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Flammarion GILLES VERLANT PRÉSENTE

Culture Rock

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Au fil de plus de 250 entrées se dessinent, sous toutes ses formes, la grande et la petite histoire de la musique populaire et de la culture rock.

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Page 1: Culture Rock

FlammarionFlammarion Fla

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GILLES VERLANT PRéSENTE

ittérature, presse, mode, cinéma, télévision, graphisme, photographie, bande dessinée, Internet… le rock irrigue depuis bientôt

soixante ans tous les domaines de la culture ainsi que notre vie quotidienne.

es Converse au Perfecto, du Teppaz à Deezer,

du Golf Drouot au CBGB, des scopitones à MTV,

du haschich à l’héroïne, du service militaire aux cures

de désintox, du vinyle aux iPods, des guitares aux claviers...

n 250 entrées, cet ouvrage blindé d’illustrations propose une plongée dans un univers cosmopolite peuplé de groupies peu farouches, de managers plus ou moins véreux, d’érudits maniaques,

de roadies mal embouchés, de journalistes illuminés, d’écrivains maudits, de musiciens mystérieusement disparus…

nédite en son genre, cette encyclopédie traque

la matière rock dans ses moindres recoins,

triture son influence, décrit ses excès, déniche

ses trésors, dénonce les impostures et révèle

les scandales. Une somme à lire à plein volume !

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Twiggy et David Bowie

Actuel 4 ADieux 6 Yves ADrien 7 Affiches 9 Air GuiTAr 10 Alcool 10 AlTAmonT 11 AlTernATif 13 AmericAn GrAffiti 14

AnDroGYnie 15

Page 3: Culture Rock

Décès en Tous Genres 60 Deezer 61 Difficile Deuxième AlBum 62 DiG ! 63 Disco revue 64 DispAriTions 65 AlAin DisTer 66 DommAGe ! 68 Dont look BAck 69 the Doors 70

Dr. mArTens 71 DruGsTore 72

« Janis Joplin m’a demandé un jour de lui dessiner une pochette de disque. Je suis allé traîner chez elle… J’aimais Janis Joplin, la personne, pas sa musique. »Robert Crumb, 1973.

Né en 1943, le dessinateur américain Robert Crumb possède huit mille 78 tours de jazz et de blues et n’apprécie guère le rock, si ce n’est sa version péquenot et prolétaire, le rockabilly d’avant les Beatles, qu’il considère d’ailleurs comme quatre petits bourgeois opportunistes. Mais, à l’instar du vieux dégueulasse Charles Bukowski7 avec qui il collabora dans les années 1980, qu’il le veuille ou non, Robert Crumb est indissociable de la contre-culture américaine des années 1960 qu’il croqua avec cynisme dans les pages de la free press7.En 1965, un acide initialement prescrit à sa femme par un psychiatre secoua violemment les neurones et le graphisme du jeune Crumb, accro au

dessin depuis sa plus

tendre enfance : dès 1967 il part s’installer à San Francisco au cœur du mouvement hippie7. À travers une multitude de personnages, humains et animaux, tels Fritz the Cat (chat lubrique), Mister Natural (gourou dévoyé), Bo Bo Bolinski (Américain moyen), Angelfood (plantureuse sauvageonne) ou Horny Harriett (nymphomane insatiable), Crumb jette sur le papier toutes ses obsessions et traumatismes hérités d’une éducation puritaine. L’usage intensif de drogues, les expériences communautaires, une sexualité libérée, les penchants scatologiques et fétichistes constituent les fondements du travail de Crumb qui fut plus qu’à son tour poursuivi par la censure7 et les ligues féministes, peu réceptives à sa vision de la femme toute en seins opulents, cuisses musclées et fesses proéminentes. Janis Joplin sera ainsi représentée sur la mythique pochette de l’album Cheap Thrills (1968), dessinée par Crumb pour 40 dollars de l’époque. Un an plus tard, celui qui exècre le rock illustre la couverture du deuxième numéro de Creem7 sur laquelle figure la bouteille de lait surnommée Boy Howdy, qui devient la célèbre mascotte du magazine américain.Artiste aujourd’hui consacré et exposé dans les musées, Robert Crumb vit depuis 1993 dans le sud de la France, à Sauve, dans une maison acquise

en échange de six carnets de croquis. Devenu un expert reconnu dans les 78 tours de musette parisien des années 1920 et 1930, il a joué au sein de plusieurs groupes (The

Cheap Suits Serenaders, les Primitifs du Futur, etc.), et sa vie a fait l’objet d’un documentaire hallucinant réalisé par Terry Zwigoff (Crumb, 1994). Son dernier ouvrage, une adaptation de la Genèse en 220 pages, parue en 2009, a été salué comme un chef-d’œuvre. Le père de Fritz the Cat n’entend pas s’arrêter là : « Je crois que je vais passer les quatre prochaines années de ma vie à dessiner de la pornographie… », a-t-il confié en 2010.

Strip Thrills

58 C

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n’est cependant pas rose comme pourraient le laisser penser les thématiques pas toujours mièvres des chansons (les garçons, l’amour, les coups de foudre, mais aussi la rébellion, les voyous, les coups, l’amour avant le mariage…), et l’on sait aujourd’hui à quel point Phil Spector fit souffrir les Ronettes pour bâtir son célèbre mur du son. Outre la qualité exceptionnelle de leur répertoire, ces girl groups, auxquels il faut ajouter ceux usinés par le label Tamla-Motown, à Detroit (les Supremes, avec Diana Ross, Martha & The Vandellas…), ont considérablement influencé l’histoire de la musique populaire : leurs harmonies vocales ont inspiré les Beatles et toute la vague britannique dont le succès, ironiquement, signera le déclin de ces filles aux voix d’or (certaines, comme Diana Ross ou Ronnie Spector, entameront des carrières solo avec plus ou moins de bonheur) ; elles rendront également possible

Les États-Unis se trouvèrent fort dépourvus quand Elvis partit à l’armée en 1958 et qu’en guise d’un retour espéré au binaire, le colonel Parker lui fit arpenter les studios de cinéma plutôt que ceux d’enregistrement. Or, un hit surprise, « Maybe » des Chantels en 1958, donna des idées à l’industrie musicale pour combler le vide laissé par le King : ressusciter les groupes vocaux des années 1950… mais en version féminine !Jusqu’en 1965, les girl groups, soit trois, quatre ou cinq jolies filles, blanches ou noires, enchanteront les hit-parades7 américains avec leurs chorégraphies réglées au millimètre et leurs ritournelles pop/rhythm and blues servies par des harmonies vocales quasi divines. Derrière le succès des Shirelles, des Crystals, des Ronettes (avec Ronnie Spector), ou des Shangri-La’s, se dresse un immeuble situé au 1619 Broadway (New York) : le Brill Building, où se concentrent les producteurs et auteurs-compositeurs de génie (Phil Spector, Jerry Leiber, Mike Stoller, Shadow Morton, Gerry Goffin, Carole King, Doc Pomus, Mort Shuman…) qui créent à la chaîne les standards que les filles subliment sur scène, accompagnées par des groupes

fantômes. Dans cette usine à rêves, tout

l’émergence des girl bands à partir de la fin des années 1970, composés de musiciennes qui cette fois jouent leur propre répertoire (The Go-Go’s, Girlschool, The Bangles, L7, The Runaways…). Le Brill Building a été inscrit en 2010 au patrimoine historique de la ville de New York, tandis que Phil Spector, reconnu coupable de meurtre en 2009, végète aujourd’hui entre quatre murs qui n’ont rien à voir avec celui, symphonique et romantique, qu’il édifia pour certaines de ces cristallines demoiselles.

« Des hommes qui chantent comme des femmes, voilà bien une des composantes du glam rock. »Tony Visconti, producteur de David Bowie et de T. Rex, 2002.

Ajoutez à ces voix féminisées des guitares rageuses souvent doublées de parties de cordes, des refrains chantés en chœur, un look androgyne7 à paillettes… et vous obtenez toutes les composantes du glam rock, également dénommé glitter rock, phénomène essentiellement londonien qui, de 1970 à 1975, mit fin à l’ère psychédélique7. De Marc Bolan (T. Rex), considéré comme le glam-rocker originel

(« Ride a White Swan », premier hit glam en 1970), à Roxy Music, qui intellectualisa le genre, en passant par David Bowie dans sa panoplie de Ziggy Stardust, le glam fut un accélérateur de carrière pour nombre d’artistes dont la plupart, d’ailleurs, eurent

étoiles filantes

Girl groups

GlamRock

Oh les filles,

oh les filles...

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The Ronettes à Los Angeles en 1964

Marc Bolan (T. Rex)

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Pure merveille que « Heroin », chanson écrite par Lou Reed en 1964 et enregistrée avec le Velvet Underground en 1967. Pure horreur que l’héroïne, cette poudre issue du pavot à opium qui a décimé un pan entier de l’histoire du rock : Janis Joplin, retrouvée avec quatorze trous de piqûres dans les bras (1970), Jim Morrison (1971),

Tim Buckley (1975), Sid Vicious (1979), qui n’avait pas hésité, avant un concert, à inscrire sur sa poitrine avec une lame de rasoir « Gimme a fix » (« Donne-moi un fix »), Helno, le chanteur des Négresses Vertes (1993)… la liste des rockers morts par overdose s’apparente à une interminable litanie. Comment

expliquer l’attrait des rock-stars pour cette drogue hautement addictive qui poussait

Steven Tyler (Aerosmith), alors au sommet de sa gloire au milieu des années 1970, à se déguiser pour aller quérir sa dose quotidienne dans les quartiers malfamés de New York ? Ancien junkie, Eric Clapton a comparé la dépendance à l’héroïne au fait d’être « enveloppé dans une grosse boule de coton, totalement protégé du monde »… Et c’est probablement de ça qu’il s’agit, d’une maîtresse romantique qui ne donne pas tant de plaisir mais qui apaise les douleurs, comble l’ennui dans la chambre d’hôtel après avoir été acclamé par des milliers de personnes et sollicité par presque autant de parasites. Se piquer à la blanche, c’est aussi la preuve d’une certaine réussite dans le rock-business et la possibilité, dans un premier temps, de continuer à remplir, dans un état second, toutes les conditions du barnum : les tournées7, les interviews7, les enregistrements… jusqu’au moment où l’on ne s’injecte plus la came pour se sentir mieux mais pour ne pas se sentir mal ! Et le talent ? L’héroïne n’en procure pas… elle permet seulement au musicien dépendant de ne pas se trouver en état de manque, auquel cas il serait incapable d’exercer son art. « Absolument personne ne devrait se faire de fix », affirmait Tommy Lee en 2001, batteur aujourd’hui apparemment désintoxiqué de Mötley Crüe ; en 1987, lors de la tournée Girls, Girls, Girls, il disposait d’un fournisseur personnel qui suivait de près le tour-bus du groupe dans une voiture immatriculée « Dealer ». Puisse Pete Doherty en prendre bonne note et ne pas rejoindre prématurément Amy Winehouse dans le paradis blanc... La liste est déjà trop longue !

HéroïneLa dame blanche

Dealers De stars« J’attend mon homme26 dollars en pocheentre lexington et la 125e

Malade et sale, plus mort que vivantJ’attends mon homme »extrait de « Waiting for the Man », The Velvet Underground & Nico, 1967.Cet homme, c’est le dealer… et certains sont entrés dans la légende.

PatriCk Geoffrois. ami de Michel Bulteau avec qui il fit partie du combo parisien Mahogany Brain, il émigra ensuite à New York, joua avec James Chance and the Contortions et devint le dealer attitré des groupes de rock sur l’avenue a. après ses années poudre, il muta en maître des sciences occultes (il était surnommé le lucifer du lower east side), fut soupçonné d’avoir commandité le découpage en morceaux d’une danseuse et mourut des suites du sida en 1994.

Mr. BroWNstoNe. surnommé ainsi en raison de l’héroïne brune mexicaine qu’il refourguait à tout le gotha du cinéma et du

rock de los angeles à

la fin des années 1980, il vendit de la drogue à o.J. simpson le jour même où celui-ci assassina – probablement – son ex-femme. il était également le fournisseur du groupe Gun’s N’roses qui en 1987 lui dédia la célèbre chanson « Mr. Brownstone ».

le CoMte JeaN De Breteuil. Jeune aristocrate français descendant d’une longue et prestigieuse lignée, Jean de Breteuil était réputé pour vendre une héroïne exceptionnellement pure à ses célèbres clients, à tel point que keith richards, qui n’était pourtant pas un novice en la matière, s’évanouit dans la villa Nellcote en 1971 après avoir sniffé une petite quantité de son héroïne thaïlandaise. il fut en outre très fortement soupçonné d’avoir fourni la came qui tua Janis Joplin en 1970. Jean de Breteuil entretenait également des liaisons stupéfiantes et amoureuses avec Marianne faithfull et Pamela Courson, la fiancée de Jim Morrison, à qui il donna à Paris la poudre que ce dernier prit pour de la cocaïne… on connaît la suite ! réfugié au Maroc, le comte au palmarès chargé y mourut d’une overdose en 1972.

« Aujourd’hui, nous ne sommes que des gitans. L’avenir : qui sait ? Nous aurons le pouvoir. Cela prendra peut-être mille ans. Je m’en fiche : j’ai le temps. » Jimi Hendrix, 1970.

Le gaucher magnifique avait à la fois tort et raison : tort, car le temps lui a manqué, il est mort étouffé dans son propre vomi un mois après cette déclaration au magazine Actuel7. Raison, car oui, la génération hippie est bien aux commandes aujourd’hui, mais bien loin du Flower Power7 et des idéaux qui ont présidé à sa naissance « officielle » sur le campus de Berkeley en 1964 : l’expérience communautaire, le retour à la nature, l’orientalisme, le psychédélisme7, les manifestations pacifistes contre la guerre du Viêtnam, les acid-test si bien décrits par Tom Wolfe7… « Plus je me révolte, plus je fais l’amour », pouvait-on lire sur les murs du quartier Haight-Ashbury de San Francisco, où les jeunes freaks en rupture de ban s’installaient (150 000 en 1966) pour créer le paradis sur terre, loin de la société de consommation, du conformisme et des costumes gris de leurs parents. « Le drame de la jeunesse américaine, c’est qu’elle a tout sauf quelque chose, et ce quelque chose, c’est l’essentiel », analysait très justement Robert Kennedy à l’époque.Le rock fut naturellement le vecteur principal des idéaux du mouvement et plus particulièrement les groupes californiens d’acid-rock, férus de distorsions, de feed-back, de sonorités électroniques (Jefferson Airplane, Grateful Dead, Big Brother and the Holding Company,

avec Janis Joplin) qui reversaient bien souvent leurs maigres cachets aux Diggers, la coopérative communautaire en charge de distribuer gratuitement nourriture et vêtements aux hippies de Haight-Ashbury. Le festival de Monterey Pop7 (juin 1967) marqua non seulement le début du Summer of Love, mais fut également le point culminant de l’osmose

entre la musique porteuse d’espoir et cette nécessité de l’expérience hippie qui ébranla les sens et les consciences des enfants chevelus du baby-boom jusqu’à la débâcle d’Altamont7 en décembre 1969, en passant par Woodstock7, bien entendu.

« Héroïne, c’est ma femme et c’est ma vie Parce que la plus importante de mes veines Mène au centre de ma tête Et après, je suis mieux défoncé que mort… »

Peace and loveHippies

HiPPies… à la fraNçaise« les photos et les textes de ce reportage vont dérouter certains d’entre vous et en irriter d’autres. Ce sont des images d’un autre monde. si nous nous décidons à les publier, c’est qu’ils sont le reflet d’un véritable phénomène social entièrement nouveau dans l’histoire des civilisations. »Cette introduction alarmiste d’un reportage consacré aux hippies de san francisco, publié en janvier 1968 dans le numéro 978 de Paris-Match, est très révélatrice de la méconnaissance et de l’influence finalement mineure du mouvement hippie en france, et ce, pour plusieurs raisons : la jeunesse française était certes en révolte, mais, contrairement aux hippies américains originels, elle n’était pas très politisée ni en lutte frontale contre l’ordre établi. ensuite, le rock français

n’avait évidemment pas la même portée que les héros californiens du genre. Hormis peut-être Gong, Zoo ou triangle, aucune formation d’envergure n’était en mesure de relayer artistiquement le message Peace and Love. oh, bien sûr, il y eut quelques authentiques hippies des villes (concentrés à Paris entre saint-Michel et le jardin du luxembourg) ou des champs (réunis en communauté à la campagne, souvent en ardèche et dans les Cévennes), qui étaient d’ailleurs communément dénommés baba cool, baba signifiant « homme » en hindi (langue la plus parlée en inde). enfin, pas de grands raouts fédérateurs à la Monterey Pop dans l’Hexagone, juste un festival gratuit à auvers-sur-oise (les 18, 19 et 20 juin 1971) à l’affiche prometteuse (the Grateful Dead, Jefferson airplane…), et qui fut finalement annulé en raison de pluies torrentielles et d’une organisation défaillante. le Grateful Dead joua néanmoins un concert légendaire de trois heures le lundi 21 juin, au château d’Hérouville tout proche, devant des hippies pas comme les autres : deux cents villageois des environs, ébahis et ivres de champagne… Bel exemple de retour à la nature à la française.

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Le Rock du bagne

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Si la filmographie d’Elvis Presley compte bon nombre de navets avérés, il existe dans quasiment chacun de ses films une scène mémorable qui aide à digérer tout le reste : son interprétation de « Can’t Help Falling in Love » dans Sous le soleil bleu de Hawaii (1961), l’énorme bagarre en forme d’hommage aux films de karaté (Elvis était 8e dan de Kenpo, sorte de kung fu japonais) dans Micmac au Montana (1968) et, bien sûr, l’étonnant et célèbre ballet des prisonniers dans Le Rock du bagne (Jailhouse Rock), réalisé en 1957 par un vétéran de Hollywood,

Richard Thorpe. Pour sa troisième

apparition à l’écran et son premier film pour la MGM, Elvis reçoit un cachet de 250 000 dollars assorti d’un faramineux pourcentage de 50 % des bénéfices. Habilement négocié par son manager7 le colonel Parker, ce contrat historique et l’énorme succès du film lui permettront d’acheter la maison de Graceland7 et l’inciteront à continuer d’apparaître dans ce type de film musical formaté. Une intention confirmée par sa seule incursion dans un film dit « d’auteur », le drame psychologique Amour sauvage en 1961, qui ne rencontrera pas le succès escompté et habituel.Dans le rôle de Vince Everett, un bad boy envoyé en prison pour homicide involontaire, Elvis déroule déjà, un an avant son départ pour le service militaire7 toute la panoplie qui habillera son œuvre cinématographique : moue boudeuse, sex-appeal irrésistible, regard de velours… et, surtout,

ce qui compense largement l’indigence

du scénario et la niaiserie de certains dialogues, le King interprète six titres dont deux inoubliables, composés en un temps record par le duo Jerry Leiber et Mike Stoller, « Baby I don’t Care », et la chanson qui donnera finalement son titre au film (qui s’appelait à l’origine The Hard Way), « Jailhouse Rock ». Standard incontournable fredonné par des millions de personnes en toute innocence, les paroles de « Jailhouse Rock », quand on s’y attarde un petit peu, se révèlent beaucoup plus subversives que prévu et appellent, mine de rien, au rapprochement physique entre prisonniers mâles : « T’es le taulard le plus mignon que j’aie jamais vu/ Je serais ravi de passer du temps en ta compagnie/ Viens danser le rock du bagne avec moi. » Il y a toujours un petit quelque chose à prendre dans un film d’Elvis…

PrEmiErS rôlESÀ l’écran, Elvis a été cinq fois cow-boy, quatre fois coureur automobile, joueur professionnel, trapéziste, homme grenouille, chanteur, prof de ski nautique, docteur, et deux fois chauffeur, soldat, barman, écrivain, étudiant,

boxeur, rentier… tout en réussissant l’exploit, à chaque fois, de rester Elvis Presley, lui qui se rêvait le nouveau James Dean

ou marlon Brando. Acteur le mieux payé de Hollywood au milieu des années 1960, Elvis a tourné trente-quatre films de fiction de 1954 à 1969. Quel est le moins pire de ces longs métrages aux décors kitsch, aux scénarios souvent insipides et à la réalisation

tape-à-l’œil ? Est-ce le très surestimé Bagarres au King Creole (King Creole, 1958), où il interprète, comme dans beaucoup d’autres, un chanteur débutant ? Les Rôdeurs de la Plaine (Flaming Star, 1960) réalisé par Don Siegel, qui utilise enfin Elvis comme un vrai comédien (Elvis ne chante d’ailleurs que deux chansons, dont celle du générique) ? Ou bien encore Sous le ciel bleu de Hawaii (Blue Hawaii, 1961), premier film de la trilogie hawaiienne ? Pour notre Johnny Hallyday national, aucun doute, il s’agit du deuxième film réalisé en 1957, Loving You, qu’il a vu à l’époque de sa sortie. C’est après avoir remarqué que les filles criaient dès que le King apparaissait sur l’écran que le jeune Jean-Philippe Smet se mettra en tête d’acquérir une guitare. Beaucoup, comme lui, ont découvert le rock grâce aux films d’Elvis, première rock-star planétaire.

Prison dorée

Chaque vision répétée de ce film nous rappelle le fossé immense qui le sépare des insupportables comédies musicales contemporaines. Réalisé en 1975 par Jim Sharman dans les studios britanniques de Bray où étaient tournés les films d’épouvante

de la Hammer (maison de production spécialiste du genre), adapté de la comédie musicale éponyme créée en 1973 par Richard O’Brien, The Rocky Horror Picture Show s’apparente à une plaisanterie de mauvais goût qu’on aime entendre régulièrement : Janet (Susan Sarandon) et Brad (Barry Bostwick), deux jeunes mariés candides, se retrouvent dans une étrange demeure habitée par le Dr. Frank N. Furter (Tim Curry), transsexuel travesti de Transylvanie qui œuvre à

la fabrication de la créature parfaite, Rocky, un beau blond au paquet bien garni. Les deux tourtereaux sombreront vite dans la débauche et croiseront une ribambelle de dingues absolus, dont Eddie, interprété par Meat Loaf (voir encadré), ancien Hell’s Angel7 et amant du docteur qui jaillit d’une chambre froide au guidon d’une Harley Davidson…Oscillant constamment entre le pastiche de film d’horreur (références à Dracula, etc.), la bouffonnerie érotique en bas résille et le trip musical halluciné

mEAt lOAf« meat loaf, le chanteur, le tragédien, la brute, la bête… », comme le proclamait en 1978 une publicité pour l’album Bat out of Hell qui compte aujourd’hui parmi les disques les plus vendus dans le monde (40 millions d’exemplaires). Né en 1949, méconnu en france, ce beau morceau d’environ cent kilos (meat loaf, de son vrai nom marvin lee Aday, signifie littéralement « pain de viande ») ne se contente pas d’œuvrer lucrativement dans le hard-rock7 épique et symphonique. Depuis sa mémorable interprétation d’Eddie dans

The Rocky Horror Picture Show 7 en 1975, meat loaf a effectivement joué dans plus de cinquante films, où son physique impressionnant fait des merveilles : roadie7 au cœur d’or dans Roadie, videur de boîte de nuit dans Wayne’s World, chauffeur de bus pour pétasses dans Spice World… meat loaf est le gros de service idéal, malléable à souhait et non dépourvu d’un certain talent, comme dans Fight Club en 1999, où il interprète robert Paulson, personnage affublé d’une gigantesque poitrine suite à une prise d’hormones destinée à soigner un cancer des testicules. Assurément le meilleur rôle d’un artiste mégastar en Allemagne et en Grande-Bretagne,

qui alterne depuis quarante ans disques, cinéma… et humilité en toute circonstance : « On ne peut pas dire que je sois un acteur plutôt qu’un chanteur. Je crois que les deux sont indissociables, tous les grands chanteurs

de rock sont des acteurs. »

The RockyHorror Picture Show

Fais-moi

peu

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tim Curry dans le rôle du Dr. franck N. furter

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soixante ans tous les domaines de la culture ainsi que notre vie quotidienne.

es Converse au Perfecto, du Teppaz à Deezer,

du Golf Drouot au CBGB, des scopitones à MTV,

du haschich à l’héroïne, du service militaire aux cures

de désintox, du vinyle aux iPods, des guitares aux claviers...

n 250 entrées, cet ouvrage blindé d’illustrations propose une plongée dans un univers cosmopolite peuplé de groupies peu farouches, de managers plus ou moins véreux, d’érudits maniaques,

de roadies mal embouchés, de journalistes illuminés, d’écrivains maudits, de musiciens mystérieusement disparus…

nédite en son genre, cette encyclopédie traque

la matière rock dans ses moindres recoins,

triture son influence, décrit ses excès, déniche

ses trésors, dénonce les impostures et révèle

les scandales. Une somme à lire à plein volume !

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