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Sylvain Morvan Marwan Chahine Antoine Lannuzel L’HÔPITAL, UN SERVICE PUBLIC A LA FRANÇAISE Un concours de la fondation d’entreprise Crédit social des fonctionnaires Sylvain Morvan - Marwan Chahine - Antoine Lannuzel Ecole de journalisme de Toulouse

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Sylvain MorvanMarwan ChahineAntoine Lannuzel

L’HÔPITAL,UN SERVICE PUBLIC A LA FRANÇAISE

Un concours de la fondation d’entreprise Crédit social des fonctionnaires

Sylvain Morvan - Marwan Chahine - Antoine LannuzelEcole de journalisme de Toulouse

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1/ Que reste-t-il de l’hôpital à la française ?

ongtemps, l’hôpital public a fait figure de joyau des services publics à la française. Il a même été, et demeure pour beaucoup de Français, un symbole de fierté nationale, un modèle d’égalité sociale et territoriale doublé d’une

excellence dans la pratique et la formation. Qui n’a pas eu écho de ces Anglais traversant la Manche pour bénéficier de soins de qualité dans l’hexagone ? 

LCet Eden semble pourtant loin : coûteux, mal géré, inadapté ou pas assez efficace, les griefs contre l’hôpital se multiplient depuis une dizaine d’années. Justifiées ou non, elles ternissent l’image de cette institution centrale des services publics. A l’étranger aussi, l’hôpital français semble avoir perdu de sa superbe. Lors de sa rude campagne en vue de réformer le système de santé américain, le Président Barack Obama n’a jamais fait référence au modèle français. Le nouveau pensionnaire de la Maison Blanche a préféré évoquer les systèmes danois ou néerlandais, où l’autonomie et la concurrence des établissements de soins est plus grande. 

Plusieurs réformes politiques ont été engagées ces dernières années pour “moderniser” le service public hospitalier. Concrètement, elles visent à réduire les coûts en optimisant les moyens de l’hôpital public et en transformant son système de gestion. Sauf, qu’inappropriées ou mal comprises, concentrées sur des problématiques économiques, ces réformes suscitent la méfiance voire l’hostilité de bon nombre de personnels soignants ainsi que de la société civile. Ils y voient une menace pour l’hôpital public dont ils craignent qu’il soit bientôt soumis à une logique de marché et de rentabilité et par là même qu’il perde ce qui a fait sa grandeur : son caractère public.

En schématisant, l’équation se compose de deux éléments : l’hôpital à un coût, la santé n’a pas de prix. Toute la difficulté réside dès lors dans l’articulation de ces deux propositions. 

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Photo : Antoine Lannuzel

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L’idée du service public hospitalier est tellement ancrée dans les esprits qu’on oublie souvent que l’hôpital public est récent et soufflera “seulement” ses 40 bougies le 31 décembre prochain même si son histoire est plus ancienne et que les valeurs et les missions qui sous-tendent ce service public se sont forgées dans la durée (voir ci-contre). Au premier chef duquel, le droit constitutionnel de chacun à la protection de sa santé, quels que soit ses revenus.

Il en résulte un principe d’égalité sociale et territoriale. Parmi les principales missions de l’hôpital public, l’accueil social 24h/24, les soins dans la continuité et le respect de la dignité de chacun mais également l’enseignement et la recherche.  Particularité française, les missions du service hospitalier sont partagées entre l‘hôpital public et l’hôpital privé. Ce sont ces missions qui ont fait l’excellence de l’hôpital public. Et les résultats suivent.

L’espérance de vie des Français est une des plus longues du Monde (84,5 pour les femmes et 77,6 pour les hommes). Encore plus significatif : selon un sondage réalisé par l’institut CSA en 2009, 77% des Français ont confiance dans l’hôpital public tandis que seul 6% des personnes interrogées n’ont pas du tout confiance. Chez un peuple réputé râleur, c’est le signe que les choses ne sont pas si catastrophiques. Pourtant, les raisons de s’inquiéter ne sont pas des vues de l’esprit.

En premier lieu parce que l’hôpital public coûte cher. Les soins hospitaliers représentent près de la moitié des dépenses de santé. Celles-ci n’ont cessé de croître en raison d’un perfectionnement de la connaissance et de la technique médicale ainsi que d’une meilleure “solvabilisation” dans la demande des soins grâce à l’assurance maladie. Entre 1950 et 1982, elles sont passées de 2% à 8 % du Produit Intérieur Brut. Elles représentent aujourd’hui près de 10 %, ce qui atteste d’un ralentissement dans l’augmentation des dépenses ces dix dernières années. Pourtant, l’hôpital coûte chaque année un peu plus cher. Le phénomène devrait aller crescendo avec le vieillissement de la population. Les “aînés” (plus de 65 ans)

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Les grandes dates de l’hôpital public

1794 La Révolution française nationalise les hôpitaux qu’elle juge être des lieux d’aliénation antirépublicains. L’expérience ne dure que deux ans et la gestion des hospices est confiée aux municipalités.

1851 Sous la IIe République, l’hôpital passe de la charité à l’assistance, une notion qui prévaut toujours aujourd’hui.

1941 C’est sous le régime de Vichy que l’hôpital s’ouvre aux malades payants. L’hôpital remplace officiellement et définitivement l’hospice.

1958 La réforme Debré crée la médecine hospitalo-universitaire en instaurant le temps plein médical.

1970 Naissance légale du service public hospitalier. Les hôpitaux privés acquièrent un statut et peuvent participer aux missions de service public. L’hôpital se dote d’un cadre juridique précis.

1983 Conséquence de la crise économique, mise en place du budget global pour encadrer les dépenses de santé publique.

2002 Le plan Hôpital 2007 est lancé avec un souci de rationaliser les dépenses et la gestion des hôpitaux publics.

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comme il est désormais d’usage de les appeler, forment le tiers des usagers de l’hôpital. Sans compter que la prise en charge de personnes âgées, qui représentent une grande partie des longs séjours et des soins palliatifs, est particulièrement coûteuse. A cela, il convient d’ajouter les déficits croissants de nombreux hôpitaux. Il y a un consensus assez large autour de l’idée que les finances ne pouvant s’étendre sempiternellement, il convient de limiter les dépenses. Là où le bât blesse, c’est lorsqu’il s’agit de déterminer où effectuer des économies. Il convient donc d’examiner de façon non exhaustive les points qui font polémiques mais surtout à même de remettre en cause les conditions d’existence de l’hôpital public ou l’exercice de ses missions de service public.

Souvent pointée du doigt, la gestion financière de l’hôpital serait à l’origine de nombre des dysfonctionnements. En cause, l’ancien système de tarification - à la journée dans l’hôpital public, au forfait dans l’hôpital privé- critiqué pour engendrer des inégalités entre les hôpitaux mais aussi pour ne pas prendre en compte le coût réel de l’activité. C’est dans cet esprit et dans la continuité de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finance) que le système de tarification à l’activité (T2A), avec un alignement du privé et du public a été mis en place et c’est par son biais que se financent les établissements publics de santé. Initialement prévu pour 2012, il est d’ores et déjà effectif.

Sauf qu’au-delà des retards pris dans l’évaluation des coûts, il est très critiqué par les personnels de santé qui estiment que ce système est contre productif dans la mesure où certaines prestations sont sous-évaluées entraînant beaucoup d’établissement publics de santé dans des déficits importants. Le risque étant d’autant plus grave qu’il peut à terme entraîner une réduction des séjours de longue durée peu rentables et par là remettre en cause le principe d’égalité sociale mais aussi la qualité des soins. Certes, l’hôpital public peut gagner en efficacité mais il ne doit pas céder à la tentation du productivisme sous peine de se renier et de ne plus pouvoir faire machine arrière. 

L’autre domaine sur lequel les pouvoirs publics espèrent bien pouvoir faire des économies  concerne le nombre de fonctionnaires. L’hôpital public compte un effectif médical total de 101.800 personnes auxquels s’ajoutent près de 700.000 personnels non médicaux. Un chiffre en progression quasi continue et en forte augmentation depuis 2001 et l’application de la loi relative à la réduction du temps de travail. Elle a engendré des embauches dont 80% de personnel soignant. Sauf que son application n’est pas sans poser des problèmes d’organisation et de coûts en raison notamment des heures accumulées par les fonctionnaires hospitaliers. 

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Pour la première fois, 1800 emplois ont été supprimés l’année dernière, suscitant l’ire des personnels soignants. La question ne doit pourtant pas se focaliser sur le nombre en lui-même mais doit prendre en compte la gestion des ressources humaines en se demandant s’il existe une marge d’amélioration de la gestion des effectifs. Une circulaire visant à évaluer les effectifs prévisionnels a été initiée en 1997 afin d’anticiper le vieillissement de la population mais également le départ en retraite de nombreux fonctionnaires de l’hôpital public. Le fait est qu’il y a en la matière en manque de clarté malgré le travail de la Mission national d’audit et d’expertise hospitalier (MEAH, voir ci-contre).

Il serait présomptueux d’affirmer que l’hôpital peut fonctionner aussi efficacement avec moins de fonctionnaires. En revanche, il y a un besoin urgent de transparence et de lisibilité en la matière car si les besoins en personnel sont mal identifiés, le risque est fort que les emplois soient mal répartis. D’autant qu’il manque plus de monde dans certaines professions que dans d’autres (infirmières) et que des déséquilibres existent entre les établissements. La création d’outils de gestion performants au niveau régional et national apparaît donc comme une priorité pour garantir la pérennité mais aussi .

Tous ces aspects touchent aux conditions économiques nécessaires à la survie de l’hôpital. “Des enjeux cruciaux” reconnaissent les personnels hospitaliers rencontrés mais qui ne doivent pas faire oublier les problématiques de santé. C’est d’ailleurs une des raisons de la grogne qui s’est exprimée contre les plans hôpital 2007-2012. On peut estimer que si les questions de santé ne sont pas au centre des préoccupations de réforme, c’est aussi parce que dans l’ensemble, l’hôpital soigne bien et répond par là à ses missions de services publics. Il n‘empêche que des défaillances existent. Nous nous concentrons ici sur un point hautement significatif : les Urgences.

Le fonctionnement des Urgences a fait l’objet d’âpres débats ces dernières années notamment lors de la canicule de l’été 2003. En tant qu’elles sont ouvertes 24h/24 et qu’elles accueillent tout le monde sans discrimination, les Urgences sont un élément central de l’hôpital public. Mais c’est également un révélateur des insuffisances dans la prise en charge des malades en amont comme en aval. En effet, de nombreuses personnes, souvent dans des situations sociales difficiles, se rendent aux Urgences au dernier moment alors qu’elles souffrent de pathologies multiples. Cela est souvent le signe qu’elles n’ont pas eu de suivi médical extérieur. Ce qui n’est pas sans poser problème à l’hôpital même si ces situations attestent d’une grande confiance de la population envers le service hospitalier. En effet, de plus en plus spécialisé, l’hôpital

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La Mission nationale d’expertise et d’audit hospitaliers (MEAH) a été créée en mai 2003 dans le cadre du Plan Hôpital 2007. Rattachée au Ministère de la santé, elle aide les établissements de santé publics et privés à améliorer leur organisation. Elle est financée par le Fonds de modernisation des établissements de santé public et privés (FMESPP). Son but : concilier qualité du service et efficience économique.

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public n’est plus vraiment adapté à traiter des maladies multiples. Le risque existe qu’on se retrouve avec un hôpital à deux vitesses. Un hôpital hospice, prenant en charge les plus démunis pour des pathologies multiples d’un côté, un hôpital perfectionné de l’autre. Surtout qu’à l’intérieur même des services d’Urgences plusieurs problèmes se posent : pas assez de lits dans certains établissements, manque de personnels, difficile réorientation... Autant d’éléments à même de remettre en cause les missions de l’hôpital et qui requièrent un traitement urgent.

Autre aspect, rarement évoqué mais non moins crucial : le respect de la dignité de chacun. Au delà des problèmes de maltraitance récemment pointés du doigt par un rapport de la Haute autorité de la santé (HAS), le souci d’expliquer à l’usager les actes médicaux effectués sur son corps et plus largement la prise en compte de la douleur comme un phénomène complexe et à la fois physique et psychologique apparaît nécessaire. Ce dernier point peut sembler anodin à côté des enjeux financiers ou directement médicaux. Mais en négligeant d’humaniser la médecine, on réduit l’usager à une somme de symptômes physiques et l’aidant à un simple technicien du corps. Le philosophe et médecin Georges Canguilhem, considère que c’est le vécu du patient et non l’altération du corps qui est à l’origine de la démarche thérapeutique. En conséquence, chaque maladie est singulière et la parole a un rôle essentiel dans la médecine. Bien évidemment “l’humanisation de la médecine” est problématique parce qu’elle nécessite plus de temps, un accompagnement et une formation psychologique voire philosophique des soignants. Autant le dire tout net, cette humanisation a un coût. Mais elle apparaît primordiale car si l’on en reste à une conception purement mécaniste et utilitariste du soin, on risque de saper les fondements du service public. 

Cela fonctionne dans les deux sens et l’usager ne doit pas perdre de vue qu’il n’est pas un client. L’individualisation des comportements, qui se traduit par le souci croissant de l’intérêt particulier, peut faire craindre un avenir difficile pour le service public. Mais il est également des raisons d’espérer car si l’hôpital ne se limite pas à l’aspect technique de la médecine, cela signifie qu’il est ouvert à tous et que tout le monde peut contribuer à son rayonnement. Pourquoi ne pas imaginer un service national, sorte de conscription moderne où des volontaires de tout âge se rendraient dans les hôpitaux (et dans d’autres services publics) pour effectuer des missions adaptées à leur compétences ? L’idée peut sembler délirante mais l’avenir de l’hôpital public et du service public en général passe sans doute par là, par la mobilisation de chacun au service de tous, par la foi dans la notion d’intérêt général.

La réforme BachelotSylvain Morvan - Marwan Chahine - Antoine Lannuzel

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La loi « hôpital, patients, santé et territoire », dite loi Bachelot, a été promulguée le 21 juillet 2009. Son objectif : ramener les hôpitaux à l’équilibre budgétaire en 2012.Le point en quatre mesures phares :Le pouvoir du directeur d’hôpital est renforcé. En tant que président du directoire, il définit le projet médical, organise l’hôpital, et peut nommer et révoquer les directeurs de pôles. Les hôpitaux sont regroupés dans des communautés hospitalières de territoires. Aux établissements de grande taille les soins de pointe, aux hôpitaux locaux les soins de suite et la gériatrie.Public et privé sont rapprochés. Les cliniques privées pourront bénéficier de fonds publics. Une façon de les inciter à participer aux missions de service public, notamment l’accueil des démunis. Le remboursement de leurs actes par la sécurité sociale se ferait alors à la même hauteur que pour l’hôpital.Les salaires vont évoluer pour attirer les médecins dans le public. En fonction de leurs résultats et de leur engagement dans l’hôpital, les praticiens hospitaliers peuvent obtenir une rémunération supplémentaire.

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Ce qu’ils en pensent

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« La loi Bachelot désavoue les réformes précédentes et tous ceux qui s’y sont investis. L’hôpital ploie sous des injonctions contradictoires. On lui demande plus de souplesse, de management de gestion, et on le prive d’autonomie. On l’enjoint d’accepter les règles du libéralisme, et on centralise les pouvoirs. »Frédéric Pierru, chercheur à l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales Paris Dauphine.(Le 4 février 2010, dans L’Express)

« La mauvaise gestion est la pire ennemie d’une médecine de qualité. Sans aucun doute. Les progrès viendront d’une organisation réfléchie de l’offre de soins régionale et des restructurations hospitalières. Mais quelle doit être la finalité de cette gestion ? Certainement pas le système mercantile américain actuel, inégalitaire et discriminant. Rappelons ici que c’est du système français, celui que met en péril le projet de loi Bachelot, dont veut s’inspirer aujourd’hui le président Obama »25 grands noms de la médecine parisienne, parmi lesquels les professeurs Olivier Lyon-Caen et André Grimaldi (Pitié-Salpêtrière).

(Le 23 avril 2009, dans Libération)

« La France compte trop d’hôpitaux insuffisamment équipés et trop peu utilisés, donc dangereux. 3 000 établissements de santé, dont 1 000 hôpitaux publics, soit dix CHU, CHR, centres hospitaliers et hôpitaux locaux par département, avec des missions mal définies, des moyens disparates, des effectifs souvent sans rapport avec les tâches, et le tout souvent sur fond de redoutables luttes d’influence ».Gérard Bardy, journaliste, auteur du Livre noir de la santé.

(Le 14 mai 2009, dans Valeurs Actuelles)

« Nous soupçonnons les décideurs de vouloir abbattre le dernier rempart du service public à la française, de fait de plus en plus dispendieux mais de moins en moins efficace. Nous n’acceptons pas de passer de la notion d’hôpital hospice à celle d’hôpital entreprise. Or c’est bien la question du management qui est aujourd’hui brutalement posée, s’il on veut rendre l’hôpital efficient. Il ne s’agit pas de faire des économies sur le dos des malades. Mais il faut éviter le gâchis et la dispersion. »Guy Vallancien, professeur d’urologie à l’université Paris-Descartes.

(Le 18 janvier 2010, dans Les Echos)

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Et Ailleurs ?

i le Président des Etats-Unis Barack Obama a fait part, à de nombreuses reprises, de son admiration pour le modèle néerlandais, ce n’est pas un hasard…Dans un rapport sur l’efficacité des systèmes de santé en Europe,

réalisé en 2009 par le Cabinet Powerhouse, les Pays-Bas arrivent en tête, devant le Danemark, grâce à un système fondé sur la concurrence, l’efficacité et la transparence. En Hollande, pas de monopole de la sécurité sociale d’Etat  : les patients, qui sont par ailleurs associés au système décisionnel, peuvent choisir leur assureur. Même chose en Allemagne, en Belgique et en Suisse.

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Aux Pays-Bas, par ailleurs, les réformes sont faites directement par les professionnels de santé. Après consultation des patients, mais sans l’intervention des politiques. Son dauphin au classement, le Danemark, a mis en ligne une liste des hôpitaux prodiguant les meilleurs soins, pour faire jouer la concurrence.

La France, qui jouissait d’une réputation de meilleure système de santé au Monde, n’est « que » septième, à 85 points du leader... Alors que ses dépenses de santé dépassent largement celles de ses voisins. Elle consacre en effet 11% de son PIB à la santé, contre moins de 10% pour les deux meilleurs élèves européens.

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Source : Euro Health Consumer Index/ Powerhouse

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2/ Hôpital de Carhaix : le prix de l’isolement

Défendu ardemment par toute une ville alors que deux de ses services étaient menacés de fermeture en 2008, l’hôpital de Carhaix (Finistère) est passé sous le joug du CHRU de Brest, à 95 km. L’établissement est désormais en quête d’un fragile équilibre. Entre compétitivité et offre de soin de proximité.

on à la fermeture de l’hôpital », lit-on encore sur une banderole à l’approche de la ville. Bienvenue à Carhaix, 8000 habitants, en plein centre-Finistère. Il y a deux ans, la commune s’est soulevée pour

défendre son hôpital public. Aujourd’hui encore, elle semble porter les stigmates de cette lutte. Dès les premiers pas dans cet établissement à taille humaine - 450 lits pour environ 500 employés, on est loin de l’atmosphère oppressante des CHU surpeuplés - cela se confirme. Patients, personnel soignant, cadres… aucun ne reste insensible à ce qu’on appelle ici « les évènements ». Un euphémisme.

« N

Début 2008, une rumeur enfle dans Carhaix : l’Agence régionale d’hospitalisation (ARH) aurait l’intention de fermer la maternité et le service de chirurgie de l’hôpital. Mené par le maire de la commune, Christian Troadec, un adepte des « gros coups » médiatiques, un cortège de près de 10 000 personnes défile à Carhaix pour réclamer le maintien des deux services menacés. Puis la rumeur se confirme. Les manifestations se durcissent, à Quimper, puis à Rennes. Quelques heurts avec les CRS et Carhaix fait bientôt la une des journaux télévisés. Une aubaine pour les meneurs du mouvement, qui revendiquent devant la France entière leur « droit » à se faire soigner près de chez eux.

À l’époque, Carhaix est dans le collimateur des autorités sanitaires. En premier lieu, à cause de son déficit, estimé à 1 300 000 €. Ensuite, à cause d’un rapport du ministère de la santé. Accablant. « Les taux de fuite (des malades habitant le secteur de l'hôpital) sont très importants (…) 77% en chirurgie » ; « le nombre d'accouchements est tombé à 245 en 2007 » ; « 50% de décès pour les interventions majeures sur l'intestin grêle et le colon en 2006 alors que la moyenne nationale est de 12% » ; « les taux d'infection nosocomiale sont souvent au dessus de la moyenne régionale » ; « L'hôpital éprouve de grandes difficultés de recrutement »…

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Carte : M6

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Face à un tel constat - que certains jugent à charge -, les services incriminés, maternité et chirurgie, ferment. La mobilisation populaire, appuyée par une décision du tribunal administratif de Rennes, met alors en échec l’Agence régionale d’hospitalisation (ARH). Les défenseurs de l’hôpital pointent la dangerosité, à court terme, d’une privation d’accès aux soins pour un bassin de population entier. Les hôpitaux des villes les plus proches (Brest, Lorient, Quimper, Morlaix) sont au minimum à une heure de route et déjà engorgés. La décision tombe : réouverture des deux services.

La « victoire » est là, mais ne règle rien aux insuffisances pointées par le rapport. L’hypothèse d’un rattachement à un plus gros établissement se dessine dès l’automne 2008, inévitable. Certains défenseurs de l’hôpital, le maire en tête, votent contre. Ils sont vite dépassés par le « oui », voté le 22 janvier 2009 en conseil d’administration. En juillet, l’hôpital de Carhaix est absorbé par le CHRU de Brest, qui hérite de la dette de ce dernier. La mobilisation populaire a sauvé la maternité et la chirurgie, deux services symboliques de l’hôpital public. La fusion apparaît désormais comme le meilleur compromis. Débute alors un chantier ambitieux : celui de la mutation. Il s’agit d’adapter un établissement de proximité aux contraintes économiques et techniques qui touchent aujourd’hui l’hôpital public. Avec une question en suspens : les habitants de la région de Carhaix ont-ils droit au même accès aux soins que leurs voisins brestois et quimpérois ? La notion d’égalité territoriale face au service public hospitalier a-t-elle encore du sens ?

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Chronique d’un bras de fer

29 mars 2008 : Une manifestation de soutien à l’hôpital rassemble plus de 8 000 personnes à Carhaix. Des rumeurs annoncent la fermeture de la maternité et du service de chirurgie. Un rapport commandé par le ministère de la santé pointe lui les insuffisances techniques et le rendement médiocre de l’hôpital, par ailleurs très endetté.

26 mai : L'agence régionale de l'hospitalisation suspend les deux services. S’en suivent de nouvelles manifestations. De sérieux affrontements entre manifestants et CRS ont lieu à Quimper.

26 juin : Le tribunal administratif de Rennes, saisi par les défenseurs de l’hôpital, annule les arrêtés de l'ARH. Les services rouvrent. Les manifestations s’arrêtent.

Septembre 2008 : L'ARH évoque la fusion de l'hôpital de Carhaix avec le CHRU de Brest. Christian Troadec, maire de Carhaix et membre du conseil d’administration de l’hôpital (photo ci-contre), veut des garanties : le maintien des services menacés.

9 janvier 2009 : Christian Troadec propose un référendum : « êtes-vous pour ou contre la fusion sans conditions avec le CHU de Brest ? » Le « oui » se fait de plus en plus entendre. Le maire renonce à sa consultation. Le personnel de l'hôpital vote, lui, la fusion à une très large majorité.

22 janvier : Le conseil d'administration de l'hôpital décide de la fusion avec le CHRU de Brest. Christian Troadec vote non. « Pour moi le combat continue », annonce-t-il.

1er juillet : les centres hospitaliers de Brest et Carhaix fusionnent. La maternité et la chirurgie sont maintenues.

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« La population doit retrouver le chemin de son hôpital »

Entretien avec Pascal Gaillourdet, le nouveau directeur des soins de l’hôpital de Carhaix. À 50 ans, une carrière d’ingénieur derrière lui, il est sorti en 2009 de l’Ecole de l’Ecole des hautes études en santé publique. Sa mission : redynamiser ce qu’il convient désormais d’appeler le « site de Carhaix. » Tout en donnant de nouveaux moyens à l’établissement, il entend réévaluer les besoins de la population.

Quel est l’objectif d’une telle fusion entre un petit et un gros hôpital ?Cela rend d’abord le site de Carhaix pérenne. Il n’y a plus qu’un seul établissement à l’échelle d’un territoire de santé. Fusionner avec un CHRU, soit l’un des 22 plus grands établissements français, cela signifie intégrer une nouvelle culture, celle d’un hôpital universitaire. À Carhaix, cette nouvelle configuration va permettre gagner en qualité. Le but est d’attirer la population et, bien sûr, les médecins. Des recrutements médicaux vont avoir lieu et des médecins brestois viennent régulièrement donner des consultations à Carhaix. Certains apportent de nouveaux services, comme l’ophtalmologie, d’autres viennent en renfort, comme en ORL. Dès l’annonce de ce dispositif, on a reçu 150 appels de personnes intéressées. Enfin, la fusion offre une mise en commun des moyens techniques. À Brest, il existe une technicité qu’il ne pas pas y avoir ici. Chaque établissement ne peut pas avoir son scanner, son IRM…

Comment vont se réorganiser les services à Carhaix ?À partir du mois d’avril, on va redistribuer les activités médicales sur le modèle du CHRU. Une nouvelle répartition des médecins est en cours. Des praticiens qui étaient en médecine interne pourront par exemple se retrouver en pneumologie ou en cardiologie. Le changement fait toujours un peu peur, mais le personnel n’a aucune inquiétude à avoir puisque la fusion avec Brest pérennise l’emploi sur le site. Par ailleurs, des groupes de travail ont été créés pour s’harmoniser avec le projet de soin du CHRU. Sur 550 employés, nous avons reçu 107 candidatures, toutes professions confondues. C’est bien la preuve qu’ils ont envie de participer.

À quoi serviront ces travaux ?À déterminer quels sont les gestes qui doivent se faire ici. Peut-être va-t-on s’apercevoir qu’une activité ne répond pas aux besoins de la population. Certaines opérations pourraient ainsi être externalisées à Brest. Il ne suffit pas de dire «  on maintien une activité », il faut aussi garantir une qualité du soin. Pour cela, l’activité du site doit atteindre un certain seuil. On ne fait très bien que ce que l’on fait beaucoup.

La maternité et la chirurgie peuvent-elles de nouveau fermer ?Sylvain Morvan - Marwan Chahine - Antoine Lannuzel

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Page 14: CSF€¦  · Web viewEn revanche, il y a un besoin urgent de transparence et de lisibilité en la matière car si les besoins en personnel sont mal identifiés, le risque est fort

Aucun service ne conditionne l’existence d’un hôpital. D’ici deux ans, nous nous fixons un objectif de 400 accouchements et de 2000 interventions en chirurgie. Nous nous donnons les moyens d’y arriver, mais si demain il n’y a plus que dix accouchements, ça ne sert à rien d’avoir une maternité.

Un petit hôpital n’est-il pas, par essence, moins rentable ? Si, naturellement. D’ailleurs, les pouvoirs publics acceptent qu’il y ait un prix de l’isolement. Ce qui importe, c’est la prise en charge, qu’elle ait lieu à Carhaix ou à Brest. Il ne faut pas avoir peur de la mobilité. Les habitants veulent une offre de soins de proximité, d’accord, mais ils sont d’abord demandeurs de qualité. Il faut que l’acte médical corresponde aux bonnes pratiques, aux recommandations de la Haute autorité de santé. Et puis, habiter à la campagne, c’est aussi un choix. Le prix du mètre carré est moins cher qu’à Paris, on peut avoir une plus grande maison et les enfants sont élevés au grand air. Par contre, pour aller au théâtre, c’est moins facile. Et bien, c’est la même chose pour l’hôpital. Attention, cela ne veut pas dire ne rien proposer ! Mais pour proposer une offre de soin, il faut des patients. Je ne souhaite qu’une chose, c’est que la population retrouve le chemin de son hôpital.

Sylvain Morvan - Marwan Chahine - Antoine LannuzelÉcole de Journalisme de Toulouse

31, rue de la Fonderie31 000 Toulouse Cedex

Tel 05 62 26 54 19

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Le droit de naître près de chez soi

l a vu le jour le 30 décembre dernier. Rudy, 3 kg 800, 52 centimètres, est le dernier né des 238 bébés venus au monde en 2009 à la maternité de Carhaix. Pour la direction du CHRU de Brest, dont dépend désormais l’établissement du

centre-Finistère, c’est trop peu. « Le nombre de naissances devra augmenter, affirme Pascal Gaillourdet, qui espère « cent accouchements de plus l’année prochaine ».

IFermée en mai 2008 par l’Agence régionale d’hospitalisation (ARH), le service ne doit son salut qu’à une décision de justice. Depuis, la fusion avec l’hôpital de Brest a offert un bol d’air à la maternité. Le CHRU veut à présent la développer. Objectif : 400 naissances à l’horizon 2012. « En investissant dans cette maternité, Brest lui redonne toutes ses chances », estime le directeur des soins. En renfort d’une équipe de trois obstétriciens, quatre médecins brestois consultent désormais à Carhaix quatre jours par semaine. Un nouveau dispositif d’échographie vient également d’être installé.

La maternité de Carhaix perdurera à une seule condition : qu’elle devienne attractive. La direction du CHRU de Brest estime qu’il faudrait qu’au moins la moitié des femmes enceintes du secteur de Carhaix - qui regroupe 40 000 à 60 000 personnes - viennent y accoucher. Depuis la réouverture du service, la majorité d’entre-elles continuent à préférer les hôpitaux de Brest, Morlaix, Quimper ou encore Lorient, mieux équipés en cas de complications. Difficile, pour Carhaix, de rivaliser, avec ses 12 lits et sa vocation uniquement obstétrique, là où les autres offrent des services de néonatalogie, voire de réanimation néonatale…

« Nous accoucherons à Carhaix ! » scandait pourtant une poignée de femmes aux ventres ronds lors de manifestations de 2008, devant les caméras de télévision. Aujourd’hui, les défenseurs de la maternité restent mobilisés. « La maternité est un service vital pour un hôpital », martèle Christian Troadec, maire de Carhaix et fervent défenseur de son établissement. Le comité de défense de l’hôpital se veut lui optimiste. «Compte tenu du bassin de population, 400 naissances par an, c’est réalisable, estime Marie-Laure Guillou, cadre hospitalière et secrétaire de l’association. Pour cela, il faudra que « les femmes aient envie de changer leurs habitudes ». Du côté de la direction du CHRU, les plans sont clairs : si le service ne prend pas son envol, « il pourrait se transformer en centre de périnatalité », déclarait fin janvier Bernard Dupont, directeur du CHRU. Sauf rebond exceptionnel du nombre d’accouchements en centre-Finistère, les jours sont comptés pour un droit que nombre de Carhaisiens revendiquent : celui de « naître près de chez soi ». Et pas seulement d’y mourir.

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Les défenseurs de l’hôpital sur le qui-vive

Les cendres du brasier carhaisien sont encore chaudes. La plupart des défenseurs de l’hôpital acceptent aujourd’hui le compromis de la fusion. Tous restent vigilants.

ls ont crié leur colère dans les rues de Carhaix, à Quimper puis à Rennes. La réouverture du service de chirurgie et de la maternité de « leur » hôpital, cela équivalait, dans les esprits, au sauvetage de l’établissement tout entier. Deux ans

après, les défenseurs de l’hôpital de Carhaix ne lâchent pas prise. En première ligne, le très médiatique maire de la ville, Christian Troadec. Pour l’élu encarté UDB (Union démocratique bretonne), la fusion des hôpitaux de Brest et Carhaix n’est, elle, pas une victoire. « Ce nouveau fonctionnement nous est imposée par l’Etat et derrière cela, il n’y a qu’un but : la rentabilité ! », fulmine-t-il. Christian Troadec admet son impuissance face aux décisions visant l’hôpital - il a quitté son siège au conseil d’administration lors de la fusion avec le CHRH de Brest - mais prévient  : « nous resterons vigilants. »

I

En attendant, le maire de Carhaix réaffirme sa définition du service publique hospitalier, citant l’exemple de la Catalogne. « Là bas, c’est l’inverse. La loi dit désormais qu’aucun habitant ne doit être à moins d’une demi-heure d’un plateau technique hospitalier. » Evidement, il souhaite que la nouvelle organisation porte ses fruits. Mais il refuse que des chiffres inférieurs aux attentes soient le prélude à une nouvelle fermeture, « Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage », lance l’élu en réponse aux menaces qui continuent de planer sur certaines activités.C’est au sein même de l’hôpital que l’on trouve les membres du comité de soutien. Marie-Laure Guillou, cadre du service chirurgie de Carhaix, est secrétaire de cette association qui fut particulièrement active en 2008. Cette ancienne infirmière voit plutôt d’un bon œil la fusion Brest-Carhaix. « C’était la seule solution. Sans ça on aurait fermé », souffle-t-elle, laissant place au pragmatisme. « On nous fixe des objectifs, donnons nous les moyens de les atteindre. » Marie-Laure Guillou s’investit désormais pour faire redécoller son hôpital. Son association continue à se réunir régulièrement. « Nous faisons des états des lieux, en relatant les avancées », explique la secrétaire du comité de défense, qui entend maintenir une « cellule de veille, sans polémiquer. » Au-delà de l’association, c’est toute une ville qui maintient sa vigilance. Comme cette maman rencontrée justement aux abords de l’hôpital, là où elle a mis au monde ses deux enfants. La jeune femme se dit « prête à redescendre dans la rue » pour que d’autres puissent le faire après elle, « qu’importe  la logique de rentabilité. » Une logique que Marie-Laure Guillou affirme avoir vu se dessiner au file du temps. « Il y a quelques années, on ne nous reprochait pas notre manque de pratique, se souvient l’ancienne infirmière. Dans les faits, on a tous les mêmes formations, le même niveau. C’est vrai, certains actes de pointe ne peuvent pas être pratiqués partout. Mais un accouchement reste un accouchement, même chose pour une appendicectomie. » Si l’avenir du service se dessine en pointillés, les Carhaisiens continuent en tout cas d’y tenir du comme fer. « Une fermeture de la maternité ? La population ne s’y résoudra jamais, tranche Marie-Laure Guillou. Pour eux, c’est vital ».

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