CROISSANCE HORIZONTALE

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UNIVERSITE DE BOURGOGNE FACULTE DE SCIENCE ECONOMIQUE ET DE GESTION (DIJON)

DETERMINANTS DE LA CROISSANCE EXTERNE HORIZONTALE

THESE de Doctorat s Sciences de Gestion Soutenue publiquement le 10 dcembre 1998

par

Nacer GASMI

Membres de Jury : Prsident du jury lUniversit Yvelines. Directeur de thse (Dijon) Monsieur Jos ALLOUCHE, Professeur de Versailles Saint-Quentin en Monsieur Pierre ALBERT, Professeur l E.N.E.S.A.D. et chercheur associ lI.N.R.A.

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Rapporteurs lUniversit Suffrageant

Monsieur Joan MUNDET HIERN, Professeur lUniversit Polytechnique de Catalogne (Barcelone) Monsieur Robert PATUREL, Professeur Mends France (Grenoble). Monsieur Philippe DESBRIERES, Professeur lUniversit de Bourgogne (Dijon)

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE CHAPITRE I - CROISSANCE ET MARCHE DE CONTROLE D'ENTREPRISESS ECTION 1. M ODALITS DE CROISSANCE DE L'ENTREPRISE S ECTION 2. C ONCEPT DE CROISSANCE EXTERNE S ECTION 3. P OLITIQUES DECROISSANCE EXTERNE

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910 18 35 43

S ECTION 4. M ARCH DE CONTRLE D 'ENTREPRISES

CHAPITRE II - EFFET DE SYNERGIE DANS LES OPERATIONS DE CROISSANCE EXTERNE HORIZONTALES ECTION 1. N OTION ET GENSE DE SYNERGIE OPRATIONNELLE S ECTION 2. S OURCES D 'CONOMIES DES RESSOURCES PARTAGEABLES ETSOUS -EXPLOITEES

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S ECTION 3. S OURCES , SUCCS ET OBSTACLES DEXPLOITATION DESSYNERGIES

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C ONCLUSION

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CHAPITRE III - CROISSANCE DE PART DE MARCHE DANS LES OPERATIONS DE CROISSANCE EXTERNE HORIZONTALES ECTION 1. A CCROISSEMENT ET INFLUENCES DE PART MARCHE S ECTION 2. E FFETS MCANIQUES DE LINTGRATION DE LA CIBLE S ECTION 3. E FFETS DE C ONCLUSIONCOMBINAISON DES RESSOURCES SUR LA CROISSANCE

166167 182 214 237

IV - PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS DE LA RECHERCHES ECTION 1. P RSENTATION DU QUESTIONNAIRE S ECTION 2. P RSENTATION DES RPO NSES ET ANALYSE DES RSULTATSINTRODUCTIFS

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S ECTION 3. A NALYSE DES RSULTATS RELATIFS AUX CONOMIES DE COTS S ECTION 4. A NALYSE DES RSULTATS RELATIFS LA CROISSANCE DE LAPART DU MARCH

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C ONCLUSION DE LETUDE

CONCLUSION GENERALE ANNEXES BIBLIOGRAPHIE

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RESUME La gnralisation de l'conomie de march, l'acclration de la mondialisation et le rle accru jou par l'O.M.C dans l'organisation de l'conomie internationale conduisent la disparition progressive des barrires l'entre, notamment celles de type juridique. Lentreprise est donc amene vivre dans un environnement concurrentiel mondialis. La croissance externe horizontale (C.E.H.) est considre comme lune des stratgies permettant une entreprise de raliser des conomies de cots (effet de synergie oprationnelle) et daccrotre sa part de march pour rsister et dominer cet environnement. La C.E.H. peut gnrer des conomies de structure et montaires. Les conomies de structure rsultent dune allocation et dune combinaison efficientes des ressources de l'acqureur et de la cible moyen et long termes. Ces conomies sont exploites au niveau de chaque fonction du nouvel ensemble. Elles peuvent tre substantielles dans certaines fonctions et faibles, sinon inexistantes, dans d'autres selon les secteurs et les spcificits de lacqureur et de la cible. Les conomies dites montaires correspondent la rduction des prix consentie par les diffrents fournisseurs au nouvel ensemble. La C.E.H. conduit aussi un accroissement de la part de march de lacqureur ou/et de la cible, qui rsulte de leffet mcanique de lopration dacquisition et de la combinaison des ressources de lacqureur et de la cible. Pour l'effet mcanique, laccroissement provient du transfert d'une partie ou de la totalit de la part de march de la cible vers lacqureur et est perceptible immdiatement au niveau de lacqureur. Quant la croissance de la part de march perceptible moyen et long termes au niveau du nouvel ensemble (acqureur ou/et cible), elle relve de l'effet de la combinaison des ressources. Cette croissance dpend de la capacit du nouvel ensemble mieux valoriser le potentiel de l'acqureur et de la cible sous formes dconomies de cots (gnres par leffet de synergie), de diffrenciation et de domesticit. Mots cls : croissance externe horizontale, acqureur, cible, march de contrle dentreprises, synergie oprationnelle, march interne organis des ressources, ressources partageables, dficit et diffrentiel defficience, conomies de cots, part et position de march, positions comptitives, barrires lentre.

SUMMARY The horizontal external growth (H.E.G.) is considered as one of the strategies for the firm to exploit the cost economies and to increase its market share. Both could help it to have a better position in the market competition. The economies result from an efficient exploitation of resources of target and purchaser firms. These economies are exploited at any level of fonctions which can be more important in some of them or less in some of others. This depends on the sectors and the specificities of both firms. Also, these economies can be resulted from the reduced price allowed by different suppliers. The increasing market share results from the mechanical effect of the H.E.G. and the combination of the resources of the target and purchaser firms. About the mechanical effect, the increasing market share is immediately perceptible in the purchaser firm. This increase corresponds to the transfer of market share by the target

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firm to the purchaser one. Concerning the increasing market share perceptible in short or long run, it depends on the capacity of the both firms to achieve a competitive position (low costs and differentiation) resulting from a better combination of their resources. Keys words : horizontal external growth (H.E.G.), purchaser firm, target firm, market for corporate control, operating synergy, sharing resources, deficit and differentiel efficiency, cost economies, market share, barriers of entry, competitives positions.

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INTRODUCTION GENERALE

Les oprations de croissance externe ont t utilises par les entreprises comme stratgie de dveloppement depuis fort longtemps. Aux Etats -Unis, la premire vague de fusions sest produite entre 1897 et 19041, mais la premire bataille de prise de contrle (great takover battle2) a t tente par Vanderbilt sur Erie Railroad en 1868 (GAUGHAN P.A., 1991). Les premiers travaux de recherche consacrs la croissance externe ont t souvent raliss pour expliquer le phnomne de la concentration des secteurs et de la formation des groupes. En constatant que les entreprises recourent de plus en plus aux diffrentes oprations de croissance externe (verticale, conglomrale, concentrique et horizontale) pour se dvelopper, lintrt dtudier en tant que telles ces oprations sest rapidement accru. Ainsi, des travaux divers et spcifiques cette modalit de croissance se sont multiplis. En France, cet intrt est apparu tardivement. Ce n'est qu' partir des annes 60, et surtout des annes 70 que les recherches spcifiques la croissance externe se sont dveloppes (GABRIE H. (1976), FUSTIER P. (1977), PATUREL R. (1978), HENIN P.Y. (1978), ALLOUCHE J. (1981), etc.). La fivre des concentrations par le biais de la croissance externe suit un rythme effrn ces dernires annes. Dans certains secteurs tels que la pharmacie, les banques, les assurances, le transport arien, la chimie, l'lectronique, etc., les stratgies de dveloppement choisies sont en majorit des oprations de croissance externe horizontale et ce n'est pas un hasard si la concentration au niveau international de ces secteurs s'est acclre. Selon le recensement tabli par Mergerstat, une filiale de la banque d'investissement amricaine Houlihan Lokey Howard & Zukin, en 1997, 657,1 milliards de $ ont t investis dans les activits de fusions -acquisitions et sur les six premiers mois de 1998, le nombre d'oprations s'lve 3890 d'une valeur de 772,5 milliards de $. Nous avons choisi de consacrer notre travail de recherche uniquement la croissance externe horizontale. Ce choix est fond sur deux raisons principales. La premire relve de lintrt particulier que les entreprises ont accord ce type dacquisition comme moyen de dveloppement et de lutte contre la concurrence. Nous avons constat qu'il constitue un phnomne rcurrent au niveau des oprations d'acquisition et que, ces deux dernires annes, certaines dentre elles ont t ralises avec des montants trs levs : l'acquisition de Citicorp par Travelers pour 82,9 milliards de $ (banque), de Ameritech par SBC Communication pour 60 milliards de $ (tlcommunication), de Chrysler par Daimler-Benz pour 43 milliards de $, (automobile), de MCI par WorldComINC (tlcommunications) pour 36,5 milliards de $, etc. 3. La deuxime correspond au peu de travaux consacrs spcifiquement la croissance externe horizontale. Certes, certains auteurs (HENIN. P.Y. (1978),1 2 3 Quatre priodes de grands mouvements de fusions, souvent appeles mergers waves , ont t constates dans lhistoire des Etats-Unis : 1894-1904, 1916-1929, 1965-1969 et depuis 1981 nos jours. D'ailleurs la notion "takover battle" est communment utilise aujourd'hui pour dsigner les offres publiques inamicales. Les Echos, Mecredi 15 Juillet 1998.

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GILSON R..J. et BLACK B.S. (1995), GAUGHAN P.A. (1991), STEINER O.P. (1975), etc.) ont esquiss les diffrentes sources de motivation en exposant les ides principales, ou en dveloppant certaines d'une manire plus profonde, mais sans faire un travail plus exclusif sur les acquisitions horizontales. De mme, les thses traitant uniquement la croissance externe horizontale, aujourd'hui et notre connaissance, sont limites une seule, ralise par CAPRON L. (1996). Pour une entreprise, le choix de la croissance externe horizontale comme stratgie de dveloppement est dtermin par plusieurs facteurs sur lesquels insistent plus ou moins les diffrentes thories. Nous pouvons les classer en trois catgori es : dterminants financiers, conomiques et ceux relatifs aux intrts propres des actionnaires ou des managers. Notre travail portera uniquement sur les dterminants conomiques de la croissance externe horizontale. Ces dterminants correspondent la baisse des cots, la croissance de la part de march, au renforcement du pouvoir de ngociation avec le march vertical, l'augmentation des capacits d'innovation et de diffrenciation, la pression et aux exigences de l'environnement concurrentiel avec le souci d'tre prsent la fois sur plusieurs marchs nationaux ou internationaux, l'adaptation et la restructuration des secteurs, la satisfaction des clients, en un mot l'acquisition d'un avantage concurrentiel. Cet avantage est dautant plus difficile acqurir que la gnralisation de l'conomie de march et l'acclration de la mondialisation des marchs conduisent une polarisation gographique de l'conomie sous forme de constitution d'ensembles rgionaux, l'Union Europenne, l'A.S.E.N.A .4, l'A.P.E.C.5, le MERCOSUR 6, l'A.L.E.N.A.7, etc., dpassant ou transcendant les frontires des Etats (DOLLFUS O. 1995). Les rgionalisations les plus actives et les mieux organises sont celles qui sont formes ou forges autour des "noyaux" de la "triade" (Japon et Asie du sud-est, Etats -Unis d'Amrique, Europe occidentale) et du MERCOSUR. Cette rgionalisation de l'conomie et le rle accru jou par les organisations internationales comme la

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L'A.S.E.N.A. (Association of East Nations Asian), cre en 1967, est compose de : la Malaisie, lIndonsie, les Philippines, la Thalande, Singapour et Brunei. Ces pays ont dcid, en 1992, de crer une zone de libre-change A.F.T.A. (Asian Free Trade Area), aprs avoir vu la naissance de l'A.L.E.N.A. et du March Unique. L'A.F.T.A., est attendue normalement en 2005. L'A.P.E.C. (Asian Pacific Economic Cooperation), cre en 1989 l'initiative de l'Australie, ambitionne plus largement de promouvoir la coopration entre l'ensemble des pays riverains du Pacifique. Elle regroupe en ce moment dix-huit membres : la Chine, Hong Kong, Taiwan (les "trois" Chine), lIndonsie, la Thalande, la Malaisie, les Philippines, Singapour, Brunei (les six membres de l'A.S.E.N.A), les EtatsUnis, le Canada, le Chili, le Mexique (les quatre amricains), la Core du Sud, le Japon, lAustralie, la Nouvelle-Zlande, la Papouasie-Nouvelle-Guine. Au surlendemain de la fin de la guerre froide, en 1994, l'organisation encourage une bauche de structuration de la rgion et a annonc Bogor (Indonsie) la ralisation d'une zone de libre-change, en l'an 2020. Le MERCOSUR (march commun de l'Amrique du Sud), cr en 1991 par le Brsil et l'Argentine et ensuite rejoint par l'Uruguay et le Paraguay. L'A.L.E.N.A. (Association de Libre Echange Nord Americain), cre en 1992, est compose du Canada, des Etats-Unis et du Mexique.

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Banque mondiale, le F.M.I. (Fonds Montaire International) et l'O.M.C.8 dans l'organisation de l'conomie mondiale, conduisent la disparition progressive des barrires l'entre surtout de type juridique. Depuis les annes 80, cette internationalisation de lconomie change profondment la nature de la concurrence et dstabilise peu peu les industries et les conomies nationales. Ceci a dsormais entran une rduction des obstacles tarifaires et une tendance la drglementation, une exigence des consommateurs en termes de qualit et de prix et une rapidit de l'volution technologique et de l'information. Ainsi, l'entreprise vit plus que jamais dans une ralit conomique o les secteurs sont ouverts et placs dans un contexte concurrentiel mondialis, et non pas dans un contexte purement national avec des marchs cloisonns. Nous sommes entrs dans une re d'hyperconcurrence caractrise par une rivalit sans cesse croissante, qui peut prendre la forme d'une course l'innovation, d'un raccourcissement du cycle de conception de la vie des produits, d'une comptition fonde sur une stratgie de produits mieux adapts aux besoins et avec un rapport qualit/prix convenable, dune prsence sur plusieurs marchs gographiques, etc. L'entreprise daujourdhui vit plus quautrefois dans un espace concurrentiel intensif international que dans un espace protg circonscrit ses frontires nationales. Elle doit adopter des stratgies qui lui donneront la possibilit de lutter contre cette concurrence. La croissance externe horizontale est considre comme lune des stratgies permettant une entreprise de rsister et de dominer cet environnement concurrentiel mondialis dans laquelle o elle vit, afin dviter sa disparition. Ceci explique lintrt de notre travail, qui propose une analyse des dterminants conomiques de la croissance externe horizontale. De plus, l'analyse rserve ces dterminants dans les oprations de croissance externe en gnral, et plus particulirement celles de type horizontal, a reu une attention modeste et plus ou moins banalise, car elle est suppose tre dj largement commente par lcole de la micro -conomie et de lconomie industrielle. Par consquent, l'argumentation thorique qui leur est rserve peut apparatre comme tant un domaine largement tudi et alors, l'apport serait l imit. Mme si l'objet d'analyse relve de concepts connus, lapproche thorique est spcifique chaque stratgie de dveloppement utilise par l'entreprise. Notre travail consistera donc construire une dmarche thorique spcifique expliquant comment la croissance externe horizontale permet l'acqureur d'accder des conomies de cots, d'accrotre sa part de march, etc. Ainsi, nous avons choisi de contribuer l'exploration de cet axe de motivation, bas essentiellement sur les avantages conomique s que l'acqureur peut se procurer en effectuant des acquisitions horizontales. Bien sr, nous n'avons pas la prtention de faire un travail exhaustif, mais nous traiterons certains points qui nous paraissent apporter des claircissements sur la faon dont le nouvel ensemble acquiert un avantage conomique significatif. En effet, les oprations de croissance externe horizontale sont envisages en termes de logique conomique (industrielle) : recherche de l'avantage concurrentiel.8 L'O.M.C. (Organisation Mondiale de Commerce), cre le 1 janvier 1995, en remplacement du G.A.T.T., a pour mission la prise en charge de la libralisation des changes des biens et services.

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Comme l'a soulign PORTER M., la stratgie horizontale s'appuie sur l'avantage concurrentiel et non sur des considrations financires ou boursires. Les stratgies d'entreprise assises sur des motifs purement financiers n'offrent qu'une justification illusoire de la diversification. De plus, les bienfaits des stratgies financires sont souvent phmres9. Lanalyse des dterminants conomiques, introduit implicitement une hypothse, selon laquelle les intrts propres des actionnaires ou/et des managers de l'acqureur, comme sources de motivation dacquisition, sont passs au second rang ou sont absents. Seuls les intrts conomiques de l'acqureur sont pris en considration. De ce fait, nous supposons que les propritaires (actionnaires) et les managers de l'acqureur constituent un groupehomogne. Les influences dites "internes", appeles par STEINER O. (1975) "insider influences" , provenant de l'intrieur de l'entreprise (motivations bases exclusivement sur la satisfaction des intrts propres des actionnaires ou des manage rs) ne sont donc pas prises en compte et il y a absence de conflit d'intrts entre les "intrieurs" appels les "insiders" (managers et actionnaires). Ce sont alors essentiellement les influences dites externes, appeles par le mme auteur "external influ ences", qui prvalent. Les considrations dites "externes" (intrt conomique de l'acqureur) priment donc sur les considrations dites "internes" (intrts propres des actionnaires ou des managers). Certes, certaines acquisitions peuvent aussi tre motiv es par les intrts propres des actionnaires ou des managers ou bien par des logiques purement financires. Ce choix ne signifie donc pas que ces deux autres dterminants sont secondaires, loin de l. Aussi, limiter notre travail aux motivations conomiques cela nous permet dune part dapprofondir notre rflexion sur un axe de recherche bien prcis par rapport aux moyens dont nous disposons et dautre part, dviter de nous disperser.

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PORTER M., Lavantage concurrentiel - comment devancer ses concurrents et maintenir son avance, InterEditions, 1986, Paris, p. 383.

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- Problmatique gnrale : Quels sont les principaux dterminants conomiques de l'acquisition dans les oprations de croissance externe horizontale? La rponse cette interrogation peut tre approche de trois manires : A) Privilgier une seule explication : la premire approche consiste organiser la rflexion autour d'une explication bien prcise parmi un ensemble de possibilits (par exemple un des dterminants conomiques, les conomie d'chelle). Un travail plus approfondi lui serait consacr. C'est une approche que nous jugeons assez rductrice, la ralit tan t trop complexe et diverse pour n'envisager qu'une seule d'entre elles, ce qui forcment conduirait laisser de ct tout un ventail d'arguments explicatifs. De ce fait, notre contribution serait trs limite et, surtout, ne rendrait pas assez compte de la ralit. Ainsi une partie non ngligeable d'explications serait absente de l'analyse et la dmarche ne serait pas du tout exhaustive ; B) Intgrer un maximum d'explications : la deuxime approche, au contraire, se veut quas -exhaustive. Le travail consisterait intgrer le plus d'arguments possibles pour rendre compte de la ralit complexe et diverse, donc numrer l'ensemble des lments explicatifs. C'est srement une approche qui prend en considration une part importante d'lments. Mais elle a deux principaux inconvnients : elle donne l'impression d'exposer un catalogue d'explications sans pouvoir les travailler en profondeur et certaines dentre elles peuvent tre redondantes ; C) Identifier des blocs d'explications : la troisime approche se situe un niveau mdian, c'est--dire qu'elle essaye de ne pas se centrer sur une seule explication ni de faire une prsentation sous forme de catalogue. Elle cherche tenir compte des diffrentes forces essentielles et d'en faire des typologies : blocs d'explications pouvant intgrer et contenir les principaux dterminants conomiques. Cette approche permet, d'une part, d'apprhender au plus prs la ralit en se focalisant sur les dterminants les plus pertinents et d'autre part, d'viter une numration des rponses et la redondance. Le travail sera men de manire faciliter la comprhension du phnomne. C'est donc cette troisime voie que nous avons adopte comme ligne de travail. Le choix des principaux dterminants conomiques de la croissance e xterne horizontale n'est pas fortuit, mais rsulte d'un croisement des diffrents travaux thoriques consacrs directement ou indirectement aux stratgies de dveloppement des entreprises et, entre autres, la croissance externe horizontale. Notre choix e st aussi enrichi et appuy par diffrentes observations pratiques concernant des oprations de croissance externe et plus spcifiquement horizontale signales dans diffrents organes de presse crite, spcialise ou gnraliste. Ce double travail (combinaison des regards thorique et pratique) nous a amen constater, et cela d'une manire rcurrente et sans ambigut, que deux principaux dterminants conomiques dominent : la recherche des conomies travers l'exploitation des diffrentes synergies engendres et l'accroissement de la part de march sous forme de renforcement ou/et d'extension de la position de march de l'acqureur, pouvant ventuellement entraner une position influente sur le march. Ces deux dterminants peuvent conduire l'acqureur modifier sa position de march en lui permettant

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d'accder directement l'avantage concurrentiel : baisse des cots, accroissement du pouvoir de ngociation avec le march vertical, augmentation des capacits d'innovation, diffrenciation, etc. Ce constat a pes sur l'orientation de notre travail. Nous avons donc dcid de nous intresser particulirement ces deux principaux dterminants conomiques pour analyser en profondeur l'intrt que l'entreprise initiatrice de la croissance externe horizontale (acqureur) leur accorde. Par consquent, ceci nous amne poser deux ides qui conduiront notre tude. 1) La croissance externe horizontale permet l'acqureur de raliser des conomies travers des effets de synergie ; 2) La croissance externe horizontale permet l'acqureur d'accrotre sa part de march, donc d'amliorer sa position de march. La manire d'accder des conomies ou/et l'accroissement de la part de march par la croissance interne, conjointe, etc., n'est pas exactement la mme que celle de la croissance externe. Par consquent, la dmarche thorique utilise pour l'analyse des deux principaux dterminants conomiques est spcifique la croissance externe horizontale. Notre contribution sera donc de partir des concepts classiques (conomies et part de march) et de construire cette dmarche. Les diffrentes argumentations seront exposes de manire les rapprocher le plus possible de la pratique, afin de faciliter leur comprhension. En outre, chaque fois qu'il est possible, nous les appuierons par des exemples pratiques. - Structure de la recherche Notre mthodologie est de type dductive, ainsi donc, notre travail sera structur au dpart par une tude thorique des dterminants conomiques de la croissance externe horizontale et ensuite, par une tude pratique sous forme d'enqute auprs de certaines entreprises. En rapport avec la mthodologie choisie et l'intrt particulier que nous avons rserv au dveloppement thorique, il sera subdivis en quatre chapitres : les trois premiers concerneront l'analyse thorique et le dernier, l'analyse pratique. - Chapitre I : il sera d'abord consacr un bref expos des diffrentes modalits de croissance ( interne, conjointe et externe). Nous allons ensuite tenter de proposer une dfinition de la croissance externe et de ses diffrentes composantes : croissance externe verticale, de diversification concentrique, de diversification conglomrale et, bien sr, croissance externe horizontale qui sera retenue pour la suite de notre travail. Aussi, nous avons jug utile d'approcher la croissance externe sous forme de march de contrle d'entreprises, car le pralable de la ralisation des oprations de croissance externe horizontale relve de l'existence de ce march ; - Chapitre II : il dveloppera l'analyse des diffrents arguments thoriques expliquant comment les oprations de croissance externe horizontale gnrent des synergies oprationnelles qui conduisent lexploitation des conomies de cots ;

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- Chapitre III : il concerne ra l'analyse des diffrents arguments thoriques expliquant comment une entit qui opte pour des oprations de croissance externe horizontale accrot sa part de march et, par consquent, amliore sa position de march. Lanalyse de cet accroissement et de ses effets induits sera approche deux niveaux. Le premier est relatif leffet immdiat de lacquisition, cest--dire au transfert de la part de march de la cible vers lacqureur (effet mcanique de la croissance externe horizontale). Le deuxime rsulte des positions comptitives (rduction des cots, diffrenciation, etc.) gnres par lexploitation commune des ressources de lacqureur et de la cible. Ces positions seront perceptibles sur le moyen et le long terme. - Chapitre IV : il sera rse rv au traitement et l'analyse des informations recueillies travers lenqute ralise auprs de certaines entreprises ayant effectu des oprations de croissance externe horizontale. Un questionnaire sera ainsi labor, avec des questions construites de manire prendre en compte l'ensemble des argumentations thoriques dveloppes propos de nos deux ides de travail relatives aux dterminants conomiques : exploitation des conomies (chapitre II) et croissance de la part de march (chapitre III). Nous avons volontairement privilgi d'importants dveloppements thoriques par rapport la partie pratique, pour deux raisons. La premire rsulte du choix d'un apport thorique qui contribuera une meilleure comprhension d'une part, de la croissance externe en gnral, de la croissance externe horizontale en particulier et de la notion de march de contrle d'entreprises qui est jusqu' prsent peu analyse (chapitre I), d'autre part, des deux principaux dterminants conomiques recherchs spcifiquement dans les oprations de croissance externe (chapitres II et III), ceux -ci, notre connaissance, faisant peu l'objet d'tudes approfondies. La seconde est lie aux limites de nos moyens matriels et financiers qui nous empchent de mener une tude d'env ergure sur le terrain. Cette contrainte, nous a amen limiter notre tude pratique aux entreprises appartenant un seul secteur : lagro-alimentaire.

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CHAPITRE I CROISSANCE ET MARCHE DE CONTROLE D'ENTREPRISES

INTRODUCTION Dans ce chapitre, notre attention se portera spcialement sur la comprhension de certains concepts intervenant dans notre thme de recherche. Nous y dfinissons et claircissons le contenu ou le sens de certains lments cls constituant le socle de notre sujet : croissance, dfi nition et diffrentes modalits de la croissance externe, march de contrle d'entreprises. Ainsi, nous pourrons mieux comprendre, dans la partie suivante, lexpos des arguments thoriques pouvant expliquer les principaux dterminants conomiques (recherc he des conomies et accroissement de la part de march) des oprations de croissance externe horizontale. Notre chapitre sera dcompos en quatre sections. - Section 1 : elle sera consacre la comprhension de la notion de croissance et des diffrentes modalits de la croissance de lentreprise ; - Section 2 : elle sera rserve la dfinition de la croissance externe. Nous prsenterons un aperu de certaines dfinitions utilises actuellement et, sur la base de certaines remarques que nous allons fo rmuler, nous tenterons ensuite d'en proposer une autre qui sera retenue pour le reste de notre travail ; - Section 3 : elle concernera les diffrentes politiques de la croissance externe (verticale, horizontale, concentrique et conglomrale). Cette partie permettra, d'une part, de dfinir plus prcisment la croissance externe horizontale qui nous intresse au premier plan (c'est l'opration sur laquelle repose notre travail) et d'autre part, dtablir ce qui diffrencie ce type d'opration des autres politiques (concentrique, conglomrale et verticale) ; - Section 4 : dans cette dernire section, nous dvelopperons l'ide que la croissance externe s'inscrit dans un systme de march de contrle d'entreprises, et que les oprations de croissance externe horizontale ne sont possibles que si ce march existe rellement. Nous tenterons d'exposer les principales sources d'opportunit d'mergence de ce march, donc de la possibilit de ralisation des oprations de croissance externe horizontale. Section 1. M odalits de croissance de l'entreprise - Notion de croissance de l'entreprise : trs souvent, la notion de croissance d'entreprise sous-entend une augmentation des rsultats en termes de chiffre d'affaires, de rsultat net, de volume de production, etc., alors qu'elle peut concerner l'augmentation de ses moyens de production (capital et travail) ou/et de ses rsultats. BIENAYME A., dfinit la croissance de l'entreprise comme un phnomne dont le caractre multidimensionnel dcoule des critres retenus pour en mesurer la taille .1010 BIENAYME A., La Croissance des Entreprises: 1, analyse dynamique des fonctions de la firme, Ed., Bordas, 1971, p.14.

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La croissance de l'entreprise correspond l'augmentation de la taille de celle -ci dans le temps 11. Le concept de taille est difficile cerner pour les entreprises du fait que sa mesure dpend du critre choisi (volume de production, chiffre d'affaires, effectif, moyens matriels, etc.). Comme SOULIE D., l'a soulign : la pluralit des facettes que prsente chaque entreprise est l'origine des difficults rencontres dans la dfinition mme de sa taille, et donc dans sa mesure 12. Les indicateurs de la taille sont de deux natures : ceux qui se rfrent aux facteurs de production (inputs), ce sont des moyens ncessaires la production d'un bien ou dun service et ceux se rfrant aux rsultats de l'entreprise. Cette faon de dfinir la croissance de l'entreprise (selon la taille) n'explique pas d'une manire prcise le type de processus d'augmentation concern : ses moyens de production, ses rsultats ou les deux en mme temps (puisque l'augmentation peut concerner les deux no tions). Surtout, la signification et le message que nous voulons transmettre pour chaque type de croissance sont compltement diffrents. Cette dfinition est donc juste sur le plan technique, car il y a effectivement augmentation, mais elle est confuse dans la manire de transmettre l'information, car elle n'indique pas laquelle des deux composantes est concerne par cette augmentation. Pour viter cette confusion, il est important de distinguer la croissance de l'entreprise ( un moment donn t par rapport un temps de rfrence t', t' < t) en deux augmentations diffrentes : celle lie aux rsultats et celle lie aux moyens de production (ressources). - la notion de croissance de l'entreprise en termes de rsultats consiste en une augmentation du chiffre d'affaires, du rsultat net, du volume de production, de la valeur ajoute, etc. Ainsi, la croissance de l'entreprise se dfinit donc comme tant une augmentation quantitative de ses rsultats ; - la notion de croissance de l'entreprise en terme de moyens de production (ressources) consiste en une augmentation des moyens matriels (ressources physiques) et immatriels (ressources humaines). Il existe trois modalits de croissance ou d'augmentation des moyens matriels ou/et immatriels d'une entreprise : croissance interne, conjointe et croissance externe. Ces diffrentes modalits peuvent agir positivement sur certains ou sur l'ensemble des lments permettant de mesurer les rsultats de l'entreprise. Nous pouvons schmatiser la croissance de l'entreprise de la manire suivante :

Croissance en terme d'inputsCroissance des moyensmatriels et immatriels :

Croissance en terme de rsultatsCroissance des rsultats :

Entreprise

production, chiffre d'affaires, rsultat net, etc.

ressources de l'entreprise

11 NEGRE C., "La Croissance de l'Entreprise", Cahiers Franais, n 234, Janv-Fv, 1988, pp. 21-25. 12 SOULIE D., Analyse Economique et Stratgie d'Entreprise, Ed., EDICEF, Vanves, 1992, p. 45.

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La croissance de l'entreprise signifie donc l'augmentation de l'un ou de plusieurs indicateurs. Ces indicateurs peuvent nous apporter deux types de renseignements en terme de croissance. Le premier concerne l'volution de l'entreprise par rapport elle -mme, dans ce cas, les indicateurs fournissent l'tat de la croissance absolue de l'entreprise, qui peut-tre positive ou ngative. Le deuxime concerne l'volution de l'entreprise par rapport au march et aux concurrents, les indicateurs nous fournissent alors l'tat de la croissance relative de l'entreprise. Notre travail se limite l'une des modalits de croissance (croissance externe) permettant l'entreprise d'augmenter ses moyens matriels et immatriels (inputs) pour produire un bien ou un service. Pour atteindre ses objectifs, l'entreprise se trouve, de fait, confronte au choix de dterminer les moyens ncessaires mettre en oeuvre. Nous avons donc pens utile de faire une reprsentation brve et synthtique de l'ensemble de ces modalits. Ceci nous permet de mieux distinguer les spcificits et les procdures d'excution de chacune. Le but, bien sr, n'est pas d'opposer et de prendre parti pour telle ou telle modalit de croissance mais, d'une part, d'exposer une vision d'ensemble des diffrentes possibilits de stratgie de dveloppement qui s'offrent l'entreprise et d'autre part, de voir la place qui revient la croissance externe par rapport aux autres stratgies de dveloppement (croissance s interne et conjointe). Ces stratgies de dveloppement peuvent tre classes en deux catgories : - Intgration de moyens de production : l'entreprise intgre d'autres moyens de production isols d'occasion ou neufs (ncessitant donc une combinaison avec ceux de l'entreprise) ou combins et dj organiss (moyens dj combins pouvant produire immdiatement un bien ou un service) dans sa structure actuelle. Ces moyens intgrs sont par consquent contrls par l'entreprise initiatrice (acqureur). Ces stratgies de dveloppement correspondent aux croissances interne et externe ; - Situation intermdiaire entre intgration et march : l'entreprise, pour se dvelopper, choisit la voie mdiane entre l'intgration et le march. Elle met en place certaines formes de relations (de liens) avec d'autres entreprises du mme secteur ou non (concurrentes, clientes, fournisseurs, ou n'ayant aucune relation d'activits). Par consquent, le lien est limit un accord mutuel pour travailler ensemble et cela sans aucun contrle de l'une sur l'autre. Les entreprises gardent leur indpendance. Ces stratgies de dveloppement correspondent la croissance conjointe (alliance et partenariat), connue aussi sous le nom de croissance contractuelle. Dans cette section nous limiterons volontairement notre travail rappeler uniquement les principales dfinitions (sauf pour la croissance externe et plus spcifiquement horizontale) sans entrer dans le dtail et les subtilits de chaque dfinition, car cela n'est pas l'objet central de notre travail de recherche. 1 1. Croissance interne PATUREL R . considre la croissance interne comme une reprsentation des seules acquisitions ou crations d'actifs non immdiatement productifs puisque non combins avec les autres moyens de production indispensables la ralisation

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d'outputs 13. La croissance interne est fonde sur l'acquisition des actifs qui n'ont pas la capacit de produire immdiatement. Les nouveaux lments acquis ncessitent alors une combinaison et une organisation entre eux ou/et avec les moyens existant au niveau de l'entreprise. La croissance interne est caractrise par la notion d'acquisition des moyens de production isols non combins et non organiss. Ces nouveaux moyens de production acquis sont soit fabriqus par l'entreprise elle -mme, soit venus de l'extrieur. Cette stratgie est trs souvent utilise par une entreprise pour son investissement technique ou productif sous forme d'acquisition des machines, outillages, btiments, matriel informatique, etc., qu'il faut ensuite combiner avec les quipements existants. Nous pouvons distinguer deux types d'investissement technique principaux : * Investissement de remplacement et de modernisation : il a pour but de remplacer le matriel compltement us, ou bien suppos dpass techniquement (obsolte), afin d'amliorer la productivit de l'entreprise ; * Investissement de capacit ou d'extension : il a pour objectif l'augmentation de la capacit de production actuelle, ou bien le dveloppement d'une forme de divers ification, en crant des units de production autonomes, combines par l'entreprise ou bien achetes "cls en main". Nous pouvons bien sr aussi trouver d'autres oprations de croissance interne non lies l'investissement technique, par exemple l'acquisition d'un brevet, d'une marque, la cration ex nihilo d'une filiale, la location d'actifs, l'accroissement du taux de participation dans une entreprise dj contrle (la socit mre ne bnficie pas d'un contrle supplmentaire, du fait qu'elle en a dj le contrle), etc. 1 2. Croissance conjointe Cette politique est intermdiaire entre le march et le non march ; elle correspond une stratgie qui vite, pour l'entreprise, l'externalisation (le march) et l'internalisation (intgration) de certaines de ses activits, mais qui pratique des relations sous diffrentes formes avec d'autres entreprises. Cette modalit est aussi connue sous le nom de croissance contractuelle. Pour De MONTMORILLON B., il y a croissance contractuelle chaque fois qu'un entrepreneur confie autrui la ralisation d'une partie des tches ncessaires la production ou la distribution des biens ou services qu'il entend proposer au march 14. Ces dernires annes cette appellation de terme contractuel de la croissance, est critique : la notion de contractuel concerne aussi les autres modalits de croissance (interne et externe), car toute croissance est contractuelle. La notion de croissance contractuelle est remplace par celle de croissance conjointe. GERVAIS M., utilise la notion de pratique relationnelle : une stratgie est dite relationnelle lorsqu'elle se fonde non pas sur la loi de la concurrence, mais sur des relations privilgies que l'entreprise tablit avec certains partenaires de son environnement. La notion de concurrence n'en est pas13 PATUREL R., "Dlimitation des Concepts de Croissance Interne et Croissance Externe", Revue Economie et Socits, Dcembre 1981, p. 1393 - 1420. 14 De MONTMORILLON B., "La croissance contractuelle", Revue Franaise de Gestion, Janv-Fv 1989, pp. 97-106.

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totalement absente, mais elle est forcment secondaire par rapport un accord scell de gr gr et chappant aux rgles normales du march 15. VERNA J., souligne que les stratgies conjointes seraient un ensemble de dcisions arrtes par des firmes souveraines, en vue de la ralisation sur le long terme d'une oeuvre commune 16. La croissance conjointe correspond donc toutes formes de pratiques relationnelles intermdiaire entre le march et la hirarchie entre entreprises indpendantes appartenant ou non un mme secteur d'activit. Il existe deux formes de croissance conjointe : le partenariat et l'alliance. 1 2 1. Alliances L'alliance est considre par GERVAIS M., comme un accord de coopration entre deux ou plusieurs firmes concurrentes, mais l'inverse de l'entente, il ne signifie nullement la fin de la comptition. Ce type de relation contractuelle permet de continuer l'innovation et le jeu concurrentiel d'une manire efficiente. Il s'inscrit dans la dure et s'exerce dans le cadre d'un projet commun des partenaires qui conservent par ailleurs toute leur autonomie 17. L'alliance intresse trs souvent les entreprises indpendantes oprant dans le mme secteur, dont les barrires l'entre sont leves, avec une forte intensit capitalistique et une technologie en volution rapide (tlcommunication, aronautique, spatial, etc.). Pour WACHEUX F., les alliances sont une forme particulire des relations interorganisationnelles, dans laquelle des concurrents concertent leurs actions sur tout ou partie de leurs activits 18. Ce qui est caractristique dans les pratiques d'alliance, c'est le maintien de l'indpendance de chacune des firmes-partenaires, malgr la conclusion d'un accord les liant les unes aux autres et l'utilisation partielle de leur activit 19. Nous distinguons trois catgories d'alliances conduisant une croissance conjointe : * consortium : il s'agit d'un groupement d'entreprises qui, pour une action bien dfinie, s'accordent sur le partage d'inform ations, des moyens financiers, des moyens de production et de distribution, tout en restant concurrentes sur le march. La France a cr en 1967 un statut particulirement bien adapt ce type d'alliance, il s'agit du Groupement dIntrt Economique (G.I.E.) permettant de former une structure juridique sans apport de capital. En 1985, un statut similaire est cr au niveau europen, le G.E.I.E. (Groupement Europen dIntrt Economique). L'exemple du G.I.E le plus russi est celui d'Airbus Industrie, cr il y a vingt-cinq ans, dont les diffrents programmes sont bien des alliances entre Arospatiale pour la France (37,9%), British Aerospace pour le Royaume -Uni (20%), Dasa pour l'Allemagne (37,9%) et Casa pour l'Espagne (4,2%). Tous ces participants sont de s constructeurs aronautiques dveloppant par ailleurs, chacun de leur ct, des programmes d'avions qui restent concurrents entre eux. Airbus abandonnera son

15 GERVAIS M., Stratgie de l'entreprise, Ed. Economica, Paris, 1995, p. 250. 16 VERNA J., Les stratgies conjointes des firmes franaises depuis 1980 : des comportements diffrencis, Thse de doctorat, Grenoble, 1989, p. 38. 17 GERVAIS M., op. cit., p. 203. 18 WACHEUX F., " Alliances : Consquences Stratgiques et Organisationnelles ", Revue Franaise de Gestion, n 108, 1996, pp. 12-24. 19 GARETTE B et DUSSAUGE P., Les Stratgies d'Alliance, Ed., Les Editions d'Organisation, Paris, 1995, p. 25.

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statut de G.I.E. et sera transform en socit anonyme en 1999, ce qui lui permettra de contrler pleinement sa politique commerciale (achats et ventes) et sa production ; * Accord avec prise de participation : cette dernire peut tre unilatrale, croise ou circulaire mais elle reste toujours minoritaire, donc elle n'aboutit pas une prise de contrle ; * Coentreprise (ou joint-venture) : deux ou plusieurs entreprises s'allient pour donner naissance une filiale commune, ce que les anglo -saxons appellent une joint-venture. D'un point de vue lgal, une telle filiale commune devra adopter un statut conforme au droit des socits dans lequel elle est enregistre. La caractristique principale de l'opration est qu'aucun des allis ne possde de prise de contrle sur l'entit conomique cre, chaque alli dtient une part de capital suffisante pour pouvoir faire respecter ses intrts. Cette opration s'appelle aussi croissance conjointe. 1 2 2. Partenariat Le partenariat est dfini comme tant une opration de moyenne ou longue dure, entre au moins deux partenaires non concurrents qui s'engagent activement en prenant des risques dans la perspective d'atteindre un objectif commun 20. Le partenariat se distingue de l'alliance par la construction d'un objectif commun entre deux ou plusieurs partenaires non concurrents appartenant des secteurs d'activits trs varis, et il s'applique partiellement ou globalement l'ensemble de l'entreprise. Les diffrents types de partenariat peuvent se classer en trois catgories: A) partenariat symbiotique : c'est une forme de coopration entre entreprises n'appartenant pas des mmes secteurs d'activits, donc qui ne sont pas confrontes un mme march, un mme champ concurrentiel. Il n'existe aucune relation (concurrentielle, fournisseur-client, etc.) entre les entreprises appeles tre partenaires ; B) partenariat d'impartition : il concerne les entreprises qui entretiennent des relations de type clients-fournisseurs. Il existe une entreprise gnralement donneur d'ordre qui dlgue une partie de son activit une ou plusieurs entreprises : la premire devient cliente et les autres deviennent fournisseurs. L'activit impartie contribue l'laboration du produit final de l'entreprise considre comme cliente. On trouve dans ce type de partenariat : la sous -traitance, la co -traitance ou la coproduction, la concession, la licence, le mandat (charger une autre entreprise de raliser certaines oprations avec des tiers), la franchise ; C) partenariat de corrlation : il permet d'associer des entreprises ayant des activits indpendantes, mais qui s'adressent un mme march. La coopration sera plus simple raliser du fait que les produits sont diffrents, l'objectif principal tant la recherche d'une synergie commerciale.

20 GHERZOULI K., Partenariat Interentreprises Nord-Sud : Structures Explicatives d'Emergence de Relations Coopratives et Russies, Thse de doctorat, Dijon, 1995, p. 56.

et

Conditions

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- Remarque sur la notion de relation d'entente : dans les dveloppements faits sous l'appellation croissance contractuelle, il existe une autre forme de relation entre entreprises n'appartenant pas la famille de croissance conjointe : la relation d'entente. Nous la soulignons au passage pour la distinguer des autres modalits de croissance. L'entente, selon MORVAN Y., existe chaque fois que des entreprises passent entre elles des accords ayant pour objet de restreindre ou de supprimer la concurrence susceptible de les opposer dans certains domaines de leurs activits, tout en leur laissant une certaine autonomie conomique et financire dans d'autres secteurs 21. Il y a donc entente chaque fois qu'un ensemble d'entreprises oprant gnralement dans le mme secteur, dcident de ne pas s'affronter mais de partager et de garder le co ntrle du march. Les entreprises restent nanmoins indpendantes les unes des autres, juridiquement et oprationnellement. La dcision de ne pas s'exposer la concurrence mane d'une volont, ou merge d'un comportement tacite des entreprises contractantes. * Ententes dlibres : systme de cartel (une organisation dote d'un systme juridique et de mthodes de fonctionnement, tels que sige, membres, etc., le cartel le plus connu est celui de l'O.P.E.P.22), simples accords verbaux (l'entente est fonde sur un accord sans aucune trace crite, dont l'excution et le respect dpendent du srieux des contractants) et simple convention (l'entente repose sur une convention crite qui prcise les modalits et les obligations de chaque contractant) ; * Ententes tacites : les entreprises oprant gnralement dans le mme march dcident tacitement d'en respecter la rpartition gographique, ralisant presque une forme de rpartition "naturelle" du march. Il existe une espce de consensus et une volont nature lle de ne pas s'affronter. Les entreprises trouvent leurs intrts dans cet ordre tacitement tabli. Elle est suppose ralise sans accord pralable et surtout elle ne se rfre aucune preuve formelle. 1 3. Croissance externe La croissance externe, contrairement la croissance interne, sera caractrise par la notion d'acquisitions d'actifs dj combins et organiss, prts fonctionner, produisant un bien ou un service immdiatement. Nous dtaillerons la dfinition de la croissance externe dans la section suivante puisque c'est cette modalit de croissance que notre travail sera consacr. En conclusion, l'entreprise dispose de deux types de modalits de croissance : celle fonde sur l'intgration d'autres moyens de production qui viennent s'ajouter ceux de l'entreprise, moyens qui sont contrls par l'entreprise initiatrice, et celle faisant appel des pratiques relationnelles avec d'autres entreprises et cela sans aucun contrle.21 MORVAN Y., La Concentration de l'industrie en France, Ed. Armand Collin, Paris, 1972, p. 128. 22 L'O.P.E.P. (Organisation des Pays Exportateurs de Ptrole), appele aussi O.P.E.C. ( Organisation of Petroleum Exporting Countries) a t fonde en 1960 Bagdad et comprend douze membres : ArabieSaoudite, Irak, Iran, Kowet, Venezuela (les cinq membres fondateurs), Algrie, Emirats-Arabes-Unis, Indonsie, Libye, Nigeria et Q atar. L'objectif de l'organisation est de coordonner les politiques ptrolires : l'entente sur la fixation du seuil de production et la rpartition des quotas de production pour chaque membre.

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- intgration d'actifs : l'entreprise intgre dans sa structure soit des actifs isols d'occasion ou neufs ncessitant une combinaison avec ceux prexistants (croissance interne), soit un ensemble d'actifs dj organiss pouvant produire un bien ou un service immdiatement (croissance externe). Les lments ou l'ensemble ainsi intgrs dans l'ancienne structure constituent de fait une entit plus importante, sont dsormais sous le contrle de l'entreprise initiatrice. Ils sont, soit insrs dans la structure prexistante, soit regroups entre eux, crant ainsi une nouvelle entit pour l'occasion. Cette modalit de croissance permet une augmentation en volume des moyens de production ; - pratiques relationnelles : l'entreprise, au lieu d'intgrer des actifs isols ou des ensembles organiss, ou bien de les confier totalement au march, prfre s'unir avec d'autres entreprises (concurrentes ou non, c'est--dire du mme secteur ou non) pour raliser un objectif commun sur le long terme (alliance et partenariat).

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Schmatisation des diffrentes stratgies de dveloppement de l'entreprise

Diffrentes modalits de croissance de l'entreprise

Intgration des ressources (moyens production)

Intermdiaire entre le march et l'intgration des ressources

Croissance Externe

Croissance Interne

Croissance Conjointe

Les diffrentes stratgies peuvent tre excutes simultanment

Le choix de telle ou telle stratgie de dveloppement dpend de la politique gnrale de la croissance de l'entreprise, politique relevant de l'ambition des responsables et des exigences de l'environnement concurrentiel. La pratique d'une des deux modalits ne signifie pas automatiquement une croissance de l'entreprise en terme d'augmentation de son rsultat net (bnfice). Notre travail sera donc excl usivement orient sur l'une des stratgies : la croissance externe et plus particulirement la croissance externe horizontale. De ce fait, nous allons d'abord dfinir d'une manire plus prcise ce que l'on entend par croissance externe et aprs, nous nous concentrerons sur la problmatique de notre sujet de thse. Section 2. Concept de croissance externe Le concept de croissance externe est trs souvent associ plusieurs autres notions (concentration, fusion, prise de participation, O.P.A., etc.), ce qui conduit dans certains cas des confusions. Nous pensons qu'il est ncessaire de souligner d'abord ce qu'est la croissance externe en citant quelques dfinitions couramment utilises pour ensuite exposer notre propre dfinition et aprs, dcrire les diffrentes modalits juridiques qui lui sont associes. 2 1. Quelques dfinitions dj utilises Il faut rappeler certaines dfinitions pour pouvoir situer l'volution de cette croissance. La notion de croissance externe a pour origine la distinction faite par les

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conomistes anglo-saxons entre "external" et "internal" growth. 23 Dans la presque majorit des manuels de gestion et d'conomie industrielle ou des articles traitant la stratgie de dveloppement des entreprises, la dfinition de la croissance exte rne est souvent cite diversement selon les approches, l'origine des auteurs (franais ou anglo -saxons) et la problmatique choisie. Pour montrer la complexit et la diversit de cette dfinition, nous allons essayer d'en noncer quelques-unes. Notre choix est assujetti seulement des critres simples, porte sur quelques auteurs (parmi un ensemble) qui se sont plus ou moins intresss au sujet. Pour MORVAN Y., la croissance externe est considre comme le processus par lequel des units conomiques croissent en acqurant la proprit (ou le contrle) de capacits de production existantes et dj en fonctionnement24. TARON P. et VINCENT F. la dfinissent comme une forme de dveloppement intra ou extra-sectoriel prenant la forme d'acquisition d'actifs pralablement existants et oprationnels.25 Elle concerne l'acquisition d'un ou plusieurs ensembles dj existants et en fonctionnement (VANESSON P. 1990). Pour LABOURDETTE. A., la croissance externe se ralise par l'acquisition d'actifs existants et n'a dans l'immdiat aucun effet sur les capacits de production des secteurs.26, etc. Dans ces dfinitions, les notions de capacits de production dj fonctionnelles, d'acquisition d'actifs existants oprationnels et en fonctionnement, sont plus ou moins ambigus et peuvent tre attribues d'autres types de croissance. Pour souligner cette ambigut, prenons les exemples d'acquisition d'une chane de production dj en fonctionnement participant en partie au processus de production, ou l'acquisition d'un matriel que lconque d'occasion, etc. Certes, ils sont considrs comme des actifs existants oprationnels et en fonctionnement, mais ils ont besoin, par contre, d'tre combins d'autres actifs pour pouvoir produire un bien ou un service. Ce type d'acquisition s'inscrit dans la politique de la croissance interne ; il y a donc bien ambigut sur cette manire de dfinir la croissance externe. PATUREL R., (parmi les auteurs s'intressant le plus au phnomne de la croissance externe ), dans son article "Dlimitation de s concepts de croissance interne et croissance externe", confronte plusieurs dfinitions. Et travers les incohrences qu'il a souleves, il a propos une dfinition amliore : la croissance externe correspond toutes les acquisitions ou formes de contrle d'ensemble de moyens de production dj combins 27. Dans un article plus rcent, il a propos une dfinition mieux formule, en considrant la croissance externe comme tant une stratgie de croissance d'entits conomiques par acquisition ou prises de contrle d'ensemble de moyens de production dj combins et, donc, dj en fonctionnement. La croissance externe porte sur une capacit de production ralisant immdiatement (sans intervention) des biens et services, ce qui signifie que les lments acquis ou contrls

23 GABRIE H., Un Essai d'Explication de La Croissance Externe des Entreprises, Thse de Doctorat, Universit de Paris 1X, 1976, p. 23. 24 MORVAN Y., Fondements d'Economie Industrielle Ed. Economica, Paris, 1991, p. 187. 25 ARON P et VINCENT .F, "La Croissance Externe : analyse microconomique", Revue d'Economie Industielle, n 9 1979, pp. 101-113. 26 LABOURDETTE A., Stratgies d'Entreprise - une Analyse Micro-conomique, Ed., Montchrestien, 1989, p. 117. 27 PATUREL R., op. cit.

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sont obligatoirement d'occasion 28. L'auteur a beaucoup contribu la dfinition du concept de la croissance externe et permis dviter certaines confusions avec la croissance interne. La notion de "combinaison" est primordiale pour l'auteur afin de dfinir et distinguer ces deux modalits de croissance. La notion de combinaison est plus facilement associe des moyens matriels (des objets). Au cas o l'acquisition concerne une entit dont les moyens de production sont exclusivement composs des ressources humaines (entreprises de conseils), la notion de combinaison est mal adapte pour dfinir la croissance externe. La notion de croissance externe chez les anglo -saxons correspond l'appellation : "external growth". WESTON J. F., souligne que la croissance externe se rfre l'achat des actifs, la consolidation par fusion par bail, au moyen de prise de participation29. Mais dernirement, dans les travaux consacrs cette modalit de croissance, les termes frquemment utiliss sont : "mergers" ou "mergers and acquisitions", "consolidation" et "takovers", rarement external growth. Ce sont donc des notions qui relvent plus des formes juridiques de la croissance externe que nous allons exposer ultrieurement. Cette forme conduit trs souvent la confusion et dans certains cas l'opration est loin de correspondre la croissance externe (surtout lorsqu'on utilise le terme fusion). 2 2. Dfinition propose Ces diffrentes dfinitions nous ont aid mieux cerner les frontires des oprations de croissance externe par rapport surtout la croissance interne ou conjointe. En s'inspirant de ces diffrents travaux et plus particulirement de ceux de PATUREL R., nous allons asseoir notre analyse, pour dfinir la croissance externe, sur un choix parmi trois terminologies dfinissant l'entreprise : moyens (facteurs) de production, actifs et ressources. Les diffrentes dfinitions de la croissance externe optent plus pour les terminologies : moyens de production et actifs. La notion d'actifs a une connotation plus comptable et, de ce fait, elle se rfre plus aux informations inscrites dans le bilan de l'entreprise, en excluant tous les autres moyens ne pouvant figurer dans ce bilan (l'ensemble des moyens surtout invisibles internes et externes d e l'entreprise : marque, notorit, diffrents rseaux d'influence, ressources externes, etc.). Pour la notion de moyens de production, qui est une approche plus classique de la dfinition de l'entreprise, elle exclut implicitement aussi l'ensemble de ces moyens invisibles internes et externes de l'entit. Les deux terminologies ne dfinissent que partiellement le phnomne de la croissance externe car elles ne rendent pas compte de la ralit exacte de l'effet d'acquisition. Acqurir une entit ne se limite pas uniquement la possession de ses moyens internes et visibles, mais correspond l'acquisition de tout ce qui relve de ses moyens visibles, invisibles, internes, sous son contrle ou non mais avec une influence relle sur elle. Par consquent, nous pensons que dfinir, d'une manire plus juste et raliste, la croissance externe, ncessite l'utilisation d'une terminologie qui prend en compte l'ensemble des moyens (matriels et immatriels) visibles et invisibles internes et externes contribuant de s degrs d'influence divers, directement ou indirectement,28 PATUREL R., "Stratgie de Croissance Externe", in Encyclopdie du Management, Vuibert , 1990, pp. 407-418. 29 WESTON J. F., The Role Of Mergers In The Growth Of Large Firms, University of California Press, 1953, p. 3.

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aux diffrentes activits de l'entreprise. Ces diffrents moyens sont situs aux niveaux interne et externe (environnement extrieur) de l'entit, sont contrls ou non par elle. Nous pensons que l 'utilisation de la notion ressources pourra nous offrir une dfinition relle et plus juste de la croissance externe. Cette notion intgre bien l'ensemble des moyens internes et externes, directs et indirects, visibles et invisibles. L'approche de l'entreprise en terme de ressources a dj t utilise par PENROSE, en 1959. L'auteur dfinit l'entreprise comme un ensemble de ressources physiques et humaines. Une ressource est elle -mme dfinie par l'ensemble de ses utilisations relles et de ses utilisations potentielles (CAPRON L., 1996). GRANT R.M., suggre six principales catgories de ressources : ressources financires, ressources physiques, ressources humaines, ressources technologiques, rputation et ressources organisationnelles30. Nous considrons que les ressources d'une entreprise sont de deux natures : ressources internes et externes. A) Ressources internes : elles correspondent l'ensemble des moyens matriels et immatriels tangibles (visibles) et intangibles (invisibles) contrls par l'entreprise. Elles reprsentent le patrimoine de l'entreprise : ressources matrielles (actifs tangibles), ressources immatrielles (humaines), ressources immatrielles intangibles spcifiques l'identit de l'entreprise et ressources financires. a) Ressources matrielles (actifs tangibles) : elles correspondent aux ressources physiques comme les machines, les locaux, le terrain, la matire premire, les produits semi-finis, etc., c'est ce que ROMER (1995) appelle hardware (dur) ; b) Ressources immatrielles (humaines) : ces ressources sont subdivises en deux catgories : ressources immatrielles tangibles (savoir ou comptence tangible) et ressources immatrielles intangibles, c'est--dire savoir ou comptence tacite ; b1) Ressources immatrielles tangibles (savoir ou comptence tangible) : elles correspondent au savoir codifi, qui est reproductible, transmissible et peut tre copi. C'est le savoir qui chappe son dtenteur, ce que ROMER (1995) appelle software (doux) ; b2) Ressources immatrielles intangibles (savoir ou comptence tacite) : le savoir tacite fait partie de limmatriel humain. BOUTY, WIJK et WRIGHT, soulignent que la notion de "tacite" correspond la partie du savoir qui est exprime sans mots ni discours et a une forme implicite (indique mais non volontairement exprime). Il est considr comme un actif difficile articuler, spcifier ou expliquer. La notion de tacite, "tacitum" en latin, signifie le secret, le mystre, mais aussi le silence et ce qui est cach31. Le savoir tac ite est de facto difficile imiter et, pour le possder, l'unique solution est de se lapproprier. Le savoir tacite est intimement li son dtenteur, c'est un savoir incommunicable et moins ais saisir. Ce savoir est aussi appel par ROMER (1995) wetware (humide). Il reprsente une valeur ajoute spcifique un individu, qui accompagne et donne un plus ou valeur supplmentaire la mise en oeuvre du software. Les sources de ce savoir peuvent tre30 GRANT R.M., The ressource-based theory of competitive advantage : implications for strategy formulation, California M anagement Review, 33 (3), 1991, pp. 114-135. 31 BOUTY I., WIJK van G. et WRIGHT R. W., "Les principes du management des ressources fondes sur le savoir", Revue Franaise de Gestion, n105, 1995, pp. 70-75.

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d'origine "interne" et/ou "externe". Les origines dites "internes" sont essentiellement le fait du talent propre de lindividu, de la manire dont il utilise ses expriences, de son intuition et de ses capacits personnelles et spcifiques. Les origines dites "externes" sont surtout lies aux diffrentes conne xions que lindividu dveloppe lintrieur et lextrieur de lentreprise. Ceci par exemple dcoule de la possibilit davoir des liens avec des milieux influents tels que le pouvoir politique, intellectuel, scientifique et financier, etc. La connaissance de telles personnes permet laccs la rponse, la dlicate question que lon se pose sachant quelle nest crite nulle part. Elles peuvent aussi provenir dune rencontre ou dune observation impromptue (conjoncturelle). Elles correspondent lopportunit de "rencontrer" la bonne ide. Ce savoir tacite peut tre illustr par l'exemple de la cuisine. Le savoir tangible correspond la recette d'un plat : savoir facilement perceptible et identifiable. La possession de la recette ne donne pas pour autant un plat bien prpar, un mme rsultat pour deux cuisiniers. Ce qui les diffrencie est ce que l'on appelle "tour de main", le "savoir-faire" artisanal ou savoir tacite. C'est la partie de la recette non formalise, elle ne peut figurer sur la liste de s ingrdients. Deux individus ayant sensiblement le mme software donneront des rsultats diffrents du fait de la possession ingale du wetware. La personne ayant le wetware offrira des rsultats suprieurs ceux produits par celle qui en a moins ou pas du tout ; c) Ressources intangibles spcifiques l'entreprise : ce sont des ressources qui correspondent l'identit et la spcificit d'une entreprise, soit toutes les ressources qui relvent de la marque, la notorit (le prestige et la forte image de l'entreprise), la culture d'entreprise, le pouvoir comptitif, laccumulation dinformation sur les clients, la haute qualit des produits 32. Elles correspondent aussi aux diffrents rseaux d'influence (rseau relationnel spcifique avec les politiques, les banques, les assurances, les clients, les fournisseurs, etc.) qu'une entreprise met en place avec le temps. Elles ne sont certes pas contrles par l'entreprise mais elles sont considres comme tant des ressources internes indirectes. Ces ressource s intangibles spcifiques l'identit de l'entreprise ne sont pas disponibles sur le march, elles sont propres chaque entreprise : elles reprsentent le diffrentiel concurrentiel entre les entits. Dans un environnement ouvert et sans frontires visibles, elles sont considres comme une composante non ngligeable, un avantage concurrentiel pour une entreprise et sont souvent difficilement attribuables une fonction prcise car elles peuvent tre prsentes d'une manire invisible dans n'importe quelle fonction. Par exemple la gestion de la notorit peut se situer au niveau de la fonction production (respect de la haute qualit, etc.), de la vente (en terme de publicit et de slection des rseaux de distribution), des ressources humaines (viter des conflits et des grves rptition qui peuvent nuire la marque), etc. Il existe donc une difficult srieuse de classement de ce type de ressources, et de ce fait, nous supposons qu'elles sont prsentes des degrs diffrents l'intrieur des diffrentes fonctions de l'entit. Si les diffrentes ressources tangibles sont facilement identifiables et leur fonction clairement dfinie, les ressources intangibles (immatrielles ou spcifiques l'identit de l'entreprise) sont trs difficiles quantifier. D'ailleurs, elles n'apparaissent pas dans le bilan financier de l'entreprise.

32 ITAMI H., Mobilising invisible assets, Ed., Harvard University Press, Massachusetts, 1987, p. 1.

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Les diffrentes ressources matrielles et immatrielles internes de l'entreprise peuvent tre classes en ressources directement et indirectement productives. - Ressources directement productives : cest l'ensemble des ressources immatrielles et matrielles (physiques) de l'entit impliques directement dans la production, la transformation des matires premires et des semi-produits, ce qu'on appelle la fonction technique de l'entreprise : fonction production. Cette fonction est compose essentiellement de trois sous -fonctions : tudes techniques (tudes des produits, des procds, des mthodes de fabrication, de standardisation, etc.), production (prparation du travail, ordo nnancement, lancement, fabrication et contrle) et entretien (tudes des mthodes d'entretien de type correctif, prventif et palliatif) ; - Ressources indirectement productives : cest l'ensemble des ressources matrielles et immatrielles de l'entit non impliques directement dans la production d'un bien ou d'un service. Elles correspondent aux fonctions commerciale (vente), approvisionnement (achats), personnel, finance et comptabilit, fonction administrative et fonction de recherche et dveloppement (prsente gnralement dans les grandes entreprises). GERBIER J.33, dfinit sommairement les diffrentes fonctions de la manire suivante : * fonction commerciale (vente) : elle est compose d'un ensemble de sous -fonctions : tudes commerciales (tudes de march, de produits, de marketing : publicit, promotion, etc.), actions commerciales (animation et promotion des ventes, publicit), services de ventes (prospection, ngociation), administration des ventes (enregistrement et gestion des commandes, gestion des stocks des produits finis, etc.), service aprs-vente (dpannages, entretiens priodiques, gestion des pices dtaches). Si la taille de l'entreprise est importante, les fonctions marketing et commerciale sont spares (indpendantes). Dans notre travail nous distinguons les deux fonctions ; * fonction approvisionnement : elle est compose d'un ensemble de sousfonctions : services des achats (plans d'approvisionnements, tude de marchfournisseur, ngociation et suivi des commandes, etc.), services magasins (rception des livraisons-fournisseurs, distribution aux utilisateurs, manutention), gestion des stocks ; * fonction personnel : elle est compose d'un ensemble de sous -fonctions : tudes des ressources humaines (bilan social, tudes statistiques, tudes socio psychologiques), gestion des ressources humaines (plan de recrutement, dfinition et cotation des postes de travail, salaires, notation du personnel, planification des carrires, affectation et promotions), service et oeuvre sociaux ; * finance et comptabilit : elle est compose d'un ensemble de sous fonctions : comptabilit gnrale (tenue des comptes, tablissements des bilans et comptes de rsultats), gestion financire (plans de financement moyen et long terme, gestion de la trsorerie), comptabilit analytique (tablissement de tableaux de

33 GERBIER J., Organisation et fonctionnement de l'entreprise, Ed Tec & Doc, 1993, Paris, p. 93.

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bord analytiques, calcul des cots, des marges, etc.), gestion budgtaire (coordination et tablissement des budgets, etc.) ; * fonction administrative : elle est compose de l'administration gnrale (services statistiques, contentieux, assurances, etc.,), des services gnraux (service du courrier, archives, gestion des immeubles, etc.), des services des auxiliaires de direction gnrale (service central d'organisation, d'tudes conomiques, planification stratgique, secrtariat gnral, etc.). Pour simplifier, dans notre travail nous utiliserons la notion de fonction direction gnrale. Les diffrentes ressources internes de l'entreprise conditionnent le dveloppement de l'entreprise et inversement, le processus de dveloppement de l'entreprise faonne les ressources qui deviennent spcifiques leur contexte organisationnel. Ce processus de croissance spcifique chaque entreprise confre aux ressources leur caractre unique et idiosyncratique (PENROSE E.T., 1962). Les ressources internes sont spcifiques chaque entreprise, ne sont pas supposes compltement identiques mme pour les entreprises qui proposent des produits similaires. Il existe toujours des spcificits propres. B) Ressources externes : c'est l'ensemble des ressources non contrles, non rmunres par l'entreprise, spcifiques la localisation de l'entreprise. Ces ressources peuvent tre naturelles ou/et gnres par l'action des autorits publiques locales, des organismes supranationaux, des entreprises, etc. Elles peuvent avoir un caractre visible ou invisible, et ont une forte influence sur la qualit et les cots du produit, le march de l'entreprise. Les ressources naturelles correspondent la proximit et labondance des matires premires, aux conditions climatiques favorables, l'accs la mer, l'appartenance du pays une zone stratgique sur le plan conomique et gopolitique, la localisation stratgique du pays par rapport aux pays qui l'entourent, etc. Les ressources rsultant de laction de l'Etat ou d'autres autorits, sont gnres par les diffrents investissements matriels et immatriels relevant du domaine de lducation (universits, grandes coles d'ingnieurs, centres de formation, etc.), de linfrastructure routire, des tlcommunications, etc. Les ressources externes, mme si elles ne sont pas contrles par l'entreprise, ont une influence certaine sur sa vie. Certaines composantes de ces ressources peuvent avoir un effet positif et d'autres, ngatif en terme de comptitivit au sens large pour l'entreprise. Cette classification des ressources nous amne introduire un autre critre pour les distinguer : leur disponibilit ou non sur le march. L'ensemble des ressources tangibles (matrielles et immatrielles) peut tre acquis sur le march par une entreprise, par lment mais srement pas en bloc organis (sauf par acquisition de lentit). Tandis que les ressources intangibles organises (dans le sens o elles sont insres dans un environnement organis) sont considres comme spcifiques l'entit dtentrice, elles ne sont donc pas disponibles sur le march ou difficiles acheter d'une manire isole. Elles sont accessibles uniquement en acqurant l'entit laquelle elles appartiennent (opration de croissance externe). Il est difficile d'imaginer acqurir des lments individuels tels que marque, rputation, savoir tacite, etc. travers le march.

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Diffrentes composantes des ressources d'une entit- Ressources matrielles : tangibles

Ressources Internes(sous contrle de l'entit)

- Ressources immatrielles (humaines)

intangibles (tacites)

- Ressources spcifiques l'identit de l'entit (marque, notorit, etc.) - Ressources financires

Ressources d'une entit- Ressources naturelles (non contrles par l'entit)

Ressources Externes(Spcifiques la localisation de l'entit) - Ressources gnres par l'action des diffrentes autorits (Etat, etc.)

L'analyse de l'entreprise en termes de ressources internes et externes, visibles (tangibles) et invisibles (intangibles), cest--dire, en termes de disponibilit ou non sur le march nous permet de donner une dfinition de la croissance externe plus complte et plus proche de la ralit du vrai sens de l'acquisition d'une entit. Par consquent, nous pouvons proposer une dfinition rduite et une autre large. La dfinition rduite sera limite aux ressources internes de la cible (ressources sous contrle de la cible) et la dfinition large prendra aussi en compte les ressources externes de la cible, mme si elles chappent au contrle de la cible, donc de l'acqureur. - Dfinition troite : la croissance externe est une opration d'acquisition d'un ensemble o u sous-ensemble de ressources internes dj organises d'une entit pouvant produire immdiatement un bien ou un service. Cette acquisition est faite, soit d'une manire totale sous forme de fusions (absorption, apport intgral ou partiel de ressources et scission), soit d'une manire partielle par prise de contrle travers des prises de participation. Certes, dans la dfinition de la croissance externe, la notion d'acquisition se limite uniquement aux ressources internes car le contrle est exerc uniquement ce niveau. Nanmoins, il faut signaler que la croissance externe permet aussi indirectement d'accder aux ressources externes de l'entreprise acquise. En plus donc du contrle que l'acqureur exerce sur les ressources internes de la cible, la

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crois sance externe lui permet aussi d'endogniser les ressources externes de la cible (accs aux diffrents avantages externes de la cible sans en tre le propritaire). De ce fait, dans notre dfinition large de la croissance externe, nous intgrons l'effet mcanique de l'acquisition : accs aux ressources externes de la cible. D'ailleurs, lors des acquisitions, l'acqureur porte un intrt trs particulier la nature des effets des ressources externes sur la cible. Si les effets sont ngatifs, l'acqureur ne prend certainement pas le risque de raliser l'opration. Les ressources externes sont donc une composante de l'opration d'acquisition. Dfinition large : la croissance externe horizontale est une opration de prise de contrle d'un ensemble ou sous-ensemble de ressources internes dj organises d'une entit pouvant produire immdiatement un bien ou un service, et d'endognisation de ses ressources externes. Cette acquisition est faite, soit d'une manire totale sous forme de fusions (absorption, apport intgral ou partiel de ressources et scission), soit d'une manire partielle par prise de contrle travers des prises de participation.

2 3. Types dacquisition Ces deux dfinitions mettent en vidence deux techniques d'acquisition : totale (fusions) et partielle (prise de contrle). Ceci nous amne expliciter ce que l'on entend par acquisition totale et partielle. Pour dfinir le concept de la croissance externe, nous avons donc opt pour la terminologie ressource au lieu de celles dites actifs ou moyens de production. Nous supposons que la notion ressource met plus en valeur limplication de lensemble des moyens visibles, invisibles, internes et externes de lentit participant la production dun bien ou dun service, que les notions actifs et moyens de production. La croissance externe peut tre ralise avec deux formes dacquisition : acquisition totale (fusion) et acquisition partielle (prise de contrle). De ce fait, dfinir la croissance externe revient dfinir les deux formes d'acquisition. Dans notre travail, dans le cas o il n'est pas ncessaire de spcifier la notion de ressources matrielles et immatrielles directement et indirectement productives, nous allons, par souci de simplification, utiliser simplement la notion ressource. 2 3 1. Acquisition totale Cela signifie que la proprit d'un ensemble ou sous-ensemble de ressources dune entit est transfre totalement une autre entit. Ce transfert de ressources est physiquement aisment identifiable, l'opration est visible. Pour que l'acquisition totale d'un ensemble ou sous -ensemble de ressources conduise une opration de croissance externe, celui-ci doit rpondre aux diffrentes caractristiques suivantes : * il est dj organis , pouvant donc produire immdiatement un produit ou un service, sans avoir besoin de l'associer d'autres ressources. Il est insr soit immdiatement dans l'entit prexistante, soit dans une structure nouvellement cre pour l'occasion ;

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* il ne doit pas appartenir des ressources intern es de l'entreprise, car cela reprsenterait simplement une rorganisation interne de cette entreprise : de ce fait, toutes les oprations de restructuration interne sont exclues. Par consquent, les fusions de filiales appartenant au mme groupe ne seront pas considres comme des oprations de croissance externe ; * les ressources transfres sont automatiquement accompagnes du transfert de leur contrle (changement de propritaire). Le nouveau propritaire est dsormais le seul responsable de leur utilisation et des rsultats qui en dcoulent. Par consquent, toutes les oprations de croissance conjointe (partenariat et alliance) ne sont pas considres comme tant des oprations de croissance externe du fait que chaque partie contractante est indpendante. L'acquisition totale est ralise sous diffrentes formes de transfert de ressources dj organises d'une manire irrversible : fusions par absorption, par apport total ou partiel de ressources combines et par scission. Nous supposons que les oprations de croissance externe se feront entre deux entits A (appele acqureur) et B (appele cible). La fusion, au sens juridique du terme, runit sous une mme personnalit juridique le patrimoine de deux ou plusieurs entreprises. - Fusion par Absorptio n : la croissance externe est ralise travers l'absorption totale de l'entreprise B par A et le nouvel ensemble garde la personnalit morale de lacqureur A. L'entit B se trouve dissoute. C'est une opration gnralement ralise entre deux entreprise s ayant des diffrences significatives de taille ; - Fusion par Apport Intgral de ressources (fusion) : la croissance externe est ralise par un regroupement intgral des entits A et B, pour ne former qu'un seul nouvel ensemble C contrl par l'une d'e lles. La personnalit morale de ce dernier diffre de celles des entreprises qui la composent et qui se trouvent par contre dissoutes. C'est une opration gnralement ralise entre deux entreprises ayant approximativement la mme taille, opration souvent appele simplement fusion. La croissance externe est effective si l'une des deux prend le contrle de l'autre ; - Fusion par Apport Partiel de ressources : la croissance externe est ralise par A soit en acqurant simplement une partie B1 de la cible B (la cible ne cde qu'une partie combine de ses ressources), soit chacune des deux entits apporte une partie de leur ressources pour former le nouvel ensemble (A1 pour A et B1 pour B). Le contrle du nouvel ensemble revient lentit A suppose avoir le plus dapports. Dans chaque cas, soit le nouvel ensemble garde la personnalit morale de lune des deux entits (gnralement celle de lentit qui assure le contrle de lensemble), soit une nouvelle appellation lui est attribue ; - Fusion par Scissions : la scission d'une entreprise (entreprise scinde) correspond une opration d'clatement intgral ou partiel de ses ressources en diffrents sous -ensembles combins, soit insrs dans deux ou plus entreprises prexistantes, soit regroups dans plusieurs entits nouvellement cres pour

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l'occasion. Les ressources des deux entits (gnralement celles de la cible) sont dcoupes en blocs de ressources combines homognes appels aussi appartements. Opration de croissance externe travers la fusion par scissions.Opration de scission partielle de A A1 Cas (1) E D A3 B1 B = B1+B2 D = E+A3+B1 B1 B2 Opration de scission totale de B C = A2+B2 A2 Cas (2) A3 A = A1+A2+A3 A2 C B2

La croissance externe est ralise par un regroupement des diffrents sousensembles ou appartements issus de l'clatement d'entreprises. Bien sr, on suppose qu'une des entreprises scinde contrle la nouvelle entit travers son apport considr comme plus important. Dans cette reprsentation schmatique, nous avons mis en vidence les oprations de croissance externe travers les scissions partielle (A) et totale (B) des entreprises : les sous -ensembles scinds peuvent tre apports une entreprise prexistante (E), c'est le cas (1), ou une entreprise nouvellement cre (C), c'est le cas (2). - Cas (1) : la croissance externe est ralise par A en regroupant un de ses sousensembles A3 avec B1 de B et la totalit de E. L'entit A (contrlant toujours A1 et A2) assure le contrle du nouvel ensemble travers A3 (restant toujours sous son contrle) et, quant sa personnalit morale, soit il garde toujours celle de A, soit il en prend une nouvelle, par exemple D. - Cas (2) : la croissance externe est ralise par A en regroupant un de ses sousensembles A2 avec B2 de B. Le nouvel ensemble C ainsi constitu est contrl par A travers A2. Dans ces diffrents cas d'opration de croissance externe, nous avons assist deux oprations de scission (comme le montre le schma). D'une part, une opration de scission partielle : l'entreprise A est scinde en trois sous -ensembles, A2 qui s'associe avec B2, A3 avec E et B1, et A1 permet A de subsister. D'autre part, une opration de scission totale : l'entreprise B disparat compltement en se scindant en deux sous -ensembles, B1 qui s'associe avec E et A3, B2 avec A2. Les entits concernes par ce type de modalit sont celles qui pratiquent la diversification au

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niveau de le urs activits. Elles offrent la possibilit d'tre compartimentes en blocs d'activits en fonctionnement (par appartement), et donc de faciliter la pratique de la scission. 2 3 2. Acquisition partielle Avec l'existence de la forme de socits par actions 34, l'entreprise dispose d'un outil juridique de croissance externe efficace : acquisition partielle. Dans ce cas, l'entreprise choisit d'acheter seulement une partie de l'entreprise cible travers des prises de participation, mais une participation qui lui permet de la contrler. L'acqureur est appel "parent company", c'est--dire socit mre et l'entreprise cible est considre comme une "subsidiary company", c'est--dire filiale. Si l'acqureur achte la totalit de la cible, elle sera considre comme "wholly owned subsidiary", c'est--dire filiale cent pour cent (dans ce cas, c'est une acquisition totale). Pour un observateur extrieur, les acquisitions partielles ne sont pas des oprations visibles physiquement, elles sont donc moins perceptible s. Pour que ces oprations d'acquisition soient considres comme tant des oprations de croissance externe, elles doivent rpondre aux caractristiques suivantes : * la prise de participation correspondant l'acquisition d'une partie de l'entit doit absolument entraner le contrle de l'ensemble de l'entit. Il faut aussi se mfier de la notion d'acquisition tout court, car si l'acquisition ne permet pas une prise de contrle, l'opration ne sera pas qualifie de croissance externe ; * la partie acquise appartient une entit pouvant produire un bien ou un service immdiatement ; * la participation ne doit pas concerner une entreprise dj contrle, car cette participation n'aura aucun effet nouveau sur la structure de contrle. De facto, toutes le s augmentations de participation sur une entit dj contrle ne constituent pas des oprations de croissance externe, mais simplement des augmentation de parts de bnfice dans l'entit. 2 3 2 1. Types de contrle et dfinition de la prise de contrle Les oprations de croissance externe de type acquisition partielle dpendent de la nature du contrle que la prise de participation peut offrir l'acqureur. La notion de contrle est donc un lment indispensable pour savoir si l'opration est de type e xterne ou non. De ce fait, il est important de prciser les diffrents types de contrle et de prise de participation conduisant des oprations de croissance externe. PILVERDIER-LATREYTE J., met en vidence trois types de contrle : le contrle juridique , le contrle effectif et le contrle technocratique.35

34 L'action est dfinie comme tant "un titre dlivr par une socit de capitaux qui confre son dtenteur la proprit d'une partie du capital avec tous les droits attachs cette proprit". Voir Lexique de Gestion, Ed., Dalloz, Paris, 1986, p. 8. 35 PILVERDIER-LATREYTE J., Le march Financier Franais, Ed., Economica, Paris, 1991, p. 240.

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- contrle juridique : le droit franais des socits stipule que le pouvoir de prendre toutes les dcisions importantes (stratgiques, etc.), autres que celles de gestion quotidienne, est exerc par les assembles gnrales des actionnaires. Il existe deux types d'assemble gnrale, l'une est de l'ordre ordinaire, les dcisions sont prises la majorit simple, l'autre est de l'ordre extraordinaire, les dcisions sont prises la majorit qualifie, aux 2/3 des voix. Le contrle de manire absolue d'une entreprise ncessite une dtention de 66,6% du capital (c'est la raison pour laquelle 33,3% sont considrs comme une minorit de blocage). Dans le principe de contrle juridique, le contrle de l'entreprise de manire absolue correspond plus de 66% des voix, de manire majoritaire plus de 50% de voix et de manire minoritaire moins de 50% ; - contrle effectif : il est pris au sens large par rapport au contrle juridique qui est identifi la dtention du capital ou au nombre de voix. Le contrle effectif se dfinit comme la possibilit de peser dans les dcisions stratgiques ou de politique gnrale de l'entreprise ; il ne dpend pas de la dtention de la majorit du capital (actions), mais de la quantit dtenue par rapport aux autres actionnaires et surtout du droit de vote qu'elle reprsente. Plus la dispersion du capital est importante, plus la dtention d'actions ncessaires une prise de contrle est faible, le pourcentage de titres que A doit dtenir pour avoir le contrle de B dpend de la rpartition plus ou moins grande des titres de la socit B et de la possibilit qui s'offre A de constituer un groupe d'intrts au sein de l'assemble gnrale des actionnaires 36. Le contrle dpend donc du degr de dispersion du capital de l'entreprise en question, du droit national auquel elle est soumise et du statut des actions dtenues : une participation minoritaire (ne dpassant donc pas les 50%), mais importante par rapport au reste des participations plus disperses, permet l'exercice du contrle de l'entreprise ; - contrle technocratique : PILVERDIER-LATREYTE J., caractrise ce type de contrle par une large diffusion des titres dans le public, qui entrane une dissociation entre contrle et proprit. L'entreprise se trouve dans une situation, soit de forte dilution de son capital, soit ses principaux actionnaires sont des institutionnels (assurances, caisses de retraite, etc.) et par leur statut, ils s'abstiennent d'intervenir dans s a gestion interne et dans les grandes orientations de sa politique gnrale. Pour ce faire, les managers (la "technostructure") jouissent d'une grande autonomie vis --vis du capital, et en consquence, les dcisions stratgiques sont prises par eux -mmes. 2 3 2 2. Diffrents cas de prises de contrle - Dfinition de la prise de contrle : la prise de contrle aboutit soumettre une socit qui garde son individualit (ne serait-ce que par son existence juridique autonome) un pouvoir extrieur elle -mme 37. C'est une forme d'achat d'un sousensemble d'entreprise travers des prises de participation permettant d'exercer un contrle oprationnel. Cette forme d'exercice de contrle est dfini comme tant la dtention du nombre de droits de vote qui est requis pour la dsignation des36 ANGENIEUX G., Les Fusions et l'Evaluation des Entreprises, Ed., Dunod, Paris, 1970, p. 13. 37 De MONTMORILLON B., Les Groupes Industriels - Analyse Structurelle et Stratgique, Ed., Economica, Paris, 1986, p. 17.

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dirigeants et donc pour la dtermination des choix politiques de l'entreprise 38. Les prises de participation conduisant une prise de contrle peuvent tre simples, croises, en cascade, circulaires ou une combinaison de celles-ci. La prise de participation est suffisante pour donner le pouvoir dans l'entreprise, c'est--dire la majorit de voix (contrle juridique), ou correspond un nombre de titres tel que celui-ci permette d'avoir la matrise relle de l'entreprise (contrle effectif). - Prise de participation simple ou multiple : une entreprise prend des participations dans une autre sans que cette dernire exige la rciprocit (prise de participation simple), ou bien elle en prend dans plusieurs sans que ces dernires exigent aussi la rciprocit (prises de contrles multiples). Dans les deux cas, nous sommes en prsence de prise de participation sens unique ; - Prise de participation croise : il y a une prise de participation rciproque entre entreprises lorsque chacune dtient dans l'autre une participation. L'entreprise A ralise une prise de participation B1 dans B et rciproquement B ralise une prise de participation minoritaire A2 dans A. Ainsi la croissance externe est effectue par A en prenant le contrle de B travers la prise de participation B1 ; - Prise de participation en cascade : une entreprise prend une participation dans une autre, elle -mme possde une prise de participation dans une troisime, etc. La croissance externe est ralise d'une part par A en prenant le contrle de B travers la participation