CYGIELSTREJCH a Les Consequences de La Guerre

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    ment parler de la part qui lui revient p lu s particuli

    rementdans lclosion de ce trouble (1).Ltude scientifique de troubles mentaux dtermins

    par la guerre ne date pas de longtemps. Les guerreshispanoamricaine et transvaalienne en ont marqu ledbut. Mais un travail fond sur les consquences psy-chiques de la guerre na t effectu que dans ladernire campagne de Mandchourie. L, on a tabli,

    pour la premire fo is , des sections spciales pour letraitement des militaires alins ; et, pour la premirefois aussi, les psychoses de la guerre y ont t classeset envisages dans leur ensemble.

    A dfaut de toute autr source, cest de celleci quenous nous servirons dans notre mmoire. E t nous croyonsque les accidents psychopathiques de la guerre russo

    japonaise peuvent, ju squ un certain point, tre gn-raliss et considrs comme caractrisant toute grandegnerre moderne. En effet, quoique la dernire cam-pagne ait en lien en Extrm e Orient, par les procdsmeurtriers quon y employa comme par les immensesagglomrations humaines quon russit y raliser,elle constitue le dernier mot de la technique et de lastratgie europennes. Cest pour cette double raison(absence de toute autre source, la campagne de Mand-chourie considre comme type de guerre moderne) quenous profiterons des donnes des au teurs russes relativesaux effets psychiques de la guerre russojaponaise.

    Mais il y a une autre difficult. Nous savons djqu la guerre il est absolument impossible de sparerlaction des motions de celle des autres facteurs. Or,les troubles psychiques de la guerre tant donns,

    (1) Bien en ten du , nou s ne parlons ici que du terrain qui seforme sous linfluence des multiples facteurs de la guerre. Pourle moment, nous laissons de ct ia prdisposition antrieure auxvnements de la guerre.

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    comment dterminer ce qni y revient directement

    linflnence de lmotion? Quel critrium avonsnouspour pouvoir affirm er que te l trouble mental doit treattribu laction de lmotion et non dun autre fac-teur psycho pathogne ? Question trs importante .Dautre part, la distinction tant de fois tablie entrelmotion brusque et lmotion durable estelle vraimentessentielle, ou atelle des bases arbitraires? Quelles

    indications nous fournit ce sujet la psychiatrie? Leproblme est dautant plus grave que, psychologique-ment, il est de toute ncessit de sparer la guerre cesdeux genres dmotion. Lestil encore au point de vuedes consquences mentales quelles provoquent?

    Cest en partant de ces considrations, daprs nousde premire importance pour le problme que nous vou-

    lons tudier, que nous nous sommes dcid subdi-viser notre travail en deux parties. Dans la premire,nous analyserons linfluence des motions brusques etdes motions durables sur la production des affections

    psychiques. La seconde sera consacre ltude destroubles mentaux conscutifs aux motions de laguerre.

    Les tremblements de terre et les accidents de cheminde fe r nous serviront comme exemples des catastropheso les motions agissent dune faon brusque et vio-lente : les commotions politiques (rvolutions, etc.) nousapprendront comment agissent les motions durables.Les conclusions auxquelles nous arriverons dans cette

    premire partie projetteront une vive lumire sur le rlepsychopathogne de lmotion en gnral ; elles nousfourniront, en outre, une base solide et indispensablepour ltude des psychopathies lies aux motions de laguerre. Ds lors, cellesci, envisages et analyses la lumire de rsultats acquis, pourront tre classesdaprs leur origine ; ceci nous permettra de saisir dfi-

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    nitivement le rle joa par lmotion dans la gense des

    psychoses de la guerre.

    I . L i n f l u e n c e d e s m o t i o n s b r u s q u e s e t d e s

    MOTIONS DURABLES SUR LA PRODUCTION DES AFFEC-

    TIONS PSYCHIQUES.

    1. Des faits isols et de grandes catastrophes(tremblements de terre, accidents de chemin de fer)nous dmontrent souvent les consquences fcheuses desmotions. Nombreux sont les exemples o la mortsuccde une colre ou une peur violente ; certains cassont rests clbres. Haller rapporte quun homme,passant sur une tombe, se sentit retenir le pied par une

    touffe dherbe et mourut de frayeur le jour mme ; unautre expira de peur le jour o on lui avait prdit quilmourrait. Le professeur Lauder Brauton nous rapporte^exemple dun assistant de collge qui mourut lasuite dune frayeur. Cet assistant tait devenu odieuxaux tudiants, qui dcidrent de lui joner un bon tour.Ils prparrent lappareil dune excution capitale et lui

    persuadrent que leur vengeance tait srieuse. Le simu-lacre de lexcution termin, lassistant tait mort depeur (1).

    La colre peut avoir nue issue non moins triste. Detemps en temps, les mdecins constatent les cas duneapoplexie, succdant aux mouvements violents de lacolre. Les crises de la colre finissent parfois par unemort subite. M. Brmond (2) en cite plusieurs exemples.

    Mais ce qui nous intresse plus spcialement, ce sontles accidents o lmotion subie a t loccasion duntrouble nerveux ou mental. Linfluence des motions

    (1) Cit pa rM . Mosso. L a p eur, 1886, p. 155.12) D 1' F . B rmon rl. Les pass ions et la sant, 1893, chap. VII.

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    voquer des accidents psychopathiques. Cela vent direque si, dans la grande majorit des cas, lclosion duneaffection psychique est en effet conditionne par un ter-rain constitutif, il nen est pas ainsi toujours : certainesmotions, par lintensit de leur action, sont capablesde produire le mme effet.

    Cette importante question a t vivement discute

    la runion annuelle de la Socit de Neurologie et dePsychiatrie de Paris, en 1909 (1). Pourtant, de toutesles discussions, aucune concLision dfinitive ne sestdgage. Les divergences qui sparaient les membresde la Socit taient suffisamment notables pour que leproblme ne pt tre rsolu. De nouvelles tudes clair-ciront peuttre cette intressante question.

    I I . Nous venons de constater quau point de vue deleur action, il ne faut pas confondre les motions brusqueset les motions durables. Une analyse rapide des vne-ments cosmiques ou sociaux nous fera connatre, dunefaon plus approfondie peuttre, tonte limportance decette distinction.

    Linflnence morbifique des motions brusques, vio-lentes, se montre dnne faon vidente dans les cata-clysmes et les grandes catastrophes. Les troubles men-taux dtermins par les tremblements de terreou par lesaccidents de chemin de fer fournissent la psychopa-thologie des documents dune valeur trs apprciable.Lombroso constate que pendant les catastrophes ita-

    liennes, les manifestations de la folie furent normes.La forme prdominante fut celle de la folie furieuse (2).

    (1) La B evue neu rologiqu e : D u rle de lmotion dans lagense des accidents nvropathiques et psychopathiques ( Compterendu officiel des sances), 1909, p. 15491687.

    (2) Ceare et Pao la Lo m broso : L ta t dme p end ant les catas-trophes i taliennes, Figaro , 1909, numro du 13 fvrier.

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    M. Nri (1) a vu de nombreux cas du dlire avec hallu-

    cinations, notamment chez les jeunes filles et les vieil-lards. M. dAbundo (de Catane) (2) a observ chez lessinistrs la strotypie psychique qui consiste en ceci :chacun des rfugis racontait dnne voix blanche etsans aucune motion la mort on la disparition des tresqui lui taient le plus chers. M. Boulonmi rapporte lemme phnomne (3). Il fut profondment frapp parlatt itude de stupeur et d indiffrence de certains sinistrs. Ils ne semblent pas se rendre compte de la ralit,ou dirait quils rvent tant veills et quils parlentdvnements trs lointains on survenus chez des indif-frents (4). Des faits analogues ont t enregistrs parM. Stierlin pendant le tremblement de terre de Valpa

    raiso. Il cite le cas dun jenne homme de dixsept ansqui, an moment de la secousse, tait occup jouer duviolon. Il a russi schapper par une fentre sans trebless. Une fois dans la rue, il se promne, soccupe dusauvetage, cause, etc., et tout cela sans sinquiter dnsort des siens qui, tons, on t pri dans la catastrophe.Aprs quelque temps, le jeune homme commena

    excuter des pitreries, se dshabilla et circula sansvtements dans les rues. Fendant une semaine, il restaconfus, dsorient. Pu is son tat psychique revint peu peu la norm ale (5).

    A Messine, on rencontrait souvent des sinistrs sepromenant tranquil lem ent dans la grande rue, avec un

    (1) Com mun iqu par M. B ibins ki la Socit de N eurologie,sance du 5 fvrier 1909.

    (2) Revue neurologique, 1909, p. 915 (Rsum d un a iticle deM. 6 . d Abund o, insr dans la H ivis ta ita liuna de Neuro-pato -logia, Psychiatria, etc., 1909, fvrier, p. 4964.

    (3) EKBouloumi. Vingt jo u rs pa rm i les sinistrs(Calm annLvyditeurs).

    (4) Ib id ., p. 16.(5) V. Revue neurologique , 1909, p. 1676 (Rapport par M. H.

    Claude),

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    air indiffrent, comme si rien ne stait pass. Demme, il tait trange de voir les hommes du peupledsuvrs, apathiques, regardant impassiblement lad-mirable travail de la troupe, sans laider, sans luiprte r un coup de main.

    A ct de ces phnomnes de confusion et de dper-sonnalisation, M. dAbnndo et dautres auteurs ont

    constat des troubles psychiques caractre diffrent.Tantt ctaient des tats dlirants aigus avec excita-tion ou avec stupeur, et tantt de vritables psychosesavec agitation maniaque et hallucinations, accompa-gnes de dsorien tatio n, d amnsie, etc. Chez denombreux sujets, la terreur avait engendr un vritabletat d obsession, chaque instan t ils sattendaient

    voir un nouveau tremblement de terre. Il est importantde noter que, selon M. dAbnndo, parmi les gensatteints daffections psychiques, il y en avait qui jusqula catastrophe ne prsentaient aucune tare ; chez eux,les psychoses revtaient la forme des vritables dliresde rve.

    M. Hartenberg (1), lui aussi, confirme les faits

    signals, mais dune faon trs gnrale et trs vague.En tout cas, il est indubitable qne le choc motif de cegenre de dsastre peut donner lieu des cas plus oumoins nombreux de psychoses confusionnelles., Leurdbut est ordinairement brusque ; mais la maladienest, pas durable et tend vers une prompte gnrison.

    II I. Les accidents de chemin de f e r ont aussi leurpart, bien large, dans le dveloppement des troublesnerveux et mentaux. Les victimes de ces accidents pr-sentent toujours des dsordres psychiques plus ou moinsaccentus. Daprs certains auteurs, toutes ces pertur

    (1) P . Ha rten be rg. L ta t m ental des sinistrs de Sicile. L a presse M dicale , 23 janvier 1909,

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    btions doivent tre attr ibues linfluence exclusive duchoc traumatiqne. Lmotion, en agissant par son inten-sit, serait capable dengeudrer ces troubles, mmechez des sujets non prdisposs. Une prdispositionnest point ncessaire pour que les troubles clatent. Ilsagit mme parfois dindividus particulirement qui-librs, vigoureux, caractre pondr et nergique.

    Chez eux, tout comme chez des sujets antcdentsnvropatliiques, le choc m otif peut dterminer degraves affections, nerveuses on mentales. Cest l unpoin t bien im portant et que certains savants ont sou-lign toute occasion.

    Il y a une psychonvrose quon observe trs frquem-ment dans les accidents de chemin de fer. Cest la

    nvrose traumatique. Lorigine de cette affection ainsique la part qui revient lmotion dans son apparition,sont des problmes qui retiennent depuis longtempslattention des neurologues. Parmi ceuxci, certainsprtendent que l motion peut crer la nvrose trau-matiqne de toutes pices : il ne faut point pour cela quele sujet soit prdispos. Dautres, et ils sont la

    grande majorit, tout en admettant que lmotion estun facteur puissant dans la production de l hystroneurasthnie (1), supposent nanmoins que, pour produirecet effet, elle doit agir sur un terrain prdispos. Laprdisposition seule pourrait expliquer toutes les formesqne la nvrose traumatique peut revtir chez des sujetsdiffrents. Enfin, M. Yibert occupe dans cette dis-

    cussion une place tout fait part. Il accepte le faitquun accident de chemin de fer peut engendrer direc-tement la nvrose traumatique ; mais, selon lui, le rleprincipal appartient dans ce cas non lmotion, mais

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    (1) On assimile souv ent la nvrose traum atique lhystroneurasthnie.

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    un traumatisme dune nature spciale (1). Ce trauma-tisme communiquerait aux centres nerveux un branle-ment physique, produisant de nombreuses lsionsmatrielles de l encpliale ordinairement peu accessibles lexamen clinique. M. Vibert suppose quil y a cetraum atisme la base de tons les cas de la nvrosetraumatique (2).

    A l'appui de sa thorie, lauteur fait remarquerque les individus qui ont subi une attaq ue nocturne,une tentative dassassinat, prouvent vraisemblable-ment une motion gale celle que peuvent ressentir lesvictimes dun accident de chemin de fer, dune explo-sion, dun boulem ent, etc. ; et cependant chez eux, onne constate que trs rarement les symptmes de la

    nvrose traumatique. Les spectateurs dun accident dechemin de fer en fournissent encore un exemple, ilssubissent gnralement une motion extrmement vio-lente , mais ne prsentent par la snite que des troublesnerveux insignifiants ; les symptmes de la psycho-nvrose ne se manifestent que chez les voyageurs (3).

    Daprs lauteur, les faits invoqus prouvent suffi-

    sam ment quune motion, elle seule, ne peut donnernaissance la nvrose traumatique. Elle doit doncrsu lter de laction combine de l motion et du trau -matisme. Mais il y a des observations peu nom-

    breuses, il est vrai o le traumatisme moral sembledterminer lclosion de la nvrose, sans quune mo-tion puisse intervenir. M. Vibert en conclut que dans les

    accidents de chemin de fer le traumatisme doit treconsidr comme la cause primordiale et directe de lanvrose, lmotion ntant susceptible que daggraverl'effet dj produit.____ a__________________________________________

    (l j Ch. Vibert . L a nvrose traumatique, 1893, p. 143 et suiv.(2) Ch. Vibert. Mdecine lgale, 1911, p. 338.(3) Ch. Vibert. L es accidents du travail , 1906, p. 594.

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    La thorie que M. Vibert a expose na pas beaucoup

    de partisans. Pour les alinistes, le traum atism e moralnest que trs rarement le facteur rel des troubles ner-veux ou mentaux. Ordinairement, il intervient commecause prdisposante, cestdire en faisant dn cerveauun locus minoris resistenti ; dans dantres cas, il secontente de dclancher une affection dj existante (1).Jamais il ne pourra crer de tontes pices la nvrose

    traumatiqne.Quant lmotion, certes, sou action est puissante,

    mais il est impossible de circonscrire les limites de cetteaction. Dans ltat actuel de la science, on peut seule-ment affirmer que, la prdisposition aidant, elle estcapable de provoquer la nvrose traumatique. Il est

    probable que dans ces cas les effets de l motion et du

    traumatisme moral sassocient. Mais il faut se garderdadmettre que lmotion au ra encore le mme effet,cestdire fera apparatre la nvrose traumatiqne chezdes sujets indemnes de toute tare. Ici la question secomplique. En effet, il est parfois si difficile de mettre

    jo ur une prdisposition quil ne faut point conclure delimpossibilit de ltablir son inexistence.

    Tout ce que nous avons dit propos du rle de lmo-tion dans la nvrose traumatique, pourrait tre appli-qu, et plus forte raison, certaines psychosesconscutives aux graves accidents de chemin de fer.Dans ce genre de catastrophes, on peut souvent obser-

    ver la confusion mentale. Dans la grande majorit des

    cas, cette psychose apparat chez des sujets prdisposs.I l serait peuttre inexact de soutenir quil en est tou-jo urs ainsi.

    En rsum, ici comme dans les catastrophes cosmi

    (1) V. H. Dagonet. Trait des maladies mentales, 1893, p. 144; E. Rgis . Prcis de psychiatrie,' 1909, p. fi81,

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    fin de compte, gurissent pins de nerveux et de ds-

    quilibrs quelles nen produisent. Dans une statistiquetrs serre et trs consciencieuse, Lunier (1) a dmontrque, pen dan t les vnements de 187071, les asiles fran -ais on t reu 1.300 malades de moins que dans la p-riode correspondante de 186970 (2). Mais une diminu-tion du nombre des admissions dans les asiles ne veutpas dire une diminution du nombre des alins. Ordi-

    nairement, pendant les priodes de troubles politiques,le nombre des internements diminue ; il augm ente ancontraire aprs ces priodes. Les raisons en sont trsdiverses. Lunier en rapporte quelquesunes (la pertur-bation apporte par les vnements dans le fonctionne-ment du service, la parcimonie de quelques administra-tions dpartementales, etc.); mais il insiste sur ce fait

    que les vnements contribuent directement cettediminution, en suspendant linfluence de certains fac-teurs tiolog'iques de lalination mentale (3). Or, silest vrai que la rvolution (on dautres perturbationssociales) suspende linfluence de certaines causes tiologiques, il nest pas moins vrai quelle en puisse pro-duire dautres, entranant des effets non moins dsas-treux.

    Donc, au point de vue des consquences mentales, larvolution prsente une double face : elle est capabledoprer une diversion, parfois assez puissan te, pour faireavorter l explosion de certaines maladies ; elle estaccompagne dune foule de facteurs qui sont de vri-tables agents de la folie. Il parat que ces derniers lem-portent et que l orage, que la rvolution dchane, finit

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    (1) L. Lunier. Influence des vnements de 187071 sur lemouvement de lalination mentale. A nnale s mdico-psycholog i-ques, 1872, 1873, 1874.

    (2) Ib id ., 1874, vol. XI, p. 385.(3) Ib id ., p. 386.

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    toujours par une augmentation du nombre des alins.

    Mais les maladies nclatent pas toujours brusquement.Parfois elles se dveloppent lentement e t ' p r o g r e s s i-vement de faon que les individus qui en portent legerme ne peuvent prsenter les symptmes correspon-dants que dans un temps relativement assez long aprslvnement. Cest pour cela quon ne doit pas se con-tenter dnne analyse, mme approfondie, des rsultatsimmdiats de la rvolution. Il faut que cette tude sap-

    plique toute une srie dannes qui lui succdent. Alorsseulement on pourra se prononcer en connaissance decause, et cest ce prix que la conclusion en deviendravraiment scientifique.

    La littrature concernant la dernire rvolution russenest pas trs riche. Cependant, plusieurs points ont putre tablis. Luuier supposait que, dans les vnementsde 187071, la prdisposition hrditaire na jou quunrle relativement peu important dans la gense desalinations mentales. Il en a not la proportion de24 cas p. 100, tandis que, dans les conditions ordinaires,on constate son influence, des degrs divers, 63 fois

    sur 100 (1).Les auteurs russes ne sont nullement du mmeavis. Ils constatent, au contraire, que dans la grandemajorit des cas, les malades possdaient une hrditneuro psychique gravement charge. M. Scholomovitch (2) trouve que, parmi ses malades, 50 p. 100 pr-sen taient une prdisposition neuropsychique ; 25 p. 100

    seulement nen offraient aucune trace. 10 sur 12 desmalades de Mmr Pavlovskaja (3) taient des dgnres.

    (1) V. Lunier, article cit, p. 387.(2) A. Scholomoviteii. Maladies mentales greffes sur 1*8 v-

    nements pul t iques. Rousxlcij Vrn tch (en runne), 1907, n 21.(3) L. Pavlovskaju. Plusieurs observations de maladies men-

    tales dveloppes sous linfluence des vnements sociaux. Oboz-renje Psychiatr, 1906, n 6 ; 1907, n 9 (en russe).

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    Parmi les 7 alins que M. Hermann (1) a soigns, un

    seul ne prsentait pas de signes de dgnrescence. Lesdouze observations de M. Rybakoff lui font prsumerquen gnral les individus les plus sujets aux troublespsychiques sons linfluence des vnem ents politiques,sont des dsquilibrs et, peuttre mme, des psycho-pathes (2). M. Bernstein (3) est encore plus sceptique.Selon lui, la rvolution de Moscou na fait des victimes

    que parmi les gens qui, par leur constitution psycho-pathologique, y ta ient fa talement prdestins. Toutautre facteur, physique ou moral, pourra it avoir le mmeeffet. Le traum atism e politique doit tre considrcomme une cause adjuvante et non dterminante desmaladies mentales.

    Assurment, la faon dont M. Bernsteiu interprte

    les choses est exagre, mais il nest pas douteux que,dans les troubles psychiques dvelopps sons linfluencedes commotions sociales, la prdisposition et la dg-nrescence ne jouent un rle primordial et ne soient,

    pour ainsi dire, le fond sur lequel ces affections prenneutgnralement naissance. Cest l un point bien impor-tant et quil faut retenir.

    Si la rvolution na pas dtermin une forme spcialede psychose (4), une psychose rvolutionnaire , tou-tefois elle nest pas reste sans influence sur les troubles

    (1) F. Hermann. Troubles psychiques dpressifs greffs surles vnements politiques actuels. Journa l Nevropatologn i P s ychiatrii (en russe), 1906, n 3. Voir aussi VEncphale, 1907,

    vol. II, p. 670.(2) F. Rybakoff. Troubles psychiques l is aux vnementspoli tiques en Russie . R o u sx k j Vra tcli (en ru ss e) , 1905, n 5! ;1906, nos 3 et 8; 1907, n 20.

    (3) A. Bernstein. E m de sur les troubles m entaux observs Mo cou lh ive r 19061906 (en rus se ), Sovremennaja Psychiatria,1907, avril.

    (4) F . G adziatky. Trou bles psy chiques l is aux vnem entspoli tiques en Russie . Voyenno-Meditsinskij Journal (en russe),1908, octobre.

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    psychiques observs. Ces dernie rs, dans la grande

    majorit des cas, portaient le caractre de paranoaaigu avec dlire de perscution et avec phnomnestrs accuss dinquitude, de peur et de dpression psy-chique (Rybakoff). Cette tendance des affections men-tales vers le type paranoaque forme dpressive etdlirante, a t confirme par tous les auteurs. Il estintressant de constater que les vnements ont com-

    muniqu aux ides dlirantes une couleur spciale. Lesmalades se croyaient ordinairement perscuts par despersonnes du camp oppos : la te rreur des juifs et celledes tudiants taient des centaines noires ( chaqueinstant, ils sattendaient un pogrome ); les socia-listes voyaient partout les gendarmes et la police ; lesrvolutionnaires craignaient les cosaques, les poten-

    ces, etc. (1). Avec le temps, le contenu du dlire queles sujets ont puis dans les faits rvolutionnaires sva-nouissait peu peu et les ides dlirantes revtaientun caractre ordinaire. La maladie perdait son cachetrvolutionnaire et, finalement, ressemblait toutes lesaffections de ce genre.

    La forme dpressive imprime aux troubles, prdo-

    minait presque dune faon absolue. On a observquelques cas dexcitation maniaque avec la peur,lanxit et les ides de perscution, mais ctait unphnomne relativement rare. M. Hermann souligneque chez ses malades le dlire ntait pas systmatis :les ides dlirantes ne se rapportaient jamais des per-sonnages dtermins, ils voyaient le danger et la mortpartout.

    Les psychoses avaient gnralement un dbutbrusque : les sujets passaient dun tat de sant psychique apparente un tat } | ^ ^ |pathiqne. La maladie

    ( 1 ) Ib id ., p . 9 6 .

    C. 2

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    revtait bientt un caractre aigu, mais les malades se

    rtablissaient.Il reste encore un fait sur lequel presque tous les

    auteurs on t essay d attire r l attention du lecteur. Pa rm iles malades, il faut distinguer ceux qui ont pris unepart active la rvolution, de ceux qui nen ont tque les tmoins on les spectateurs. Or, les premierstombaient moins facilement malades que les derniers

    et la maladie, chez eux, suivait toujours un cours pluttsatisfaisant. Tandis que les gens qui participaient pas-sivement aux vnements, prsentaient des symptmestrs graves et qui ne laissaient pas beaucoup despoir.

    A ce propos, nous voudrions hasarder une hypothse.On sait que tout le monde nest pas galement capablede prendre pa rt une perturbation politique. I l y a desgens qui, par leur constitution physique et mentale,sont exposs plus que les autres y tre mls. Cesten eux que la crise en germe trouvera ses premiersadeptes ; ce sont eux qui deviendront ses meilleurs pro-pagateurs. Bient t ils sy donnent corps et me, et tousles moments de leur vie, comme tontes les forcesde leur organisme, seront consacrs la ralisation deleur rve. Or, au point de vue psychologique, tous cesindividus, ce momentl, pourraient tre assimils des gens obsds par une passion. Ce seraient de vraispassionns.

    Les vnements politiques oprent donc, parmi leshabitants dun pays, une vraie slection. Un groupe

    dindividus, constitution nerveuse spciale, est d avancedsign y jouer un rle prpondrant et y prendrepart, dune faon active. Le reste, limmense majoritdes habitants, pourra participer plus ou moins acti-vement et tantt, sous l'influence dune motion ou dela contagion, accomplira tel ou tel acte, ou bien se bor-nera un rle purement passif. Les premiers, les rvo-

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    lutionnaires dcids, actifs, constituent l'lment cons-tant, solide, de tout mouvement ; le reste, la foule, ensera la partie indcise, inconstante, changeant suivantle moment, la disposition, lhumeur.

    Nous savons dj quau point de vue des consquencesmentales, les vnements politiques retentissent beau-coup plus profondment sur la foule passive que surles rvolutionnaires actifs. Eu admettant que notresupposition savoir que les rvolutionnaires actifssont des passionns soit vraie, il sen dgageraitlogiquement que les passions ont des effets psychiquesmoins dbilitoMs et moins graves que les motions.Nousnous garderons bien dinsister plus longtemps sur cettequestion ; elle na t apporte ici qn titre de simple

    hypoihse.

    De l'tude compare, mais forcment rapide, qnenous venons dentreprendre, on pourrait tirer les con-clusions suivantes :

    a) Les motions vio lentes,par la vivacit et lintensitde leur choc, peuvent donner naissance certaines

    formes de psychoses, parmi lesquelles il faudra attri-buer une place im portante lapsychose confusiormelle.Dans ltat actuel de la science, il est impossible de

    rpondre la question de savoir si l motion, sans leconcours de la, prdisposition , sera capable de produireune psychose. Dans certains cas, cela parat vraisem-

    blable ; mais il serait difficile den fournir des preuves

    tou t fait convaincantes, la prdisposition tant parfoistrs dlicate dceler.b) Les motions durablesag issan t dune manire lente

    et continue, sont plus propres dterminer des psy-choses dont le germe exista it chez le sujet l ta t latent.Leur rle est surtout celui dun excitant. Laffection

    peut revtir toutes les formes selon le terrain sur lequel

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    elle se dveloppe ; mais, dune faon gnrale, les psy-

    chopathies chroniques prdominent. Les motionsdurables influent seulement sur la couleur et le contenudu dlire.

    Dans les cas o la prdisposition nest pas saisissableou semble tre exclue, lmotion, soit par la rptition,soit par la dure, peut engendrer une psychose dunemanire directe. Lclosion de la maladie concide avec

    le moment o les effets rpts du choc paraissentavoir dtermin un puisement extrme du cerveau.Daprs les symptmes, la psychopatliie pourra trerange dans le groupe des psychoses confusionnelles.

    IL T r o u b l e s m e n t a u x c o n s c u t i f s a u x m o t i o n sDE LA GUERRE.

    Maintenant que nous avons appris comment les mo-tions agissent dans diffrentes circonstances et quel estle rsultat de cette influence, nous pouvons aborderltude des consquences mentales de la guerre. L, ilsera difficile, pour ne pas dire impossible, de sparerlaction des motions brusques, violentes, de celles qui

    se dveloppent lentement et progressivement.Dans une lettre, devenue clbre, quil a adresse

    M. le professeur Lacassagne, M. Jacoby (1) dmontreque la bataille moderne, au point de vue de leffetpsychique quelle produit, est comparable des grandsbouleversements cosmiques, tels quun tremblement deterre, une ruption volcanique, etc., et dtermine,comme eux, de vritables pidmies de troubles cr-braux. Au premier abord, cette comparaison paratassez heureuse, mais un moment de rflexion suffit

    (1) P. Jacoby (dOrel). Les victimes oublies de la guerremoderne. A rchiv es d'anthropo logie crimin elle, 1904.

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    pour voir qnon compare des choses distinctes. E n effet,

    comme nous lavons vu, ce qui caractrise les grandescatastrophes, cest quelles clatent brusquement. Gn-ralement, le monde est saisi par le sinistre limproviste ; personne ne sattendait rien de pareil. Et plussubitement surgit la crise, plus violente est laction desmotions, et pins graves aussi les troubles psychiquesprovoqus. Dans les catastrophes, les phnomnes quise passent sont trop inattendus, ils arrivent trop brus-quement pour que lorganisme puisse s'y adapter ; cestl la principale cause des troubles psychiques.

    A la bataille, ce nest plus la mme chose. Lesbata illes ne sont pas inattendues. Longtemps avanttout combat, on concentre les forces, on les dispose con-formment la science stratgique, on fortifie les posi-tions, etc. Le soldat sait quune bataille est imminente ;il nest pas encore sur les positions et dj il a prouvtoute une srie de sentiments plus ou moins fatigants,

    plus on moins dprim ants. Le voil enfin sur les posi-tions : la ghenne commence. A tou t moment l ordredattaque peut tre lanc; tout instant il faut sat-

    tendre lassaut de lennemi. Cest dans ces conditionsdpuisement et de tension du systme nerveux que labataille sengage. Certes, elle sera riche en motionsviolentes et brusques ; mais estce quon peut comparerltat psychique du soldat au commencement du combat ltat des habitants la veille dune catastrophe? L,une confiance absolue rgne dans toutes les mes ; ou

    est rassur, repos, tranquille. Ici, la peur, linqui-tude, toutes sortes de tortures morales ravagent lescerveaux et font que la bataille, qui dun coup mettra fin toutes ces souffrances, sera attendue avec impatience.

    On voit que les effets psychiques des bouleversementscosmiques sont intimement lis an degr de la surpriseque leur apparition provoque. Par ce ct, les batailles

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    ne pourraient entraner aucune consquence fcheuse.

    Comme elles sont prvues, il ny a pas de place, ou bienpeu, pour la surprise. Dans les combats, un autre fac-teur in tervien t. L, linstinct dfensif de la conservationest veill ; cest lui qui est la cause multiple de toutesles motions. E t le choc moral a des effets psychiquesd'autant plus graves qnil agit sur des individus djpassablement affaiblis par les sentiments dpressifs qui

    ont prcd le combat (1).Cest pour ces raisons que laction psychopathogne

    de la bataille ne doit pas tre compare au pouvoir mor-bide des grandes catastrophes cosmiques, ou bien ce n estquen ten an t compte de ces diffrences essentielles quona le droit de comparer leurs effets an point de vue delalination mentale.

    Si, par un ct, la guerre rappelle quelque peu lescatastrophes cosmiques (les batailles), par un autrect, et toujours an point de vue des motions quelle

    procure, elle pourrait tre assimile une perturbationpolitique. Le temps quon passe sur les positions oudans les armes darriregarde est aussi trs riche enmotions. Mais cellesci appartiennent plu tt la cat-gorie des motions durables. Par leur manire dagirelles rappellent les agents que nous avons tudiscomme produisant les psychoses greffes sur les vne-ments politiques.

    Avant de passer aux troubles mentaux, disonsdabord un mot des nvroses que la guerre a dtermi-

    nes. On admet gnralement que ce sont les officiers,gens instru its et relativement dlicats, qui, la guerre,sont atteints presque exclusivement, par les maladies

    ------------------------------------- 3 ------------------------------------

    (1) Nous m ettons part laprdisposition constitutive de lorga-nisme pour les m aladies m entales. Nous ne parlons ici que de ia

    prdisposit io n, rsu ltan t de l in fluence des m otions.

    __ >>__

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    nerveuses. On a toujours suppos que les soldats, se

    recrutant ordinairement parmi les paysans et les habi-tants dies villages, restent rfractaires ce genre daffec-tions et que, pa r consquent, chez eux les maladiesnerveuses nexistent presque pas. Les chiffres du Bureau de la statistique sanitaire relatifs auxnvroses de la dernire guerre russojaponaise, montrentun pourcentage de 8,1 pour les officiers et de 1,3 pour

    les grades infrieurs (par rapport au nombre total desmaladies). Ceci semble confirmer lide quon sest faitedepuis longtemps, savoir que les nvroses chez les sol-dats sont chose infiniment rare et ne doivent pas retenirl atten tion des mdecins et de la Socit. M. Schoumkoffa crit ce propos un intressant article (1). Il a, euloccasion de soigner 312 soldats qui, aprs la bataillede Monkden, ont t vacus Frajdriatchou. Parmieux se trouvaient 56 malades nerveux, ce qui constitue,

    par rapport aux 312, 18,2 p. 100 (2). Le seul groupe del hystrie et de la nenrasthnie renferm ait 45 per-sonnes ; avec lpilepsie et lhypochondrie il y en avait85 p. 100 de la totalit des maladies nerveuses.

    M. Schoumkoff comprend luimme que les conclu-sions tires de lobservation de 312 malades ne sont pasassez convaincantes pour pouvoir tre gnralises etleves la hauteur dune rgle. Mais il a la profondeconviction que, quand les conditions dplorables danslesquelles sopre ordinairement le diagnostic (mde-cins non spcialistes ; tude peu scientifique de la

    nvrose; ide prconue quun simple soldat ne peuttre nerveux ; mfiance des mdecins par rapport auxsoldats ; leur partialit envers les officiers auxquels on

    (1) G. Schoumkoff. Du pourcentage des maladies nerveusespendant la guerre ru ssoja ponais e. Vratchebnape Gazeta (en russe),1906, n 32 et 33.

    (2) Ib id ., n 33, p. 875.

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    nose rien refuser, etc.), seront disparues, alors toutes

    les statistiques seront concordantes et montreront :Io que le pourcentage des maladies nerveuses chez lessoldats et chez les officiers est presqne le mme, et2 quil s'lve 18,2 p. 100 dn nombre total desmalades (1).

    De nombreux travaux, parfois dune valeur trsgrande, ont t publis sur les troubles psychiques,

    dtermins par la guerre russojaponaise. Les auteurs,toujours spcialistes, ntaient pas galement placspour pouvoir donner un travail coordonn. Les uns, setrouvant dans larme active, suivaient de trs prs lespripties de la guerre et avaient l'occasion d observerles psychoses au moment mme de leur closion. Enrevanche, lexamen des malades tait forcment super-

    ficiel et incomplet : un service htivement install pourles besoins de la guerre ne remplit pas les conditionsncessaires pour un diagnostic srieux. Dailleurs, lespatients ny resta ient pa3 longtemps. Les maladesaffluaient; pour pouvoir les placer, il fallait faire va-cuer les moins atteints dans les grandes villes de laRussie dEurope. Do un diagnostic htif et insuffi-samment tudi.

    Les autres psychiatres accueillaient les alins va-cus de lExtrmeOrient dans les grands asiles, privsou militaires. L, ltude des soldats tait dtaille,suivie, serre, mais le diagnostic ne pouvait plus trele mme quil aurait t an dbut de laffection. Leparcours en chemin de fer durait ordinairement un mois,et comme les psychoses de la guerre portaient surtoutun caractre aigu, rien dtonuant que ce dernier les

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    (1) Rem arquons ici que pou r M. Schon m kof, le pou rcentagedes maladies nerveuses chez les officiers, fourni par la statistiquedu Bureau (8,1 p. 100), est aussi audessous de la vrit, Il doittre, comme pour les soldats, 18,2 p. 100,

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    influent dnne faon notable. Les malades, en entrant

    dans les asiles, prsentaient des symptmes insigni-fiants, lgers ou bien trs aggravs. En tout cas, centait plus laffection telle quelle avait t provoque

    par la guerre.Dans lexpos des rsultats de la guerre que les

    auteurs russes nous ont fourni, il faudra toujours tenircompte des considrations que nous venons de dve-lopper. Sous cette rserve seulement, on pourra accepterles donnes de leur statistique et de leur classification.

    Voyons prsent comment se prsentent les cons-quences mentales de la guerre russojaponaise. SelonM. Avtokratoff (1), le nombre des alins durant toutela guerre ne dpassait pas 1.900 hommes. En valuant

    le chiffre des malades et des blesss 540.000, on voitque sur 1.000 maladies on comptait 3,5 daffectionsmentales. En valuant la force numrique de larme 1.000.000 dhommes, on obtient 1,9 des alins pour1.000 combattants. Ces chiffres sont assez expressifs.

    Chez les officiers, on constatait surtout lalcoolismechronique, la paralysie progressive et les psychoses

    neurasthniques. Chez les soldats, les psychoses pilep-tiques occupaient la premire place ; en deuxime lignese voyaient les psychoses alcooliques et la confusion (2).

    Des psychoses alcooliques il ny a pas , dire grandchose. Parmi les malades se trouvaient beaucoup dejeunes officiers et des soldats qui, avant la guerre , nesadonnaient pas la boisson. Chez eux la psychopathie

    revtait la forme aigu, avec hallucinations auditives et

    (1) P. Avtokratoff. Assistance, traitement et transport desalins pendant la guerre russojaponaise. Oborrenje PsyTchiatrii,Nevrolo gii i exaperymentalnoj Psych ologii, 1906.

    Il faut remarquer que les donnes de M. Avtokratoff se basentsurtout sur les cas observs par lui ou par ses aides dans l 'hpitalcentral de Psychiatrie de Kharbine.

    (2) Ib id ., p. 082.

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    visuelles dun caractre terrifiant. Mais gnralement,

    laccs passait vite et le malade revenait la sant.Les psychoses pileptiques se dveloppaient surtout

    pendant ou aprs les grandes batailles. On les observaitmme chez des sujets qui navaient jam ais ex; daccspileptique. La maladie durait ordinairement trois se-maines au plus et passait sans laisser aucun trouble

    psychique.

    Les plus intressantes parmi ces psychopathies sontles psychoses neurasthniques et les nombreux cas deconfusion mentale. La guerre a imprim cette dernireun cachet spcial : une dpressionfortem ent accuse. Laconfusion, mentale agite ne se voyait presque pas : lesmouvements des sujets taient lents et alourdis; leshallucinations n'affectaient jamais cette forme anime

    changeante, mobile, si caractristique pont la confusionhallucinatoire aigu ; au contraire, elles ta ien t ples etpnibles. Gnralement, aprs quelques semaines desjour dans l asile, les malades pouvaient tre transfrsdans la Russie dEurope sans aucun prjudice pourleur sant.

    Qnant la psychose neurasthnique, elle tait tout fait remarquable. La scne souvrait ordinairement parune forte cphale laquelle s'ajou taient bientt un som-meil inquiet et un tat dapathie. La maladie progres-sait rapidement. Les malades devenaient trs irritableset trs impressionnables : le moindre bruit provoquaitun sursaut de tout le corps, les larmes apparaissaient tout propos et lide de suicide hantait souvent lesprit.Les hallucinations, surtout celles de la vue et de loue,taient terrifiantes et identiques ; elles se rapportaienttoujours aux horreurs de la guerre. T antt ctaientdes tas de cadavres en tat de dcomposition ; certainsmalades entendaient le bruit assourdissant des obus quiclataient partout ; dautres reproduisaient les horribles

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    tableaux de la guerre, avec le sang qui coulait flots,avec les plaintes des blesss e t des mourants et tou t cequils avaient jamais vu ou entendu ; il y en avait aussiqui croyaient leur crne emport dans une bataille, leurcerveau dcouvert ntant quune pourriture. Les petitssoldats rvaient souvent de leurs familles et les nomsde leurs femmes et de leurs enfants revenaient toujoursdans leurs paroles.

    Les symptmes physiques de la psychose neurasth-nique ntaient pas moins caractristiques. Avec le trem-blement des mains et de la langue, avec les rflexesexagrs, on constatait surtout une hyperesthsie con-sidrable ; on ne pouvait toucher le malade ans quilrag t, on ne pouvait mme pas l approcher ; un pe tit

    coup de marteau sur la rotule suffisait pour provoquerun mouvement de tout le corps et un cri involontaire.Mais la marche de la maladie tait satisfaisante. Unesemaine aprs l entre des malades dans lhpital, onne les reconnaissait plus, tant leur tat tait amlioret un mois suffisait pour que la gurison ft complte.

    Remarquons enfin que les malades, une fois revenus

    la raison, se rappelaient trs bien tous les dtails deleur maladie ; lamnsie partielle et confuse ne sobser-vait que trs rarement; jamais on na constat uneamnsie complte.

    Un travail trs consciencieux sur les consquencesmentales de la guerre russojaponaise a t publi parM. Ozeretskovskij (1). Lauteu r, mdecin aliniste

    lhpital militaire de Moscou, a eu loccasion dexaminertous les officiers alins vacus de Kharbine, deNikolsk et dIrkoutsk, sur Moscou. Cest lu i qui nous

    (1) A. J. Ozeretvskoskij. Des troubles mentaux lis la guerrerussojaponaise. Voyenno-MeditsinTcij Journal, (en russe), 1905,num ros d octobre et de novem bre ; 1906, num ros doctobre et denovembre.

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    fournira des dtails sur les affections psychiques de la

    guerre.Lauteur compare le nombre des officiers atteints de

    troubles psychiques en temps de paix et pendant laguerre. Or, ce nombre a augment. Il est presquedouble en comparaison avec le nombre normal des offi-ciers atteints des maladies psychiques. Mais il ne faut

    pas conclure de l que cest la guerre qui est la causeunique de ce doublement. De nombreux officiers, enarrivant sur le thtre de la guerre, taient dj mala-des ; ils taient mme tels avant leur dpart. Dautrestombaient malades quelque temps aprs leur arrive,quoiquils nappartinssen t pas larme active. Dansces cas, la guerre favorisait seulement lapparition dunemaladie dj existante, qui tt ou tard se serait certai-nement dveloppe. Il est curieux de constater que si,en temps de p a ix ,la paralysie progressive (19, 3 p. 100)occupe la premire place dans le milieu militaire (nous

    parlons des officiers), les psychoses alcooliques (11,1p. 100), la deuxime, la psychose neurasthnique, estpresque inconnue (0,2 p. 100) ; en temps de guerre il en

    est tou t au trem ent. Les psychoses alcooliques tiennentla premire place (30,9 p. 100), ensuite se rang en t lespsychoses neurasthniques avec 13,4 p. 100 et la para-lysie progressive vient la dernire (12,2 p. 100). Laquestion sera encore plus claire quand nous saurons quedans larme active prdominent les psychoses neuras-thniques, dans larme darriregarde les psychoses

    alcooliques. En gnral, larme active est la source despsychoses aigus, dans l arme d arri regarde on trouveplutt les affections chroniques.

    Si la guerre na cr aucune psychose particulire, ilest indubitable quelle a donn une marque spciale toutes les formes connues. Presque toujours le dlireavait pour sujet les vnements de la guerre ; dautre

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    part, la prdominance des tats dpressifs tait vi-

    dente. Nous avons dj va daprs larticle de M. Avtokratoff [qui, dans la description des psychoses, ne fa itque rpter ce que M. Ozeretskovskij en a crit), parquoi se caractrisaient les diffrentes psychopathies ;nous ne croyons pas ncessaire de le rappeler soulignonsseulement que le dlire et les hallucinations taient trsabondants et se dveloppaient avec une facilit extra-

    ordinaire ; une trs petite quantit dalcool suffisaitpour faire apparatre le dlire alcoolique, mme chez desindividus qui, avant la guerre, ne souffraient pas dudlire pendant la veille ; dautre p art, les ta ts dpressifsprdominaient te llement que mme la confusion mentalene se prsentait que trs rarem ent sous sa forme expan-sive.

    Le plus grand nombre des affections psychiquesappartenaient aux personnes appeles de la rserve.Cela signifie que la plupart dentre elles arrivaient surle thtre de la guerre dans uu tat trs grave o lamaladie ex ista it dj ou bien nattendait quun occasionde se manifester. Lefacteur hrditaire jouait un rleimmense. Dans larme active comme daDS celle de

    r arriregarde, il surpasse le chiffre de 60 p. 100 detoutes les maladies psychiques. Cest pour cela quon leconsidre comme le principal moment tiologique de laguerre. Lalcoolisme avait la mme importance pourlarme darriregarde. L, 60 p. 100 des officierstombaient malades pour cette raison. Dans larmeactive son importance est moindre, il natteint que laproportion de 25 p. 100. En revanche, ici, cest la dgnrescence qui se place derrire la prdisposition hr-ditaire. Dans 41 p. 100 on constatait les signs dedgnrescence physique. Mais il y avait aussi des caso laffection psychique se dveloppait sur le fond de

    plusieurs facteurs tiologiques (hrditdgnrescence

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    syphilis ; hrditalcoolisme on hrditdgnrescence

    commotion nerveuse, etc.), combins de diffrentesfaons.

    Si les affections chroniques constituaient le tristeprivilge des armes darriregarde, il nen est pas demme pour les armes actives. Ici, il faut distinguertrois catgories dofficiers : ceux qui supportrent lesfatigues sans participer aux batailles, ceux qui se

    tenaient plus ou moins longtemps sur les avantpostes,et enfin ceux qui prenaient une part active dans lesbatailles. A mesure quon slve des premiers aux der-niers, les affections chroniques diminuent pour treremplaces par le type aigu. Ici l'influence des con-ditions pnibles de la vie de guerre se manifeste danstoute sa clart. Sur les avantpostes, cest toujours le

    manque de sommeil, de nourriture, un travail crasant,une tension puisante des nerfs ; cest aussi lattente delennemi, la peur dtre mutil ou tu, la crainte delaveuir, de la nuit, de linconnu, etc. Tout ceci oppressetellement le systme nerveux quil se trouve bienttdans un tat dpuisement extrme. Dans les batailles, ces influences accablantes sajoutent encore dautres

    (acteurs qui agissent dune faon inattendue et violente.Et cest ainsi que prennent naissance les psychosesdtermines par la guerre. On peut dire que les bataillesengendrent presque exclusivement les nvroses et lespsychoses aigus ; parmi ces dernires, la psychose neu-rasthnique et la confusion mentale sont les pins impor-tantes.

    Un travail analogue celui de M. Ozeretskovskij,mais concernant les soldats qui ont pass par 1a, sectionpsychiatrique de l hpital de Moscou, a t publi parM Schakievitch (1). Lauteur constate que la grande

    (1) M. 8. Schaikievitch. Sur les troubles psychiques en rapport

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    majorit des soldats qui taient atteints de troubles

    psychiques prsentaient dans la structu re de leur crne,de leur visage, dans la disposition des oreilles et desdents, etc., des signes physiques de dgnrescence. Euoutre, une certaine quantit de soldats assez minime,il est vrai taient dj physiquement malades avantleur dpart pour lExtrmeOrient. Ctaient gnra-lement des gens atteints de psychopathies chroniques.

    Le plus grand nombre des soldats malades offraientun trouble psychique particulier. On peut le considrercomme un syndrome de dpression et de stupeur. Lemalade est dprim, taciturne. Son intelligence setrouve dans un tat de torpeur ; il est comme abasourdi.Sur les questions poses il ne rpond pas ou rpond parmonosyllabes et avec des grandes pauses. Il sisole et,la plupart du tem ps, reste an lit. L expression duvisage est obtuse, le regard teint. Le pouls est ralenti,la temprature du corps abaisse. Le malade sorientemal dans le temps et lespace, le processus de lasso-ciation se fait avec lenteur; parfois, mais trs rarement,il est saisi par les ides de perscution, dautoaccu-

    sation, de pniteuce, etc., mais toujours elles sontincoordonnes, incohrentes et entrecoupes. La mmoiresaffaiblit, l esprit de combinaison diminue, les op-rations logiques seffectuent, difficilement. Pas dhallu-cinations. Toujours et partout, le malade se plaint devertiges et de confusion des ides. La sensibilit est un

    peu mousse, la force des rflexes dvie ; on peut

    aussi observer dautres signes morphologiques de dg-nrescence. Dans la plupart de ces cas, le malade se

    avec la guerre russnjaponaise. Voyenno-Medilsinsk] Journal {enritxse), 1907. CCXIX, p. 270, 445, 629; CCXX, p. 81.

    Y. aussi :Journa l Nevropatologii i P sykhia trii im Korsakova (enrusse). Contribution l 'tude des troubles psychiques relatifs laguerre russojaponaise, 1904, p. 11021105.

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    rtablit. 11 est intressant de noter que, suivant lauteur,

    les psychopathies telles que la mlancolie, la dmenceprcoce, la dmence paranode (Kraepelin) ta ientgnralement prcdes dun trouble psychique, ressem -blant beaucoup laffection cidessus dcrite. Elle seraitdonc le premier stade de toutes ces maladies. Lauteurcroit ncessaire de donner cette psychose le nomd 'amentia depressivo-stuporosa (1).

    Nous nous sommes arrts plus longtemps sur cettepsychose, et nous avons suivi presque littralem ent ladescription quen donne lauteur pour deux raisons :dabord, parce que cest la psychose dominante parmiles soldats; ensuite, parce quelle est intimement lie la vie de guerre. Non quelle nait t observe entemps de paix (avant la guerre, elle tait dj note

    par l auteur et le Dr Ozeretskovskij) ; mais la guerre aparticulirement soulign le caractre tout fait spci-fique de cette maladie. Elle se dveloppait surtout pen-dant ou aprs les batailles (quelques heures, unesemaine, et parfois mme deux mois aprs), et, commeM. Schakievitch luimme le rapporte, sa cause imm-diate doit tre cherche dans les motions du combat,dans la peur, dans la tension extrme de lesprit et ducorps que le soldat y a prouvs, et enfin dans le choc,psychique ou nerveux, qui rsulte de sa participationau combat ou dune grenade qui clate proximit (2).Dans ce dernier cas, on pouvait mme observer unesurdimutit hystrique avec perte antrieure de con-naissance.

    Quant aux autres formes de maladies mentales, onnotait des cas de confusion mentale aigu, de m-lancolie, de nvrose traumatique, dhystrie, etc. Nous

    . . ,

    (1) V. Journal Necropato l. i P sych ., urticle oit, p. 110.(2) Ib id ., p. 1105.

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    navons pas besoin de rpter que le contenu du

    dlire et des hallucinations tait gnralement empreintdes vnements courants de la guerre : toujours ctaientdes Japonais, le bombardement, la fusillade, le dlirede grandeur (le soldat est hros, capitaine, gnral; ilna pas peur, il tue les Chinois, il sauve le dra-

    peau), etc.Une certaine lumire, sur la question qui nous int-

    resse, peut encore tre projete par les tudes deM. Lubarskij et de M. Soukhanoff. M. Lubarskij qui,

    pendant la guerre , tait mdecin aliniste la sectionpsychiatrique du lazaret de NikolskOussouryjsk, aen loccasion dexaminer 223 cas de troubles men-taux (2). Pour lui, la guerre, avec toutes ses horreurs,avec la peur incessante dtre tu ou mutil, avec lechagrin quon prouv dtre spar de la famille, avecla crainte pour son fu tur sort, doit tre considre commela principale cause de toutes ces affections ; il ne niepas, dailleurs , l im portance de la prdisposition, dufacteur hrditaire, d alcoolisme, etc. Quant aux varitsde maladies mentales, voici le tableau quil en donne :

    P ara no ia a c u t a................................ 61Para no ia c h ro n ic a ............................28M elancholia.........................................24A m e n t i a .............................................. 22

    Dementia curabilis........................... 5M a n ia ................................................... 4

    Paralysis progressiva .......................17Psychosis neurasthenica, hypo-

    condr. et hysterica.......................15

    Psychosis ep ilep tica .......................2 (2).

    Nous voyons que, parmi les psychoses aigus, le

    (1) A. M. Lubarskij. Section psychiatrique du lazaret de Ni-kolskOussouryjsk pendant la guerre russojaponaise. ObnzrenjePsykhiatr i i , Nevrolo gii i eksperymentalnoj P sykh o lo g n , SaintPtersbourg, 1907.

    (2) Ib id ., p. 77.

    C. 3

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    groupe de la confusion mentale domine tous les autres ;ensuite, vient la psychose neurasthnique. Remarquons,avec lauteur, qu toutes ces affections sajoutait, pres-que toujours, un lment de dpression trs accen-tue.

    M. Soukhanoff ne croit pas pouvoir admettre le faitrapport par M. Chakievitch, que la guerre a fait appa-ratre une psychose spciale (1). Le terme amentiadepressivostuporosa a linconvnient de suggrerlide que cest une forme dalination propre unique-ment aux soldats et que lon ne connat pas dans d autrescouches de la socit. Or, selon lauteur, il nen est pas

    ainsi.On peut affirmer que, parmi les soldats alins,,

    on trouvait beaucoup de formes dpressives de psy-choses, mais il est impossible de dire quil y en avaitune qui leur ta it particulire. L auteur, aprs des tudesapprofondies (lauteur a eu sa disposition le matrielclinique de lasile priv, pour les guerriers alins, deM. Lakhtine), arrive aux conclusions suivantes : 1 lesmaladies psychiques, observes chez les combattants de

    lExtrmeOrient, appartiennent deux groupes : lesunes taient aigus, les autres chroniques. Les pre-mires se rapportent surtout aux psychoses aigus, lesautres la dmence des adultes et la paranoa chro-nique ; 2 parmi les psychoses aigus, on pouvait dis-tinguer quatre formes :

    a) La forme dpressivohypocoudriaque.

    b) La forme damentia dpressive.c) La forme dpressivostupreuse.d ) La forme dpressivoparanoaque (2).

    (1) S. Soukhanoff. Sur les formes dpressives du trouble men-tal chez les soldats russes. RussJcij Vratch, 1905 (14381443).

    (2) Ib id ., p. 1443.

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    Lauteur suppose que la forme dpressivohypocon

    driaque se lie plus troitement aux motions du com-bat ; mais ce nest quune supposition.

    Tout le monde se rappelle le sige prolong de PortArthur et la dfense hroque dont, loccasion, lessoldats russes se sont montrs capables. Le D' Wladyczko, mdecin de lasile d'alins de PortArthur, setrouvait parmi les assigs, et ce sont les principaux

    points de son travail que nous voudrions rsumer rapi-dement ici (1). L'abord, sur 52.000 hommes, formantla garnison de la forteresse, on en comptait 39 atteintsde troubles crbraux, ce qui fait 0,75 snr 1.000. Maisles cas dalination, dvelopps spcialement pendantle sige, sont au nombre de 20, donc 0,38 p. 1.000. Ence qui concerne les formes dalination, elles peuvent

    se rpartir de la faon suivante :

    Am entia M eyn erti (conf. m en t.). . 7 cas.Psychose priodique.................................. 6

    . Psychose alcool ique ........................... ...... 4 Psychose neurasthnique .................. ...... 4 P sy ch os e tr a u m a t i q u e ....................... 3 Vsanie m la n co li q u e ....................... 3

    Dm ence p r c o c e ......................................2 Dm ence se c o n d a ir e ............................ 2

    Nous voyons que la confusion mentale est laifectionprdominante. Toutes ces maladies taient empreintesdu mme cachet : dpression extrme et stupeur de lasphre psychique. Dans 22 cas, les malades ressentaient

    presque constamment la souffrance, le chagrin, la tris-tesse, langoisse, la crainte, le dsespoir, etc. Sur

    15 autres, 8 prsentaient un drangement primaire etindpendant de lintelligence (?), sans troubles parti-culiers de la sensibilit morale ; chez 4, on observait

    (1) S. W ladyczk o. Trou bles m entaux pend ant le sige dePor t Ar thur . N ouvelle iconographie de la Salptrire (en fran-ais), 1907, p. 340352.

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    une surexcitation de toutes les parties de lactivit

    intellectuelle et morale. Presque tons les guerriers ali-ns (37) offraient des symptmes de dgnrescence,physiques et psychiques; chez 11 sujets, on constataitune mauvaise hrdit neuropsychique, et dans 6,lalcoolisme.

    Les circonstances tragiques dans lesquelles seffec-tuait la dfense de la forteresse ne pouvaient manquer

    de fournir un terrain favorable aux troubles mentaux. Quand lennemi cerna la forteresse de toutes parts,livra ses violents assauts, bombarda la ville sansrelche des semaines entires, le nombre des morts etdes blesss augmenta de jour en jour ; les vivres spui-srent avec rapidit, lennemi devint plus acharn et lescorbut rgna en matre. Cest alors que la situation des

    assigs devint intolrable ; mesure que leurs forcesdiminuaient, leur labeur devenait plus pnible et lpui-sement du systme nerveux atteignit son apoge.

    Ce ntait pas tout. A la souffrance physique, sajou-trent bientt des causes dordre moral, et ctaient desmotions, tantt durables, tantt brusques et violentes,qui rgnrent. Cest ainsi que lisolement complet oils se trouvaient du reste du monde, limpossibilitabsolue datteindre un ennemi qui tait le plus souventinvisible et inabordable, langoisse enfin avec laquelle,de minute en minute, on sattendait tre tu, mutilou estropi, ne pouvaient tarder dvelopper un tatpsychique oi la fatigue morale et la dpression taient

    aux limites extrmes. Mais, comme dernire cause despsychopathies, l auteur signale , soit un assaut acharn,soit la m ort d un ami, soit une retra ite prcipite devantlassigeant, soit enfin une forme aigu de scorbut.Dans ces conditions, morales et physiques, il nest pastonnant dapprendre que, dans 26 cas, la maladie sedveloppa rapidement, cestdire dans lespace dun

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    jour ou renx ; dautre part, l auteur ne semble pas

    exagrer quand il dit que, pendant les deux ou troisderniers mois de sige, les rgiments des forts rappe-laient des martyrs. Ce ntaient plus des hommes, maisdes ombres : des squelettes vivants (1).

    Nous ne feronsque mentionner le travail de M. Kreyndel (2). En effet, il najoute rien doriginal ce quenous avons dj appris sur les consquences mentalesde la guerre russojaponaise.

    Rsumons et discutons un peu les donnes que nousvenons de dvelopper. Les rsultats de la guerre russo

    japonaise ne sont pas tout fait concordants. DaprsM. Avtokratoff, ce sont les psychoses pileptiques qui

    prdominaient chez les soldats ; ensu ite se rangeaient

    les psychoses alcooliques et la confusion mentale. Chezles officiers, part lalcoolisme chronique, la psychoseneurasthnique dominait les autres. M. Ozeretskowskijconfirme ces faits (quant aux officiers), mais ajouteque les psychoses aigus clataient surtout dans l'armeactive et plus particulirement sous Vinjluence des batailles. Cest l, cestdire dans les armes davant

    postes et de combat, quest la source principale de lapsychose neurasthnique e t de la confusion mentale.

    M. Schakievitch considre que laffection prdomi-nante chez les soldats tait une psychose spciale quilappelle amentiadepressivostuporosa. Elle se dvelop-pait surtout pendant ou aprs les batailles et sa causeimmdiate doit tre recherche, selon lui, dans lesmotions violentes du combat. Ensuite on observait laconfusion mentale, la mlancolie, etc. Dans le tableau

    (1) Y . aussi larticle du mme au teu r, Voyenno-MditsmskijJournal, 1907, p. 108, 31^.

    (2) Dr J. Kreyndel. Revue des maladies dans larme russe enMandchourie. Voyenno-Mditsinskij Journal, 1908.

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    de M. Lnbarskij, la confusion mentale figure daus

    27 cas(l), la mlancolie dans 24, la psychose neuras-thnique dans 15, etc. M. Wladyczko, lui aussi, trouveque, parmi les psychoses aigus de PortArthnr, la con-fusion mentale prdominait ; ensuite venaient la psychosepriodique et la psychose neurasthnique. Les deuxauteurs soulignent limportance capitale du facteurmoral dans le dveloppement des troubles psychiques ;

    les motions du combat y ont surtout contribu.Sans rien changer dans les considrations des auteurs,

    sans mme essayer de concilier leurs statistiques, nousvoudrions cependant tirer quelques conclusions de leurstravaux. A parties maladies chroniques qui, en aucuncas, ne peuvent tre attr ibu es linfluence de la guerre,celleci, au contraire, a jou un rle trs considrabledans la production des psychoses aigus. Parmi lesplus frquentes figurent la psychose pileptique, lapsychose neurasthnique, lamentiadepressivostuporosa de Schaikievitcb et la confusion mentale. (Nouscroyons que les deux dernires sont rapproches plusque leur nom ne le semble indiquer.) Ces affectionsse sont dveloppes sous la dpendance incontestablede la vie de guerre, avec les motions, la fatigue ettoutes sortes de privations qui y sont lies indissoluble-ment. Or si, dans lclosion de la psychose neurasth-nique, les facteurs : fatigue, puisement, privations,

    paraissent tre de premire im portance et si les motionsse placent au second plan, cet ordre tiologique doit

    tre interverti quand il sagit dautres psychoses aigusde la guerre. En effet, elles sont dorigine essentielle-ment motive. Nous ne voulons pas dire par l quellesont t dveloppes uniquement sons linfluence des

    (1) Avec M, Rgis, nous avons rattach la dementia curabilis la confusion m entale.

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    motions. Non, nous voulons seulement constater que

    dans leur gense l'motion a jou un rle absolumentprdominant. A cet gard, les auteurs nous rapportentdes observations prcises quil ne peut tre question decontester. Les affections dont il sagit ne se voyaientquzpendant ou quelque temps aprs les batailles. Surles avantpostes, elles sont dj beaucoup moins fr-quentes ; larme de larriregarde ne connat que les

    psychoses chroniques.Remarquons que ces faits concordent parfaitement

    avec les notions que la psychiatrie nous fournit leursujet. Prcdemment, nous avons dj parl du rlecapital que les motions tristes, plus particulirementla peur et le chagrin, semblent jouer dans letiologiedes accidents pileptiques. Ici nous pouvons seulement

    ajouter que la confusion mentale se dveloppe de pr-frence sur un fond motionnel.

    Enfin, en se rappelant les rsultats qui se sont d-gags de ltude des vnements cosmiques et politiqueset en les comparant aux effets psychiques de la guerre,011 voit qu ils ne se contredisent point. Bien au contraire,les deux sries de faits semblent corroborer lide que,

    dans tous les vnements, ce sont les motions violenteset brusques qui paraissent surtout tre susceptiblesdengendrer les troubles mentaux aigus.

    Donc, en dfinitive, cest aux motions violentes dela guerre que doit incomber la responsabilit de trsnombreux cas de psychoses aigus qni y ont fait leurapparition. Ces cas se rattachent plus spcialement la confusion mentale et la psychose pileptique.

    Extrait des A n n a le s m dic o-psijcholo^igues

    (FvrierMars 1912)

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    Paris. L. M a r i t h k u x , impr.. 1. rue Cassette. 10098.

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