Crise burkinabé : le divorce du peuple et du pouvoir?

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  • 8/3/2019 Crise burkinab : le divorce du peuple et du pouvoir?

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    ProgrammeAfrique subsaharienne

    LAfrique en questions 8:

    Crise burkinab : le divorce dupeuple et du pouvoir ?

    Hlne Qunot-SuarezMai 2011

  • 8/3/2019 Crise burkinab : le divorce du peuple et du pouvoir?

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    Hlne Qunot-Suarez/Crise Burkina Faso

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    La crise que traverse le Burkina depuis fin mars peut tonner dans cepays rput dans la sous-rgion pour sa paix civile. Pourtant, la situation nationale , comme la nomment les Burkinab, estsuffisamment complexe et srieuse pour que le prsident BlaiseCompaor ait d prendre des mesures rapides et exceptionnelles.

    La crise est complexe car multiforme. Les lves et lestudiants protestent, entre autres, depuis fin fvrier en raison de lamort Koudougou de Justin Zongo, un jeune lycen qui auraitsuccomb des coups ports par la police. Les syndicats ont de leurct dnonc, lors dune manifestation le 8 avril dernier,laugmentation du cot de la vie, dautant plus dramatique que lepays est enclav et que les produits imports sont, en rgle gnrale,beaucoup plus chers que dans les autres pays dAfrique de lOuest.Les militaires, enfin, se sont mutins mi avril, pillant les villes etprovoquant mme le repli temporaire de Blaise Compaor dans saville natale de Ziniar. Ils protestaient contre la condamnation de la

    prison ferme par un tribunal civil de certains de leurs camarades,impliqus dans des affaires de murs. Les magistrats, dont le jugement a t remis en cause, ont, en retour, protest de cettedcision. Par ailleurs, les militaires ont largement pill les villas deleurs suprieurs ainsi que les magasins de la ville, ce qui a entranla protestation des commerants.

    Quel est le lien entre toutes ces manifestations demcontentement ou de violence si disparates qui ont pourtantinquit le pouvoir ? Quelle relation existe-t-il entre des soldats quipillent et terrorisent la ville sans autre justification que leur bonvouloir, des syndicats qui protestent avec raison contre

    laugmentation des denres alimentaires et du prixde lessence, desmagistrats remis en cause, des commerants excds et destudiants inquiets ?

    Derrire cette contestation clate, se cache pourtant unprofond facteur dunit de cette crise qui tmoigne de la rupture dupacte social entre la famille Compaor et la population. LesBurkinab ont longtemps t trs tolrants vis--vis de BlaiseCompaor et de sa famille, qui ont su se tailler la part du lion dans lesaffaires burkinab du fait de leur position dominante. Si lon voquaitce point avec eux, les Burkinab rappelaient que Blaise , mme silui et sa famille semblaient parfois de proccuper plus volontiers de

    leurs affaires personnelles que de celles du pays, assurait du moinsla paix civile. Dans un pays marqu par lingrence rpte, enparticulier dans les annes 1980, des militaires dans la vie politique,ctait un argument de poids1.

    Mais la famille Compaor est sans doute alle trop loin.Alizeta, par exemple, la belle-mre prsidentielle (de Franois, le

    1Pour plus de dtails, voir la chronologie propose par G. Madiga :

    http://www.histoire-afrique.org/article114.html?artsuite=8

  • 8/3/2019 Crise burkinab : le divorce du peuple et du pouvoir?

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    Hlne Qunot-Suarez/Crise Burkina Faso

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    frre cadet de Blaise), a la haute main sur lessentiel de limmobilierde Ouagadougou. Au-del du clan, cest lensemble des litesburkinab qui sest (trop ?) enrichi. Ainsi, sans justifier lesdbordements des militaires, il apparat que lcart sest creus entrela base et les officiers, qui grent leur carrire comme desbusinessmen et possdent des villas dans lextravagant quartier deOuaga 2000, et a entran un profond mcontentement. Cette libertde senrichir, garante de la paix civile, a donc creus un fossirrconciliable avec une population qui voit son pouvoir dachat,souvent bas, saffaiblir encore et est ainsi devenue la raison mmedes troubles qui traversent le Burkina.

    Ces troubles sont dautant plus importants quils interviennentpour Blaise Compaor aprs 24 ans dun pouvoir sans partage maisqui tend sroder. Le fait que le prsident nait pas employ la forcepour contenir les mutins a pu passer pour de la sagesse. Il estcependant galement possible que celui-ci nait plus assez dautorit

    sur ses propres hommes pour envisager ce recours la force. Or, Blaise ne sy est pas : il fallait agir vite. Il a donc choisi le dialogueen nommant un Premier ministre peu politis et trs communicant,Luc Adolphe Tiao2, et en ouvrant la concertation avec les diffrentsgroupes qui ont protest. Ces mesures ne seront peut-tre passuffisantes mais, sous la pression populaire, le prsident pourraitfaire de vritables concessions son pouvoir. Ce sera alors lasocit civile, organise et active au Burkina, dtre assez attentivepour que le prsident, trs habile politique, ne propose pas que desmesures cosmtiques qui lui permettent de se prolonger indment son poste.

    2 Luc Adolphe Tiao tait ambassadeur du Burkina Faso en France. Cest galement

    lancien prsident du Conseil suprieur de la communication. Il est journaliste deformation. Pour plus de dtails : http://www.lefaso.net/spip.php?article41651