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UNIVERSITÉ LYON 2 Institut d'Etudes Politiques de Lyon Culture, tourisme et territoire : les apports du tourisme culturel au développement local Laure Juanchich Master SECI Année universitaire 2006-2007 Sous la direction de Patrick Landre (20 septembre 2007) Jury : Patrick Landre - Mahfoud Galloul

Culture, tourisme et territoire : les apports du tourisme culturel au

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UNIVERSITÉ LYON 2Institut d'Etudes Politiques de Lyon

Culture, tourisme et territoire : les apportsdu tourisme culturel au développementlocal

Laure JuanchichMaster SECI

Année universitaire 2006-2007Sous la direction de Patrick Landre

(20 septembre 2007)

Jury : Patrick Landre - Mahfoud Galloul

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Table des matièresIntroduction . . 5

La culture contre le tourisme ? . . 5Tourisme culturel et territoire . . 7Carte d'identité du territoire de la Seine-Saint-Denis . . 7Définitions . . 11Méthode et sources bibliographiques . . 15

1e partie : Les conditions du développement du tourisme culturel : comment faire d’unterritoire et de son offre culturelle une destination touristique ? . . 17

I. La détermination de l’offre touristique et culturelle : un préalable à la création duphénomène touristique et de ses retombées . . 17

A. La définition du territoire pour une meilleure lisibilité et une meilleure efficacité del’offre de tourisme culturel . . 17B. Les adaptations nécessaires à la mise en tourisme des équipements culturels . . 24

II. La coopération comme fondement de l’action touristique : la mise en réseau des acteurslocaux du tourisme culturel . . 29

A. Création, professionnalisation et animation des réseaux : la mobilisation desacteurs locaux du tourisme culturel . . 29B. Réseau des acteurs locaux du tourisme culturel et irrigation du territoire : lalogique de pôles . . 33

2e partie : Les apports du tourisme culturel au territoire : de nouvelles ressourceséconomiques, une redéfinition de la culture et la structuration du territoire . . 36

I. Les retombées du tourisme culturel sur le territoire : la dynamisation économique de larégion . . 36

A. Les recettes liées au développement du tourisme culturel : de nouvellesressources pour la culture et le territoire . . 37B. Entreprises, culture et territoire : la mobilisation et l’attraction des acteurséconomiques grâce au tourisme culturel . . 43

II. Culture touristique et culture des lieux : l’influence du tourisme culturel sur la culture etl’identité du territoire, entre dénaturation et structuration . . 45

A. La confusion entre culture et loisirs : vers la « disneylandisation » de la culture ?. . 46B. Les retombées qui dépassent le simple cadre touristique : le tourisme culturelcréateur de lien social et révélateur d’identité . . 48

Conclusion . . 54Bibliographie . . 56

Ouvrages consacrés au tourisme culturel . . 56Ouvrages consacrés à l’économie de la culture et au développement local . . 56Articles de presse . . 56Etudes réalisées par le Comité départemental du tourisme de Seine-Saint-Denis . . 57Sites Internet . . 57

Annexes . . 58Annexe 1 : Carte administrative du département de la Seine-Saint-Denis . . 58Annexe 2 : Carte des équipements touristiques et des infrastructures de transportdu Nord-est parisien . . 59

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Annexe 3 : Entretien avec Daniel Orantin, directeur du Comité départemental dutourisme de Seine-Saint-Denis (CDT 93) – 02/07/07 – Pantin. Durée de l’entretien : 1heure 49 minutes. . . 59Annexe 4 : Tableau comparatif des secteurs professionnels du patrimoine et dutourisme - Bob Mc Kercher et Hilary du Cros : . . 60

Résumé . . 61

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Introduction

Laure Juanchich - 2007 5

Introduction

En 2005, la France attirait 76 millions de visiteurs étrangers1. Parmi les 49,5 millionsde personnes de 15 ans et plus résidant en France métropolitaine (pour une populationtotale de 60,7 millions d’habitants), 73,8 % avaient effectué un séjour touristique2. Laconsommation touristique sur le territoire s’élevait quant à elle à 108,1 milliards d’euros,répartis entre les touristes français et étrangers. Elle représentait 6,4 % du PIB. Le poidséconomique du tourisme ne cesse de grandir et le public touristique potentiel de s’élargir.Forte de ces chiffres, la France est la première destination touristique mondiale. Son imagede pays au patrimoine d’une qualité et d’une diversité exceptionnelle n’est pas étrangèreà l’attraction qu’elle suscite. Pour renforcer le rayonnement français à l’étranger, la Maisonde la France, organisme qui a pour mission de promouvoir la « destination France3 »à l’étranger, a un champ d’action qui s’étend sur 39 pays. Parmi ses axes prioritairesde valorisation de l’hexagone, elle promeut tout particulièrement le tourisme culturel. Leministère délégué au tourisme recense en effet sur le territoire français quelques 14 000bâtiments et sites classés, 26 000 inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monumentshistoriques, 4 000 musées et 2 000 festivals. On perçoit ici le lien étroit qui unit tourismeet culture dans le cas français.

Ce rapprochement entre tourisme et culture était affirmé dès 1987, avec la signaturede la première convention de partenariat entre les ministères du tourisme et de la culture.Elle a depuis donné lieu à de multiples collaborations et à la prise en compte du phénomènequi nous intéresse ici en tant que trait d’union entre deux domaines complémentaires : letourisme culturel.

La culture contre le tourisme ?Longtemps, le tourisme s’est vu opposé à la culture. En effet, selon le philosophe YvesMichaud, le tourisme fut le responsable d’une rupture dans la culture. A cause de lui, elleest passée de la « sacralisation culturelle » qui a prédominé pendant deux siècles, au« divertissement culturel.4 » Aujourd’hui encore, le touriste n’a pas toujours bonne pressedans le milieu culturel. Il est souvent caricaturé et perçu comme un destructeur qui use lesmonuments qu’il visite, génère des équipements coûteux, pollue et ne comprend pas cequ’il voit.

1 Les chiffres clés du tourisme en France, édition 2006, publiés par la Documentation française, disponibles sur le site du ministèredélégué au tourisme : www.tourisme.gouv.fr2 Selon les normes internationales en vigueur, est considérée comme touriste toute personne en déplacement hors de sonenvironnement habituel pour une durée d’au moins une nuitée, et d’un an au plus, pour des motifs non liés à une activité rémunéréedans le lieu visité.3 Site de la Maison de la France : www.franceguide.com4 Roure (Benjamin) et de Roux (Emmanuel), « Le tourisme contre la culture ? », Le Monde, 12 août 2005, p. 13 et 18.

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6 Laure Juanchich - 2007

Il s’agit là d’une fausse opposition, entre une certaine définition de la culture, àvocation noble, préférant son public traditionnel cultivé et résident aux masses éphémèressaisonnières ne disposant pas du bagage culturel nécessaire. Or, le philosophe souligneque le tourisme est profondément protéiforme et que tout un chacun peut être amené à lepratiquer. Contrairement aux idées reçues, le touriste n’est pas toujours l’autre. Percevantce phénomène, Jean-Didier Urbain publiait un livre intitulé L’idiot du voyage5, non pas pouraffirmer le mépris vis-à-vis du touriste, mais pour tenter de le réhabiliter.

L’opposition culture/tourisme repose également sur la confrontation de deux rapportsà l’argent, opposant l’irrationalité culturelle française (absence de lien entre le budgetculturel et la fréquentation) à la recherche permanente de profit et au mercantilismetouristique. Ces conceptions ont cependant évolué et ne sont plus partagées par la majoritédes professionnels de la culture ou du tourisme. Le tourisme est devenu un secteurtrop important pour l’économie et pour l’économie culturelle en particulier pour que cetteopposition perdure.

Pour Josquin Barré, cette opposition a aujourd’hui disparu pour trois raisons6 : Ils’agit tout d’abord de la rupture qu’a constituée le renouveau muséologique mené pardes musées comme Orsay ou le Grand Louvre, organisant des grandes expositionsthématiques destinées à un large public. La deuxième rupture a été celle du développementde l’animation culturelle, notamment lors des festivals, qui conduisit la culture jusque dansla rue, à la rencontre du public. Enfin, la troisième rupture s’est faite grâce aux médias quiont stimulé la consommation culturelle en promouvant l’offre. Les obstacles qui perdurentsont liés à une méconnaissance mutuelle et à une incompréhension des deux secteurs.

Si on peut concevoir les contradictions qui existent entre souci de conservation etvolonté d’attirer un maximum de visiteurs, ces oppositions ne résistent pas au fait quesans visiteurs, les lieux culturels n’ont pas lieu d’être. On ne peut nier que le tourisme adopé les fréquentations de ces lieux. De nombreux sites de gestion privée font la preuveque les bénéfices touristiques et commerciaux ne se font pas toujours au détriment desbénéfices culturels. En évitant le double écueil de la muséification et de la massification,entre le respect du touriste et de l’œuvre, l’offre existante montre que l’on peut aisément« touristifier » la culture ou « culturaliser » le tourisme.

Tourisme et culture ont un autre point commun : le territoire dans lequel ils s’inscriventtous deux. Le tourisme est en effet orienté vers une destination, un lieu. L’offre culturelle,quant à elle, est implantée sur un territoire. Le lien entre culture et territoire prend toutson sens lorsqu’on aborde les notions de patrimoine ou d’identité locale. Le tourismedoit s’appuyer sur les atouts du territoire pour le promouvoir. Selon Philippe Violier,l’activité touristique comporte une forte spécificité spatiale car « le local est le lieu dugisement touristique et l’affirmation sans cesse renouvelée de l’identité.7 » Le territoire estvéritablement le lieu de rencontre d’acteurs appartenant à des domaines différents maisinterdépendants l’un de l’autre. Le tourisme culturel est donc étroitement lié au territoire, àses acteurs et à son développement. Les territoires ne peuvent plus oublier la culture dansleur stratégie de développement.

5 Urbain (Jean-Didier), L’idiot du voyage. Histoires de touristes, Paris, Editions Payot, 2002.6 Barré (Josquin), Vendre le tourisme culturel, Paris, Economica, 1995.7 Violier (Philippe), « Introduction : l’espace local et les acteurs du tourisme », in Violier (Philippe) dir. L’espace local et les

acteurs du tourisme, Rennes, Presses universitaires de Rennes, collection Espaces et territoires, 1999, p. 9 – 14.

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Introduction

Laure Juanchich - 2007 7

Tourisme culturel et territoireLa relation entre tourisme culturel et territoire n’est pas la même selon les lieux. L’identitédu territoire, l’ancienneté et la forme du flux de tourisme culturel entrent en ligne de comptepour définir cette relation. Dans son ouvrage intitulé Turismo, territorio e cultura8, MonicaMorazzoni établie une typologie qui définie quatre régions de tourisme culturel différentes.

Ces quatre types de régions sont les suivantes :Les régions touristiques potentielles : Dans ce cas de figure, le territoire dispose d’un

potentiel d’attraction qui, s’il est dûment valorisé, peut attirer un flux touristique. L’activitétouristique est pour le moment marginale. Pour créer un flux de tourisme culturel, ces régionsmettent en place de nouveaux produits de tourisme culturel grâce à la mise en tourisme de laculture, c'est-à-dire l’ouverture et l’adaptation de l’offre culturelle à une clientèle touristique.

Les régions touristiques en expansion : Dans ces régions, la demande touristique esten expansion. L’offre de tourisme culturel existe déjà, mais elle augmente en volume etse diversifie pour s’adapter à une demande croissante, notamment en ce qui concerne lescapacités réceptives (hôtels, campings…) et les services para-réceptifs complémentaires.Si les produits de tourisme culturel existent déjà, ils se modifient, notamment pour permettrel’évolution positive de l’image du territoire. Pour compléter l’offre, des investissementsinfrastructurels peuvent être menés.

Les régions touristiques matures : Les régions touristiques matures ont une image, desproduits touristiques et des flux touristiques stabilisés. La demande touristique augmentetoujours, mais moins vite que dans une région touristique en expansion. La compositiontypologique de la demande se stabilise elle aussi et permet à l’offre locale de se réorganiserdurablement pour s’adapter entièrement à elle.

Les régions touristiques saturées : Dans ces zones, les capacités d’accueil du fluxtouristique sont dépassées. Par conséquent, le pouvoir d’attraction de la région diminue etle flux touristique peut se diriger vers des territoires concurrents. La demande, les prix etle niveau d’investissement diminuent. Il y a déqualification du flux touristique, de l’image etde l’attractivité du territoire.

Cette typologie est une aide à la compréhension des effets du tourisme culturel surun territoire donné. Elle n’est en aucun cas une description parfaite de la situation d’unerégion mais plutôt un « idéal type » au sens weberien du terme, c'est-à-dire un modèle quidonne les grandes lignes théoriques d’un phénomène social. Tous les territoires qui sontou deviennent une destination de tourisme culturel n’entrent pas parfaitement dans cettetypologie comme dans des cases. Un même territoire peut combiner les caractéristiques deplusieurs types de territoires.

Pour mieux comprendre la relation entre tourisme, culture et territoire sans diluer laréflexion dans des exemples trop disparates, il me paraît intéressant de retenir un exempleconcret de territoire : le département de la Seine-Saint-Denis. Cet exemple pourra êtrenuancé et contrebalancé par d’autres cas. Il convient tout d’abord de présenter ce territoire.

Carte d'identité du territoire de la Seine-Saint-Denis8 Morazzoni (Monica), Turismo, territorio e cultura, Milan, Editions de Agostini, 2003.

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8 Laure Juanchich - 2007

Cf. carte9

Nom:Département de la Seine-Saint-DenisRégion: Ile-de-FranceLocalisation:Nord-est de ParisSuperficie: 236 km2Chef lieu: BobignyDivisions administratives: 2 arrondissements, 40 cantons, 40 communes.Population1 459 000 habitants (estimation au 01/01/05 recensement - INSEE)Historique :A l’époque gallo-romaine, le peuplement de la Seine-St-Denis se développe de

manière significative. Durant le moyen-âge, la Seine-Saint-Denis est une terre d'agriculture(céréales, vins, élevage) qui joue un rôle important dans l'alimentation de Paris. La ville deSaint-Denis se développe. La prospérité économique de la Seine-Saint-Denis est mise àmal par la Guerre de cent ans (1337 à 1453), les guerres de Religion (seconde moitié du16ième siècle) et la Fronde (1648 à 1652). Les échanges reprennent à partir du 18ièmesiècle. Au 19ième siècle, le territoire s'industrialise, avec la naissance du chemin de fer etde l'industrie du transport fluvial. Il connaît une forte croissance démographique. La guerrede 1870 marque un nouveau coup d'arrêt à son développement. La croissance reprendaprès le conflit et sera même amplifiée par la première guerre mondiale, qui draine enSeine-Saint-Denis une main d'œuvre utile à l'industrie de guerre qui se fixera en partiesur le territoire. Son développement urbanistique se fait de manière anarchique avec desquartiers d'habitation médiocres offrant des conditions de vie plus qu'insuffisantes à leurshabitants appelés les "mal lotis". En 1931, la crise économique ralentit ce développementurbanistique et industriel que l'on songe à rationaliser. Après la seconde guerre mondiale etses destructions, certains quartiers vétustes sont rasés et on voit apparaître des immeubles,des écoles, des lycées et autres équipements sportifs. On s'efforce de rationaliser ledéveloppement du territoire et de répondre à la croissance de la circulation individuelle etcollective. En 1964, le département de la Seine-Saint-Denis est créé.

Géographie :La Seine-Saint-Denis est traversée par deux rivières: la Seine et la Marne, reliées par

un court d'eau artificiel : le canal de l'Ourcq. En ce qui concerne le relief du département,on trouve de la plaine au Nord, des plateaux au sud, ainsi que les restes de grandes forêts.Le département est depuis toujours un lieu de passage. Les premières routes partant deParis vers l'Est et le Nord le traversent (N1, 2 et 3). Des autoroutes desservent désormais leterritoire: l'A4 vers l'Est, l'A1 qui traverse Saint-Denis et l'A3, qui rejoint l'aéroport de Roissy.Avec le Bourget et la connexion à Roissy, le département est une véritable plateformeaérienne. Les communes se sont développées pour former un ensemble urbain et industrielpresque ininterrompu. La maigre place faite à la nature semble toutefois se développer avecla création de parcs et la sauvegarde des vestiges de forêts.

Economie :Après avoir connu une importante crise industrielle dans les années 70 et malgré un

fort taux de chômage (13,5% en 2005), le département reste économiquement dynamiquedans des secteurs parfois méconnus. Son développement économique ne se fait pas de

9 Cf. annexe 1 Carte administrative du département de la Seine-Saint-Denis, p. II.

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Introduction

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façon homogène. Le département dispose de deux grands pôles économiques : la zone dugrand Roissy au Nord et la zone de la Plaine Saint-Denis au sud.

Selon la Chambre de commerce et d’industrie de Seine-Saint-Denis10, depuis 1995, ledépartement voit son nombre d’entreprises augmenter régulièrement avec une croissanceannuelle de 2 %. Chaque année, 700 entreprises sont créées dans le département. Sontissu économique présente une forte concentration du nombre d’établissements sur certainssecteurs d’activité :

∙ Le commerce (gros et détail) représente 28 % des établissements du territoire (21 %au niveau régional).

∙ La construction occupe 11 % des établissements du département (Ile-de-France : 7%).

En termes d’effectifs salariés, la Seine-Saint-Denis affirme cette spécialisation dans lessecteurs de la construction et du commerce avec respectivement 17,3 % et 6,5 % deseffectifs (13,4 % et 4,5 % au niveau régional). Alors que la Seine-Saint-Denis connaîtune croissance dans le secteur des services, elle enregistre une baisse du nombred’établissements industriels. Les effectifs salariés évoluent selon le même sens. Si la Seine-Saint-Denis a perdu 15 900 emplois industriels ces huit dernières années, le départementa connu un accroissement de 50 000 emplois dans les services.

Les filières porteuses pour le développement économique de la Seine-Saint-Denis sontl’image et l’audiovisuel, l’aéronautique et aéroportuaire, l’automobile, la mode et la créationtextile, le secteur tertiaire.

Offre culturelle :

Cf. carte11

On ne décrira ici que les principaux éléments qui composent le paysage culturel dela Seine-Saint-Denis. On verra plus tard que l’offre culturelle dédiée au tourisme dépasseles équipements et évènements traditionnellement considérés comme culturels (musées,monuments, festivals…) pour englober la culture industrielle du territoire.

Au niveau architectural, le département du 93 compte quelques monuments religieuxmajeurs, tels que l’église de Noisy-le-Grand et la basilique cathédrale de Saint-Denis(142 000 visiteurs par an). De nombreuses églises et monastères ont été conservésà Neuilly-sur-Marne, Montreuil, Aulnay-sous-Bois, Tremblay-Lès-Gonesse, Aubervilliers…Les châteaux de Clichy-sous-Bois et Gournay, d'Epinay, de Villemomble, de Gagny,de Vaujours et de Saint-Ouen complètent le paysage architectural. L’architecturecontemporaine a donné au département l’église du Raincy, construite par Auguste Perretet le Stade de France, qui a accueilli 100 000 visiteurs entre juillet 2005 et juin 2006.

Les puces de Saint-Ouen, un des plus grands marchés d'antiquités du monde,constituent également un élément culturel incontournable dans le département.

En ce qui concerne les musées, le département compte le musée de l’Air et de l’Espacedu Bourget, le musée d’Art et d’histoire situé dans l’ancien carmel de Saint-Denis, lemusée Christofle, situé dans l’ancienne manufacture de la société Christofle et consacré àl’orfèvrerie et aux arts décoratifs, ainsi que le musée Pierre Cardin consacré au couturier.L’offre culturelle du 93, envisagée d’un point de vue touristique, englobe une partie du Nord-est parisien qui lui est directement limitrophe. Comme on le verra, cette délimitation originale

10 Site Internet de la Chambre de commerce et d’industrie du 93 : www.ccip93.ccip.fr11 Cf. annexe 2 Carte des équipements touristiques et des infrastructures de transport de la Seine-Saint-Denis, p. III.

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de l’offre culturelle touristique a son importance dans les stratégies de développement dutourisme culturel sur ce territoire. C’est la raison pour laquelle on désignera le territoire étudiécomme le département de la Seine-Saint-Denis, mais aussi comme le Nord-est parisien.Grâce à cette adjonction de territoire, l’offre culturelle des lieux comprend aussi tout le parcde la Villette : la Grande Halle, la Cité de la musique, la Cité des sciences, le Zénith, laGéode.

Le département accueille également de nombreux festivals consacrés au spectaclevivant, au cinéma et aux arts visuels tels que Banlieues Bleues (festival de jazz), CôtéCourt (festival de films courts), le festival de Saint-Denis (festival de musique classique), lesRencontres chorégraphiques internationales de Saint-Denis, le festival Africolor dédié auxmusiques urbaines d’Afrique et d’Océanie…

Le maillage culturel du territoire se fait à travers l’implantation de structures permettantla création, les résidences d’artistes, la diffusion, la médiation… grâce à des lieux telsque la Maison de la Culture de Seine-Saint-Denis (MC93), le Théâtre de la Commune àAubervilliers, le Théâtre Gérard Philipe à Saint-Denis, le Centre Dramatique National àMontreuil et l’Académie Fratellini (cirque)…

La Seine-Saint-Denis possède donc une offre culturelle et un patrimoine anciens etdiversifiés.

Ce territoire me paraît tout à fait approprié pour étudier les relations entre tourismeculturel et territoire car il se classe dans la catégorie des territoires en expansion, nonpas quant à son offre culturelle qui est bien implantée et ancienne, mais en matière depositionnement en tant que destination de tourisme culturel.

Il s'agit tout d’abord pour ce département de changer la perception que le touriste peutavoir de lui et de se créer une image à l'international. En effet, le 93 ne dispose pas d’uneimage touristique. Une étude qualitative réalisée en 2001 sur le tourisme d’agrément enSeine-Saint-Denis12, montrait en effet que les étrangers ne disposent d'aucune image dela Seine-Saint-Denis. La majorité des provinciaux et banlieusards (hors 93), au même titreque les étrangers, ne dispose pas "d'image précise" avant de se rendre sur place. Ceux quiavaient une image négative, associée aux problèmes de sécurité, font valoir leur surpriseune fois sur place, l'insécurité ne semblant pas être si prégnante. La majorité des parisiensappréhende le département de manière beaucoup plus contrastée. Dans l'ensemble, leursperceptions semblent relativement proches des Sequano-Dionysiens interrogés. L'imaged'une banlieue difficile, dangereuse, souffrant d'un environnement général dégradé est trèsprégnante dans les discours et cette image ne semble pas être démentie par l'observation.En revanche, cette perception est immédiatement relativisée par le caractère éminemmentculturel et vivant du département. Ce résultat signifie que la Seine-Saint-Denis n'a pasl'image d'un département touristique. De ce point de vue, la communication, certes récente,relative aux sites et/ou à la Seine-Saint-Denis apparaît insuffisante au regard de l'intérêteffectif de ces sites. Un travail sur l’image est également en cours pour mieux faire connaîtrela destination aux prescripteurs du tourisme. La deuxième préoccupation en matière d’imageest pour le Seine-Saint-Denis de démarquer son offre de celle de Paris, énorme pôled'attraction touristique, tout en captant une partie de ses visiteurs.

Dans un rapport publié par le Comité départemental du tourisme (CDT), lesprofessionnels du tourisme de ce département qualifient eux-mêmes le moment de

12 CDT 93, Le tourisme d’agrément sur le pôle, Novembre 2001.

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Introduction

Laure Juanchich - 2007 11

« période charnière13. » Le développement de l’offre de tourisme culturel et des servicescomplémentaires est toujours en cours. Les équipements sont dans une phase de« positionnement et de transformation » (rénovation, modernisation) pour s’adapter à lademande.

Daniel Orantin, directeur du CDT 93, affirme que la destination est « relativementnouvelle », du fait que l’intérêt porté au département en tant que destination touristique parles institutions est récent. Il parle de « réalité touristique14 » du territoire, masquée par un« effet d’optique » lié à l’image du territoire.

Toujours selon Daniel Orantin, le lien entre territoire et tourisme culturel n’a été faitque récemment par les institutions : « C’est une vrai destination touristique, qui n’est pastrès ancienne mais qui est quand même bien plus ancienne que les dix ans de créationdu CDT, mais qui n’avait pas été repérée ou considérée comme utile à travailler pour ledéveloppement du territoire.15 »

Enfin, la composition du flux touristique n’est pas stable. La demande est en constanteaugmentation et l’ouverture aux touristes internationaux se fait petit à petit.

L’hypothèse défendue dans ce mémoire, sera donc que tourisme et culture ayantchacun des avantages à tirer de leur collaboration, leur interaction sur un territoire donnéproduit des effets sur cet environnement. Elle permet l’émergence d’un tourisme culturel quiparticipe au développement local du territoire.

La problématique qui en découle est la suivante : En quoi le tourisme culturel joue-t-ilun rôle dans le développement local des territoires ? Ou à l’inverse, comment les stratégiesde développement local se basent-elles sur la mise en place d’une offre culturelle ?

Pour répondre à cette problématique, il est nécessaire de donner les définitions desnotions et des concepts utilisés.

DéfinitionsCulture et tourisme culturel

En premier lieu, lorsqu’on parle de tourisme culturel, on fait référence à la définitionclassique du tourisme : celle d’un déplacement hors de son environnement habituel pourune durée d’au moins une nuitée, et d’un an au plus, pour des motifs non liés à une activitérémunérée dans le lieu visité. La notion de déplacement est nécessaire, ce qui exclue lesrésidents. Le tourisme se décline sous de multiples formes : balnéaire, sportif, d’affaire…L’ajout de l’adjectif « culturel » précise les motivations de ce déplacement. Le moteur etl’objet de ce type de tourisme sont la culture.

La définition de cette dernière est sujette à de nombreuses interprétations. La définitionrestreinte de la culture considère uniquement les beaux-arts. En tant que professionneldu tourisme, Daniel Orantin considère cette acception de la culture comme « réductrice et

13 CDT 93, Diagnostic et plan d’action du pôle touristique, 2001.14 Annexe 3, p. IV et V.15 Annexe 3, p. V.

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Culture, tourisme et territoire : les apports du tourisme culturel au développement local

12 Laure Juanchich - 2007

erronée.16 » L’Unesco, dans sa déclaration de Mexico de 1982, adoptait une définition trèslarge : « La culture, dans son sens le plus large, est considérée comme l’ensemble destraits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une sociétéou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les droitsfondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeur, les traditions et les croyances.17 »Cette définition ouvre un champ infini à la culture. Cependant, en la rattachant à un groupesocial, lui-même rattaché à un territoire, elle admet le caractère local que peut revêtir laculture. Cette définition large correspond plus qu’une définition restreinte à la réflexion surles liens entre tourisme, culture et territoire. Elle rappelle la définition du patrimoine qui, elleaussi, s’est élargie au fil du temps pour englober tous les éléments matériels ou immatérielsde l’identité de tout groupe social, sans cesse transmis et renouvelés sur un territoire.

Intégrant la profonde diversité de l’offre culturelle disponible sur un territoire donné,Claude Origet du Cluzeau adopte l’interprétation la plus large de la culture pour définir letourisme culturel de la manière suivante : « déplacement (d’au moins une nuitée) dont lamotivation principale est d’élargir ses horizons, de rechercher des connaissances et desémotions au travers de la découverte d’un patrimoine et de son territoire.18 »

Cette définition est intéressante car elle montre que la conception de la culture la pluslarge possible correspond au tourisme culturel. Tout d’abord parce qu’elle s’éloigne desdéfinitions réductrices qui opposent publics touristiques et publics de la culture. Ensuiteparce qu’elle permet à chaque territoire de donner sa propre définition de sa culture,en fonction des ressources qu’il possède. Ainsi, il développe le tourisme culturel qui luicorrespond. Culture et tourisme culturel participent réciproquement à l’élargissement deleurs définitions.

Daniel Orantin partage cet avis. En Seine-Saint-Denis, la définition de la culture quiintéresse le tourisme comprend selon lui « les arts », les « savoir-faire » et « la ville.19 »

Une fois défini l’objet du tourisme culturel, on peut s’interroger sur la nature de son offre.L’offre de tourisme culturelElle est portée par des acteurs publics et privés. En théorie, toute l’offre de biens

culturels est ouverte au tourisme. En pratique, certaines activités n’intéressent pas lestouristes (ex : les bibliothèques), sont incompatibles avec les pratiques touristiques (ex :la saisonnalité), leur sont inaccessibles (ex : monuments fermés ou privés) ou refusentcette clientèle. Toute l’offre culturelle n’est pas « touristifiée » ou « touristifiable », mais lechamp reste vaste et ne cesse de grandir à mesure que la demande devient de plus enplus éclectique.

L’offre culturelle s’articule autour de deux types de biens patrimoniaux : le patrimoinematériel20, c'est-à-dire les sites consacrés à la culture réalisés par l’homme (musées,

16 Annexe 3, p. VI.17 Déclaration de Mexico sur les politiques culturelles. Conférence mondiale sur les politiques culturelles, Mexico City, 26 juillet

– 6 août 1982.18 Origet du Cluzeau (Claude), Le tourisme culturel, Paris, PUF, collection Que sais-je ?, 2005.19 Annexe 3, p. VI.20 Patrimoine matériel : La France compte 14 000 bâtiments et sites classés, dont 26 par l’Unesco. 26 000 sont inscrits à

l’inventaire. On compte 4 000 musées, une cinquantaine de lieux de mémoire et 60 sites archéologiques et préhistoriques selonl’Office national du tourisme (ONT). A cela s’ajoutent les sites de tourisme industriel, les sites de patrimoine artisanal et de savoir-fairetraditionnel, les parcs et jardins, les villes et villages d’art ainsi que les routes à thèmes culturels.

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Introduction

Laure Juanchich - 2007 13

monuments, villes et villages d’art…), mais aussi le patrimoine immatériel21 (fêtes etmanifestations, traditions, savoir-faire…). En Seine-Saint-Denis, cette offre s’articule autourdes trois éléments cités plus haut (arts, savoir-faire, ville).

Il ne faut pas confondre les offreurs de tourisme culturel et les intermédiaires quijouent souvent le rôle de prescripteurs. Parmi eux : les hébergements, les transports, larestauration, les voyagistes (ou tour-opérateurs), les autocaristes, les réceptifs (agences devoyages fournissant des prestations sur le lieu de destination), les guides…

Face à l’offre de tourisme culturel, on trouve bien évidemment sa demande.La demande de tourisme culturelIl est impossible de dresser le portrait robot du touriste culturel, tant cette pratique est

répandue dans la population. En effet, qui au cours d’un séjour touristique ne pousse pasla porte d’une église ou d’un musée ?

Claude Origet du Cluzeau tente d’établir une typologie de la demande en créant troisprofils22 qui peuvent se recouper :

∙ Les « monomaniaques » : Petit nombre de personnes spécialistes d’un thème culturelet très motivées. Leur passion pour ce thème est le facteur déclencheur du voyage.

∙ Les « boulimiques » : Leur motivation ne se cantonne pas à un sujet mais à tous lesthèmes culturels.

∙ Les monomaniaques et les boulimiques ont déjà des pratiques culturelles, corréléesavec leur catégorie socioprofessionnelle et leur niveau de diplôme. Le voyage est leprolongement de ces pratiques et recherche l’accumulation de connaissances.

∙ Les « éclectiques » : Leur motivation première n’est pas la culture, mais leurdéplacement comprend des « séquences culturelles » occasionnelles. Ils sontpoussés par la curiosité à s’intéresser à des thèmes divers. Les éclectiquesrecherchent plus les sensations et l’émotion que le savoir.

∙ Il est important de remarquer que le fait d’être en vacances favorise les séquencesculturelles. La culture, toujours selon Claude Origet du Cluzeau, serait la 4ièmemotivation des français en vacances, après « se divertir », « se reposer » et « voirdes parents/amis ». Les voyages s’effectuent en tant que touriste individuel ou engroupe organisé. Par ailleurs, des études de l’Observatoire national du tourismemontrent que 32 % des séjours européens comportent une dimension culturelle (4emotivation). C’est la 1e motivation des américains.

∙ Comme on le verra, les études chiffrées sur le tourisme culturel sont peunombreuses. L’auteur estime que sur la population des touristes européens,10 à 15% sont des passionnés, 30 à 40% sont des réguliers, et 45 à 60% desoccasionnels.

∙ La très forte attraction suscitée par la France sur les touristes étrangers est due àson image culturelle, comme le confirme une étude du ministère du tourisme quimontre que 35 % d’entre eux avouent consacrer leur séjour en France à la visite demonuments et de musées.

21 Patrimoine immatériel : Chaque année, 2 000 festivals se déroulent en France. A cela s’ajoutent les fêtes historiées, lesfoires et fêtes locales, les marchés et les évènements ponctuels. Ce sont des manifestations récurrentes ou ponctuelles qui tournentautour du patrimoine local.

22 Origet du Cluzeau (Claude), Le tourisme culturel, Paris, PUF, op. cit. p. 15.

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Culture, tourisme et territoire : les apports du tourisme culturel au développement local

14 Laure Juanchich - 2007

Ces dernières années, la demande de tourisme culturel a connu des mutationssociologiques, causées par la rupture du modèle et des rythmes familiaux. La demandes’oriente vers des vacances plus courtes et fractionnées, en plus petits groupes. Lasaisonnalité des flux diminue pour laisser place à une fréquentation des lieux touristiquesqui s’étale sur toute l’année. De même, la moyenne d’âge des clients européens augmente.

En Seine-Saint-Denis, la demande de tourisme culturel n’a pas fait l’objet d’étudesquantitatives récentes. Des études spécifiques aux sites ou manifestations culturellesexistent, mais leur hétérogénéité empêche leur généralisation à toute la zone. Cependant,on peut affirmer, d’après les propos de Daniel Orantin, qu’elle provient majoritairement dela région Ile-de-France, puis de province, puis de l’étranger.

Une fois défini le tourisme culturel et ses composantes, on peut s’interroger sur lesconséquences qu’il induit sur son territoire. Ce questionnement passe par la définition dudéveloppement local.

Le développement localLes effets du tourisme culturel sur un territoire donné s’analysent en termes de

développement local, autrement appelé développement territorial. Avant de se pencher plusen détails sur ces effets, il convient d’éclaircir la notion de développement local.

Tout d’abord, pourquoi une étude du tourisme culturel au niveau local est-ellepertinente ? On a déjà abordé les liens étroits qui unissent le tourisme et la cultureau territoire. D’un point de vue plus économique, l’analyse locale se justifie par undouble contexte macro économique : celui de la mondialisation, qui envisage lesrelations économiques au niveau planétaire, et qui s’accompagne d’un phénomènede territorialisation, centré sur l’échelle locale, c'est-à-dire infra-étatique. Ces deuxphénomènes peuvent paraître antagoniques, mais ils vont en réalité de pair. C’est le refusd’un modèle global pour un modèle adapté à chaque territoire et à sa culture. La compétitioninternationale accrue renforce la vocation économique des bassins d’emplois qui sediversifient et se spécialisent par filières pour se démarquer des autres régions. Le tourismeest une des spécialisations possibles. Il permet, notamment grâce au développementdu tourisme culturel, d’affirmer tout particulièrement l’originalité et les spécificités d’unterritoire en les mettant en valeur. En France, ce mouvement s’est accompagné depuis lesannées 80, d’un phénomène de décentralisation. Le pilotage économique ne se fait plusuniquement depuis le pouvoir central. L’Etat veut ainsi favoriser les dynamiques autonomeset les systèmes productifs locaux. Ainsi, les collectivités locales se sont vu attribuer desresponsabilités croissantes. En matière de tourisme, des entités spécialisées ont été créées,comme les Comité régionaux ou départementaux du tourisme sur lesquels nous reviendrontplus tard. La logique de territorialisation encourage les régions à s’appuyer sur leurs atoutspour développer de nouveaux processus d’innovation et de compétitivité, dans l’optique dudéveloppement local.

Mais il serait faux de croire que le développement territorial n’est qu’une mobilisationdes initiatives et des ressources locales dans le seul but de dégager des richesses ausens économique du terme. Le développement local comporte bien d’autres aspects qui nerelèvent pas de la valorisation économique. Dans son ouvrage intitulé Le développementlocal, Bernard Pecqueur assure que : « l’enjeu du développement local est plus vaste.Il s’agit de mettre en évidence une dynamique qui valorise l’efficacité des relationsnon exclusivement marchandes entre les hommes pour valoriser les richesses dont ilsdisposent.23 » Par cette phrase, l’auteur affirme que le champ du développement local

23 Pecqueur (Bernard), Le développement local, Paris, Ed. Syros, Collection Alternatives économiques, 2000.

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Introduction

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dépasse très largement la seule valorisation des biens et des services marchands. Leséchanges hors marché (concernant les services publics, le monde associatif…) sontprimordiaux pour expliquer l’efficacité économique observée dans certains lieux. De même,l’économiste néo-keynésien Paul Krugman affirme que le développement territorial relèved’un « effet d’auto consolidation du succès plutôt que d’un quelconque avantage imputableà l’existence de certaines ressources préexistantes.24 » Il exprime par là le fait quedes échanges d’autre nature viennent renforcer les échanges économiques pour créerl’avantage comparatif d’un territoire sur un autre. Dans cette optique, il faut considérer lesterritoires comme des ensembles socio économiques complexes et construits pour analyserles ressorts du développement local.

Ainsi, il existe deux définitions du développement local. La première est restreinteet l’envisage comme : « une mode territorialisé d’organisation de la production commemodalité originale de création de ressources économiques.25 » La seconde y voit la notionplus large de : « coopération entre différents acteurs avec un ancrage géographique pourengendrer des ressources particulières et des solutions inédites.26 » La combinaison de cesdeux définitions donne la théorie du « développement par le bas », favorisant le potentiellocal d’organisation et les logiques d’autonomie des territoires. Le développement local estun mode de développement endogène et localisé, fondé sur les forces du territoire, quine sont pas seulement des forces économiques. Comme on le verra, le développements’appuie également sur une logique d’acteurs et sur une logique de réseaux qui dépassentles simples relations marchandes. Le développement local n’est donc pas universalisable.Il ne s’agit pas d’un modèle clef en main mais d’un modèle qui s’adapte à chaque territoireet à ses acteurs.

Le tourisme culturel, en tant qu’activité économique, influence directement ledéveloppement territorial. On peut parler de retombées locales. Mais ces retombées nesont pas toutes délibérées, contrôlées et positives. C’est ce que Walter Pommerehne etBruno Frey appellent un « effet externe » au marché27 ou externalités. Les externalitésconcernent tout particulièrement la culture car celle-ci créé un effet de « bien collectif ».Cela signifie qu’elle produit des valeurs échappant au marché, profitant ainsi indirectementaux personnes qui ne participent pas directement aux activités culturelles. Il arrive, commepour toute activité économique, que les actions de production et de consommation d’un biende tourisme culturel par un agent, influe positivement ou négativement sur d’autres agentssans que cela ait été planifié. Il est important de prendre en compte ses effets indirects pourcomprendre l’influence du tourisme culturel sur le territoire.

Méthode et sources bibliographiquesLes sources mobilisées pour la rédaction de ce mémoire sont de plusieurs sortes.

Tout d’abord, il s’est agit d’ouvrages et d’articles de presse consacrés au tourismeen général, au tourisme culturel en particulier, mais aussi à l’économie du développement

24 Krugman (Paul), La mondialisation n’est pas coupable. Vertus et limites du libre échange, Paris, La Découverte, 2000.25 Pecqueur (Bernard), Le développement local, op.cit. p. 18.26 Idem.27 Pommerehne (Walter) et Frey (Bruno), La culture a-t-elle un prix ?, Paris, Plon, Collection Commentaire, 1993.

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territorial et à l’économie de la culture. De nombreux documents fournis par le Comitédépartemental de la Seine-Saint-Denis ont également été exploités. Deux rapports publiésen 2001 par le CDT ont été particulièrement utilisés. Il s’agit de deux études qualitatives.Elles ont été réalisées à l’occasion de la signature d’une convention entre l’Etat, la régionet son Comité régional du tourisme, le département et son CDT, visant à créer un pôlede tourisme d’agrément en Seine-Saint-Denis. La convention confiait au CDT une missiond’animation du pôle et l’établissement d’un diagnostic et d’un programme d’action. Cesrapports ont été élaborés au terme d’entretiens réalisés avec des personnes représentativesdu monde professionnel et institutionnel du tourisme ainsi qu’auprès du public touristique.Cependant, il n’existe pas pour ce département d’études quantitatives sur les conséquencesdu tourisme sur le territoire et ses acteurs.

Deux entretiens ont été réalisés auprès d’acteurs majeurs du tourisme culturel enSeine-Saint-Denis :

∙ Daniel Orantin, directeur du Comité départemental du tourisme du département 93,dont l’entretien est retranscrit en annexe28.

∙ René Roudeau, responsable du service marketing et action commerciale au seinde la direction des publics et de l’action commerciale de la Cité des sciences et del’industrie de la Villette. L’entretien n’ayant pu être enregistré, il n’est pas retranscriten annexe.

Le 10ième forum Ptolémée29 qui s’est tenu les 29 et 30 mai à la Cité des sciences etde l’industrie m’a également permis de recueillir des informations très utiles auprès deprofessionnels de la culture, du patrimoine et du tourisme.

Enfin, mon expérience acquise au sein même de la Cité des sciences et de l’industrieà l’occasion d’un stage à la direction de la communication a été mise à profit pour donnerdes exemples concrets venant compléter la réflexion.

Toujours en ce qui concerne les sources, il faut souligner la quasi absence destatistiques et de chiffres dédiés au tourisme culturel et à ses retombées locales.

Le mémoire comprend deux parties. Pour répondre à la problématique, la premièrepartie s’attachera à développer les conditions nécessaires à la création d’un flux de tourismeculturel et à son ancrage sur un territoire donné, afin qu’il contribue au développement local.

La seconde partie examinera en quoi le flux de tourisme culturel ainsi créé participe audéveloppement local, sur les plans économiques, identitaires et culturels.

29 Le forum Ptolémée réunit chaque année les acteurs des musées et des sites patrimoniaux pour réfléchir sur les grands enjeuxqui concernent leurs activités et donner des solutions à ceux qui entreprennent des projets culturels, artistiques et touristiques. Ilabordait cette année des thèmes tels que la gratuité des musées, le mécénat culturel, la valorisation du patrimoine par l’utilisationdes nouvelles technologies, les politiques des publics…

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1e partie : Les conditions du développement du tourisme culturel : comment faire d’un territoire etde son offre culturelle une destination touristique ?

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1e partie : Les conditions dudéveloppement du tourisme culturel :comment faire d’un territoire et deson offre culturelle une destinationtouristique ?

Le tourisme culturel induit des retombées sur son lieu de destination. La simple existenced’un site culturel ne créé pas automatiquement sa demande touristique. Encore faut-ilqu’une véritable offre de tourisme culturel existe et que le territoire soit apte à recevoir ettirer avantage de ces retombées.

I. La détermination de l’offre touristique et culturelle :un préalable à la création du phénomène touristique etde ses retombées

De quelles définitions et adaptations le territoire et son offre culturelle ont-ils besoin pouraccueillir le tourisme culturel et ses retombées ?

A. La définition du territoire pour une meilleure lisibilité et unemeilleure efficacité de l’offre de tourisme culturel

Le tourisme culturel s’inscrit dans un territoire. Les critères géographiques n’entrent pasen ligne de compte dans la définition de ce territoire. Il peut s’agir de tout type d’espace :littoral, campagne, montagne… et la ville, qui est l’espace le plus dense en matière d’offrede tourisme culturel. De même, dans l’expression « développement local », le local est unezone spatiale floue et variable.

Comment définir le territoire du tourisme culturel ?

1. La définition d’une échelle de territoire pertinente : entre découpageadministratif, touristique et réalité socioculturelleLe choix d’une échelle de territoire dans le but de développer le tourisme culturel apparaîtnécessaire et évident, ne serait-ce que pour délimiter le périmètre de l’offre culturelleà mettre en valeur. Mais cette délimitation n’est pas si facile qu’on peut le penser. Lesfrontières touristico-culturelles n’émergent pas seules et ne s’imposent pas naturellement

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à celui qui entreprend un projet de tourisme culturel. Ces limites sont, comme on le verra,multiples et mouvantes.

a. L’importance des limites géographiquesOn a déjà mentionné le lien étroit qui unit culture et territoire. La culture s’enracine dansun territoire. Elle définit son identité et celle de ses habitants. Le tourisme culturel a leplus souvent pour objet une culture locale, chargée de traditions et d’authenticité, plus oumoins créées de toutes pièces ou folklorisées. On perçoit ici l’importance de la définition del’échelle de territoire en termes d’image : il s’agit de donner à voir des éléments culturelscohérents pour donner l’image d’un produit touristique formant un tout homogène.

Si l’on dépasse le simple souci de l’image, on s’aperçoit que la délimitation du territoirea des conséquences plus larges. Jean-Michel Tobelem affirme ainsi que : « l’inscriptiond’un projet ou d’un équipement culturel dans les politiques locales, en relation avec unenvironnement spécifique et son insertion optimale dans le territoire sont capitales pourpermettre à l’équipement culturel de produire tous les effets attendus.30 » Selon l‘auteur,pas de retombées positives du tourisme culturel sur un territoire sans réflexion sur sonenracinement dans le territoire.

De même, pour générer l’adhésion des résidents locaux au projet de tourisme culturelet créer l’effet réseau qui, on le verra, est capital, il est également important que ces derniersse reconnaissent dans le projet. Daniel Orantin le prouve : « Communiquer sur le Nord-est parisien sans parler de la Seine-Saint-Denis, on a fait ça au début. Les gens disaient :« Qu’est-ce que c’est que ce truc là ? Ce n’est pas chez nous.31 » Le fait que le Comitédépartemental du tourisme de Seine-Saint-Denis ne communique pas sur le départementlui-même générait une incompréhension au niveau de la population qui empêchait unemobilisation des résidents en faveur du tourisme culturel. L’identification de la populationau territoire choisi est essentielle.

b. Des territoires spécifiques au tourisme culturel : les « pays » et le Nord-est parisienQuelles sont les options de territoire à la disposition des meneurs de projets de tourismeculturel ? Aujourd’hui, on travaille la question touristique à plusieurs niveaux et avec leconcours de différentes institutions : communal, avec les offices de tourisme ; départementalet régional, avec les comités départementaux et régionaux du tourisme ; national, avecle ministère délégué au tourisme ; international avec les maisons de la France. Il s’agitlà d’institutions qui respectent le découpage administratif français. Mais les frontièresadministratives ne sont pas toujours satisfaisantes en matière de tourisme culturel. SelonDaniel Orantin : « Les limites administratives ne sont pas des limites toujours pertinentesen matière de tourisme.32 » Le découpage administratif français est d’autant plus inopérantque la cible touristique est lointaine. Daniel Orantin poursuit : « C’est une évidence que,pour un touriste, quelqu’un qui n’est pas du pays, les limites territoriales sont assez floues.

30 Tobelem (Jean-Michel), Synthèse du colloque international Cultural facilities as catalysts for territorial development, Vitry-sur-Seine, 16 et 17 novembre 2005.

31 Annexe 3, p. XVII.32 Annexe 3, p. XVI

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1e partie : Les conditions du développement du tourisme culturel : comment faire d’un territoire etde son offre culturelle une destination touristique ?

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Plus on vient de loin, plus c’est flou.33 » Il s’agit donc de réinventer un territoire entièrementadapté au tourisme culturel.

L’exemple du Comité départemental du tourisme de la Seine-Saint-Denis le prouve.Comme son nom l’indique, cette instance travaille à l’échelle départementale. Son périmètred’action devrait en toute logique se cantonner au département 9334. Cependant, la réalitédes actions menées par le Comité est différente. En ce qui concerne son offre culturelle, elleenglobe largement une partie du département de Paris. Il s’agit du parc de la Villette, quiconstitue une offre culturelle majeure et incontournable d’une nouvelle entité uniquementcréée à des fins touristiques : le Nord-est parisien35.

De nouvelles entités sont ainsi créées pour développer des projets de territoires. A cesujet, il est intéressant d’analyser la notion de « pays », qui a été beaucoup utilisée enmatière de tourisme culturel. La notion de pays a été légitimée par la loi Pasqua du 4 février1995 et réactualisée par la loi Voynet du 25 juin 1999, portant sur « une organisation duterritoire basée sur les notions de bassins de vie organisés en pays et réseaux de villes » etsur « l'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.36 » Le pays s’inscritparticulièrement bien dans le cadre du tourisme culturel et du développement territorialpuisqu’on peut le définir comme un territoire dédié aux projets portés par des acteurs locaux,caractérisé par une cohésion géographique, économique, culturelle, sociale et la solidaritéentre la ville et l’espace rural. Le pays est basé sur les compétences et les coopérationsau sein du territoire. Son périmètre est plus étendu que les intercommunalités existantesjugées souvent trop petites, peu homogènes et trop discontinues pour mettre en œuvre desprojets. C’est le Conseil de développement qui est l’organe qui élabore, met en œuvre etévalue la Charte de pays. Cette dernière fixe les enjeux et les objectifs du pays. Le contratde pays est ce qui lie le pays, l’agglomération le département, la région et l’Etat, lorsqueles objectifs poursuivis sont bien définis. Pendant longtemps les pays n’étaient pas tousreconnus par les critères nationaux, bien que la Commission régionale d'aménagement etde développement du territoire les prenne en compte. Depuis 2003 et la loi Urbanisme ethabitat, leur reconnaissance et leur organisation est facilitée. 251 pays étaient recensés au1e janvier 2005 en France37.

La notion de pays semble pouvoir satisfaire les exigences du tourisme culturel. Ense détachant des divisions administratives classiques, elle permet de respecter les entitéssocioculturelles existantes, de mobiliser les initiatives locales et ainsi de présenter uneoffre culturelle pertinente. Selon Jean-Michel Tobelem, l’approche en termes de bassinprésente plusieurs avantages. Elle inscrit les politiques de tourisme culturel dans le projetde développement local d’un territoire et « incite au décloisonnement des interventionsentre professionnels de la culture et du tourisme. 38 » Il cite en exemple le cas du paysTerres romanes en pays catalan, situé dans les Pyrénées orientales, qui axe ses orientations

33 Idem34 Cf. carte annexe 1, p. II.35 Cf. carte annexe 2, p. III.36 Texte de la loi n°95-115 du 4 février 1995.37 Site de l’association Entreprises, Territoire et Développement : www.projetdeterritoire.com38 Tobelem (Jean-Michel), Le nouvel âge des musées. Les institutions culturelles au défi de la gestion, Paris, Armand Colin,

2005.

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stratégiques sur « l’empreinte de l’art roman », « une forte identité culturelle » et entre autres,« la diversification touristique.39 »

Cette notion de pays n’est pas appliquée à la Seine-Saint-Denis. Cependant, en tantque professionnel du tourisme, Daniel Orantin émet quelques réserves. Pour lui, si un paysest mis en place uniquement pour substituer une division territoriale à une autre, sansajustement ultérieur possible, il ne sert à rien. Pour lui, il est nécessaire en matière detourisme de jouer sur plusieurs tableaux et sur différentes échelles. Il affirme : « On estobligé d’avoir des approches différentes, avec le souci de savoir à qui on parle et de quoion lui parle. Donc si on voulait appliquer la notion de pays, même si le mot n’irait pas, onserait embêtés. […] L’idée de pays n’est pas idiote si on sait la manier avec une certaineprudence.40 » Plus tard il explique son point de vue : « Je m’interroge sur le fait de savoirsi l’idée de pays ne serait pas une solution dangereuse ou non pertinente si elle revenaità décider de créer de nouvelles grandeurs, qui transcendent les frontières administratives,mais qui ont quand même des frontières et qu’on jugerait utilisables pour tous et tout letemps. Je crois que ce serait une erreur de dire : « On substitue le pays à la commune ouau département. » Par contre, trouver des approches territoriales qui ne se limitent pas àl’administratif et pour certains cas, certains objets… ça, je pense que c’est nécessaire.41 »

Ainsi, la définition du territoire peut et doit varier selon les différentes actions menées etles différentes cibles envisagées. En ce qui concerne les touristes étrangers, Daniel Orantinexplique : « Ici, pour un américain, un néo-zélandais, voire un anglais qui n’est jamais venuen France, c’est Paris. Pour les américains, les châteaux de la Loire c’est Paris ! (Rires) Lesanglais ont un rapport différent à la banlieue. Pour eux, le Grand Londres, c’est Londres.Donc, pour eux, on est Paris, vu de là bas. Après, le touriste il arrive ici. Dans la pratique, çadevient quoi Paris s’il est tout seul ? S’il vient en individuel ? Paris, ça devient délimité parle bout des lignes de métro. Donc souvent pas dans Paris même, mais un peu en banlieue.Mais au-delà, il a du mal à s’y aventurer. Le RER c’est déjà plus compliqué. Donc c’estParis plus les villes de la petite couronne. Donc aujourd’hui, pour les touristes qui sontdans les hôtels, ce n’est pas idiot d’avoir des documents qui présentent Paris et incluantPantin. Parce que c’est facile d’y aller. […] Au début, quand on travaillait sur le nord estparisien, on était presque schizophrènes parce que quand on faisait des documents où onparlait tourisme, on signait Nord-est parisien. Quand on faisait Et voilà le travail !, qui estdestiné principalement aux gens de Seine-Saint-Denis et d’Ile-de-France, on signait Comitédépartemental du tourisme. […] On a mis longtemps à régler ce problème là. On l’a à peuprès réglé avec un système de logos qui s’emboîtent. Selon a qui on s’adresse, selon cequ’on fait, on signe d’une façon ou d’une autre. Et sur Internet ça a abouti à ce qu’on aitdeux sites. […] On est obligés d’avoir des approches différentes, avec le souci de savoir àqui on parle et de quoi on lui parle.42 » On peut donc moduler la délimitation du territoire enfonction de la provenance géographique de la cible, mais aussi en fonction de sa nature :professionnels, groupes, individuels… Ainsi, le Nord-est parisien est une entité territorialeoriginale créée spécialement pour et par le tourisme.

La définition du territoire touristico-culturel est donc variable. Elle entre parfois en conflitavec des définitions autres que celles concernant le tourisme. C’est pour cela qu’elle doit sefaire en évitant toute imposition de territorialité. Une situation où chaque acteur définit le local

39 Charte de territoire du pays Terres romanes en pays catalan, 2004.40 Annexe 3, p. XVII.41 Annexe 3, p. XVI et XVII.42 Annexe 3, p. XVII.

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selon ses objectifs propres ôte toute cohérence à l’offre de tourisme culturel. Le choix duterritoire n’est donc pas anodin. Il doit correspondre à la fois à une réalité de terrain et à desexigences de marketing touristique. Les limites administratives ne sont pas infranchissables.En matière de tourisme culturel, la dimension socioculturelle du territoire rentre en ligne decompte. Une fois délimitée la zone d’action, il reste à élaborer ou à faire évoluer son imagepour la rendre attractive.

2. L’image du territoire et le « package culturel » : la communication commefacteur décisif pour la création d’un flux de tourisme culturelLa communication de l’offre de tourisme culturel, qu’elle soit destinée au grand public ouaux professionnels du secteur, participe pleinement de la définition du territoire. Un lieude culture n’existe pas en tant que produit culturel si celui-ci n’est pas mentionné sur lesdifférents supports de communication spécifiques au tourisme culturel et à ses cibles. Ainsi,aux yeux des touristes, une plaquette de présentation est une définition plus pertinente d’unterritoire que n’importe quelle limite administrative. Ainsi, la communication est devenuecapable de jouer un rôle important dans le positionnement des territoires dans la hiérarchienationale et internationale.

a. Changer l’image de la Seine-Saint-DenisIl ne s’agit cependant pas seulement de communiquer, mais aussi de créer une imagepositive et attractive dans l’esprit des touristes. Dans le cas de la Seine-Saint-Denis, laquestion de l’image se pose avec d’autant plus de force que le département est situé enbanlieue parisienne. Ce territoire est donc, dans l’esprit de bien des non résidents et despersonnes qui ne le connaissent pas, associé dans sa totalité à l’image négative des « cités »ou « quartiers ». C’est le « 9-3. » La médiatisation des villes de la Seine-Saint-Denis estfréquente, mais pas en termes de tourisme culturel. Cette image est pourtant bien réductriceet éloignée de la réalité.

En 1999, dans un article du Figaro, Théodoulitsa Kouloumbri, directrice de l’officede tourisme de Saint-Denis, analysait l’image de sa ville en répondant à la question« Saint-Denis ne souffre-t-elle pas de son image de ville banlieue ? » de la manièresuivante : « La vocation touristique n’est en effet pas évidente […] Mais l’image change.Les étrangers viennent assez facilement, en raison de la proximité immédiate de Paris. Ilsne se rendent pas compte qu’ils ont passé le périphérique. Pour les franciliens, c’est unpeu plus compliqué. Mais il y a là un potentiel important. C’est à eux qu’il faut prouver queSaint-Denis est certes une ville de banlieue, mais aussi une vraie ville. Et tout à fait une villetouristique.43 » Aujourd’hui, huit ans plus tard, la situation a certes évolué, mais la questionde l’image de la Seine-Saint-Denis se pose toujours. Daniel Orantin explique : « C’est peut-être un effet d’optique qui continue à exister chez beaucoup de gens. Aujourd’hui si vousdescendez dans la rue, vous faites un micro-trottoir et vous parlez de tourisme en Seine-Saint-Denis, la réaction la plus certaine que vous obtiendrez c’est un grand éclat de rire.[…] Ce retard correspond sans doutes à un effet d’optique lié à la proximité de Paris et lié àla façon dont est vue la banlieue en général par ceux qui y habitent et ceux qui n’y habitentpas. La réalité est sans doute différente… Enfin elle est à coup sûr différente puisque si onregarde les éléments structurants qui témoignent habituellement d’une activité touristique,la Seine-Saint-Denis et la petite couronne en général sont à l’évidence touristique.44 »

43 Albert (Marie-Douce), « Création d’une carte d’accès intersites : il n’y a pas que le Stade de France », Le Figaro, 23 juin 1999.44 Annexe 3, p. IV.

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L’image du département reste donc un enjeu majeur de l’action du Comité départementaldu tourisme. Le CDT œuvre à la fois pour positionner son offre comme faisant « partieintégrante de l’offre de Paris » et pour la démarquer de celle-ci, en promouvant une offreurbaine « singulière » ou « décalée », qui « contraste avec les grands classiques.45 » Ilsouhaite donner l’image d’un territoire « en mouvement », « aux facettes multiples » et« créatif. »

Si le CDT touche avec efficacité les touristes de proximité (les franciliens), l’imageinternationale du département, élément déclencheur de tourisme de séjour, reste àdévelopper. Quel sont les outils à disposition du CDT pour définir l’image du territoire ?

b. Les outils et les cibles de la communicationUn des éléments déterminants de la construction de l’image touristique d’un territoire estson appellation. Dans le cas du 93, le CDT parle alternativement de Seine-Saint-Denis et deNord-est parisien en fonction de la cible à laquelle il s’adresse. Cela est nécessaire car, pourDaniel Orantin : « les noms parfois ne disent pas.46 » On a déjà vu de nombreux territoireschanger de nom pour des appellations plus attractives.

En ce qui concerne la stratégie de communication du CDT 93, Daniel Orantin dégagedeux cibles principales : le grand public et les prescripteurs. Il affirme que le grand publicest quasi « inaccessible47 » pour lui. Les coûts élevés des insertions dans la pressesont l’obstacle principal. Le seul moyen d’apparaître dans la presse généraliste et detoucher le public national et européen est d’obtenir des articles rédactionnels à l’occasiond’évènements. Le directeur du CDT estime que la communication dans la presse noneuropéenne relève du domaine du Comité régional du tourisme car, pour une cible silointaine, l’offre du 93 est noyée dans celle de l’Ile-de-France. Il existe cependant un grandpublic à disposition du CDT : les touristes déjà présents à Paris, par l’intermédiaire desoffices du tourisme et du réseau France Brochure Système qui compte 600 points dediffusion de documents promotionnels dans les hôtels. Grâce au CDT, ce réseau s’estétendu au département du 93. Renée Roudeau, responsable du service action commercialeà la Cité des sciences, définit ces points d’information dans les hôtels comme un des relaisde communication les plus importants.

Le média qui attire toute l’attention du CDT 93 est aujourd’hui Internet : « Ca faitlongtemps qu’on a un site Internet, mais on est en train seulement maintenant de s’aventurerà le travailler comme un média complètement spécifique, qui a ses propres logiques. […]Ca fait trois mois qu’on fait un travail technique de dénomination des pages, pour trouverles mots qui sont les plus usités dans Google et qui correspondent à notre activité, pourfaire venir du trafic. L’enjeu est que les gens, une fois qu’ils sont venus sur la page, aientenvie d’aller sur les autres pages. Avant qu’on commence, on avait à peu près 300 visitespar jour sur tourisme93.com. Aujourd’hui on est à 600, 700. Et on n’est qu’au début de cetravail puisqu’on va reprendre toutes nos pages et notre matière pour bien la réorganiser,bien la nommer. Donc on va vite arriver à 1 000 ou 1 500 sans problèmes. Maintenant est-ce que ça va générer de l’activité touristique ? Je n’en sais rien. C’est sûr que ça génère del’image.48 » L’ambition du site Internet tourisme93.com est de devenir le site de référence

45 CDT 93, Diagnostic et plan d’action du pôle touristique, op. cit. p. 12.46 Annexe 3, p. XVI.

47 Annexe 3, p. XI.48 Annexe 3, p. XI.

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sur les moteurs de recherche en matière de tourisme culturel pour rediriger le trafic vers lespages spécifiques à chaque élément de l’offre culturelle.

On perçoit ici l’importance des nouvelles technologies de l’information et dela communication pour le tourisme culturel. L’adoption toujours croissante de cesnouvelles techniques par la culture est un préalable à une commercialisation touristiqueprofessionnelle. La culture rejoint ainsi le tourisme qui utilise les NTIC depuis longtempsentre professionnels ou pour toucher ses clients. L’informatique permet en effet la rapidité,des prix meilleurs marché, une plus grande efficacité et une information réactualiséeen permanence. Le web permet également des offres plus particularisées et ciblées.En d’autres termes, c’est la vitrine rêvée pour les produits de niches, peu connus,alternatifs, avec des prestations spécifiques. Lorsqu’on s’inquiète de la possibilité que lacommunication par le web diminue la fréquentation réelle des sites, les professionnelss’accordent à dire que c’est l’inverse qui se produit. Ainsi, la Cité des sciences et del’industrie envisage de créer son double virtuel dans Second Life49, en offrant gratuitementdes contenus en ligne, sans craindre de voir la visite virtuelle se substituer à la visite réelle.Au contraire, elle espère pouvoir toucher des visiteurs potentiels plus lointains et ainsidoper ses fréquentations. On voit là l’affirmation du tourisme culturel comme une expérienceparticulière qu’un ordinateur ne peut remplacer.

Internet est un moyen de toucher le grand public mais aussi les prescripteurs.Daniel Orantin les considère comme la cible principale à atteindre. Ces derniers sontdes autocaristes, des agences de tourisme de groupe, des agences évènementielles,des responsables de relations publiques d’entreprises, des guides… qui jouent le rôled’intermédiaires et de conseil/recommandation entre l’offreur et le consommateur final. Leurrôle est capital. Les prescripteurs sont plus faciles à atteindre que le grand public, commel’explique Daniel Orantin : « C’est plus facile parce que c’est une question de constitutionde fichiers. La cible est plus circonscrite. Là on fait le travail classique. En matière deloisirs on a édité il y a peu de temps un manuel des ventes. […] Il récapitule tout ce qu’ily a à faire et à voir en Seine-Saint-Denis, pour les autocaristes, les agences, etc.50 » Lesprescripteurs de l’offre sont des relais de communication pour des produits de tourismeculturel pris isolément, mais plus encore pour des produits plus complexes qui associentplusieurs éléments de l’offre.

c. Le package touristique de l’offre culturelleIl existe un grand intérêt pour chaque offreur à être présent dans une communication globalede l’offre d’un territoire. Outre des économies d’échelle dans la production de supports decommunication, ce regroupement donne de la cohérence et l’image d’un ensemble territorialet culturel formant un tout. Il favorise la répartition des flux touristiques vers les sites peu

49 Second life (www.secondlife.com) est un monde virtuel en trois dimensions, issu du web 2.0. Il s'agit de la recréation d'unenvironnement comparable à la réalité dans lequel évoluent des avatars. SL n'est pas un simple jeu. Le programme est conçu pourpermettre toutes les activités de la vie réelle. L'objectif est de rendre possibles les échanges de toutes natures entre résidents. Plusde 7 millions de personnes possèdent un avatar. On compte près de 800 000 résidents réguliers par mois, dont 105 000 sont français.Les résidents peuvent facilement interagir entre eux et former des communautés autour de centres d'intérêts variés. Chaque résidentpeut agir comme bon lui semble, créer les objets qu'il souhaite (vêtements, bâtiments, plantes...) et les vendre. SL offre la possibilitéaux marques de développer de nouvelles relations avec leurs clients. De nombreux organismes ont une présence in world. C'est lecas de l'ambassade de Suède, de l'agence Reuters, d'entreprises (IBM, Toyota, L'Oréal, Apple...), de partis politiques, de musées...Tous les outils de communication multimédia sont utilisables dans SL : photos, vidéos, power point, podcast, pages web, flux RSS...

50 Annexe 3, p. XIII.

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connus. Ce sont des organismes tels que le CDT 93 qui sont à l’origine de cette stratégiede communication globale. En 2001, les professionnels de la culture de Seine-Saint-Denis,interrogés dans le cadre d’une étude qualitative sur le tourisme d’agrément51, exprimaientlargement leurs inquiétudes quant à « l’hétérogénéité » de l’offre culturelle du département,qui ne disposait « d’aucune identité autre que géographique. » Le public, quant à lui, nepercevait aucun lien entre les sites de ce territoire. La communication devait donc remédierà ces problèmes en donnant une unité à l’offre.

Daniel Orantin explique que le souci commun aux acteurs du tourisme culturel en Seine-Saint-Denis est leur proximité avec Paris qui les éclipse : « Se présenter tout seul ou seprésenter ensemble ce n’est pas pareil. […] Un jour j’ai demandé au directeur général duparc des expos de Villepinte […] « Pourquoi tu travailles avec nous là-dessus ? » Il m’a dit :« Ecoute, moi, être dans une brochure à côté de la Cité des sciences, ça me rapproche deParis. » Il est intéressant de noter qu’à l’inverse, René Roudeau avoue que, pour la Cité dessciences, son rapprochement avec la Seine-Saint-Denis est parfois gênant dans les effortsqu’elle déploie pour se positionner à Paris dans l’imaginaire des touristes.

Une communication groupée permet tout simplement aux acteurs d’exister et de sepositionner sur un territoire. L’exemple le plus évident de ce packaging est le label, quiregroupe sous une même étiquette un ensemble d’offres différentes. Ils sont très nombreuxen matière de tourisme culturel. Si l’inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco reste leplus prestigieux des labels, les autres frappent les territoires du sceau de la reconnaissanceofficielle dont peuvent se prévaloir les villes ou les sites qui en font partie. C’est un atoutdans la communication. Le label Villes et pays d’art et d’histoire a déjà été décerné à plusde 120 villes par le ministère de la culture. Pour obtenir ce label, il est nécessaire pour lescommunes de déposer un dossier auprès leur Direction régionale des affaires culturelles.Ce dossier répertorie les aspects patrimoniaux et architecturaux du territoire, mais aussiles actions menées en termes de valorisation et de projets. C’est donc la possibilité decommuniquer une offre diversifiée sous une étiquette plus globale. L’impact touristique d’unlabel est difficile à quantifier, mais il donne avec certitude un véritable coup de projecteursur des sites à priori peu attractifs. Le label constitue indéniablement pour la ville qui en esttitulaire un changement positif en termes d’image.

La définition du territoire passe donc par la « fabrication » de ses limites géographiqueset de son image. Le risque de cette fabrication est de trop s’éloigner de la réalitésocioculturelle du territoire et de tomber dans un excès d’artificialité.

B. Les adaptations nécessaires à la mise en tourisme deséquipements culturels

Toutes les structures culturelles ne sont pas « touristifiées » et « touristifiables ». Pour créerune offre de tourisme culturel digne de ce nom, des adaptations sont nécessaires. Bob McKercher et Hilary du Cros52 distinguent le patrimoine des « produits de tourisme culturel »et s’interrogent : Comment rendre un site culturel propre à la consommation touristique ?

1. Conservation, valorisation et interprétation du patrimoine : le soucid’adaptation à une fréquentation touristique

51 CDT 93, Le tourisme d’agrément sur le pôle, op.cit. p. 12.52 Mc Kercher (Bob), Du Cros (Hilary), The partnership between tourism and cultural heritage management, New York, The HaworthHospitality Press, 2002.

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Lors du 10ième forum Ptolémée, Didier Rykner, journaliste à la Tribune de l’art, insistait surle fait que le patrimoine rapporte, de manière directe ou indirecte, beaucoup plus que cequ’il coûte, notamment grâce au tourisme. Le tourisme culturel légitime donc à ses yeux lefait que l’Etat et les collectivités locales entretiennent le patrimoine en région. Pour attirerun flux de touristes, la conservation, la restauration et la valorisation du patrimoine sontnécessaires.

a. L’interprétation : entre pédagogie et marketing patrimonialLa valorisation passe par une mise en scène du patrimoine, autrement appeléeinterprétation. Claude Origet du Cluzeau définit l’interprétation de la façon suivante : il s’agitd’« utiliser différents moyens pour rendre significatives au visiteur l’identité et les fonctionsdes objets présentés.53 » L’interprétation du patrimoine est d’abord une activité éducativeet non une simple récitation d’informations destinée à un spectateur passif. Au contraire,l’interprétation doit être vécue comme une expérience, une exemplification, qui recherchel’adhésion et l’identification du public. Au sein d’un musée, monument ou autre type de sitepatrimonial, la mise en scène suppose de connaître parfaitement les besoins et attentesdes publics. Elle ne peut donc se faire sans la participation de professionnels du marketing,dans le but d’attirer le maximum de retombées économiques. Mais le souci pédagogiquel’empêche d’être réduite à un simple outil marketing.

Il existe de multiples techniques d’interprétation : acteurs, conteurs, guides, cartels,panneaux, éclairage, scénographie, vidéos, simulations, reconstitutions… Claude Origet duCluzeau insiste sur le fait que, si l’interprétation revêt un caractère marketing qui nécessiteune bonne connaissance des attentes du public, l’interprétation doit aussi se faire enfonction des spécificités intrinsèques du site patrimonial. Les nouvelles technologies offrentdans ce domaine des possibilités toujours plus diverses et spectaculaires.

b. Les nouvelles technologies au service de l’interprétation : deux exemplesLe 10ième forum Ptolémée consacrait une table ronde au thème suivant : « Valoriser unétablissement, ses actions, ses collections ou une exposition temporaire : quel est l'apportdes nouvelles technologies ? »

L’intervenant Christophe Courtin, responsable du secteur multimédia du Muséed'histoire de Nantes - Château des ducs de Bretagne, expliquait le choix fait par le muséeen matière d’intégration de nouvelles technologies dans son parcours de visite. Loin decéder à la tentation de l’achat de « gadgets », le musée a préféré que ces outils soientcomplètement adaptés au propos dans lequel ils s'insèrent en utilisant des dispositifs variés :films projetés sur écran, bornes et cartographie interactives, son spatialisé, 3D temps réel.Simplicité d'utilisation et accessibilité ont été privilégiées. Dès 2003, le musée a fait le paride la haute définition, alors que cette technologie n'en était encore qu'à ses balbutiements.

Carole de la Bouillerie, chargée de mission de la ville de Richelieu (Indre-et-Loire -2194 habitants) venait, elle, exposer l’exemple du Centre d'interprétation et d'architecture dupatrimoine (CIAP) de sa ville. En 2001, la municipalité initiait un programme de valorisationdu patrimoine urbain, architectural et paysagé. Les objectifs étaient de redynamiseréconomiquement la ville par le tourisme et d'améliorer le cadre de vie des habitants. Leprojet qui en résulta fut l'acquisition et l'aménagement en CIAP d'un hôtel particulier par

53 Origet du Cluzeau (Claude), Le tourisme culturel, op. cit. p. 15.

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la municipalité. Une reconstitution virtuelle en 3D temps réel du château de Richelieu54,dont il ne reste rien aujourd'hui, fut intégrée au CIAP. Cette reconstitution permet la visiteguidée virtuelle du château. Le projet de réalité virtuelle a été financé par le conseil générald'Indre et Loire, l'Union Européenne et l'Etat. Le budget était de 174 000 €. Pourquoi intégrerune telle réalisation dans le projet global de valorisation de la ville ? Tout d'abord pourfaire renaître un monument disparu et pouvoir le présenter au public sous forme de visiteguidée. On trouve ici un véritable souci d’interprétation et d’accessibilité d’un site disparu.La reconstitution présentait également un intérêt scientifique, pédagogique et touristiquepuisqu’en 2006, 5 000 visiteurs se sont rendus au CIAP. La reconstitution 3D est devenuela vitrine technologique du CIAP. Elle est le fruit de la collaboration d'acteurs locaux etrégionaux. L'innovation technique a permis la valorisation du patrimoine.

La leçon à retenir de ces exemples est que l’interprétation doit être un compromis entreles besoins du public et les exigences patrimoniales. Pour cela, l’interprétation nécessite lerecours à des professionnels. Le danger est en effet de tomber dans un patrimoine spectacledont la mise en scène à outrance supprimerait toute marge d’interprétation du visiteur.Certains y voient l’avènement d’une culture ludique ou d’une culture spectacle. Ce point seradéveloppé en deuxième partie (II. A). Sans trancher dès à présent sur ce point, on peut toutde même affirmer que le tourisme culturel, en favorisant le développement de l’interprétationdu patrimoine, a transformé les lieux de visites culturels traditionnels. Il a entraîné un efforten matière de confort, d’amélioration de présentation, de signalétique et d’interprétation.

2. Les dangers de la fréquentation touristique de masse des lieuxpatrimoniaux et culturels : quelles solutions ?Le tourisme culturel est fondé sur un paradoxe : la demande touristique justifie politiquementet économiquement les activités de conservation du patrimoine. Mais en même temps, lafréquentation trop importante et inappropriée des sites patrimoniaux est une menace pourleur intégrité.

a. Le tourisme de masse et ses dangers

Selon l’Observatoire national du tourisme55, les quinze sites les plus visités en France en2003 étaient les suivants :

Notre-Dame de Paris, 10 000 000 de visiteursBasilique du Sacré-Cœur de Montmartre (Paris), 8 000 000Tour Eiffel (Paris), 5 864 969Musée du Louvre (Paris), 5 735 399Centre Georges Pompidou (Paris), 5 320 957Mont-Saint-Michel (Manche), 3 250 000Château de Versailles (Yvelines), 2 853 976Cité des sciences et de l’industrie (Paris), 2 853 000Musée d’Orsay (Paris), 1 829 574Cathédrale de Reims (Champagne), 1 500 000

54 Un aperçu de la reconstitution du château est visible à l'adresse suivante : http://www.dailymotion.com/Nautilus-crea .55 Site de l’ONT : www.odit-france.fr

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Cathédrale Notre-Dame de Chartres (Eure-et-Loir), 1 500 000Pont du Gard (Gard), 1 113 000Arc de triomphe (Paris), 1 032 999Ville de Sarlat (Dordogne), 1 000 000Musée de l’armée (Paris), 990 650A l’intérieur de Notre-Dame de Paris, site le plus visité en France, il est difficile de faire

cohabiter les 10 à 12 millions de touristes de passage chaque année avec les fidèles etle culte religieux. On comprend aisément que le tourisme de masse a des conséquenceslourdes sur les monuments et les lieux de culture qui l’accueillent.

Yves Michaud56 ne nie pas les effets négatifs engendrés par le tourisme. Selon lui, ilinduit « une certaine forme de destruction. » L’accueil des touristes signifie bien souventla construction d’équipements spécifiques (aéroports, routes, parkings) qui génèrent de lapollution. De même, le défilement de millions de visiteurs sur les parquets de Versailles« fatigue » le monument. L’exemple extrême fut la fermeture en 1963 de la grotte deLascaux, foulée quotidiennement par 1 200 visiteurs, pour être reproduite à l’identique etrouverte au public en 1980.

Ainsi, les dangers générés par le tourisme de masse sur l’intégrité physique desmonuments et lieux culturels sont multiples : détérioration, vandalisme, mise en péril de laconservation, pollution… Mais ils ne sont pas pour autant insurmontables. Avec 75 millionsde touristes par ans, la France et ses monuments ont une longue expérience de gestion deces flux touristiques. Des solutions existent.

b. Les techniques de maîtrise du tourisme de masseL’une de ces solutions est la notion de capacité de charge. Il s’agit de mettre en place surun site une limitation maîtrisée du nombre de visiteurs. Pour cela, une sélection doit êtreopérée au sein des visiteurs potentiels. Dans une optique d’accroissement des ressourcesdu site, on privilégiera les visiteurs les plus économiquement rentables.

La capacité de charge doit être quantifiée selon trois critères, d’après Claude Origetdu Cluzeau57 :

∙ Le nombre maximum possible de visiteurs simultanés sur le site sans diminuer laqualité de la visite.

∙ Le nombre maximum possible de visiteurs simultanés sur le site sans mettre endanger l’intégrité du site.

∙ Le nombre maximum possible de visiteurs simultanés sur le site sans affecter laqualité de vie des résidents et la pérennité de leurs activités économiques.

La notion de capacité de charge est d’autant plus d’actualité que l’on ne cesse aujourd’huide parler de tourisme « durable » ou « responsable ».

Pour éviter la baisse de la qualité de la visite du site par les touristes (files d’attente,surcharge des groupes de visite…), de nombreuses solutions peuvent être mises enœuvre. Il s’agit tout d’abord de moduler les tarifs en fonction du type de visiteur (âge,origine géographique, catégorie socioprofessionnelle…) ou du moment (prix préférentielsen heures creuses ou à la basse saison). Les horaires de visites peuvent également être

56 Roure (Benjamin) et de Roux (Emmanuel), « Le tourisme contre la culture ? », op.cit. p. 5.57 Origet du Cluzeau (Claude), Le tourisme culturel, op. cit. p. 15.

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aménagés en fonction des visiteurs reçus (horaires réservés aux scolaires, aux autres typesde groupes...) ou d’autres critères (plus grande amplitude des horaires d’été pour cause desaison touristique, réservation obligatoire pour la visite de tel élément du site…). Des circuitsde visite peuvent être aménagés pour canaliser le flux de visiteurs. C’est par exemple le casau Château de Versailles où l’audio guide du Domaine de Marie-Antoinette trace l’itinérairedu touriste, le faisant (trop) rapidement arpenter les salles du petit Trianon en s’attardantsur un nombre d’éléments limités, désengorgeant ainsi les salles du palais.

Concrètement, on peut donner deux exemples de techniques. La méthode du « pot demiel58 » consiste à créer dans un endroit approprié du site un pôle d’attraction, pour mieuxpréserver le reste de la sur fréquentation. La méthode de la « dilution des flux » consiste àl’inverse à répartir le public en faisant surgir plusieurs offres au sein du même site.

L’accès au site est un élément à travailler. Pour éviter le trop plein de véhiculesindividuels, des transports (navettes…) et des parkings sont à envisager. Dans son étudequalitative réalisée en 2001 sur le tourisme d’agrément en Seine-Saint-Denis59, le CDTrelevait l’importance de la facilité d’accès des sites dans l’appréciation des visiteurs. Apropos du Musée de l’air et de l’espace, les visiteurs avaient le commentaire suivant : « loinde tout mais facile d’accès. » Dans un autre rapport60, le CDT définissait comme mesuren°1 à mettre en œuvre aux abords des sites touristiques l’amélioration de l’accessibilité,la desserte par les transports collectifs et le stationnement. Les deuxième et troisièmemesures concernaient le renforcement de la signalisation et de la signalétique, ainsi quel’amélioration de l’accueil et de l’information des publics. L’ouverture au tourisme supposeen effet des espaces d’accueil avant l’entrée dans le site proprement dit, mais aussi des lieuxde confort pour le repos des visiteurs. Une signalisation appropriée, notamment adaptéeaux primo-visiteurs et aux touristes étrangers est à concevoir, ainsi que des présentationsadaptées aux publics.

Yves Michaud préconise pour sa part de réguler l’affluence par la multiplication et ladiversification de l’offre pour « réguler par la diversité, pas par la prohibition.61 »

Toutes ces suggestions sont destinées à éviter toute interférence entre tourisme etconservation du patrimoine, tout en élargissant le public du site et en tirant partie desressources engendrées par les nouveaux visiteurs. Leur mise en place ne se fait pas sansune adhésion totale des personnels du site et sans la collaboration avec des professionnelsdu tourisme habitués à l’affluence du public touristique.

Ces solutions engendrent cependant souvent l’augmentation du prix d’accès au site etpeuvent donner l’impression au visiteur de privilégier uniquement les gros budgets, créantune sorte d’accès privilégié aux touristes aisés. L’ouverture au tourisme reste difficile àmettre en place car elle est très coûteuse pour l’équipement culturel et peut se frotter à unevolonté déterminée des acteurs locaux d’augmenter la fréquentation coûte que coûte pourcompenser l’investissement. La mise en tourisme d’un équipement culturel suppose doncl’évaluation préalable des coûts d’opportunité de cette opération.

La définition du territoire et la transformation de l’offre culturelle en produit de tourismesont un préalable au développement du tourisme culturel. Mais ce dernier passe aussi par

58 Flouquet (Sophie), « Les nouveaux enjeux du tourisme culturel », Le journal des arts, 8 juillet – 8 septembre 2005.59 CDT 93, Le tourisme d’agrément sur le pôle, op.cit. p. 12.60 CDT 93, Diagnostic et plan d’action du pôle touristique, op.cit. p. 12.61 Flouquet (Sophie), « Les nouveaux enjeux du tourisme culturel », op. cit. p. 39.

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la rencontre entre professionnels de la culture et du tourisme et la mobilisation des acteurslocaux.

II. La coopération comme fondement de l’actiontouristique : la mise en réseau des acteurs locaux dutourisme culturel

Bernard Pecqueur affirme que le développement local passe par une logique d’acteurs62.Selon lui, le développement économique ne s’explique pas par des lois générales quis’imposeraient aux acteurs avec une rationalité parfaite. Cette théorie est démentie par lavariété et la complexité des acteurs et de leurs initiatives selon les différents territoires. Maisse centrer sur les acteurs n’est pas suffisant. Une multitude d’actions isolées ne sauraientgénérer le développement local sans s’inscrire dans une autre logique : celle des réseaux.

A. Création, professionnalisation et animation des réseaux : lamobilisation des acteurs locaux du tourisme culturel

Comment les acteurs locaux sont-ils associés à la mise en valeur touristique ? Commentnaît un réseau d’acteurs du tourisme culturel ? Quel en est le mode de fonctionnement ?

1. La logique de réseaux au principe du développement localLe réseau est un ensemble d’acteurs, ou de pôles, reliés entre eux par des liens plus oumoins denses et complexes. Il peut comprendre des sous réseaux. C’est un vaste champ derelations qui ne se limitent pas au domaine marchand. Elles peuvent prendre de multiplesformes : rencontres entre collègues, réunions d’information, foires et salons spécialisés…Elles favorisent l’acquisition et la propagation de savoir-faire qui se développent de façondurable, à partir d’une culture propre à un lieu. Toutes ces relations forment en effet unréseau complexe qui influe sur la capacité des acteurs à produire et à vendre. BernardPecqueur affirme que le développement découle de trois conditions rendues possibles parles réseaux : l’innovation, la capacité à s’adapter et la capacité à réguler les relations entreacteurs pour assurer leur stabilité. C’est la solidarité spatiale des acteurs, qui donne uneunité au territoire. Elle ne peut exister que dans un milieu suffisamment dense : celui duréseau. Ce milieu prend plusieurs formes : celui des acteurs, celui de l’armature urbaine,celui des transports… L’auteur résume sa pensée ainsi : « Le processus économiqueapparaît comme l’expression d’une triple capacité d’une société économique : innover, êtresolidaire pour réagir, réguler. Dans le cas du développement local, ce sont les réseauxinformels et institutionnels qui créent un espace où peuvent s’articuler les trois étapes.63 »

Le développement local est donc une stratégie dans laquelle les acteurs locauxprennent une part importante. En matière de tourisme culturel, cette participation estdécisive pour que le territoire ne s’avère pas être un simple support. Les acteurs dutourisme culturel sont multiples : on trouve des acteurs privés (prescripteurs, entrepriseslocales, offreurs privés, associations, touristes individuels…) et publics (organismes d’Etat,

62 Pecqueur (Bernard), Le développement local, op.cit. p. 18.63 Idem.

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institutions culturelles publiques, collectivités locales…). On trouve dans ce même réseaudes acteurs de la culture (musées, monuments, sites patrimoniaux…) et du tourisme. Letourisme culturel réunit deux secteurs d’activités, le tourisme et la culture. Dès lors, commentcréer un réseau professionnel ?

2. La rencontre entre professionnels du tourisme et de la culture : uneprofessionnalisation nécessaireLes premiers acteurs des réseaux de tourisme culturel sont bien évidemment lesprofessionnels du tourisme d’une part et de la culture d’autre part. Sans les opposer, onpeut tout de même remarquer que ces secteurs distincts ont des pratiques professionnellesdifférentes.

Pour Jean-Michel Tobelem, les professionnels de la culture et du tourisme utilisentdes vocabulaires, des langages et des manières de travailler différentes. Il affirme que :« sensibilisation, formation et concertation [sont nécessaires] pour créer une familiarité entremondes du tourisme et de la culture afin d’appuyer une stratégie de développement culturelde territoire dans le respect du projet artistique et culturel de l’équipement considéré – visantà enclencher une dynamique culturelle, sociale, touristique et économique et permettant demaximiser les retombées envisageables.64 » Sans sensibilisation, formation et concertation,pas de véritable professionnalisation du tourisme culturel.

Bob Mc Kercher et Hilary du Cros ont consacré un ouvrage à cette question.Il s’intitule Cultural tourism : the partnership between tourism and cultural heritagemanagement65. Les auteurs remarquent que longtemps, le reproche du manque deprofessionnalisme des acteurs du tourisme culturel a été formulé à la France par lestouristes. Ils l’attribuent au manque de dialogue existant entre ces professionnels, quiappliquent des principes de travail différents. Ce manque de dialogue rend sous performantles projets et les réseaux de tourisme culturel. Cependant, la situation tend à évoluercar les professionnels ont compris l’intérêt commun qu’ils ont dans la conservation et lapréservation du patrimoine.

Les deux auteurs ont établi un tableau comparatif des valeurs et des principes de travaildes deux secteurs professionnels66 et en ont tiré une typologie des relations possibles entreprofessionnels de la culture et du tourisme. Sept types de relations sont possibles entre lesdeux secteurs. Ils vont de la coopération/partenariat au conflit :

∙ Entière coopération : vrai partenariat pour obtenir des bénéfices mutuels∙ Relations de travail : réalisation de besoins et d’intérêts communs∙ Coexistence pacifique : partage de la même ressource∙ Existence parallèle/ignorance mutuelle : séparation, indépendance∙ Petites contrariétés : interférences∙ Conflit naissant : problèmes sans que des solutions simples émergent∙ Conflit ouvert∙ Pour Claude Origet du Cluzeau, les montages de projets de tourisme culturel sont

encore trop laborieux. La collaboration des professionnels de la culture avec ceuxdu tourisme est essentielle pour rendre le produit consommable et fréquentable

64 Tobelem (Jean-Michel), Synthèse du colloque international Cultural facilities as catalysts for territorial development, op.cit.p. 24.

65 Mc Kercher (Bob), Du Cros (Hilary), The partnership between tourism and cultural heritage management, op.cit.p. 33.66 Annexe 4, p. XIX.

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par les touristes, ne serait-ce que pour intégrer le produit dans une filière decommercialisation. Ces disparités entre intervenants (différents métiers et objectifs,différentes logiques) sont pour elle une des plus grandes faiblesses du secteur.De nombreux sites de tourisme culturel pourraient ainsi voir le jour sans besoin decréation nouvelle, mais seulement en intégrant le patrimoine dans la filière touristique.Selon l’auteur, la collaboration idéale se situe dans une « entreprise patrimoniale67 »gérées par des professionnels, avec un budget de fonctionnement directementlié chiffre d’affaire. Josquin Barré parle lui « d’environnement interprofessionnelnécessaire à la commercialisation.68 »

∙ Il est évident que pour qu’un projet de tourisme culturel solide et durable voie le jour,la coopération entre professionnels est indispensable. Elle l’est d’autant plus pour lefonctionnement de tout un réseau d’acteurs du tourisme culturel. Il s’agit de dépasserles principes de travail de chacun pour créer de nouveaux professionnels qui nesont ni des professionnels de la culture, ni des professionnels du tourisme, mais desprofessionnels du tourisme de la culture. La collaboration entre secteur touristique etculturel est la condition sine qua non pour la constitution et le fonctionnement efficacede réseaux professionnels du tourisme culturel. Les institutions dédiées au tourismepeuvent faciliter cette professionnalisation en faisant se rencontrer les acteurs desdeux secteurs.

3. La création d’institutions dédiées à l’animation des réseaux : l’exemple duComité départemental du tourisme de Seine-Saint-DenisDans son ouvrage consacré aux acteurs locaux du tourisme, Philippe Violier insiste sur lefait que dans chaque réseau ou système d’acteurs, la formation et la structuration de cedit réseau se fait grâce à un acteur « catalyseur.69 » En effet, chaque acteur produisantses propres intérêts, un système d’acteurs n’est jamais donné à priori. Il est construit. Laconstruction des réseaux locaux est souvent de forme horizontale, c'est-à-dire que l’on peutplus parler de collaboration que de hiérarchie verticale. Cependant, dans le cas du tourismeculturel en Seine-Saint-Denis, le réseau revêt une forme d’étoile, avec en son centre leComité départemental du tourisme. Le rôle des institutions dédiées au tourisme est en effetcelui de création et d’animation des réseaux d’acteurs.

a. Les institutions animatrices de réseauxOn compte de nombreuses institutions chargées du tourisme à différentes échellesimpliquées dans les réseaux du tourisme culturel : les offices de tourisme au niveaucommunal, les Comité départementaux et régionaux du tourisme, les maisons de la Franceà l’étranger, les conseils de développement des pays à vocation touristiques…

La multiplication des échelles de travail permet une véritable action de terrain et uneexploitation pertinente de toutes les ressources touristiques des territoires. Cependant,les limites territoriales se recoupant, la collaboration est parfois difficile à établir. C’est cequ’explique Daniel Orantin à propos du Comité régional du tourisme Ile-de-France et del’office du tourisme de Paris : « Il y a en Ile-de-France un truc très énervant et dur à résoudre :c’est les oppositions entre la région et la ville de Paris. […] Paris c’est Paris. Et le conseilrégional qui dit « Merde ! Paris c’est quand même chez moi ! » Ca a toujours existé, cen’est pas une question de couleur politique. Dans le tourisme, ça fait beaucoup de mal

69 Violier (Philippe), « Introduction : l’espace local et les acteurs du tourisme », in Violier (Philippe) Dir., L’espace local et les acteursdu tourisme, op. cit. p. 6.

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parce qu’il y a une bataille pour être reconnu comme le leader. Ils mènent chacun leursactions de promotion de leur côté. A une époque, la région parlait de toute la région saufParis. Après les gens sont devenus plus intelligents. Ils ont dit : « Mais non, faut qu’onsoit complémentaires ! » Mais dans les faits, ça n’est pas vrai. Et maintenant, la régiona compris que pour parler de la région à l’étranger, il faut ne pas dire Ile-de-France. […]Maintenant, le Comité régional de tourisme c’est « Paris Ile-de-France » et à l’étranger ilcommunique largement sur Paris. Mais ils le font de façon non coordonnée avec l’officede tourisme de Paris. Nous on travaille bien avec les deux, mais pour les faire travaillerensemble ça ne marche pas. Et ça ne marche pas au point d’handicaper un travail territorial.[…] Ces problèmes ont des impacts sur le développement économique et l’aménagement,les transports. Ces logiques institutionnelles handicapent l’action conjointe en matière detourisme.70 » La logique horizontale des réseaux ne fonctionne pas toujours lorsqu’il y aimbrication de plusieurs réseaux d’acteurs menés par des organismes différents.

A l’échelle départementale, l’organisme chargé du tourisme est le Comitédépartemental du tourisme. C’est un organisme local créé par les conseils généraux et dotédes missions légales contenues dans les articles L 132-2 à 132-6 du code du tourisme. Safonction principale est de préparer et mettre en œuvre la politique touristique du département(art. L132-2). Selon l’article L 132-4 : « Le conseil général confie tout ou partie de la miseen œuvre de la politique du tourisme du département au comité départemental du tourismequi contribue notamment à assurer l'élaboration, la promotion et la commercialisation deproduits touristiques, en collaboration avec les professionnels, les organismes et toutestructure locale intéressés à l'échelon départemental et intercommunal. » On peut tirer decet article quatre grandes missions des CDT :

∙ La valorisation du département en tant que destination touristique par la création deproduits touristiques correspondant à la demande des publics.

∙ La promotion et la communication autour de ces produits.∙ L’observation touristique (études)∙ La constitution et l’animation de réseaux.

Cette dernière mission revêt un caractère primordial aux yeux de Daniel Orantin : « Le CDTa son échelle de territoire. Il est là pour activer le réseau de l’ensemble des acteurs del’activité touristique, dans le but de favoriser le développement touristique. Pour moi c’estla mission principale. […] Donc l’idée quand même de mise en réseau et pas seulement demise en réseau mais aussi d’animation d’un réseau d’acteurs qui peuvent être très différentsselon la nature et la forme que prend l’activité touristique sur le territoire.71 »

Le Comité départemental du tourisme de Seine-Saint-Denis fut créé en 1998, lors de laCoupe du monde de football qui eu lieu en France, et notamment au Stade de France, situéà Saint-Denis et construit pour l’occasion. Depuis, le Comité départemental du tourisme« anime le développement du tourisme et des loisirs du département et ses environs.72 »Sur ce territoire, le CDT est amené à s’occuper plus particulièrement du tourisme d’affaires,du fait de la forte implantation d’équipements spécialisés, comme les parcs d’expositionsde Villepinte ou du Bourget.

70 Annexe 3, p. XVII.71 Annexe 3, p. IV.

72 Site du CDT 93 : www.tourisme93.com

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1e partie : Les conditions du développement du tourisme culturel : comment faire d’un territoire etde son offre culturelle une destination touristique ?

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Cependant, comme on l’a vu en introduction, le territoire dispose d’une offre culturelleimportante qui favorise le développement d’un tourisme culturel, où, selon les mots dudirecteur du CDT, Daniel Orantin, d’un « tourisme d’agrément. »

La mission qui nous intéresse le plus dans cette réflexion concerne la création etl’animation de réseaux. Comment le CDT parvient-il à ce résultat ?

b. Exemples de création et d’animation de réseauxEn matière de tourisme culturel, Daniel Orantin explique comment le Comité a créé leprogramme Douces Banlieues qui regroupe des visites de l’environnement urbain dudépartement : « Pour montrer la ville, on avait la possibilité de jouer le réseau parce qu’ily avait des embryons qui existaient, des initiatives qui étaient prises par les communeset souvent par les services qui s’occupent de patrimoine dans les communes, soit par lesassociations historiques locales, soit par les offices de tourisme. Et donc on a mis deux ansà les mettre autour de la table (soupir), à les réunir régulièrement pour leur proposer detravailler ensemble. Non pas pour leur piquer leurs trucs, mais pour les inciter à réfléchirensemble à ce qu’ils font et faire avancer l’idée qu’ils avaient intérêt à élargir leurs publicset à faire des renvois de publics. Ce qui n’était pas évident du tout ! Parce que la plupartd’entre eux disait au début « Mais nous on n’a pas besoin de public en plus. Nous on anotre public. » […] Alors ça a été un long travail de discussion et de conviction pour dire :« C’est pas mal quand même que notre public à nous aille découvrir des choses dans la villevoisine et que finalement il y ait une rotation qui s’opère et que plus de gens voient plus dechoses. » Au terme de longues, longues discussions, on a mis sur pied ce programme où onne fait que mettre en commun des initiatives qui sont prises par d’autres, de communiquerdessus, de faire de la presse afin de permettre des échanges de publics.73 » Cet exempleillustre parfaitement le rôle de créateur et d’animateur de réseaux du CDT. Il joue la cartedu réseau pour réorganiser l’offre culturelle, mais aussi pour élargir les publics.

Comme on l’a déjà vu, Internet, le réseau des réseaux, joue un rôle important dans lacommunication du CDT. Le positionnement et le référencement des sites parisnordest.comet tourisme93.com sont un véritable enjeu pour toucher tous les acteurs potentiels du réseaudes professionnels et le grand public.

Enfin, l’ouverture au tourisme international de programmes tels que Douces Banlieuesou Et voilà le travail ! passe par les réseaux. Daniel Orantin explique : « On va sans douteleur proposer de faire une sorte d’étude-action sur trois ans, sur comment ouvrir ces activitésanecdotiques aux touristes allemands. Pour ça, la première des choses à faire c’est voircomment ça fonctionne en Allemagne. Comment fonctionne l’information ? Les réseaux ?Comment utiliser Internet ?74 » Les maisons de la France jouent un rôle considérable dansce genre d’entreprises, en tant qu’animatrices de réseaux à l’étranger.

B. Réseau des acteurs locaux du tourisme culturel et irrigation duterritoire : la logique de pôles

Au niveau de l’offre culturelle, la mise en réseau se fait grâce à ce que l’on appelle la logiquede pôles. La fréquentation touristique des sites culturels est en effet très concentrée. Cettelogique consiste à créer ou à utiliser les pôles touristiques très attractifs qui font office de

73 Annexe 3, p. IX.74 Annexe 3, p. XI.

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produits d’appel pour la clientèle touristique. En général, l’irrigation touristique du territoiresitué aux alentours de ces pôles est difficile à obtenir car la fréquentation se concentre en unseul et même endroit. La condition pour que le flux touristique se répartisse sur le territoireest de diversifier l’offre pour que ses différentes composantes soient complémentaires. Ils’agit, pour les sites culturels, d’un véritable fonctionnement en réseau car la coopérationest une condition sine qua non pour irriguer le territoire. La coopération se fait surtout sur leplan communicationnel pour assurer le renvoi de la fréquentation d’un site vers un autre.

1. Le pôle au centre du réseau

Pour définir un pôle, Jean-Michel Tobelem parle « d’équipement culturel structurant75 »,c'est-à-dire : « un projet culturel possédant une forte attractivité (par sa nouveauté, sonpositionnement, sa singularité, son originalité) et exerçant un important effet sur sonenvironnement (d’un point de vue économique et social, de la mobilisation des acteurslocaux et/ou de la valorisation de l’image du territoire concerné) ; et, d’un point de vuegénéral, sur la dynamique du développement local par l’effet d’entraînement exercé surd’autres éléments et services plus « périphériques ». Un tel projet ou équipement culturelpeut en effet devenir le pivot, le levier, le catalyseur ou le relais, voire le moteur d’unestratégie de développement (culturel) global par un maillage fin du territoire. »

Cette logique s’avère souvent difficile à accepter pour les lieux culturels car il s’agitsouvent de laisser le pôle (une station balnéaire par exemple) jouer son rôle de produitd’appel et d’accepter d’être inséré dans le maillage territorial des autres offres. Ce réseau estindispensable pour qu’un territoire puisse apparaître comme un tout et de façon cohérentesur les marchés lointains à l’étranger.

De nombreux réseaux existent aujourd’hui. Ils coopèrent dans le domaine de lacommunication mais aussi dans celui de la professionnalisation de leur offre (expositionstournantes, formation continue des personnels, harmonisation des conditions d’accès,observatoire des fréquentations…) Concrètement, les actions menées par ces réseauxconsistent à améliorer les conditions d’accueil sur le site du pôle principal, à promouvoir lessites considérés comme secondaires et à développer de nouveaux pôles d’attraction locale.Cette irrigation du territoire relève clairement d’une volonté de développement équilibré duterritoire. Ces réseaux permettent également le regroupement des sites sous un mêmelabel.

Dans son étude sur le tourisme d’agrément76 de 2001, le CDT s’inquiétait de savoir siles visiteurs avaient fréquenté un autre lieu culturel de la zone. Il s’avérait qu’aucun desvisiteurs interrogés n'avait effectué le jour de sa présence sur le pôle, la visite conjointede deux sites. Pour les étrangers et provinciaux, il s'agissait très clairement d'incursionsciblées, limitées dans le temps et effectuées depuis Paris. Peu informés de la présence deplusieurs sites touristiques de valeur sur le même territoire, les visiteurs ne bénéficiaientpas davantage d'une information qui pourrait être délivrée à l'occasion de leur visite sur undes sites. La majorité des visiteurs ne percevait aucun lien entre les sites. De nombreuxefforts restent donc à faire en matière d’irrigation du territoire depuis les pôles, notammenten matière de complémentarité de l’offre.

Aujourd’hui, René Roudeau définit le parc de la Villette et plus particulièrement la Citédes Sciences et de l’industrie comme un pôle dans le Nord-est parisien. La Cité bénéficieen effet d’une image à l’international que n’a pas le 93. C’est donc un pôle d’attraction

75 Tobelem (Jean-Michel), Synthèse du colloque international Cultural facilities as catalysts for territorial development, op. cit. p. 24.76 CDT 93, Le tourisme d’agrément sur le pôle, op.cit. p. 12.

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1e partie : Les conditions du développement du tourisme culturel : comment faire d’un territoire etde son offre culturelle une destination touristique ?

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touristique susceptible de redistribuer le flux touristique sur le département voisin. C’est laraison pour laquelle la Cité fait partie de cette entité originale qu’est le Nord-est parisien.

2. La carte intersitesLe réseau le plus efficace dans la stimulation du tourisme culturel revêt la forme du passmusées et monuments ou de la carte intersites. Le 23 juin 1999, le Figaro publiait un articleintitulé Création d’une carte intersites : Il n’y a pas que le Stade de France77. Cet articleillustre bien la logique de pôles qui a pris en Seine-Saint-Denis la forme d’un passeportpermettant la visite privilégiée de trois lieux culturels du département : la basilique de Saint-Denis, le Stade de France et le Musée d’art et d’histoire. La carte offrait un tarif plein sur lepremier site, puis un tarif réduit sur les deux autres. En effet, en 1999, suite à « l’effet Coupedu monde », c’est le Stade de France qui se voyait devenir objet d’attraction touristique.Avec la carte intersites, le département s’appuyait sur un de ses atouts, le Stade de France,pour faire connaître le reste de son offre. Dans l’article du Figaro, Théodoulitsa Kouloumbri,directrice de l’office du tourisme de Saint-Denis, déclarait : « Il est vrai que la Coupe dumonde nous a beaucoup aidés. Grâce à cet évènement, on peut maintenant situer Saint-Denis sur une carte. Et puis les gens ont pu découvrir qu’il n’y a pas que le Stade de France àSaint-Denis. Nous avons bien d’autres richesses. Bien sûr la basilique, nécropole des rois deFrance, mais encore le Musée d’Art et d’histoire, la Maison de la Légion d’honneur, le MuséeChristofle. [...] Nous souhaitons, d’une part, faire d’avantage connaître des monuments déjàcélèbres comme la basilique, mais aussi tout le reste. Je pense notamment aux animationsculturelles telles que le festival de Saint-Denis, qui propose un programme de musiqueclassique, ou Banlieues Bleues, un festival de jazz. » Depuis, l’opération carte intersites aété renouvelées et étendues à d’autres sites du Nord-est parisien.

Les pôles touristico-culturels s’inscrivent tout à fait dans la logique de coopération etd’irrigation équilibrée du territoire nécessaire au développement local.

Le tourisme culturel s’appuie sur l’offre patrimoniale d’un territoire. Mais cette dernièren’est pas une ressource suffisante en elle-même pour développer des projets et un fluxtouristique solides et durables, favorisant les retombées sur le territoire et le développementde celui-ci. Dans une optique de développement local, il est nécessaire de penser ladéfinition du territoire, l’adaptation de l’offre culturelle à la clientèle touristique et la mise enréseau des acteurs locaux. Ces conditions sont indispensables pour que le territoire profitepleinement des retombées du tourisme culturel. La deuxième partie du mémoire analyseraces retombées. Quelles sont-elles ? A qui profitent-elles ? Sont-elles toujours positives ?

77 Albert (Marie-Douce), « Création d’une carte d’accès intersites : il n’y a pas que le Stade de France », op.cit. p. 29.

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2e partie : Les apports du tourismeculturel au territoire : de nouvellesressources économiques, uneredéfinition de la culture et lastructuration du territoire

Maria Gravari Barbas a étudié le tourisme culturel dans la ville de Bourges. Elle parle de cephénomène comme d’une « ressource », d’un « gisement » et déclare même le patrimoine« pétrole de France.78 » Pour quelles raisons définit-elle le tourisme culturel comme unetelle manne économique ? Ses apports se limitent-ils au seul aspect économique ?

I. Les retombées du tourisme culturel sur le territoire :la dynamisation économique de la région

Il existe très peu d’études chiffrées concernant les retombées économiques liées autourisme culturel pour un territoire donné. En effet, ces retombées, qu’elles soientéconomiques ou non, sont très difficiles à isoler des retombées liées au tourisme en général.Ce manque de chiffres spécifiques vient certainement du fait que tourisme et culture n’ontpas encore saisi leurs complémentarités et l’intérêt qu’ils auraient à tirer de telles études,leurs clientèles étant en partie communes.

A cause de cette absence de statistiques appropriées, on utilise des informationsprovenant des sites culturels et les chiffres plus globaux du tourisme. Les approchesquantitatives de la culture nous apprennent qu’en 2000, les sites culturels français ontaccueilli environ 150 millions de visiteurs79. 17% d’entre eux étaient étrangers, soit 13millions. Mais ces statistiques ne distinguent cependant pas les touristes des résidents. Lesapproches quantitatives du tourisme, quant à elles, nous apprennent qu’environ 75 millionsd’étrangers par an entreprennent un séjour touristique en France. On ne peut tirer de ceschiffres que des estimations sur le nombre de touristes dont la motivation première est laculture. Selon Claude Origet du Cluzeau, ils ne seraient que 5 % de réguliers et 10 à 15 %de touristes culturels occasionnels. Les étrangers en France seraient 13,4 millions à se diremotivés par le patrimoine de notre pays. L’Organisation mondiale du tourisme estime que37 % des déplacements internationaux sont liés au tourisme culturel.

78 Gravari Barbas (Maria), « Politiques de patrimoine et de tourisme culturel à Bourges. Tendances locales et acteurs locaux », inViolier (Philippe) (dir.), L’espace local et les acteurs du tourisme, op.cit. p. 6.

79 Source: Pastorale du tourisme et rapport ONT, Les sites touristiques en France métropolitaine. Fréquentations, 1994 – 2000.

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2e partie : Les apports du tourisme culturel au territoire : de nouvelles ressources économiques,une redéfinition de la culture et la structuration du territoire

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Ces chiffres et estimations montrent que le tourisme culturel est un phénomèneimportant. On peut en tirer quelques conclusions sur ses retombées économiques.

A. Les recettes liées au développement du tourisme culturel : denouvelles ressources pour la culture et le territoire

Dans son ouvrage intitulé Vendre le tourisme culturel80, Josquin Barré affirme que la Franceest en « jachère touristique », c'est-à-dire que le potentiel économique du tourisme culturelest sous exploité. La comparaison entre le potentiel touristique français et ses performanceséconomiques montre que l’écart entre les moyens mis en œuvre et les résultats atteintsest inquiétant. Le patrimoine et la culture sont de véritables ressources. Paris est la villela plus visitée au monde. Encore faut-il que le reste du territoire profite de ces retombéestouristiques.

En janvier 2007, le ministre délégué au tourisme, Léon Bertrand, voulait réorienterla stratégie française en matière de tourisme, ne visant plus « toujours plus de touristesmais toujours plus de recettes en accroissant la rentabilité moyenne de chaque touriste.81 »L’objectif était fixé à 40 milliards d’euros en 2010. Dans cette optique, la maison de la France,organisme qui promeut la France à l’étranger, voulait valoriser des filières spécifiques, etnotamment parmi elles le tourisme culturel. En effet, le paradoxe consiste en ce que laFrance, première destination touristique mondiale accueille environ 75 millions de touristespar an, mais ne se place qu’au troisième rang derrière les Etats-Unis et l’Espagne en termesde recettes avec 34 milliards d’euros en 2005.

1. L’ouverture au tourisme : de nouvelles ressources pour la cultureLes lieux culturels évoluent dans un contexte de pression grandissante de la partdes administrations de tutelle et des collectivités locales, soucieuses de rentabiliser lefonctionnement des activités culturelles dont elles supportent les coûts, en recherchant desretombées économiques dérivées. A ce titre, l’ouverture au tourisme présente plusieursaspects extrêmement intéressants.

a. La dynamisation de la fréquentation et des ressources propres des lieuxculturels : l’exemple de la Cité des sciences et de l’industrieLe tourisme culturel est d’abord un moyen de dynamiser les fréquentations del’établissement culturel en lui offrant des visiteurs solvables, ce qui aura des retombéesdirectes sur son chiffre d’affaire. Il n’existe pas d’études consacrées spécifiquement à lapart du chiffre d’affaire liée à la fréquentation touristique des équipements culturels. Celaest lié au fait que peu d’entre eux disposent d’un service chargé de réaliser des étudesapprofondies des caractéristiques sociologiques des visiteurs ou que les études réaliséesne sont pas assez poussées. Le Nord-est parisien a la chance de compter parmi son offreculturelle la Cité des sciences et de l’industrie qui, au sein de la direction des publics et del’action commerciale, compte un département consacré à l’évaluation et à la prospective.Les dernières études des publics de la Cité datent de 2005. Cette année est considérée

80 Barré (Josquin), Vendre le tourisme culturel, op. cit. p. 5.81 Dépêche AFP, Tourisme : la France vise toujours plus de recettes, AFP, janvier 2007.

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comme celle de « tous les records.82 » Le 4ième musée le plus visité de France accueillaiten effet 3 180 000 personnes, soit 10 000 personnes par jour en moyenne. Les entréespayantes de la Cité s’élevaient à 1 903 000 visiteurs pour les expositions (Explora), soitune progression de 26 % par rapport à 2004. Le reste des visiteurs se répartissait entre lesespaces non payants (Médiathèque, Cité des métiers… = 950 000 personnes), la Géode(520 000) et le centre des congrès de la Villette (260 000). Les visiteurs effectuaient à 49% des visites de proximité, puisque originaires de la région parisienne. 34 % venaient desautres régions de France (plus 29 % par rapport à 2004) et 17 % de l’étranger. Pour cequi est des entrées des visiteurs individuels d’Explora, le tableau83 ci-dessous détaille lesfréquentations selon l’origine géographique :

Il montre une nette progression des entrées payantes liées aux touristes. Lafréquentation touristique est d’ailleurs en progression constante depuis 1994.

Parmi les visiteurs individuels payants étrangers, l’Italie est le pays le mieux représentéavec 24% du total des visiteurs étrangers. 80% de la fréquentation étrangère provient despays européens. Les cinq premiers pays sont des pays limitrophes à la France dont deuxen partie francophones : Italie (24%), Belgique (10%), Allemagne (9%), Royaume-Uni (8%),Suisse (7% des visiteurs). Viennent ensuite les ressortissants des Etats-Unis (5%), despays d’Asie hors Japon (5%), de l’Espagne (4%), des Pays-Bas (4%), du Portugal (3%).Les résidents Japonais sont 1% des visiteurs étrangers.

Dans ces études, aucun lien n’est fait entre la part de fréquentation touristique de la Citéet ce qu’elle représente en termes de chiffre d’affaires. Cependant, dans le budget 2005, labilletterie représente la part la plus importante des ressources propres de l’établissement(environ 47 %) avec 8,13 millions d’euros. La fréquentation touristique en nette progressionparticipe de ces ressources.

Cet exemple n’est toutefois pas à généraliser à toute la Seine-Saint-Denis. La Cité dessciences et de l’industrie étant l’un des plus importants équipements culturels français etun seul élément de l’offre touristique du territoire qui nous intéresse, il n’a qu’une valeurd’exemple. La Cité bénéficie de son image internationale. Aucune relation ne peut êtreétablie entre l’action menée par le CDT 93 et l’augmentation de la fréquentation et doncdes ressources de la Cité liées au tourisme. Cet exemple illustre cependant bien le faitqu’en augmentant la fréquentation des sites, le tourisme nourrit les ressources propres desétablissements culturels.

b. Le développement du mécénat et du tourisme d’affaires au sein deséquipements culturelsLe CDT joue pourtant un rôle capital dans le développement des ressources de la cultureen favorisant les rencontres entre acteurs. C’est ainsi que Daniel Orantin explique commentl’Ecole des Beaux Arts et l’entreprise Generali sont entrés en contact : « Les Beaux arts sonten train d’installer 800 m2 d’ateliers de formation dans un hôtel industriel près des pucesde Saint-Ouen. Nous, notre rôle a été d’établir le lien. Ils ouvrent à la rentrée. Et donc, lesgens des Beaux arts ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Ils nous ont dit : « Bon, peut-être que vous pouvez nous aider, vous qui connaissez les entreprises locales, à entrer encontact avec des mécènes potentiels. Là, y a un contact qui est établi avec Generali. Je ne

82 Document interne à la Cité des sciences et de l’industrie, 2005 : année de tous les records, département évaluations et prospective,janvier 2006.83 Document interne à la Cité des sciences et de l’industrie, Annexes publics Explora 2005, département évaluations et prospective,janvier 2006.

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sais pas si ça va aller au bout, mais en tous cas, par notre intermédiaire, le contact s’estfait.84 » L’expérience se renouvelle avec le CNAM qui possède des unités de formation enSeine-Saint-Denis : « Ils sont venus nous voir en nous disant : « Ecoutez, nous on aimeraitbien développer des relations avec des entreprises du territoire au travers de notre travailde médiation scientifique et technique. On a les ressources en termes d’objets dans nosréserves, en termes de compétences avec nos profs et nos chercheurs. Les entreprises, onne connaît pas.85 » Si ces rencontres n’ont pas de lien direct avec le tourisme culturel, c’estl’action de promotion du territoire et d’animation de réseaux menée par le CDT qui en està l’origine. Elles aboutissent à des projets de mécénat et de partenariat qui sont autant deressources pour les lieux de culture. Par le biais du mécénat, les entreprises s’engagent etfavorisent ainsi le développement local des activités culturelles. C’est un moyen pour ellesd’obtenir une reconnaissance territoriale.

Un autre type de tourisme est fortement lié à l’offre culturelle de la Seine-Saint-Denis :le tourisme d’affaires. Avec ses deux parcs d’expositions, le département est très bienpositionné dans ce domaine. Mais ce tourisme tend à se développer dans des lieux plusinsolites que ceux qui lui sont spécialement dédiés. Le CDT a mis en place une actionintitulée Le Nord-est parisien fait son CIRC (Colloques Incentive Réunions Culture). Il s’agitd’un évènement destiné aux prescripteurs du tourisme d’affaires (agences évènementielles,responsables des relations publiques d’entreprises…). Daniel Orantin explique : « On lesinvitait au cours d’une journée à faire trois choses. Premier temps, on leur proposait quinzeéduc’tours. Donc, on avait quinze autocars qui faisaient des parcours différents dans troissites : un site classique, genre parc d’expositions ou Stade de France ; une activité incentive,donc ça pouvait être des choses un peu sportives comme une descente du canal de l’Ourcqen zodiac, de l’accro-branche (rires) […]; le troisième lieu était un lieu culturel qui a despossibilités de s’ouvrir à des manifestations d’entreprises soit en billetterie soit en location desalles. Une fois que les gens avaient fini ces parcours, ils se retrouvaient tous à l’académieFratellini, lieu de création et de formation au cirque. Là on faisait un workshop, c'est-à-dire que nos 50 lieux avaient une table, se présentaient… On a eu 350 clients potentielsqui faisaient leur marché. Ca se finissait par un spectacle. C’est un truc qui a très bienmarché, avec des résultats commerciaux qu’on n’espérait pas du tout. Villepinte a gagnéun salon, la Cité [des sciences] a gagné deux manifestations, le Stade en a gagné une.86 »Depuis ce premier succès, l’expérience a été renouvelée. Cette année, la clôture se feradans l’exposition Bêtes et hommes de la Grande Halle de la Villette. Pour le directeur duCDT, le lien entre tourisme culturel et tourisme d’affaires est clair : « Je vous parle de çaen parlant de tourisme culturel parce que ce n’est pas un hasard qu’on aille chez Fratellini,qui n’est pas d’abord un lieu d’affaires mais un lieu culturel. Ce n’est pas un hasard si onfini dans une expo culturelle. C’est parce qu’on veut marquer que c’est une des empreintesde ce territoire. […] Et puis c’est aussi une façon d’aider les gens qui animent les lieux deculture à mettre un pied dans le monde de l’entreprise.87 »

La dimension culturelle d’un lieu peut donc être un facteur d’attraction pour une clientèlede tourisme d’affaires. La Cité des Sciences l’a bien compris, en développant son Centre descongrès de la Villette. Au cœur de son bâtiment, la Cité offre un certain nombre de serviceset accueille des congrès, conférences, réceptions, conventions et autres évènements

84 Annexe 3, p. XIV.85 Annexe 3, p. XIV.

86 Annexe 3, p. XIII.87 Idem.

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organisés par des professionnels et pour des professionnels. Pour séduire cette clientèle,la Cité met en avant ce qui fait sa « différence » dans un document de promotion destinésaux professionnels. Elle met en avant le fait qu’elle est « le plus grand centre européen demédiation scientifique et technique ouvert au monde des affaires », propose de prolongerl’évènement par la visite de ses expositions, une séance au planétarium, une visite dans lesous-marin Argonaute… La Cité mise ainsi sur son originalité en tant que lieu de tourismed’affaires pour remplir ses amphithéâtres, salles de réunions, auditorium … bénéficiantd’équipements de haute technicité. La conquête de cette clientèle spécifique se faitbeaucoup grâce aux salons internationaux spécialisés. René Roudeau précise que lacollaboration avec le CDT est à cette occasion très utile pour la Cité. Le CDT et les lieux detourisme d’affaires représentés mutualisent les coûts en louant un emplacement communpour installer un stand regroupant l’offre du Nord-est parisien.

Cette activité génère pour la Cité des revenus non négligeables puisque, dans le budget2006, le Centre des congrès de la villette représentait environ 29 % de ses ressourcespropres, soit 5 millions d’euros.

C’est un tourisme d’un autre genre, au croisement entre culture et affaires, qui sedéveloppe en Seine-Saint-Denis. Mais là encore, l’exemple de la Cité des sciences doitêtre nuancé. Selon Claude Origet du Cluzeau, de manière générale, si les retombéeséconomiques recueillies sur le territoire grâce au tourisme culturel augmentent, les recettespropres des structures culturelles ne croissent pas aussi vite. Il y a contraste entre les coûtsde mise en tourisme d’un site et son chiffre d’affaire. Le soutien public reste nécessairepour palier aux résultats d’exploitation déficitaire de beaucoup d’équipements culturels. Laperspective de développement du tourisme donne un sens à ces subventions publiques.

2. L’ouverture au tourisme : création de revenus, d’activités etd’emplois pour le territoireDeux contrastes sont à relever concernant les retombées économiques du tourisme culturel.Tout d’abord celui entre le coût de mise en tourisme d’un lieu culturel et son chiffre d’affaire.Ensuite, celui entre les ressources propres modestes de ces lieux et les fortes recettesenregistrées dans le contexte de visite.

Pour Jean-Michel Tobelem, les équipements culturels suscitent certes des fluxéconomiques non négligeables, mais ces derniers se produisent essentiellement dansleur environnement. Ce dernier doit dès lors être préparé à en profiter. Des retombéeséconomiques importantes existent mais elles sont externalisées.

a. Augmentation du chiffre d’affaire et création d’activitésClaude Origet du Cluzeau affirme qu’en matière de retombées économiques, le tourismeculturel profite pleinement au territoire qui l’entoure : 1 € dépensé sur le site culturel setraduit par 8 à 10 € dépensés ailleurs sur le territoire88. Cela laisse penser que pour lessites culturels, de nombreux efforts restent à faire pour tenter de capter une partie de ces8 à 10 euros qui profitent à leur environnement, notamment en développant les servicesque les touristes vont chercher ailleurs : restauration, boutiques souvenirs… En ville,ces retombées peuvent être efficientes immédiatement car les activités liées au tourismepréexistent (hébergement, restauration, transport…). Dans d’autres lieux, ces activités sontà développer. Un projet de tourisme culturel ne doit donc pas se concentrer uniquement surl’offre culturelle mais aussi envisager le développement d’activités connexes qui complètent

88 Etude de 1991 d’Empreinte Communication.

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l’offre et bénéficient des retombées économiques. Le diagnostic publié par le CDT 93en 200189 insistait sur le fait que le développement des activités touristiques appelledes évolutions du territoire. La réputation non touristique du département n’était pasqu’affaire d’image, mais aussi de la réalité visible des lieux. Les quartiers qui entourentles sites ne présentaient que très peu ou pas de signes d’une vocation touristique,en l’absence de commerces, restauration, services, équipements… Le plan d’action quidécoulait de ce diagnostic prévoyait donc « d’appuyer l’émergence de nouvelles activités,nouveaux produits et nouveaux sites renforçant la personnalité du pôle. » Il s’agissaitd’élargir l’offre touristique du territoire en soutenant les sites et services existant et enfavorisant l’émergence de nouveaux produits, de nouveaux sites et nouveaux services pour« l’affirmation de sa personnalité ainsi que la diversification de son offre. » Un des axes dediversification de l’offre mis en œuvre depuis par le CDT fut celui des grands évènements.Ces derniers sont considérés comme des « leviers pour le développement. » La Coupe dumonde de football a joué un rôle de révélateur, par les infrastructures qui ont été crééesà cette occasion mais aussi par le regard nouveau qui a été porté sur le territoire à cetteoccasion et la mobilisation qu’elle a suscitée. De grands événements culturels, conjuguantcréation artistique exigeante et implication des habitants avaient accompagné la Coupe duMonde et se sont multipliés depuis, suscitant de nombreuses initiatives.

C’est ainsi que dans certaines régions, le tourisme culturel est un véritable facteur dedynamisation de l’économie locale par la création d’activités nombreuses et variées. Onassiste alors à la reconstruction du tissu économique. Le tourisme culturel permet l’élévationdu chiffre d’affaire du territoire en créant des activités économiques sur place et dans lesenvironnements immédiats du lieu de destination.

b. Emplois et formationLe tourisme culturel créé tout d’abord des emplois. En zone touristique, 10 000 entrées deplus sur un site entraîne la création d’un emploi direct et d’un ou deux emplois indirects surle territoire90. Par emplois directs, on entend la création de postes au sein même du lieuculturel. L’augmentation de la fréquentation d’un site suscite des besoins de personnels enmatière d’accueil du public, de sécurité, de médiation… Il peut s’agir de tous les métiers dela culture et du patrimoine (agent d’accueil, guide, surveillant…) Les emplois indirects sontles emplois créés grâce aux retombées sur les activités attachées et complémentaires àl’offre culturelle proprement dite. Il peut s’agir d’emplois dans les domaines du commerce,de la restauration, de l’hébergement, des transports, du BTP, de l’aménagement urbain, destélécommunications, de l’artisanat, du service public, des institutions dédiées au tourismeet de tout autre service en rapport avec la visite d’un lieu. Josquin Barré estime que pourun emploi direct créé, 3 à 5 emplois indirects voient le jour dans des secteurs connexes.

Ces emplois sont plutôt qualifiants. Les cadres culturels et touristiques embauchésont en moyenne un diplôme bac + 2 ou au-delà. De plus, le tourisme culturel permet larequalification d’emplois parfois en déshérence, comme la restauration de bâtiments parexemple.

Si le tourisme en général a le défaut de créer des emplois saisonniers et donc instables,le tourisme culturel va à l’encontre de cette tendance. Moins soumis à la saisonnalité qued’autres formes de tourisme, il permet la dynamisation de l’activité économique dans ladurée et de créer plus d’emplois permanents. Dans le cas de la Seine-Saint-Denis, les

89 CDT 93, Le tourisme d’agrément sur le pôle, op.cit. p. 12.90 Etude de 1991 d’Empreinte Communication.

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visiteurs sont pour la plupart des touristes de proximité (région Ile-de-France), ce qui atténueencore plus l’effet saisonnier sur la destination. On se rend plus facilement hors saison dansun endroit proche que dans un lieu éloigné.

Pour pourvoir les emplois créés par le tourisme culturel, la formation est une desactivités qu’il faut développer. Pour Josquin Barré, il est nécessaire de créer de nouveauxmétiers spécifiques au tourisme dans les lieux de culture. Cela signifie la formationdes équipes et des futurs employés à l’accueil du public touristique, en alliant le soucipédagogique inhérent à la culture et le professionnalisme touristique. Pour les employésissus de formations culturelles, il s’agit d’intégrer les techniques de vente, les logiques demarketing, l’organisation et les compétences que requiert l’accueil d’un public en masse (lapratique des langues étrangères par exemple) … Pour les employés issus du tourisme, ils’agit de se familiariser avec la dimension culturelle, pédagogique et scientifique du produità promouvoir et à vendre pour adapter les techniques touristiques et respecter la valeursymbolique du lieu.

Dans le 93, le soutien à la formation revêt plusieurs formes. Il s’agit tout d’abord de« soutenir le développement de l’offre de formation afin de permettre aux jeunes de Seine-Saint-Denis d’accéder aux emplois disponibles dans l’hôtellerie et la restauration.91 » Il nes’agit pas seulement de créer des emplois mais aussi de faire en sorte qu’ils soient occupéspar la population locale. Le département et le CDT ont ainsi passé une convention deformation avec le groupe hôtelier Accor. Daniel Orantin explique : « Convention qui prévoitque le département et le groupe Accor se partagent le travail chacun dans leur domaine decompétences pour créer un vivier de jeunes formés pour être embauchés dans les hôtelsdans les emplois les moins qualifiés, les emplois d’accueil notamment, mais qui exigentquand même l’anglais, l’acquisition de comportements pas forcément très spontanés. Ledépartement de son côté fait un travail avec les structures d’insertion pour donner envie auxjeunes de rentrer dans ce processus. […] Le groupe Accor s’engage à puiser dans ce vivieret à, ensuite, faire la partie de formation sur le tas.92 » Il s’agit véritablement d’encourager lesactions de formation destinées aux jeunes en recherche d’emploi, en liaison avec la créationde nouveaux équipements ou services touristiques. Les actions concourant à la mise envaleur de la personnalité du territoire sont privilégiées, notamment celles concernant lesmétiers d’art.

Mais les retombées économiques du tourisme culturel sur le territoire ne sont pastoujours positives et doivent être contrôlées. Sur d’autres territoires que la Seine-Saint-Denis, un tourisme culturel prospère entraîne parfois la hausse des prix car les touristess’avèrent plus solvables que les résidents. Cela peut entraîner une hausse des salairesque les secteurs non touristiques ne peuvent pas suivre. De même, le développementdu tourisme peut causer la disparition progressive d’autres activités économiques moinsrentables. Le tourisme devient alors une mono activité. Cela se produit dans les zonestouristiques saturées. Cette situation est risquée en cas d’effondrement de la fréquentation.Le tourisme doit rester une activité complémentaire de diversification/reconversion. C’estaux responsables politiques d’anticiper ce phénomène et de favoriser les activitéscomplémentaires au tourisme (industrie, artisanat, secteur tertiaire).

91 CDT 93, Diagnostic et plan d’action du pôle touristique, op. cit. p. 12.92 Annexe 3, p XV.

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B. Entreprises, culture et territoire : la mobilisation et l’attraction desacteurs économiques grâce au tourisme culturel

On remarque aujourd’hui que les équipements culturels suscitent, par leur dialogue avecle reste de l’économie et de la société, des échanges fructueux favorisant l’essor desconnaissances et la créativité de la population et des acteurs économiques du territoire,facteur décisif pour la croissance économique.

1. L’intérêt des entreprises pour le tourisme culturel : les externalitéspositivesEn Seine-Saint-Denis, les entreprises font partie intégrante de la culture mise en valeur pourdévelopper le tourisme culturel. Les savoir-faire industriels qui caractérisent ce départementsont une des composantes de l’identité du territoire qui, frappé par la crise industrielle, areconstruit aujourd’hui un tissu économique fort et dynamique où les entreprises soucieusesde l’image de leur territoire s’ouvrent au public. Le Comité départemental du tourismeorganise des visites d’une centaine d’entreprises, sites industriels, laboratoires et ateliersgénéralement fermés au grand public. Mais outre le développement du tourisme industriel,le tourisme culturel favorise le rapprochement direct d’acteurs économiques dans desprojets qui à priori n’intéressent pas le tourisme. Le CDT 93, par son action, joue le rôle demédiateur, alors que cela ne rentre pas dans sa mission première. Il permet aux entreprisesde mieux connaître leur territoire, d’entrer en relation avec d’autres acteurs économiques.On peut dès lors parler d’externalités positives.

Walter Pommerehne et Bruno Frey montrent lorsqu’ils abordent ce qu’ils appellent les« effets externes », que la culture est à l’origine de créations de valeurs qui échappent aumarché93. C’est l’effet de « bien collectif. » Ces valeurs sont de plusieurs ordres. On compteparmi elles :

∙ La valeur d’option : un individu retire un avantage de la simple possibilité de pouvoirconsommer un bien culturel, même s’il ne le consomme pas. Cette valeur échappeainsi au marché.

∙ La valeur d’existence : la sauvegarde du patrimoine produit de la valeur.∙ La valeur d’héritage : le patrimoine sauvegardé constitue une valeur positive pour les

générations futures.∙ La valeur de prestige : la culture est un élément de fierté et d’identité nationale même

pour les non consommateurs.∙ La valeur éducative : la culture développe la créativité d’une société en donnant des

compétences et un niveau de sensibilité esthétique à sa population.

Ce sont ces valeurs produites échappant au marché qui font de l’art un bien collectif. Lepatrimoine est profitable indirectement aux gens qui ne participent pas directement auxactivités culturelles.

Par son action, le CDT 93 promeut et met en valeur l’offre culturelle du département.Elle renforce son image positive au niveau national et international. On peut donc transposerles valeurs qui se dégagent de l’activité culturelle à l’activité de tourisme culturel.

C’est le facteur image qui apparaît comme décisif dans la collaboration des entreprisesavec le Comité départemental du tourisme. Certaines sont même créatrices de produitsde tourisme culturel industriel. C’est le cas de Saint Gobin, qui s’est associé avec

93 Pommerehne (Walter) et Frey (Bruno), La culture a-t-elle un prix ?, op. cit. p. 19.

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le Conservatoire national des arts et métiers. Un des objectifs affichés du CDT est« d’encourager le rapprochement entre les entreprises locales et l’offre événementielle dupôle.94 » En collaborant à la création de produits de tourisme culturel avec le CDT, lesentreprises améliorent leur propre image en s’investissant dans la vie locale et participent àla construction de celle de leur territoire. Ces deux images seront ensuite utilisées commedes atouts à mettre en valeur auprès de leurs clients.

Daniel Orantin témoigne de l’intérêt croissant des entreprises pour les projets detourisme culturel en Seine-Saint-Denis : « Moi je me souviens, ici, un des deux immeublesen face, quand il a été inauguré, j’étais invité. C’était plein de promoteurs. Moi, CDT Seine-Saint-Denis, je me faisais petit. Eux n’ont pas rigolé du tout. Ils m’ont immédiatementinterrogé en me disant : « Alors, les projets sur le canal ? Le projet de navette par voie d’eau ?Le projet de base de loisirs ? » Ils m’interrogeaient là-dessus parce qu’ils considéraient queça donnait de la valeur au terrain. Donc, y a un vrai intérêt, et pas seulement pour implanterdes hôtels.95 »

2. Le tourisme culturel : « un service aux entreprises »Dans cette perspective, le directeur du CDT affirme que le tourisme culturel est un facteurattractif pour les entreprises qui veulent bénéficier de l’image du territoire et des retombées.L’action du CDT et l’existence d’infrastructures de tourisme culturel peut être envisagéecomme un « service aux entreprises.96 » On touche ici à la valeur d’option. Pour uneentreprise, s’installer dans une région car elle dispose d’une offre culturelle constitue unevaleur ajoutée. Daniel Orantin explique : « On voit bien sur ce territoire qui est en mutationforte. C’était de l’industrie, maintenant c’est beaucoup de bureaux, avec beaucoup demouvement, des entreprises qui partent d’ailleurs et qui viennent ici... Les entreprises quipartent d’ailleurs pour venir ici, qu’est ce qu’elles nous demandent ? Du service autour ! […]L’existence d’infrastructures de tourisme, ça fait partie des services utiles aux entreprises.Le fait d’avoir un hôtel digne de ce nom ou on va accueillir des clients, ça fait partie desservices. […] Lorsqu’on parle d’ancrage des entreprises sur un territoire, tous ces servicessont importants. Le développement des services de tourisme contribue à l’ancrage desentreprises.97 »

La suite logique d’un tel intérêt des entreprises pour le tourisme culturel est le mécénat :« Les grosses entreprises qui arrivent à Saint-Denis, elles sont très vite devenues soutiendu festival de Saint-Denis. Elles font leur soirées, elles invitent leurs clients au festival deSaint Denis puisqu’on y fait des beaux concerts dans une belle basilique. Donc là, on estdans l’accompagnement d’un développement économique.98 »

On a vu le lien étroit qui existe entre tourisme culturel et tourisme d’affaires en Seine-Saint-Denis. La dimension culturelle des lieux attire les évènements professionnels. Lessalons organisés dans ce cadre sont eux aussi porteurs de développement économiqueet intéressent les entreprises : « Le fait de posséder ou pas des infrastructures permettantd’accueillir des grands congrès ou des grands salons, c’est pas seulement un moyen defaire venir de l’activité économique et touristique, avec leurs retombées qui ne sont pas

94 CDT 93, Diagnostic et plan d’action du pôle touristique, op. cit. p. 12.95 Annexe 3, p. XVI.

96 Annexe 3, p. XV.97 Annexe 3, p. XV.

98 Annexe 3, p. XVI.

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négligeables, c’est des milliards… Ca fait rentrer de l’argent dans les caisses, d’accord.Mais c’est surtout un moyen de favoriser l’activité des entreprises du secteur concerné. Ya toujours un lien direct entre l’existence d’un salon donné et la puissance industrielle ouéconomique d’une région ou d’un pays dans ce domaine. […] Donc c’est une forme despécialisation de l’activité économique sur un territoire.99 »

L’implantation d’un équipement culturel et son ouverture à la clientèle touristique estdonc, selon Daniel Orantin, un enjeu pour le territoire : « Parce que ça qualifie un territoire.Mais encore faut-il que l’équipement en question trouve la façon d’être en liaison avec letissu autour, notamment le tissu économique. De mon point de vue en tous cas, on me parlesouvent de développement du tourisme. Est-ce que c’est intéressant ? Moi, ce que je dis,c’est que le plus intéressant dans le développement du tourisme et pour le territoire, c’estde se considérer comme modeste contribution au développement, à l’aménagement et audéveloppement économique. […] En soi, il a de l’intérêt. Mais il n’en a vraiment qu’en tantque contribution à un mouvement plus large.100 »

En favorisant l’attractivité du territoire pour les entreprises et autres acteurséconomiques et en leur permettant de se rencontrer, l’action du CDT en matière detourisme culturel influe sur le développement et la compétitivité économique du territoire. S’ilbénéficie, à présent, d’un fort dynamisme, la véritable mutation économique qui s’amorcen’est pas géographiquement homogène. Globalement, si l’emploi semble se redresser pourse rapprocher de la tendance régionale, les emplois créés ou implantés ne bénéficient quetrès insuffisamment à la population locale et l’osmose est difficile entre les entreprises quis’implantent, leurs salariés et le territoire. Pourtant l’ancrage des entreprises sur le territoire,le rapprochement entre ces entreprises, leurs salariés, la population locale et les servicesqui y existent sont une condition d’un développement solide. Le tourisme peut apporter unecontribution originale à une telle dynamique.

Cependant, les externalités ne s’exercent pas seulement dans le domaine économiqueet ne sont pas toujours positives. Comment le tourisme culturel affecte-t-il la culture et la vielocale de la population d’un territoire donné ? De même, si la logique du tout économiqueprime sur la logique culturelle, n’y a-t-il pas un danger pour la culture locale ?

II. Culture touristique et culture des lieux : l’influencedu tourisme culturel sur la culture et l’identité duterritoire, entre dénaturation et structuration

Le tourisme culturel a certes des effets sur l’économie d’un territoire, en lui apportantemplois, activités et ressources, mais ses effets ne se cantonnent pas au seul secteuréconomique. Si la culture des lieux est l’objet du tourisme culturel, le tourisme culturel n’estpas sans influence sur celle-ci. Il ne se contente pas seulement de lui apporter un publicnouveau et plus large. L’offre culturelle qui, on l’a vu, s’adapte sur le plan formel à recevoirun public touristique par diverses techniques, se transforme également dans ses contenusau contact de ce public. De même, la confrontation de la culture des touristes et de la

99 Annexe 3, p. XV.100 Annexe 3, p. XVI.

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culture locale produit des effets, bons ou mauvais, qui ne sont pas sans conséquences surle développement du territoire. Quels sont-ils ?

A. La confusion entre culture et loisirs : vers la « disneylandisation »de la culture ?

Les réticences qui demeurent dans le monde de la culture à l’encontre du tourisme sont,comme on l’a déjà vu, le plus souvent fondées sur des à priori, une méconnaissance etun dédain envers ce secteur d’activité. Alors que la culture est déjà pour une part devenueune industrie (édition, cinéma, industrie du disque), elle semble craindre d’entrer en contactavec une industrie du tourisme qui serait susceptible de la corrompre et de la détourner deses missions premières. En effet, une des grandes inquiétudes pour la culture est d’êtreconsidérée comme un loisir comme les autres, destiné à plaire au plus grand nombre. Il estvrai que, chez les professionnels du tourisme, la confusion des termes est fréquente. Onparle alternativement de « tourisme de loisirs » ou de « tourisme d’agrément » pour désignerle tourisme culturel. René Roudeau, responsable du département action commerciale dela Cité des sciences, dit situer son métier à cheval entre le « tourisme culturel » et le« tourisme de loisirs. » S’il est faux qu’au contact du tourisme, la culture se transformesystématiquement en divertissement et se vide de tout caractère scientifique ou éducatif,il est également erroné de penser que les équipements culturels, en s’ouvrant au publictouristique, ne modifient pas leur contenus.

1. Produits culturels et produits de loisirsLors du 10ième forum Ptolémée qui s’est tenu les 29 et 30 mai 2007 à la Cité des scienceset de l’industrie, Jean-Michel Raingeard, président de la Fédération Française des sociétésd'Amis des Musées exprimait son inquiétude quant à ce qu’il appelle la « loisirisation dela culture », et notamment des musées. Selon lui, la différence entre un produit culturel etun produit de loisir est la suivante : contrairement à la culture qui doit permettre la penséecritique et l’autonomie du citoyen, un produit de loisir n’a pas de valeur symbolique car ilrelève uniquement de la consommation marchande. Ainsi, la « loisirisation de la culture »revient, selon J.-M. Raingeard, à la négation de la valeur symbolique de la culture qui setrouve alors réduite au rang de produit de consommation comme les autres. Culture est alorssynonyme de loisir et de divertissement. Le tourisme, qui s’inscrit dans le secteur marchand,peut mener la culture vers cette dérive, en faisant primer l’aspect économique sur la valeursymbolique de la culture. Soucieux de tirer le plus de recettes possibles de l’offre culturelleen l’adaptant au tourisme de masse, il peut l’assimiler à un simple loisir.

J.-M. Tobelem, qui participait également au 10e forum Ptolémée, partage la mêmeinquiétude, tout en étant plus nuancé. Dans son ouvrage intitulé Le nouvel âge des musées,les institutions culturelles au défi de la gestion, il aborde la même sujet. Pour lui, il s’agitd’un risque évident de « dysneylandisation101 » de la culture. En effet aujourd’hui, lesprincipaux concurrents du tourisme culturel sont les parcs de loisirs (parcs à thème, parcsanimaliers, parcs d’attractions…) L’auteur affirme que l’essor du tourisme culturel a favoriséle développement de grands équipements de loisirs culturels (GELC). Il cite en autresexemples le Futuroscope de Poitiers, Vulcania dans le Puy-de-Dôme, le mémorial de Caenet, en ce qui concerne le Nord-est parisien, le parc de la Villette avec notamment enson sein la Cité des sciences et de l’industrie. Ces GELC se situent à la limite entre lesstructures muséographiques traditionnelles et les parcs à thèmes. La Cité des sciences

101 Tobelem (Jean-Michel), Le nouvel âge des musées. Les institutions culturelles au défi de la gestion, op.cit. p. 26.

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est par exemple représentée dans les guides touristiques consacrés aux parcs de loisirs,autrement appelés parcs d’attractions. Les GELC sont bien souvent étroitement liés autourisme et au territoire. En effet, leur mise en place répond le plus souvent à une volontédéterminée de développement économique d’un territoire. Pour ce faire, ils visent unefréquentation minimale de plusieurs centaines de milliers de visiteurs par an. La clientèletouristique représente donc pour eux une cible primordiale. Leur thématique se situe elleaussi à la frontière entre deux univers : le divertissement, les loisirs, la culture populaire etles parcs à thèmes d’un côté et la diffusion scientifique, la culture savante, l’éducation etles musées traditionnels de l’autre.

Cette « dysneylandisation » de la culture se traduit par la création d’un nouveau conceptque J.-M. Tobelem appelle « l’edutainment », croisement entre éducation et entertainment(divertissement). C’est un mélange entre un souci pédagogique et une volonté de divertirle public. Apprendre en s’amusant semble être devenu la devise des offices de tourisme.Concrètement, on voit la muséographie des GELC intégrer de plus en plus de techniquesludiques, interactives et récréatives. L’exposition phare de la Cité des sciences intituléeCrad’expo, la science impolie du corps humain en est l’exemple type. Elle entend toutexpliquer sur le corps humain aux enfants et à leurs parents, à l’aide de dispositifsmuséographiques qui relèvent du jeu : un flipper, un toboggan, un mur d’escalade, un standde tir, un quizz… Les attentes des visiteurs sont bouleversées par « l’edutainment ». Ils nese contentent plus d’apprendre avec une muséographie traditionnelle mais recherchent uncôté ludique.

Un autre élément de la « dysneylandisation » de la culture concerne l’architecturedes équipements culturels. A l’instar du parc Disneyland Resort Paris, ou de musées telsque le Guggenheim de Bilbao, les GELC développent des architectures monumentales etoriginales. L’attraction touristique commence par l’enveloppe extérieure de l’équipementculturel. On ne vient plus forcément voir un musée pour ses collections mais pour lecaractère exceptionnel de son architecture.

Lors du forum Ptolémée, J.-M. Tobelem rappelait pourtant que la mission des muséeset des parcs à thèmes est différente. Les premiers ont une mission scientifique. Les secondsune mission de divertissement. Selon lui, dans la stratégie d'internationalisation croissantedes musées, qui consiste à toucher des publics étrangers (et donc des touristes) et às’implanter dans d’autres pays, la mission des musées risque de passer au second plan.

Ainsi, le tourisme culturel peut faire évoluer les contenus de l’offre culturelle en lesmenant vers une culture de loisirs et de divertissement, ceci dans un souci d’adaptationau public le plus large possible. Ceci ne constitue pas en soi un danger. Cela peut mêmeressembler au souci de rendre accessible une offre vulgarisée, plus ludique, plus attractivepour les différents publics qui constituent la clientèle touristique. En effet, comme on l’a déjàvu, il n’y a pas une mais des catégories de touristes. Parmi eux se trouvent des personnesqui n’ont pas de pratiques culturelles régulières par manque de familiarité avec les lieux deculture et leurs codes. Les rendre attractifs et ludiques est une façon de briser ces codespour amener de nouvelles personnes au musée, notamment des enfants et des jeunes,qui sont devenus les principaux prescripteurs en matière de tourisme culturel. A ce propos,le philosophe Yves Michaud déclare : « L’art, destiné naguère à un groupe relativementrestreint d’amateurs, vise désormais un pan beaucoup plus large de la population. Aprèsdeux siècles de sacralisation de l’art, nous sommes, semble-t-il, à un tournant considérable :celui du divertissement culturel, dont le tourisme est l’une des composantes.102 » Selon le

102 Roure (Benjamin) et de Roux (Emmanuel), « Le tourisme contre la culture ? », op.cit. p. 5.

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philosophe, le tournant a eu lieu en 1977, lors de l’inauguration du Musée Guggenheim deBilbao.

2. Le projet Villette perspectiveCependant, une trop grande « loisirisation » de la culture peut aussi la vider de toute valeurautre que sa valeur économique. Cela revient à marchandiser la culture, à la considérercomme un produit de consommation parmi d’autres et à la déposséder de toute valeursymbolique. Les GELC doivent conserver leur part scientifique et éducative tout en s’ouvrantau tourisme. C’est ce que fait avec succès la Cité des sciences et de l’industrie. Cependant,cette dernière compte prochainement accueillir un projet purement commercial. Sa 4ièmetravée dont la surface est de 25 000 m2 est restée inoccupée depuis plus de 20 ans. Le projetVillette perspective, lancé en 2004, vise à créer un centre commercial dédié aux « loisirsnumériques ». Il ouvrira en 2011 et comprendra, entre autres, les commerces suivant :Virgin, Apple store, Espace IGN, Fnac, Grande Récré, Loisirs et création, Sephora, Swatch,Starbucks... et les cinémas Pathé/Gaumont et UGC. Le montant des travaux, réalisés parApsys, un opérateur en immobilier commercial, s'élèvera à 47,5 millions d'euros. Apsys etla Cité seront liés contractuellement par une convention d’aménagement et d’exploitation(CAE) et une autorisation d'occupation temporaire (AOT). Le centre commercial est vouéà devenir un lieu de destination complémentaire à la Cité, susceptible de lui amener unsurcroît de visiteurs et parmi eux de nombreux touristes. La Cité pense capter 200 000 des4,5 millions de visiteurs attendus par an dans ce nouvel espace. De plus, le projet est destinéà générer de nouvelles recettes. Les ressources directes (redevance annuelle, pourcentageannuel sur les CA des commerces et cinémas) et indirectes (billetterie, commerces) sontestimées à 78 millions d’euros sur la durée de l’AOT. Sur le plan de l'aménagementdu territoire, le projet tend à créer un pôle urbain structurant pour le quartier, favorisantson animation, notamment hors des horaires d'ouverture de la Cité. C'est une incitationà l'installation d'autres activités dans le secteur. Avec ce centre commercial, le GELCqu’est la Cité des sciences prend une dimension autre et offre à ses visiteurs un loisirsupplémentaire : le shopping ! Pour désigner un centre commercial qui prendra place ausein même du bâtiment d’un équipement culturel majeur, les documents de communicationde la Cité des sciences parlent d’espace dédié aux « loisirs numériques ». Or, il ne s’agitlà que d’un espace entièrement marchand et voué au commerce. Ce projet n’est pas sanssusciter de nombreuses questions sur la limite entre culture et loisirs et sur le sens accordéà ces mots.

Il est donc nécessaire de surveiller la disparition des frontières entre le monde desmusées, ses conservateurs et ses chercheurs qui étudient et présentent des collectionsoriginales, et celui des loisirs, qui implique une consommation culturelle et touristique.

La « dysneylandisation » de la culture n’est cependant pas la seule conséquenceculturelle du tourisme. Le développement du tourisme culturel sur un territoire, notammenten Seine-Saint-Denis, a des conséquences sur l’identité et la culture de sa population.

B. Les retombées qui dépassent le simple cadre touristique : letourisme culturel créateur de lien social et révélateur d’identité

Les réseaux du tourisme culturel structurent le territoire en créant des rapprochements entreacteurs locaux qui dépassent le simple cadre touristique.

1. La rencontre entre les entreprises et la population : le tourisme industriel

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En juillet 2002, la Tribune consacrait un article au tourisme industriel qui, comme on l’avu, fait partie du tourisme culturel en Seine-Saint-Denis. L’auteur de l’article insistait sur lefait que le développement du tourisme industriel créé du « lien social103 » et donnait enexemple l’action du Comité départemental du tourisme de Seine-Saint-Denis pour favoriserl’ouverture des portes des entreprises industrielles. En France, seulement un peu plus de15 % des entreprises sont accessibles au public, contre près de 60 % aux Etats-Unis ou enAllemagne. Mais grâce à l’action de Chambres de commerces et d’industrie ou de CDT, cepourcentage est en augmentation dans notre pays. En effet, les entreprises sont de plus enplus soucieuses de leur image et pas seulement de celle de leur produit auprès du public.Bien entendu, cette ouverture au grand public a des objectifs de marketing clairs. Il s’agit dedonner une image positive de soi pour mieux vendre. Mais cette préoccupation dépassela recherche de simples bénéfices économiques. EDF fut l’entreprise pionnière en matièrede visites de ces sites en ouvrant ses centrales nucléaires. C’est une façon pour elle debanaliser leur présence et de rassurer les populations avoisinantes. La dimension locale dutourisme industriel est très forte. C’est le cas de toutes les entreprises qui entreprennentce type d’action et qui sont sources de nuisances. De même, après plusieurs scandalesdans l’industrie agroalimentaire, les entreprises de ce secteur veulent prouver qu’ellessont désormais soucieuses de la sécurité alimentaire. Pour les personnes travaillant dansces entreprises, c’est le moyen de mettre en valeur leurs savoir-faire. En Seine-Saint-Denis, Daniel Orantin explique pourquoi les chefs d’entreprises ont accepté d’accueillir desvisiteurs. Leur raison était double :

1. La volonté de changer l’image de la Seine-Saint-Denis. Daniel Orantin l’explique ense mettant à la place des entrepreneurs : « Pourquoi pas ? Parce que vous avezraison avec votre histoire d’image de la Seine-Saint-Denis. Nous aussi ça nousembête que quand on dit qu’on est à la Courneuve on fait une moue atterrée et pleinede compassion. Donc si ça peut aider pourquoi pas ? Annexe 3, p. VIII. » ;

2. Le souci de connaître les populations et les autres acteurs du territoire : « L’autreargument c’était : « Oui c’est vrai, nous on connaît personne. Même pas nos voisins.Si, on connaît parfois les gens qui habitent autour quand on fait du bruit, qu’on esten période de crise… Hop ! On fait une journée portes ouvertes pour leur montrer cequ’on fait ça a de l’intérêt. En général ça calme le jeu. On connaît peu les institutions.Si ça peut nous permettre d’entrer dans des réseaux… Pourquoi pas ? Annexe 3, p.VIII. »

C’est le souci de transparence et de dialogue qui prédomine. Dans l’article de la Tribune,Guillaume Jouet, responsable de la communication de Ciments Calcia, implantés en Seine-Saint-Denis, déclarait que : « le tourisme industriel est un des volets d’une politique généraled’ouverture de notre entreprise en direction de la société, dans un contexte de partage duterritoire avec les autres acteurs. » Cette entreprise accueillait en 2002 entre 8 000 et 10 000visiteurs par an.

Avant la mise en place de ces visites, le travail et les savoir-faire, éléments originauxdu patrimoine de la Seine-Saint-Denis, n’étaient que modestement reconnus, même dansla population. Leur mise en valeur dans le cadre de projets touristiques a révélé une part del’identité des habitants. La mise en valeur de ce patrimoine et son interprétation représententd’abord un enjeu pour la population locale. Reconnaître des racines, comprendre comments’est construit son lieu de vie, se rattacher à une histoire, contribue à accorder de la valeurau quartier, à la ville, au territoire où l’on vit. Le rapport du CDT sur l’image du territoire le

103 Auteur inconnu, « Le tourisme culturel recréé du lien social », La Tribune, Supplément innovation, 03 juillet 2002, p. 25.

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démontre : « Comprendre, par exemple, le rôle de la Basilique dans l’histoire de Franceet dans la naissance des cathédrales gothiques, c’est, pour les enfants de Saint-Denis,quelles que soient les origines de leurs parents, trouver des graines de fierté pour soi etles siens. On peut en dire autant de la culture du travail et des autres objets qui forment cepatrimoine original. Une question de fierté qui n’est pas indifférente dans un départementoù l’on revendique de n’être pas pris pour « des moins que rien ».104 »

Cependant, ces visites ne sont pas faciles à mettre en place, comme le montrent lespropos de Daniel Orantin. Tout d’abord, le CDT a du convaincre les dirigeants d’entreprisesde l’intérêt qu’ils avaient à ouvrir les portes de leurs usines : « On a missionné quelqu’unqui n’était pas un spécialiste du tourisme mais un spécialiste du travail, pour aller rencontrerdes chefs d’entreprises et leur dire : « Voilà, on aimerait bien, nous, montrer vos savoir-faire.[…] » On racontait notre histoire de territoire, d’image du territoire. « Qu’est ce que vousen pensez ? » Donc on a vu comme ça une cinquantaine de chefs d’entreprises de toutessortes. Bon, y a pas eu d’enthousiasme, y a pas eu de rejet non plus. Y a eu en généraldu « pourquoi pas ?105 » Les contraintes du tourisme de groupe n’étaient pas non plusfaciles à surmonter : « la permanence et la régularité dans le temps, le dimensionnementde 50 personnes, les questions de sécurité, d’accueil, de sanitaires, etc.… qui imposentaux entreprises […] des contraintes trop lourdes. Sauf si cette entreprise y voit un intérêtstratégique.106 » C’est ce qui empêche le tourisme de groupe d’être transposable aux PMEet PMI. La solution adoptée en Seine-Saint-Denis pour résoudre ces contraintes a été lagestion par le CDT de toutes les visites : « Et donc on a conclu que ce qui était faisable,c’était de demander à chacune des entreprises d’ouvrir leurs portes une fois par semestre,par trimestre, si elles le voulaient bien, pas plus. De les ouvrir pour des groupes de petitedimension, que les entreprises n’auraient pas à gérer, pour lesquels on n’imposerait pasde dates. C’est elles qui choisiraient la date, le nombre de personnes qu’elles acceptentsimultanément, le nombre de fois et nous on s’occuperait de tout le reste. On leur demandaitjuste une chose, c’est que le jour de la visite ce soit un représentant de l’entreprise, quiconnaît bien l’entreprise, qui raconte quelques aspects du fonctionnement de l’entreprise.Et donc avec ces conditions là, ben on en a eu très vite 50 ou 60 qui ont dit oui. Et le nombrea remplacé la quantité de visites par entreprise. C'est-à-dire que même avec une faiblefréquence dans chaque entreprise, on a pu composer un programme important. Et bien sûr,ça imposait pour nous de travailler la com, les inscriptions du grand public…107 »

Le public de ces quelques 400 visites organisées chaque année en Seine-Saint-Deniss’élève aujourd’hui à plus de 5 000 personnes. Il est principalement issu d’Ile-de-Francemais se diversifie au fil du temps. 65 % provient de la région dont 30 % du département lui-même et 21 % de Paris. 6 à 7 % des visiteurs arrivent de province et les visites s’ouvrentpeu à peu aux touristes étrangers.

Avec ces visites, proximité, authenticité et échange deviennent les maître-mots dutourisme industriel.

A côté de ces visites, le CDT a mis en place le programme d’expositions Et voilàle travail ! Tous les deux ans, cette initiative s’intéresse au savoir-faire d’un secteur del’industrie. La dernière s’est tenue au mois de février 2007 et portait sur les questions de

104 CDT 93, Diagnostic et plan d’action du pôle touristique, op. cit. p. 12.105 Annexe 3, p. VIII.106 Annexe 3, p. VII.107 Annexe 3, p. IX.

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la construction, de l’aménagement et de l’architecture. Il s’agit du même souci d’ouverturedu monde du travail au public, cette fois sous une forme scénarisée qui présente une partieartistique mais : « L’essentiel c’est des machines, des images, des textes, qui nous sontconfiés par des entreprises du bâtiment. Donc ça, c’est quelque chose qui marche bien. Ona fait 23 000 entrées. […] Et nous on considère que ça fait pleinement partie du tourismeculturel, puisqu’on est sur de la culture scientifique et technique et de la culture du travail.108 »

Au delà de l’image que peuvent porter de grands sites, objets de promotion touristique,le champ du tourisme et des loisirs peut contribuer à nouer de meilleurs liens entre leshabitants et l’économie qui s’y développe. C’est le cas, au plan de l’image encore, avecla mise en valeur pour la population locale, de la diversité des savoir-faire des entreprisesanciennes et nouvelles qui travaillent sur le territoire.

Le tourisme culturel industriel est donc générateur de lien social entre les acteurséconomiques locaux et les populations.

2. La rencontre entre tourisme culturel et identité du territoire et de sesrésidents : les interactions :Le tourisme culturel a un impact sur la culture locale, ou autrement dit, l’identité locale duterritoire, partagée par ses résidents. Le tourisme, qu’elle que soit sa nature, confronte deuxcultures : celle du touriste et celle des résidents. Cette confrontation est même triangulaireselon Claude Origet du Cluzeau, car aux deux premières vient s’ajouter l’image de la culturelocale renvoyée par le touriste aux résidents.

Dans des cas extrêmes, qui ne correspondent pas à la Seine-Saint-Denis et à la Franceen général, le tourisme entraîne une remise en question de l’identité et de la liberté desrésidents. C’est ce que l’on peut appeler l’effet « réserve d’indiens109 » ou le danger de« folklorisation de la culture. »

A cause du tourisme, il arrive en effet parfois que les pays d’accueil se fabriquentdes identités caricaturales et stéréotypées, qui s’opposent diamétralement à une culture« authentique. » La préoccupation d’avoir à tous prix quelque chose à montrer au touristeengendre la fabrication de stéréotypes plus vrais que nature. Le tourisme stimule donc lacréation de culture et la réinvention d’identités plus ou moins authentiques et formatées. Ceformatage est toutefois à nuancer. Le tourisme est profondément protéiforme, depuis lesvoyages organisés pour découvrir les pyramides d’Egypte aux balades dans les cités de labanlieue parisienne. Il ne s’agit donc pas d’un, mais de multiples formatages.

Le tourisme peut être vécu comme une agression dans certains cas. Il est parfoissubi comme une invasion, mais accepté car source de revenus. C’est ce qu’Yves Michaudappelle « l’envahisseur qui paye.110 » Il considère également le risque qui existe de voir lesrésidents dépossédés de leur patrimoine dans les régions à forte pression touristique telsque les centres anciens.

Mais les relations entre tourisme culturel et culture locale se situent à un autreniveau en Seine-Saint-Denis. On ne peut parler de conflit de cultures dans ce cas. Tousles tourismes n’engendrent pas cette déstructuration de la culture. Jean-Didier Urbain,

108 Annexe 3, p. IX.109 Origet du Cluzeau (Claude), Le tourisme culturel, op. cit. p. 15.110 Roure (Benjamin) et de Roux (Emmanuel), « Le tourisme contre la culture ? », op.cit. p. 5.

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dans L’idiot du voyage111 cherche à réhabiliter le tourisme en déterminant « la valeuranthropologique de ce nomade inscrit au cœur d’une évolution sociale profondémentmarquée par le cosmopolitisme et le développement des voyages internationaux. » De cettefaçon, l’auteur montre que le touriste participe à un échange pacifique entre civilisations. Parson déplacement, il perçoit l’identité de l’autre, même si cette perception est déformée oufugitive. Le tourisme est un véritable échange réciproque, à la fois exportateur et importateurd’influences, générateur d’hybridations et de métissages. Il arrive même que la mise entourisme d’un territoire soit l’occasion d’une prise de conscience pour les résidents de leursavoir-faire exploitables et de leur propre richesse culturelle.

En Seine-Saint-Denis, le CDT a bien compris l’importance de la prise en compte del’identité des résidents du département.

Comme on l’a vu, le développement du tourisme culturel industriel a permis lareconnaissance de l’identité industrielle du territoire par ses habitants. La personnalitéoriginale du pôle repose en bonne part sur un patrimoine populaire dont la (re)connaissancecomme tel par la population locale (habitants, salariés, entreprises) constitue un enjeu quidépasse le tourisme et les loisirs.

Les actions de tourisme culturel s’adressent aussi à ce public local. C’est notamment lecas pour les visites d’entreprises et le programme Douces Banlieues. Paradoxalement, letourisme culturel destiné à priori aux non résidents permet une meilleure connaissance duterritoire et de sa culture par les locaux eux-mêmes. Dans son diagnostic publié en 2001,le CDT établissait le tourisme comme facteur de développement du territoire. Il posait laquestion suivante : « Un développement pour quels besoins et quelles demandes ?112 »La première des réponses concernait « la population locale. » La vitalité des sites etéquipements de tourisme ne peut en effet reposer sur les seuls touristes et exige unefréquentation solide par la population locale et régionale. La citation suivante résume bienl’objectif du CDT : « Au delà du tourisme en effet, le développement que connaît ce territoireet, d’une façon générale la Seine-Saint-Denis, risque de buter sur des disparités territorialesmais surtout sur un insuffisant bénéfice pour ses habitants. Ce développement a besoinde rencontres fertiles entre les entreprises qui s’implantent, leurs salariés, la populationlocale et tout ce qui fait la vie du territoire. Le développement touristique peut aider à créeret resserrer ces liens indispensables. C’est vrai pour les habitants à qui le tourisme etles loisirs peuvent proposer un nouveau regard sur ce qui fait la richesse et la singularitédu territoire où ils vivent. C’est vrai également pour les entreprises et leurs salariés quipeuvent apprendre à connaître mieux ce territoire et y trouver les services dont ils ontbesoin. » Aujourd’hui encore, le CDT s’emploie à placer le développement des activités detourisme et de loisirs au service de la population, des salariés et des entreprises locales.Les acteurs locaux sont en effet convaincus que les sites touristiques développent des« relations particulières avec leurs propres micro-territoires. »

La structuration et la mise en cohérence de l’offre culturelle réalisées à des finstouristiques permet l’amélioration de l’accès de tous les publics, et en particulier deshabitants de proximité, à l’art et à la culture. La pratique des activités de loisirs offerts sur leterritoire par la population locale (habitants et salariés) constitue donc un objectif de premierplan. Le développement de la logique de pôles et d’irrigation du territoire est une manière delutter contre les déséquilibres en matière d’accès à la culture par l’aménagement culturel du

111 Urbain (Jean-Didier), L’idiot du voyage. Histoires de touristes, op.cit. p. 5.112 CDT 93, Diagnostic et plan d’action du pôle touristique, op. cit. p. 12.

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territoire départemental. De même, l’amélioration de l’attractivité et de l’image du territoirea des conséquences positives sur la qualité de vie des résidents.

Yves Michaud résume sa pensée ainsi : « Les stéréotypes ont parfois des effetsinattendus. Cela permet de redécouvrir ou de réinventer une identité. Car il ne faut pasoublier l’importance du regard de l’autre dans la formation des identités.113 » Ainsi, grâceau tourisme, la notion de culture s’élargit, pour sortir des musées et du carcan de la culturesavante. Aujourd’hui, sur des territoires comme la Seine-Saint-Denis, la culture signifiehistoire récente, industrie, social, urbanisme… Sans cet élargissement de la notion deculture, les « cités » du 93 ne seraient pas l’objet de visites.

Faut-il s’inquiéter de cet élargissement de la notion de culture ? Le risque est de lavoir se diluer dans une définition sans limites, gouvernée par la consommation culturelle.L’avantage est de permettre la conservation, la valorisation et la compréhension de cultureset d’identités toujours plus diverses.

113 Roure (Benjamin) et de Roux (Emmanuel), « Le tourisme contre la culture ? », op.cit. p. 5.

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Conclusion

Le tourisme culturel entretient une relation étroite avec l’environnement local.Un territoire donné n’est pas une destination de tourisme culturel à priori. Avant

de pouvoir profiter des retombées positives du tourisme, une région doit transformerson territoire et son offre culturelle en produit de tourisme culturel. Cette transformationpasse tout d’abord par la délimitation géographique de la zone à promouvoir. Outre leslimites administratives pré existantes, la délimitation doit se faire en fonction de la réalitésocioculturelle du terrain et de la cible touristique à laquelle elle s’adresse. L’exemple des« pays » et du Nord-est parisien montre qu’en matière de tourisme culturel, la créationd’entités territoriales dédiées est un atout. La définition du territoire passe aussi par laconstruction de son image. Cette dernière est primordiale pour donner une vision cohérenteet unie du territoire aux différentes cibles (grand public ou prescripteurs). Pour cela, le« package » culturel est important. Il vise à regrouper l’offre culturelle dans toutes les actionsqui touchent à la communication et à l’image d’une région. Les labels touristiques en sontl’exemple.

Une fois le territoire défini, l’offre doit s’adapter à la demande de tourisme culturel. Eneffet, un lieu culturel n’est pas un produit touristique en soi. Sa conservation et sa valorisationsont nécessaires, mais son ouverture au tourisme doit passer par l’interprétation dupatrimoine. Il s’agit de différentes techniques (acteurs, conteurs, guides, cartels, panneaux,éclairage, scénographie, vidéos, simulations, reconstitutions…) qui rendent le patrimoineaccessible à son nouveau public, tout en l’impliquant dans une expérience et un processusd’identification. L’interprétation a un but commercial, mais elle doit respecter les spécificitésdu lieu et les attentes des publics. S’adapter à la fréquentation touristique signifie aussiprendre conscience des dangers qui en découlent (détérioration, usure, perte de qualité dela visite…) et les prévenir. La notion de capacité de charge est une solution, tout comme lamodulation des horaires, des tarifs, des conditions d’accès, des parcours de visite…

Mais ces adaptations ne sauraient être suffisantes si elles restent des actions isoléesles unes des autres. Dans une perspective de développement territorial, le tourismeculturel doit savoir mobiliser les acteurs locaux et les organiser en réseaux. Pour cela,une professionnalisation du secteur est nécessaire. Elle passe par la rencontre desprofessionnels du tourisme d’une part, et de la culture d’autre part, mais aussi par l’animationdes réseaux par des organismes dédiés, tels que les CDT. La logique de pôles touristiques,qui consiste en l’irrigation du territoire depuis les zones attractives vers les zones moinsconnues, est un moyen de favoriser le développement équilibré du territoire.

Une fois mis en œuvre tous ces préalables au développement territorial par le tourismeculturel, on peut observer les conséquences qui en découlent à l’échelle locale.

Il s’agit tout d’abord de retombées économiques. Elles concernent en premier lieules équipements culturels, dont la fréquentation touristique augmente les recettes propres.En Seine-Saint-Denis, les retombées se traduisent également par le développement dumécénat, grâce à la médiation entre lieux culturels et entreprises opérée par le CDT 93.Le tourisme d’affaires est une autre ressource qui se créé grâce au tourisme culturel ausein même des lieux de culture. Au niveau de l’environnement des équipements culturels,les conséquences se font sentir en termes d’augmentation du chiffre d’affaire du territoire,

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de création d’activités, d’emplois directs et indirects et de formation. Toujours sur le planéconomique, l’action de promotion du territoire réalisée dans une perspective de tourismeculturel s’avère être très attractive pour l’installation d’entreprises qui bénéficient de l’imagepositive du territoire. On peut parler d’externalités positives.

Outre l’aspect économique, le tourisme culturel marque son empreinte sur la culturelocale. La massification de la fréquentation des lieux culturels pose la question de la« loisirisation » ou de la « disneylandisation » de la culture qui revient à confondre cultureet divertissement. Le tourisme culturel s’avère aussi être créateur de lien social. En Seine-Saint-Denis, le tourisme culturel industriel permet la rencontre entre les entreprises et lespopulations locales, qui bénéficient également des actions du CDT. Enfin, la confrontationde la culture des touristes et de celle des résidents donne lieu à des échanges qui ont pourconséquence de transformer l’identité du territoire.

Il est significatif que ce mémoire ne soit pas d’avantage basé sur des étudesquantitatives et des analyses concrètes des retombées du tourisme culturel, notamment enSeine-Saint-Denis. L’absence de telles études et analyses montrent que de nombreusesactions restent à mener pour développer et améliorer la relation entre tourisme, cultureet territoire. Mais l’approche qualitative développée ici à partir d’exemples concrets aurapermis de démontrer que le tourisme culturel participe à une dynamique plus large : celle dudéveloppement local, qui a le mérite de fédérer des acteurs issus de milieux très différentset de les orienter vers la promotion de ce qui leur est commun : le territoire.

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Bibliographie

Ouvrages consacrés au tourisme culturel

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Mc Kercher (Bob), Du Cros (Hilary), The partnership between tourism and culturalheritage management, New York, The Haworth Hospitality Press, 2002.

Morazzoni (Monica), Turismo, territorio e cultura, Milan, Editions de Agostini, 2003.

Origet du Cluzeau (Claude), Le tourisme culturel, Paris, PUF, collection Que sais-je ?,2005.

Tobelem (Jean-Michel), Le nouvel âge des musées. Les institutions culturelles au défide la gestion, Paris, Armand Colin, 2005.

Urbain (Jean-Didier), L’idiot du voyage. Histoires de touristes, Paris, Editions Payot,2002.

Violier (Philippe) dir., L’espace local et les acteurs du tourisme, Rennes, Pressesuniversitaires de Rennes, collection Espaces et territoires, 1999.

Ouvrages consacrés à l’économie de la culture et audéveloppement local

Pecqueur (Bernard), Le développement local, Paris, Editions Syros, CollectionAlternatives économiques, 2000.

Pommerehne (Walter) et Frey (Bruno), La culture a-t-elle un prix ?, Paris, Plon,Collection Commentaire, 1993.

Tobelem (Jean-Michel), Synthèse du colloque international Cultural facilities ascatalysts for territorial development, Vitry-sur-Seine, 16 et 17 novembre 2005

Articles de presse

Albert (Marie-Douce), « Création d’une carte d’accès intersites : il n’y a pas que leStade de France », Le Figaro, 23 juin 1999.

Auteur inconnu, « Le tourisme culturel recréé du lien social », La Tribune, Supplémentinnovation, 03 juillet 2002, p. 25.

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Bibliographie

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Dépêche AFP, « Tourisme : la France vise toujours plus de recettes », AFP, janvier2007.

Flouquet (Sophie), « Les nouveaux enjeux du tourisme culturel », Le journal des arts, 8juillet – 8 septembre 2005.

Roure (Benjamin) et de Roux (Emmanuel), « Le tourisme contre la culture ? », LeMonde, 12 août 2005, p. 13 et 18.

Etudes réalisées par le Comité départemental dutourisme de Seine-Saint-Denis

CDT 93, Le tourisme d’agrément sur le pôle, Novembre 2001, 113 pages.

CDT 93, Diagnostic et plan d’action du pôle touristique, 2001, 89 pages.

Sites Internet

Les chiffres clés du tourisme en France, édition 2006, la Documentation française.Disponible sur le site du Ministère délégué au tourisme : www.tourisme.gouv.fr

Site de la Maison de la France : www.franceguide.com

Site Internet de la Chambre de commerce et d’industrie de la Seine-Saint-Denis :www.ccip93.ccip.fr

Site de l’association Entreprises, Territoire et Développement :www.projetdeterritoire.com

Site de l’Observatoire national du tourisme : www.odit-france.fr

Site Internet du Comité Départemental du Tourisme de la Seine Saint Denis àdestination des professionnels du tourisme : www.parisnordest.com

Site Internet du Comité Départemental du Tourisme de la Seine Saint Denis àdestination du grand public : www.tourisme93.com

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Annexes

Annexe 1 : Carte administrative du département de laSeine-Saint-Denis

Carte tirée du site : http://www.iledefrance.org/addon/images/keywords/Seine-St-Denis.jpg

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Annexes

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Annexe 2 : Carte des équipements touristiques et desinfrastructures de transport du Nord-est parisien

Carte tirée du site http://www.parisnordest.com/document-81.html Site du CDT 93 à destination des professionnels du tourisme

Annexe 3 : Entretien avec Daniel Orantin, directeurdu Comité départemental du tourisme de Seine-Saint-Denis (CDT 93) – 02/07/07 – Pantin. Durée del’entretien : 1 heure 49 minutes.

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A consulter sur place au Centre de Documentation Contemporaine de l'Institut d'EtudesPolitiques de Lyon

Annexe 4 : Tableau comparatif des secteursprofessionnels du patrimoine et du tourisme - Bob McKercher et Hilary du Cros :

Cultural heritage management Tourism Structure Goals Keystakeholders Economicattitude to assets Keyuser group Employmentbackground Use toasset Internationalpolitical bodies/NGOs National/regionalpolitical/bureaucraticbodies

Public sector oriented Not for profit Abroader social goal Communitygroups Local residents Organizationsfor heritage professionals/local historical groups/religiousleaders Existence value Conservefor their intrinsic values Localresidents Social/science/artdegrees Value to community asa representation of tangible andintangible heritage ICOMOS/ICOM/UNESCO National, state and localagencies

Private sector oriented Profitmaking Commercialgoals Business groups Nonlocal residents Nationaltourism trade association Usevalue Consume for their intrinsicor extrinsic appeal Non localresidents Business/marketingdegrees Value to tourist asproduct or activity that canhelp brand a destination WTO/WTTC National, state, regionaltourism bodies.

Mc Kercher (Bob), Du Cros (Hilary), The partnership between tourism and culturalheritage management, New York, The Haworth Hospitality Press, 2002.

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Résumé

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Résumé

Ce mémoire propose d’analyser le tourisme culturel à travers l’influence qu’il a sur sonlieu de destination, c'est-à-dire sur le développement local du territoire. La première partieexpose les conditions nécessaires à la réalisation de projets et à la création de flux detourisme culturel durables et solides aptes à développer le territoire. Ces conditions sont ladélimitation géographique du territoire, la définition de son image, l’adaptation de son offreculturelle à la clientèle touristique et la mise en réseau des acteurs du tourisme culturel. Dansla deuxième partie, ce sont les conséquences positives et négatives du tourisme culturel surle territoire qui sont analysées. Il s’agit de retombées économiques, mais aussi culturelleset sociales qui concernent les acteurs culturels et économiques du territoire, mais aussi sapopulation. Elles se traduisent par la création de ressources nouvelles, d’emplois, d’activitéset de lien social.

Mots cléstourisme culturel, développement local, Comité départemental du tourisme, réseau

d’acteurs, Seine-Saint-Denis, tourisme industriel, retombées touristiques