, les médiateurs
sont indispensables pour accompagner ces publics dans la découverte des œuvres. La médiation prend
plusieurs formes : des visites pédagogiques pour les enseignants ou les publics scolaires, des
rencontres avec les artistes, mais aussi des ateliers de pratiques artistiques.
Le choix de l’exposition se fait en collaboration avec l’artothèque qui me propose une thématique. Il
peut aussi s’agir de présenter les nouvelles acquisitions.
CL : Quels publics touchez-vous ?
CA : L’emprunt a lieu le mercredi car c’est le jour ou le centre accueille le plus de monde. La salle
d’exposition étant située entre la bibliothèque et la salle de spectacle, cela nous permet de toucher un
public varié. Pour la première opération en 2006, 25 œuvres ont été empruntées par 14 personnes. Il
s’agissait soit d’un public amateur, des instituteurs ou des personnes fidèles à la structure, soit de
collègues de la mairie. La deuxième année, le nombre d’emprunteurs a progressé de plus de 50%. Sur
les 638 visiteurs de l’exposition, 25 personnes ont emprunté 37 œuvres. Nous avons retrouvé les
emprunteurs de l’année précédente, mais aussi un public qu’on n’était pas habitué à voir au centre, du
moins aux expositions. Il s’agissait d’habitants de la commune, mais aussi de personnes provenant
d’un périmètre de 30 km. Je crois que notre affiche pour annoncer l’événement a bien fonctionné. En
2006, à chaque fois qu’une personne empruntait une œuvre, on affichait sa photo ou un portrait d’elle
avec l’œuvre. L’année dernière, on a utilisé ces polaroids pour composer l’affiche. Le fait de retrouver
les visages familiers des emprunteurs a certainement désacralisé l’événement en encourageant des
voisins et des amis à faire de même.
Les raisons de ce succès ?
- la formule qui a séduit,
- la proximité avec la bibliothèque qui nous a permis de toucher des mères de famille qui ont
choisi des œuvres avec leurs enfants,
- la communication. Elle est importante pour intéresser le public.
145
CL : Comment évaluez-vous cette expérience (apports + et -) ?
CA : Cette expérience vécue par les emprunteurs a réveillé, chez certains, des envies de d’acquisition
pour commencer leur propre collection. Il est arrivé qu’on me demande le prix de certaines œuvres, et
en règle générale le public est curieux de connaître la vie de l’artiste : son travail antérieur, son lieu de
travail/de vie, son âge etc.
Ce type d’action permet de sensibiliser les gens à l’art contemporain et de nous faire connaitre. On a
gagné du public et multiplier par 2 le nombre d’emprunteurs.
Le point « négatif », c’est que c’est ponctuel ! On aimerait bien devenir un relais de l’artothèque. Pour
le moment, en dehors de cette exposition, nous invitons les personnes intéressées à se rendre au Relais
de Limoges.
CL : Quelles difficultés ou freins avez-vous rencontrés ou peuvent se présenter ?
CA : A mon plus grand étonnement le public a très vite été séduit pas cette formule originale. Bien
évidemment la première fois qu’on parle du projet on peut sentir une certaine frilosité chez certain
public (les modalités de prêts peuvent paraître contraignantes avec les papiers à remplir pour
l’assurance, la photocopie de la carte d’identité, et surtout le chèque de caution d’un montant de 500!
non-encaissé), mais très vite il faut croire que la curiosité prend le pas sur la démarche administrative,
et le public séduit à envie de se faire plaisir en emportant une œuvre.
Une contrainte, peut être, au moment des retours : nous fixons une date retour pour tous (deux mois
après l’emprunt) en début de soirée où nous aimerions que chacun échange autour de son œuvre. Mais
il est souvent difficile de réunir tout le monde pour ce temps de convivialité. Certaines personnes en
fonction de leur disponibilité nous les ramènent un peu avant.
CL : Quels intérêts une collectivité a ou aurait à se lancer dans l’aventure ?
CA : Le principal argument que je défendrai face à un élu local, est le fait que porter la création
contemporaine pour une ville est très valorisant : cela témoigne de son dynamisme et de son ouverture.
148
Annexe XVII
Paroles d’emprunteurs
Verbatim recueillis en décembre 2008 dans le cadre de l’opération « Une collection pour
vous », organisée au centre culturel Jean-Pierre Fabrègue de la ville de Saint Yrieix en
partenariat avec l’artothèque du Limousin.
Mme C a 55 ans. Elle est retraitée depuis un an de l’éducation national et habite à 40 km de
St Yrieix. Elle affectionne tout particulièrement la poterie et réalise des émaux.
« Emprunter une œuvre, c’est prolonger le bonheur de la rencontre et de la découverte. C’est
un vrai moment de plaisir que je peux partager avec mon mari et mon entourage. Je
connaissais le principe de prêt, mais c’est la première fois que je saute le pas. Mon choix s’est
porté sur un triptyque d’Alberola. C’est un dessin réalisé aux pastels, à la craie grasse, aux
crayons de couleurs et à l’encre de chine, je crois. J’ai décidé de l’accrocher dans l’espace ou
je passe le plus de temps, c’est l’endroit ou je bricole, travaille sur mes émaux et lis. C’est
aussi là qu’il bénéficie du meilleur éclairage. Il s’agit d’une œuvre sur fond noir avec des
rectangles, il y a des inscriptions de noms de villes et en bas, on reconnaît des jambes et des
chaussures différentes. Cela me fait penser aux voyages, à des contes, et peut être y verrai-je
le souvenir d'un fait réel ... J’ai été attirée par l’atmosphère générale qui se dégageait de cet
ensemble mais aussi par les détails : c’était curieux et intéressant. Quant on regarde l’œuvre
de loin, on peut s’imaginer dans un hall de gare ou d’aéroport. Puis, plus on se rapproche et
plus on découvre tous les petits détails du dessin. On pénètre dans un autre univers, on peut
imaginer plein de choses. Ce choix, c’était comme une évidence, quelque chose qui capte
votre regard et vous donne envie de vous attarder auprès de l’œuvre. Passer du temps
avec une oeuvre, c'est engager un dialogue qui se poursuit et se renouvelle chaque jour."
149
Mme T , 39 ans, est mère au foyer. Elle habite en zone rurale dans un village à 15 km de St
Yriex. C’est la deuxième fois qu’elle emprunte des œuvres. Il s’agit d’une démarche familiale,
qu’elle tient à effectuer avec ses deux filles âgées de 5 et 9 ans.
« Choisir une œuvre avec les enfants, c’est important pour moi. J’aime cet échange et puis j’ai
envie que mes filles soient à l’aise avec cet environnement, qu’elles voient que les œuvres
d’art, c’est quelque chose de vivant, on peut les approcher, les toucher, les déplacer, ce n’est
pas lointain. La première fois, cela les a surprises de pouvoir emporter un tableau, elles se
sont demandées si elles avaient vraiment le droit. Et puis, c’était étrange de voir l’œuvre
passer d’un endroit public à un espace domestique. Cette démarche a quelque chose de très
ludique : les filles choisissent une œuvre, on l’emballe, on la transporte, on l’installe chez
nous. Ca me plait, je trouve ça rigolo. C’est un peu comme si on l’invitait à passer des
vacances à la maison. C’est aussi une façon de l’adopter. C’est ca qui est sympa avec
l’artothèque, c’est plus populaire, c’est une façon de partager et de rendre accessible des
œuvres d’art. Cette année, on a repris une œuvre de Fréderic Bouffandeau. On l’a baptisé
« grosse tâche d’encre orange ». Cette tâche de couleur vive a accroché notre regard. Elle
habite réellement la pièce. Les enfants trouvent qu’elle amène du soleil dans la maison. On l’a
installée dans le salon qui est l’espace ou on se retrouve tous. L’année dernière quand on a
rendu le tableau, on a tous eu un pincement au cœur. L’œuvre avait trouvé sa place. Il y avait
un vide. Comme on sait que l’œuvre va repartir, on s’attache à la regarder tous les jours
différemment, on cherche à en profiter au maximum. Pour moi l’art contemporain, c’est un
peu comme notre enfant intérieur. Ca réveille des petites choses. »
150
Résumé
Développé en France au début des années 1980, dans le contexte de décentralisation
culturelle, le projet des artothèques repose sur l’idée généreuse d’offrir à tous un service
public de prêt d’œuvres. Le désir de circulation, de partage des œuvres, mais aussi de
familiarisation est au cœur de cette démarche avec l’envie d’inscrire l’art dans le quotidien et
ce faisant dans la vie de tout un chacun.
A la croisée de l’art, de la culture, du social et du développement local, le projet des
artothèques apparaît complexe et fragile. Cependant, malgré la discrétion et la modestie de ces
structures, l’action de ces équipements de proximité s’avère novatrice et prometteuse grâce à
un processus de médiation fondé sur l’appropriation intime et l’expérimentation des œuvres
dans la durée.
C’est pourquoi, la création d’une structure de ce type au sein de la région Nord-Pas de
Calais, marquée par une politique culturelle volontariste, féconde en talents artistiques et en
œuvres d’art, mais aussi soucieuse de toucher un large public, mérite d’être posée.
Mots-clés :
artothèque, art contemporain, médiation, publics, diffusion, collection mobile, sensibilisation,
formation du regard, territoire, développement culturel local, proximité, désacralisation.