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- Côte d’Ivoire Sous la direction de Céline Yolande KOFFIE-BIKPO Côte d’Ivoire, 50 ans d’indépendance Permanence, mutation et/ou évolution des territoires Pour un grand nombre de pays africains issus de l’empire colonial français, l’année 2010 marque le cinquantenaire de leur accession à l’indépendance politique. La proclamation de l’indépendance par Félix Houphouët-Boigny, le 7 août 1960, signe l’entrée de la Côte d’Ivoire dans le concert des nations souveraines. Cette indépendance ouvre tous les possibles, y compris ceux des complexités de la géopolitique internationale. La Côte d’Ivoire s’est appuyée pour son développement sur la promotion de l’agriculture, des ressources naturelles et humaines, dans le cadre d’une vaste politique d’aménagement du territoire appuyée par une planification quinquennale régulière. Cela a produit des résultats encourageants qui ont fait d’elle la locomotive de la sous-région ouest-africaine. La volonté de rattraper son retard sur le développement s’est illustrée par d’ambitieux programmes d’éducation, de formation de cadres, d’industrialisation, d’urbanisation et de création d’infrastructures, dont le résultat a été l’accession de la Côte d’Ivoire au rang des économies intermédiaires. Depuis 1980, le pays subit une vague de crises économiques et sociopolitiques qui amène à s’interroger sur son devenir. L’Institut de géographie tropicale de l’université de Cocody-Abidjan a choisi de revenir cinquante ans en arrière afin d’offrir une relecture de l’histoire ivoirienne en utilisant les méthodes et les techniques propres à la géographie. Cette analyse permet de mettre en évidence les permanences, les mutations et les évolutions que l’on peut observer à différentes échelles : nationale, régionale et locale, afin de répondre à la question : comment les politiques de développement, dans leurs relations au territoire, après un demi- siècle d’indépendance, ont-elles évolué ? Céline Yolande Koffie-BiKpo, géographe, maître de conférences à l’université de Cocody-Abidjan, développe des recherches sur la sécurité alimentaire et la pêche. 35 € ISBN : 978-2-296-99210-8 Côte d’Ivoire, 50 ans d’indépendance Côte d’Ivoire, 50 ans d’indépendance Sous la direction de Céline Yolande KOFFIE-BIKPO H-COTE-IVOIRE_GF_KOFFIE-BIKPO_50-ANS-INDEPENDANCE.indd 1 10/07/12 22:28

Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

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Page 1: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

- Côte d’Ivoire

Sous la direction de Céline Yolande KOFFIE-BIKPO

Côte d ’Ivoire,50 ans d ’ indépendance

Permanence, mutationet/ou évolution des territoires

Pour un grand nombre de pays africains issus de l’empire colonial français, l’année 2010 marque le cinquantenaire de leur accession à l’indépendance politique. La proclamation de l’indépendance par Félix Houphouët-Boigny, le 7 août 1960, signe l’entrée de la Côte d’Ivoire dans le concert des nations souveraines. Cette indépendance ouvre tous les possibles, y compris ceux des complexités de la géopolitique internationale.

La Côte d’Ivoire s’est appuyée pour son développement sur la promotion de l’agriculture, des ressources naturelles et humaines, dans le cadre d’une vaste politique d’aménagement du territoire appuyée par une planification quinquennale régulière. Cela a produit des résultats encourageants qui ont fait d’elle la locomotive de la sous-région ouest-africaine.

La volonté de rattraper son retard sur le développement s’est illustrée par d’ambitieux programmes d’éducation, de formation de cadres, d’industrialisation, d’urbanisation et de création d’infrastructures, dont le résultat a été l’accession de la Côte d’Ivoire au rang des économies intermédiaires.

Depuis 1980, le pays subit une vague de crises économiques et sociopolitiques qui amène à s’interroger sur son devenir. L’Institut de géographie tropicale de l’université de Cocody-Abidjan a choisi de revenir cinquante ans en arrière afin d’offrir une relecture de l’histoire ivoirienne en utilisant les méthodes et les techniques propres à la géographie. Cette analyse permet de mettre en évidence les permanences, les mutations et les évolutions que l’on peut observer à différentes échelles : nationale, régionale et locale, afin de répondre à la question : comment les politiques de développement, dans leurs relations au territoire, après un demi-siècle d’indépendance, ont-elles évolué ?

Céline Yolande Koffie-BiKpo, géographe, maître de conférences à l’université de Cocody-Abidjan, développe des recherches sur la sécurité alimentaire et la pêche.

35 €ISBN : 978-2-296-99210-8

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Côte d’Ivoire, 50 ans d’indépendance

Page 3: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

© L’Harmattan, 2012 5-7, rue de l’École-polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com [email protected]

[email protected]

ISBN : 978-2-296-99210-8 EAN : 9782296992108

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Sous la direction de Céline Yolande KOFFIE-BIKPO

Côte d’Ivoire, 50 ans d’indépendance

Permanence, mutation

et/ou évolution des territoires

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COMITE SCIENTIFIQUE ET DE LECTURE

Aloko-N’guessan Jérôme (Université de Cocody - Abidjan)

Atta Koffi (Université de Cocody - Abidjan)

Basset thomas (University of Illinois at Urban - Champaign)

Biémi Jean (Université de Cocody - Abidjan)

Corlay Jean-Pierre (Université de Nantes - France)

Koby Assa (Université de Cocody - Abidjan)

Pottier Patrick (Université de Nantes - France)

Robin Marc (Université de Nantes - France)

Yapi Diahou (Ecole Normale Supérieure - Abidjan)

Jean-Luc Piermay (Université de Strasbourg)

Affian Kouadio (Université de Cocody - Abidjan)

Alger Jean-Francis Ekougoun (Université de Bouaké).

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EDITORIAL

En 1960, un grand nombre de pays africains issus de l’empire colonial français accédaient à l’indépendance. L’année 2010 marque pour ceux-ci, le cinquantenaire de l’accession à l’indépendance politique. La proclamation de l'indépendance par Félix Houphouët-Boigny, le 7 aout 1960 signe l’entrée de la Côte d’Ivoire (colonie française depuis 1893) dans le concert des nations souveraines. Cette indépendance quoique porteuse d’espoir ouvre tous les possibles y compris ceux des complexités de la géopolitique internationale.

La Côte d’Ivoire s’est appuyée pour son développement sur la promotion de l’agriculture, des ressources humaines et naturelles, dans le cadre d’une vaste politique d’aménagement du territoire appuyée par une planification quin-quennale régulière. Cela a produit des résultats encourageants qui ont fait d’elle la locomotive de la sous-région ouest africaine.

La volonté de rattraper le retard sur le développement s’est illustrée par d’ambitieux programmes d’éducation, de formation de cadres, d’industria-lisation, d’urbanisation et de création d’infrastructures, dont le résultat a été l’accession de la Côte d’Ivoire au rang des économies intermédiaires.

Depuis 1980, le pays subit une vague de crises économiques et socio-politiques qui amène à s’interroger sur son devenir. L’Institut de Géographie Tropicale de l’Université de Cocody-Abidjan a choisi de se déporter cinquante ans en arrière afin d’offrir une relecture de notre histoire en utilisant les méthodes et les techniques propres à la géographie. Cette analyse permet de mettre en évidence les permanences, les mutations et les évolutions que l’on peut observer à différentes échelles : nationale, régionale et locale. Les relations entre développement et géographie sont privilégiés, et peuvent se résumer comme suit : comment les politiques de développement dans leurs relations au territoire après un demi-siècle d’indépendance ont-elles évolué ?

Le champ à explorer est vaste. Ce sont principalement les questions géophysique, climatique, maritime, halieutique et environnementale ; de même que les questions de régionalisation et d’urbanisation.

Il s’agit de mettre en évidence, dans une perspective diachronique, la relation entre territoires, identités et développement durant le premier demi-siècle d’indépendance.

Treize contributeurs ont pris part à la rédaction de cet ouvrage collectif subdivisé en cinq grandes parties :

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La géographie physique Le transport maritime et le développement La pêche dans la sécurité alimentaire Les études régionales Les études urbaines

Par KOFFIE-BIKPO Céline Yolande Maître de Conférences,

Institut de Géographie Tropicale Université de Cocody

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SOMMAIRE

EDITORIAL ........................................................................................................ 7 LISTE DES SIGLES, ACRONYMES ET ABREVIATIONS .......................... 11 GEOGRAPHIE PHYSIQUE .......................................................................... 15 LA GEOGRAPHIE DES PAYSAGES ET LES SAVANES IVOIRIENNES : UNE RECHERCHE VIEILLE DE 35 ANS, UNE PROBLEMATIQUE ET DES PERSPECTIVES DE RECHERCHE ACTUELLES .......................... 17

Zuéli KOLI BI PLUVIOMETRIE ET FORET EN COTE D’IVOIRE DEPUIS 1960 : INTERACTION CONSEQUENTE OU HASARDEUSE ? ................................. 37

Pauline Agoh DIBI KANGAH, KOLI BI Zuéli, COULIBALY Barakissa TRANSPORT MARITIME ET DEVELOPPEMENT ................................ 51 LE PORT D’ABIDJAN : BILAN ET PERSPECTIVES POUR L’ECONOMIE IVOIRIENNE ET OUEST-AFRICAINE .................... 53

Jean Bidi TAPE, Atsé Alexis Bernard N’GUESSAN, Fatoumata KONE BILAN ET PERSPECTIVES DE LA FILIERE CAFE-CACAO EN TRANSIT PAR LE PORT DE SAN-PEDRO (COTE D'IVOIRE) ............ 77

N’guessan Hassy Joseph KABLAN, Seydou OUATTARA LA PECHE DANS LA SECURITE ALIMENTAIRE ............................... 117 LA PECHE MARITIME EN COTE D’IVOIRE : BILAN ET PERSPECTIVES ............................................................................ 119

Céline Yolande KOFFIE-BIKPO MIGRATIONS ET EXPLOITATION HALIEUTIQUE DANS LE SUD-OUEST DE LA COTE D’IVOIRE : DES GERMES AUX CONFLITS EPISODIQUES .......................................... 151

Kouman Koffi Mouroufié

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DYNAMIQUE DES POLITIQUES PUBLIQUES PISCICOLES IVOIRIENNES DEPUIS 1955 : APPROCHE SOCIO-GÉOGRAPHIQUE ... 179

Joseph P. ASSI KAUDJHIS ETUDES REGIONALES ............................................................................. 201 LE PLAN PALMIER ET LES MUTATIONS DES TERROIRS RURAUX EN PAYS ÉBRIE : ETUDE DE CAS DANS LA ZONE D’ÉLOKA (SUD-EST DE LA COTE D’IVOIRE) ............................................................. 203

KOFFI–DIDIA Adjoba Marthe LA REGION DE BOUNA A L’EPREUVE DE SA DEMARGINALISATION 50 ANS DURANT .......................................................................................... 221

Bébé KAMBIRE L’EVOLUTION AGRICOLE DANS LE NORD-EST IVOIRIEN DE 1960 A 2010 .............................................................................................. 249

Julius Koffi ETUDES URBAINES ................................................................................... 263 CINQUANTE ANS D’INTELLIGENCE TERRITORIALE EN COTE D'IVOIRE : POLITIQUE URBAINE, RESULTATS ET ENJEUX POUR DEMAIN ............................................................................................. 265

Mamoutou Touré DEVELOPPEMENT URBAIN EN COTE D’IVOIRE : QUEL BILAN APRES CINQUANTE ANS D’INDEPENDANCE ? ............ 303

Akou Don Franck Valéry LOBA LES TRANSPORTS COLLECTIFS URBAINS D’ABIDJAN : DU CONFORT A LA GALERE DES USAGERS ......................................... 323

KASSI-DJODJO Irène CONCLUSION GÉNÉRALE ......................................................................... 337

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LISTE DES SIGLES, ACRONYMES ET ABREVIATIONS

AFVP : Association Française des Volontaires de Progrès AGRIPAC : Agence Agricole du programme d’Action Commerciale ANADER : Agence Nationale d’Appui au Développement rural ANADER : Agence Nationale d’Appui au Développement Rural ANADER : Agence Nationale d’Appui au Développement Rural

APDRA-CI : Association Pisciculture et Développement Rural en Afrique Tropicale-Côte d’Ivoire

ARECA : Autorité de Régulation du Coton et de l’Anacarde ARCC : Autorité de Régulation du Café et du Cacao ARSO : Autorité pour l’Aménagement de la Région du Sud-ouest BAD : Banque Africaine de Développement BCC : Bourse du Café et du Cacao BNDA : Banque Nationale pour le Développement Agricole BSIE : Budget spécial d’Investissement et d’Equipement CAF : Coût, Assurance et Fret CCFD : Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement CDS : Comité De Suivi de la commercialisation CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

CESPPCC : Comité d’Examen et de Suivi des Projets et Programmes de la filière Café-Cacao

CFA : Communauté Financière de l’Afrique CFAO : Compagnie Française de l’Afrique de l’Ouest CFDT : Compagnie Française de Développement des Textiles CGFCC : Comité de Gestion de la Filière Café-Cacao CIDT : Compagnie ivoirienne de développement des textiles CIMP : Comité Interministériel des Matières Premières CIRAD : Centre de Coopération Internationale et Recherche Agronomique CNDJ : Centre National de Documentation Juridique CNO : Centre, Nord et Ouest CNRA : Centre National de Recherche Agronomique CNS : Comité National des Sages

COCOPAGEL : Coopérative de Commercialisation des Produits Agricoles et d’Elevage

COOGES : Coopérative Générale de Sépingo COPABO : Coopérative des Producteurs agricoles de Bondoukou COOPEX : Coopératives Exportatrices

Page 13: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

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CSSPPA : Caisse de Stabilisation et de Soutien des Prix des Productions Agricoles (CSSPPA). Le langage courant utilise souvent Caistab ou la Caisse ou encore Caisse de Stabilisation.

CTFT : Centre Technique Forestier Tropical DCGTx : Direction et Contrôle des Grands Travaux DDA : Direction départementale de l’Agriculture DPH : Direction des Productions Halieutiques DPMR : Projet de Développement de la Pisciculture en Milieu Rural DREN : Direction Régionale de l’Education Nationale FAC : Fonds d’Aide et de Coopération

FAO : Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture

FASR : Facilités d’Ajustement Structurel Renforcé F.CFA : Francs de la Communauté Financière Africaine

FDPCC : Fonds de Développement et de Promotion des activités des producteurs de Café et de Cacao

FGCCC : Fonds de Garantie des Coopératives de Café et de Cacao FIMR : Fonds d’Investissement en Milieu Rural FOB : Free on Board ou Franco à bord FRC : Fonds de Régulation et de Contrôle Café-Cacao Google : Moteur de recherche en ligne (internet) GVC : Groupement à Vocation Coopérative Hab. / km2 : Habitants au kilomètre carré IGT : Institut de Géographie Tropicale INADES : Institut Africain pour le Développement Économique et Social INS : Institut National de la Statistique IRD : Institut de Recherche pour le Développement IRHO : Institut de Recherche des Huiles et Oléagineux MINA : Ministère de l’Agriculture MINAGRA : Ministère de l’Agriculture et des Ressources Animales Nouvelle CAISTAB : Nouvelle Caisse de Stabilisation ORSTOM : Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer PAA : Port Autonome d’Abidjan PAS : Programme d’Ajustement Structurel PAPPE : Projet d’Appui à la Profession Piscicole dans l’Est PASP : Port de San Pedro PDM : Programme de Développement Municipal PIB : Produit Intérieur Brut PMEX : Petites et Moyennes Entreprises Exportatrices PNASA : Programme National d’Appui aux Services Agricoles PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement PPCO : Projet d’Appui à la Profession Piscicole du Centre-Ouest RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitat RNA : Recensement National de l’Agriculture SCOA : Société Commerciale de l’Ouest Africain SIP : Société Indigène de Prévoyance SOGHEFIA : Société de Gestion et de Financement de l’Habitat SODEFOR : Société de développement forestier

Page 14: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

13

SODEPALM : Société pour le Développement du Palmier à huile SODERIZ : Société pour le Développement de la Riziculture SICOGI : Société Ivoirienne de Construction et de Gestion Immobilière. UNIVIBO : Union des GVC de Vivriers de Bondoukou USAID : United States Aids ZEE : Zone Economique Exclusive ZKB : Zone Kolodio-Bineda

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GEOGRAPHIE PHYSIQUE

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LA GEOGRAPHIE DES PAYSAGES ET LES SAVANES IVOIRIENNES : UNE RECHERCHE VIEILLE

DE 35 ANS, UNE PROBLEMATIQUE ET DES PERSPECTIVES DE RECHERCHE

ACTUELLES

Zuéli KOLI BI, Maître de conférences Université de Cocody-Abidjan,

Institut de Géographie Tropicale

Introduction C’est en 1975 que les premières connivences se sont développées entre

géographes, pédologues, botanistes et géomorphologues autour de la notion de paysage et de son intérêt scientifique. Aux limites des sciences de l’homme et des sciences de la nature, les géographes en Côte d’Ivoire ont entrepris un inventaire du territoire ivoirien, avec comme objectif, récolter et organiser une base de données sur le milieu naturel et sa dynamique.

Une série de recherches méthodologiques ont été initiées, d’abord dans les régions forestières du sud-ouest, avec l’ouverture d’un front de colonisation pionnière agricole. Ensuite, on a étendu les recherches vers les savanes, ces écosystèmes fragiles et fragilisés par les feux de brousse, la baisse de la pluviosité et la quasi-saturation des finages de la zone dense de Korhogo.

La savane ivoirienne : ce sont près de 180 000 km2 de terres ouvertes et changeant au gré des saisons. Des terres comprises entre approximativement les 8° et 11° de latitude nord, drainées par un réseau hydrographique à mailles de plus en plus larges flanqué de vallées à fond larges ou de galeries forestières plus ou moins continues.

La savane ivoirienne : une mosaïque en construction/destruction de paysages naturels ou humanisés qui expriment des diversités, avec quelquefois des oppositions bien tranchées.

La savane ivoirienne : finalement mal connue et succinctement abordée par une géographie ivoirienne manquant de référentiel et d’outils conceptuels et méthodologiques. La savane ivoirienne est cependant le terrain sur lequel, pendant 35 ans, les formes d’analyse paysagère se sont montrées utiles à engranger de la connaissance.

Page 19: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

1

Cinquante ans d’intelligence territoriale en Côte d'Ivoire :

politique urbaine, résultats et enjeux pour demain

Mamoutou Touré, Institut de Géographie Tropicale, Côte d'Ivoire

----------------------------------------------------------------------------------------------------------

Résumé – La polarisation actuelle des activités et des hommes au profit d’Abidjan est le fait

d’un réseau urbain souche, inspiré de la théorie de la base exportatrice, dont les liens

fonctionnels constituent un facteur prépondérant de disparités régionales. Pour faire pièce à

cette accumulation différentielle dans l’espace national, les pionniers de l’indépendance de la

Côte d’Ivoire formalisent un réseau urbain dans lequel les villes de l’intérieur sont des pôles

de développement par l'implantation d'industries, supposées polarisatrices et animatrices du

développement économique. Cinquante ans après, la subtile combinaison entre la production

agricole extensive et les pôles urbains n’arrive toujours pas à corriger la méridionalisation du

peuplement ivoirien. Cet article révèle que le réseau urbain ivoirien est porteur à sa naissance

de gêne de disparités régionales. La solution des pôles industrialo-urbains dans les villes de

l’intérieur a produit des résultats non négligeables, mais encore trop partiels pour renverser les

tendances à la concentration vers le littoral. Curieusement, la tendance actuelle est au

renforcement de l’aimant abidjanais et peut-être au maintien du réseau urbain souche,

aujourd’hui inadapté.

Mots-Clés : Côte d'Ivoire, développement, villes, réseau urbain, polarisation, planification.

Introduction

Au moment où la Côte d'Ivoire fête son cinquantenaire, une question centrale est au centre de

tous les débats : qu’avons-nous fait des cinquante années d’indépendance ? Dans le domaine

de la planification, on peut répondre d’emblée que les leaders ivoiriens ont pensé et construit

la Côte d'Ivoire indépendante sur deux piliers majeurs. Le premier pilier est le modèle agro-

exportateur colonial reconduit dès l’indépendance. Il permettait d’agrandir la base de création

de la richesse nationale, certes ; mais il favorisait aussi la polarisation des activités autour

d’Abidjan dont les premiers signes apparaissent une quinzaine d’années après l’indépendance.

Fort du constat des limites de la base exportatrice dont il reconduit le modèle à

l’indépendance, la création de villes comme pôles moteurs est une des solutions, retenues au

milieu des années soixante par l’État ivoirien, pour tenter de résoudre les problèmes posés par

la polarisation des activités autour d’Abidjan. Un demi-siècle plus tard, les résultats obtenus

sont pour le moins ambigus. A l’émergence d’un réseau de villes intérieures modernisées,

lieux privilégiés de l’emploi moderne et l’emploi informel, s’oppose l’agglomération

abidjanaise comme pôle économique et démographique majeur du pays. Comment moduler ce

système urbain macrocéphale qui n’est pas sans lien avec les disparités régionales ? C’est à

cette lancinante question que les Ivoiriens devront répondre sans doute à l’échéance du

centenaire.

Page 20: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

2

La connaissance des liens fonctionnels - qui déterminent en définitive l’identité du réseau

urbain ivoirien et les forces motrices sous-jacentes - est un premier élément de réponse de la

nécessaire réflexion à mener sur le sujet.

Pour cerner le processus de construction de l’espace ivoirien et sa gouvernance, cet article

s’appuie sur le nouveau concept de l'intelligence territoriale. C’est une approche systémique

d'un territoire visant à comprendre la mise en réseau de ses acteurs pour son développement

durable. En pratique, cela s’est traduit par des collectes de données statistiques et factuelles

sur l’évolution contemporaine de la Côte d'Ivoire, la confrontation et le recoupement des

points de vue des acteurs locaux ou nationaux, pour une meilleure lisibilité de la cohérence

des diverses actions politiques appliquées. Le concept est polysémique et comprend trois

définitions selon que l'on est issu d'un domaine d'expertise géographique, aménagement

public ou économie. L’analyse est faite à partir de la définition géographique du terme, à

savoir la conduite intelligente d'un territoire dans son développement par rapport à son

contexte social, géographique, ses ressources et son organisation spatiale.

La première partie étudie le contenu des choix politiques et économiques qui ont présidé à la

naissance du réseau urbain et apprécie le pouvoir structurant de ce réseau souche. La seconde

partie s’intéresse aux questions de départ posées aux leaders ivoiriens, aux problématiques

sous-jacentes et aux solutions proposées. Après l’analyse rétrospective, la troisième partie fait

un zoom sur le réseau urbain actuel après une trentaine d’années de croissance, apprécie les

résultats atteints au regard des objectifs de départ et fait un point des alternatives actuelles

proposées.

1. Le réseau urbain souche, facteur de disparités régionales

11. Des villes intérieures de productions agricoles et de ravitaillement

Un réseau urbain se singularise par la présence de diverses relations qui sont marquées par des

rapports fonctionnels permanents entre, d’une part, les unités urbaines et d’autre part, entre

celles-ci et les milieux ruraux qui les entourent (Y. Lacoste, 1972). Dans le cas spécifique de

la Côte d'Ivoire, la formalisation de cette toile d’araignée a commencé avec la mise en valeur

de la colonie de la Côte d'Ivoire sous-tendue par la théorie de la base économique qui induit

celle des économies d’agglomération.

Selon la théorie de la base économique, ce sont les activités exportatrices qui assurent la

croissance des villes du fait de son « effet de multiplicateur urbain » (Denise Pumain, 2010).

Les moteurs du développement local reposent en partie sur les emplois et sur les revenus que

les activités implantées sur le territoire considéré tirent de leurs exportations hors de ses

limites. Les activités exportatrices, dites « de base », renvoient aux activités agricoles et

industrielles dont le marché est national voire mondial ; la consommation de la zone n'en

représente qu'une faible fraction dans l'immense majorité des cas. L'hypothèse faite est donc

que ne joue, pour ces activités, aucun « effet de proximité ». Les autres activités sont alors

dites « induites » par la présence des premières et de leur main-d’œuvre dès lors que cette

dernière réside sur le même territoire. La théorie de la base économique attribue donc la

croissance urbaine à la demande extérieure. Et celle des économies d’agglomération la lie à

un ensemble d’avantages créés par les fonctions de commandements de la localité considérée.

Page 21: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

3

L’insertion de la Côte d'Ivoire dans le commerce international par l’appareil administratif

colonial n’est pas sans rappeler ces fondements théoriques de la base économique et des

économies d’agglomération.

L’activité de base de la Côte d'Ivoire est l’agriculture d’exportation. La formalisation de cette

activité remonte à l’époque coloniale au moment où pour les besoins de soutien de la guerre

de 1939-1945, Dakar1 décide que les planteurs des colonies françaises d'Afrique de l'Ouest

augmentent la production de certaines cultures, dites prioritaires. Il s'agit principalement du

café, du cacao, de l'arachide, des palmistes et de l'huile de palme. En Côte d'Ivoire, la

primauté est accordée aux cultures d'origine forestière, le café et le cacao en tête.

Le choix de l’arboriculture forestière est allé de pair avec la pose de la trame urbaine

ivoirienne au fil des différentes phases de la pénétration coloniale (fig. 1). Les modalités de

cette mise en place des villes ont été identifiées par L. Atta Koffi (1975) et revoient à trois cas

de figure : principalement, l’installation de campements militaires à proximité du village

indigène, les deux entités fusionnant plus tard pour constituer le noyau de la ville ;

accessoirement le déplacement de gré ou de force du village indigène sur un nouveau site jugé

sécurisant et plus accessible ; et rarement la création de nouvelles localités de toutes pièces

comme Agboville.

En plus de ces villes coloniales, de nouvelles villes sont créées après l’indépendance, certes.

Mais c'est principalement du déploiement de l'appareil administratif colonial que résulte le

réseau urbain souche dont hérite à l'indépendance le nouvel État ivoirien. Or, le semis urbain

colonial avait une double fonction. La première consistait à assurer le contrôle politique et

administratif du territoire par un maillage hiérarchisé (postes, chefs-lieux de subdivision,

chefs-lieux de Cercle, capitales) ; chaque élément de ce système urbain témoignait de

l'emprise et du contrôle du colonat. La seconde fonction assignée aux villes était économique

et c’est cette fonction qui cristallisait l’essentiel de l'économie urbaine, chaque ville est avant

tout un rouage de l’économie de traite (P. Kipré, 1985). En fonction du produit dominant de la

région, les villes sont spécialisées dans la commercialisation d'un ou de deux produits

primaires, quelques-unes assurant le rôle de redistribution soit à l'échelle du Cercle soit à

l'échelle de la région économique où, par exemple, sont implantées les factories d'une même

maison de commerce. La ville coloniale était avant tout un centre d'évacuation de produits

primaires et pondéreux. Les conditions d'établissement et de développement des villes

coloniales sont donc étroitement liées à l'évolution des systèmes de collecte dans les relations

villes et campagnes, des circuits de redistribution et des moyens de transport.

1 A cette époque, la Côte d'Ivoire fait partie de l'AOF qui comprend alors 8 territoires : le Sénégal, la Mauritanie,

le Soudan, la Haute-Volta, le Niger, la Guinée Française, la Côte d'Ivoire et le Dahomey. Ces territoires administrés par un gouverneur général sous le conductorat d’un gouverneur général résidant à Dakar.

Page 22: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

4

Figure 1 : Le réseau urbain ivoirien souche colonial (1843-1933)

La conséquence de cette organisation des villes autour d’une seule fonction économique et

une hiérarchisation des rôles, c’est l'émergence de certaines localités comme « carrefours »

dominants d’entreposable et d’évacuation des productions. Il s’agit en l’occurrence, des

« carrefours » du cacao (Abengourou, Agboville, Dimbokro), du coton (Bouaké), de la cola

(Man, Daloa), de l'huile de palme (Dabou, Lahou, Sassandra) et du bois (surtout les ports).

P. Kipré (1985) a bien montré le renforcement du poids de ces localités dans la hiérarchie des

villes coloniales, très tôt repérables dans la nouvelle économie émergente entre 1920 et 1940.

Les progrès des voies de communication dynamisent cette économie urbaine. Ils portent sur

l'ouverture de nouvelles routes prolongeant les linéaires établis pendant les années de

conquête ; ils se font aussi à travers l'aménagement de plusieurs voies à partir de 1933 pour

désenclaver les régions, faciliter les échanges interurbains et surtout assurer l'accès aux lieux

d'exportation. Précisément, la première nécessité de l’ouverture des routes vraiment

commerciales, ainsi que le rappelait fort opportunément le Gouverneur Reste en 1933, était de

Source : carte réalisée à partir de l’exploitation des informations fournies par Kipré P. (1985) et PTT (1975

Page 23: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

5

mettre largement l'intérieur du pays en communication facile avec ses accès maritimes (cité

par P. Kipré, 1985).

Or c’est ce modèle territorial réglé dont héritent les dirigeants du nouvel État ivoirien (M.

Touré, 2008). Ces derniers vont poursuivre la politique agro-exportatrice, gage de la

croissance amorcée dans les années 1950, les choix fondamentaux faisant de l'agriculture le

moteur de la croissance. Pour l’essentiel ces choix se résument à une politique d’ouverture

fondée sur l’appel du capital humain et financier, le renforcement d’Abidjan comme pôle

économique national et principalement la reproduction du schéma agricole extensif du quart

sud-est du pays. Ce modèle élargit la base de création de la richesse nationale nécessaire à

l’édification et au fonctionnement du pouvoir d’État et de tout son appareil. En outre, il se

fonde sur des opérations de modernisation agricoles (A. Dubresson, 1987) qui associent

cultures d’exportation et agriculture de subsistance à travers le pays (Penouil M., 1983).

L’aménagement du port de San Pedro et le développement autour de celui-ci des exploitations

agricoles modernes de palmiers, d’hévéas et la mise en exploitation de la forêt de l’ouest

relèvent de cette volonté d’imiter le modèle de développement du Sud-Est. En comblant le

vide démographique, il s’agissait aussi d'y réaliser une extension de l'économie caféière et

cacaoyère, le but étant d’élargir l’espace de création de richesse.

La mise en exploitation de la forêt du Centre prolonge cette volonté d'imiter le modèle de

développement du Sud-Est. Il s’agissait d’aménager la vallée du Bandama autour

d'exploitations agricoles de type moderne, basées soit sur les plantations de caféier et de

cacaoyer, soit sur la pêche ou la motorisation, etc. A terme, cette opération d’envergure devait

permettre de vivifier l’économie d’une région à fort potentiel humain mais où les migrations

étaient fortes.

Dans la même logique, on rencontre une volonté de reproduire dans le nord du pays, le même

schéma de développement. Il s’agit principalement des régions d’Odienné, de Korhogo et

dans une moindre mesure de la région de Bouna. Ici, les obstacles ne sont plus simplement

humains, ils sont également d'ordre naturel et climatique. Les mêmes types de cultures ne

pouvant pas être valorisées dans le Nord, il a fallu recourir, en suivant les conclusions des

experts de la SEDES (1965), à la culture du coton en association avec la gamme de vivriers

locaux puis la canne à sucre et à l’élevage.

Inséré dans une économie de plantation de plus en plus monétariste, le paysannat bénéficie

d’un encadrement efficace pour assurer le bon fonctionnement de l'économie d'exportation ou

la notion de plantation est désormais symbole de richesse. La création et la multiplication des

sociétés d'États créées autour des principales spéculations agricoles au Nord comme au Sud

justifiaient ce soutien au monde rural. Cet apport au monde rural a ainsi permis d'assumer une

triple fonction de services indispensables à la production agricole : la distribution et l'entretien

des intrants ; la collecte de produits commercialisés et d'échanges avec les produits

manufacturés et corrélativement la création de circuits monétaires pour favoriser la

redistribution.

Page 24: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

6

Encadré n°1 : Étapes de densification de l’appareil administratif ivoirien

Pendant la colonisation

Les premiers Cercles de la colonie sont créés en 1896 ; le maillage colonial s'affine à partir des années 30 où un nombre

important de subdivisions sont créées. Hiérarchisée, la centralité coloniale se décline en cercles (administrés par les

commandants), eux-mêmes composés de subdivisions dirigées par des chefs de subdivisions. Les cantons créés en 1934

avaient pour mission d'impliquer les autorités locales traditionnelles à la gestion des affaires modernes. Les départements et

les sous-préfectures sont apparus en 1956, dans le sillage de la Loi-cadre.

Dans la Côte d'Ivoire indépendante

- 6 grands départements et 107 sous-préfectures en 1965 ;

- 26 départements et 159 sous-préfectures en 1975 ; en 1976, 3 nouveaux départements sont créés, ce qui porte le nombre de

départements à 29 ; le nombre de sous-préfectures restant inchangé.

- 34 départements et 162 sous-préfectures en 1984 ; 15 nouveaux départements ont été créés en 1985, portant à 49 le nombre

de préfectures ivoiriennes. Les départements comprenant une seule ancienne sous-préfecture feront l'objet d'un découpage

ultérieur.

Les conflits de leadership ont justifié la création de 10 régions administratives en 1991, l'énoncé des motifs (décret 91-10 du

16 janvier 1991) obligeant les ministères à n'implanter leurs services régionaux que dans les chefs-lieux de ces régions.

Le découpage régional de 1991 qui renoue avec une ancienne vision d'aménagement du territoire renforce et diversifie les

échelles de la centralité :

- en 1991, il existe 10 régions, 50 départements et 183 sous-préfectures ;

- en 1996, sont créées 2 nouvelles régions, 5 nouveaux départements et 3 nouvelles sous-préfectures ; ce qui porte les régions

à 12, les départements à 55 et les sous-préfectures à 186 ;

- depuis l'année 2000, il existe 19 régions, 59 départements et 186 sous-préfectures.

Parallèlement, le maillage territorial ivoirien s'est enrichi de territoires communalisés (par opposition aux territoires non

communalisés). Le mouvement s'est accéléré entre 1980 et 1985 avec l'augmentation du nombre de communes de 36 à 135.

Après une phase de ralentissement consécutive au durcissement de la crise économique au milieu des années 80, l'embellie

économique de 1994 a permis à l'État de généraliser quasiment le déploiement communal à tous les chefs-lieux de sous-

préfecture. De 135 en 1985, le nombre de commune à passe 196 et dépasse à ce jour 1 000.

Depuis l'élargissement récent du nombre de communes, marqué par la création de 61 nouvelles communes en 1996, plus de

la moitié de la population ivoirienne vit sur le territoire d'une commune.

En parallèle, inspirés par les réformes territoriales coloniales réalisées entre 1899 et 1959, les

dirigeants ivoiriens procèdent à la densification régulière de l’appareil administratif

matérialisée par la mise en place d'une structure administrative de plus en plus fine depuis

l'indépendance (Encadré 1) ; et ce, non sans une préoccupation constante d'avoir un contrôle

permanent sur les administrés (Asseypo A. Hauhouot, 2002).

Après la promotion d’une agriculture d’exportation selon les potentialités de chaque région

sur fond d’un rapprochement de l’État des citoyens, le deuxième élément justificatif de la

théorie de la base économique est la recherche d’une ouverture maritime pour vendre les

productions locales à l’extérieur et accumuler des devises importantes.

12. Abidjan : chef-lieu de colonie et porte atlantique

La volonté d’ouvrir un exutoire maritime peut se résumer en deux idées simples. D’une part,

la recherche et la création d’un point d’ancrage des activités de base ; d’autre part, le

positionnement d’une porte maritime comme interface des activités de base et des activités

induites.

La recherche d’un point d’ancrage est observable surtout au niveau de l’instabilité de la ville

capitale. Le besoin de faire souche sur un site salubre et sécurisé explique l’abandon successif

Page 25: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

7

des deux premières capitales (Grand-Bassam et Bingerville) pour une implantation définitive

sur le site d’Abidjan en 1934 sur recommandation du génie militaire français, en l’occurrence

la mission Houdaille.

Parallèlement, s’il y eu recherche et création d’un chef-lieu de la colonie, il y a aussi eu une

volonté manifeste d’ouvrir des débouchés maritimes pour relier le nouveau territoire aux

industries métropolitaines. En l’absence de port en eau profonde et malgré l'obstacle de la

barre, l’aménagement des wharfs dans plusieurs régions côtières a permis de résoudre

localement le problème de transbordement des passagers et des marchandises ; en

l’occurrence, à Assinie, Grand-Bassam, Grand-Lahou, Sassandra et Tabou.

Les nombreuses études du génie militaire français2, retiennent Abidjan dont la position

stratégique en fait un site portuaire privilégié. Le site de plateau est composé de baies le plus

souvent bordées de collines et s'enfonçant de plusieurs kilomètres dans l'intérieur des terres.

Ces caractéristiques en font un exutoire tête de pont du chemin de fer devant relier le littoral

ivoirien au Niger. Les recommandations de la mission Houdaille sont pour ainsi dire claires :

[Elle] sera mise en communication avec la mer par un chenal de 800 m à travers la lagune et

par un canal de 2 km creusé vers le point appelé Trou-sans-fond" (cité par G. Rougerie,

1964). Après l’échec du percement du cordon face au trou abyssal en 1907, le projet fut repris

en 1919 mais loin du petit village de Petit-Bassam. Après les ralentissements dus à la Seconde

Guerre mondiale, le canal de Vridi relie, le 23 juillet 1950, l’océan atlantique à la lagune.

Avec ce port, Abidjan connait une croissance extraordinaire et organise un réseau urbain où se

développent les premières unités de conditionnement des produits tropicaux vers l’extérieur.

Depuis, la ville va bénéficier de nombreux équipements dans le cadre d’un projet urbain

volontariste qui a réorienté dès 1960 les principes et actions de l’urbanisme colonial3 et

affirmé l’option de l’habitat pour tous les ivoiriens, dans toutes les villes et pour tous les

quartiers.

Pour les concepteurs du modèle, Abidjan est avant tout une vitrine qui doit présenter une

image moderne inspirant confiance aux investisseurs : projets d’urbanisme prestigieux,

structures d’accueil modernes et transformation de l’habitat (quartiers, CBD), efforts

d’équipement et mise en place des grandes infrastructures font partie intégrante de la stratégie

de développement (Koby Assa Th., 2006). Des ouvrages perçus par beaucoup comme de pur

prestige, lors de leur réalisation, ont été en réalité le moteur du développement de la capitale.

Le palais de la présidence a illustré le vieil adage qui veut qu’on ne prête qu’aux riches

(journées mondiales de l’urbanisme en 1969). Le plateau, par son site de promontoire et sa

position au centre de la ville, symbolise, par son architecture d’avant-garde, le dynamisme

économique de la Côte d'Ivoire.

2 Les missions d'études du chemin de fer ivoirien ont été effectuées sur plusieurs sites, notamment : sur le cours

inférieur du Bandama, (projet Marchand pour Grand Lahou (1896) ; projet Thomasset et Mission Houdaille (1898) ; sur le cours inférieur de la Comoé : projets Binger et Houdaille pour Grand-Bassam (1896) ; site d’Abidjan : projet Capitaine Crosson Duplessis pour Petit-Bassam et Mission Houdaille (1896).

3 Soucieux avant tout de faire une ville assainie pour les européens et les évolués.

Page 26: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

8

Avec la présence du port, Abidjan devient un puissant aimant drainant des flux importants de

populations grâce aux mouvements migratoires nationaux internationaux. La ville d'Abidjan

qui ne comptait que 46 000 habitants au sortir de la Seconde Guerre mondiale en compte 66

fois plus à peine un demi-siècle plus tard. Chaque année, elle reçoit environ 30 000 nouveaux

citadins et pendant « les vingt glorieuses » (1960-1980), elle en recevait davantage soit une

moyenne de 130 000 personnes par an. Abidjan, deuxième cité ouest africaine après Lagos,

présente aujourd’hui tous les caractères d’une véritable métropole : forte croissance

démographique, concentration des activités économiques et polarisation de l’espace national.

Pour résumer la structure souche du réseau urbain ivoirien, on peut dire que la théorie de la

base économique s’est traduite en Côte d'Ivoire par l’affirmation d’une activité de base :

l’agriculture d’exportation. Celle-ci a permis la création de richesse dans le pays et

corrélativement les activités induites autour des pôles de production. Ces derniers acheminent

leurs productions vers le port à Abidjan dans le quart Sud-est du pays autour duquel se noue

l’essentiel des activités économiques d’exportation. Abidjan devient alors la tête de pont d’un

réseau urbain, largement calqué sur l'héritage du semis colonial, où les villes sont à la fois des

instruments de contrôle territorial de l’État et des pôles administratifs relais de

l’acheminement des produits agricoles vers le port abidjanais.

Au fond, l’armature urbaine ainsi mise en place est composée de deux blocs de villes reliés

par des fonctions urbaines très précises : une ville primatiale à la fois point d’ancrage

administratif et port maritime ouvert sur le commerce international ; et un semis de villes

intérieures qui sont avant des rouages du système de traite et de contrôle du pouvoir d'État

mais aussi pourvoyeuses des productions agricoles et de main-d’œuvre. Un facteur explique

donc les germes de polarisation dans le dispositif urbain ivoirien : c’est la nature des liens

fonctionnels existant entre les villes qui exclut la concurrence entre une ville hégémonique et

de gros bourgs agricoles de province.

Naturellement, au moment où ce schéma est mis en place par le moule colonial, il n’existe pas

encore de polarisation du développement. D’abord, les points d’accès de la colonisation ne

sont pas stables. Les villes capitales se sont déplacées de Grand-Bassam à Bingerville puis à

Abidjan. Ensuite, les ressources du pays étaient essentiellement agricoles et recherchées, tous

azimuts, à travers le pays. Enfin, l’industrialisation dans ses premières phases était étroitement

liée aux ressources naturelles, soit de la forêt, soit à l’introduction des premières industries de

substitution aux importations, par exemple dans le domaine textile. Mais ces industries

n’étaient pas nécessairement situées autour d’Abidjan.

C’est à la fin des années soixante qu’apparaissent les premiers signes de polarisation de

l’activité économique suivis du développement des inégalités régionales. Ces évolutions

inquiétantes sont clairement exprimées à divers niveaux par les pouvoirs publics. Deux

exemples permettent d’illustrer ces inquiétudes.

D’abord l’intervention de Tiécoura Diawara, Ministre du Plan, au Ve Congrès du PDCI-RDA

en octobre 1970 : « il appartient aux pouvoirs publics de mettre en œuvre les actions

correctrices afin d'éviter que s'aggravant, elles [les disparités] en viennent à mettre en cause

Page 27: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

9

l'équilibrage du corps social, voire à provoquer à terme un blocage de la croissance elle-

même » (cité par A. Dubresson, 1989).

Ensuite, le Président Félix Houphouët-Boigny justifiant l’intérêt du plan 1976-1980, écrit

dans ce premier document formel sur la stratégie des pouvoirs publics ivoiriens : « le clivage

qui était en train de s’opérer entre une Côte d'Ivoire urbaine et forestière, bénéficiant quelles

que soient ses tensions propres, d’un rythme et des retombées des progrès de l’économie

moderne et une Côte d'Ivoire rurale et de savane à la recherche de nouvelles raisons de mieux

être, pouvait conduire à remettre en cause l’unité nationale et les harmonies acquises (cité par

SCET IVOIRE et al., 1983).

C’est donc quinze ans après l’ouverture du port d’Abidjan comme exutoire maritime que les

pouvoirs publics ivoiriens prennent la mesure des effets pervers du modèle extensif et s’en

inquiètent. Ils prennent ainsi date pour mettre en place des actions pragmatiques de correction

des disparités émergentes. Quelles sont alors les réponses publiques proposées pour faire face

aux problèmes de la polarisation économique ?

2. Aménagement et solutions à la question de la polarisation

21. Problématiques de la construction de l’espace économique ivoirien

Pour une meilleure intelligence des solutions publiques proposées aux problèmes de

polarisation économique, il n’est pas inutile de faire un rappel cursif de l’identité de la Côte

d'Ivoire au moment de l’indépendance puisque c’est de cette identité que découlent les

questions majeures du développement.

Pour bien comprendre la situation de la Côte d'Ivoire à l'indépendance, rappelons qu'au sortir

de la colonisation, la Côte d'Ivoire est un pays à dominante rurale. L’agriculture occupe une

place importante dans le système de production avec un nivellement des fonctions régionales

autour d'activités agro-exportatrices et principalement de l’arboriculture (café, cacao, palmier,

coton etc.). Les villes existantes sont en réalité de gros bourgs de collecte et d’évacuation des

productions. Elles ne sont pas assez actives pour entraîner des fonctions urbaines de

développement rural et régional. Globalement, l'ossature du réseau urbain s’organise autour

de pôles démo-économiques.

En pleine mutation, le pays dispose d’équipements de base en voie de modernisation. Le port

répond déjà aux exigences du trafic maritime et il assure l’essentiel des transbordements. Le

chemin de fer et les routes constituent un réseau de distribution et d'évacuation qu'il s'agit

seulement de parfaire. Si la production exclusivement agricole s'est accrue, les méthodes la

rendent vulnérable, trop sensibles aux circonstances naturelles ou extérieures. Le système

économique se caractérisait par la faiblesse des investissements productifs dans la colonie et

par le niveau élevé des bénéfices réalisés par ses promoteurs au détriment des producteurs

ivoiriens.

Malgré ces germes de changements introduits dans les systèmes productifs traditionnels, à

l'indépendance, il n'y a pas de différence de nature entre les régions ivoiriennes. Certes,

quelques villes forestières du Sud-est et Abidjan se sont enrichies au milieu des années

cinquante avec le boom du binôme café-cacao (H. Labouret, 1941). Mais, la majorité des

Page 28: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

10

unités administratives du pays sont encore, à degrés divers, enclavées et sous-équipées.

Partout, prédomine encore l’économie de subsistance. Les interconnexions entre les

économies régionales sont faibles, les échanges locaux de courte distance étant la règle.

Chaque région avait son propre système productif et ses modèles d’autoconsommation. Il était

impossible d’échanger des produits vivriers dans un environnement à faible revenu et ayant

un niveau d’urbanisation insuffisant.

C’est de l’appréciation objective de ce tableau géographique d’un pays à vocation agricole et

la recomposition des sociétés traditionnelles de base que résultent les principales

interrogations posées aux leaders ivoiriens à l’indépendance. Le plan 1958-1962 résume bien

ces interrogations de fond : que faut-il retenir des périodes antérieures ? Que faut-il intégrer

dans le nouveau cycle de développement ? Quelles innovations faut-il apporter à l'économie

nationale, basée sur l'agro-exportation, afin d'accroître la valeur ajoutée du travail des paysans

et de pourvoir à une répartition juste des fruits de la croissance ? Compte tenu de

l'affaiblissement des solidarités sociales traditionnelles, quel rôle l'État social doit-il jouer

pour accélérer le passage des « nations tribales » à la Nation ? Comment faut-il redistribuer

les fruits de la croissance dans le cadre de la lutte contre les disparités régionales de

production ?

Ces interrogations majeures ont sous-tendu de manière décisive les options stratégiques du

développement ivoirien4. Le postulat de base était de stimuler de nouvelles conditions de

croissance et de progrès humain dans les régions en fonction de leurs potentialités en créant,

prudemment des ruptures indispensables aux sociétés traditionnelles et amplifier les échanges

avec l’extérieur comme imposé par le moule colonial.

Au plan international, le maintien d'une relation organique avec la France figure au centre de

la stratégie ivoirienne du développement. Les dirigeants ivoiriens conçoivent la dépendance

institutionnelle envers la France comme une garantie politico-juridique essentielle pour que la

Côte d'Ivoire puisse attirer massivement des capitaux privés français. Il s'agit également

d'éviter toute remise en cause de l'aide publique non négligeable que le pays reçoit de la

France. Une fois l'aide de la France jugée satisfaisante, la Côte d'Ivoire pourrait ainsi prendre

la relève du développement et de l'unité africaine dans un contexte marqué par les

indépendances en chaîne5.

La conscience de ne pas être un acteur autonome sur la scène internationale est affirmée et

assumée au grand dam des adeptes, le leader ghanéen en tête, d’une Afrique socialiste et

soucieuse d’une indépendance totale.

4 Les objectifs de développement du Plan définis sur la base de ces interrogations sont : moderniser et diversifier

l'agriculture ; accroître le revenu sensible des producteurs ; améliorer les équipements de transport ; intensifier et diversifier la production industrielle par une série de mesures dont l'accès à l'énergie hydroélectrique est l'une des conditions. Le Plan prévoit en outre, une série d'actions de promotion sociale. Sont concernés en particulier, l'éducation, la santé, l'habitat et l'hydraulique villageoise pour un budget de réalisation de 27 milliards financés de moitié par la Côte d'Ivoire.

5 Voir à ce propos, les déclarations du Président Félix Houphouët-Boigny lors de la célébration du deuxième

anniversaire de l'indépendance en 1962.

Page 29: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

11

Au plan économique interne, l’option en faveur du développement du secteur primaire avec

l’agriculture comme axe prioritaire est clairement affichée dans une société symboliquement

perçue à l’époque comme une société de planteurs.

Le choix libéral du nouvel État ivoirien se double d’une approche du développement

résolument volontariste soutenue par la planification utilisée pour une meilleure coordination

des actions dans une stratégie globale. Mais l’efficacité de cet instrument n’est pas encore

garantie. Les informations léguées par l’administration coloniale sont incertaines et

fragmentaires. Elles ne constituent pas encore une base satisfaisante susceptible de permettre

aux pouvoirs ivoiriens de mener à bien les engagements définis (A. Yapo Pergaud, 1979).

Les premiers pas de la planification ivoirienne sont donc prudents et encadrés par

d’importants travaux de recherche pour une meilleure connaissance des réalités internes et

appuyer les prises de décision sur les politiques de développement à court, moyen ou long

terme. Les études et enquêtes régionales à objectifs multiples (1962-1966) ont ainsi constitué

un premier cadre de réflexion globale qui a permis de fixer, à la fin de l’année 1966, des

perspectives décennales 1960-1970 de développement économique, social et culturel pour la

période 1960-1970. Pour l’essentiel, ce premier cadre porte les opérations d'envergure et

sectorielles menées dans le cadre de la reproduction extensive (principe de créer un nouveau

port afin de désenclaver et mettre en valeur le Sud-ouest et choix du site) ; le principe de

lancer des opérations intégrées de développement rural à l'aide des sociétés d'État afin de

réduire les inégalités de revenus Nord-Sud.

Si la planification est bien amorcée, l'absence de problématique socio-économique des

premières études - plus descriptives qu’analytiques (H. Lhuillier, 1967 : G. Ancey, 1975) -

limitait la compréhension des situations régionales, dont les logiques d'ensemble sont peu

connues.

Pour un meilleur éclairage sur ce point, le schéma d'analyse théorique de modèle de

croissance et de développement régional de J. C. Perrin (1967) au sein de l’ORSTOM est testé

autour de Bouaké entre 1967 et 1971 et reposait sur l'importance des facteurs de polarisation

et de hiérarchisation entre milieux. Il renvoie à une organisation de l'espace national en sous-

ensembles différenciés et hiérarchisés par régions : zones homogènes, cellules de base et par

milieux urbain, semi-urbain, rural entre lesquels devaient se réaliser la diffusion et

l'amplification des effets de développement. Ainsi structurée et polarisée par un centre urbain,

une région peut-elle déboucher sur un processus cumulatif de croissance lorsque des

investissements moteurs articulent entre eux les différents éléments (Encadré 2).

Page 30: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

12

La région de Bouaké semblait répondre aux critères ainsi retenus ; c'est pourquoi il fut décidé

qu'elle servirait de terrain expérimental pour l'approfondissement et la quantification de ce

schéma théorique initial (G. Ancey et M. Pescay, 1983).

L'étude a révélé que "du point de vue de la polarisation, la région de Bouaké est un cadre

spatial dépourvu de contenu économique réel et potentiel". Les formes d'organisation

régionales sont "plus apparentes que réelles" ; elles rendent improbable l'induction d'effets

réciproques entre les divers milieux trop cloisonnés et la formation d'un processus cumulatif

de croissance à un échelon autre que national. Le marché est "étroit" et "partagé entre "une

multitude d'intermédiaires" alors qu'une "dépendance globale de l'extérieur", accentuée par

des fuites, limite la chaîne des effets au niveau régional. Par ailleurs, la sujétion des villes de

l'intérieur à des options relevant du pouvoir de décision national (ou supranational) est perçue

comme la source d'un manque à gagner au niveau global de la collectivité. Les conclusions

montrent que le modèle n’est pas valide à Bouaké et en fin de compte difficilement applicable

en Côte d'Ivoire, à moins que l’État aménageur prenne le relais (Encadré 3).

Encadré n°2 : résumé du schéma d'analyse théorique de J. C. Perrin (1967)

Il repose sur les notions de "niveaux d'organisation et de milieux de diffusion".

Le premier niveau est celui de la "région économique" organisée autour d'un "pôle industriel urbain". La région doit

répondre aux conditions suivantes :

- Aptitude à fixer dans ses limites géographiques les déplacements de la population qui en est originaire et les activités

nécessaires à cette population.

- Existence d'un marché potentiel de consommateurs finaux suffisamment large.

- Liaison entre des pôles de développement ruraux spécialisés et au moins un pôle urbain entre lesquels se produisent des

effets de diffusion.

- Un réseau dense de communications internes.

À un niveau inférieur se situe "la zone économique", véritable cadre des interventions techniques, dominée par son "pôle

semi-urbain". La zone économique est un ensemble homogène et spécialisé.

Enfin, un troisième niveau de médiation entre les agents individuels et le pouvoir central est la "cellule économique de base"

dotée d'un "pôle semi-rural" où se fixent certains services administratifs et un embryon d'activités secondaires et tertiaires.

Deux milieux sont "inducteurs" : le milieu urbain et le milieu rural faisant l'objet d'investissements exogènes (grosses unités

industrielles exportatrices en milieu urbain, "opérations" en milieu rural ...) quoique le milieu urbain soit également le siège

d'effets induits "d'accélération". Les deux autres milieux sont totalement "induits".

Synthèse réalisée à partir des travaux de G. Ancey et M. Pescay, 1983, p. 17.

Page 31: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

13

Les recommandations de l’ORSTOM au contenu fortement géo-aménagiste sont reprises dans

les Plans 1971-1975 et 1976-1980. Elles permettent surtout d’affermir la réflexion en mettant

en avant les questions de structuration de l'espace national. En témoignent les différents plans

quinquennaux qui prennent le relais dans la structuration de la pensée et des actions.

22. Polarisation économique et mise en place des pôles urbains

Le Plan quinquennal 1971-1975 ouvre la phase d'affermissement de l’aménagement du

territoire dans la continuité de la reproduction agricole extensive, matérialisée par plusieurs

programmes de développement rural à travers le pays (techniques agro-pastorales et

aménagement de zone). Les objectifs du Plan 1971-1975 sont clairs : le progrès consistait à

développer le potentiel économique (avec une implication accrue des Ivoiriens) et poursuivre

la croissance économique amorcée, mais aussi à assurer une meilleure répartition des fruits6

de cette croissance et favoriser une promotion humaine accélérée.

Le territoire national est désormais structuré en régions géographiques et économiques au sein

desquelles existent des zones homogènes de développement qui sont définies en unités. Dans

ces sous-espaces « homogènes de développement » seront entrepris des « investissements

publics multisectoriels » privilégiant la mise en valeur agricole autour de grands équipements

« structurants » dans le cadre d'une programmation cohérente. Des opérations de

développement en cours de réalisation ou annoncées témoignent de ce changement introduit

par le Plan 1971-1975. Depuis 1969, deux grandes opérations de développement régional sont

lancées, au Centre (construction du barrage de Kossou) et au Sud-ouest du pays (réalisation

du port de San Pedro), et confiées à des Autorités, ARSO et AVB, à compétence régionale

pour assurer l'agencement de l'espace et la coordination des actions ; en 1974-1975, le

complexe sucrier, de Ferké 1, est prévu dans le Nord ivoirien et confié une société d'État, la

6 Selon les termes de la DATAR (1974) et repris par le Président Houphouët dans son discours du 6

e congrès du

PDCI en 1974.

Encadré n°3 : Propositions de l'ORSTOM après l'étude pilote de Bouaké (1967-1969)

Les recommandations mettent en avant une idée majeure : si le modèle ne sied pas au contexte ivoirien a priori, de même

que le mouvement se prouve en marchant, la région n’est que ce que l’on en fait. L’essentiel est de concentrer les

investissements sur certains espaces et de coordonner les actions de manière volontariste. Elles se résument comme suit :

Ne pouvant fonder le développement régional sur un processus de croissance animé de l'intérieur, la première tâche du

planificateur devra être de susciter la formation de régions polarisées du point de vue économique, mais aussi politique

(décentralisation de la décision) et technico-administratif. Il convient d'éviter autant que possible la multiplication des

découpages territoriaux.

Les investissements doivent être concentrés autour d'un nombre restreint de centres moteurs et de grandes opérations

qui définiront ainsi leur propre espace de développement.

À l'intérieur de cet espace, certaines fonctions (production, encadrement, distribution, approvisionnement, formation,

crédits, etc.) à satisfaire dans le cadre des projets d'opérations mis en œuvre, devront se localiser dans des centres

urbains ou semi-urbains qu'il importe peu de hiérarchiser en une typologie déterminée a priori.

La coordination des investissements et la définition des fonctions afférentes à une opération intégrée majeure telle la

mise en valeur du Sud-ouest, l'aménagement de la vallée du Bandama ou l'organisation d'Abidjan nécessitent

l'élaboration de véritables schémas directeurs à long terme.

Une fonction de coordination générale, entre les différentes opérations qui doivent s'inscrire étroitement dans l'appareil

de planification, ne peut être remplie que sous le contrôle du ministère du Plan. Celui-ci a d'ailleurs pour rôle de susciter

éventuellement d'autres projets qu'il estimerait nécessaires à une meilleure efficacité de ces opérations.

Synthèse réalisée à partir du texte de G. Ancey et M. Pescay, 1983, p. 20.

Page 32: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

14

SODESUCRE ; le Plan 1971-1975 reprend à son compte le programme de réanimation des

villes du chemin de fer par la création de grands complexes textiles dont les premières études

ont débuté en 1968.

En parallèle aux travaux de réflexion prospective et ceux du Plan 1976-1980, sont réalisées

des études d'aménagement du territoire distinctes. Les apports de ces études ont été

partiellement utilisés dans les travaux de planification proprement dits. Il s'agissait d'études de

schémas-directeurs d'aménagement. Ceux-ci étaient conçus comme les instruments privilégiés

de prise en compte tout à la fois des réalités régionales et des perspectives à long terme, de

coordination et d'intégration des projets et actions de développement. Le mouvement ayant

été lancé dès 1972 avec les schémas-directeurs de l'AVB et l'ARSO, le ministère du Plan, à

travers sa nouvelle Délégation de l’aménagement du territoire et de l’action régionale

(DATAR) a engagé un programme d'études visant à couvrir progressivement l'ensemble du

territoire national et à déboucher sur un schéma national de synthèse7. Cet objectif est repris et

confirmé par le Plan 1976-1980. Les travaux d'études réalisés dans ce cadre sont sériés en

trois types principaux (1983) :

Le premier concerne « les études lourdes » allant jusqu'au projet complet de schémas-

directeurs régionaux : ce fut le cas pour les deux autorités d'aménagement régional : l'AVB

pour la région Centre et l'ARSO pour la région du Sud-ouest. Les travaux d'étude sont réalisés

avec leurs propres moyens et l'appui de consultants, et s'échelonnèrent de 1972 à 1976. Dès le

départ, jugés nécessaires à l'orientation et à l'encadrement des opérations importantes et

actions engagées, ils étaient inscrits comme tâche essentielle dans les statuts même de ces

sociétés ;

Le second renvoie à des « études plus légères » pour les autres régions (au sens du découpage

des FRAR), lancées directement sous le conductorat de la DATAR et réalisées

essentiellement par des équipes de techniciens du Bureau d'étude national de l'époque

(BNETD). Elles allaient jusqu'à un balayage d'options alternatives de développement et

d'aménagement à long terme, ou à des esquisses de schémas-directeurs. La couverture de

l'ensemble des régions fut réalisée progressivement de 1973 à 1977 ;

Le troisième type est l'étude de synthèse du schéma-directeur national8 réalisée en 1977 et

1978 par les techniciens de la DATAR en collaboration avec des consultants extérieurs. Ces

synthèses sont composées d’un « Livre Blanc » ou « Bilan diagnostic national » (du point de

vue de l'aménagement du territoire), d’un « scénario tendanciel » à l'horizon 2000 et d'un

« scénario alternatif volontariste ». Tous ces documents visent à combattre les déséquilibres

inter et intra régionaux.

7 La réalisation du schéma de synthèse sera possible grâce à des études régionales : "bilans diagnostics

régionaux" (septembre 1978- août 1980) ; "consultations départementales" remplaçant les "consultations régionales".

8 La réalisation du schéma de synthèse a été possible grâce à des études régionales : "bilans diagnostics

régionaux" (septembre 1978- août 1980) ; "consultations départementales" remplaçant les "consultations régionales". Pour plus de détails, voir G. Ancey et M. Pescay, 1983, p. 59-90.

Page 33: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

15

Réalisés pendant la même période, le Recensement national agricole ou RNA9 et le

Recensement national de la population de 1975 (résultats provisoires disponibles en 1977)

visaient davantage à renouveler les données statistiques régionales dont le « sérieux

vieillissement » avait été souligné en 1974 au début des travaux préparatoires du Plan 1976-

1980 (G. Ancey et M. Pescay, 1983, p. 49).

Les résultats des groupes de réflexion prospective de 1973 (Encadré 4) enrichis par les

travaux connexes du ministère ivoirien du plan permettent ainsi un affinement de la réflexion

en cours et donnent un coup d'accélérateur à la stratégie de l'aménagement engagée par le

Plan 1971-1975. On retrouve dans le chapitre 22 du Plan 1976-1980, dont la monture rappelle

les conclusions des groupes de réflexion de 1973, les problèmes majeurs d'aménagement du

territoire ont été regroupés autour de quatre points essentiels : le constat d'un double

phénomène de concentration et de disparités ; l'insuffisante maîtrise de la croissance urbaine

d'Abidjan ; d'importants mouvements migratoires ; une dynamique globale du développement

tendant au renforcement des déséquilibres des problèmes précédents.

Encadré 4 : Propositions stratégiques des groupes de réflexion prospective de 1973

Il s’agit d’une grande concertation ouverte dont les débats ont porté sur les thématiques suivantes : agriculture, industrie,

activités tertiaires, emploi-éducation-formation, type de société, urbanisation et aménagement du territoire (spécialisation

horizontale). Et les échanges ont abouti à plusieurs scénarii et des recommandations sur le type de société souhaité par les

Ivoiriens et les moyens d'y parvenir résumés ci-après :

Option majeure :

- en opposition aux tendances lourdes à la concentration dans le sud forestier et le pôle unique d'Abidjan, nécessité d'une

politique volontariste d'aménagement du territoire visant à une répartition équilibrée des hommes, des équipements et des

activités, ainsi qu'à une mise en valeur des potentialités des différentes régions ;

Options complémentaires :

- concentration des moyens sur un petit nombre de pôles, capables d'impulser le développement régional et de

contrebalancer le poids excessif d'Abidjan ;

- recherche d'une conciliation entre les contraintes de l'urbanisation et les valeurs ou les modes de vie spécifiquement

africains (réalisable surtout au niveau des villes moyennes de l'ordre de 10 000 à 50 000 habitants) ;

- construction d'une société calquée sur la famille ivoirienne traditionnelle, mais ouverte sur la modernité, c'est-à-dire

nataliste, soudée, solidaire, cohérente et généreuse ;

- réduction de la part relative de la population étrangère qui représente plus du tiers de la population résidante totale et

l'ivoirisation des emplois dans l'agriculture, l'industrie et le commerce ;

- élaboration d'un nouveau code domanial pour empêcher les étrangers et les Ivoiriens nantis de confisquer les terres en

créant de véritables "latifundia". Cette proposition fait suite au constat de conflits fonciers sporadiques dans le pays,

notamment dans le Sud-ouest, depuis l'ouverture des grands chantiers.

Moyens essentiels d'un aménagement volontariste du territoire regroupés en 5 types d'actions :

- freinage de la croissance d'Abidjan

- structuration de l'espace national à travers la promotion d'une armature urbaine hiérarchisée à deux niveaux principaux :

pôles régionaux de développement et villes moyennes

- décentralisation effective des pouvoirs de décision

- effort accru de l'État en faveur des régions

- organisation de la concertation entre les différents protagonistes du développement

Viennent ensuite s'ajouter des propositions détaillées concernant les pôles de développement et les principales voies de

communication "structurantes" (Nord-Sud et Est-Ouest).

Synthèse réalisée à partir des textes de G. Ancey et M. Pescay, 1983, p. 40 et de Asseypo A. Hauhouot, 2002, p. 98.

9 Réalisé dans les aires forestières du Sud en 1973 et dans les zones de savane en 1974. Les premiers résultats

sont publiés en 1976.

Page 34: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

16

Avec le Plan 1976-1980, les opérations sectorielles ou intégrées (ARSO et AVB) continuent

toujours à élargir le marché intérieur à travers un équipement agricole soutenu. Mais le volet

agricole est complété par une structuration de l'espace avec la mise en place d’une hiérarchie

des pôles et axes en vue de la structuration de l’espace urbain national à l’horizon 2000

(fig. 1).

Figure 2 : Les principaux pôles urbains ivoiriens selon le Plan 1976-1980

Page 35: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

17

Le système urbain hiérarchisé ainsi défini comprend cinq niveaux : Abidjan, 4 pôles

d’équilibre, 32 autres agglomérations dont 9 zones d’appui d’Abidjan et 23 satellites des pôles

d’équilibre, 4 pôles d’équilibre secondaire et 4 autres villes moyennes, qui constituent le cadre

de l’action volontariste d’investissements publics. A chaque pôle, il est également octroyé des

objectifs généraux à long terme et opérationnels à court et moyen termes. Les moyens ou

systèmes de moyens à mettre en œuvre pour réaliser les objectifs opérationnels comportent

également deux niveaux : les moyens communs à tous les objectifs ayant donc un caractère

stratégique et les moyens se rattachant plus particulièrement à l'un ou l'autre des objectifs. Le

modèle déployé est résumé par A. Koby (1997) comme suit : 2 pôles d'équilibres majeurs à

vocation internationale (Abidjan et San Pédro), 4 pôles d'équilibres principaux (Bouaké,

Korhogo-Ferké et Man) et 4 pôles d'équilibres secondaires (Abengourou, Bondoukou, Daloa,

et Odienné).

Ces pôles sont appréhendés comme des lieux spécifiques de réalisation des investissements

publics sous forme d’actions intégrées ou non. Il est notamment espéré que ces réalisations

favorisent la croissance et sa diffusion par un ensemble d’effets d’entraînement régionaux

impulsés à partir des villes. Les échanges ainsi provoqués ou contrôlés sont canalisés le long

des principales routes interrégionales. Des programmes d’équipement des pôles d’équilibres

et de réalisation des réseaux de transport et de télécommunications sont élaborés, et une

batterie de mesures institutionnelles visant à mettre en place une régionalisation des actions de

développement sont proposés. Il s’agit principalement du découpage régional, avec des

alternatives laissées ouvertes à l'arbitrage politique ; de la grille d'équipement correspondant à

ce réseau urbain, en fait une stratégie d’investissement dans les villes (ou SIVI) ; des voies de

communication à mettre en place pour relier les pôles afin de susciter une synergie entre eux,

et de la hiérarchie et le rôle à long terme des différentes agglomérations (Koby Assa, 1997).

L’objectif de ce nouveau dispositif urbain marqué par de nouveaux stimulateurs intérieurs

était clair : infléchir la tendance à la polarisation au Sud dont les effets persistent et

s’aggravent et éviter les surcoûts exorbitants résultant de la croissance d’Abidjan.

Certes d’autres plans quinquennaux et études prospectives suivront le plan de 1976-1980.

C’est le cas du Plan 1981-198510

qui engage la mise en valeur des richesses du sol et du sous-

sol et ouvre les perspectives à l'énergie, aux mines et à l'industrie. C’est aussi le cas de l’étude

nationale prospective Côte d'Ivoire 2025 (1997) qui vient faire des propositions dans un

contexte de récession et d’évolution politique pour renverser la tendance à la stagnation et au

déclin et amorcer une seconde phase de croissance forte, durable et équitable. Mais sur le fond

ces travaux ultérieurs ne modifient pas le dispositif urbain mis en place. Le Plan 81-85 prévoit

de le renforcer par l’implantation d'industries dans les villes de l’intérieur. Mais à cette

époque la planification est considérée comme un luxe dont on peut se passer en période de

mauvaise conjoncture économique et ses conclusions ne sont pas exécutées11

. L'Étude

10

La rédaction de ce plan a été possible grâce à l’apport d'autres travaux préparatoires, à savoir : l'analyse des comptes économiques régionaux, l'étude des contraintes de l'industrialisation dans les régions et les bilans diagnostics régionaux détaillant la situation de chaque département selon un canevas assez directif.

11 Dans le Plan 1981-1985, une bonne partie du préambule du chapitre relatif à l’Aménagement du Territoire et

le Développement Régional est, du reste, consacrée à justifier l’existence de la planification régionale.

Page 36: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

18

prospective nationale (1995) ne fait pas siennes les options polarisatrices ; mais faute d'être

appliquées, les options polarisatrices restent à ce jour inchangées.

Pour conclure sur ce bilan de la l’aménagement du territoire, on peut dire d’emblée qu’en

s’inscrivant dans la logique productiviste imprimée par le système colonial, les pouvoirs

publics optent pour une approche volontariste et progressive. Ils reconduisent le modèle

agricole extensif organisé entre une ville portuaire et des provinces productrices, ce qui a

permis aux leaders ivoiriens à étendre la base de l’accumulation et l’organisation du pouvoir

d’État. Le constat des disparités régionales dès la fin des années soixante-dix et la

méconnaissance générale des réalités socio-économiques du pays les obligent à penser

autrement le développement. D’une part le modèle agricole extensif n’est pas abandonné,

d’autre part on s’est donné le temps de s’approprier la problématique du développement du

pays. Ce dernier point s’est matérialisé par la collecte de données régionalisées puis

l’élaboration de plans quinquennaux amendés par des études connexes qui se sont succédés

depuis le milieu des années 60. La stratégie, qui s'est formalisée avec le troisième Plan

quinquennal (1976-1980), s’est appuyée sur une vision à long terme (horizon 2000) de la

structuration d’un espace économique national centrée sur des pôles urbains. Le but était de

contrebalancer le poids d’Abidjan par des actions vigoureuses en favorisant l’émergence de

pôles urbains intérieurs forts. La solution ainsi proposée est en réalité une subtile combinaison

entre la théorie des pôles et celle de la base. Quels en sont les résultats cinquante ans plus

tard ?

3. Croissance du réseau urbain, tendances actuelles et enjeux

31. Un réseau urbain macrocéphale

La réalité aujourd’hui, c’est que le réseau urbain ivoirien a une structure monocéphale des

lustres après son implémentation. Même si les taux d’urbanisation sont loin d’être uniformes

dans le pays (fig. 2), les 5% d’urbains des années quarante ont pris du volume avec une

moyenne nationale de 43% en 1998. Et le taux d'accroissement moyen annuel de la

population urbaine situé entre 4% et 8% de 1975 à 1998 (contre 10% au cours la décennie

1955-1965) reste encore important. Certes, la majorité de la population demeure encore rurale

en 1998 (58% de ruraux contre 42% d’urbains) mais pas pour longtemps ; à l’horizon 2018,

on devra compter 64% de citadins, ce qui laisse penser que dans les lustres à venir plus de

deux habitants sur trois résideront en ville. En clair, les masses de populations concernées

deviennent considérables.

Page 37: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

19

Figure 3 : Taux d’urbanisation en Côte d'Ivoire en 1998

Corrélativement les villes ivoiriennes de tailles différentes se sont multipliées (54 à

l'indépendance et plus de 200 aujourd'hui), les localités de 100 000 habitants accueillant

régulièrement au moins 50% des Ivoiriens entre 1975 et 1998 (tableau 1).

Tableau 1 : Population urbaine ivoirienne selon la taille en 1975, 1988 et 1998

TAILLE DES VILLES

(En millier d'habitants)

POIDS DES CITADINS SELON LES CATEGORIES DE VILLES

1975 1988 1998

Population

urbaine

Poids des

villes

%

Population

urbaine

Poids des

villes

%

Population

urbaine

Poids des

villes

%

4 à 10 140 412 7 87 960 2 126 515 2

10 à 50 778 484 36 1 112 495 26 1 040 163 16

50 à 100 111 125 5 433 903 10 941 344 14

Plus de 100 1 393 999 65 2 842 751 67 4 281 588 68

TOTAL IVOIRIEN 2 156 501 100 4 231 360 100 6 529 138 100

Tableau réalisé à partir des premiers résultats du recensement national de 1998, août 2000.

Il s’agit en l’occurrence de 8 agglomérations : Abidjan et Bouaké depuis 1975 (2% du total

des villes mais accueillaient 52% des urbains). En 1988, il existe 5 villes de plus de 100 000

Page 38: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

20

habitants. Dans l'ordre croissant, il s'agit de Yamoussoukro (106 786 habitants), Korhogo

(109 445), Daloa (121 842), Bouaké (329 850), et Abidjan (1 929 079). En valeur relative, ces

villes accueillent la majorité des urbains ivoiriens soit plus de 2 urbains sur 3. À ces villes

s'ajoutent 3 nouvelles villes de plus de 100 000 en 1998 : Gagnoa (107 124), Man (116 657)

et San Pedro (131 800).

Certes, ce dynamisme urbain a permis de moderniser le pays à travers diverses actions

volontaires de développement et d’équipement des villes. Citons quelques exemples à titre de

rappel. Les programmes d’équipements collectifs de base (écoles, dispensaires, centre de

santé, marchés, lotissements, foyers polyvalents, logements de fonction etc.) financés par les

Fonds Régionaux d’Aménagement Rural (FRAR) et les Fonds d’Investissement et

d’Aménagement Urbains (FIAU). Les programmes d’urgence en faveur du Nord. Les

programmes de commémorations des fêtes tournantes de l’indépendance. Les programmes de

promotion humaine, d’électrification de l’habitat rural, programmes routiers de

désenclavement des sites habités. Les divers projets agricoles et agro-industriels et les grandes

opérations intégrées de développement régional (AVB et ARSO).

Dans tous les cas de figure, les stratégies d'investissements dans les villes (SIVI) qui ont sous-

tendu la mise en place de ces équipements se sont appuyées sur deux logiques : d’une part, la

concentration « d'équipements structurants » en plus des services publics (transports,

télécommunications, énergie, services aux entreprises) dans quelques villes (selon une liste

évolutive) où un effet induit important est attendu à court terme ; d’autre part, tous les

« équipements non structurants » (santé, éducation, édilité, etc.) sont répartis sans a priori et

selon des normes minimales, quelle que soit la ville.

Les villes de Côte d'Ivoire ont ainsi subi une profonde mutation en une vingtaine d’années.

Elles ont été reconstruites, l’habitat de type rural y a souvent disparu et les équipements se

sont multipliés. Au milieu de la décennie 1970-1980, L. Atta Koffi (1975) avait distingué

assez nettement six types de centre urbain issus des grandes phases de l’évolution récente du

pays, à savoir : les villes à passé colonial, les comptoirs de la côte, les postes administratifs,

les villes du rail, les villes du café et du cacao et les villes de l’après indépendance12

. Mais

aujourd’hui, cet exercice n’est plus aisé. Les paysages urbains ivoiriens ont changé. On peut

même parler d’une uniformisation.

En considérant les activités urbaines, toutes les villes ivoiriennes sont dotées d’un minimum

d’activités spécifiques nécessaires à leur fonctionnement quotidien. Il s’agit d’abord des

services municipaux (voirie, éducation, police ou administration) ; ensuite une pléthore de

petits métiers informels de services et de production (commerce, transport et professions

libérales) ; enfin quelques activités industrielles dans certaines localités. Toutes ces activités

font vivre les villes et leur donnent la capacité d’offrir des services aux populations locales.

Les équipements administratifs publics et para-publics et les activités inventoriés dans la ville

de Bonoua en août 2010 sont illustratifs du standard des équipements de cette urbanisation

administrative et tertiaire des villes ivoiriennes. Située à une soixantaine de kilomètres

d’Abidjan la commune a connu une urbanisation rapide marquée par une forte croissance

12

A ces 6 générations de villes, on peut ajouter les villes de la crise après 1980.

Page 39: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

21

démographique depuis 1975. Estimée à 17 000 habitants en 1975, avec un taux moyen de

croissance de 2,8%, la population urbaine a doublé en moins d’un quart de siècle (1988-2010)

passant respectivement de 21 000 à plus de 42 000 habitants (RGPH, 1998). Parallèlement la

ville a bénéficié de tout l’appareil administratif public et parapublic (fig. 3 et fig. 4).

Figure 4 : Équipements administratifs et para-publics de Bonoua en août 2010

Page 40: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

22

Figure 5 : Principales activités dans la ville de Bonoua en août 2010

N

B

C

Bounoua

LATI

G-IG

T, 20

10C

0 560m

BEGNERI

BRONOUKRO

MIMBI

KOUMASSI

MIMBI EXTENSION

Salon de coiffure

Mécanique

Electricité

Vulcanisateur

Briquetierie

Coordonnerie

Tapisserie

Atelier de froid

Limite de quartier

Voie revêtue

Voie non revêtue

Atelier de couture

Blanchisserie

Bonoua

Source: Inventaire terrain en août 2010

Page 41: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

23

Pour autant, ce dynamisme urbain nous met en face d’un réseau urbain macrocéphale qui

n’est pas sans lien avec le réseau urbain souche. Il est net qu’en 1998, un réseau urbain

hiérarchisé a émergé et s’est renforcé dans la ligne imprimée par les actions volontaristes de

l'État. Mais depuis au moins 1975, la population urbaine se concentre pour l'essentiel dans la

moitié Sud du pays, où sont localisées 2 villes sur 3 avec le dynamisme et le poids

prépondérant de la ville d’Abidjan dans la hiérarchie urbaine. L’évolution du poids des

urbains abidjanais montre bien que les villes de l'intérieur13

du pays ont participé au moins

autant que la métropole ivoirienne à la vague d'urbanisation (fig. 3).

Figure 6 : Évolution du semis urbain ivoirien entre 1975 et 1998

13 Le terme désigne communément l'ensemble des villes ivoiriennes par opposition à la métropole abidjanaise.

Page 42: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

24

Mais le poids démographique d'Abidjan s'est particulièrement renforcé dans le même temps

par rapport aux autres centres urbains. Il est passé de 32% en 1960 à 44% en 1998, soit 17%

de la population ivoirienne et près de 50% des urbains ; et ce, malgré le ralentissement

constaté en 1998 et la stagnation du poids des urbains depuis 1975 autour de 40% (tableau 2).

Tableau 2 : Poids d’Abidjan dans la hiérarchie urbaine (1912-1998)

Dates

INDICATEURS DEMOGRAPHIQUES DE LA VILLE D'ABIDJAN

Population Taux d'accroissement

moyen annuel en %

% dans la population

ivoirienne

% dans la population

urbaine totale

1912 1 400

+12

0,3 21

1920 5 370

3 29

1934 17 000

1945 46 000

+10,1 1950 50 000

1955 120 000

1960 180 000 +12,2 7

32

1963 254 000 33

1970 550 000 +11,6

10 38

1975 951 216 14 44

1988 1 929 079 4,5

17 46

1998 2 993 440 20 46

Tableau réalisé à partir des premiers résultats du recensement national de 1998, août 2000.

Ce déséquilibre est à mettre en rapport avec la localisation des activités industrielles entre les

villes et qui marque la prédominance d’Abidjan (Tableau 3).

Tableau 3 : Répartition des localisations des industries avant 1960 et de 1960 à 1985

Industrialisation et urbanisation en Côte d'Ivoire, p. 156-157, extrait de la thèse de Yapo Pergeaud, 1982, p. 173.

Au sortir de la décennie 1950-1960, Abidjan accueillait déjà près de 44% des industries du

pays contre à peine 9% à Bouaké, seconde ville du pays en taille démographique. Après

l’indépendance, le déséquilibre industriel s’est accentué malgré les efforts de régionalisation

des unités industrielles menés dans le cadre des politiques de création de villes intérieures

fortes industriellement. Les régions situées à plus de 100 km de la ville portuaire ont accru

leur parc industriel passé de 15 à 29% mais concomitamment, le parc abidjanais s’est étoffé

avec plus des 2/3 du parc industriel du pays.

Date de création

VILLES

Abidjan Bouaké

Régions à

moins de

100 km

d’Abidjan

Régions à

plus de

100 km

d’Abidjan

A* B* Total

Avant 1960 43,6 9,2 15,5 3,5 25,1 3,1 100

1960 - 1970 72,5 3,4 5,0 15,3 - 3,8 100

1970 - 1974 71,8 12,1 - 16,8 100

1974 - 1978 57,5 7,4 12,1 23,0 100

1978 - 1958 64,2 2,7 4,2 28,9 100

Page 43: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

25

En clair, l'espace socio-économique a continué à se dessiner humainement et

économiquement en fonction d'Abidjan ; et la dynamique de l’agglomération abidjanaise n'a

pas ralenti celle des régions circumpolaires où résident 78% de la population en 1998 contre

22% en zone de savane.

Après quarante ans de tentatives de réduction des disparités régionales, et de restructuration

de l'espace autour de pôles de développement dans l'intérieur du pays, la Côte d'Ivoire

apparaît toujours marquée par les mêmes déséquilibres internes : comme à la fin des années

60, la croissance a continué de se faire à partir et au bénéfice de la région forestière et

d'Abidjan. Les facteurs de localisation ont donc joué en faveur de la capitale, l'agglomération

abidjanaise qui accueillait 90% de l'appareil de production national contre 10% pour le reste

du pays14

.

Toujours hautement stratégique après plus de cinquante ans de bons et loyaux services, le port

d’Abidjan concentre la majorité des activités économiques du pays et l’une des premières

portes d’entrée de l’Afrique de l’Ouest par voie maritime. Sa plateforme qui s’étend sur

plusieurs milliers d’hectares, est au cœur de la dynamique de relance ivoirienne. Le port

représente 78% du tissu industriel du pays, il génère 45% des emplois directs et indirects, et

80% des recettes douanières sont tirées des activités portuaires. En 2009, le volume global du

trafic a atteint 24 millions de tonnes (+9% environ par rapport à 2008) et devait dépasser les

25 millions de tonnes en 2010, une croissance due en grande partie à la hausse du trafic des

produits pétroliers (Chiffres de la Direction générale du port autonome d’Abidjan, 2010).

Des dizaines d’industries métallurgiques, agroalimentaires, chimiques, pétro-chimiques et

électriques, ainsi que de nombreux entrepôts de matières premières agricoles prêtes à l’export

implantés sur la zone industrielle du port contribuent au dynamisme de ses activités et à

l’ambiance de la ruche qui y règne. Les filiales des plus grands armateurs mondiaux (Maersk,

Bolloré Africa logistic, MSC etc.) sont présentes dans le port d’Abidjan, qui sert de base

logistique sur le continent à la plupart d’entre elles.

Si les capacités manufacturières de la Côte d'Ivoire restent concentrées autour d'Abidjan et sur

le littoral, on est bien obligé d’admettre qu’au bout du compte, la solution des pôles urbains

n’a pas encore permis de régler la question de la « nature cumulative des déséquilibres » dans

le pays : les disparités régionales et la croissance non maîtrisée d'Abidjan perdurent.

Récemment, la liste provisoire, des Ivoiriens majeurs recensés en vue des prochaines élections

laissent transparaître cette réalité : Abidjan accueille un tiers des potentiels votants contre 3%

à Bouaké (au centre) et 6% à Korhogo au Nord (Commission électorale indépendante,

septembre 2010).

Pourtant ces problèmes sont un secret de polichinelle. Ils sont connus. Ils ont été identifiés

récemment par les études préparatoires de la nouvelle politique nationale d’aménagement du

territoire (ou PNAT) qui a repris ses activités en 2006 depuis l’arrêt des plans quinquennaux

au milieu des années quatre-vingt.

14

C’est du reste cette situation qui a permis à l'économie ivoirienne d'être viable alors que la moitié Nord est occupée par les rebelles depuis le 19 septembre 2002 (Présidence de la République, 2003).

Page 44: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

26

32. Vers un renforcement paradoxal de la macrocéphalie ?

Les études bilan menées dans le cadre de la PNAT par le ministère ivoirien du plan ont

identifié cinq problèmes majeurs de l’aménagement du territoire et les raisons qui les sous-

tendent (encadré 5).

Encadré 5 : Appréciation et justification des problèmes de l’aménagement du territoire relevés par le document pré-

bilan du ministère du plan

1. La double concentration des activités économiques et des hommes en forêt et à Abidjan :

la culture du binôme café-cacao en zone forestière qui offre des potentialités intéressantes en matière d’agriculture et

d’exploitation d’agrumes ;

la présence d’infrastructures et des services publics à Abidjan et les opportunités d’emplois ;

la politique volontariste héritée de la colonisation privilégiant les infrastructures de rentabilisation des ressources

agricoles et minières ;

2. Le surpeuplement des aires forestières, la rareté des terres, les conflits fonciers et l’érosion des sols

la dynamique du modèle de développement basé sur l’exploitation extensive des ressources naturelles (terre) et humaines

(main-d’œuvre) ;

3. L’inégalité et l’iniquité de traitement des régions dans la répartition des investissements et équipements publics

lacune de la gouvernance s’expliquant notamment par une faible rationalité de la localisation des investissements et

équipements publics et un surdimensionnement des équipements ;

4. L’armature urbaine inappropriée

la faiblesse de la politique d’industrialisation dans les villes de l’intérieur (agricole et minière)

la localisation de certaines unités industrielles

5. Le fort taux de natalité

les besoins de main-d’œuvre familiale

la prévention du risque, notamment la forte mortalité et l’assurance vieillesse

la faible appropriation du planning familial

6. L’inadéquation entre les stratégies de développement agricoles et les besoins de la population

absence de débouchés et l’étroitesse du marché local

le manque d’organisation des filières des produits vivriers

Source : Ministère du Plan et du développement, 2006, Rapport général de l’Atelier de réflexion sur le pré-bilan de

l’aménagement du territoire, Bassam du 12 au 13 septembre 2006, 10 p.

Si on met en parallèle ces constations récentes et les piliers qui assurent la dynamique de fond

de l’espace ivoirien, trois observations majeures peuvent être faites.

Premièrement, le réseau urbain censé régler le problème de l’accumulation différentielle dans

l’espace est pour ainsi dire inefficace, faute d’une timide politique d’industrialisation des

villes de l’intérieur ; deuxièmement, la concentration des hommes et des activités perdurent

dans les aires forestières et beaucoup plus à Abidjan ; dans un contexte de forte natalité, ces

régions vont sans doute accueillir encore le stock démographique puisqu’Abidjan offre

beaucoup plus qu’ailleurs des opportunités d’emplois et des services publics et parapublics ;

troisièmement, le modèle agricole itinérant de mise en valeur de l’espace national par

l’arboriculture d’exportation (café, cacao, coton etc.) n’est plus performatif. Certes, ce modèle

permet à la Côte d'Ivoire de gagner de l’argent ; mais le capital foncier est devenu rare et les

terres, le plus souvent mises en valeur en dehors des règles juridiques sont aujourd’hui

sources de multiples tensions à travers le pays en cours de règlement. Toute chose qui permet

de dire que le modèle agro-exportateur n’est plus adapté à un aménagement volontaire et

serein du territoire.

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27

En clair, la subtile combinaison entre la théorie des pôles et celle de la base économique est

devenue caduque pour le futur développement ivoirien. La Côte d'Ivoire se retrouve dans une

situation inédite où elle devra repenser les deux piliers de sa structure spatiale (le modèle

agricole et le modèle urbain).

Dans ses vues, il faut être réaliste. Il ne s’agit pas de remettre en cause la trame de fond du

territoire ivoirien (agriculture extensive et pôles urbains). A tout le moins, à moyen ou long

terme, les pouvoirs publics ivoiriens devront, d’une part, trouver des alternatives ou additifs

au modèle agro-exportateur ; d’autre part,renforcer le niveau d’équipement des villes de

l’intérieur en infrastructures et superstructures dans un souci d’équité.

A en croire les sources officielles, le futur modèle agricole sera autant agro-exportateur et

beaucoup plus vivrier. Pour sortir du spectre de la dépendance alimentaire, la Côte d'Ivoire a

déjà pris date pour assurer son autoconsommation. Le projet riz est illustratif de ce

changement de cap qui permettra une cohérence entre les stratégies de développement

agricoles et les besoins de la population (L. Gbagbo, 2009).

Pour ce qui est du modèle urbain, il n’y a pas de solution en vue pour l’instant, sinon le

renforcement paradoxal de l’agglomération abidjanaise. En attendant la mise en place d’une

armature urbaine multipolaire dans lequel les villes de l’intérieur seront de vrais pôles

industrialo-urbains et pouvant faire contrepoids aux villes du littoral, Abidjan continue de

renforcer sa position de tête du réseau.

Le renforcement de la suprématie d’Abidjan est surtout repérable au niveau du projet de

« Grand Abidjan », présenté officiellement en novembre 2009. Porté conjointement par le

ministère ivoirien des Infrastructures et de l’Urbanisme et le Bureau national des études

techniques et de développement (BNETD), l’objectif principal du projet est de moderniser en

profondeur la grande métropole du pays pour accélérer son développement économique et

accueillir 10 millions d’habitants en 2035, contre 4 millions actuellement.

Le grand Abidjan, c’est d’abord la formalisation d’une nouvelle aire métropolitaine réunissant

les trois capitales historiques du pays : Grand-Bassam, Bingerville et le vieil Abidjan et

s’étendra à l’Ouest en direction de Jacqueville et Dabou-Sikensi.

C’est ensuite la modernisation du port d’Abidjan et son extension sur le site de l’île Boulay

situé entre le port actuel et l’océan atlantique. Sont notamment prévues dans le nouveau

quartier portuaire de l’île Boulay, la construction d’un terminal à conteneurs de 3 000 mètres

de quai, d’un aéroport, d’un quartier administratif, d’une marina, de complexes immobiliers et

hôteliers ainsi que la création d’une zone franche. L’île sera reliée à la commune de

Yopougon par un pont sur lequel est prévue une ligne de tramway. Ce programme de 100

milliards de FCFA sera couplé avec la réalisation d’une seconde zone industrielle portuaire et

d’une deuxième raffinerie. La direction générale du port en appelle aux investisseurs

susceptibles d’être intéressés par ses projets de développement. En attendant, elle a décidé

d’accélérer le plan d’investissement du port en lançant un emprunt obligatoire sur le marché

financier ouest-africain, dans le but de collecter 25 milliards de FCFA.

Le grand Abidjan, c’est enfin la mise en place d’équipements d’envergure internationale dans

la nouvelle aire métropolitaine avec la création de la zone franche à Grand-Bassam dans la

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28

périphérie d’Abidjan. Cette zone franche qui accueille le village des technologies de

l’information et de la biotechnologie (VITIB) est dédiée aux activités d’entreprises

technologiques de toutes tailles, de la PME à la multinationale. Baptisé « Parc Technologique

Mahatma Gandhi », VITIB est une zone économique spécialisée destinée à la fabrication et à

l’exportation de produits et services issus de la biotechnologie ou des TIC, soutenus par la

recherche.

VITIB ambitionne de devenir un pôle d’excellence et de compétitivité internationale : un hub

de la biotechnologie et des TIC en Afrique. Il offre, sur un espace de plus de 800 hectares, un

cadre propice à l'activité d’entreprises technologiques et/ou au développement de projets

d'entreprises à fort potentiel. VITIB Academy, le site pilote, s'étend sur 60 ha et est déjà

opérationnel avec en son sein une douzaine d'entreprises hébergées. A terme, ce sont plus de

50 000 emplois directs qui seront créés sur le site de cette future technopole de 820 hectares.

Loin d'infléchir les tendances naturelles du modèle urbain, la modulation des bases

conceptuelles du modèle urbain n’a pas commencé. Dans le même temps Abidjan renforce

son processus de métropolisation, donc sa capacité de domination du réseau urbain. Ces

tendances ne sont manifestement pas en phase avec les objectifs récemment déclinés par la

« déclaration » du ministère ivoirien du plan dans le cadre de la nouvelle politique

d’aménagement du territoire15

ou PNAT (Encadré 6).

Encadré 6 : Les six objectifs de la nouvelle politique d’aménagement du territoire

1. Édifier une Côte d'Ivoire plus forte et solidaire, plus attractive et compétitive, avec un marché national, sous-régional,

régional et mondial, dans lequel chaque localité du pays optimise dans la complémentarité, ses avantages comparatifs ;

2. Assurer la cohésion du territoire en veillant à corriger les disparités régionales, à réduire les inégalités spatiales et à

sauvegarder l’environnement ;

3. Exprimer la solidarité nationale au profit des territoires les plus défavorisés ou confrontés à des mutations socio-

économiques ;

3. Encadrer la croissance des zones dynamiques contribuant à renforcer le potentiel national ;

4. Assurer l’exploitation rationnelle des ressources et des potentialités là ou elles se trouvent, et cela au service du

développement national, régional et local ;

5. Favoriser un développement durable.

Source : Ministère du Plan, mars 2006, Déclaration de politique nationale d’aménagement du territoire du territoire de la

république de Côte d'Ivoire, 16 p.

Depuis 2000, de grands travaux présidentiels sont actuellement en cours à Yamoussoukro. Il

s’agit notamment de la création d’une zone administrative et politique (ZAP) d’une trentaine

kilomètres carrés et organisée autour de la « voie triomphale », une avenue de 7 km de long

pour 120 m de large. Sur ce site sont en construction, le palais de la présidence, de la

primature, l’assemblée nationale et le sénat, le pôle ministériel, la Cour suprême et autres

15

La déclaration a été adoptée en conseil de ministres en mars 2006 et diffusée le 29 juin 2006 au cours d’une cérémonie organisée à l’Hôtel Ivoire.

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29

instances judiciaires et administratives majeures. A ces grands chantiers il faut ajouter le

prolongement de l’autoroute du Nord16

.

Ces grands travaux dénotent de la volonté des pouvoirs publics ivoiriens à accélérer le

processus de transfert de la capitale à Yamoussoukro. Et avec, la délocalisation d’une partie

des fonctions urbaines d’Abidjan dans le centre du pays. Mais avant que la zone

administrative et politique de Yamoussoukro n’accueille les institutions de la République,

Abidjan change de visage et consolide ses ambitions de grande métropole. Ces évolutions se

font peut-être sous le regard charmé des autres villes de l’intérieur mais sous le regard craintif

de l’observateur averti qui y voit la reproduction du modèle urbain ancien du reste inadapté.

Conclusion : leçons de l’intelligence territoriale ivoirienne pour lutter contre les disparités et les enjeux

pour le centenaire

Contrairement à l’idée d’un pilotage à vue du développement ivoirien sur fond d’un

pragmatisme exagéré, cette étude a révélé l’existence en Côte d'Ivoire d’une intelligence

territoriale. En effet, une relecture approfondie et croisée du corpus documentaire du

ministère ivoirien du plan laisse transparaître une conduite intelligente du développement

national à partir de l’appréciation réaliste du contexte social, géographique, des ressources et

de l’organisation spatiale héritée de la colonisation.

En pratique, l'intelligence territoriale se traduit par la continuité avec la logique productiviste

imprimée par le système colonial à travers une approche volontariste et reposant sur le modèle

itinérant et agro-exportateur. Élargir la base de l’accumulation, lancée dans le Sud-Est, par le

déploiement à différents pas de temps de projets agricoles d’envergure. Parallèlement aux

nombreuses actions intégrées, dotées de gros moyens, plus discrètes mais nombreuses, les

opérations sectorielles (plans palmier, cocotier, hévéa, coton, sucre, soja, etc.) concourent au

même but de promotion régionale dans toutes les campagnes ivoiriennes, notamment dans le

Nord ivoirien où ces actions prennent une ampleur particulière.

La fin de la décennie 1960-1970 marque un changement de cap. Au modèle de production

assis sur l’arboriculture d’exportation est associé un autre deuxième modèle qui intègre les

questions de diffusion spatiale de la croissance. Il s’agit de la politique des villes au travers

des pôles urbains à différents niveaux d’échelle : des pôles à vocation internationale, des pôles

principaux et des pôles secondaires. Cette articulation apparaît alors comme une démarche

pertinente pour tenir les objectifs nationaux de production agricole et faire face aux disparités

émergentes matérialisée par la trop grande influence d’Abidjan dans le réseau urbain souche.

La subtile combinaison entre modèles de production et structuration de l’espace est le résultat

d’un long processus depuis l’indépendance d’appropriation de la problématique de

l’aménagement du territoire dans un pays dont les réalités socio-économiques sont peu

connues. Cela se traduit par la collecte de données régionalisées suivies de plans

quinquennaux amendés par des études connexes menées depuis le milieu des années 60. C’est

véritablement le troisième Plan quinquennal (1976-1980) qui concrétise le modèle

16

Sur ce point, voir l’exclusif inséré dans le quotidien Fraternité Matin du 5 août 2010, n°13723 sous le titre « Côte d’Ivoire 2000-2010. Dix ans de grands travaux », 50 p.

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30

productiviste et urbain. Ce montage entre le souci de produire et de structurer l’espace

ivoirien avait un double objectif : continuer la croissance en modernisant la production

agricole, mais assurer une répartition équitable des fruits de la croissance par l’atténuation du

poids d’Abidjan dans le réseau urbain en insufflant une dynamique aux villes intérieures par

des actions en faveur de l'agriculture et de l'industrie. Ce qui permettra, à terme, d’atténuer les

disparités régionales de production.

La combinaison est heureuse au bout du compte : elle a permis à la Côte d'Ivoire de garantir

l’équilibre de sa balance commerciale et a bouleversé la physionomie des villes du réseau

urbain souche. Les stratégies d'investissements dans les villes (ou SIVI) ont permis de créer

de nouvelles villes (San Pedro et Yamoussoukro) et de renforcer l’équipement urbain des

pôles d’équilibre comme Korhogo, Bouaké, Gagnoa, Daloa, Abengourou, Odienné,

Bondoukou, etc. Aujourd’hui toutes les villes ivoiriennes sont dotées d’un minimum

d’activités spécifiques nécessaires à leur fonctionnement quotidien.

Pourtant, la combinaison n'a pas encore résolu la question de la meilleure répartition des

hommes et des biens puisque les tendances montrent que le poids économique d’Abidjan et

des régions circumpolaires tendent à se renforcer. La réduction de certains écarts Nord-Sud,

revenus et équipements, n'a nullement empêché la poursuite des mouvements migratoires vers

les forêts et les villes méridionales. Ce sont les régions forestières les plus riches qui

fournissent les plus forts contingents de néo-citadins, particulièrement à la métropole

abidjanaise, dont la fulgurante croissance est devenue une véritable obsession pour les

pouvoirs publics. En 1998, la métropole ivoirienne concentre le cinquième des 15 millions

d'habitants, près de la moitié des 6 millions d'urbains du pays et catalyse la majorité des

activités économiques, soit environ 90% de l'appareil manufacturier du pays en 2003.

Ce qui est en revanche moins vrai, c’est que la nature intrinsèque d’un espace économique

national réglé entre des villes agricoles intérieures et une ville exutoire maritime n’a pas

changé, faute d’une politique d’industrialisation marquée dans les villes de l’intérieur. Il y a

certes eu une urbanisation, mais celle-ci reste pour l’essentiel une urbanisation administrative

et tertiaire ainsi que le témoignent les récentes études dans la ville de Bonoua. En considérant

la fonction urbaine c'est-à-dire le rôle joué par la ville au sein d’un espace plus vaste, on

relève que l’économie urbaine est portée par le secteur primaire qui occupe 55% de la

population active contre avec 32% pour les services et 14% pour les activités industrielles

(Enquêtes terrain, août 2010). Les productions dominantes (ananas, palmiers à huile, hévéas)

sont acheminées vers le port d’Abidjan pour être vendues sur le marché international. Malgré

l'expansion urbaine, la polarisation des ressources a continué au profit de l’agglomération

abidjanaise qui a largement bénéficié à l'entonnoir que constitue le système urbain centré sur

la capitale économique, Abidjan. Celle-ci apparaît ainsi comme un lieu privilégié de

manifestation de la croissance économique générale, bénéficiant d'une accumulation

préférentielle des moyens de production, des services et des hommes.

La tendance actuelle laisse l’impression que le problème de la polarisation donne toujours lieu

aux mêmes remèdes. Pendant que la nouvelle politique de l'aménagement du territoire

reconnaît que le réseau urbain est inadapté à cause du poids important d’Abidjan dans les

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emplois, services et industries, les grands projets en cours depuis au moins 2000 renforcent le

pouvoir d’attraction et de rétention de l’aimant abidjanais.

L’inquiétude est d’autant plus légitime que l’État n’a pas les ressources nécessaires pour se

lancer dans une politique d’aménagement du territoire avec les coudées franches. La crise

militaro-politique qui perdure depuis septembre 2002 a freiné brutalement la croissance de la

Côte d'Ivoire et une partie des ressources disponibles est mobilisée pour les besoins de la

sortie de crise. Au sortir de l’élection présidentielle prévue pour le 31 octobre 2010, le débat

sur la pertinence du réseau urbain actuel devra être au cœur de la nouvelle politique

d’aménagement du territoire.

Page 50: Côte d’Ivoire, - IGT, Institut de Géographie Tropicale

32

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