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ENSA – Cours de Macroéconomie Prof : Samir HALOUI 2017 ---------------------------------------- 1 Cycle préparatoire au concours d’accès àl’ENSA Support de cours : Introduction à l’analyse macroéconomique ParSamir HALOUI Professeur à l’ENSA. 1. Objectifs du cours Dans le cadre de la phase du cycle préparatoire, deux principaux objectifs sont assignés à ce cours de mise à niveau (qui est essentiellement une introduction aux concepts macroéconomiques fondamentaux) : Ø Initierles élèves à certains concepts de base de la macroéconomie,nécessaires à la compréhension et à l’analyse des effets des politiques macroéconomiques (la politique budgétaire et la politique monétaire). La présentation des comptes de la nation de la base 2007 devra permettre aux élèves d’aborder l’analyse des principaux agrégats de l’économie Marocaine (PIB, Consommation, Investissement,…) et de mener une réflexion sur son profil de croissance. Il convient de rappeler que l’objet de ces enseignements de soutien et de mise à niveau est de donner les outils fondamentaux et les notions de base indispensables pour la compréhension et le suivi du Module « Analyse économique et politiques sectorielles », prévu dans le cycle de formation initiale. Ø Aider les élèves à assimiler quelques outils conceptuels susceptibles de leur permettre de comprendre les mécanismes et les enchaînements logiques des deux principaux courants de pensée en matière d’analyse macroéconomique : l’école libérale classique ou néoclassique (et ses prolongements monétaristes) et l’école Keynésienne interventionniste. Nous présenterons de façon synthétique le débat entre ces deux courants de pensée sur l’efficacité de la politique budgétaire et de la politique monétaire. (effet d’éviction, équivalence ricardienne, trappe à liquidité, arbitrage inflation-chômage,…) 2. Plan du cours INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : LES NOTIONS DE BASE DE LA MACROECONOMIE

Cycle préparatoire au concours d’accès àl’ENSA Support de ... … · base 2007 devra permettre aux élèves d’aborder l’analyse des principaux agrégats de l ... 2.3.Analyse

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ENSA – Cours de Macroéconomie Prof : Samir HALOUI 2017 ----------------------------------------

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Cycle préparatoire au concours d’accès àl’ENSA Support de cours :

Introduction à l’analyse macroéconomique

ParSamir HALOUI

Professeur à l’ENSA.

1. Objectifs du cours

Dans le cadre de la phase du cycle préparatoire, deux principaux objectifs sont assignés à ce cours de mise à niveau (qui est essentiellement une introduction aux concepts macroéconomiques fondamentaux) : Ø Initierles élèves à certains concepts de base de la macroéconomie,nécessaires à la

compréhension et à l’analyse des effets des politiques macroéconomiques (la politique budgétaire et la politique monétaire). La présentation des comptes de la nation de la base 2007 devra permettre aux élèves d’aborder l’analyse des principaux agrégats de l’économie Marocaine (PIB, Consommation, Investissement,…) et de mener une réflexion sur son profil de croissance.

Il convient de rappeler que l’objet de ces enseignements de soutien et de mise à niveau est de donner les outils fondamentaux et les notions de base indispensables pour la compréhension et le suivi du Module « Analyse économique et politiques sectorielles », prévu dans le cycle de formation initiale.

Ø Aider les élèves à assimiler quelques outils conceptuels susceptibles de leur permettre de comprendre les mécanismes et les enchaînements logiques des deux principaux courants de pensée en matière d’analyse macroéconomique : l’école libérale classique ou néoclassique (et ses prolongements monétaristes) et l’école Keynésienne interventionniste. Nous présenterons de façon synthétique le débat entre ces deux courants de pensée sur l’efficacité de la politique budgétaire et de la politique monétaire. (effet d’éviction, équivalence ricardienne, trappe à liquidité, arbitrage inflation-chômage,…)

2. Plan du cours INTRODUCTION PREMIERE PARTIE : LES NOTIONS DE BASE DE LA MACROECONOMIE

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Chapitre 1 : Les trois temps de la vie économique

1.1. Produire ♦ Le travail ♦ Le capital ♦ Le PIB

1.2. Répartir

♦ Répartition du produit (revenus des facteurs, impôts, amortissements, accumulation nette de capital)

♦ Répartition des revenus (salaires directs et indirects, revenus du capital redistribution,)

1.3. Dépenser

♦ La consommation des ménages (consommation, épargne,…) ♦ Les dépenses publiques (services non marchands, consommations

collectives,…) ♦ L’investissement productif (investissement brut, amortissements,

investissement net,…)

Chapitre 2 : Notions de comptabilité nationale et analyse des comptes nationaux base 2007

2.1. Les trois méthodes de calcul du Produit Intérieur Brut (PIB) : présentation conceptuelle. 2.2. Brève présentation des principaux agrégats des comptes nationaux Marocains : base 2007.

2.3.Analyse du profil de croissance de l’économie Marocaine DEUXIEME PARTIE : LES PRINCIPAUX COURANTS DE PENSEE (PRESENTATION SOMMAIRE)

Chapitre 1 : Le modèle d’analyse classique (ou néoclassique)

1.1. Détermination du niveau de l’emploi sur le marché du travail 1.2. La loi des débouchés 1.3. Le taux d’intérêt et le partage de la production entre consommation et investissement 1.4. La loi de l’offre et de la demande 1.5. La théorie quantitative de la monnaie 1.6. Les mécanismes autostabilisateurs de l’étalon-or

Chapitre 2 : Le modèle Keynésien

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2.1. Le principe de la demande effective 2.2. La fonction de consommation 2.3. La fonction d’investissement 2.4. La fonction de demande de monnaie 2.5. Le multiplicateur d’investissement

Chapitre 3 : La « synthèse néoclassique » de Keynes : le modèle IS-LM (rappel du débat sur l’efficacité de la politique budgétaire et de la politique monétaire)

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INTRODUCTION ♦ Eléments de définition : les rapports microéconomie-macroéconomie

Traditionnellement, on admet que le domaine de la microéconomie est réservé à l’étude

du comportement des agents économiques individuels tels que les ménages (les consommateurs).et les firmes (les producteurs). Les stratégies de comportement de ces agents sont étudiées à partir d’une axiomatique des choix, définie de façon formelle. La critique évidente formulée à l’égard de cette approche, c’est son absence de lien avec le réel. En effet, l’analyse microéconomique reste finalement cantonnée dans une problématique de type purement théorique. En revanche, la macroéconomie s’intéresse moins à des comportements spécifiques d’agents, mais à l’évolution combinée d’un certain nombre d’agrégats (la production, l’investissement, la consommation,…) qui représentent, à un instant donné, les paramètres essentiels de la définition de la situation économique d’un pays. Ainsi, une note de conjoncture évoquera l’évolution de la croissance de la production, du taux d’inflation, du niveau du chômage, de la situation de la balance des paiements, etc… Mais, cette note fera rarement allusion à telle ou telle hypothèse sur la nature des préférences des agents individuels. Dans un souci d’étude de l’économie considérée dans son ensemble, la macroéconomie analyse les politiques économiques et les facteurs qui en influencent les résultats, comme la politique monétaire, la politique budgétaire, la politique fiscale,…L’intérêt de la macroéconomie consisterait donc dans son apport de solutions aux problèmes actuels les plus importants. Ainsi, elle réduit les détails compliqués de l’économie à un essentiel maniable, qui réside dans l’interaction entre les marchés des biens et services, le marché du travail et celui des actifs de l’économie. Il semble donc que la macroéconomie soit plus précise dans ses formulations et dans ses objectifs que la microéconomie, et surtout qu’elle soit résolument plus proche du réel. Néanmoins, cette présentation et cette opposition doivent être largement nuancées pour deux raisons au moins :

1) Il n’est pas vrai que la théorie microéconomique ne s’intéresse qu’aux comportements des agents individuels, mais , au contraire, l’intérêt essentiel de l’approche microéconomique est de spécifier le résultat de l’interaction des comportements individuels, telle qu’elle ressort de la théorie de l’équilibre général. En outre, affirmer que la microéconomie est complètement coupée du réel revient simplement à supposer que les comportements des agents sont suffisamment arbitraires pour que le fait de s’y intéresser constitue une perte de temps.

2) Comment admettre que la macroéconomie puisse parler de la consommation des

ménages sans s’intéresser à ce qui explique cette consommation à l’échelle individuelle : à savoir les fonctions d’utilité ? De la même façon, comment parler de la fonction d’investissement sans s’interroger sur les rapports entre l’investissement et la maximisation du profit ? Enfin, comment prédire les résultats de telle ou telle politique économique (plan de relance, politique d’austérité budgétaire,…) sans chercher à comprendre comment les agents économiques réagiront à ce type de politique ?

En fait, on peut avancer deux hypothèses : ou bien on considère que la macroéconomie ne s’occupe que de l’évolution des grands agrégats sans s’interroger réellement sur l’action que

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les divers agents peuvent avoir sur ces agrégats. Dans ce cas, elle se restreint à être simplement une comptabilité nationale. Ou bien on reconnaît que les actions des agents sont déterminantes. Dans ce cas, le fondement de la macroéconomie ne peut être que microéconomique. C’est cette deuxième optique qui prévaudra dans ce cours. En effet, la macroéconomie a pour fondement parfois implicite les analyses développées par la microéconomie. Mais si on accepte cette idée, on peut se demander quelle est la spécificité de la macroéconomie par rapport à la théorie microéconomique.

♦ Spécificité de la macroéconomie

Certains prétendent que la macroéconomie n’a aucune spécificité. Elle serait simplement composée de petits modèles microéconomiques et, de ce fait, elle constitue en quelque sorte une microéconomie de « seconde zone ». Là encore, la position est trop extrême. En fait, la microéconomie et la macroéconomie n’ont pas réellement le même objet. la microéconomie s’intéresse essentiellement aux conditions qui permettent de faire émerger une situation d’équilibre. A cette fin, elle utilise des hypothèses aussi larges que le permet la puissance de l’appareil mathématique, mais elle est peu soucieuse de la façon dont l’économie atteint cet équilibre, et des moyens d’y revenir si elle en a été écartée. Cette double question constitue précisément l’objet privilégié de la macroéconomie qui s’interroge sur la manière d’obtenir l’équilibre et sur les façons de s’y maintenir. On comprend alors pourquoi les modèles de la macroéconomie sont formellement plus simples que ceux de la microéconomie. De même, on comprend un peu mieux pourquoi les questions auxquelles la macroéconomie entreprend de répondre sont d’une portée plus « locale ».

Pour résumer, on dira que la microéconomie cherche à déterminer les conditions

d’existence d’un équilibre économique, tandis que la macroéconomie étudie localement (au sens mathématique du voisinage de l’équilibre) la stabilité de cette situation.

Il n’est donc pas curieux que le thème fondamental autour duquel tournent les grands

débats en macroéconomie est lié à l’idée de la capacité d’autorégulation du système. Plus spécifiquement, si l’on admet que les controverses en théorie macroéconomique s’articulent autour de l’opposition entre l’école classique ou néoclassique (et ses prolongements monétaristes) et l’école Keynésienne (et ses variantes néokeynésiennes) en matière d’interventionnisme économique de l’Etat, la question fondamentale à laquelle la microéconomie (théorie de l’équilibre général Walrassien) essaye de répondre est justement celle qui a été soulevée par Keynes : est-ce que les économies capitalistes sont capables de se réguler seules (atteindre une situation d’équilibre et s’y maintenir), c’est-à-dire par le biais des mécanismes de marché uniquement, sans recourir à des interventions exogènes, notamment celle des pouvoirs publics ?

Nous tâcherons de montrer dans la deuxième partie de ce cours, consacrée aux

principaux modèles d’analyse macroéconomique, que la rupture que Keynes introduit dans la logique classique, c’est justement une description de l’économie de telle sorte que la réponse apparaisse négative (inaptitude des économies à se réguler sans intervention de l’Etat), même si autant les raisons de cette position que les remèdes préconisés apparaissent incertains dans la «Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie» l’œuvre majeure de J.M. Keynes.

En fait, la publication de ce livre ouvre la voie, non seulement, à une nouvelle

conception du fonctionnement de l’économie, mais elle fonde et légitime l’intervention de l’Etat par le biais des politiques économiques. C’est sous l’emprise de la théorie Keynésienne

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que la théorie et la pratique macroéconomique vont vivre jusqu’à la fin de la décennie 60. Mais l’échec aussi bien théorique que pratique –reconnu de façon quasiment universelle– des modes d’action liés au « Keynésianisme » explique la résurgence, puis le succès, depuis le début des annés 70, de la « Nouvelle Ecole Classique » sous l’impulsion initiale du chef de file des Monétaristes, Milton FRIEDMAN.

La démarche qui sera adoptée dans ce cours (deuxième partie) suivra une ligne à la fois

chronologique et fondée sur le développement de la théorie macroéconomique. En premier lieu, on situera la révolution Keynésienne par rapport aux modèles classiques pré-keynésiens. On expliquera ensuite sur quelle base théorique le succès du Keynésianisme s’est appuyé. En particulier, on montrera que certains points forts de la théorie Keynésienne n’étaient fondés que sur une interprétation partielle de la doctrine classique, et restaient, de ce fait, prisonniers de cette même logique.

En second lieu, on examinera les raisons de l’échec relatif de la théorie Keynésienne et

le renouveau de l’école classique, en donnant quelques éclairages sur le débat –toujours actuel– entre l’école Keynésienne et l’école Monétariste.

Avant d’aborder ces discussions théoriques, et afin de rendre plus aisée la compréhension des modèles classiques et Keynésiens , il nous faudra définir certaines notions de base de la macroéconomie. C’est l’objet de la première partie.

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PREMIERE PARTIE : LES NOTIONS DE BASE DE LA MACROECONOMIE

Chapitre 1 : Les trois temps de la vie économique Les trois temps de la vie économique sont la production des biens et services, la répartition des revenus et la dépense (utilisation des revenus).

1.1. PRODUIRE

Ø Le travail

• La production est d’abord une création du travail humain.

• Il ne suffit pas qu’il y ait du travail pour parler d’activité productive : ne sont considérées comme productives que les activités ayant nécessité le recours à un travail rémunéré. Le système capitaliste, n’accorde pas d’intérêt à la valeur d’usage (ou agrément tiré d’une activité). Seule compte la valeur marchande, c’est-à-dire la quantité de travail rémunérée dépensée pour produire des biens et des services.

• En conséquence, un travail gratuit ou bénévole n’est pas jugé productif. Mais le

travail payé l’est, même s’il ne permet de fournir que des biens ou des services inutiles ou nocifs.

• On appelle donc travailleurs (ou actifs) tous ceux qui exercent ou cherchent à exercer

une activité professionnelle rémunérée. L’ensemble des travailleurs –ainsi définis - forme la population active. Les chômeurs font partie de la population active, car ils cherchent un emploi rémunéré. Le reste de la population du pays fait donc partie des inactifs.

• Dans un pays donné, le niveau de vie de chacun ne dépend pas seulement de

l’efficacité du travail (niveau de formation et usage d’un capital technique plus ou moins perfectionné). Il dépend aussi du rapport actifs/inactifs.

• L’augmentation de la production ne signifie pas progrès et amélioration de la qualité

de la vie des habitants. Cela ne veut dire qu’une chose : la quantité (et l’efficacité) du travail rémunéré se sont accrues dans ce pays.

• Pour produire quoi ? Au bénéfice de qui ? Avec quels coûts sociaux (accidents,

pollutions, conditions de travail, inégalités sociales et pauvreté) ? La mesure de la production ne permet pas de répondre à ces questions.

• Malgré tout, on continue à présenter le rythme de croissance de la production des

pays comme étant le principal critère de mesure de la bonne santé économique. L’indicateur de la production par habitant reste encore un critère déterminant de classement des pays.

Ø Le capital

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• L’homme a besoin d’outils pour accroître l’efficacité du travail. Pour utiliser la terminologie consacrée, il a besoin de moyens de production : ou encore du capital. Cette notion désigne à la fois l’instrument qui permet d’accroître l’efficacité du travail (une pioche ou un ordinateur), une richesse accumulée susceptible d’être mobilisée en cas de besoin (le « capital-pierre », et l’apport de fonds qui ont permis de créer une société (société au capital de …DH).

• Le capital technique est formé des moyens de production durables (machines,

outils,..), des équipements collectifs (infrastructures qui fournissent à la collectivité des services non marchands) et des logements (équipements à longue durée de vie). Dans la comptabilité nationale, on parle de capital fixe, ce qui revient au même.

Il ne faut pas confondre le stock de capital fixe qui est mesuré à une date précise et la formation brute de capital fixe (les investissements bruts) qui est mesurée entre deux dates (du 1er Janvier 2000 au 31 Décembre 2000 par exemple). Dans ce cas, on parle de variable de flux. La formation de capital sert à augmenter le stock de capital existant à un moment donné.

Le capital technique subit une dépréciation due à l’usure et à l’obsolescence. Il doit donc être amorti : c’est-à-dire qu’il faudra dégager des fonds (appelées provisions en langage comptable) pour le remplacer au terme de sa durée de vie. Par ailleurs, contrairement au capital fixe, le capitalcirculant (comme les matières premières) est détruit dans le processus de production.

• Le capital au sens comptable désigne par exemple le capital d’une société anonyme. Il s’agit d’apports en argent ou en nature (brevets, bâtiments, terrains) fournis par les associés pour devenir propriétaires. On parle aussi d’actionnaires en cas d’achats d’actions.

• Le capitalau sens financier peut également désigner toute sorte de placement

d’argent : dépôts bancaires moyennant rémunération, placements à la caisse d’épargne, achats d’actions et/ou d’obligations, etc..Lorsque les promoteurs immobiliers vantent le « capital-pierre », c’est à ce sens financier de capital qu’ils font référence évidemment.

• Le point commun entre toutes ces définitions du capital est que chaque fois le capital

engendre un « plus ». Plus de production avec le capital technique, des bénéfices espérés avec le capital comptable, un intérêt ou une rémunération avec le capital financier. Mais, par eux-mêmes, ni les machines, ni les actions, ni les livrets de caisse d’épargne ne produisent quoique ce soit. Ce sont les hommes qui produisent.

• L’accumulation du capital (celle du capital technique) est devenue le moteur décisif

de la croissance de la production. Pour s’en rendre compte, il suffit de comparer l’évolution de la production (mesurée par le PIB) et celle de la population active.

Ø Le Produit Intérieur Brut (PIB)

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• Le PIB est égal à la somme de toutes les productions effectives au cours d’une période donnée (l’année, par exemple) sur un territoire donné (le Maroc, par exemple) auxquelles il faut enlever les dépenses intermédiaires (ou consommations intermédiaires) nécessaires à ces productions. On parle alors d’une somme de valeurs ajoutées.

• On parle de Produit marchand lorsque la valeur ajoutée est mesurée par la différence

entre le chiffre d’affaires (valeur des ventes) et les achats de produits que l’on façonne ou transforme (appelés souvent consommations intermédiaires).

• La valeur ajoutée ne doit pas être confondue avec le bénéfice. Ce dernier ne

représente qu’une part de la valeur ajoutée : celle qui reste lorsque les frais de production ont été comptabilisés.

• On désigne par produits non marchands les activités ne faisant pas l’objet d’une

vente, mais utilisent pourtant du travail rémunéré. C’est le cas de la plupart des services publics (comme l’enseignement public, la défense nationale,…). La solution retenue pour déterminer la valeur ajoutée de ces activités est de calculer la valeur des salaires versés au personnel qui est chargé de les produire.

• • Le Produit intérieur brut est donc formé de deux éléments : d’une part, tout ce qui

fait l’objet d’une vente, et dont on mesure l’apport productif par la valeur ajoutée (le Produit marchand) ; d’autre part, les services non vendus (produits non marchands) dont on mesure l’apport productif par les rémunérations versées au personnel.

1.2. RÉPARTIR

• Avant de découper le gâteau du produit intérieur brut, il faut enlever les revenus versés à l’étranger (bénéfices rapatriés, investissements à l’étranger, envois de travailleurs immigrés) et ajouter les revenus versés par l’étranger (achats d’immeubles ou d’entreprises, envois des résidents à l’étranger,..). Le reste du gâteau doit être réparti en quatre grandes parts.

• 1) Les revenus des facteurs : les revenus du travail (rémunération d’un apport de

travail :salaires, honoraires,..) et les revenus du capital (rémunération d’un apport de patrimoine : intérêts, dividendes, loyers,…).

§ Les salaires sont répartis entre salaires directs ou nets des cotisations sociales

(versements aux organismes de sécurité sociale et aux caisses de retraite,..) et les salaires indirects c’est-à-dire les prestations sociales ou les revenus de transfert comme les allocations familiales, les pensions,..).

§ Les revenus des travailleurs indépendants : il s’agit des revenus non salariaux

provenant de la vente de biens et ou de services. C’est le cas des professions libérales, des artisans, des petits commerçants, etc..

§ Les salaires et les revenus des travailleurs indépendants rémunèrent un travail. Les autres revenus des facteurs rémunèrent alors les propriétaires d’un capital :

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les revus capitalistes. Mais il y a une différence entre les dividendes versés aux actionnaires et les intérêts versés aux détenteurs d’un livret de caisse d’épargne.

§ Les revenus de transferts et les impôts payés par les particuliers entraînent une

redistribution des revenus qui modifie la répartition initiale des revenus des facteurs.

§ L’efficacité du système de redistribution dépend de la logique qui prévaut en

matière de prélèvement des cotisations et de versement des prestations sociales. Il y a une logique d’assurance et une logique de solidarité. Dans la première conception, chacun paye proportionnellement aux risques encourus. Dans la seconde (la solidarité), chacun paye en fonction de ses capacités contributives et reçoit en fonction de ses besoins.

• 2) Les impôts prélevés sur la production : il s’agit de la partie des impôts payée au

stade de la production (déduction faite des subventions d’Etat versées aux entreprises). Ces impôts sont destinés à faire fonctionner les services non marchands qui sont des charges collectives (à l’exception des dépenses de personnel qui sont comptées dans les revenus des facteurs).

• 3) Les amortissements : cette troisième part est destinée à compenser l’usure du

capital technique (moyens de production ou équipements collectifs). Une grandeur chiffrée avant amortissement est souvent appelée brute. Après amortissement, elle est appelée nette. Ainsi, le produit intérieur brut (PIB) comprend les amortissements. Un fois ceux-ci déduits, on parle du produit intérieur net qu’on appelle souvent aussi revenu national.

• 4) L’accumulation nette de capital (ou investissements nets): c’est la dernière partie du gâteau national (et la plus petite) Il s’agit de la fraction du bénéfice qui n’est pas distribuée par les entreprises aux propriétaires. Elle est utilisée pour accumuler du capital nouveau. Alors que l’amortissement sert à compenser l’usure du capital existant, à maintenir le stock inchangé, cette dernière part permet de l’accroître.

L’accumulation nette du capital est un facteur vital de survie pour les entreprises. C’est le gage de la survie, de la durée et de la réussite.

L’amortissement et l’accumulation nette de capital mesurent la capacité de financement des investissements par ceux qui les réalisent. C’est ce que l’on appelle souvent l’autofinancement : la part des investissements qui est financé sans recours à l'’emprunt ou à des apports extérieurs d’argent (augmentations du capital comptable, subventions).

1.3. DÉPENSER

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En simplifiant, on peut dire que les ménages consomment, les administrations « administrent » (les services non marchands) et les entreprises investissent (accumulent du capital).

1) La consommation des ménages : elle désigne l’ensemble des biens et services acquis par les ménages pour satisfaire leurs besoins. (Voir les enquêtes sur la consommation des ménages pour voir l’évolution de la structure de cette consommation et analyser les inégalités entre les différentes franges de la population).

• Les logements achetés par les ménages ne sont pas considérés comme une

consommation, en raison de leur longue durée de vie. Ils sont donc assimilés à un investissement (acquisition de capital fixe).

• L’épargne est ce qui reste du revenu, une fois ôtées les sommes destinées à la consommation et à l’acquisition des logements.

• Les ménages qui épargnent disposent d’une capacité de financement .Ils l’utilisent

pour prêter à d’autres agents économiques (les entreprises, l’Etat) qui ont des besoins de financement . Ces prêts constituent, par exemple, des placements en achats d’actions émises par les entreprises, ou des souscriptions de bons du Trésor, d’obligations).

2) Les dépenses publiques : les différents impôts et taxes versées à l’Etat servent à financer des charges collectives, c’est-à-dire des dépenses publiques. L’Etat utilise ces ressources pour produire des services non marchands. Il s’agit de services mis gratuitement (ou moyennant une participation minime des usagers) à la disposition de la population : la justice, la police, l’éclairage public, la défense nationale, l’enseignement public,…Ces services sont aussi appelés consommations collectives.

• Les consommations collectives échappent à la logique marchande : ceux qui payent

ne sont pas forcément ceux qui reçoivent. Une redistribution en nature s’opère entre payeurs et bénéficiaires. L’existence de ce conflit entre des intérêts opposés montre que l’ampleur des consommations collectives est un choix de société.

3) L’investissement : Les dépenses sont absorbées essentiellement par la consommation. Le reste est réservé aux investissements, c’est-à-dire (comme on l’a vu) à l’acquisition de capital technique destiné à accroître l’efficacité du travail. Pour désigner les investissements destinés à la production marchande, on utilise parfois le terme d’investissements productifs.

• L’investissement regroupe l’accumulation de capital productif, les acquisitions de

logements par les ménages et les acquisitions d’équipements collectifs par l’Etat.

• L’investissement brut (appelé encore formation brute de capital fixe) se compose de l’investissement net (accumulation nette de capital) et des amortissements (remplacement de l’équipement usé ou obsolète).

• Cet investissement est financé soit par des ressources propres appelées

autofinancement (amortissement+ressources non distribuées), soit par des emprunts (directement auprès du public, ou auprès des intermédiaires financiers

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qui collectent l’épargne des ménages). Mais les entreprises peuvent également inciter les actionnaires à augmenter le capital (comptable).

• La formation brute de capital fixe (investissement brut) est une grandeur clé de

l’économie d’un pays. Plus elle représente une part importante du PIB, plus le rythme de croissance économique sera élevé. La croissance économique dépend, pour l’essentiel, de l’accumulation de capital technique.

Chapitre 2 : Notions de comptabilité nationale

Nous prendrons l’exemple d’une économie simple produisant un seul bien final, c’est-à-dire n’entrant pas dans la production d’autres biens, et trois biens intermédiaires (utilisés dans la fabrication du bien final) pour montrer les trois méthodes de calcul du PIB. Cet exemple nous servira aussi pour illustrer les autres principales définitions comptables.

2.1. LES TROIS METHODES DE CALCUL DU PRODUIT INTERIEUR BRUT (PIB)

• 1) Le Produit Intérieur Brut (PIB) = Somme des valeurs ajoutées des

différentes activités (voir la définition du chap 1).

• 2) Le Produit Intérieur Brut (PIB) ≡ Somme des revenus distribués dans l’économie.

• 3) Le Produit Intérieur Brut (PIB) ≡ Somme des dépenses finales

2.2. NOTION DE COMPTES NATIONAUX (exemple d’un pays fictif)

Pour simplifier, la comptabilité nationale du pays a été établie pour quatre types d’agents : Les entreprises, les ménages, l’Etat et le reste du monde. Les flux de transactions courantes (ou réelles) pour une année donnée sont enregistrés sur des comptes débit- crédit. (illustration de la notion de comptabilité à partie double).

Chacun de ces comptes est équilibré à l’aide d’un flux résiduel qui constitue l’épargne de l’agent, à savoir la différence entre ses recettes et ses dépenses courantes. A ces quatre comptes s’ajoute un cinquième appelé compte d’accumulation. A son débit, on trouve l’investissement du pays (total des dépenses d’investissement des entreprises, des particuliers et de l’Etat). A son crédit, apparaissent les différentes épargnes assurant le financement de cet investissement.

2.3. LE TABLEAU (OU MATRICE) DE COMPTABILITE NATIONALE)

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Les cinq comptes sont synthétisés sous une forme compacte d’un tableau carré à double entrée, appelé tableau ou matrice de comptabilité nationale. Les lignes du tableau donnent les flux de recettes (crédit) de chacun des cinq comptes. Les colonnes donnent les flux de dépenses, y compris les flux d’épargne (débit). Le total de chacune des lignes est identique à celui de la colonne correspondante. L’examen de ce tableau permettra de répondre à un grand nombre de questions relatives à la manière de traiter certaines transactions spécifiques et à la signification exacte de certains flux. Ce tableau permettra également de déduire les principales identités comptables portant sur les transactions réelles.

2.4. L’IDENTITE DES RESSOURCES ET DES UTILISATIONS DE PRODUITS (Y+M ≡ C+G+I+E)

Nous démontrerons à partir du tableau l’identité comptable fondamentale suivante : l’identité des ressources et des utilisations de produits au niveau de la nation est exprimée par :

Y+M ≡C+G+I+E Les ressources sont égales à la somme du PIB au prix du marché (Y) et des importations de biens et services non facteurs au prix CAF (M). Le membre de droite donne les utilisations finales de ces mêmes produits, qu’elles soient internes (Consommation privée notée C, Consommation publique (G) et Investissement brut (I))ou externes (Exportations de biens et services non facteurs au prix franco de bord (E)).

2.5. L’IDENTITE DE L’INVESTISSEMENT ET DE L’EPARGNE (I≡S) Une autre manière d’exprimer l’équilibre comptable de la sphère réelle est de d’utiliser l’identité du compte d’accumulation (tiré du tableau).

I ≡ SE+SM+SG+SR L’investissement brut (I) est identique à l’épargne nationale notée S (qui est la somme des épargnes réalisées par les entreprises (SE), les ménages (SM) et l’Etat (SG)) à laquelle on ajoute l’épargne étrangère (SR).

2.6. L’IDENTITE DES DEFICITS INTERNE ET EXTERNE On appelle déficit externe le déficit commercial du pays, à savoir la différence entre les importations et les exportations de biens et services non facteurs ou M–E. Alors, il est facile de montrer que:

M–E ≡ (C+G+I)–Y L’excédent de la demande finale intérieure (C+G+I) par rapport au PIB Y qu’on trouve dans le membre de droite est appelé déficit interne. La relation ci-dessus établit donc

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clairement l’identité de deux déficits : si on importe plus qu’on exporte, c’est que notre utilisation intérieure de produits est supérieure à notre production. La demande finale intérieure (C+G+I) est aussi appelée Absorption. Il en résulte qu’en d’autres termes, on peut dire que le déficit externe est identique au déficit interne qui est lui-même l’excédent de l’Absorption par rapport au produit intérieur brut.

M–E ≡ A–Y En définissant l’épargne intérieure SI comme la différence entre le PIB et le total de la consommation courante C (consommation privée et publique), soit : SI= Y– C –G, nous obtenons :

M–E ≡ I–SI Le déficit externe est identique au déficit interne exprimé ici comme l’insuffisance d’épargne intérieure par rapport à l’investissement brut. Le déficit ainsi défini (M–E, A–Y, I–SI) est fréquemment appelé ,dans les publications internationales, déficit de ressources de la nation. Si ce déficit est fréquent, il est dit que le pays souffre d’un problème d’ajustement structurel, car il utilise régulièrement plus de biens et services qu’il n’en produit. Notons que l’épargne nationale est l’épargne intérieure augmentée des transferts courants nets en provenance du Reste du monde, et diminuée des paiements nets au reste du monde de revenus de facteurs et d’intérêts sur la dette de l’Etat.

2.7. QUELQUES INDICATEURS MACROECONOMIQUES OU RATIOS (de la sphère réelle)

Les principaux ratios qui seront calculés et analysés sont :

• Le taux d’investissement : rapport de l’Investissement brut et du PIB • Le taux d’épargne intérieure : rapport de l’épargne intérieure et du PIB • Le taux de déficit commercial « déficit de ressources » : rapport de la différence

Importations –Exportations et du PIB • Le degré d’ouverture de l’économie : [(importations +exportations)/2]/ PIB • Le taux de pression fiscale : rapport impôts directs et indirects et du PIB.

2.8. BREVE PRESENTATION DES PRINCIPAUX AGREGATS DES COMPTES NATIONAUX MAROCAINS

Quelques comptes nationaux Marocains seront présentés et analysés en tant qu’applications du cours.

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DEUXIEME PARTIE : LES PRINCIPAUX MODELES D’ANALYSE MACROECONOMIQUE (PRESENTATION SOMMAIRE) Chapitre 1 : Le modèle d’analyse classique (ou néoclassique)

1.1. FONDEMENTS DE L’ANALYSE CLASSIQUE Le modèle classique a pour fondement essentiel deux idées qui se retrouvent tout au long de sa démarche. Ø La première idée s’interprète par référence à la théorie microéconomique de l’équilibre

général : fondamentalement, elle affirme qu’il existe des mécanismes auto- correcteurs (les mécanismes de prix) qui agissent, de façon spontanée et automatique, pour conduire les économies de marché vers le plein emploi. En cas de perturbation exogène –écartant ces économies du plein emploi– ces mécanismes de marché interviennent pour les ramener à cet état.

Ainsi, en premier lieu, on constate d’abord que dans la théorie classique, l’analyse

privilégie le marché du travail, en ce sens que l’équilibre économique est d’abord défini comme un état où l’offre excédentaire de travail est nul : c’est-à-dire le niveau du chômage involontaire est égal à 0 (tous les travailleurs qui veulent travailler au taux de salaire du marché sont embauchés).

En second lieu, on remarque qu’une grande confiance est accordée aux mécanismes de

marché, soit pour atteindre une situation d’équilibre, soit pour retourner à cette situation, en cas de dérèglement. Il n’est donc pas étonnant que l’argumentation classique met l’accent sur les mécanismes de prix en tant que mécanismes de rééquilibrage automatique et plus particulièrement sur deux d’entre eux : le mécanisme du taux d’intérêt et celui relatif à l’effet d’encaisses réelles.

Il y a lieu de souligner que le cadre naturel de l’étude du modèle classique –tel qu’abordé

dans ce chapitre– est celui de l’information parfaite, dans un monde dénué d’incertitude. Si on intègre dans la logique classique les phénomènes d’incertitude et d’erreurs possibles des agents relatives à leurs prévisions, alors les conclusions classiques ne sont plus aussi évidentes. C’est une notion que Keynes avait bien perçue. Sa spécificité est justement d’avoir introduit l’incertitude dans la théorie économique dominante. Les Néoclassiques modernes ont récupéré cette idée pour l’intégrer dans des modèles classiques. Mais ils aboutissent à des résultats diamétralement opposés à ceux des Keynésiens. C’est ce qu’on appelle la théorie dite des anticipations rationnelles. Ø La deuxième idée autour de laquelle s’articule le modèle classique est que les économies

de marché évoluent dans un monde essentiellement stable. Les perturbations qui déséquilibrent ponctuellement leur fonctionnement (récession,chômage,…) sont à la fois rares et prévisibles.

Ainsi, en combinant la première idée –définie plus haut– et cette seconde idée, on aboutit à

un résultat majeur de la logique classique : les économies de marché sont essentiellement stables et les mécanismes auto-régulateurs sont capables de les maintenir perpétuellement au niveau du plein emploi.

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L’analyse classique s’appuie sur une approche par marchés. Sur chacun d’eux, le

raisonnement est le même : une offre et une demande sont confrontées et s’ajustent l’une à l’autre par des mécanismes de prix. Ces marchés sont eux-mêmes interdépendants, débouchant sur une situation d’équilibre général. Voyons donc comment se déroule l’enchaînement logique de cette analyse.

1.2. UN ESSAI DE SYNTHESE DE L’ANALYSE CLASSIQUE

1.2.1.Détermination du niveau de l’emploi sur le marché du travail

Le point de départ de l’analyse a trait à l’utilisation des facteurs de production. Pour ce qui est de la capacité de production (le facteur capital), dans un premier temps, elle sera considérée comme une donnée. L’emploi résulte ainsi des seuls mécanismes d’ajustement du marché du travail. Sur ce marché l’offre de travail –ou plus précisément l’offre de force de travail– de la part des salariés (dans les petites annonces, on parle de demandes d’emploi) dépend de deux facteurs : la population active disponible (supposée donnée à court terme), et, ce que les classiques appellent la « désutilité du travail ». Ce concept renvoie simplement à une vérité psychologique triviale, à savoir que l’on ne travaille pas pour le plaisir. Les travailleurs sont donc incités à comparer l’effort demandé au gain réel qu’ils en retirent : évalué par la quantité de produit qu’ils peuvent obtenir en échange de leur travail. Ainsi, l’offre de travail est une fonction croissante du salaire réel , mesuré par le pouvoir d’achat de l’heure de travail en termes de biens et de services pouvant être acquis.

De son côté, la demande de travail par les entreprises (c’est-à-dire les offres d’emploi,

dans le langage des petites annonces) dépend de la comparaison par les producteurs –cherchant à maximiser leur profit– de ce que l’utilisation d’une unité supplémentaire de travail leur coûte et leur rapporte. Ce rapport est défini par le concept de productivité marginale du travail (voir cours de microéconomie). Cette productivité est décroissante en raison d’un postulat fondamental de la théorie classique : la loi des rendements décroissants. Cette loi a été formulée pour la première fois par RICARDO à propos de la production agricole : si la quantité de facteur travail augmente progressivement sans variation de la surface à cultiver, la production obtenue tend à croître moins que proportionnellement à la quantité de travail employé. Notons que malgré l’essor de l’industrie et des services, cette loi est restée un dogme de la pensée classique. Elle n’a jamais été remise en cause par Keynes lui-même, qui a pourtant consacré son œuvre à la critique de l’analyse classique. Ainsi, à l’équilibre du producteur, le salaire réel doit être égal à la productivité marginale du travail. Les entreprises ne vont pas rémunérer les travailleurs au delà de leur productivité marginale. Sachant que la productivité marginale du travail est décroissante, l’emploi ne peut donc augmenter de leur part que si le salaire réel effectivement versé s’abaisse. Par conséquent, la demande de travail est une fonction décroissante du salaire réel. L’équilibre du marché du travail est obtenu ainsi au point de rencontre de l’offre et de la demande de travail pour un taux de salaire réel qui égalise la « désutilité » du travail et sa productivité marginale. Il faut garder à l’esprit qu’il s’agit d’un équilibre de plein emploi. Cela signifie que tous les travailleurs qui cherchent un emploi rémunéré au taux de salaire en vigueur sont embauchés. Ainsi, s’il subsistait du chômage (offre excédentaire de travail), il ne peut être que volontaire. En effet, pour que les entreprises soient incitées à résorber ce chômage, il suffit que les salariés acceptent une baisse des salaires réels, compte tenu de la loi des rendements

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décroissants. Le chômage ne peut donc provenir que du refus des salariés de travailler à des niveaux de salaires réels plus bas. C’est à ce titre que ce chômage est qualifié de volontaire. La flexibilité du taux de salaire réel suffit donc à assurer le plein emploi qui dépend uniquement des mécanismes d’ajustement du marché du travail. Il reste à se demander si cette production, correspondant au plein emploi des facteurs de production, peut être entièrement écoulée. C’est ici qu’intervient la « loi des débouchés ».

1.2.2.La loi des débouchés

La loi des débouchés a été présentée pour la première fois par Jean-Baptiste SAY en 1803 dans son Traité d’économie politique. Elle est restée, depuis lors, au centre de la théorie classique. Elle se résume par la formule célèbre : « l’offre crée sa propre demande ». Elle signifie simplement qu’on peut toujours écouler un niveau quelconque de production. L’idée sous-jacente est que la production de biens et services engendre la création de revenus qui serviront à acheter ces produits. En effet, la valeur finale de la production (PIB en valeur= somme des valeurs ajoutées) est identique au coût des facteurs employés, majoré du profit de l’entreprise (2ème méthode de calcul du PIB= somme des revenus distribués).

En outre, l’emploi de ressources inutilisées, en augmentant le flux circulaire de revenu

et de production, accroît simultanément, et d’un montant identique, l’offre et la demande. La loi de SAY présente ainsi une vision particulièrement optimiste d’une économie de libre-échange, sans aucune limite à son expansion.

Une fois cette question des débouchés réglée, la théorie classique s’attache à montrer

comment la production se répartit entre consommation et investissement à travers les variations du taux d’intérêt comme mécanisme d’ajustement du marché du capital.

1.2.3. Le taux d’intérêt et le partage de la production entre consommation et investissement

L’analyse du marché du capital (ou marché des fonds prêtables)est analogue à celle du marché du travail. En effet, sur ce marché, nous avons d’abord une offre de capital ou de « biens capitaux » (au sens financier) correspondant à l’épargne des particuliers. Celle-ci est considérée comme une renonciation à consommer. Le raisonnement est simple : à partir d’un volume donné de production, il n’est, en effet, possible d’en réserver une partie à l’investissement –destiné à l’accroissement de la capacité de production– que si les revenus perçus ne sont pas intégralement consacrés aux dépenses de consommation. Pour les classiques, cette consommation dépend de la « préférence pour le temps ». Ce concept est proposé pour rendre compte de la « préférence pour le présent » ou, ce qui revient au même, de la « dépréciation du futur ». Cette dépréciation est d’autant plus ressentie que l’effort d’épargne (véritable abstinence) s’accroît. Pour compenser ce coût psychologique de renonciation temporaire à consommer, l’épargnant s’attend à percevoir une rémunération sous la forme d’intérêts. Le taux d’intérêt réel détermine ainsi le supplément de revenu (en terme de produit) à recevoir dans le futur en contrepartie de l’épargne. Par conséquent, pour la théorie classique, l’offre de biens capitaux (épargne) est une fonction croissante du taux d’intérêt réel. Quant à la demande de capital ou de « biens capitaux », émanant des entreprises, elle est assimilée à l’investissement. En toute rigueur, il s’agit de la demande de fonds qui serviront à financer les investissements. Là encore le comportement de l’entreprise –cherchant à

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maximiser son profit– consiste à comparer le coût de l’utilisation d’une unité supplémentaire de capital (le taux d’intérêt réel) et son rendement, c’est-à-dire la productivité marginale du capital. Comme cette productivité est décroissante en raison du postulat des rendements décroissants, les entreprises ne seront incitées à accroître leurs investissements (à augmenter la demande de capital) que si le taux d’intérêt réel baisse. La demande de biens capitaux est donc une fonction décroissante du taux d’intérêt réel. L’équilibre du marché du capital est obtenu au point de rencontre de l’offre et de la demande de capital, pour un taux d’intérêt réel qui égalise le « taux de préférence pour le temps » et la productivité marginale du capital. L’égalité de l’épargne et de l’investissement est alors toujours vérifiée, et la consommation est déterminée par différence avec le revenu global. Tel le rôle assigné au taux d’intérêt dans le partage de la production entre consommation et investissement. Il nous reste à montrer comment les équilibres partiels des offres et des demandes s’établissent sur chaque marché particulier des biens et services.

1.2.4.La loi de l’offre et de la demande

La loi de l’offre et de la demande est sans doute la mieux connue de la pensée classique. L’équilibre s’établit par ajustement des prix relatifs, autrement dit des prix comparés les uns par rapport aux autres. Le cours de microéconomie nous enseigne que la demande d’un bien découle de la comparaison entre son « utilité marginale » (productivité marginale pour un bien de production) qui décroît lorsque sa consommation (son utilisation) augmente, et son prix relatif qui mesure le coût de renonciation à consommer d’autres biens ou « coût d’opportunité ». La demande est ainsi une fonction décroissante du prix. Pour sa part, l’offre résulte de la comparaison entre le « coût marginal de production » –qui augmente avec la quantité produite, compte tenu de la loi des rendements décroissants– et le prix relatif (coût d’opportunité à produire d’autres biens). L’offre est donc une fonction croissante du prix.

Ainsi, l’équilibre de chaque marché s’établit au niveau de prix relatif qui égalise chacune des offres et chacune des demandes particulières. Notons que dans le secteur réel de l’économie, c’est-à-dire abstraction faite des flux monétaires, une situation d’équilibre général est ainsi complètement déterminée. Cependant, pour passer des prix relatifs aux prix nominaux, il devient indispensable d’introduire explicitement la monnaie dans l’analyse. C’est ce que font les économistes classiques par l’intermédiaire de la célèbre « théorie quantitative de la monnaie ».

1.2.5. La théorie quantitative de la monnaie

Pour les classiques, la monnaie n’est qu’un « voile », c’est-à-dire qu’elle n’a que deux fonctions : servir d’unité de compte des valeurs (numéraire) et d’intermédiaire des échanges (par rupture du troc). A ce titre, la monnaie l’objet d’une demande sous la forme d’encaisses. Face à cette demande, l’offre de monnaie est émise par le système bancaire. Dans un premier temps, cette offre est supposée exogène (politique discrétionnaire).

L’équilibre sur le marché de la monnaie est obtenu là aussi par un ajustement des mécanismes de prix. Toutefois, comme par définition, le prix d’une unité de monnaie est égal à 1 du fait de sa fonction de numéraire, la seule manière d’apprécier sa valeur relative est de

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prendre l’ensemble des prix des autres biens en référence, soit 1/P où P est un indice qui mesure le « niveau général des prix ». Ainsi, en cas de surabondance de liquidités, c’est-à-dire lorsque l’offre de monnaie excède la demande d’encaisses, les agents économiques chercheront à se débarrasser de la quantité de monnaie excédentaire. Ils ne peuvent le faire qu’en achetant des biens et services, ce qui entraîne une augmentation du niveau général des prix. Il s’en suit que la monnaie a perdu de sa valeur. L’équilibre est retrouvé lorsque les encaisses réelles (en valeur réelle ou mesurées par leur pouvoir d’achat) sont suffisamment dévalorisées –du fait de la hausse des prix– pour correspondre précisément au besoin accru de monnaie résultant des transactions à effectuer à des prix nominaux plus élevés. Telle est l’essence de la théorie quantitative qui fait dépendre la valeur de la monnaie, et partant l’ensemble des prix nominaux de la seule confrontation de l’offre et de la demande d’encaisses. Le niveau général des prix ainsi déterminé joue le rôle d’un « coefficient mutiplicatif » permettant de passer de l’ensemble des prix réels et relatifs aux prix nominaux. Ainsi, si on suppose que la demande d’encaisses est relativement stable –ce que les classiques traduisent en parlant de « vitesse de circulation de la monnaie » constante–, le système bancaire apparaît comme seul responsable du taux d’inflation en tant qu’offreur de monnaie. Mais, à l’époque de Keynes, la théorie classique orthodoxe affirmait que le risque inflationniste (lié à une politique monétaire expansionniste) peut être neutralisé par les mécanismes autostabilisateurs de l’étalon-or découlant des échanges avec l’extérieur.

1.2.6. Les mécanismes autostabilisateurs de l’étalon-or Le mécanisme est le suivant : l’offre de monnaie est proportionnée aux réserves en or de la banque centrale. Le solde des échanges internationaux est lui-même réglé en or. Ainsi, un pays dont le solde des transactions est déficitaire avec l’étranger (il achète plus qu’il ne vend à l’étranger) perd de l’or. Il s’ensuit une réduction de l’offre de monnaie qui entraîne une baisse du niveau général des prix nationaux (en vertu de la théorie quantitative de la monnaie). Ce qui induit à son tour une relance des ventes (exportations) et une réduction des achats à l’extérieur, d’où un rétablissement de l’équilibre des échanges internationaux. Le même processus de rééquilibrage s’applique en cas de solde excédentaire avec l’extérieur. En effet, dans ce cas, on assiste à un afflux de l’or qui se traduit par un accroissement de l’offre de monnaie. Il en résulte une hausse du niveau général des prix intérieurs, conduisant à une baisse des ventes et un accroissement des achats à l’étranger : c’est-à-dire un retour à l’équilibre des échanges extérieurs. Là aussi on retrouve la quintessence de la pensée classique, à savoir l’existence de mécanismes autorégulateurs du système d’économie libérale. Aussi, dans les années vingt la notion centrale de la pensée classique était celle d’équilibre automatique :

ü équilibre automatique du marché du travail au niveau du plein emploi par les ajustements du taux de salaire réel ;

ü équilibre automatique de l’épargne et de l’investissement par les ajustements du taux d’intérêt réel ;

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ü équilibre automatique des marchés des biens et services par les ajustements des prix relatifs ;

ü équilibre automatique des échanges extérieurs par les ajustements du niveau général des prix (étalon-or).

Les économistes contemporains de Keynes ont été tellement fascinés par cette analyse

séduisante qu’ils ont été incapables d’expliquer les fondements de la sévère crise économique de l’entre–deux –guerres. Au lieu de remettre en question leur modèle théorique d’interprétation, ils se sont contentés de décrire les dysfonctionnements du système d’économie de marché. Autrement dit, si la théorie n’explique pas les faits, au lieu de revoir la théorie –qui leur semblait si solide–, ils se sont tournés vers des études institutionnelles pour tenter de mettre en évidence les imperfections du système. De ce fait, les cycles économiques sont considérés par l’approche classique comme de simples dérèglements temporaires du système, mais dont la durée dépend de la rapidité d’action des mécanismes autorégulateurs sur les différents marchés.

Le succès fulgurant qu’a connue l’approche Keynésienne vient justement du fait que,

pour la première fois, au lieu de se contenter de vagues explications conjoncturelles, on s’attaque directement à la théorie classique qui représentait le discours dominant. A cet égard, il y a lieu de souligner que la conjoncture morose des années 30 (récession prolongée lors de la crise de 1929) a certes confirmé aux yeux de Keynes le bien-fondé de sa tentative de remise en cause de la théorie classique. C’est, en fait, le chômage permanent que n’a cessé de connaître le Royaume-Uni depuis la fin de la guerre, qui est à l’origine de sa démarche. En effet, c’est pour répondre aux explications de PIGOU –un des principaux représentants de l’école classique– que Keynes a rédigé son œuvre maîtresse : la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie.

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Chapitre 2 : Le modèle Keynésien Fondamentalement, ce qui différencie l’analyse Keynésienne de l’analyse classique, c’est le cadre conceptuel de référence: en effet, il ne s’agit plus d’expliquer un état d’équilibre de la production et de l’emploi, mais de mettre en évidence les facteurs explicatifs de leur variation, en courte période. On abandonne donc un raisonnement en termes de marchés, au profit d’une analyse en termes de fonctions macroéconomiques s’enchaînant les unes aux autres : les fonctions de consommation, d’investissement et de demande de monnaie. Le résultat final est la contestation de l’existence de mécanismes automatiques de régulation de l’activité économique. Ce qui justifie la nécessité d’une intervention de l’Etat pour corriger les déséquilibres permanents dont le sous-emploi ou le chômage.

2.1. LE PRINCIPE DE LA DEMANDE EFFECTIVE Schématiquement (voir organigramme), le raisonnement de Keynes s’appuie d’abord sur l’idée essentielle que les entrepreneurs décident de mettre en œuvre un certain volume de production, nécessitant par suite un certain niveau d’emloi. Mais, contrairement à la démarche classique, ce volume de production et d’emploi n’ont aucune raison de correspondre, a priori, au plein emploi des facteurs de production disponibles (remise en question de la loi des débouchés de SAY). Ainsi, selon la Théorie générale, les entrepreneurs ne choisissent de réaliser qu’un volume de production correspondant à leurs prévisions de ventes (leurs débouchés). Certes, les revenus distribués dans l’économie sont égaux à la valeur de la production, mais ils ne sont pas nécessairement dépensés en achats de biens de consommation (Consommation) ou de biens d’investissement (investissement). Les entrepreneurs fondent leurs prévisions, non pas sur la demande potentielle censée correspondre aux revenus distribués, mais sur la demande effective des agents économiques. Celle-ci résulte des comportements concrets de ces agents. C’est pourquoi l’objet central de la Théorie générale est d’expliquer les déterminants des deux composantes de la demande effective : la demande de consommation et la demande d’investissement. Au niveau du schéma, on voit que la demande de consommation dépend uniquement du niveau du revenu, par application de ce que Keynes appelle la propension à consommer. Nous obtenons ainsi « la fonction de consommation ». C’est là que Keynes se démarque sensiblement de la démarche classique. Le taux d’intérêt ne joue plus un rôle direct dans le partage du revenu entre consommation et épargne. C’est du niveau du revenu lui-même que résulte ce partage. Keynes justifie cette fonction de consommation par ce qu’il appelle « la loi psychologique fondamentale » : lorsque le revenu croît, la consommation croît aussi, mais dans une moindre mesure.

Il s’en suit que si les entrepreneurs accroissent le volume de la production –et donc du

revenu global distribué– , ils ne peuvent espérer en récupérer qu’une part décroissante du fait de la dépense des consommateurs. Pour que la demande effective puisse absorber la totalité de la production, il est nécessaire que les dépenses d’investissement viennent combler l’écart entre

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l’offre globale et les dépenses de consommation. Or, dans la logique Keynésienne, aucune force automatique ne permet d’assurer que ce processus s’accomplisse. En effet, contrairement à l’approche classique, l’investissement ne résulte pas des comportements d’épargne , ce qui assurerait, par différence, qu’il puisse absorber la part non consommée de la production. Il est déterminé, au travers d’un fonction d’investissement, par la comparaison du taux d’intérêt des emprunts et du rendement du capital investi ou « efficacité marginale du capital ». Or, ni l’un ni l’autre ne sont directement reliés au niveau du revenu. L’efficacité marginale du capital est considérée comme une variable exogène (indépendante). Pour sa part, le taux d’intérêt résulte de la confrontation de l’offre et de la demande de monnaie. A cet égard, il y a lieu de souligner que l’introduction de la demande de monnaie (pour des motifs de spéculation) est une novation fondamentale de la pensée Keynésienne par la prise en considération de l’incertitude dans sa détermination (voir plus loin l’examen de la demande de monnaie). Par conséquent, on ne peut plus affirmer que la demande d’investissement peut combler l’écart entre l’offre globale et la consommation, en assurant un débouché pour n’importe quel volume de production. C’est, au contraire, cette demande , conjointement avec la propension à consommer, qui détermine le niveau de la demande effective. C’est donc en fonction de ces débouchés que les entrepreneurs choisissent un niveau de production et d’emploi correspondant. En définitive, Les variations du niveau d’activité ne sont déterminées –à court-terme– en dernière analyse, que par les variations de l’investissement. On retrouve ici la signification profonde du processus dit du « multiplicateur Keynésien d’investissement ». Le schéma explicatif du multiplicateur est simple : Les variations de l’investissement induisent des variations du revenu qui, en vertu de la propension à consommer, entraînent une hausse de la consommation. En cas de capacités de production inutilisées, cette demande supplémenatire de consommation sera satisfaite par une hausse de la production et donc des revenus, et ainsi de suite. Notons que les variations du revenu, grâce à la propension à épargner, permettent de constituer une épargne d’un montant égal à l’investissement initial. Nous retrouvons l’égalité entre l’investissement et l’épargne.

2.2. LA FONCTION DE CONSOMMATION Nous nous contenterons de spécifier une fonction de consommation standard où les dépenses de consommation C sont une fonction linéaire du revenu Y:

C = C0 + c Y

Avec C0 > 0 et 0 < c < 1

Le coefficient c égal à dC/dY est appelé propension marginale à consommer. Elle signifie l’augmentation de la consommation provenant d’une augmentation du revenu de 1 DH. Le rapport C/Y définit la propension moyenne à consommer.

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Sachant que l’épargne S est égale à la partie du revenu qui n’est pas consommée, nous avons l’équation : S ≡ Y – C. En remplaçant C par sa valeur, nous avons la fonction d’épargne:

S = – C0 + (1–c) Y Où s = 1– c désigne la propension marginale à épargner.

2.3. LA FONCTION DE DEMANDE DE MONNAIE On commence par souligner que la demande de monnaie est une demande d’encaisses réelles, car les agents économiques ne s’intéressent à la monnaie que pour son pouvoir d’achat. Plus le niveau général des prix est élevé, plus l’encaisse nominale qu’un agent doit détenir pour acheter la même quantité de biens et services est grande. Nous retenons la formulation classique où la demande réelle de monnaie dépend du revenu et du taux d’intérêt. Les agents économiques détiennent de la monnaie pour payer leurs dépenses, qui dépendent, elles, de leurs revenus. La monnaie est donc demandée pour des motifs de transactionet de précaution.

L’analyse Keynésienne assigne une nouvelle fonction à la demande de monnaie : une fonction de réserve de valeur où la monnaie est demandée pour un motif de spéculation. Ainsi, la demande de monnaie dépendra également du taux d’intérêt. Si celui-ci était de 1% seulement, il y aurait peu de différence entre détenir de la monnaie ou des bons du Trésor par exemple. C’est ici qu’intervient la notion de préférence pour la liquidité. Mais si le taux d’intérêt était de 10%, nous serions stimulés pour ne pas détenir plus de monnaie qu’il n’en faut pour payer nos dépenses quotidiennes. Comme la monnaie est un actif qui ne rapporte aucun intérêt, détenir de la monnaie revient à renoncer à un intérêt qu’on pourrait obtenir en détenant d’autres actifs. C’est cet intérêt qui est considéré comme coût de détention de la monnaie (ou coût d’opportunité). Plus le taux d’intérêt est élevé, plus ce coût est élevé, et, par conséquent, moins un agent économique cherche à détenir de monnaie.

C’est ici qu’intervient la notion d’incertitude qui est un des principaux apports de

l’analyse Keynésienne : en raison du caractère incertain de l’évolution future des taux d’intérêt, les « spéculateurs » peuvent espérer réaliser des profits grâce à une connaissance de l’avenir présumée meilleure que celle dont fait preuve l’opinion générale du marché. Le mécanisme de la spéculation peut être décrit de la manière suivante :

Les agents spéculateurs qui hésitent entre la détention d’encaisses liquides et l’achat de

titres (par exemple des bons du Trésor) font des prévisions sur l’évolution des taux d’intérêt futurs. Ceux qui anticipent une hausse des taux d’intérêt, se traduisant par une baisse du prix des titres, préféreront conserver des liquidités. Alors que ceux qui prévoient une baisse des taux d’intérêt, synonyme de hausse du prix des titres, choisiront d’acheter des titres.

Il existe, en effet, une relation inverse entre le prix des titres et leurs taux d’intérêts. Par

exemple, une obligation émise à une valeur nominale de 1000 DH, avec un taux d’intérêt de 10% rapporte 100 DH par an. Si le prix de l’obligation s’élève à 1200 DH, sachant que le montant des intérêts annuels est de 100 DH, le taux d’intérêt va donc baisser à 8,33%. Symétriquement, pour un cours qui descendrait à 800 DH, le taux d’intérêt augmenterait à 12,5%.

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On peut inverser le raisonnement : si on estime que les taux d’intérêt vont passer de 10 à 12,5%, on doit s’attendre, par le jeu des arbitrages boursiers, à une baisse du prix des titres de 1000 DH à 800 DH. Dans ce cas, il n’est pas intéressant d’acheter des titres. De même, si on anticipe une baisse des taux d’intérêt de 10 à 8,33%, cela devrait entraîner une hausse du prix des titres de 1000 à 1200 DH. Cette prévision de hausse du cours des titres va donc inciter les individus à se débarrasser des encaisses liquides et à les placer en achats de titres. En définitive, la demande réelle de monnaie augmente quand le revenu augmente, mais elle diminue quand le taux d’intérêt augmente. Ce résultat se traduit par la spécification suivante :

L = k Y – h i , k et h > 0 Les coefficients k et h désignent la réaction de la demande réelle de monnaie L par rapport au revenu et au taux d’intérêt respectivement. Une telle fonction de demande de monnaie signifie que, pour un niveau donné du revenu, la demande est une fonction linéaire décroissante du taux d’intérêt. Il convient de souligner que chez les classiques, le taux d’intérêt avait pour rôle d’assurer le partage entre la consommation et l’épargne. Pour Keynes, à partir d’un niveau d’épargne déjà directement déterminée par le niveau du revenu, le taux d’intérêt opère seulement le partage entre la conservation d’encaisses monétaires oisives (thésaurisation) et les placements en titres.

2.4 LA FONCTION D’INVESTISSEMENT A ce stade du cours, nous présenterons uniquement la spécification classique de la fonction d’investissement (formulation retenue dans le modèle IS –LM). Elle est sous la forme suivante :

I = I0 – b i , avec b > 0 I désigne l’investissement, I0 représente l’investissement autonome qui est indépendant à la fois du revenu et du taux d’intérêt, le coefficient b positif mesure la réaction de l’investissement vis-à-vis du taux d’intérêt (des emprunts). Cette spécification indique que l’investissement varie en relation inverse du taux d’intérêt : lorsque le taux d’intérêt augmente, l’investissement baisse. Cette relation inverse vient du fait que, dans la logique Keynésienne, la décision d’investir découle de la comparaison de l’efficacité marginale du capital et du taux d’intérêt. L’efficacité marginale du capital (notée r) est définie comme le taux d’escompte qui égalise exactement la valeur actuelle de la série des produits annuels attendus (R1, R2, R3, …Rn) et le coût initial de l’investissement présent (noté C). Formellement, lous avons l’égalité suivante :

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( ) ( ) ( )C =

++

++

++ +

+

Rr

Rr

Rr

Rrnn

1 22

331 1 1 1....

L’efficacité marginale du capital mesure le taux critique d’intérêt, ou taux maximum, à partir duquel un projet d’investissement vaut juste la peine d’être réalisé. Son calcul est immédiat avec la formule ci-dessus. Le coût de l’investissement (C) est déterminé par les études techniques relatives au coût des équipements mis en œuvre, et les revenus attendus (R1, R2, R3, …Rn) sont évalués par des études de marché. On peut donc déterminer l’efficacité marginale du capital r qui est la seule inconnue de l’équation. Une analyse plus approfondie consiste à identifier les principaux déterminants de l’investissement défini, comme nous l’avons vu, comme étant les dépenses faites pour maintenir ou augmenter le stock de capital. A cet effet, on procède en deux étapes à l’analyse du stock de capital fixe. Dans une première étape, nous devons poser la question centrale : étant donné le coût et les rendements d’utilisation du capital, ainsi que le niveau de production que les firmes veulent atteindre, quel est le volume de capital qu’elles devraient utiliser ? Cela revient à chercher ce qui détermine le stock de capital désiré. Ce dernier n’est que le stock de capital que les firmes aimeraient posséder dans le long terme, abstraction faite des délais d’ajustement inévitables. Ces délais introduisent une marge entre le stock de capital existant et le stock de capital désiré. C’est cette marge que les firmes essaient de réduire dans le temps. La seconde étape consiste donc à examiner cet effort d’ajustement que constitue le niveau de des investissements à réaliser.

2.5. LA NOTION DE MULTIPLICATEUR D’INVESTISSEMENT Le multiplicateur d’investissement keynésien mesure le rapport qui existe entre la variation du revenu national et la variation de l’investissement. Il indique de combien le revenu doit augmenter consécutivement à un accroissement de l’investissement pour que la collectivité consente à dégager un surcroît d’épargne d’un montant identique. L’égalité de l’investissement et de l’épargne est ainsi complètement vérifiée au terme du processus. A partir d’une position d’équilibre donnée, et en application du principe de la demande effective, cette égalité est toujours réalisée. La valeur de la production nette mise en œuvre ou le revenu global distribué noté Y est égale à la demande effective. Cette dernière se décompose en une demande de consommation C et une demande d’investissement I. Par conséquent, on a Y = C + I. Sachant que l’épargne S est la part du revenu non consommée, S = Y– C , nous avons donc I = Y– C, soit I = S. Si nous avons une variation de l’investissement ΔI, pour que l’égalité soit maintenue, nous devons avoir ΔI = ΔS, au terme du processus multiplicateur suivant :

Accroissement de l’investissement ΔI

Accroissement du revenuΔY

Accroissement de la consommation ΔC

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Pour illustrer ce processus, prenons l’exemple suivant : soit un accroissement de l’investissement ΔI = 1000 DH, dans un pays où la propension marginale à consommer est égale à 0,8. Cette dépense nouvelle se traduit par une distribution de revenus supplémentaires ΔY de 1000 (Fonds reçus par les travailleurs ou les entreprises). Cette hausse des revenus entraînera une hausse de la consommation égale à 1000 * 0,8 = 800 DH. D’où, par différence, une hausse de l’épargne de 200 DH. Cette consommation nouvelle s’ajoute donc à la demande effective. Ainsi, si l’état des capacités de production le permet, l’offre globale à son tour et, par suite, le revenu distribué seront augmentés d’un montant identique, soit 800 DH. C’est là l’amorce d’une nouvelle séquence du même type, et le processus se poursuit jusqu’à ce que le dernier accroissement de revenu induit devienne négligeable.

ΔI ΔY ΔC ΔS

1000 1000 800 200 800 640 160 640 512 128 512 etc ……………………… Si on fait la somme des termes de la deuxième colonne, le montant cumulé des accroissements de revenu devient : ΔY = 1000+800+640+512+etc. On peut écrire cette égalité en fonction de la propension marginale à consommer c= 0,8, soit : ΔY = 1000 + 1000*(0,8) + 1000 * (0,8)2 + 1000* (0,8)3 + etc+…. Plus généralement, nous avons l’égalité ΔY = ΔI + ΔI*c + ΔI*(c)2 + ΔI*(c)3 + etc+… Nous avons ainsi une progression géométrique de raison c. Sachant que c est toujours comprise entre 0 et 1, la somme des termes de cette progression tend donc vers :

Δ Δ ΔY Ic

soit dans l'exemple Y =0,8

DH=−

⎛⎝⎜

⎞⎠⎟

−⎛⎝⎜

⎞⎠⎟ = × =

11

10001

11000 5 5000,

Accroissement de l’épargne ΔS

Tel que ΔI = ΔS

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L’expression entre parenthèses (1/1–c) définit le multiplicateur d’investissementqui est égal à 1/s, c’est-à-dire l’inverse de la propension marginale à épargner. Ainsi, l’accroissement de revenu global induit par l’investissement supplémentaire est de 5000 DH. Si on fait la somme des termes de la quatrième colonne ΔS, on a : ΔS = 200 + 160 + 128+ etc…, soit ΔS = 200 + 200 * (0,8) + 200 * (0,8)2 + 200 * (0,8)3+ etc, d’où ΔS = 200 (1/ 1– 0,8)= 200*5 = 1000 DH = ΔI

L’accroissement de l’épargne induite est donc bien égale au montant de l’investissement initial. Par conséquent, dans l’analyse Keynésienne, comme dans l’analyse classique, l’épargne et l’investissement sont nécessairement égaux. Toutefois, pour les Classiques, le taux d’intérêt égalisait l’investissement à une épargne préexistante. Pour Keynes, l’investissement engendre un montant d’épargne qui lui est identique, à travers les variations du revenu induites par le multiplicateur.

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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Ø M. DEVOLUY, Théories macroéconomiques, Ed. Armand Colin, 2000, Paris

Ø Le Monde diplomatique, Manuel d’économie critique, Ed. Le Monde Diplomatique, 2016.

Paris. Ø B. BERNIER et Y. SIMON, Initiation à la macroéconomie, Ed. Dunod, Paris, 1998.

Ø P. DELFAUD, Keynes et le Keynésianisme, Ed. PUF, « Que sais-je ? », Paris, 1980. Ø M. STEWART, Keynes, Ed. Seuil, 1974.