40
15 Des invasions toujours plus dan- gereuses 16 Afrique : le printemps des ani- maux ?, Quand la Chine se ré- veillera. petite souris ou contre-révolution animale ? 17 Éléphants circus : 2 éléphantes sauvées des zoos, et après ? 18 Zoos et com., La peau de l’ours vendue… avant de l’avoir sau- vée 19 Loup : bouc émissaire ou mou- ton noir ? 20 La biodiversité en compétition au stade ! 21 Chasseur = protecteur, une équation contestable 22 L’attribution du permis de chas- ser doit être soumise à avis mé- dical, Cheval à l’honneur 23 Retour des farines animales, L’Amérique du Nord et le bien- être des animaux de consomma- tion. 24 Traçabilité, Vers un éthic…tage de la viande ? 25-28 Comptes-rendus de lecture 3 Hommage à Jean-Jacques Barloy 4 Pauvres pigeons, Partout, ani- maux maltraités et peines variables 6 Contrôles, Les lamantins d’Afrique enfin protégés 7 Le premier groupe européen pour les études de droit animal 8 Imprécisions des mots, conflits de droit, et carences du droit 10 Vers une législation de l’abat- tage rituel en Pologne, La France en infraction à la direc- tive européenne sur le bien-être des truies 11 La France mise en demeure de protéger son ortolan, Lutte contre la surpêche 14 Soigner les animaux sauvages, Collaboration entre fondations, Bonne nouvelle pour les ba- leines, Suspension de la chasse touristique dans deux pays d’Afrique australe ÉTHIQUE DROIT ANIMAL SCIENCES Les hommes et les poissons ont ceci en commun que les grands hommes comme les grands poissons ont disparu. On voit bien que le monde n’est pas fait pour eux. Gao XINGJIAN, prix Nobel de littérature 2000 Extrait de La Montagne de l’âme. 12-13 Lutte contre la surpêche : sous contrôle ou sous-contrôlée ? 2 Billet du président : Progrès à venir DROIT ANIMAL ÉTHIQUE & SCIENCES Revue trimestrielle de la Fondation LFDA Sommaire 29 Animaux et découvertes, Les calmars jouent à pigeon vole 30 Les Rhinogrades, Chatastro- phique ! 31 Petites bêtes pas si bêtes 32 Un chant de survie, Ces singes aux idées larges… 33-34 Demain un Paléolithique Park ? Au pays des merveilles sous- marines 35 Quand la génétique entre en éthologie 36 Comptes-rendus de lecture : La biodiversité récifale des îles Loyauté, Douleurs animales en élevage, L’animal est-il un philosophe ? Cahier central : Nouveaux textes législatifs et réglementaires AVRIL 2013 - N° 77 LA FONDATION DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES (LFDA) 39, rue Claude-Bernard - 75005 Paris Bureaux ouverts du lundi au vendredi de 9 h 30 à 18 h tél. 01 47 07 98 99 [email protected] www.fondation-droit-animal.org ••• RÉDACTEURS DU N° 77 Thierry Auffret Van Der Kemp –TAVDK Zoologiste, biologiste marin, ingénieur de recherche. Directeur de la LFDA. Fabrice Auffret Van Der Kemp – FAVDK Master en communication de sciences de l’environnement. Rédacteur corres- pondant de la LFDA Jean-Jacques Barloy = – JJB Zoologiste, docteur es sciences. Rédacteur de la LFDA. Georges Chapouthier – GC Neurobiologiste, philosophe, directeur de recherche. Administrateur de la LFDA. Alain Collenot - AC Vétérinaire, embryologiste, ancien professeur à l’université Paris VI. Vice- président de la LFDA. Jean-Claude Nouët – JCN Médecin, histologiste, embryo l ogiste, professeur honoraire à la faculté de médecine, université Paris VI. Cofondateuret Président d’honneur de la LFDA. Louis Schweitzer Président de la LFDA. Président de société. ••• Revue trimestrielle : ISSN 2108-8470 Direction de la publication: Louis Schweitzer. Rédaction en chef: Jean-Claude Nouët, et Thierry Auffret Van Der Kemp. Dessins: Brigitte Renard. Mise en page: Maïté Bowen-Squires. Imprimé sur papier sans chlore et sans acidepar IMD-AGC (Imprim’vert) à Vernouillet.

D R O IT AN M L É T H IQ U E& S C N C E S · ronné des oiseaux voletant autour de lui: dans cette bande de quelque deux cents individus, il reconnaissait individuelle - ment chacun

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Page 1: D R O IT AN M L É T H IQ U E& S C N C E S · ronné des oiseaux voletant autour de lui: dans cette bande de quelque deux cents individus, il reconnaissait individuelle - ment chacun

15 Des invasions toujours plus dan-gereuses

16 Afrique : le printemps des ani-maux ?, Quand la Chine se ré-veillera. petite souris oucontre-révolution animale ?

17 Éléphants circus : 2 éléphantessauvées des zoos, et après ?

18 Zoos et com., La peau de l’oursvendue… avant de l’avoir sau-vée

19 Loup : bouc émissaire ou mou-ton noir ?

20 La biodiversité en compétitionau stade !

21 Chasseur = protecteur, uneéquation contestable

22 L’attribution du permis de chas-ser doit être soumise à avis mé-dical, Cheval à l’honneur

23 Retour des farines animales,L’Amérique du Nord et le bien-être des animaux de consomma-tion.

24 Traçabilité, Vers un éthic…tagede la viande ?

25-28 Comptes-rendus de lecture

3 Hommage à Jean-JacquesBarloy

4 Pauvres pigeons, Partout, ani-maux maltraités et peinesvariables

6 Contrôles, Les lamantinsd’Afrique enfin protégés

7 Le premier groupe européenpour les études de droit animal

8 Imprécisions des mots, conflitsde droit, et carences du droit

10 Vers une législation de l’abat-tage rituel en Pologne, LaFrance en infraction à la direc-tive européenne sur le bien-êtredes truies

11 La France mise en demeure deprotéger son ortolan, Luttecontre la surpêche

14 Soigner les animaux sauvages,Collaboration entre fondations,Bonne nouvelle pour les ba-leines, Suspension de la chassetouristique dans deux paysd’Afrique australe

ÉTHIQUEDROIT ANIMAL SCIENCES

Les hommes et les poissons ont ceci

en commun que les grands hommes

comme les grands poissons ont

disparu. On voit bien que le monde

n’est pas fait pour eux.

Gao XINGJIAN,

prix Nobel de littérature 2000

Extrait de La Montagne de l’âme.

12-13 Lutte contre la surpêche : sous contrôle ou sous-contrôlée ?

2 Bi l le t du prés ident : Progrès à veni r

D R O I T A N I M A LÉ T H I Q U E & S C I E N C E S

Revue tr imestr ielle de la Fondation LFDA

Sommaire

29 Animaux et découvertes, Lescalmars jouent à pigeon vole

30 Les Rhinogrades, Chatastro-phique !

31 Petites bêtes pas si bêtes32 Un chant de survie, Ces singes

aux idées larges…33-34 Demain un Paléolithique Park ?

Au pays des merveilles sous-marines

35 Quand la génétique entre enéthologie

36 Comptes-rendus de lecture :La biodiversité récifale des îlesLoyauté,Douleurs animales en élevage,L’animal est-il un philosophe ?

Cahier central : Nouveaux textes législatifs et réglementaires

AVRIL 2013 - N° 77

LA FONDATION DROIT ANIMAL,ÉTHIQUE & SCIENCES

(LFDA)

39, rue Claude-Bernard - 75005 ParisBureaux ouverts du lundi au vendredi

de 9 h 30 à 18 htél. 01 47 07 98 99

[email protected]

•••

RÉDACTEURS DU N° 77

Thierry Auffret Van Der Kemp –TAVDKZoologiste, biologiste marin, ingénieurde recherche. Directeur de la LFDA.

Fabrice Auffret Van Der Kemp – FAVDKMaster en communication de sciencesde l’environnement. Rédacteur corres-pondant de la LFDA

Jean-Jacques Barloy = – JJBZoologiste, docteur es sciences.Rédacteur de la LFDA.

Georges Chapouthier – GCNeurobiologiste, philosophe, directeurde recherche. Administrateur de laLFDA.

Alain Collenot - ACVétérinaire, embryologiste, ancienprofesseur à l’université Paris VI. Vice-président de la LFDA.

Jean-Claude Nouët – JCNMédecin, histologiste, embryo logiste,professeur honoraire à la faculté demédecine, université Paris VI.Cofondateuret Président d’honneur dela LFDA.

Louis SchweitzerPrésident de la LFDA. Président desociété.

•••Revue trimestrielle : ISSN 2108-8470Direction de la publication: Louis

Schweitzer.Rédaction en chef: Jean-Claude Nouët,

et Thierry Auffret Van Der Kemp.Dessins: Brigitte Renard.

Mise en page: Maïté Bowen-Squires.

Imprimé sur papier sans chlore et sansacidepar IMD-AGC (Imprim’vert) à

Vernouillet.

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La volonté de préserver la diversité duvivant, le souci d'assurer le bien-être desanimaux, de leur éviter des souffrancesnon nécessaires, progresse. On peut eton doit s'en réjouir mais à l'inverse l'im-mensité du chemin à parcourir dans ledomaine du droit, de la science et surtoutde la pratique ainsi que la faiblesse desmoyens disponibles peuvent décourager.

Les conservatismes, les habitudes, laforce des intérêts économiques ou autres,sont des obstacles difficiles à surmonter.Chaque progrès doit être arraché par descombats longs, parfois épuisants et ilarrive que ces progrès soient remis encause. Cette situation ne doit pasconduire à se résigner mais à rechercherles moyens de rendre notre action plusefficace. L'action européenne et interna-tionale et la mise en réseaux constituentune voie majeure d'efficacité.

• L'action dans le cadre de l'Union euro-péenne est essentielle ; elle permet desurmonter des arguments liés à la concur-rence internationale puisque les règlesmises en œuvre s'appliquent à nos princi-

paux partenaires et concurrents ; elle sefonde sur l'action d'agents convaincus etcompétents qui trouvent à la commissionet au parlement européen des appuis effi-caces ; la Fondation LFDA apporte sonsoutien au plan d'action de l'Union pourles années à venir.

• Le droit comparé c'est-à-dire l'étudedes progrès faits en matière de droit ani-mal dans les autres pays développés peutêtre une source d'inspiration. Il apportedes idées et il apporte surtout la preuveque des progrès du droit en faveur desanimaux sont possibles puisqu'ils ont étéeffectivement réalisés dans des payssimilaires au nôtre.

• La création à l'initiative de Jean-MarcNeumann du réseau EGALS qui rassem-ble outre la LFDA des institutions universi-taires suisses et espagnole et desjuristes, éminents spécialistes de la condi-tion animale dans le droit, sera égalementj'en suis convaincu source de progrès.

Louis Schweitzer

Progrès à venir

2 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Billet du président

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 3

Hommage à Jean-Jacques Barloy

La Fondation LFDA déplore la disparition de Jean-Jacques

Barloy, un ami de longue date, naturaliste, zoologiste défen-

seur infatigable de la nature et de l’animal sauvage, et un

membre précieux de la rédaction de cette Revue.

Ornithologue de formation, il avait soutenu en 1966 sa

thèse de docteur ès sciences en présentant ses recherches

sur le moineau domestique, qui est resté son oiseau fétiche

toute sa vie. Pendant nombre d’années, il se rendait presque

chaque jour dans les jardins du Palais Royal, à Paris, où

« l’homme aux moineaux » était une vraie attraction, envi-

ronné des oiseaux voletant autour de lui : dans cette bande

de quelque deux cents individus, il reconnaissait individuelle-

ment chacun d’eux aux particularités des plumages, aux

tonalités des couleurs, aux pépiements, à la façon dont ils

arrivaient vers lui, se perchaient sur lui, d’un seul vol ou par

approches successives ; chacun avait un nom.

Écrivain prolixe, il est l’auteur et le coauteur d’une vingtaine

d’ouvrages * consacrés aux oiseaux et aux mammifères de la

faune sauvage et domestique, à l’évolution, à l’écologie, aux

rapports homme-animal de la préhistoire à nos jours, aux ani-

maux marins, poissons, phoques et dauphins, aux animaux

mystérieux (il avait identifié la bête du Gévaudan comme

étant un chien de guerre), aux animaux fabuleux (son goût

pour la cryptozoologie, du monstre du Loch Ness au dino-

saure d’un lac africain en passant par le yeti, lui valait

quelques moqueries…). La lutte antichasse a été son combat

constant ; son ouvrage Un chasseur nommé Giscard (1977),

écrit avec la journaliste Françoise Gaujour, a eu succès écla-

tant. Il a également publié d’innombrables articles parus tant

dans la presse d’information, les revues naturalistes spécia-

lisées comme Nos oiseaux dans les années 1990, que dans

les publications d’organisations de protection.

Écrivain, mais aussi militant, manifestant en son temps

contre la Foire à la fourrure de Chalons, contre les spectacles

de dauphins au Moulin-rouge. Les souvenirs d’actions

menées avec lui sont nombreux.

Depuis quinze ans, il a collaboré au Bulletin de la Ligue

française des droits de l’animal puis à la revue Droit animal,

éthique et sciences, dont il a été un rédacteur assidu et pro-

lifique, jusque dans les tout derniers numéros.

Durant l’année 2012, sa santé s’est gravement altérée. Il

est décédé à Saint-Quentin le 26 janvier dans sa soixante-

treizième année. La Fondation déplore la disparition d’un ami

fidèle, d’un militant convaincu de la préservation de la faune.

Elle présente ses condoléances à sa mère et à sa sœur.

Malgré sa maladie, Jean-Jacques Barloy avait encore pu, à

la fin de décembre dernier, rédiger quelques articles, que

nous publions en tête de chacune des trois parties de ce

numéro 77, en hommage à la signature « JJB ».

* Bibliographie zoologique de Jean-Jacques Barloy

Le Monde des ailes, éditions, Albin Michel, 1973Sauvez les cigognes d’Alsace, éditions Néogravure, 1974Les Animaux domestiques, éditions France Empire, 1974Le Bon, la Bête et le Chasseur, (avec Yves Margueritte), éditions Stock, 1976Notre ami le dauphin, (avec Jean-Paul Ehrhardt), éditions Marabout, collection

Grand Document n° 11, 1976Un chasseur nommé Giscard : essai de psychologie féodale, (avec Françoise

Gaujour), éditions A. Moreau, 1977Poissons, Amphibiens et Reptiles, (avec Yves Verbeek et Pierre Civet),

Encyclopédie des Sciences naturelles tome VIII, éditions Famot, diffusion P.Beauval 1978

Les Oiseaux, Encyclopédie des Sciences naturelles tome IX, éditions Famot, dif-fusion P. Beauval, 1978

Les Mammifères, (avec Pierre Civet), Encyclopédie des Sciences naturellestome X, éditions Famot, diffusion P. Beauval, 1978

Les Primates et l’Homme, (avec Pierre Civet), Encyclopédie des Sciences natu-relles tome XI, éditions Famot, diffusion P. Beauval, 1978

Écologie (avec Pierre Civet), Encyclopédie des Sciences naturelles tome XII, édi-tions Famot, diffusion P. Beauval, 1978

Serpent de mer et Monstres aquatiques, éditions Famot, diffusion P. Beauval,1978

Les Dossiers verts et noirs de l’Écologie, Les grands milieux naturels (2 tomes),éditions Famot, diffusion P. Beauval, 1979

Merveilles et Mystères du monde animal, éditions Famot, diffusion P. Beauval,1979

Lamark contre Darwin : l’évolution des êtres vivants, éditions Études vivantes,1980

Batailles pour les phoques, (avec Philippe Copé), Édition De la Mer, 1980Vive les dauphins ! (avec Philippe Coppé), Édition De la Mer, 1980Fabuleux Oiseaux : de la préhistoire à nos jours, éditions Robert Laffont, collec-

tion Les énigmes de l’univers, 1980La Peur et les Animaux, de la légende à la réalité, éditions Balland, 1982La Préhistoire : des australopithèques aux chasseurs de mammouths, éditions

Hachette collection Échos encyclopédie, 1984Les Survivants de l’ombre : enquête sur les animaux mystérieux, éditions

Arthaud, 1985La Vie sociale des animaux, éditions, Hachette 1989L’Agenda de la nature : observer et comprendre la nature, 1er mois sur 12, (avec

Jean-Claude Chantelat), éditions Solar, 1990Zoom sur l’homme préhistorique, éditions Hachette, 1994Bernard Heuvelmans, un rebelle de la science, (avec Jean-Luc Rivera), 2007

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DROIT ANIMAL

4 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Pauvres pigeons

« Décompression explosive » : l’expres-sion a de quoi effrayer lorsqu’on sait quec’était la méthode d’abattage des pigeonsdes villes la plus employée en France.

Les pigeons sont introduits dans un cais-son étanche relié à une pompe à vide. Laperte de connaissance par hypoxie et lamort ne sont pas douloureuses à conditionque la décompression s’effectue en unedizaine de minutes. Or les caissons à videutilisés obtiennent la même décompres-sion 15 à 20 fois plus rapidement. Un rap-port de l’American Veterinary Associationen 2000, qui actualisait les données d’uneétude menée en 1978 (1), classait cette

décompression rapide comme méthodeinacceptable pour euthanasier les ani-maux. Elle provoque la dilatation explosivede toutes les cavités remplies d’air desoiseaux, (alvéoles pulmonaires, sinusoreilles moyennes, intestins et os). Lesoiseaux ne meurent pas instantanémentmais subissent les souffrances d’une ago-nie de l’ordre d’une minute avec son cor-tège d’éclatements, de boursouflures, desaignements, de vomissements et deconvulsions. De plus, les oiseaux imma-tures résistant à l’hypoxie, des recompres-sions accidentelles dans des appareils malentretenus provoquent le réveil des ani-maux blessés.

Pour ces raisons, ce procédé a été inter-dit dans plusieurs pays, dont la majoritédes États d’Amérique depuis plusieursannées, mais autorisé en France depuisl’arrêté du 12 décembre 1997 transposantla directive européenne du 22 décembre1993. Heureusement, il n’entre plus désor-mais dans la liste des méthodes autoriséesde mise à mort des animaux ni en France nidans aucun autre pays de la communautéeuropéenne depuis le 1er janvier 2013, dated’entrée en application du Règlement CEn° 1099/2009 du Conseil du 24 septembre2009 sur la protection des animaux aumoment de leur mise à mort.

À partir de cette année, les pigeons nesubiront donc plus la décompression explo-sive. Il est vraiment regrettable que cetteinterdiction n’ait pas été anticipée commeelle aurait pu l’être au vu des connais-sances scientifiques bien établies depuisquinze ans sur les méfaits de cetteméthode. D’ailleurs, depuis cinq ans enFrance, de nombreux militants d’associa-tions protectrices écrivaient aux maires etmanifestaient régulièrement dans lesgrandes villes pour réclamer l’interdictionanticipée de ce mode cruel d’abattage despigeons. À toute autre méthode de limita-tion des populations de pigeons, ils recom-mandaient de privilégier les méthodescontraceptives.

On saluera à ce titre la création du « dou-zième pigeonnier contraceptif de Paris »,(Le Monde, 30 septembre 2012), assortid’une méthode douce de « secouage » desœufs – ce qui arrête leur développement :une contraception certes limitée, mais àterme plus efficace que les destructionsmassives encore autorisées par exemplepar asphyxie au gaz carbonique.

JJB(1) Nicolas H. Booth, Effect of rapid decompression

and associated Hypoxic Phenomena in Euthanasia ofAnimals: A Review. Journal of Animal Science. 79(Suppl.1): 279. 1978.

Partout, animaux maltraités et peines variables

• Un couple en procédure de divorce avaitlaissé seul et sans soins, dans un garagependant 15 jours, leur chien griffon nivernais,avec une gamelle d’eau mais sans nourri-ture. Le chien a été libéré très affaibli etrongé par les puces. Le tribunal correction-nel de Narbonne, pour abandon et privationde soins, a condamné le mari, propriétaireen titre du chien, à 100 € d’amende ferme et900 € avec sursis et au versement de 450 €de dommages et intérêts et frais de dépens(Midi-Libre, région Narbonne, 28 janvier2012).

• Le tribunal correctionnel de Nîmes acondamné à 500 € d’amende et au verse-ment de 1000 € de dommages et intérêts àl’association de protection partie civile unhomme qui avait traîné son chien attachéderrière sa voiture, ce qui avait causé de

graves brûlures par frottement à l’animal.(Midi-Libre, Nîmes, 1er février 2012).

• À Saint-Brieuc, 3 chiens, dogue deBordeaux, avaient été laissés seuls et sansnourriture durant 3 semaines par leur pro-priétaire, une jeune briochine; deux chienssont morts de faim tandis que le troisième asurvécu en se nourrissant des cadavres deses compagnons. Le Tribunal de Saint-Brieuc a condamné la jeune femme à 4 moisde prison avec sursis, à une interdiction défi-nitive de détenir un animal, et au versementde 2 000 € pour préjudice à l’association deprotection partie civile (Le Télégramme,Ouest-France, 21 février 2012).

• Un alcoolique, handicapé moteur, qui,lors d’une dispute de voisinage, avait tué sonchien york en le projetant contre une boîteaux lettres puis contre le sol, a été relaxé par

le tribunal correctionnel de Nîmes, malgréque 18 mois de prison et de mise à l’épreuveaient été requis contre lui pour sévicesgraves envers un animal domestique (Midi-Libre, Nîmes, 5 juillet 2012).

• Le tribunal correctionnel d’Alès acondamné un chasseur, qui avait abattu leberger allemand d’un promeneur au coursd’une chasse au sanglier menée sur le ter-rain du propriétaire du chien, à 6 mois de pri-son avec sursis, 200 € d’amende et auversement de 1500 € de dommages et inté-rêts au propriétaire du berger allemand et200 € de dommages et intérêts à laFédération des chasseurs du Gard consti-tuée partie civile. (Midi-Libre, Région Alès,13 juillet 2012)

• À Adinfer, dans le Pas-de-Calais, un ber-ger malinois qui attaquait des brebis a été

Le code pénal prévoit pour les sévices, actes de cruauté envers les animaux domestiques ou apprivoisées ou tenus en cap-tivité ou leur abandon (article 521-1) 2 ans de prison, 30000 € d’amende et une interdiction temporaire ou définitive de détentionde ces animaux, pour leur mise à mort volontaire sans nécessité (article R.655-1) 1500 € d’amende, pour les mauvais traite-ments (article R.654-1) 750 € d’amende, et pour les atteintes involontaires à la vie de l’animal (article R.653-1) 450 € d’amende.

Quelques exemples empruntés à la jurisprudence récente dans le Nord, l’Ouest et le Midi de la France montrent que cesniveaux de peine sont rarement appliqués et que la sensibilité des juges à la sensibilité animale est extrêmement variable selonles tribunaux.

u

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 5

DROIT ANIMAL

Partout, animaux maltraités et peines variables (suite)

tué de deux coups de fusil par leur proprié-taire. Le substitut du procureur d’Arrasinvoque l’absence de nécessité de tuer lechien, puisque les brebis n’avaient pas étéblessées et que le propriétaire pouvait fairefuir le chien. Dès lors, le propriétaire des bre-bis pourrait être condamné à une amende de1500 € (La Voix du Nord, 11 octobre 2012).

• À Guingamp, dans les Côtes d’Armor, unhomme avait défenestré son chien staffparce qu’il avait uriné sur ses chaussures,puis l’avait étranglé à mains nues trois joursaprès alors qu’il revenait une patte cassée àla porte de sa résidence. À la suite de perqui-sitions effectuées dans la cave de sa com-pagne, le cadavre d’un chien ensanglantéest retrouvé. L’homme avoue l’avoir tué àcoup de fusil. Cet homme connu pour êtreviolent et ayant fait l’objet de nombreusescondamnations, dont une pour meurtrelorsqu’il était mineur, a été condamné par letribunal de Saint-Brieuc à trois mois de pri-son ferme, interdiction définitive de détenirdes animaux et au versement de 1100 € dedommages et intérêts à l’association de pro-tection animale qui s’était porté partie civile(Le Télégramme, 5 novembre 2012, Ouest-France, 6 novembre 2012).

• Un retraité, exaspéré par la disparitiondes canetons qu’il élevait pour la consom-mation, tue le chat de son voisin par la posed’un collet. Le tribunal d’Alès le condamne à1000 € d’amende avec sursis, 500 € dedommages et intérêts pour le propriétaire duchat et 500 € également de dommages etintérêts pour l’association de protectionconstituée partie civile (Midi-Libre, RégionAlès, 10 décembre 2012).

• Après une procédure de 5 ans entre plu-sieurs juridictions, un septuagénaire, maired’Ivors (Oise), a tué à coup de fusil un chiendivaguant, craignant qu’il ne s’attaque à seschiens de chasse. Il a été condamné le7 décembre 2012 par le tribunal correction-nel de Senlis à 1 000 € d’amende avec sursispour acte de cruauté et au versement de800 € au titre de remboursement des frais dejustice et d’1 € de dommages et intérêts àl’association de protection partie civile. LeMaire a fait appel pour procédure abusive.(Oise-Hebdo, 12 décembre 2012)

• Une jeune femme, après une rupturesentimentale, abandonne son domicile en ylaissant six chats (et 1 kg de cannabis!). Unchat est retrouvé mort et les cinq autres dansun état de grave dénutrition. Le tribunal deSaint-Brieuc l’a condamnée à 18 mois de pri-son, dont 12 avec sursis, mise à l’épreuve,obligation de soin et de travail (Ouest-France, 12 décembre 2012, Le Penthièvre,20 décembre 2012).

• 200 chiens, déshydratés, mal nourris etparfois blessés ont été évacués de deux éle-

vages à Saint-Fraimbault et Ciral dansl’Orne. Les propriétaires qui avaient déjà faitl’objet depuis plusieurs années mises endemeure et de procès-verbaux pour mau-vais traitement font désormais l’objet d’uneprocédure pour sévices graves. Ils risquentune peine de prison (Ouest-France,1er février).

• Un agriculteur d’une commune duMorbihan comparaissait le 6 février au tribu-nal correctionnel de Lorient pour avoir privéde soins, de nourriture et d’eau, une cen-taine de bovins, onze moutons et deux che-vaux, retrouvés très amaigris. De plus, descadavres de vaches et de moutons étaientretrouvés entreposés dans un dépôt nonréfrigéré. Le Parquet avait demandé ladétention provisoire. Le tribunal l’a laissélibre mais sous contrôle judiciaire. (Ouest-France, 7 février).

• Encore à Lorient, un quadragénaire sevenge de son ex-compagne qui l’a éconduit,en tuant les trois lapins nains de ses enfants.Le tribunal l’a condamné le 9 février à 12mois de prison, dont 4 ferme et à 650 € dedommages et intérêts à la propriétaire deslapins. (Ouest-France, 10 février).

• Le maire de Saint-Marc-sur-Seine (enCôte-d’Or), avait attaqué une compagniemaritime (Société nationale CorseMéditerranée), après avoir retrouvé sesdeux chiens, un épagneul et un griffon, mortsasphyxiés dans une chaleur étouffante danssa voiture au cours de la traversée Nice-Ajaccio. Les agents de la compagniel’avaient contraint de laisser ses animauxdans son véhicule en lui assurant qu’unesurveillance des animaux serait effectuée.La cour d'appel d’Aix-en-Provence acondamné la compagnie pour « manque-ments dans la surveillance des animauxdont elle assurait la garde temporaire », àverser 2500 € de dommages et intérêts

(dont 1000 € pour le préjudice moral). LaSNCM interdit désormais les animaux dansles voitures. (bienpublic.com/haute-cote-d-or/2013/02/22)

• À Montbron (Charente), un sexagénaire,pour avoir tué d’un coup de feu le chat d'unevoisine, a été condamné par le tribunald’Angoulême à quinze jours de prison avecsursis, à la confiscation de son arme et auversement de 100 € en dommages etintérêts à la propriétaire du chat et d’1 € endommages et intérêts à l'association de pro-tection des animaux de compagnie portéepartie civile. (Charentelibre.fr/2013/03/06)

• En Italie, un professeur de sciences natu-relles avait fait livrer en classe quatre lapinspour son cours d’anatomie. Deux des lapinsétaient encore vivants à la livraison. Pour lesempêcher de s’échapper, le professeur les atués à coup de marteau devant ses élèves.Le tribunal de Milan a condamné l’ensei-gnant à 8 mois de prison ferme. (CourrierPicard, 29 novembre 2012).

• En Grande-Bretagne, afin d’éviter lesrécidives de mauvais traitements envers lesanimaux, le Pr Andrew Linzey, théologien àl’université d’Oxford, directeur du Centred’éthique animale, vient de proposer la créa-tion d’un « registre judiciaire des atteintesaux animaux » consultable par le public. Laconsultation d’un tel registre faisant état desdifférentes condamnations pour mauvaistraitements, sévices, actes de cruauté,mises à mort sans nécessité envers les ani-maux, aurait de nombreuses « retombées »préventives: par exemple, éviter de vendreun animal à une personne condamnée pourde tels faits.

JJB/TAVDK

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DROIT ANIMAL

6 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Contrôles *

La protection animale et la préservationdes espèces font l’objet de nombreuxtextes législatifs et réglementaires, natio-naux, européens et internationaux, maiscet arsenal est inutile si sa mise en appli-cation n’est pas effective, donc si elle n’estpas surveillée et contrôlée. Plusieurs corpsde contrôle coexistent, et leurs domainespeuvent se chevaucher, leur mission peutêtre permanente ou temporaire, leur sec-teur d’action peut être départemental ounational ou international : technicienssupérieurs du ministère de l’Agriculture,ingénieurs de l’agriculture et de l’environ-nement, ingénieurs du génie rural et ceuxdes eaux et forêts, gardes de l’Office natio-nal de la chasse et de la faune sauvage,officiers de police judiciaire de la gendar-merie ou de la police nationale, agents desdouanes. Sont particulièrement concer-nés, en matière de la santé et du bien-êtrede l’animal, les vétérinaires-inspecteursdes directions départementales des ser-vices vétérinaires, rattachées effective-ment depuis le 1er janvier 2010** auxdirections départementales de la protec-tion des populations (DDPP). Ces direc-tions ont également englobé les Directionsdépartementales de la concurrence, de laconsommation et de la répression desfraudes (DDCCRF), dont les agents sontplus compétents en matière de produitsalimentaires. De son côté, la Commissioneuropéenne fait exécuter par son Officealimentaire et vétérinaire (OAV) des vérifi-cations sur le territoire national, commedans les autres pays membres, portantnotamment sur les élevages, les abattoirs,et les transports au niveau des postesd’inspection frontaliers.

Il faut, ou il faudrait tout contrôler : lesétablissements de production animale etd’élevage, les parcages, les transportsd’animaux, les abattoirs, les fournisseursd’animaux de laboratoires, les établisse-ments d’expérimentations, leurs animale-ries et les expérimentateurs, les zoos, lescirques et assimilés, les atteintes à la bio-diversité de la faune, le commerce d’ani-maux sauvages, le commerce desanimaux de compagnie, les refuges, lesfourrières, etc. Le nombre des établisse-ments est très important, les infractionssont extrêmement diverses, et les animauxconcernés sont innombrables. À cette plé-thore s’ajoute un facteur déterminant, laréduction des effectifs, qui concourt pourune grande part au résultat, l’insuffisancenotoire du nombre des contrôles, notam-ment pour assurer les missions de terrain.Le redéploiement des inspecteurs vétéri-naires départementaux a réduit leur nom-bre, et les services vétérinaires sont moins

facilement accessibles, depuis qu’ils sontfondus dans les DDPP. Les agents desdouanes sont vigilants mais ils sont sou-vent dépassés par la multitude des infra-ctions, fréquemment difficiles à déceler,tant dans les aéroports que les ports mari-times. Les douaniers sont peu nombreux àêtre formés à la reconnaissance scienti-fique des nombreuses espèces protégéespar la CITES et ne disposent pas de locauxni d’équipements appropriés pour héber-ger et soigner les animaux saisis enattente de leur placement définitif. Quantaux inspecteurs de l’OAV, ils ne sont autotal que 6 à être spécialisés dans le bien-être animal, mais ils peuvent éventuelle-ment faire appel à leurs quelquescollègues de santé publique ou de santéanimale. En France, n’ont été effectuésque 15 contrôles ponctuels de janvier 2010à septembre 2012, consistant à vérifier leplein respect des injonctions communau-taires, et la fiabilité des contrôles réaliséspar les services nationaux (concernant parexemple : pesticides, OGM, microbiologieet hygiène, postes frontaliers, traçabilité,bien-être animal en élevage et transport,système de contrôle à l’importation). ***

La question se pose alors : pourra-t-onfaire mieux? C’est malheureusement peuprobable, dans le contexte économiqueactuel, européen mais surtout national, quiporte à réduire les dépenses plus qu’à enengager de supplémentaires, et à faire deschoix politiques d’urgence ou de néces-sité. De ce point de vue, l’animal et sonbien-être ne paraissent pas faire partie desurgences et de la nécessité.

La vraie question est donc : le voudra-t-on ? Car plus que budgétaire, il faudraitune décision politique, visant à simplifierl’actuel système, complexe, diversifié etcoûteux des contrôles, et à le rendre plusefficace.

Une solution pourrait consister à créerune haute autorité publique indépendante,chargée de la condition animale dans saglobalité et de la surveillance de l'applica-tion de l'ensemble des réglementations laconcernant, et à lui transférer les missionsd’inspection et d’expertise, essentielle-ment par le redéploiement de postes. C’estainsi que fonctionnent l’Autorité de sûreténucléaire, la Haute autorité de santé oul’Autorité de régulation des communica-tions électroniques et des postes****.

JCN

* Cet article est inspiré de l’ouvrage Les Droits del’animal, J.-M. Coulon, J.-C. Nouët, Dalloz, 2007.

** Les DDPP ont été créés par décret n° 2009-1484du 3 décembre 2009, dans le cadre de la Révisiongénérale des politiques publiques lancée en juil-let 2007, afin de diminuer la dépense publique, et dans

le dessein de renforcer l’efficacité de l’action publique.Les vétérinaires directeurs départementaux ont éténommés par arrêté du 1er janvier 2010. Parallèlement,le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux par-tant à la retraite est entré en vigueur.

*** Les listes détaillées des contrôles effectués parles inspecteurs de l’OAV, pays par pays, année parannée, sont consultables sur le sitehttp://ec.europa.eu/food/fvo/ir_search_fr.cfm?domain_URL=

**** Lors de la campagne présidentielle de 2007, laLFDA a posé à chaque candidat la question suivante :« Engagerez-vous votre gouvernement à instituer unehaute autorité, œuvrant de manière transversale etindépendante dans l’expertise de la condition animaleet le contrôle de l’application de la réglementation? ».Aucun n’a apporté ni réponse, ni commentaire.

Les lamantins d’Afriqueenfin protégés

Si la Convention internationale sur lecommerce des espèces menacées,(CITES) a scandaleusement refusé d’inter-dire la chasse et le commerce internationaldes ours polaires, elle a au moins acceptéde préserver les lamantins d’Afrique occi-dentale. Ces mammifères aquatiques her-bivores, long de 3 à 4 m et pesant de 300 à500 kg, font l’objet d’un braconnage intensifpour le cuir de leur peau, pour leur chairconsommée comme viande de brousse,mais aussi et surtout pour leur graisse :l’huile de lamantin, au pouvoir supposécurateur, est vendue jusqu’à 230 € le litre !La Corée, la Chine et les pays du Golfe deGuinée sont les principaux acheteurs. Deplus certains de ces animaux sont vendusvivants jusqu’à 3 500 € à certains aqua-riums et parcs d’attractions aquatiques. Lebraconnage, les pollutions, les barrages,les destructions diverses de l’habitat natu-rel, les filets de pêche, la baisse du niveaudes eaux, constituent autant de menacesqui pèsent lourdement sur une populationde lamantins qui remontent les fleuves lorsde leurs migrations saisonnières, et dontl’effectif est estimé à seulement 10000 indi-vidus. Compte tenu du faible taux de repro-duction du lamantin (un seul petit parportée), de la longueur des durées de lagestation (plus d’un an), d’allaitement (unan et demi) et de l’âge tardif de la maturitésexuelle (8 ans), cette espèce est particu-lièrement fragile. Il était temps de protégerle lamantin d’Afrique de l’Ouest commecela a été fait depuis 38 ans pour sescongénères des Caraïbes et d’Amazonie.(Figaro Nautisme, 3 février).

TAVDK

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 7

DROIT ANIMAL

Le premier groupe européen pour les études de droit animal

La LFDA a annoncé par communiqué depresse, publié sur son site le 1er février2013 (1), le lancement, à son initiative, del’Euro Group for Animal Law Studies(EGALS) en partenariat avec trois universi-tés européennes pionnières en droit ani-mal :

- la faculté de droit de l’Universitéautonome de Barcelone, qui a lancé, enoctobre 2011, le premier Master en droitanimal en Europe intitulé « Animal Lawand Society » ;

- la faculté de droit de Bâle qui alancé à la rentrée 2012 un programmedoctoral en droit animal intitulé « Lawand Animals : Ethics at Crossroads » ;

- la faculté de droit de Zurich quiorganise régulièrement des séminaireset colloques sur le sujet dont, en juillet2012, le colloque international « AnimalLaw and Ethics ».

Ce partenariat international ambitieuxdoit permettre d’accroître l’intérêt de lacommunauté juridique européenne pour ledroit animal et d’encourager ainsi sonenseignement dans les universités euro-péennes, ainsi que le développement de larecherche dans ce domaine. L’objectifpoursuivi est d’apporter aux juristes uneconnaissance approfondie des dispositionslégales et réglementaires relatives aux ani-maux, qu’elles soient européennes ounationales, et qu’ils puissent ainsi contri-buer à leur bonne application. À terme, l’onpeut aussi espérer que cela puisseconduire à l’amélioration de la conditionanimale par de nouveaux textes plus ambi-tieux.

Ainsi que nous l’avions écrit dans l’articleparu dans le numéro 72 (janvier 2012) denotre Revue (2), consacré au premier mas-ter en droit animal au monde lancé parl’université Lewis & Clark de Portland, leterme de « droit animal » définit undomaine nouveau regroupant de nom-breuses branches du droit (notamment ledroit civil, le droit pénal, le droit administra-tif, le droit de l’environnement, le droitrural). Ce domaine nouveau est né auxÉtats-Unis dans les années 1970 et y estenseigné aujourd’hui dans plus de 120facultés de droit.

Nous avions écrit dans le même article,après avoir relevé que quelques universi-tés européennes commençaient à s’inté-resser à ce domaine nouveau, que « LaFrance ne saurait toutefois, rester long-temps à l’écart du mouvement qui touchedésormais le monde entier mais cela pren-

dra sans doute encore quelques années. Ilfaudra, au préalable, créer une dynamique,susciter l’intérêt des professionnels et desétudiants en droit et faire reconnaître parles milieux universitaires le sérieux, l’origi-nalité et la grande richesse de ce domainedu droit quasiment inconnu en France afinque le droit animal y soit enfin enseigné. »

C’est précisément cette dynamique quela LFDA a décidé de susciter en lançantEGALS.

Ainsi que le souligne le communiqué depresse, « la création de l’EuroGroup forAnimal Law Studies est un acte novateur etambitieux devant permettre de renforcerl’impact académique et l’efficience desmembres fondateurs dans leur projet dedéveloppement du droit animal en tant quematière nouvelle enseignée en Europe encombinant leur expertise, leurs compé-tences et leur connaissance dans ledomaine de l’enseignement et de larecherche en droit animal »

EGALS a notamment pour projet de tenirchaque année, à la même période, uneconférence sur le droit animal qui seraorganisée à tour de rôle par les membresfondateurs qui en définiront le thème. Laconférence sera ouverte exclusivementaux juristes (universitaires, magistrats,avocats, juristes d’ONG, juristes des admi-nistrations compétentes chargées de veil-ler au bien-être animal et à la protectiondes animaux) et étudiants en droit. Lesinterventions seront faites en anglais pardes personnalités reconnues dans ledomaine du droit animal et seront suiviesd’ateliers de travail et de débats.

La première conférence annuelle estd’ores et déjà annoncée pour avril 2014 etse tiendra à la faculté de droit de Bâle.

EGALS est ouvert à toutes les universi-tés européennes intéressées par l’ensei-gnement du droit animal qui voudront lerejoindre. Des contacts ont été pris par laLFDA avec des universités européennesafin de les informer de la constitution dugroupe, et pour les inviter, si elles le sou-haitent, à rejoindre l’EGALS.

Une première réponse positive a d’oreset déjà été enregistrée avec la demanded’adhésion de la faculté de droit de l’univer-sité de Birmingham qui a été acceptéeavec enthousiasme par les membres fon-dateurs de l’EGALS. Nous espérons quecette adhésion sera suivie de bien d’au-tres !

L’initiative de l’EGALS étant née enFrance, la LFDA espère vivement que desuniversités françaises se joindront bientôtau groupe. À cet égard, la LFDA constateavec regret mais hélas sans surprise,qu’aucune réaction n’a été, du moins à cejour, enregistrée de la part des vingt-et-undoyens de faculté de droit françaisescontactés.

Les facultés de droit françaises voudront-elles rester à l’écart de ce projet et se sin-gulariser au plan européen? Nous n’osonsy croire car il existe en France une poignéed’universitaires qui, à titre personnel, ontdéjà exprimé auprès de la LFDA leur sou-hait que le droit animal soit reconnu etenseigné dans notre pays, et fait part deleur intérêt pour les projets de l’EGALSauxquels ils sont disposés à apporter (sousune forme restant à définir) leur contribu-tion. Ces derniers déplorent cependant lemanque d’ouverture, la frilosité et leconservatisme de leurs facultés respec-tives.

La LFDA est néanmoins convaincue quetôt ou tard, spontanément ou sous la pres-sion des étudiants, le droit animal seraenseigné en France.

La coordination et le secrétariat exécutifde l’EGALS ont été confiés par ses mem-bres fondateurs à M. Jean-Marc Neumann,juriste et administrateur de la LFDA.

Pour toute information complémentairevous pourrez contacter l’EGALS par cour-riel à l’adresse suivante :

[email protected] la LFDA à l’adresse suivante :

[email protected]

JMN

Sources citées :1 http://www.fondation-droit-animal.org/rubriques/

actualites/actualites_dernieres.htm2 http://www.fondation-droit-animal.org/documents

/revue72.pdf

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8 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Imprécisions des mots, conflits de droit, et carences du droit

Les prescriptions du droit se doiventd’être extrêmement claires et précises,pour leur application indiscutée. Mais ledroit écrit utilise des mots, qui, eux, peu-vent avoir une signification imprécise. Ensorte que la précision du droit peut en êtrealtérée. Cette remarque, d’ordre général,s’applique particulièrement aux articles ducode pénal qui concernent l’animal victimede l’homme.

L’article 521-1 du code punit qui se rendcoupable « d’exercer des sévices graves,ou de nature sexuelle, ou de commettre unacte de cruauté envers un animal domes-tique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité »;

l’article R 655-1 réprime « le fait, sansnécessité, publiquement ou non, de donnervolontairement la mort à un animal domes-tique ou apprivoisé ou tenu en captivité »;

et l’article R 654-1 sanctionne « le fait,sans nécessité, publiquement ou non,d'exercer volontairement des mauvais trai-tements envers un animal domestique ouapprivoisé ou tenu en captivité ».

Les trois articles du code semblent doncdénués d’ambiguïté. Pourtant ils sont enta-chés d’imprécisions :

L’une est due à la distinction faite entre les« sévices graves » et les « mauvais traite-ments », dont la part de subjectivité est tou-jours exploitée par la défense, en cas deprocédure, afin d’éviter la qualification laplus grave, et en conséquence la menacede peines beaucoup plus lourdes, en pas-sant d’une peine de deux années de prisonet 30000 € d’amende à une contraventionde 750 €; c’est ainsi que se terminent nom-bre de procédures, à la grande déceptiondes organisations de protection animale quiles avaient engagées.

L’autre imprécision est à rapporter auxtermes utilisés, qui désignent quel animalest concerné par les articles en question.

Les trois articles indiquent de façon iden-tique qu’il s’agit de l’animal « domestique ouapprivoisé ou tenu en captivité ».

Le terme « DOMESTIQUE » est exactementdéfini : Un animal « domestique » appartientà une espèce dont les caractères identifia-bles et héréditaires ont été sélectionnés parl’homme (arrêté du 11 août 2006, cf. RevueLFDA n° 76). Pour être couramment utilisés,les termes « apprivoisé » et « tenu en capti-vité » sont-ils bien compris? Que signifient-ils exactement?

Consultons les dictionnaires… Ils ne sontpas en accord. APPRIVOISÉ se dit d’un animald’espèce sauvage rendu plus docile, moinscraintif, familier (Le Robert), ou moins sau-vage (Le Petit Larousse illustré), ou moins

farouche, et attaché à l’homme dont il subitdocilement la domination (NouveauLarousse illustré, 1898): tout cela n’est pastout à fait équivalent ! Retenons que l’animal« apprivoisé » est un animal d’espèce sau-vage vivant à l’état de liberté, mais habitué àla proximité de l’homme, voire au contactavec lui, au point qu’entre eux peut s’établirune confiance mutuelle, et même se créerune affection partagée.

« TENU EN CAPTIVITÉ » est moins simple àcomprendre; et il faut examiner séparément« tenu » et « captivité »! Comment donc estdéfinie la CAPTIVITÉ? Pour Le Robert, la cap-tivité est l’état d’une personne captive(merci ! cela fait penser aux définitions ducoq, mâle de la poule voir poule, et poulefemelle du coq voir coq…); et le « CAPTIF »n’aurait qu’un seul sens: c’est un prisonnierde guerre, privé de liberté (retenons cettedernière précision). Le Petit Larousse illus-tré fait de la CAPTIVITÉ l’état d’une personnedétenue dans un camp, dans une prison, etdit qu’elle a pour contraire la liberté (autreprécision à noter). Enfin l’ancien NouveauLarousse illustré fait le saute-mouton quereprendra Le Robert en définissant la CAPTI-VITÉ comme l’état d’un captif, lequel est dit« proprement celui qui est pris et retenu ».

À la lumière de ces explications (assezobscures!), le bon sens fait le tri et fait adop-ter ce que nous avons noté au passage: lacaptivité est la privation de liberté.Remarquons au passage, en le déplorant,que ces ouvrages de référence font preuved’un anthropocentrisme stupéfiant : ils n’en-visagent de captivité que celle de l’homme,ignorant totalement la captivité animale,dont pourtant les exemples sont multiples,de l’oiseau en cage au lion prisonnier der-rière les barreaux, en passant par le poissondans son aquarium! Exclusive d’autant plusétonnante que la captivité animale est enquelque sorte officialisée par la mention quien est faite dans la réglementation!

Quid du « TENU » de l’animal? Le texten’utilise pas le terme « détenir », quiimplique la durée (voir Le Petit Larousse),mais « tenir », qui peut être temporaire. Unanimal sauvage tenu dans la main aprèsavoir été capturé peut être lâché sans délai :il n’en reste pas moins que, pendant untemps, il a été en captivité, qui est l’état decelui qui est tenu captif ! Ainsi, les termes« tenu en captivité », qui semble à premièrevue concerner les animaux d’espèces sau-vages détenus dans les zoos, les cirques etautres établissements assimilés, est de por-tée bien plus large. « Tenu » n’est pas« détenu », et n’implique nullement que lacaptivité soit prolongée; l’état d’animal captifpeut être très bref. L’animal « tenu en capti-vité » désigne donc un animal d’espèce sau-vage, privé de liberté, temporairement, ou

définitivement, ou pour une durée plus oumoins prolongée.

Ces considérations ne sont pas qu’unexercice linguistique. Des termes utilisésdépend la mise en œuvre des textes proté-geant l’animal apprivoisé et l’animal tenu encaptivité. En un mot, ces derniers sont-ils àl’abri de la violence humaine? Il n’en estrien. En dépit des textes, l’animal d’espècesauvage, apprivoisé ou tenu en captivité, nebénéficie pas d’une protection égale à cellequi est accordée à l’animal domestique.Voyons dans quelles circonstances, avecquelques exemples.

Par expérience personnelle, j’évoqueraice jeune sanglier « bête rousse », certaine-ment relâché depuis peu par un élevage, ettellement apprivoisé qu’il sortait du sous-bois et des fougères pour s’approcher sansaucune hésitation et venir prendre les mor-ceaux de pain sec que mon épouse et moilui tendions à la main. Ces rencontres quoti-diennes du matin ont duré jusqu’aux pre-mières heures du jour de l’ouverture, où un« chasseur » qui l’attendait, adossé au murdu porche, l’a exécuté d’un coup de fusil à10 mètres. Aucune contravention avec laréglementation de la chasse n’a pu être évo-quée, puisque le tir, sur un animal « gibier »,n’avait pas été effectué « en direction »d’une habitation. En revanche, le sanglierétait incontestablement un « animal appri-voisé », et sa mise à mort ne pouvait répon-dre au caractère de « nécessité » de l’articleR 655-1 du code pénal. Cet argument n’apas été retenu. L’exemple choisi démontrequ’il y a conflit entre le droit pénal, qui pro-tège l’individu animal, et le « droit de lachasse » qui permet de le tuer. Mettre àmort, même à la chasse, un animal reconnuapprivoisé, même gibier, devrait entraînerl’application du code pénal et une condam-nation du responsable à une amende de1500 €.

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DROIT ANIMAL

Imprécisions des mots, conflits de droit, et carences du droit (suite)

Deuxième exemple, déjà évoqué dans len° 70 de cette revue, celui d’un renardeaurecueilli au bord d’une route de Dordogne,aux côtés du cadavre écrasé de sa mère,pris en charge, et complètement appri-voisé. Mais il est interdit à un particulier dedétenir un animal d’espèce sauvage, qui deplus est classée nuisible (dans le cas d’unrenard, un qualificatif parfaitement abusif etanti-écologique puisque le renard est parti-culièrement utile à l’agriculture, en se nour-rissant essentiellement de petits rongeurs).En conséquence, il a été imposé dedétruire l’animal. Cette affaire de mise àmort d’un renardeau apprivoisé révèlel’existence d’un conflit de droit entre lanécessité (arbitraire) de tuer un animal« nuisible » au nom du code de l’environne-ment, et l’interdiction de le faire, au nom ducode pénal, les deux codes prenant dansce cas des dispositions contradictoires.

Le même problème se pose d’ailleursdans un troisième exemple, celui d’un faonde chevreuil prêt à naître recueilli dans lecadavre de sa mère tuée par une voiture(Ouest-France, 27 décembre 2012). Nourriau biberon, mais intelligemment laissé librepuisque la détention d’un cervidé est inter-dite (cervidés, espèces classées dange-reuses, arrêté du 10 août 2004, annexe III),le chevreuil est devenu autonome puisadulte ; il vit dans les bois avec ses congé-nères. Mais il revient tous les matins pourse faire caresser, manger quelquesmiettes, et lécher les mains et le visage deson père nourricier, qui déclare avec émo-tion « Pour lui, je suis sa mère »…Connaissant les risques, ce dernier lui aposé un large collier fluo permettant sonidentification de loin. Mais qui sait ce quepeut faire un viandard ? Si le chevreuildevait être tué à la chasse, il serait légitimed’engager une procédure en justice à l’en-contre du tireur, fondée sur la protectionabsolue accordée par le code pénal à unanimal apprivoisé, et destinée à dénoncerjusqu’au plus haut niveau les contradic-tions entre les prescriptions réglementaireset législatives

Quatrième exemple, celui des anguillesdépecées vivantes, une pratique des pois-sonniers du Sud-Ouest, le plus souvent surles marchés locaux, qui consiste à inciserla peau du poisson en cercle derrière latête et à retirer la peau et la tirant vers laqueue, comme on retourne une chaus-sette. Or les anguilles, vendues vivantespar les poissonniers, sont conservées pareux depuis qu’elles ont été pêchées, géné-ralement par capture à la nasse ; depuis lemoment de leur prise, elles sont « tenuesen captivité ». C’est à ce motif que la LFDAa dénoncé cet acte dès 1996, et à plusieursreprises depuis. La note de service du

9 juillet 1998 envoyée par les services duministère de l’Agriculture, a reconnu cetétat d’animal captif en déclarant que « cettepratique doit être considérée comme […]un acte de cruauté envers les animaux,passible des peines prévues à l’article 521-1 du code pénal ». La note, signée de B.Vallat (actuellement directeur del’Organisation mondiale de la santé ani-male (OIE) imposait « une décérébrationou une décapitation préalablement à leurdépouille », voire une électrocution pourdes structures commerciales importantes.Elle incitait les directeurs des servicesvétérinaires à procéder à des contrôles et àdresser des procès-verbaux. En dépit deces prescriptions, ce dépeçage a continuéà être pratiqué, ici ou là. La LFDA a répétéses interventions. La dernière d’entre ellesdate de juillet 2011, quand à notredemande, la préfecture de la Gironde(direction départementale de la protectiondes populations) a sommé un poissonnierde Créon de se soumettre à l’obligation dedécérébration ou décapitation, en le mena-çant de l’application de l’article 521-1 ducode pénal, confirmant ipso facto l’étatd’animal « tenu en captivité » des anguillesvendues à l’étal. De 1996 à 2011 (et peut-être encore plus récemment), la loi n’estpas parvenue à s’imposer pleinement.

Dernier exemple enfin, celui de la« pêche au vif » des poissons carnassiers(brochet, perche, sandre, black-bass).Cette pêche utilise comme appât un petitpoisson vivant (gardon), soit en l’accro-chant par le dos ou la bouche sur l’hame-çon, soit en glissant sous sa peau aumoyen d’une longue aiguille un fil auquelest fixé un hameçon multiple dont une dentest plantée dans le flanc du poisson appât.Au bout de la ligne lancée à l’eau, le gardonva survivre dans des douleurs intenses, ens’épuisant à tenter de rejoindre le fond pours’y cacher. Les gardons sont le plus sou-vent pêchés à l’avance et conservésdepuis leur capture, parfois pris juste avantla pêche au carnassier : dans les deux cas,ils sont « tenus en captivité » et en consé-quence, ils doivent bénéficier des mesuresde protection contre tout acte de cruauté outout sévice grave. En 1998, nos interven-tions répétées auprès de M. Louis LePensec (ministre de l’Agriculture et de laPêche) et de Mme Dominique Voynet(ministre chargée de l’Environnement)nous ont valu une réponse de cette der-nière nous suggérant d’obtenir une juris-prudence, c'est-à-dire d’engager uneprocédure à l’encontre d’un pêcheur au vif,ce qui nécessiterait la production d’unconstat d’huissier. Nous n’avons pas suivice conseil si malaisément applicable…Mais nous avons développé le sujet avec la

publication du dossier « Réformer la pêchede loisir », publié en juin 2002, et diffuséaussi efficacement que possible, et notam-ment remis au cabinet de Mme RoselyneBachelot, ministre chargée del’Environnement. Au nom des dispositionsdu code pénal concernant la protection dueà tout animal « tenu en captivité », nousproposions que soit prononcée par arrêtél’interdiction de l’utilisation notamment detout animal vertébré vivant comme appât. Iln’en est rien résulté. L’embrochage et l’ac-crochage à vif des poissons utilisés commeappât continuent d’être pratiqués. Rien n’aété décidé depuis 1998. Tout récemment,nous avons dû à nouveau présenter le dos-sier au cabinet de la ministre de l’Écologie.

Avec les exemples détaillés ci-dessus, ilest clairement démontré que les disposi-tions du code pénal destinées à épargnerdouleurs et souffrances à l’animal sauvage« apprivoisé » ou « tenu en captivité » nesont pas appliquées, ou ne le sont qu’aprèsavoir été fermement rappelées. À quoi celaest-il dû ? À deux ordres de faits. Le pre-mier est que la signification de ces mots n’apas été suffisamment éclaircie : on a vupourtant qu’il y avait matière ! Et en consé-quence les obligations qu’ils comportent,comme les incohérences des textes qu’ilsrévèlent, n’ont retenu l’attention ni des pou-voirs publics, ni des juristes, dont on saitque la grande majorité se désintéressetotalement du droit animal. En second lieu,convergent divers facteurs : le fait que lasensibilité des hommes se polarise sur lasouffrance de l’animal domestique et avanttout sur l’animal familier, le fait de l’in-fluence des chasseurs qui, en dépit ducode pénal, imposent les règles de leur loi-sir mortifère, fussent-elles illogiques et anti-écologiques, le fait que les poissonscontinuent d’être considérés comme neressentant pas la douleur, alors que lesconnaissances scientifiques ont prouvé lecontraire (rappelons que dans le cadre dela recherche, les poissons doivent bénéfi-cier des mêmes attentions éthiques quetous les autres vertébrés et ce depuis ladirective sur l’expérimentation de 1986) !Mais la clé réelle de toute l’affaire serésume, au final, au déni de l’aptitude del’animal sauvage libre, même mammifèreou oiseau, à ressentir la douleur et la souf-france, déni auquel les pouvoirs publicscontinuent de ne pas mettre fin, sous lapression des lobbies de la chasse, dessports et des spectacles cruels. Il est grandtemps que la connaissance scientifiqueimpose ses conclusions au droit.

JCN

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10 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Vers une législation de l’abattage rituel en Pologne

En 2012, la Cour constitutionnelle polo-naise avait déclaré inconstitutionnel unamendement de 2004 qui introduisait desexceptions à la loi de protection animaleinterdisant l’abattage des animaux sansétourdissement préalable. En décem-bre 2012, quatre-vingt-dix scientifiques polo-nais avaient cosigné une lettre adressée auPremier ministre pour attirer son attentionsur « le caractère extrêmement cruel pourles animaux, des abattages effectués selonles rites juif et musulman ». Le Dr AntoniAmirowicz de l’Institut de conservation de lanature, membre de l’académie des sciencesde Pologne et le Pr Jerzy Banbura, directeurdu département de zoologie expérimentaleet de biologie évolutive de l’université deLodz déclaraient à ce sujet : « Notre positionn’est pas dictée par un mépris de pratiquesreligieuses et de rites mais seulement établiesur une connaissance scientifique et uneopposition morale aux formes extrêmes decruauté envers les animaux. »

Cependant mi-janvier, un nouveau projetd’amendement visant à rendre compatible laloi polonaise avec les possibilités déroga-toires du droit communautaire européen enmatière d’abattage rituel, a été examiné enConseil des ministres et a été soumis à la

consultation des organisations sociales etcommerciales. Le ministre de l’Agriculturepolonais a déclaré que l’abattage sans étour-dissement préalable doit être légalisé enPologne, non seulement pour respecter despratiques religieuses, mais aussi pour desraisons économiques : la viande des ani-maux abattus selon les rites kasher et halalpourrait rapporter 400 millions d’euros etcréer 4000 à 5000 emplois en Pologne

Sur le plan juridique, si le Premier ministrepense qu’il est nécessaire d’amender la loide protection des animaux, le directeur del’Institut des sciences juridiques, considèrequant à lui que le droit communautaire euro-péen a une priorité absolue sur la loi polo-naise. Il est utile de rappeler que la directiveeuropéenne concernant l’abattage des ani-maux ne fait pas obligation aux États del’union d’autoriser l’abattage rituel, elle ne faitsimplement que prévoir cette option commedérogation au mode d’abattage général obli-gatoirement après étourdissement préala-ble. (Polskie Radio, Dla Zagranicy,24 janvier).

En Pologne, comme dans la majeure par-tie des pays de la communauté, gageonsque la prise en compte des facteurs écono-miques et cultuels prédominera finalement

hélas, une fois de plus, sur celle de l’éthiqueet du bien-être animal.

Rappelons à ce titre que la France quiautorise l’abattage rituel par dérogation, (arti-cle R.614-70-1° du code rural), et où celui-citend à se généraliser dans les abattoirs pourdes raisons économiques, refuse toujoursd’informer les consommateurs sur le moded’abattage des animaux par un étiquetagespécifique des produits carnés, malgré plu-sieurs propositions de loi successives dont laplus récente déposée au Sénat le 17 janvier« visant à informer le consommateur quant àl’origine des viandes issues des filièresd’abattage rituel ».

Rappelons en outre que J.-C. Nouët a pro-posé un étiquetage mentionnant « viandeissue d’animaux abattus après étourdisse-ment » (cf. Droit animal, Éthique et Sciences,n° 76, Abattage et étiquetage, p. 19), quisemble mieux approprié à une informationlaïque non discriminante, respectant à la foistoutes les croyances et la liberté deconscience des consommateurs dontl’éthique prend d’abord en compte la souf-france animale. La Fondation LFDA a pré-senté cette proposition au ministère del’Agriculture.

TAVDK

La France en infraction à la directive européenne sur le « bien-être des truies »

La Commission européenne a désigné le28 janvier les 17 États qui ne sont pas enconformité avec les nouvelles règles debien-être des truies gestantes (directive2008/120/CE) entrées en vigueur le 1er jan-vier pour les élevages de plus de 10 truiescréés avant le 1er janvier 2003; parmi lesÉtats grands producteurs de porcs et eninfraction se trouve la France dont près de30 % des élevages concernés ne sont pasaux normes. Ces normes impliquent notam-ment que chaque truie, un mois après l’insé-mination, doit passer d’une cage individuelled’une surface minimum de 2 m2, à un parccollectif où les truies peuvent entretenir desrelations de groupe, et se déplacer, en ayantpour chacune une surface minimum disponi-ble de 1, 64 m2 à 2,25 m2 selon la taille dugroupe, puis retourner une semaine avant lamise bas à un box individuel pour elle et sesporcelets.

Les producteurs porcins concernés ont eu10 ans pour se mettre aux normes, maismalgré 40 millions d’euros d’aide à la miseen conformité du ministère de l’Agricultureen 2012, plus d’un millier de producteurs,dans la situation de crise que traverse lafilière, n’ont pas pu ou pas voulu s’y confor-mer.

Une procédure judiciaire pour infraction àla réglementation européenne a donc étélancée à l’encontre de la France. À la clef,

probablement, une forte amende ou despénalités d’astreinte jusqu’à la mise enconformité, payées par l’ensemble descontribuables français, qui l’ignorent le plussouvent, car naturellement il est fait peu decommunication officielle sur ces sujets… (LeMonde, 31 janvier; La Dépêche Vétérinaire,21 février)

Rappelons qu’en dehors de ces mesuresspécifiques pour les truies, la France ne res-pecte toujours pas pleinement plusieursautres normes minimales relatives à la pro-tection des porcs, imposées par cette mêmedirective et qui, elles, doivent être appliquéesdepuis 2000.

L’association Alsace-Nature, rejointe parl’association OABA et la Fondation LFDA,avait eu l’initiative en mars 2009 de déposerune plainte auprès de la Commission euro-péenne pour ouverture d’une procédure d’in-fraction contre la France, pournon-conformité à plusieurs articles de ladirective concernant la protection des porce-lets et la satisfaction des besoins comporte-mentaux des porcs. Cette plainte fit ensuitel’objet de compléments de documentation enjanvier 2010, 2011 et 2013. Les organisa-tions plaignantes, à partir de plusieurssources d’information, y dressaient leconstat que la queue des porcelets continueà être coupée en routine dans les élevages,sans recherche de mesures préventives à la

caudophagie, que les matériaux dits de« manipulation » employés sont le plus sou-vent inadaptés pour satisfaire les comporte-ments exploratoires du porc, que lesmesures de formation des professionnels del’élevage porcin et l’organisation de contrôlepour l’application de ces normes sont ineffi-caces. Si la Commission ne s’est toujoursrésolue à engager une procédure d’infra-ction contre la France sur ces points, elle areconnu tout de même, par un courrier endécembre 2012, utilisant un euphémismenon contraignant, que la France « rencontredes difficultés » à mettre en œuvre ces diffé-rentes mesures de la directive.

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 11

DROIT ANIMAL

La France mise en demeurede protéger enfin l’ortolan

Suite à une plainte de l’Association pourla protection des animaux sauvages(ASPAS), le 25 janvier, la Commissioneuropéenne a mis en demeure la France,au motif qu’elle n’assure pas la lutte contrele braconnage et le trafic du bruant ortolan,petit oiseau migrateur, classé espèce pro-tégée. Comme notre revue l’a déjà évoqué(1), depuis quinze ans, dans le départe-ment des Landes, à la demande dequelques élus influents, sous le prétexted’une tradition locale en matière de chasseet de gastronomie, les autorités font preuved’une tolérance qui encourage les bracon-niers à capturer vivants cet oiseau pour lesvendre à certains restaurateurs.

Les oiseaux, capturés avec des piègesdits matoles, sont engraissés durant prèsd’un mois dans le noir complet, puis noyésdans un verre d’Armagnac avant d’êtrevendus 100 € pièce ! La LPO estime à30000 le nombre d’ortolans qui subissentce triste sort chaque année. La France, quiavait déjà été condamnée en 1998 pourabsence de mesure de protection de l’orto-lan, puis en 1999 à verser une astreinte deplus de 142000 € par jour pour mauvaisefoi avérée, a jusqu’au 25 mars pour prouverà la Commission qu’elle se résout enfin àlutter contre le braconnage, sous peine, ons'en doute de payer une forte amende.

La majorité des contribuables français, sitant est qu’ils en soient informés, risquerontalors, en cette période d’austérité, de trèsmal apprécier leur participation forcée aufinancement d’une activité illégale, toléréevoire encouragée au plan local par des éluset des représentants de l’État, amateurs de« plaisirs » gastronomiques reposant surdes « traditions » cruelles. (Libération,4 mars)

TAVDK

(1) Jean-Claude Nouët, « Bruants et truands », Droitanimal, Éthique et Sciences, n° 74, juillet 2012, p. 17.

Lutte contre la surpêche: sous contrôle ou sous-contrôlée?

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Au Parlement européen, comme à laConvention sur le commerce internationaldes espèces de la faune et de la flore mena-cée d’extinction (CITES) d’heureuses déci-sions ont été prises pour lutter contre lasurpêche. À la lumière de nombreusesaffaires de pêches ou de commercialisationsillégales dans le monde, on est cependanten droit de s’interroger sur l’efficacité réelledes dispositifs de contrôle de l’applicationdes réglementations.

Le signe d’une nouvelle politiqueeuropéenne de lutte contre la sur-pêche

En octobre 2012, les ministres européenschargés de la Pêche avaient trouvé un com-promis avec la Commission européennepour prolonger les aides financières à lacasse ou à la modernisation des navires depêche, et l’abandon de la proposition dedroits de pêche transférables. Après que25000 amendements ont été déposés auprojet de réforme de la politique de pêche, leParlement européen a voté très majoritaire-ment pour une baisse des quotas dès 2015afin que les effectifs des populations de pois-sons soient, en 2020, au-delà du rendementmaximum durable, et pour l’interdiction durejet en mer des prises non commercialisa-bles. Ces deux mesures phares devraientpermettre de lutter enfin efficacement contrela surpêche. (Florence Autret, LeTélégramme, 25 octobre 2012; MartineValo, Le Monde, 8 février).

Mieux protéger les requins trèsmenacés par la surpêche

À suite d’un recours lancé par les associa-tions de protection réunionnaises, le tribunaladministratif a suspendu le 27 septem-bre 2012, l’arrêté préfectoral autorisant lapêche au requin dans la réserve naturellemaritime de la Réunion (Le Télégramme,28 septembre 2012). La LFDA ne peut quese réjouir de cette suspension ; la LFDAdénonçait en effet dans cette revue, en octo-bre 2012 (n° 75, page 17), l’inutilité de cetarrêté préfectoral, pris à la hâte sous de fauxprétexte, et sous la pression des surfeurs etdes maires de certaines communes littoralesde la Réunion.

L’Afrique du Sud, qui fut l’un des premierspays à promulguer une loi protégeant lerequin blanc, a pour la première fois aumonde condamné à un an de prison avecsursis et à une amende de 10000 €, unpêcheur braconnier qui avait capturé et tuéun grand requin blanc, espèce protégée.

Une solution efficace pour protéger lesrequins serait de créer partout dans lemonde des sanctuaires de requins comme laréserve de l’île Guadalupe au Mexique quiabrite aujourd’hui 120 requins blancs et

celle, vaste de 6,7 millions de km2, qui vaêtre créée par la Polynésie française et lesîles Cook, où la pêche aux requins sera stric-tement interdite (Le Monde, 6 février; Ouest-France, 9 février; Science et Vie, mars).

Jusqu’à présent, seuls le requin blanc, lerequin-baleine, et le requin-pèlerin étaientclassés en annexe II de la CITES qui limiteleur capture et soumet leur exportation à despermis spécifiques. On peut donc se réjouirde la décision, votée le 11 mars par unemajorité des 2/3 de la CITES, d’inscrire aussià l’annexe II de cette convention, le requin-taupe commun, le requin océanique à pointeblanche, dit longimane et 3 espèces derequins-marteaux (halicorne, grand et lisse).Il est à noter que ces 3 espèces de requins-marteaux sont présentes en Méditerranée,mais avec des effectifs qui ont chuté en unsiècle de 99 %! Un délai de 18 mois estprévu pour la mise en vigueur de la régle-mentation afin d’établir les modalités tech-niques et administratives nécessaires aucontrôle des prises. (Catherine Vincent, LeMonde, 12 mars, p. 8). Dans le même temps,la raie manta est aussi classée en annexe II,tandis que le poisson-scie d’eau douce, déjàclassé en annexe II, passe en annexe I: soncommerce et sa capture sont donc totale-ment interdits.

Cette décision fait suite à une très récenteétude scientifique menée par un biologistemarin de l’université sur des données decaptures de requins rassemblées par la FAODalhousie de Halifax au Canada (1). Cetteétude montre en particulier qu’avec 63 à273 millions de requins pêchés chaqueannée, le taux de pêche dépasse la capacitéde reconstitution de nombreuses espècesde requins à maturité sexuelle tardive. LeJapon, la Chine, Singapour et la Thaïlande,grands exportateurs et/ou consommateursd’ailerons s’étaient farouchement opposés àcette décision de la CITES. Ils misent main-tenant sur le fait que les autorités de contrôleet le personnel douanier auront beaucoup dedifficulté à identifier les espèces, notammentde requins-marteaux, à partir de leurs aile-rons.

Quand la surpêche suscite lesfraudes à la consommation.

Il convient d’espérer que d’ici là, la sur-pêche ne favorisera pas en Europe, desfraudes massives comme celles qui se déve-loppent actuellement sur le marché améri-cain du poisson. Une étude de l’ONGOceana, publiée le 21 février, a été menée àpartir de l’analyse de l’ADN de 1215 échan-tillons de poissons collectés entre 2010et 2012 dans 674 magasins d’alimentation etrestaurants de 21 États des USA. Elle révèlequ’un tiers des spécimens étudiés appartien-nent à une espèce différente de celle

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DROIT ANIMAL

12 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Lutte contre la surpêche: sous contrôle ou sous-contrôlée? (suite)

affichée et portent un étiquetage nonconforme à la charte de la Food and DrugAdministration (agence américaine des pro-duits alimentaires et des médicaments).Près de la moitié des commerces visités estconcernée par ces malversations. Dans lesrestaurants de sushi les cartes sont fraudu-leuses dans ¾ des cas. Ces tromperies por-tent dans 87 % des cas sur le thon, dans59 % sur le vanneau, dans 38 % sur le barchilien et entre 19 % et 38 % sur les morueset les flétans. Cette escroquerie fait passerdes espèces de poissons d’élevage et depoissons sauvages surexploités pour d’au-tres d’espèces non menacées. Des poissonscarnivores, connus pour être à forte teneuren mercure, déconseillés pour les enfants etfemmes enceintes, sont aussi vendus sousun autre nom. De l’escolier noir à graissetoxique est vendu pour du thon. Au prix etsous le nom d’espèces commercialement« nobles », sont vendues des espèces moinsappréciées des consommateurs.

Si aucune étude comparable n’existe enEurope, un certain nombre d’indications ten-tent à prouver que de telles fraudes pour-raient aussi se développer en Europe, où lecontrôle de la provenance et de l’étiquetagene présente pas non plus toutes les garan-ties (l’affaire des « minerais » de viandebovine frelatée à la viande chevaline entémoigne). En 2011, la revue Fish andFisheries révélaient par exemple que 28 %du cabillaud vendu au Royaume Uni et enIrlande était en réalité du merlan ou du lieu,qu’en Espagne le merlu d’Afrique est venduau même prix (et bien entendu sans indica-tion d’origine) que le merlu européen, soitdeux fois plus cher. Le directeur du Comiténational des pêches se souvient d’uneaffaire de darnes de thon blanc tropicaltrempé dans un colorant rouge pour le fairepasser pour du thon rouge (plus rare doncplus cher). Depuis 2010 la Direction géné-rale de la concurrence, de la consommationet de la répression des fraudes a découvertsur les marchés français que des lottes (bau-droie) vendues comme fraîches ont étépréalablement surgelées, que des juvénilesen principe trop petits pour être commercia-

lisés, se retrouvaient sur les étals. Enfin deplus en plus de grandes surfaces, commer-cialisent à prix d’appel des espèces commele poisson-chat Pangasius élevé au Vietnamdans des conditions déplorables dont aucunétiquetage ne rend compte. (Audrey Garricet Martine Valo, Le Monde, 24 février). Cespoissons font en effet l’objet d’une aquacul-ture de très haute densité et sont alimentés

en déchets divers dans des eaux fortementpolluées en métaux lourds et en bactéries, etleur croissance est suspectée d’être parfoisaccélérée par administration d’hormones.

Alors que l’Union européenne autorisedepuis le 1er juin 2012 ses États membres àalimenter les poissons carnivores élevés enaquaculture par les farines animales issuesdes déchets de carcasses de porcs et depoulets, la France a décidé d’interdire cetype d’aliment pour les élevages piscicolessur son territoire. Mais comment les pois-sons d’élevage nourris avec ces farines etimportés seront-ils identifiés et contrôlés?Des fraudes en perspective? (cf. page23l’article « Le retour des farines animales »).

Il est cependant fait remarquer que l’usagede ces farines animales permettrait de luttercontre la pêche minotière qui débarqued’énormes tonnages de petits poissons ser-vant à la fabrication des farines pour l’ali-mentation de la plupart des poissonsd’aquaculture. Cette pêche représente effec-tivement 37 % des captures mondiales etmanifeste déjà des signes de surexploita-tion. Mais le rejet de ces farines par la

France se fonde non seulement sur le sou-venir de l’affaire de la vache folle associéeaux farines animales d’origine bovine etovine en 1997, mais aussi sur la récenteaffaire de fraude de la composition des pré-parations carnées qui a révélé l’évidente dif-ficulté du contrôle en Europe de la traçabilitéde certains composés alimentaires d’origineanimale. (cf. page24 l’article « La traçabi-lité »). Cette défiance sur la traçabilité de cer-tains produits alimentaires carnés en Europevient même de pousser des musulmans,égyptiens immigrés en Belgique, à deman-der qu’une « fatwa sur le poisson enEurope » soit prononcée par les institutionsreligieuses des pays musulmans. Ils arguentdu fait qu’un grand nombre de musulmansmangent jusqu’à présent du poisson pouréviter de risquer de consommer des ali-ments contenant de la chair d’animaux noncertifiée halal. (Oumna.com, 12 mars)

Des moyens de contrôle parfoislocalement insuffisants

La lutte contre la surpêche et contre lafraude à la traçabilité des poissons commer-cialisés passe de toute évidence par descontrôles renforcés. En Europe, la Francen’est pas la mieux classée dans ce domaine.

La Cour des comptes en juillet 2012 dansun ferme rappel à l’ordre transmis à la minis-tre de l’Écologie et au ministre auxTransports et à la Mer, a jugé l’organisationdu contrôle des pêches très éclatée et ina-daptée aux exigences communautaires.Onze corps d’agents différents assurent cescontrôles (cf. Thierry Auffret Van Der Kemp,« Pêches illégales : Les gendarmes aussipour contrôler », Droit animal, Éthique etSciences n° 73, avril 2012, p. 9) sans quesoient « définies dans le détail les modalitésde leur participation ». La Cour des comptespointe également le nombre excessif deports de débarquement qui a augmenté de40 % en cinq ans (ils sont près de 500aujourd’hui). Elle dénonce des pratiquesinacceptables comme celle du Centre opé-rationnel de surveillance et de sauvetage(CROSS) d’Étel qui avait demandé à unpatrouilleur d’interrompre les contrôles dansune zone maritime suite à des récriminations

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DROIT ANIMAL

Lutte contre la surpêche (suite)

des armateurs. À juste titre, la Cour descomptes rappelle que « le contrôle de lapêche ne doit pas être négocié avec la pro-fession » et recommande que « l’autorité del’État soit réaffirmée ». Mme Batho et M.Cuvillier avaient adressé le 1er octobre uneréponse argumentée à la Cour des comptes.Selon l’hebdomadaire Le Marin, débutnovembre 2012. M. Cuvillier avait trouvé cerapport « injustement sévère » et avait rap-pelé « la qualité des contrôles » effectués enFrance, tout en reconnaissant que des amé-liorations pouvaient être apportées. (YannBessoule, Ouest-France, 3-4 novembre).

Sur les côtes de la métropole, l’exemplerécent de l’amende record infligée à un cha-lutier allemand pratiquant une pêche illégalepourrait conforter les propos du ministre tan-dis qu’une pêche illégale pratiquée de façonchronique sur les côtes de Guyane françaiseconforte au contraire l’avis de la Cour descomptes. Quels sont les faits?

– Le 11 décembre 2012, en baie de Seine,dans la zone économique exclusive de laFrance, les contrôleurs des Affaires mari-times, montant à bord d’un chalutier indus-triel allemand, y ont découvert 1600 t de

poissons congelésn’atteignant pas lataille minimale régle-mentaire ou appar-tenant à desespèces autres quele maquereau que lechalutier déclaraitpêcher. Le chalutier,l’un des plus gros dumonde avec ses141 m de long, utili-sait un chalut àmailles larges,déclaré, mais aussiun deuxième filet àmailles étroites,interdit dans la zone,et sa cargaisoncomprenait 83 % dechinchards, cabil-

lauds et harengs. Ces prises illégales repré-sentaient une valeur de 1,2 million d’euros.Le navire a été dérouté au port deCherbourg. Refusant d’acquitter l’amendeforfaitaire de 22500 € et d’accepter la saisiedes captures illégales, le navire a dû rester àquai (ce qui occasionne des frais de l’ordrede 10000 € par jour), en attente du verdict dutribunal. Le 18 décembre 2012, le procureurde la République a condamné l’armateurnéerlandais à 580000 € d’amende et15000 € de dommages et intérêts. À ce jour,jamais une amende aussi élevée n’avait étéprononcée dans l’Union européenne pourune infraction de ce type. Cette sanctionexemplaire est un sérieux avertissementpour ces chalutiers géants en Manche quisont de véritables aspirateurs qui dévastentles fonds et tuent la pêche artisanale (Ouest-France, 15 et 19 décembre 2012; Le Monde,16 décembre 2012; Le Télégramme,19 décembre 2012).

– En Guyane, les pêcheurs et les arma-teurs de ce département français condam-nent, eux, des contrôles très insuffisants. Ils

ne décolèrent pas de voir les navires depêche brésiliens et du Surinam piller depuisdix ans les eaux françaises, plus poisson-neuses, en toute impunité. Certains vontmême jusqu’à exercer des actes de pirateriesur les bateaux de la pêche artisanale locale.Durant une semaine les pêcheurs ont bloquél’accès au consulat brésilien. Soutenus parles élus locaux, les professionnels de lapêche faisaient la grève du poisson et nesortaient plus en mer, et réclamaient l’éradi-cation de la pêche étrangère illégale. Leministre des Transports et de la Mer ainsique le ministre de l’Outre-mer promettaientla mobilisation de nouveaux moyens contrela pêche illégale, notamment une surveil-lance par satellite. Il faut dire qu’en Guyaneles moyens de contrôle sont très réduits. Iln’existe aucun radar terrestre pour surveillerles eaux guyanaises, et les radios haute fré-quence des navires de pêche ne fonction-nent plus à l’ouest du département. La flottedes autorités n’est constituée que par deuxvedettes de la gendarmerie maritime, unevedette des douanes et deux patrouilleurs dela marine, et ces navires sont basés à plu-sieurs heures de navigation des zones fron-talières avec le Brésil et le Surinam où seconcentre la pêche clandestine. Celle-ci,selon le WWF, aujourd’hui menace non seu-lement les poissons et notamment l’Acouparouge mais aussi la tortue Luth et le dauphinde Guyane.

Déjà en juin 2012, une étude del’IFREMER révélait l’ampleur de la pêcheillégale dans les eaux guyanaises. Elle estpratiquée par 200 bateaux dont 60 % venantdu Brésil et 40 % du Surinam qui ont pêchéentre 4000 et 8000 t de poissons par anen 2010 et 2011 soit beaucoup plus que les3000 t annuelles des 100 bateaux françaissous licence en Guyane. Les bateaux clan-destins sont aujourd’hui trois fois plus nom-breux qu’il y a quatre ans. L’IFREMERconfirme que le développement de cettepêche illégale est lié au fait que les eauxfrançaises de Guyane « sont plus poisson-neuses que celles de ses voisins fronta-liers » et à « des contrôles en mer limités »,c’est effectivement le cas, même si depuis2007 des opérations d’abordage de bateauxde pêche illégaux ont rendu possible lacondamnation à la prison ferme de quelquescapitaines et de saisies de poissons, celles-ci restent extrêmement modestes: 52 t sur42 navires en 2012 (Laurence Marot, LeMonde, 10 février).

TAVDK(1) Boris Worm et al., Global catches, exploitation

rates, and rebuilding options for sharks. Marine Policy,2013 March 2; 40: 194.

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ÉTHIQUE

14 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Soigner les animaux sauvages

Il est très rare qu’une ONG de sauvegardede la faune sauvage prenne en compte lebien-être individuel des animaux. C’est pour-tant le cas du Fonds international pour les ani-maux sauvages (IFAW) et du Centre deréhabilitation et de conservation des espècessauvages (CWRC) financé par l’IFAW. LeCWRC a démontré l’interdépendance exis-tant entre le bien-être individuel de chaqueanimal et sa conservation. À titre d’exemple,des bébés rhinocéros de Kaziranga (Inde) ontété élevés par l’homme au CWRC et transfé-rés au Parc national de Manas, marquantainsi le début du programme de réintroductioncrucial en 2006 qui a permis de reconstituerpetit à petit une population complètement dis-parue. Ces forêts ont retrouvé la vie…(Communiqué FAW)

La majorité des vétérinaires (87 %) jugentutiles les soins apportés à la faune sauvageautochtone: la plupart sont alors – évidem-ment – bénévoles (La Dépêche Vétérinaire,13-19 octobre 2012). Toutefois, on doitregretter qu’en France, selon de récentesstatistiques, 20 % des animaux sauvagesblessés, qui sont accueillis dans un centrede soins à la faune sauvage, doivent êtreeuthanasiés dès leur arrivée, et 40 % meu-rent, malgré les soins, en raison de la gravitéde leurs blessures (La Dépêche Vétérinaire,30 novembre 2012).

JJB

Collaboration entre fondations

Coopté par le Comité directeur de laFondation Adrienne et Pierre Sommer, surproposition de son directeur M. BorisAlbrecht, le Pr Jean-Claude Nouët a étéinvité à participer à la dernière réunion duComité, le 4 décembre 2012. La FondationA. et P. Sommer s’attache aux relationshomme-animal, dans une démarche dite« médiation animale », lors de laquelle lesanimaux familiers jouent un rôle social, édu-catif et thérapeutique important auprès despersonnes en souffrance, enfants et adoles-cents en danger, public scolaire et parasco-laire, enfants ou adultes en situation dehandicap (physique, mental, sensoriel, psy-chique) ou hospitalisés, adultes en détressesociale. Lors de la réunion du 4 décembre,ont été présentés les nombreux projets d’ac-tivités 2013 de la Fondation A. et P. Sommer,dont un partenariat avec la Bergerie natio-nale, une aide à l’école Nicolas-Hulot, l’attri-bution de divers prix, une étude et laréalisation d’un film sur la médiation animaleen milieu carcéral, la publication de diversesbrochures éducatives, etc. Au travers de J.-C. Nouët, notre fondation LFDA est heu-reuse et honorée de participer auxréflexions, et aux travaux de la FondationA.et P. Sommer.

JCN

La Commission baleinière internationale aconfirmé officiellement, le 11 janvier, que laRépublique de Corée, qui n’a chasséaucune baleine depuis 1986, abandonnaitdéfinitivement la chasse « scientifique » à labaleine, pour ne poursuivre que desrecherches non létales pour ces cétacés.Cette décision de la Corée du Sud est unrevirement heureux qui montre qu’elle aentendu les messages de protestation dumonde entier, qui faisaient suite à l’annonced’intentions contraires en juillet 2012.

L’IFAW, qui estime à juste titre que lachasse scientifique à la baleine n’est qu’unechasse commerciale déguisée, indique dansson communiqué: « La Corée mérite d’êtresaluée pour avoir renoncé à cette pratiquecruelle et insensée poursuivie par le minis-tère de la Pêche japonais, elle opte ainsipour la science de l’avenir. »

Il faut espérer maintenant que la Corée,qui a déclaré son intention d’accroître lesressources dévolues à l’observation desbaleines pour connaître les espèces fré-quentant ses eaux économiques et leurseffectifs, trouve aussi les moyens de réduireles 150 à 200 prises accidentelles annuellesde baleines de Minke dans les filets depêche coréens car cette espèce est particu-lièrement menacée. Dans les eaux japo-naises un grand nombre de ces baleinessont également tuées par la chasse « scien-tifique ». Comme le démontre l’IFAW dansun rapport sur l’« Économie de la chasse à labaleine japonaise », publié le 5 février, l’in-dustrie baleinière devrait sombrer si ellen’était pas artificiellement maintenue à flotpar l’argent du contribuable japonais à hau-teur de 2 milliards de yens en 2011 (soit prèsde 20 millions d’euros). La chasse à labaleine n’est plus rentable et n’alimentequ’un marché en rapide déclin, alors quel’observation touristique des baleines estune activité en plein essor économique.

Le 1er février, le gouvernement australien ade son côté officiellement interdit aux naviresbaleiniers japonais l’accès aux eaux antarc-tiques australiennes dans la zone écono-mique exclusive au large des îles Macquarie.Les baleiniers japonais se trouvent dès lors

exclus de très vastes zones océaniques oùils chassaient régulièrement en toute impu-nité malgré les protestations. (Sciences etAvenir, mars).

Suspension de la chasse tou-ristique dans deux paysd’Afrique australe

En décembre 2012, la ministre duTourisme de Zambie a annoncé la suspen-sion temporaire des permis de chasse pourles résidents suite à « des abus de conces-sions menaçant certaines populations ani-males ». Début janvier plusieurs médias deZambie annonçaient le licenciement dudirecteur et de quatre autres responsablesde l’Autorité zambienne de la faune sauvage(ZAWA) pour malversations. Plusieurs paysafricains utilisent l’octroi de concessions dechasse comme source de revenus pourfinancer la sauvegarde d’espèces mena-cées et apporter un soutien aux communau-tés locales. Mais la chasse est devenue uneactivité touristique à caractère industriel quibrasse plusieurs milliards de dollars et sus-cite dès lors des comportements de corrup-tion. La ministre du Tourisme de Zambieavait d’ailleurs déclaré au Parlement : « Lachasse ne favorise pas la conservation desespèces et n’a aucun sens sur le plan socialet économique. Ce sont les citoyens et lafaune sauvage qui font maintenant les fraisdes politiques déviantes en matière dechasse, au profit de quelques uns. » Dans uncommuniqué du 14 janvier, l’IFAW (Fondsinternational pour la protection des animauxsauvages) encourage la Zambie à suivrel’exemple du Botswana voisin qui a annoncél’interdiction de la chasse sportive à compterdu 1er janvier 2014. Le président duBostwana estime en effet que « tuer la faunesauvage pour le sport ou les trophées n’estplus compatible avec l’engagement à pré-server la faune sauvage » et pense que cetteinterdiction va faire augmenter les recettesdu tourisme.

TAVDK

Bonne nouvelle pour les baleines

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ÉTHIQUE

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 15

Des invasions toujours plus dangereuses

Une récente étude de l’Agence euro-péenne pour l'environnement (AEE) met enévidence l’installation durable de quelque10000 espèces invasives en Europe. Prèsde 15 % d’entre elles auraient un impactéconomique et environnemental plusimportant qu’attendu. Ainsi, sur les 395espèces européennes menacées d’extinc-tion, 110 le seraient par l’action d’uneespèce invasive.

La plupart du temps ces invasions ont unlien avec l’activité humaine. Elles se carac-térisent par le déplacement (volontaire ounon) d’une espèce dans un autre écosys-tème que le sien, conduisant à des dés-équilibres tant sur le plan sanitaire que surcelui de la biodiversité. Le rapport Theimpacts of invasive alien species inEurope, publié par l’AEE, va plus loin enévaluant le préjudice économique àquelque 12 milliards d’euros. JacquelineMcGlade (AEE) note par ailleurs que lapression exercée par ces espèces exo-tiques s’ajoute à « la pollution, au change-ment climatique et à la fragmentation del’espace ». Parmi les principaux envahis-seurs, outre de nombreux végétaux etchampignons, on compte le chat, la cocci-nelle asiatique, la moule zébrée ou encorele ragondin. (1)

Ce phénomène est en fait mondial, et nedate pas d’hier avec la croissance desdéplacements et des échanges commer-ciaux planétaires par les airs, la mer et laroute. Les îles sont en outre bien plus vul-nérables que les milieux continentaux avecleurs espèces bien souvent endémiques.

Par exemple, les rongeurs introduits parles pirates aux Galapagos (Pacifique)menacent actuellement des espèces proté-gées de tortue (jusqu’à 40 000 individus)contraintes de se reproduire en captivité.Des mesures radicales sont donc néces-saires mais pas sans conséquence sur cer-taines autres espèces protégées. Unecampagne de dératisation par hélicoptère(largage d’un anticoagulant biodégradableet insoluble) est notamment en cours. (2)

Sur l'île américaine de Guam (Pacifique)quelque 2 millions serpents australiens(Boiga irregularis), vraisemblablementintroduits par la Navy vers 1960, menace-raient des espèces d’oiseaux et la vielocale (morsures, coupures électriques…).Les autorités comptent bien limiter cettesurpopulation grâce au traitement préco-nisé par une étude de 2002. Ironie de l’his-toire, cette fois, des « paras-souris »mortes seront larguées depuis les airs,bourrées de paracétamol, un composé peuonéreux et hautement toxique pourl’« ennemi ». Leur mission? Atterrir grâce àun parachute dans les arbres pour y exter-miner les serpents arboricoles en 3 jours.Une première pour un biocide. Chezl’homme le surdosage de paracétamol peutêtre mortel par insuffisance hépatique. Desorganisations de protection animalecomme Peta jugent cette solution« absurde » et « cruelle » pour les serpents.L’enjeu est important tandis que l’archipelvoisin d’Hawaï craint une invasion deBoigas, importés par avion, dont le préju-dice ici, pourrait atteindre 2,14 milliards de

dollars selon le National Wildlife ResearchCenter. (3)

En France, le législateur a prévu un clas-sement spécifique par la qualificationd’« espèce exotique envahissante et/ounuisible » afin de déclencher, le caséchéant, un plan d’élimination systéma-tique. C’est d’ailleurs le cas depuis fin 2012du frelon asiatique qui, en s’attaquant auxcolonies d’abeilles, participe à la surmorta-lité constatée par les apiculteurs.Rappelons que, depuis 2004, le frelon,importé de Chine par bateau, a déjà colo-nisé le Grand Ouest (4).

FAVDK

Sources :

1. Eea.europa.eu, “Invasive alien species : a growing

problem for environment and health”, 21 février.

eea.europa.eu/publications/impacts-of-invasive-

alien-species

2. Le Télégramme, « Les tortues géantes des

Galapagos protégées des rats », 19 décembre 2012.

3. Sophian Bourire, 7sur7.be, « Les États-Unis veu-

lent larguer des souris pour éradiquer une espèce de

serpent », 26 décembre.

7sur7.be/7s7/fr/1505/Monde/article/detail/1586308/

2013/02/26/Les-Etats-Unis-veulent-larguer-des-souris-

pour-eradiquer-une-espece-de-serpent.dhtml

4. Ouest-France, « Le frelon asiatique classé

“espèce nuisible” », 11 décembre.

Pour en savoir plus :

digitalcommons.unl.edu/cgi/viewcontent.cgi?arti-

cle=1374&context=icwdm_usdanwrc

eea.europa.eu/publications/impacts-of-invasive-

alien-species/at_download/file

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ÉTHIQUE

16 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Afrique : le printemps des animaux ?

L’Afrique s’inscrit dans un mouvementd’émancipation, ces dernières années. Leprintemps arabe et la recherche de nou-veaux partenaires commerciaux asiatiquesen sont des exemples. Les conséquencesde ces mouvements sont parfois inatten-dues sur la condition des animaux. Pour lemeilleur et pour le pire.

• En Libye, par exemple, le zoo de Tripoli,pourtant épargné par les combats, estaujourd’hui laissé à l’abandon par les pro-moteurs nippo-coréens en charge de sarénovation depuis 2009. Le colonel Khadafivoyait ce parc comme un écrin de larichesse faunistique africaine. Aujourd’hui900 animaux (83 espèces au total) subsis-tent dans ce parc abandonné par son admi-nistration de tutelle, inconnue à ce jour,même si la distribution de nourriture

demeure financée. Pire, de nombreusesespèces (hiboux, biches…) ont payé unlourd tribut dans des refuges de fortune. Àl’inverse, les enclos laissés vacants par lesrhinocéros, partis avant le début des tra-vaux, permettent aux pélicans de se sentircomme des oiseaux… dans l’eau ! Le parca ainsi connu ses trois premières nais-sances… Les animaux du colonel lui-même, à présent libérés de son joug, ontaussi trouvé refuge dans le parc.

• Au Zimbabwe, des groupes en faveurdes droits des animaux s’organisent en cedébut d’année pour empêcher l’exportationd’éléphanteaux sauvages vers les zoos dunord de la Chine. Les conditions de trans-port et de vie sont telles que l’un d’eux estmort peu après son arrivée cet hiver.

Les zoos ne sont pas seuls concernéspar ces évolutions géopolitiques.

• En Afrique de l’Est, le trafic d’Ivoire està son plus haut niveau historique en 2012.Aussi la Tanzanie a-t-elle annoncé le21 décembre dernier son renoncement à lavente, pour une cinquantaine de millions dedollars, à la Chine et au Japon, de sonstock d’ivoire. L’IFAW, dans un communi-qué de presse, félicitait cette initiative afinde se concentrer sur la coopération pourmettre fin au trafic, alors que des pays voi-sins tel que le Cameroun mobilisent l’ar-mée pour protéger les populationsd’éléphants dont le trafic servait en réalité àfinancer la lutte armée (Soudan, Tchad…).Il faut dire que les saisies enregistrées, leplus souvent à destination de la Chine, sont

importantes. Les dernières en date, en pro-venance du Kenya et réalisées à Hong-Kong et Mombasa en janvier, ont atteint 1et 2 tonnes respectivement pour près de2,5 millions de dollars.

Si le gouvernement chinois ne montrepas de signe de coopération sur ce sujet, iln’en est pas de même de certains étudiantsexpatriés. Jingzhi Tan, de l’université deDuke, déclarait récemment sur le blog del’établissement, vouloir plus de lois pour lebien-être animal en Chine. Il souhaiteengager son pays dans la conservation desespèces menacées africaines… (cf. articlesuivant)

FAVDK

Sources :IFAW, Communiqué de presse “La saisie d’ivoire de

Mombasa confirme l’Afrique de l’Est comme un carre-four de l’ivoire illégal“, 17 décembre 2012.

IFAW, Communiqué de presse “La Tanzanie retire sademande de vente de 100 tonnes d‘ivoire“, 21 décem-bre 2012.

Laurence Caramel, “La tanzannie renonce à vendreson stock de 101 tonnes d’ivoire“, Le Monde, 28 décem-bre 2012.

Chris Grezo “Concern for animal welfare is increa-sing in Africa”, New Internationalist Blog, 11 février.

http://newint.org/blog/2013/02/11/animal-welfare-in-africa/

Ashley Mooney, “Grad Student Sees Yawning Gap inAnimal Welfare”, Duke research Blog, 18 janvier.

http://sites.duke.edu/dukeresearch/2013/01/18/grad-student-sees-yawning-gap-in-animal-welfare/

Erin Conway-Smith, ”Elephants for sale”, 5 février.www.globalpost.com/dispatch/news/regions/africa/zi

mbabwe/130204/Zimbabwe-China-elephant-trade-zoos

Quand la Chine se réveillera… petite souris ou contre-révolution animale ?

La Chine, dont la qualité de l’eau et de l’aireffraye actuellement tant les chinois, seraitaussi le pays cauchemardé de nos amies lesbêtes. Longtemps demeurée contre-révolu-tionnaire (1), la cause animale s’enracineavec la multiplication des scandales liés à lasécurité alimentaire. Ainsi, par exemple, unedizaine de milliers de cadavres de porcs,probablement morts de maladie infectieuseet de maltraitance, ont été rejetés dans unerivière approvisionnant la ville de Shanghaiau mois de mars (2) ; tout est lié dans unpays où la croissance économique repoussechaque jour les frontières de l’impossible.

Près de 16 millions d’animaux (souris,hamsters…) y sont aussi utilisés dans larecherche (3); un record mondial que l’Unioneuropéenne souhaiterait voir diminuer avecl’interdiction de l’expérimentation animalepour tous les produits cosmétiques, commec’est le cas depuis le 11 mars dans ses Étatsmembres (4). Pour autant, les choses évo-lueraient avec la multiplication des ONG,telle NSAPA, selon l’agence Xinhua. Parmi

elles, Animals Asia Foundation (AAF), par lavoix de son représentant chinois WuXiaohong, promeut le principe des « 3R »(remplacement, réduction et raffinement) (5).En attendant ces évolutions, les compagniesaériennes chinoises ont définitivementrenoncé à acheminer des singes destinés àl’expérimentation animale vers les USA sousla pression d’autres ONG. (6)

En outre AAF dénonce, dans son rapport« Friends… or food? » (2012), les conditionsde distribution des animaux sur les marchés.Le cauchemar des chiens dure des joursentiers, enfermés dans des microcages sanseau ni nourriture, jusqu’aux coups infligéspar les « traders » censés garantir la saveurde la viande… Ces pratiques insupportenttoujours plus de chinois qui multiplient lessauvetages de leurs nouveaux amis. (7) Ilsse rendent compte aussi, selon Peter Li (pro-fesseur associé à l’université du Houston etmembre de l’ONG Humane SocietyInternational) interrogé par China Dialogue,que les problèmes de sécurité alimentaire

résultent « de conditions d’élevage contre-nature » (1).

C’est toute la société civile chinoise quis’organise progressivement pour faire faceaux graves problèmes environnementaux etéthiques qui lui sont posés. Signe destemps, les internautes chinois ont pris fait etcause contre la médecine traditionnelle, utili-sant la bile d’ours ou les os, dents, griffes etpénis de tigre, et les fermes d’élevage de cesanimaux. (1) L’ONG anglaise Environ-nemental Investigation Agency (EIA) rappor-tait notamment, le 26 février, le rôle desagences chinoises dans la vente illégale depeaux (luxe) et d’os (mis en poudre pour êtreincorporés dans des vins « tonifiants), enrelation avec l’explosion du nombre de tigrescaptifs (6000 en 2013). (8)

Reste que la Chine, par la reproduction encaptivité et la répression du braconnage,attacherait « une grande importance à la pro-tection des espèces menacées », selon leporte-parole du ministère chinois des u

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ÉTHIQUE

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 17

Quand la Chine… (suite)

Affaires étrangères. (9) Les autoritésauraient aussi interdit les rodéos et les corri-das (2011). Mais de là à voir adopter parl’Assemblée nationale populaire le projet deloi de 2009 – que l’un des contributeursjuriste, le Pr. Changjiwen, avait communiquépour avis à la LFDA (cf. notre revue n° 65,avril 2010, p. 4) – il y a un pas que le gouver-nement chinois, entièrement tourné versl’économie du pays, n’est pas prêt à franchir ;il maintient en tous les cas une surveillanceétroite des activistes de la cause animale,même s’ils ne sont pas considérés commeune menace pour l’ordre social selon le Pr.Li. (1)

FAVDK

Sources:1. Tom Leviit, China Dialogue, “Younger generation

face long wait for animal protection laws in China”, 26février.

2. Dépêche Reuters, “Chine: Plus de 2 200 carcassesde porcs retrouvées dans une rivière”, 11 mars.

3. Jianfei Wang D.V.M.,Ph.D., “Perspective onGlobalization, Regulations, Science Delivery, and PublicConfidence in Animal Research in Asia (China)”, 2011.

4. Charlie Dunmore, Reuters.com “Europe urges US,China to match ban on animal-tested cosmetics”, 11mars.

5. Dépêche Xinhua (Chine nouvelle), “Dog abusearouses concern over lab animal welfare”, 20 février.

6. Jeff Mackey, PETA.org, “Victory: China EasternAirlines Will No Longer Ship Primates to Labs”, 4 mars.

7. Didi Kirsten Tatlow, Rendez-vous InternationalHerald Tribune (Blog), “Amid Suffering, Animal WelfareLegislation Still far Off in China”.

8. Harold Thibault, Le Monde, “Les fermes de tigres enChine accusées d'alimenter un commerce clandestin”, 26février.

9. Dépêche AFP, “China defends record on tiger pro-tection”, 26 février.

Éléphants circus : 2 éléphantes sauvées des zoos, et après ?

En l’espace de quelques semaines, Babyet Népal sont devenues les plus célèbres élé-phantes de France mais aussi les plus mena-cées jusqu’à ce que le Conseil d’État ne lessauve finalement de l’euthanasie. La rocam-bolesque succession de décisions contradic-toires concernant leur infection par le bacillede la tuberculose révèle la difficulté d’enca-drer le suivi sanitaire des animaux de specta-cle et d’exposition.

Tout a commencé le 11 décembre 2012 parla décision du préfet du Rhône d’euthanasierBaby et Népal. Le cirque Pinder s’étaitdéchargé des éléphantes en les plaçant auzoo du Parc de la Tête d’or à Lyon; elles y ontrejoint une congénère prénommée Java. (1)En 2010 des tests sérologiques douteux lesconduisent à l’isolement; mais c’est Java quisuccombe à la tuberculose en août 2012. Lapréconisation par des vétérinaires de nou-velles analyses n’y change rien puisque le20 décembre la décision d’euthanasie estconfirmée.

Alors que le code rural n’impose pas l’eu-thanasie de ces animaux (2), les avocats mul-tiplient les recours juridiques jusqu’à invoquerl’inconstitutionnalité de la décision (3) finale-ment suspendue 14 janvier par le ministre del’Agriculture à la demande du président de laRépublique. (4) Si le préfet refusait toujoursde nouveaux tests (5), le rapporteur public, lui,en vint finalement à plaider le dossier devantle Conseil d’État le 20 février (6); celui-ci rete-nait le 27 février en dernier ressort qu’« ilexiste un doute sérieux quant au caractèreproportionné du choix de la mesure d'abat-tage ». (7)

Dans l’Ouest de la France, plusieurs muni-cipalités se sont vues par ailleurs contraintespar la préfecture de rendre un arrêté suspen-sif de plusieurs numéros de dressage (impli-quant notamment des éléphants) suite à deslettres anonymes dénonçant le non-respectde la réglementation. La piste de la guerredes cirques est notamment proposée par lejournal Ouest- France. (8)

Les conditions de vie des animaux de spec-tacle et d’exposition sont régulièrement poin-tées du doigt en France et dans le monde. EnRoumanie, par exemple, Tania pourrait bienprendre le relais de Baby et Népal dans l’opi-nion avec la pétition lancée par RomaniaAnimal Rescue. L’éléphante serait actuelle-ment à l’isolement forcé au jardin zoologiquede la ville de Târgu Mures en Roumanie aprèsun passage en France, en Espagne et enItalie. Âgée de 38 ans l’animal a déjà tenté envain de s’échapper. Désormais, recluse, elleprésenterait des troubles du comportement etdemeurerait sans contact avec ses congé-nères. (9)

Au-delà des spectacles, c’est bien entendula question de la préservation de l’espècedans son milieu naturel qui reste à organiserau niveau international depuis qu’une étude

britannique, publiée dans Science en 2008, aconstaté la surmortalité des éléphants dansles zoos (10) et que le braconnage n’a cesséde se développer en Afrique. Selon laConvention sur le commerce internationaldes espèces (CITES), 25000 sur 400000 élé-phants auraient été braconnés en 2011. (11)

Le CITES se réunissait récemment àBangkok avec la question de l’encadrementdu commerce de l’ivoire comme dilemme.(12) L’IFAW, aux côtés Kenya Wildlife Service(KWS) et de la School of Field Studies ontenfin annoncé le 20 février dernier la mise enplace de colliers GPS sur 6 éléphants du Parcnational d’Ambroselli (Kenya) visant à étudierleur comportement et leur migration. L’ariditédes sols, consécutive à l’exploitation humaineet animale, constitue à la fois une menacepour les éléphants et la communauté Massaï;elle est également source de conflits. Le dis-positif complète un maillage (60 colliers déjàdéployés sur tout le Kenya) visant à cartogra-phier, d’ici à 2030, l’ensemble des couloirs demigration d’éléphants kenyans dont onestime la population à 37000. (13)

FAVDK

Sources:1. Ouest-France, « Les éléphantes tuberculeuses

seront-elles abattues? », 18 décembre 20122. La Dépêche Vétérinaire, « Le code rural n’impose pas

l’euthanasie des animaux contaminés… », n° 1198, p. 2,26 janvier-1er février.

3. La Dépêche Vétérinaire « Éléphantes de Lyon:L’Élysée demande de nouveaux tests, des confrères préci-sent les connaissances », n° 1197 19-25 janvier, p. 36.

4. Dépêche AFP « L'euthanasie des éléphantes sus-pendue », 14 janvier.

www.lefigaro.fr/flash-actu/2013/01/14/97001-20130114FILWWW00580-l-euthanasie-des-elephantes-suspendue.php

5. La Dépêche Vétérinaire « Éléphantes de la tête d’Or:le préfet refuse toujours de nouveaux prélèvements »,9 février.

6. Métro.fr « Le Conseil d'État incité à gracier les élé-phantes de Lyon », 20 févrie.

7. 20minutes.fr, « Baby et Népal échappent au cimetièredes éléphants », 28 février.

20minutes.fr/lyon/1109449-baby-nepal-echappent-cimetiere-elephants; La Dépêche Vétérinaire « L’arrêtépréfectoral ordonnant l’abattage des éléphantes de Lyonest suspendu », 15 mars.

8. Ouest-France, « Quimper victime de la guerre descirques? », 12 décembre 2012.

9. Romaniaanimalrescue.com, « Tania The ElephantPetition»

romaniaanimalrescue.com/news/newsletter/archive/314-fall-2012

10. Georgia J. Mason et al., Science 12 December2008: “Compromised Survivorship in Zoo Elephants”, Vol.322 no. 5908 p. 1649, DOI: 10.1126/science.1164298

sciencemag.org/content/322/5908/1649.abstract.11. Leprogres.fr, “Espèces menacées. 2011-2012:

années noires pour les éléphants », 2 mars.leprogres.fr/france-monde/2013/03/02/2011-2012-annees-noires-pour-les-elephants.

12. Catherine Vincent, Le Monde, « Constat d’échecpour la défense du monde sauvage », p.8, Edition du 3 et4 mars.

13. Communiqué de presse IFAW « Des colliers pourréduire les conflits et protéger l’habitat des éléphantsd’Amboseli », 20 février.

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ÉTHIQUE

18 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Zoos et com.

Les zoos ne survivent que si des visi-teurs viennent y acheter leur billet d’entrée.Les visiteurs ne viennent que si quelqueévénement nouveau les y attire. C’estpourquoi les zoos entretiennent un serviceactif de communication fournissant auxmédias informations, images, films ou pho-tos, incitant à la visite. C’est la base ducommerce. Ainsi, le Jardin des Plantes àParis a fait savoir qu’un lynx du désert, unepanthère de Chine mâle, et un jaguar mâlevenaient d’y arriver, le jaguar du zoo deVarsovie, et les deux autres du zoo deCracovie. Ce communiqué du Jardin desPlantes n’a pas manqué de souligner quecette opération de transfert se faisait dansle cadre du « plan d’élevage européen ».L’argument de l’élevage salvateur en zooest ressassé ad nauseam. De leur côté, leszoos de Tel-Aviv et de Ramat Gan font leurpropagande sur la naissance de deuxgorillons, et se glorifient de ces succès(source Le Télégramme, 28 nov. 2012).

Mais qu’est-ce que c’est que ces « éle-vages », sinon une criante imposture, dèslors qu’ils sont conduits sous le prétexte dela préservation des espèces ? En quoidétenir à vie un animal en captivité peut-il

contribuer à sauver l’espèce à laquelle ilappartient? En quoi élever des animaux etleur éventuelle progéniture, voués à unevie d’animaux quasi « domestiques », tota-lement dépendants de l’homme, peut-ilempêcher la disparition des populationssauvages de même espèce ? Les opéra-tions de préservation des espèces ne peu-vent porter ce nom que si elles sontconduites sur place, dans les biotopes desespèces en question. Il faut revenir encoreune fois à cette règle de simple bon sensque nous martelons dans cette Revue, lapréservation des espèces ne peut être effi-cace que si l’on préserve les espacesnaturels qui leur sont propres. Le reste est

du pipeau, y compris quand les zoos évo-quent la « remise en liberté » ! C’est le bou-quet ! Où les remettre en liberté, si lesterritoires naturels ont été détruits ?Comment au préalable apprendre à chas-ser à un prédateur carnassier, nourri à laviande d’équarrissage? Comment penserque l’homme puisse assurer l’apprentis-sage des comportements nécessaires à lasurvie en liberté, autant pour les espècesprédatrices que pour leurs espècesproies? Plus grave encore, afficher commel’Europe l’a fait hélas avec sa directive de1999 qui cite la protection des espècesparmi les rôles des zoos, faire croire à laréalité de ce rôle permet de ne rien fairepour agir sur le terrain. C’est là une autreaffaire, qui demande des décisions poli-tiques et des efforts financiers considéra-bles au niveau international ; laconservation des territoires nécessaires àla survie de la faune exige surveillanceconstante, contrôles, législation punitive, etle plus fréquemment dans des pays dont lebut économique et politique est aucontraire de favoriser l’emprise de l’agricul-ture pour nourrir leur population croissante.

JCN

La peau de l’ours vendue… avant de l’avoir sauvée !

La communauté internationale, dernière-ment réunie à Bangkok pour la Conventionsur le commerce international des espècesde faune et de flore sauvages menacéesd'extinction (CITES), a rejeté la propositiond’interdire le commerce international desparties d’ours (peaux…) polaires. (1)

Ce vote, initiative étasunienne soutenuepar la Russie, visait à garantir la survie decette espèce classée « vulnérable ». LeCanada compterait les deux tiers de lapopulation mondiale d’ours polairessauvages et demeure le dernier à en auto-riser la chasse à des fins commerciales

selon des quotas quasiinsoutenables (441 oursalimentent ce commerceannuel). (2) L’opinion cana-dienne, toujours plus défa-vorable (85 %) selon unsondage d’Environics (3),publié en janvier, n’a euaucune incidence ni surson gouvernement ni sur laCITES. L’Union euro-péenne (UE), qui a tardé àconcilier ses divergencesinternes, n’a visiblementpas réussi non plus à peserde son poids (27 voix à laCITES) (3). En FranceMme la Ministre Batho achoisi d’attendre le pro-chain recensement (2014)pour prendre position, mal-gré l’appel de la CoalitionOurs polaires (4). Le Fondsinternational pour la protec-

tion des animaux (IFAW), qui appelaitrécemment l’UE à « s’en remettre à lascience et à écouter leurs citoyens » pourarrêter le commerce de l’ours (5), dénoncepar ailleurs une décision qui « enterre toutelueur d’espoir » (1).

Côté russe, les voix s’élèvent. NikitaOvsyanikov, membre de l’UICN, rappelleque « le maintien du commerce internatio-nal représente une menace supplémen-taire qui pourrait bien conduire à ladisparition définitive de l’ours polaire ».Masha Vorontsova, directrice régionale del’IFAW, dénonce pour sa part « une nou-velle affligeante » alors que le commercealimente l’abattage illégal et le trafic d’ourspolaires en Russie. (1)

Pis, son habitat et son alimentationseraient encore davantage menacés par leréchauffement climatique au point d’envi-sager des mesures exceptionnelles. Unepublication dans le journal Conservationletters évoque la nécessité de déplacer lespopulations vers le Nord ou encore unaccueil estival dans des centres animaliers.(6) Il faut dire que dans certaines localitéscanadiennes telles que Churchill, les oursvisitent régulièrement les poubelles enattendant de pouvoir chasser de nouveaule phoque. (7) u

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ÉTHIQUE

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 19

La peau de l’ours (suite)

Dès lors, l’organisation de la distributionde nourriture apparaît primordiale commec’est déjà le cas pour certains ours brunssauvages en Europe dont la restaurationest aussi à l’ordre du jour. La France vientd’être notamment mise en demeure par laCommission européenne d’adopter unepolitique cohérente de restauration del’ours dans les Pyrénées. (8) DelphineBatho jugeait, récemment, la situation decette population « plutôt favorable » bienque l’Observatoire français des conjonc-tures économiques (OFCE ) préconisât lerelâchement d’une vingtaine d’ours pourgarantir un état favorable de conservation àcette population. (9) Deux associations(Ferus et Pays de l’Ours – Adet) ont d’ail-leurs adressé à la ministre leur projet delâcher deux femelles dans les Pyrénéesoccidentale et centrale au printemps 2013ou 2014. (10)

Quelles que soient la couleur de leurpeau et les mesures prises pour les sauver,les ours ne devraient pas rester très long-temps dans la catégorie des espèces sau-vages en liberté ! En effet, lesconséquences des activités humaines n’enfinissent plus d’organiser leur captivité par-tielle à l’échelle du globe.

FAVDK

Plus d’infos :www.conbio.orgwww.ifaw.orgwww.cites.orgwww.ofce.sciences-po.frwww.wiley.com/bw/journal.asp?ref=1755-263X

Sources :1. Communiqué IFAW, « L’arrêt de mort de l’ours

polaire signé à la CITES », 7 mars.2. Catherine Vincent, Le Monde, « Faut-il interdire le

commerce de l’ours polaire? », p. 7, 21 janvier 2012.3. Communiqué IFAW, « Sondage : pression sur le

gouvernement alors que les citoyens canadiens expri-ment leur opposition au commerce international desours polaires », 31 janvier.

4. Communiqué de l’IFAW France et Robin des Bois,« 13 associations exhortent la France à s'opposer aucommerce international des ours polaires et de leursparties », 13 décembre 2012

5. Communiqué IFAW, « La division de l’UE menaceles ours polaires », 1er février.

6. Grégoire Allix, Le Monde, « Faudra-t-il nourrir lesours polaires pour sauver l'espèce? », 8 février.

7. Ouest-France, « Des ours blancs envahissent uneville du Canada », 23 décembre 2012, n° 350.

8. Dépêche AFP, LeFigaro.fr, « Ours blanc : une"honte" pour Bardot », 8 février.

9. Communiqué Ferus et Pays de l’Ours – Adet,« Ours : Delphine Bato défie la Commission », 31 jan-vier.

10. Communiqué Ferus et Pays de l’Ours – Adet,Ferus et Pays de l’Ours- Adet ont décidé de lâcher deuxourses dans les Pyrénées », 24 janvier.

Le Plan national loup 2013-2017 a étérendu public le 5 février dernier (1) dans uncontexte tendu, suite à l’adoption par leSénat d’un texte de loi « visant à créer deszones de protection renforcée contre leloup » (2). Ce plan privilégie une hausselocalisée des prélèvements ainsi qu’une« éducation des loups » à l’évitement deszones pastorales. Mis en application auprintemps, le plan serait parvenu, selon leministre de l’agriculture Stéphane Le Foll« à combiner biodiversité et protection del’élevage » (3).

L’accueil positif à la fois des organisa-tions syndicales (FNSEA, JA, FNO), qui yvoient actée l'incompatibilité du loup avecl'élevage (4), et d’associations de protec-tion animale, comme Ferus, satisfaites devoir confirmer le statut d’espèce protégéedu loup (5), engage les acteurs de la filièredans une phase déterminante pour la ges-tion des populations de loups comme pourl’indemnisation des éleveurs.

L’indexation des prélèvements sur lacroissance de l’espèce selon « une gestiondifférenciée », justifiée pour la ministre del’Écologie, Mme Delphine Batho, par l’aug-mentation constante des attaques (3), estdéjà appliquée par les préfets : 139 autori-sations de tir ont été accordées en 2012.Cette année, une battue a été organisée

dans le camp militaire de Canjuers (Var).Mais associations comme éleveurs souli-gnent l’inutilité des campagnes d’abattage(6). Pis, elles augmenteraient l’agressivitéde la meute (1). Philippe Fabre, éleveur àLa Roque-Esclapon, remarque d’ailleursque les loups « tuent pour s'amuser » (7).Pis, la vie en France serait si douce que lesloups transalpins afflueraient ; à tel pointqu’une gestion concertée transalpine seraitnécessaire selon une étude conduite parPaolo Cucci (université La Sapienza) (8).

Malgré cela, la population lupine fran-çaise, distribuée dans les Alpes, lesVosges et le Massif Central, ne serait pasencore autosuffisante (9) et reste modesteà l’échelle méditerranéenne (500 en Italie,2 000 en Espagne…) (6). En outre, si lesattaques sont réelles, elles n’induiraientque 0,6 % de la mortalité ovine (9) etseraient par ailleurs non discriminantesde celles d’autres canidés (10) dans 93 %des cas d’indemnisation (2 M € en 2012)(2). Le nouveau plan prévoit pourtant de lesélargir aux pertes liées au stress du bétail(avortements etc.). Si la formation au tir estprévue, l’abattage des loups envisagé parle Sénat sera en tous les cas absent dunouveau plan, Mme Batho le jugeantcontraire aux « engagements européens etinternationaux » de la France (1).

Loup : bouc émissaire ou mouton noir ?

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ÉTHIQUE

20 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

La biodiversité en compétition au stade !

Il est des endroits où la biodiversité ne vapas de soi, les stades de football en fontpartie. Et pourtant ces derniers mois pour-raient se révéler déterminants sur de nom-breux fronts.

C’est une espèce protégée depuis 1979,l’escargot de Quimper, dont l’associationBretagne vivante s’est fait le défenseur, quia donné le coup d’envoi de la partie contrele stade Brestois. D’origine vraisemblable-ment espagnole, l’espèce quimpéroise doitson statut à un habitat extrêmement réduitdans la partie Ouest de la Bretagne et dansla presqu’île du Crozon. (1) Le recoursposé par l’association a permis d’annuler laconstruction à Plougastel du centre deformation de Brest. Si l’avenir des escar-gots est sauf, celui du club breton serait liéà la construction du centre la saison pro-chaine (2).

Du côté savoyard, c’est le football-clubd’Évian-Thonon-Gaillard qui fait l’actualitépar courriers interposés entre sonPrésident d’honneur, Franck Riboud (PDGde Danone) (3), les écologistes franco-valdo-genevois et… Michel Platini,Président de l’Union des associations euro-péennes de football (UEFA) ! La pérennisa-tion du club dans l’élite nécessite en effet laconstruction d’un nouveau stade. Les vertsy voient une « aberration » écologique etont donc adressé un courrier à MichelPlatini pour que le club d’Évian joue dans lestade de Genève tout proche. Mais l’UEFAa maintenu son hostilité au projet (8), sefondant une pratique nationale d’un cham-pionnat, tandis que Franck Riboud auraitconfirmé « la construction d’un futur stadepour l’ETG à Seynod (74) avec un finance-ment quasi bouclé de 50 millionsd’euros… » (3). L’« exil écologique » pro-posé par les verts restera donc lettre morte.

La protection des espèces menacéesintéresserait en revanche la FédérationInternationale de Football association(FIFA). Celle-ci annonçait récemment surson site Web, que la communication « del’importance de l’environnement et del’écologie est un des principaux objectifs dela Coupe du Monde de la FIFA, Brésil2014™ » (5). Cet intérêt se signifie par laprésentation en novembre dernier deFuleco™, mascotte du prochain mondial,qui reprend l’idée de l’ONG AssociaçãoCaatinga de mettre en avant le Tolypeutestricinctus (le tatou), une espèce menacéeendémique aux forêts de la Caatinga et duCerrado, au Brésil. (6) Espérons que cettemascotte porte chance à la compétitioncomme l’avait fait le chat « Tigrou » austade Rennais, lors de la demi-finale deCoupe de la ligue contre Montpellier en jan-vier. Un périple de 20 km sur plusieurs mois

l’avait conduit à sceller la victoire du cluben toute fin de match. (7)

D’ici là, et compte tenu des risques éco-nomiques et des échéances à venir(Championnat d’Europe des nations en2016), parions que les clubs professionnelsfrançais accorderont une plus grande vigi-lance à leur impact sur la diversité biolo-gique (ils seraient à ce jour 15 % selonl’Union des clubs professionnels de foot-ball).

FAVDK

Pour en savoir plus sur l’impact des clubs profession-nels:

http://www.ey.com/Publication/vwLUAssets/2e_Barometre_Foot_Pro/$FILE/Ernst&Young_Barometre_Foot_Pro_2012_Stade_Critique.pdfhttp://s.ucpf.fr/ucpf/file/201211/3.%20Plaquette%20UCPF%20-%20Des%20clubs%20engag%C3%A9s%20-%20Juillet%202012.pdf

Sources:

1. René Perez, Le Télégramme, « Le polichinelle dansle terroir », p. 8 27 septembre 2012

2. Solenne Durox, Leparisien.fr, « Les escargotstaclent le Stade brestois », 13 décembre 2012.

www.leparisien.fr/environnement/les-escargots-taclent-le-stade-brestois-13-12-2012-2404461.php

3. Rmcsport.fr, « Evian-Thonon-Gaillard - Un nouveaustade de 17000 places », 25 janvier.

www.rmcsport.fr/editorial/342262/evian-thonon-gail-lard-un-nouveau-stade-de-17-000-places/

4 David Dubois, Lecourrier.ch, « Nouvelle demandepour ouvrir la Praille à un club français », 14 février.

www.lecourrier.ch/105942/nouvelle_demande_pour_ouvrir_la_praille_a_un_club_francais

5. FIFA.com, « Fuleco remporte les suffrages »,26 novembre 2012.

fr.fifa.com/worldcup/news/newsid=1944142/index.html

6. Greenetvert.fr, « Une espèce en danger pour mas-cotte de la Coupe du monde de football 2014 », 15 mars2012.

greenetvert.fr/2012/03/15/une-espece-en-danger-pour-mascotte-de-la-coupe-du-monde/50035

7. Krystell Veillard, Bretagne.france3.fr, « Tigrou, lechat mystère du Stade Rennais a retrouvé sa proprié-taire », 5 février.

bretagne.france3.fr/2013/02/05/morgane-retrouve-tigrou-grace-la-coupe-de-la-ligue-194703.html

8. Rts.ch, « Le stade de Genève n'accueillera pasEvian Thonon Gaillard », 25 février.

rts.ch/sport/football/4688548-le-stade-de-geneve-n-accueillera-pas-evian-thonon-gaillard.html

Le loup… (suite)

Le volet « éducatif » du plan, conduit surle terrain par Antoine Nochy, un écologueen provenance de Yellowstone, est par ail-leurs largement critiqué. Pierre Jouventin(CNRS) comme l’Association pour la pro-tection de la faune sauvage (ASPAS)considèrent la capture et l’assignation àrésidence de l’animal très difficiles. Elleserait aussi très coûteuse (jusqu’à 45000 €par tête). Reste que plusieurs experts envalident le principe philosophique. Lesociologue Antoine Doré (Irstea) y voit ainsiune opportunité de « co-apprentissage dela conflictualité » (10).

Face aux difficultés rencontrées par lafilière pastorale, au 2/3 subventionnée,face à la concurrence internationale (néo-zélandaise…), le loup semble pour beau-coup le parfait bouc émissaire. Mais à yregarder de plus près, paradoxalement lescheptels se conserveraient mieux dans leszones conquises par le loup (9). Le rôle de« mouton noir » et de régulateur desespèces que le loup endossait aux tempsdu Gévaudan lui siérait alors sans doutedavantage, alors que le loup vient de faireson retour dans le Gers (11). Quoi qu’il ensoit, les amendes (plusieurs millions d’eu-ros) et astreintes (100 000 €/jour) encou-rues par la France pour non-respect dudroit communautaire (directive habitats) etde la convention de Berne de 1979 (9) sur-passent les sommes engagées pour ycontrevenir.

FAVDK

Plus d’infos :www.senat.fr/cra/s20130130/s20130130_1.htmlagriculture.gouv.fr/Plan-Loup-2013-2017Sources :1. Audrey Garric, Le Monde.fr « Un plan loup à géo-

métrie variable », 7 février.2. La Dépêche Vétérinaire, n° 1200, Les sénateurs

votent une loi créant des « zones de protection renfor-cée contre le loup » 9-15 février.

3. La Dépêche Vétérinaire, « La population de loupsva augmenter », p. 23, n° 1202, 23 février au 1er mars.

4. Lafranceagricole.fr, « Plan loup, des décisions quivont « dans le bon sens », à confirmer (FNSEA, JA,FNO) », 6 février.

5. Communiqué de presse Ferus, « Nouveau planloup : FERUS reste attentiste », 8 février.

6. Sonia Bonnin, Nice Matin, « Première battue auloup dans le Var », 4 février.

7. Varmatin.fr, « Philippe Fabre : « Tuer un loup nechangera rien » », 4 février.

8. LeFigaro.fr, Yves Misery « Plan loup : l'espèce neconnaît pas les frontières », 8 février.

9. « Loup, pour en finir avec les contre-vérités sur lepastoralisme et sur la chasse : 10 associations s’expri-ment ».

10. Elsa Ferreira, Rue89.com, « Éduquer les loups,la riche idée de Batho : « On nous bourre le mou ! » »,14 février.

11. Le Télégramme, « Le loup est entré dans... leGers », 16 décembre 2012.

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ÉTHIQUE

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 21

Chasseur = protecteur, une équation contestable

On connaît la puissance de la chasse, etl’écoute favorable qu’elle trouve, depuislongtemps, auprès des parlementaires etdes politiques, jamais démentie quelle quesoit la majorité au pouvoir. Lors de la légis-lature précédente, les cadeaux se sontmultipliés. Rappelons les principaux, lesplus scandaleux.

La loi chasse, adoptée le 18 décembre2008 par une Assemblée nationale réduiteà 13 députés (dont 11 du groupe chasse) etsignée le 31 décembre, a validé nombred’avantages concrets corporatistes etcontraires au bien général, dont la diminu-tion du prix du premier permis de chasser,l’assouplissement des conditions du retraitde permis, l’accession des fédérations dechasseurs au titre d’« association agrééede protection de l’environnement ».

Le 4 mars 2010, après plus de deux ansde négociations, Luc Chatel, ministre del’Éducation nationale, et Jean-LouisBorloo, ministre chargé de l’Écologie, ontsigné une « Convention de partenariat »avec la Fédération nationale des chas-seurs (FNC) et la Fédération nationale dela pêche en France (FNPF), conférant àces dernières les missions d’assurer dansles écoles les actions pédagogiques dedécouverte de la nature, de sensibilisationà la biodiversité, et d’initiation au dévelop-pement durable.

Le 4 juin 2010, sur proposition de Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie, del’Énergie, du Développement durable et dela Mer, et de Michèle Alliot-Marie, gardedes Sceaux, François Fillon, Premierministre a signé un décret ajoutant un nou-veau paragraphe 5 au livre IV du code del’environnement, qui crée « l’obstruction àun acte de chasse », punie d’une amendede 1500 €, c'est-à-dire du même montantque celle prévue à l’article R.655-1 duCode pénal pour sanctionner les atteintesvolontaires à la vie d’un animal domestiqueou sauvage ne vivant pas à l’état de liberté.Gâcher, ou même gêner, ou seulement ten-ter de gêner le plaisir de ceux qui tuent desanimaux sauvages pour se distraire, estdevenu, en France, condamnable aumême titre que tuer sans nécessité un ani-mal vivant sous la dépendance del’homme.

La nouvelle législature doit-elle modifierla collusion chasse-pouvoir ? Hélas, non.Et même la situation empire. En dépit desremarques formulées par la Cour descomptes, qui a relevé quelques flous dansles finances de la FNC et leur utilisation, lasubvention de l’État à cet organisme s’estélevée en 2012 à près de 40 millionsd’euros. Et le 8 novembre 2012, Jean-Marc

Eyraut a affirmé à Bernard Baudin, prési-dent de la FNC reçue en délégation, queles chasseurs seront des partenaires de lagestion de la nature, au même titre que lesONG. Cette déclaration avait été précédéepar un courrier du Pprésident de laRépublique à B. Baudin, en date du 8 octo-bre, dans lequel on lit, notamment, que lePrésident trouve « utile de poursuivre avecvotre fédération un dialogue continu sur[…] la préservation de la faune sauvage(sic !) et la vitalité des territoires ruraux ». Ilgarantissait que « la ministre de l’Écologie,du développement durable et de l’énergieveillera à ce que vous soyez pleinementassocié à la concertation […] au-delà duseul champ de la biodiversité » (re sic).

Dans la foulée des déclarations du prési-dent, les ministres entrent en piste.Mme Batho, ministre de l’Écologie, envi-sage « de doter la France d’un outil puis-sant en matière de gestion de labiodiversité », nommé Agence de la biodi-versité, regroupant ONG, parcs naturels,réserves régionales, conservatoires régio-naux et départementaux, et évidemmentl’Office national de la chasse et de la faunesauvage (ONCFS) et l’Office national del’eau et des milieux aquatiques (Onema),en dépit de leurs ennuis financiers, qui leuront valu d’être sous surveillance de la Courde discipline budgétaire et financière.Certains se réjouissent de cette innovation,d’autres la redoutent. À juste titre. Car ilfaut être vraiment naïf impénitent, outourne-veste opportuniste, ou espérer unebonne place dans ce nouveau fromage,pour ne pas craindre qu’au milieu dequelque deux cents participants, la chasseet la pêche sachent vite noyauter l’Agenceet lui imposer leur volonté.

V. Peillon va lancer un observatoire despratiques pédagogiques sur l’éducation àl’environnement, qui ne pourra que seréjouir des interventions des fédérations dechasse dans les écoles. S. Le Foll doitsigner un décret sur l’indemnisation desdégâts dus au gibier. F. Patriat (présidentPS du Conseil régional de Bourgogne, etadmiratif de la chasse du sanglier à l’épieu)rappelle le poids économique, festif etassociatif des chasseurs. Et la chasserègne en maîtresse à l’Assemblée natio-nale et au Sénat avec 250 parlementaires,votant en chœur tout texte favorable auxintérêts de la chasse.

Donc pas de changement en vue. Àgauche comme à droite, le chasseur est un(électeur) protecteur de la Nature et desanimaux, point final. Cependant, le citoyencontinue à ne pas bien comprendre com-ment on peut concilier la préservation de labiodiversité avec le massacre de 100 mil-lions d’animaux chaque année. Quant aux« territoires ruraux », il est toujours d’uneévidence criante que les chasseurs s’yintéressent seulement en tant que terrainsde chasse. Aménager et entretenir desbois, des plaines, des plans d’eau, ce n’estpas préserver la ruralité, c’est investir pourle profit et la distraction ; c’est exactementla même chose que repeindre les ves-tiaires, soigner la pelouse, acheter un bal-lon neuf, augmenter le nombre destrapontins d’un terrain de football. Il s’agitet d’attirer et de retenir le « gibier », mêmeen choisissant des cultures alentour, et enéliminant les « nuisibles », même grandsdestructeurs de rongeurs ravageurs.

JCN

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ÉTHIQUE

22 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

L’attribution du permis de chasser doit être soumise àavis médical

La saison de chasse 2012-2013 se ter-mine. Comme chaque année à la mêmeépoque est dressé le bilan des blessures etdes morts. La plupart des accidents sont dusau non-respect des règles essentielles desécurité, par imprudence, par inconscience,par négligence, quelquefois par ignorance:franchissement d’obstacle, pose du fusil àterre ou le long d’un appui vertical, ou sur lesiège arrière d’une voiture, sans ouvrirl’arme ou la décharger, tir au jugé, tir sansvisibilité, etc. La liste s’allonge, comme on leconstate encore cette année en consultant lesite le plus documenté à ce sujet :www.buvettedesalpages.be/accidents-de-chasse-en-france-saison-202-2013.html.

Mais cette liste totalise tous les accidents,qu’ils soient survenus à cause de la chasseou qu’ils soient survenus à la chasse. Cen’est évidemment pas la même chose. Dansle premier cas, il s’agit de blessures, mor-telles ou non, infligées par le tireur à des pro-meneurs ou à d’autres chasseurs, ouinfligées à lui-même, ce qui n’est pas rare.

C’est en analysant cette liste en détail quel’on isole la deuxième des circonstances, lesaccidents survenus à la chasse. L’intérêt decet examen est double, à la fois médical etréglementaire. Il s’agit dans la presque tota-lité des cas, d’un accident cardiaque (ou d’unaccident vasculaire cérébral) mortel frappantsoudainement un chasseur : un de 48 ans,un de 50 ans, un de 56 ans, un de 60, un de61, trois de 62; deux de 64, deux de 65, unde 67, deux de 68, un de 69, deux de 78, unde 80, un de 81, un de 82, un de 84 et un de85 ans. Ce qui fait un total de 23 dans l’an-née, plus 4 dont les âges ne sont pas indi-qués.

La répartition se fait en deux parties, l’unemajoritaire va de 60 à 70 ans, ce qui est au-delà de 55 ans, l’âge moyen des chasseursen France; l’autre comprend des personnesde 78 à 85 ans. (fig1) Dans les deux cas,l’âge est en cause. Il est possible que lespathologies soient différentes dans l’un etdans l’autre, et même qu’elles soient carac-téristiques de l’un et de l’autre, plutôt car-diaque pour le premier groupe, plutôtvasculaire cérébrale pour le deuxième, maisrien ne permet de l’affirmer.

Peut-on penser que les personnes de lafraction 60/70 ans comme celles de la frac-

tion 80/85 aient été dans l’ignorance de leurétat de santé? Cela est incompatible avec leniveau du suivi médical des Français, quel’on sait étendu à la plus grande partie de lapopulation, et notamment à celle qui peutaccéder au « loisir » de la chasse. Parconséquent, on peut affirmer que les vic-times des accidents médicaux répertoriésétaient informées de leur état. On en déduitque lors de leur demande de renouvellementde permis de chasser, ces chasseurs ontcertifié ne pas être porteur d’une affection oune pas suivre un traitement, qui peuvent per-turber la vigilance, la motricité, l’équilibre, lescapacités sensorielles (la liste est préciséepar l’article R.432-25-I et III du code de l’en-vironnement). Certains, parmi eux, ont pro-bablement perdu la conscience claire de leurétat (anosognosie). Certes, il est heureuxque cela ne les ait pas conduits à tuer oublesser autrui, mais cela les a certainementportés à surestimer leur capacité et leurrésistance.

On en arrive, encore une fois, à réclamerque l’autorisation de chasser ne soit accor-dée que sous condition d’une certificationmédicale, et non plus au vu d’une attestationsignée par le demandeur lui-même. Unexemple, choisi dans le cas des morts vio-lentes de la liste utilisée pour cet article, estdémonstratif de cette nécessité : enjuin 2012, en Saône-et-Loire, au retour d’unechasse aux nuisibles, un fils tue son père etse suicide. Ce drame aurait pu être évité, sil’altération psychique du fils avait fait l’objetd’une constatation médicale. Cet autre, éga-lement, si le certificat médical était obliga-toire: deux frères « âgés » partent chasser,l’un tire dans le dos de l’autre, « à cause desa mauvaise vue ».

L’obligation d’une certification médicaled’absence d’affections et infirmités est unenécessité, demandée sans succès depuistrente ans. Le comble est qu’elle est envigueur pour la pratique de certains sports,dont le tir « sportif ». Et elle ne l’est pas pourl’exercice de la chasse, c’est-à-dire pour l’uti-lisation d’une arme à feu redoutablementdangereuse, permise à chacun sans autregarantie qu’une déclaration de l’intéressé lui-même!

JCN

Cheval à l’honneur

Le journal Le Monde consacre régu-

lièrement une page à l’annonce de la

disparition de personnalités, dont la

célébrité fixe le nombre de colonnes

consacrées à leur éloge funèbre. Il

faut saluer la rédaction du journal, qui

le 16 janvier a consacré un quart de

page à l’annonce de la mort d’Ourasi,

un trotteur exceptionnel, quadruple

vainqueur du prix d’Amérique. Né en

1980, il avait eu des débuts peu pro-

metteurs, avant d’être pris plus sérieu-

sement en main en 1983. En 1986 et

1987, il emporte 22 victoires consécu-

tives, dont son premier prix

d’Amérique ; avec son quatrième prix

à Vincennes en janvier 1990, il fait sa

dernière course, et il part en retraite

dorée bien méritée, avec 40 victoires

sur 60 courses. Géniteur aussi pares-

seux dans cette deuxième partie de sa

vie, que coursier traînard et cabochard

à ses débuts de trotteur, il n’a laissé

que trente-huit poulains… Il a fini sa

vie paisiblement en compagnie de

deux vaches, et a été enterré devant

son paddock à Gruchy, dans le

Calvados. Cet hommage accordé à un

animal dans une page réservée aux

hommes éminents, méritait qu’on en

félicite Le Monde. Tout en sachant très

bien que les chevaux de course sont

soumis à des entraînements les pous-

sant aux limites de la résistance phy-

sique, dont seulement quelques-uns

sur cent réchappent, les plus résis-

tants, pour devenir des « champions »,

et faire gagner beaucoup d’argent à

leur propriétaire, leur entraîneur et leur

jockey ou leur driver. Mais cela s’ap-

pelle « l’encouragement à la race che-

valine ».

JCN

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ÉTHIQUE

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 23

Le retour des farines animales !

Le 14 février, la Commission européennea annoncé sa décision d’autoriser à nou-veau l’incorporation des farines animalesdans les aliments industriels destinés àcertains animaux d’élevage (industriel luiaussi). Cette décision a été publiée auJournal officiel de l’Union européenne. Elleofficialise la volonté de 24 des représen-tants des 27 pays de l’UE, exprimée le18 juillet 2012, la France, l’Allemagne et leRoyaume-Uni s’y opposant. Elle est lerésultat d’un long travail de lobbying menéconjointement par les agriculteurs et lesindustriels auprès de la Commission, duParlement et du Conseil, campagne dont lapremière étape a commencé par changerle nom de ces farines maudites, rebapti-sées prudemment PAT pour « protéinesanimales transformées ». C’est à de telchangement que l’usage est de recouriraprès une catastrophe, ou un scandale,pour les faire oublier. Rappelez-vous : celaa été le cas de la compagnie de ferry trans-manche Townsen-Thorensen, devenueP&O Ferries après les 187 morts dans lenaufrage de son navire Herald of FreeEnterprise le 6 mars 1987. Cela a été aussile fait du Crédit Lyonnais, banque d’État,qui a changé son nom de communication etson logo pour devenir LCL après qu’il soittombé en quasi-faillite dans un monumen-tal scandale politico-financier au milieu desannées 1990.

Grâce aux PAT, il s’imposait de gommerles « farines animales », qui avaient laisséle souvenir horrifié des massacres de trou-peaux entiers, et de morts humaines parcontamination par le prion, agent de l’encé-phalopathie spongiforme bovine, parente

de la tremblante du mouton, et de la mala-die de Creutzfeldt-Jakob chez l’homme.

La deuxième étape du lobbying aconsisté à démontrer le bénéfice écono-mique de l’affaire, les farines animalesapportant à l’aliment un complément deprotéines moins coûteuses que les pro-téines végétales venant du maïs et du soja,dont les cours ne cessent de monter.L’argument a porté, au point que la déci-sion de la Commission s’est affichée avoirété prise pour des motifs économiques.

Sous le pseudonyme diminutif et prime-sautier de PAT, les « farines de viandes etd’os », interdites depuis 1997, vont doncêtre réutilisées, mais avec une certaineprudence (c’est bien le moins !). Pour lemoment, elles ne proviendront que deporcs et de poulets, et seront réservées àl’élevage des poissons carnassiers, sau-mon principalement, dès le 1er juin. Aprèsquoi, en 2014, la Commission proposeral’incorporation des PAT dans la nourrituredes volailles et des porcs, en croisant ani-mal-origine et animal-consommateur pourrespecter le principe du non-cannibalisme.Inutile de préciser que l’industrie agroali-mentaire est déjà prête, et même déjà enroute : une grande firme allemande vend dela poudre porc-volaille aux fabricants d’ali-mentation pour chiens et chats, dont lescroquettes, aliments préférés des vétéri-naires, sinon des animaux…

La décision de la Commission a étépubliée en plein scandale de fraude de laviande de cheval. Cela a fait ressortir lerisque majeur qu’elle comporte : l’insuffi-sance criante des contrôles * garantissantle respect scrupuleux des règles et des

normes, contrôles qui en vérité ne sonteffectués efficacement qu’après la surve-nue d’un accident. Normes dont certainessemblent d’emblée difficilement applica-bles : il est dit que les farines, pardon lesPAT, seront issues des « parties propres àla consommation humaines », c'est-à-diredes viandes : mais veut faire croire que l’in-dustrie se mette à racler les carcasses devolailles pour les désosser, au lieu de leslancer directement dans le broyeur?

Le gouvernement français semble déter-miné à ne pas suivre la décision euro-péenne (F. Hollande, Salon de l’agriculture,23 février). Il se tient à l’avis publié par l’Agence nationale de sécurité sanitaire del’alimentation (ANSES) le 25 octobre 2011,relatif à l’évaluation du risque sanitaire lié àl’introduction des protéines animales trans-formées dans l’alimentation de certainsanimaux de rente*. Mais si les PAT ne doi-vent pas être utilisées dans la fabricationen France des aliments pour animaux, ousi les poissons n’y doivent pas être nourrisavec des aliments qui en contiennent,pourra-t-il y avoir interdiction contrôléed’importer de tels aliments, fabriqués danstel ou tel pays de l’Union, ou interdictionrespectée d’importer des saumons d’éle-vage nourris à la poudre de cochon et depoulet? On en doute. Il restera au consom-mateur de ne pas en acheter. On en douteaussi.

JCN

* Voir article « Contrôles », p. 6.** http://medecine.foxoo.com/_internautes/0000006120/photos/avis%20de%20l%20anses%20171111.pdf

L’Amérique du Nord et le bien-être des animaux de consommation

Aux USA tout comme au Canada, enmatière de normes de bien-être pour lesanimaux élevés pour la consommation, iln’existe pas de législation aussi avancéeque celle de la communauté européenne.L’amélioration de la protection des animauxpasse non pas par la loi mais par desaccords juridiques sur le mode des contratsprivés. Sous la pression des consomma-teurs, de plus en plus de chaînes de distri-bution de produits alimentaires et dechaînes de restaurants exigent que leursfournisseurs se plient à des normes plussévères en matière de bien-être animal.Les chartes contractuelles qu’ils sont ame-nés à signer obligent les producteurs, lestransporteurs et les abattoirs à prendre desmesures modifiant les infrastructures,

l’équipement ou l’organisation des procé-dures d’élevage, de transport ou d’abat-tage afin d’améliorer la condition desanimaux (Agence Science Press,25 février).

Dans le même temps, aux USA, TheBusiness Benchmark on Farm AnimalWelfare (BBFAW), un groupe influent quieffectue des recherches économiques etplaide en faveur du bien être animal, publieun classement des grandes firmes agroali-mentaires en se basant sur la politique, lagestion des investissements et les innova-tions techniques qu’elles mettent en œuvrepour s’assurer du bon traitement des ani-maux dont les produits qu’ils vendent sontissus.

Si la compagnie Unilever, fabriquant desproduits des produits Dove et Slimfast, estdans le tiers de tête du classement, KraftFoods, Nestlé, Starbuck et Yum (fournis-seurs des chaînes de restaurants KFC,Pizza Hut et Taco Bell) sont dans le secondtiers, et la société Walmart est classéedans le dernier tiers.

Si 70 % des grandes firmes couvertespar l’étude de BBFAW considèrentaujourd’hui le bien-être animal commecommercialement déterminant, seulement25 % d’entre elles ont publié leurs objectifsen matière de bien-être animal (TheHuffington Post, Business, February 26).

TAVDK

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ÉTHIQUE

24 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

La traçabilité

La « traçabilité » est le mot magique de laconsommation et de la concurrence, invo-qué sans cesse, au point de faire croire auxconsommateurs, que nous sommes,qu’elle est scrupuleusement respectée,que les informations qu’elle apporte sontexactes, et que, dormons tranquilles, elleassure notre information, notre sécurité etnotre santé. Mais il arrive que sainteTraçabilité boîte et tombe, quand elle estprivée de ses béquilles indispensables, quisont les contrôles. Or les contrôles peuventfaillir, soit directement et principalement àcause du manque chronique des person-nels * dont c’est la fonction (et de plus larareté des contrôles incite en elle-même àla faute), soit indirectement, en raison des« autocontrôles » effectués par ceux-làmême qui doivent être contrôlés, un sys-tème de délégation dont la fiabilité reposesur la rigoureuse honnêteté du contrôlécontrôleur. Le scandale du hachis deviandes de bœuf mélangées de viandes decheval a révélé jusqu’où pouvaient aller lesfraudeurs, et jusqu’où l’on pouvait se fier àla « traçabilité » et à la conscience profes-sionnelle des opérateurs… Les consom-mateurs, croyant manger du bœuf **, ontaussi mangé du cheval. Quoi ! Comment !Horreur ! Du cheval cuit dans mes nouilles !Dur à avaler, surtout pour ceux qui n’ad-mettent pas l’hippophagie, dont nos amisde Grande-Bretagne, que la seule idée del’hippophagie fait tomber en pâmoison. Est-ce cette répulsion qui les a conduits àexpédier aux « froggies » les carcasses dedeux chevaux dopés à la phénylbutazone?Tout comme ils s’étaient délestés dequelque 900 vaches suspectes d’encépha-lopathie spongiforme bovine, expédiées enFrance dans les années 1990…

Revenons aux hachis : le scandale n’estpas d’avoir mélangé des viandes d’ani-maux d’espèces différentes, il est d’avoircaché cette tambouille, d’avoir falsifié lesétiquetages, d’avoir enlevé des codesd’identification, et en cela d’avoir rompu la« traçabilité ». Cette faute est une excep-tion? Vous plaisantez ! Il en est une, bienplus largement pratiquée : les steakshachés de « bœuf » de grande distribution(notamment destinés à la surgélation) sontfabriqués avec des viandes mélangéesprovenant d’une dizaine de bovins, sansque cela soit nulle part mentionné ! Quepeut alors valoir la traçabilité?

Ce scandale de la fraude à l’étiquetage,a en a réveillé un autre, dans une grandepart de l’opinion publique, celui de l’ab-sence d’information sur la méthode d’abat-tage. Il en a été déjà question dansplusieurs numéros de cette Revue. Mais ilfaut y revenir. Il n’est pas acceptable que laréclamation d’un tel étiquetage ne soit passatisfaite, d’autant qu’elle a fait l’objet dediverses propositions de loi, dont la der-nière, déposée au Sénat le 17 janvier, parle sénateur Louis Pinton. Le refus de don-ner suite est, en résumé, motivé par lecaractère « discriminatoire » qu’aurait untel étiquetage, portant atteinte au libreexercice des pratiques religieuses, garantipar la Constitution, la Déclaration univer-selle des droits de l’homme et laConvention européenne des droits del’homme. C’est à voir ! Mais ce qui est cer-tain, c’est que ce refus d’étiquetage contre-vient au droit fondamental à la liberté depensée et de conscience, qu’exprimentl’article 18 de la Déclaration et l’article 9 dela Convention. Encore une fois, nous mar-telons ici que les motivations éthiques deceux qui exigent l’insensibilisation des ani-

maux doivent être respectées à l’égal desmotifs de croyance de ceux qui la refusent.Et encore une fois, nous proposons ensolution l’adoption d’un étiquetage positif,mentionnant que la viande provient d’unanimal insensibilisé lors de son abattage,ce qui permettrait un choix éclairé, aux unscomme aux autres. En attendant, lesconsommateurs continueront de manger laviande d’un animal mis à mort d’une façoncontraire à leur conscience et à leuréthique. Cela a été confirmé par une notede la Direction générale de l’alimentation(DGAL) du ministère chargé del’Agriculture, en date du 26 septembre2012 ***, note qui entérine la commerciali-sation des restes de l’abattage rituel dansle circuit général des ventes, c’est-à-diredes viandes d’animaux abattus rituelle-ment dont la consommation n’est pasadmise par le rite (train arrière, ou animalentier non accepté par le sacrificateur). Ensomme, le consommateur lambda estmaintenu dans l’ignorance qu’on lui vendles restes de viande délaissés par un mar-ché dont sa conscience réprouve la pra-tique.

JCN

* Voir article « Contrôles » en page 6.

** La dénomination « bœuf » au sujet des steaks

hachés peut être abusive et trompeuse, car il s’agit

généralement de vaches laitières de réforme, en fin de

vie économique. Mentionner « viande bovine » serait

plus exact, mais trop révélateur.

*** Voir le communiqué de presse de l’OABA du

23 janvier www.oaba.fr

Vers un éthic… tage de la viande ?

Tandis que les scandales alimentairesgagnent le monde (Kebab au porc suisse,Escolier noir vendu pour du Thon auxUSA*), le risque sanitaire du « bœuf aucheval » semble écarté. La traçabilité de laviande est désormais au cœur des enjeuxd’une filière des plats cuisinés en berne :4,5 millions de produits retirés (13 pays),baisse de 39 % d’acheteurs et de 45 % dechiffre d’affaires en France (Étude Nielsen)(1)… En attendant un étiquetage pluséthique?

Lors du salon de l’agriculture, le prési-dent François Hollande indiquait sa volontéde rendre « un étiquetage obligatoire » surl’origine des viandes utilisées dans lesplats cuisinés. (2) Actuellement, la régle-

mentation européenne impose seulementà ces industriels de mentionner le type deviande. Mais, déjà, certains (Carrefour,Intermarché, Findus, Système U…) antici-pent pour restaurer la confiance desconsommateurs en certifiant, selon les pro-duits, l’origine française de la viande deleurs plats préparés. (3)

Le ministre de l'Agriculture Stéphane LeFoll, qui a porté la question de l’étiquetageà Bruxelles avec le soutien de quelquespays (Allemagne, Royaume-Uni, Autriche,Irlande, Portugal), semble en tous les casavoir été entendu. La Commission euro-péenne devrait en effet avancer la publica-tion de son rapport de faisabilité àl’automne 2013. (4)

L’étiquetage suscite des remousjusqu’en Suisse où un projet de loi est endiscussion. (5) Songez que depuis le1er janvier 2012 la loi helvète impose d’indi-quer si la viande est issue d’un élevage nerespectant pas les normes suisses enmatière de bien-être. (6) Inimaginable enFrance ? Sa mise en demeure par l’UEpour l’application des normes de bien-êtrerelatives aux truies d’élevages porcins lelaisse à penser (cf. p.10) (7). D’autant queCorine Lepage indique, dans Marianne,que la France aurait pu appuyer l’étique-tage des plats cuisinés au parlementEuropéen dès 2012. (8) Aussi, celui desœufs sur le mode d’élevage des poulespondeuses (bio, plein air, sol, cage.) (3) u

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 25

Vers un éthic… (suite)

obtenu en 1984 par une coalition ** deconsommateurs créée pour la circonstancepar la LFDA, reste une exception dans uneindustrie dominée par la transformation etoù les pratiques au regard du bien-être desanimaux, pour le foie gras notamment, sontrégulièrement dénoncées.

En Amérique du Nord, c’est le gouverne-ment canadien qui menace les États-Unisde mesures de rétorsion suite à l’annoncepar le Département américain del'Agriculture d’une traçabilité accrue sur lesimportations de viande (lieu de naissance,d'élevage et d'abattage de l'animal…).Gerry Ritz, ministre canadien del'Agriculture, y voit une accentuation de la« discrimination à l'égard des exportationsde bovins et de porcs du Canada » et des« dommages causés à l'industrie cana-dienne ». (9)

La crise récente a révélé l’aptitude desréglementations à répondre aux besoinsindustriels, elle esquisse en retour l’exi-gence du consommateur à être informé etsa capacité à renoncer à un produit. Mais àpartir de quel mode d’action le bien-êtreanimal, auquel consommateurs commeéleveurs se révèlent finalement sensibles,se diffusera-t-il dans les élevages? Aprèstout, pour quelle raison les producteurs deporcs et d’œufs seraient-ils seuls àvaloriser le bien-être de leurs bêtes…? Enattendant ces jours meilleurs « homo-ethi-cus-europeanus », sans y prendre garde,pourrait être sommé de produire ou demanger, sans le savoir ou pour raison éco-nomique, de la viande reconstituée,maquillée ou même frelatée et issue debêtes maltraitées !

FAVDK

* Cf. article « Lutte contre la surpêche : sous-contrôleou sous-contrôlée? » p. 12.

** Coalition des consommateurs contre l’élevage enbatterie fondée en 1982.

Sources :1. Lefigaro.fr, « Viande/cheval : 2 M€ perdus pour la

filière », 8 mars.2. Lemonde.fr/AFP, « Viande de cheval : Hollande

milite pour «un étiquetage obligatoire », 25 février.europeen_1837847_3244.html3. Stanislas Kraland, Le HuffPost, « Plats préparés,

vers une nouvelle étiquette pour rassurer les consom-mateurs », 23 février.

4. Ram Etwareea, Letemps.ch, « Plats surgelés :vers un étiquetage de la viande », 3 mars.

5. Ram Etwareea, Letemps.ch, « L’UE étudie l’éti-quetage des plats préparés », 11 mars.

6. Marie Nicollier, 24heures.ch, « Du lapin non admisen suisse dans nos assiettes », 5 mars.

7. Marc Leplongeon, LePoint.fr, « Le bien-être desanimaux se paie-t-il dans nos assiettes? », 23 février.

8. http://boris-victor.blogspot.fr/2013/02/corinne-lepage-la-france-na-pas-voulu.html

9. Radio-canada.ca « Étiquetage de la viande :Ottawa se défendra », 8 mars.

Comptes-rendus de lecture

Le Comportement hédonique ou laQuête des plaisirsRené Misslin, Publibook, 2012

Après Le Comportement de peur (2006),Le Comportement de douleur (2007), LeComportement identitaire (2008) et LeComportement de croyance (2010), voiciun nouveau livre du neurobiologiste RenéMisslin. Il faut rappeler qu’avant de devenirprofesseur de neurobiologie à l’universitéde Strasbourg, Misslin fut professeur de let-tres classiques dans le secondaire et pas-sionné de philosophie. Il s’ensuit ici un petitchef-d’œuvre, où les qualités de l’informa-tion scientifique se fondent dans les quali-tés littéraires du style, des citationspoétiques ou philosophiques et de l’archi-tecture de l’ouvrage.

Outre son intérêt social évident, la ques-tion du plaisir et de l’hédonisme est une decelle qui passionne à la fois les biologisteset les philosophes. La base du discours quinous est offert est fondamentalement scien-tifique. Elle vise à expliquer biologiquementce qu’est le plaisir, même si le point dedépart choisi par l’auteur baigne, comme ilse doit pour tout ce qui touche aux émo-tions, dans le vécu existentiel, puisque leplaisir qui « appartient à la sphère affectivede notre vécu… peut se donner soit sous laforme d’une sensation, soit d’une émo-tion… qu’il est lié à la satisfaction de nosbesoins… (et) favorise l’adaptation de noscomportements aux exigences de notrecondition de vivants » (p. 14). À côté desémotions « négatives », comme la peur et ladouleur, si essentielles pour la survie desanimaux dans un environnement hostile, leplaisir contribue, lui aussi, à la survie et àl’adaptation au milieu « non seulement cheznotre espèce, mais aussi chez des espècesdont nous savons que le cerveau est dotédu circuit évolutif de la récompense »(p. 22).

L’ouvrage comprend trois grands chapi-tres : le plaisir de manger, le plaisir sexuel etle plaisir d’appartenance. La fonction biolo-gique du plaisir gustatif est, bien évidem-ment, « de favoriser la survie desindividus » (p. 32). Elle rencontre, chezl’homme, des excès dans lesquels elledevient la recherche de plaisir pour le plai-sir, grâce au fait que « le passage de notrevie de prédateurs… à celle de produc-teurs… a transformé notre environnementen une corne d’abondance » (32). Nosexcès alimentaires, qui ne correspondentplus aux besoins de notre corps, aboutis-sent à des pathologies : alcoolisme, bouli-mie, obésité, diabète… et le sage prôneraici la modération, c’est-à-dire une réconci-liation entre plaisir et sagesse, ou, si l’onveut, entre épicurisme et stoïcisme.

Sur le plan biologique, le plaisir sexuelvise à assurer la copulation et, par suite, lareproduction. Mais il est clair que, chezl’homme (et chez bien d’autres animaux,pas seulement le célèbre bonobo), larecherche du plaisir est largement disso-ciée de la fonction strictement reproductrice– « Le comportement sexuel humain n’estdonc plus un comportement reproducteur,mais hédonique » (p. 51) –, au grand regretde beaucoup de penseurs religieux queMisslin se plaît à évoquer. Ce côté sombredu christianisme, Misslin le rappelle abon-damment, y compris dans son cas person-nel d’ancien « servant de messe », quicraignait de rencontrer, dans les péchés dela chair, la damnation éternelle que promet-taient les prêcheurs. Certes « la sexualitéhumaine n’a rien de simple » (p. 41). Si lamotivation sexuelle est bien celle qui, parvoie de conséquence, entraîne la reproduc-tion, si le jeu sexuel et l’hédonisme sontbien les prémices nécessaires à la repro-duction, il reste que, par ses artifices tech-niques, l’homme a une populationgalopante qui incite sans doute à insisterdavantage, beaucoup plus que chez noscousins, sur la nécessité de développerdans notre espèce l’aspect hédonique audétriment de ses conséquences reproduc-trices. C’est là le rôle des lois, sur lesquellesconclut Misslin, avec Platon.

L’être vivant séjourne aussi dans un envi-ronnement physique et parfois social.Il s’ensuit que ce mode de vie est aussiassocié à des sensations de plaisir : plaisirterritorial, dans l’attachement à son environ-nement physique, plaisir de l’attachement àun congénère, parfois acquis très tôt durantl’enfance, par ce processus qu’on appellel’empreinte, plaisir de l’attachement mono-game chez un certain nombre d’animaux,attachement qu’il ne faut pas du toutconfondre avec la relation sexuelle. Lamonogamie à vie est rare, alors que trèsfréquente est la monogamie saisonnière,comme celle de beaucoup d’oiseaux. À cesplaisirs, Misslin ajoute le plaisir de la vie engroupe, voire l’attrait du pouvoir, qui peutatteindre de grandes proportions dans l’es-pèce humaine, où « la reconnaissancesociale peut devenir une source de plaisirconsidérable, certains parlent parfois d’unevéritable obsession, voire d’une drogue »(p. 69). À la frontière entre philosophie etpoésie, Misslin termine son exposé par leplaisir du « sentiment océanique » (1), sen-timent-plaisir d’une fusion avec l’univers,qui peut être mystique, mais aussi simple-ment poétique. Ce sentiment est associéavec « des états de conscience particuliers,au cours desquels les personnes éprouventla félicité que leur procure le sentimentd’appartenance à l’Un, de fusion avec legrand Tout… » (p. 77). Des observations

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Comptes-rendus de lecture

neurophysiologiques « montrent que cesétats de conscience sont corrélés à desétats cérébraux modifiés » (p. 77).

Un livre très riche d’enseignements et deréflexions, et qui confirmera, si besoin enétait, combien, malgré ses spécificités, leplaisir humain trouve ses racines dans leplaisir animal.

(1) Signalons aussi le superbe livre sur ce thème LesTerritoires du sentiment océanique (sous la direction deSylvie Dallet et Emile Noël), Éditions L’Harmattan, Paris,2012.

Comment va Marianne? Conte philoso-phique et républicainCorine Pelluchon, François Bourin Éditeur,2012

Depuis toujours, les animaux sont utilisésdans la littérature comme métaphores deshumains, pour présenter la vie des hommesou pour leur donner des leçons de morale.C’est le procédé qu’utilise ici CorinePelluchon, dans ce conte philosophique,très agréable à lire et plein d’humour.Corine Pelluchon est une brillante jeunephilosophe au propos très original, puisquedans ses précédents livres, elle associesouci pour les plus vulnérables que sont leshumains malades ou handicapés et soucipour les faibles que sont les animaux, ellelie intimement préoccupations morales,voire sociales et politiques, relatives à l’es-pèce humaine et préoccupations environ-nementales et animalières. On retrouveraces objectifs dans le présent essai, entreLes Racines du ciel de Romain Gary et lachouette Minerve, entre un débat sur lasituation de la recherche en France et lechat Épiméthée, entre Hegel et les moi-neaux, entre Kant et les pies.

Marianne est malade. Elle se retire à lacampagne parmi des animaux avec qui elleconverse pour leur confier des missions :aller sonder l’état du pays, aller écouter ceque pensent les humains dans des endroitset des situations variées, « écouter lesconversations des citoyens dans les caféset dans les halls de gare » (p. 34), et les luirapporter. « Seuls les volatiles espions peu-vent rencontrer les commerçants et les usa-gers des transports en commun ettémoigner de ces vies ordinaires » (p. 93).On appréciera particulièrement la descrip-tion, par les animaux, de la vie des hommespolitiques, de leur langue de bois, de leursuffisance et de leur préoccupation essen-tielle à se maintenir au pouvoir : « Ils pen-sent que leurs fonctions les rendentsupérieurs aux autres » (p. 72). On souffriraavec « les damnés de la terre », comme cesprostituées africaines, qui vivent un escla-vage permanent, ou ces immigrés obligésde travailler au noir et dans des conditionstoujours précaires, ou ce SDF qui se laisse

mourir dans l’abus d’alcool depuis qu’il aperdu son chien, ou ces « familles qui viventdans des cartons au bord de l’autoroute »(p. 141). Balthazar, l’âne, va, quant à lui,sonder la campagne et ses villages, les dif-ficultés du monde paysan, l’exode rural, lesdifficultés économiques des jeunes, mêmepour ceux qui veulent « faire du bio », lepoids financier des distributeurs de produitsalimentaires, la nécessité d’adapter l’agri-culture moderne au respect des écosys-tèmes…

Dans les méandres de cette quête démo-cratique, on retrouvera partout, en filigrane,la volonté morale unitaire et universaliste del’auteure, qui vise notamment à ne passéparer morale à l’égard des humains etmorale à l’égard des animaux. Ainsi : « Il estinsupportable d’entendre parler d’aide auxplus vulnérables et de souci de l’autre alorsqu’on est dans un monde où c’est chacunpour soi », remarque (p. 28) le cochon.« C’est toute l’organisation sociale qu’il fautchanger », ajoute (p. 31) la mésange uni-jambiste, jadis torturée. « On nous sortcette putain de crise pour nous faire avalerdes couleuvres » (p. 204). Et après l’escla-vage et les violences faites aux humains « ily a la violence faite aux animaux « (p. 317).À propos des abattoirs, « ces bêtes, ce sontmes frères » rappelle (p. 131) le cochon. Àpropos de l’hiver, on éprouve « la détressedes oiseaux tenaillés par la faim (p. 187).« Emporte avec toi la beauté de la nature etsouviens-toi que la terre ne ment pas »(p. 208). Partout se mêlent la réflexionhumanitaire et sociale et le souci, on peutmême dire la compassion, à l’égard dumonde animal et, plus généralement, de lanature.

Pour mieux assimiler les conséquencesdes rapports de ses amis animaux sur l’étatde la France, Marianne va s’inspirer desdébats entre quelques grands philosophes,qui ont subi une renaissance… sous formede chats. Hobbes, Descartes, Heidegger,Rousseau et Derrida transformés en félins,de même que d’autres et la « minetteArendt ». Et leurs échanges, parmi des pro-pos plus politiques, soulignent aussi lanécessité de protéger les animaux. « Lesanimaux d’élevage ne doivent pas compterpour rien. Ce sont des êtres sensibles etvulnérables, dit Derrida (…) Nous vivonsune guerre de la compassion ! s’écrieDerrida avant de se lécher les pattes dedevant. » (p. 271). Et on notera au passageles remarques favorables aux thèses duchat Lévinas, dont s’inspire souvent l’au-teure. Ce débat entre les positions desgrands philosophes ramenés à des chats,ou encore un cours de philosophie fait parles félins, qui trouve son aboutissementdans la profession de foi du chat Kant, estsans doute l’un des éléments les plus origi-

naux et les plus amusants de ce livre aty-pique.

En fin de compte (et en fin de conte), onl’aura compris, cette Marianne-là est cellequi s’intéresse « au respect de l’humanitéqui passe aussi par le respect des animauxet de la nature » (p. 318), et qui, dans cettequête écologique au sens large, pense qu’« il faut faire entendre la voix de ceux qui nesont pas encore nés et de tous les vivants,car ils ont leur mot à dire » (p. 340). Cetteresponsabilité aux générations futures n’estpas nouvelle, mais son accompagnementpar la responsabilité à l’égard de tous lesvivants l’est bien davantage et est bien partdes thèses très personnelles de l’auteure.Et le livre s’achève sur un 14 juillet mémo-rable et une Marseillaise réécrite, dont nousrapporterons, pour conclure le début dupremier couplet (p. 367) :

Allons enfants de la PatrieLe jour de gloire est arrivé !Plus que la liberté chérieNotre responsabilité (bis)Nous fait entendre dans les villesLes cris des bêtes égorgées…

Un livre à lire de toute urgence!

Art animalier – L’oiseau dans l’Artcontemporain, Tome IVÉditions Abbate-Piolé, 2012.

Voici un nouvel ouvrage des ÉditionsAbbate-Piolé, aussi somptueux que les pré-cédents. Il présente, en près de 200 pagesgrand format, magnifiquement illustrées dereproductions en couleur (et pour le prix de40 €, relativement modeste pour unouvrage de cette ampleur), les œuvresd’une cinquantaine d’artistes : peintres,sculpteurs ou graveurs. Comme il se doit,les œuvres oscillent entre des représenta-

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 27

Comptes-rendus de lecture

tions « naturalistes » assez réalistes et desproductions plus stylisées ou plus fantai-sistes. Toutes feront l’admiration, non seu-lement des amis des oiseaux, mais aussi detous ceux qui aiment l’esthétique animaleen général. L’ouvrage est précédé de pré-faces et de témoignages du réalisateurJacques Perrin, de notre ami AllainBougrain Dubourg, président de la Liguepour la protection des oiseaux (LPO) et del’ornithologue Sylvain Mahuzier. Nousconclurons sur cette remarque d’AllainBougrain Dubourg, qui, après avoir exposéles difficultés de la protection des oiseauxdans notre monde, ajoute : « J’ai la convic-tion que le talent qui s’affiche dans chacunedes pages de ce livre participe à sa manièreà nos préoccupations. » Tant il est vrai quele témoignage superbe des artistes estessentiel dans la lutte que nous partageonstous pour la compréhension et le respectdes animaux en général et des oiseaux enparticulier.

Respecter les animaux à petits pasFlorence Pinaud, Illustrations de Anne-LiseCombeaud, Actes Sud junior, 2013

Il est clair que l’amélioration du traitementdes animaux par la société, passera néces-sairement pas l’éducation des jeunes, ceuxqui construiront la société de demain. Enattendant une nécessaire instructioncivique et morale à l’école primaire, incluantdes notions d’écologie et de respect del’animal, il reste particulièrement utile quedes livres comme celui-ci s’attachent àaméliorer la perception des animaux par lesenfants. En ce sens le présent ouvrage estexemplaire.

En quelque quatre-vingts pages, abon-damment illustrées de dessins, amusantsmais très explicites, le livre traite, d’unemanière aérée et agréable à lire, de tous lesproblèmes fondamentaux de l’animalité etde la protection animale. Tout y est, exposéchaque fois en quelques lignes très claires.Dressons-en une liste sommaire : laparenté génétique de l’homme et des ani-maux les plus proches, la réincarnation(p. 12), la position de l’Église au cours dessiècles, les différences entre animauxdomestiques et sauvages, la place de ani-maux de compagnie et le problème desabandons (p. 49), les animaux de cirque(« sont-ils heureux? », p. 50), les coursesde taureaux, les zoos, les animaux de bou-cherie qui « ont la vie courte » (p. 10), levégétarisme (p. 21), les élevages indus-triels (« mon poulet rôti a-t-il vu le ciel? »,p. 63), l’expérimentation animale (y comprispour les cosmétiques) et ses alternativeséventuelles, les progrès de l’éthologie, l’in-telligence animale et la conscience, lerisque de l’anthropomorphisme (p. 24), le

langage des abeilles et des chimpanzés, lerire qui « n’est plus le propre de l’homme »(p. 30)… Pour beaucoup de ces entrées, lelivre présente les positions contradictoiresde partisans et des opposants, laissant lelecteur forger son opinion sur le thème pré-senté. Le caractère sensible des animauxest argumenté par l’exposé de l’animal-machine de Descartes : « Cette thèse ainfluencé de nombreux scientifiques (…)(en leur permettant de) mener toutes sortesd’expériences sur les animaux, sans sesentir coupables de les martyriser. Mais onsait aujourd’hui qu’elle est fausse. » (p. 14).Un peu plus loin, une analyse des méca-nismes de la douleur enfonce le clou (pp.32-35). Le lien avec l’écologie découle del’historique de l’homme qui partage « laTerre avec les autres espèces » (p. 4) ou del’analyse de la raréfaction des espèces(p. 67). Une réflexion est même amorcéesur « les mauvaises raisons de ne rienchanger » (pp. 70-71), comme : « Il vautmieux s’occuper des humains » ou « C’estla tradition ». L’ouvrage se termine par unquiz et par une liste des associations utiles« pour aller plus loin », qui mériterait peut-être d’être complétée. Il reste qu’à quelqueserreurs et approximations près, le livreapproche la perfection dans son domaine.Je crois qu’on peut parler de chef-d’œuvre.

L’ouvrage se réclame explicitementd’André Géraud (p. 17) et mentionne la pro-clamation de la Déclaration universelle desdroits de l’animal en 1978, qu’il attribue, demanière inexacte, à l’Unesco. Nous conclu-rons par cet encart sur le respect des ani-maux (p. 15) : « Le respect de l’animalconsiste à ne pas leur faire subir des

choses qui leur font mal ou qui les rendentmalheureux et à ne pas les forcer sans detrès bonnes raisons. » N’est-ce pas, adaptéà l’esprit des enfants, la philosophie quisous-tend la Déclaration universelle?

Les Droits des animauxTom Regan, Éditions Hermann, 2012

Il faut vivement remercier Enrique Utriad’avoir traduit en français et publié cetouvrage classique et fondateur de la théoriemoderne des droits de l’animal. Le livre estparu en 1983 aux États-Unis et a vu uneréédition en 2004.

Pour Tom Regan, on le sait, ce n’est paspar sympathie ou par compassion qu’il fautrespecter les animaux, mais parce qu’ilssont, contrairement à la position carté-sienne qu’il réfute abondamment, dessujets conscients de leur existence : « Lathéorie de l’évolution fournit à la question dela conscience animale une approche signi-ficativement différente de celle offerte parDescartes » (p. 114) et notamment « l’attri-bution de cet état aux animaux indépen-damment de leur aptitude à user d’unlangage » (p. 117). Il s’ensuit que « les ani-maux mammaliens ont des croyances etdes désirs » (p. 139), puisque l’auteur neconsidère, comme animaux, que les« mammifères normaux âgés d’un an etplus » (p. 327). Ces animaux « ont etconservent normalement une identité psy-chophysique au cours du temps » (p. 272),ce qui fournit « un point de départ pour pen-ser les intérêts des animaux » (p. 273),leurs avantages (p. 226) comme les dom-mages qui peuvent leur être causés(p. 235). Plutôt que des devoirs indirects, oumême directs, à l’égard des animaux, nousdevrions donc leur reconnaître une valeurinhérente en tant que « sujet-d’une-vie »(p. 470) et leur attribuer des droits morauxde caractère universel : « Tous les agents etpatients moraux possèdent certains droitsmoraux fondamentaux » (p. 614) et le prin-cipal d’entre eux « est le droit à un traite-ment respectueux » (p. 615). Ce quientraîne, pour conséquences, et le dernierchapitre du livre l’analyse abondamment,que des changements considérables sontnécessaires dans notre manière de traiterles animaux qui nous entourent, y comprisdans la recherche expérimentale sur lesanimaux vivants.

Ce dernier point permet de bien montrerle caractère systématique des thèses déon-tologiques proposées, qui se fondent surdes principes intangibles. Il faut en effet,selon l’auteur, « faire la science sans violerles droits de qui que ce soit, humain ou ani-mal » (p. 730), donc abolir toute expérimen-tation douloureuse sur les animaux tels quedéfinis, même si, fidèle à sa définition des

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ÉTHIQUE

28 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Comptes-rendus de lecture

animaux comme « mammifères normauxd’un an et plus », Regan concède que « lesfœtus aux premiers stades de leur dévelop-pement peuvent être utilisés » (p. 731).Implicitement, il en est de même desoiseaux, des poissons ou des pieuvres. Ils’ensuit que l’une des réserves théoriquesprincipales qu’on peut faire à ces thèses estqu’elles se limitent à la considération et à ladéfense d’un petit nombre d’espèces ani-males, les fameux « mammifères normauxâgés d’un an et plus », et donc très prochesde l’homme. Ce au détriment des autresespèces, et au lieu de considérer le règneanimal dans toute sa dimension évolutive,avec ses différents paliers de conscience etune modulation nécessaire des droits selonles besoins des espèces, comme le fait laDéclaration universelle des droits de l’ani-mal. Il reste que le livre constitue une desbases historiques et théoriques du mouve-ment en faveur des droits des animaux etqu’il est particulièrement heureux que leslecteurs francophones puissent enfin le liredans notre langue.

GC

L’Éthique animale : entre science etsociétéJournal International de bioéthique n° 24janvier-mars 2013, éditions ESKA

Ce dossier thématique, présenté et pilotépar le neurobiologiste et philosophe,Georges Chapouthier *, est rédigé par troisautres philosophes, une sociologue et unmédecin et biologiste, membres ou corres-pondants de la LFDA. Ce dossier comporte6 chapitres ; dans l’ordre : Diversité del’éthique animale (J.-B. Jeangène Vilmer) ;La question animale dans l’éthique environ-nementaliste (J.-L. Guichet *) ; Éthique del’expérimentation animale (J.-Y. Goffi **) ;Faire société avec les animaux ? (J.Porcher**) ; L’animal sauvage au regard dudroit et de l’éthique en France (J.-C.Nouët*) ; Quelques réflexions sur la notionde droits de l’animal (G. Chapouthier *).

Chacun de ces chapitres est accompa-gné d’une bibliographie pertinente, leursrésumés (en français et en anglais) sontgroupés à la fin du fascicule.

Considérant l’éthique animale comme« l’étude de la responsabilité morale deshommes à l’égard des animaux pris indivi-duellement », J.-B. Jeangène Vilmer sou-ligne que « l’éthique animale est undomaine de recherche dans lequel beau-coup de personnes sont en désaccord ».

Son exposé en apporte la démonstration.On lui doit, ainsi qu’aux autres auteurs, derendre compte de ces multiples désac-cords, parfois très profonds et, semble-t-il,irréconciliables. C’est d’ailleurs à cet égardque le présent fascicule est particulière-ment stimulant car il constitue une sorte« d’état des lieux » dans les débats quioccupent depuis des années le cadre del’éthique animale.

Il n’est pas question ici de reprendre cha-cune de ces discussions contradictoires,car il est indispensable de les aborder selonla présentation propre à chaque contribu-teur qui, tout en les restituant le plus claire-ment possible, n’hésite pas à exprimer saposition personnelle.

Au terme de la lecture de cet ensembleriche en éléments de réflexion, on ne peuts’empêcher de craindre que la situation desanimaux dans le monde contemporain nes’améliore pas de sitôt. Par exemple, lareconnaissance de leur sensibilité dans ledroit, quand elle n’est pas délibérémentignorée, est consentie « au coup parcoup », à la condition d’en apporter lespreuves scientifiques et ce pour chaqueespèce, quitte d’ailleurs à ce que certainsjuristes en récusent l’arbitrage. La rhéto-rique et la mauvaise foi sont à leur combleà propos du faisan d’élevage qui subit une« métamorphose juridique » instantanée

dès qu’il est lâché dans la forêt un jour dechasse (J.-C. Nouët).

« Responsabilité morale des hommes àl’égard des animaux pris individuellement »,(J.-B. Jeangène Vilmer), l’éthique animalese trouve en contradiction, de façon plutôtinattendue, avec l’éthique environnemen-tale qui, selon J.-L. Guichet, est bâtie surune conception globalisante des équilibresnaturels. L’auteur propose néanmoinsquelques parcours possibles pour uneréconciliation entre ces deux approches.

La situation des animaux domestiquessoulève d’autres problèmes liés à uneapproche individuelle ou collective selonqu’il s’agit d’animaux de compagnie, d’ex-périmentation ou de rente (en particulierdans les élevages industriels). Cette diver-sité conduit à une diversité des approcheséthiques et ne simplifie pas la présentationdes débats qui animent le champ del’éthique animale. Les contributions du pré-sent recueil offrent cependant d’utiles etsolides éléments de réflexions à leurs lec-teurs et le journal International deBioéthique qui les publie doit en être remer-cié.

AC

* Membre du conseil d’administration de la LFDA.** Membre du comité scientifique de la LFDA.

Dictionnaire passionné des animauxAllain Bougrain-Dubourg, éditionsDelachaux et Niestlé, 2013

Le lecteur ne trouvera pas dans le der-nier ouvrage d’Allain Bougrain-Dubourg,

un « dictionnaire » du monde animal, àconsulter pour y trouver des renseigne-ments froidement scientifiques, des préci-sions taxinomiques, ou encore des redites,glanées comme souvent dans les innom-brables livres parus à ce sujet. Enrevanche, sitôt commencée, il ne pourrapas lâcher la lecture des souvenirs de cepassionné du monde animal. La suitealphabétique des animaux (c’est cela quien fait un abécédaire plutôt qu’un diction-naire), promène le lecteur dans les nom-breux pays du monde parcourus parl’auteur, où il a pu observer la nature, l’ani-mal, l’homme, et en rapporter des souve-nirs précis, variés, écrits avec vivacité dansun style fluide particulièrement agréable.Citer ici tel animal, ou tel autre, ou telleexpérience vécue, n’aurait guère de sens.Chacun des quelque cent vingt chapitres,d’une ou deux pages chacun, depuisl’Abandon et l’Abeille, jusqu’au Zoo et auxZoonoses, éveille l’intérêt sur chacun desépisodes de la vie utile et bien remplie d’unhomme admirateur passionné de l’animalet compatissant.

JCN

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SCIENCES

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 29

Animaux et découvertes

Venins de serpent pour soigner

En analysant le venin d’un serpent afri-cain, le mamba noir, des chercheurs deSophia-Antipolis (1) ont découvert les man-balgines, petits fragments de protéinesdont les propriétés antidouleur égalentcelles de la morphine sans en avoir lesinconvénients (Science et Vie, décem-bre 2012).

Une autre étude menée par des cher-cheurs américains (2) a permis de montrerle pouvoir anticancéreux de l’éristostatine,un des composants du venin de la vipèredes déserts afghans et pakistanais,Eristicophis macmahoni. Injectée à dessouris immuno déficientes et atteintes demélanome (cancer de la peau), l’éristosta-tine, en se fixant aux cellules cancéreuses,empêche celles-ci de métastaser dans lespoumons. Utilisée sur des cellules de méla-nomes humains en culture, l’éristostatinepermet d’y attirer les cellules NK du sys-tème immunitaire, lesquelles détruisentalors plus facilement les cellules cancé-reuses.

Les oiseaux fourmiliers

La petite île de Barro Colorado, àPanama, est célèbre pour sa faune. Ellehéberge notamment trois espèces de four-miliers, qui ne sont pas les mammifèresbien connus, mais des passereaux grive-lés, aux gros yeux, à longues pattes. Cesoiseaux escortent les colonnes de fourmislégionnaires. Ils les suivent non pour lescapturer mais les petits animaux qui fuientdevant les terribles insectes (Le Figaro/TheNew York Times International Weekly,19 octobre 2012).

Une conséquence ancienne de ladomestication du chien

Selon un anthropologue américain (3),voici 30000 ans, la domestication du chien

pour la chasse aurait pu favoriser Homosapiens et l’aider à supplanter l’homme deNéanderthal, l’homme et le chien seseraient vite compris en communiquant pardes indices non verbaux (La DépêcheVétérinaire, octobre 2012).

Du nouveau sur la domesticationde la poule

Selon une étude chinoise récente (6), lapoule a été domestiquée à plusieurs

reprises en Asie à partir de la poule sau-vage de jungle. Comparant les gènes mito-chondriaux de près de 5 000 poulesdomestiques et ceux de 51 poules rougesde jungle, les auteurs en ont déduit que ladomestication de cet oiseau relevait d’unehistoire complexe : elle est intervenue enplusieurs lieux identifiés dans le sud-ouestde la Chine, le sud et le sud-est asiatique.

Le Maroc héberge-t-il des loups?

Il semble que oui. Les spécialistes sesont mis d’accord sur l’existence d’un loupafricain, distinct du chacal, plutôt apparentéaux loups asiatiques (Le Monde, 13 octo-bre 2012) et dont la population, depuisquelque temps, en expansion dans lenord de l’Afrique (Égypte, Tunisie) intriguaitles chercheurs. Une équipe franco maro-caine (4) vient de confirmer la présence decette sous-espèce africaine du loup dansl’Atlas marocain.

Une nouvelle et éphémère espècede singe

Cercopithecus lomamiensis, un singedont l’espèce avait été décrite en 2007 àpartir de la découverte d’un individu vivanten captivité chez un directeur d’école pri-maire congolais, vient d’être observé enliberté dans les forêts galeries de laRépublique démocratique du Congo parune équipe anglaise (5) ; mais ce singe auprofil grec, au visage nu et à crinière blondeest à peine découvert qu’il est déjà menacéde disparition par la chasse (Science etAvenir, novembre 2012).

JJB

Les calmars jouent àpigeon vole

À bord d’un navire de l’universitéd’Hokkaido en mission d’observationscientifique, deux chercheurs prennent desclichés de ce qu’ils pensent être des pois-sons volants, sortant de l’eau pour planerpendant trois secondes avant d’y replon-ger. À l’examen des photos, ils les identi-fient comme de jeunes calmars d’unedouzaine de centimètres, faisant partie dedeux bancs d’une centaine d’individus. Cecalmar volant sort de l’eau en oblique, laqueue en avant, en expulsant un jet d’eaupar son siphon, ce qui l’allège et lui donneune vitesse suffisante. Il parcourt une tren-taine de mètres, soutenu au-dessus del’eau par ses nageoires qui se déploient, etses tentacules qui s’étalent, transformant lamembrane qui les relie en une sorte d’aile.À la descente, il replie nageoires et tenta-cules, et rentre dans l’eau, ogive de laqueue en avant. Il est possible que ce com-portement lui permette d’échapper auxpoissons prédateurs, comportement que lepassage proche du bateau a probablementprovoqué. Cela avait été rapporté par despêcheurs, mais c‘est la première fois quedes photos ont pu être prises par desscientifiques, suffisamment précises pourque les phases du vol aient pu être analy-sées. La photo publiée dans la presse estétonnante : le corps allongé porte deuxpaires d’ailes, on distingue nettement latête et un œil, juste en arrière des tenta-cules déployés latéralement (source : LeMonde, 28 novembre 2012).

JCN

(1) Sylvie Diochot et al., Black mamba venom peptidestarget acid-sensing ion channels to abolish pain, Nature490,552–555, 25 October 2012.

(2) Hailey S, Adams E, Penn R, Wong A, McLane MA.Effect of the disintegrin eristostatin on melanoma-naturalkiller cell interactions. Toxicon. 2013 Jan;61:83-93.Published on line 2012 November 9.

(3 ) Pat Shipman, Dog domestication may have helpedhumans thrive while Neandertals declined, AmericanScientist, 100, n°3, p.198 May-June 2012.

(4) Philippe Gaubert et al, Reviving the African WolfCanis lupus lupaster in North and West Africa: AMitochondrial Lineage Ranging more than 6,000 kmWide, Plus one, August 10, 2012.

(5) John A. Hart et al., Lesula: A New Species ofCercopithecus Monkey Endemic to the DemocraticRepublic of Congo and Implications for Conservation ofCongo’s Central Basin, Plos One, September 12, 2012.

(6) Y-W Miao et al. Chicken domestication: an upda-ted perspective base on mitochondrial genome,Heridity, 110, 277-282, 5 December 2012.

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SCIENCES

30 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Les Rhinogrades

Par manque de place dans ses colonnes,notre Revue n° 76 n’avait pas pu saluer lesoixantième anniversaire de la parution,chez Masson, d’un ouvrage scientifique fai-sant la synthèse des connaissances anato-miques de ces animaux insolites quiconstituent l’ordre des rhinogrades, classedes mammifères *. Cet ouvrage, traduit del’œuvre d’Harald Stümpke, avait été préfacépar le Pr Pierre-Paul Grassé, éminent zoolo-giste, membre de l’Académie des sciences,voulant ainsi marquer tout l’intérêt qu’il avaitporté à ce nouvel ordre de mammifères,récemment découvert et décrit.

Les rhinogrades, ou nasins, vivent exclu-sivement dans diverses îles d’un archipel del’océan Indien, explorées par le suédoisEinar Petterson-Stämtkvist après son éva-sion de captivité japonaise. Leur caractèreparticulier et exclusif est le développementde leur appendice nasal et son adaptation àla locomotion (d’où leur désignation de rhi-nogrades). Seuls mammifères terrestresdans leur biotope, ils y ont occupé toutes lesniches écologiques, se différenciant en deuxsous-ordre, Monorhina (ou uninases) etPolyrhina (ou plurinases), chacun scindé ensections, tribus et 26 familles, qui totalisentprès de 140 espèces (actuellementconnues) **. Cette variété est, pour le PrGrassé, la preuve que « la théorie synthé-tique de l’Évolution a trouvé, dans l’anato-mie des Nasins, les preuves éclatantes deson bien-fondé ».

Dans leur quasi-totalité, ce sont des ani-maux de la taille d’un petit rongeur, à pelagecourt et velouté. Leur alimentation estessentiellement constituée d’insectes et demollusques. La parade nuptiale n’a pas été

observée; la durée du développement fœtaln’est pas connue. L’appareil nasal locomo-teur revêt diverses formes, chaque espèceayant des caractères anatomiques particu-liers. Les membres, qui ne servent plus àassurer la mobilité, ainsi que la queue, ontsubi également de profondes transforma-tions adaptées à la capture et la préhensiondes proies. Il est impossible ici d’énuméreret de décrire en détail leurs espèces sivariées. On citera seulement, par exemple,Hopsorrhinus aureus dont le nez allongépossède un squelette articulé et une muscu-lature qui lui permet de progresser par sautssuccessifs (cf. figure 1), Otopteryx volitans*** dont les oreilles se sont développées aupoint de permettre le vol, assuré par le ren-forcement des muscles actionnant lepavillon (cf. figure 2), ou encore Mamontopsursulus (sous-ordre des Plurinases) auxmembres réduits et à la toison épaisse

(espèce vivant en altitude) dont le quadrupleappendice nasal permet une marche com-parable à celle des quadrupèdes.

L’ouvrage Les Rhinogrades présente uneabondante bibliographie, réunissant unequarantaine de références scientifiques. LaRevue Droit animal, éthique et sciences lerecommande à ses lecteurs scientifiques,surtout à ce moment de l’année où com-mence le mois d’avril.

JCN (et Lirvad Nossiop, traducteur)

* Anatomie et biologie des rhinogrades, HaraldStümpke, préface de P-P Grassé, Massons et Cie, 1962(épuisé).

** Bromeante de Burlas y tonterias, J. (1948),Systematic studies on the new order of the rhinogra-dentes. Am. Nat. F. 374 ; 1498.

*** Harrokerria, J., Irri-Egingarri, J., (1949), Nota sul labiologia de otopteryx volitans, C. r. Soc. biol. Rh. 511 ; 56.

**** Tassino di Campotassi, I., (1955), Un « releaser »sopranormale in Mammontops, G ; psicol. Comp. Ecom.; 714.

Fig. 1 Fig. 2

Chatastrophique !

Qui peut se prévaloir d’éradiquer jusqu’à25 milliards d’animaux par an? Nul dicta-teur fou serait derrière se décompte maca-bre, mais un animal de tous les jours dontla tendance à l’offrande sacrificielle seraitfinalement bien sournoise : le chat. C’est lerésultat détonnant d’une étude conduitepar Scott R. Loss du SmithsonianConservation Biology Institute (SCBI)publiée le 29 janvier dernier dans la revuebritannique Nature communications.

En effet, l’animal préféré des Françaisdepuis 2010 (1) serait en réalité l’une des100 pires espèces nuisibles. Les résultatsspectaculaires de l’étude révèlent à grandeéchelle ce que l’on connaissait déjà dansles milieux insulaires où le chat a été intro-duit ; pas moins de 33 espèces s’y sont eneffet éteintes (2).

Les chats, principalement errants, tue-raient ainsi entre 1,4 et 3,7 milliards d’oi-seaux (merle d’Amérique…) et entre 6,9 et20,7 milliards de petits mammifères (sou-ris, musaraignes, campagnols, écureuils etlapins). À tel point que Felis catus en seraitdevenu la principale cause de mortalitéavant l’empoisonnement ou les collisionspour ce qui concerne les activitéshumaines. Les États-Unis comptant prèsde 114 millions de chats (dont 84 millionsdomestiques), chacun tuerait en effet de 4à 18 oiseaux et entre 8 et 21 petits mammi-fères par an (3).

Le Dr Pete Marra (SCBI) coauteur del’étude enfonce le clou en faisant du chat laprincipale menace contre la faune améri-caine quand bien même certains rappellentson rôle dans la régulation d’autresespèces nuisibles (rats…) (3). Les proprié-

taires sont donc invités à assigner à rési-dence leur matou qui aurait, tout de même,une responsabilité bien moindre que leserrants. Un porte-parole de la RoyalSociety for the Prevention of Cruelty toAnimals (RSPCA) rapporte par ailleurs à laBBC qu’un simple collier bien ajusté réduitleurs nuisances d’au moins un tiers (2).

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SCIENCES

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 31

Chatastrophique ! (suite)

Il n’y a pas encore d’étude pour la Francemais les chiffres pourraient être tout aussiimpressionnants compte tenu de notreimportante population domestique (11 mil-lions) (1) et probablement errante. OneVoice, en 2010, estimait cette population à8 millions. Cela correspond peu ou prouaux densités observées en milieu urbain àLyon notamment (4). Aussi, 19 millions dechats tueraient-ils jusqu’à 6,9 milliardsd’animaux chaque année en France?

Quoi qu’il en soit le bon sens intime àchacun de limiter cette population errantecomme l’oblige la loi depuis 2012 avec letatouage électronique (art. L212-10 ducode rural). Jusqu’alors la majorité deschats demeurait non-identifiable. A titred’exemple, seuls 90 des 1 257 chatsrecueillis par la SPA en 2011 ont retrouvéleur maître (5). En outre, un couple dechats errants peut engendrer jusqu’à20000 descendants en seulement quatreans (6).

Rappelons enfin aux propriétaires dechat que leur responsabilité civile (art. 1385du code civil) est engagée pour les dom-mages matériels et environnementaux (art.L. 161-1 et art. L.411-1 du code environne-mental) causés par leurs animaux. Lapeine encourue, somme toute théorique,peut atteindre 15000 € d’amende et un and’emprisonnement (art. L. 415-3 du codeenvironnemental).

FAVDK

Plus d’informations :www.nature.com/ncomms/journal/v4/n1/full/ncomms

2380.htmlwww.one-voice.fr/wp-

content/uploads/drupal/Rapport_ChatsSansAbris_2010_4e.pdf

Sources :1. Lefigaro.fr, « La préférence des Français va aux

chats », 2 mars 2012.www.lefigaro.fr/assurance/2012/02/29/05005-

20120229ARTFIG00663-la-preference-des-francais-va-aux-chats.php

2. Rebecca Morelle, BBC World Service, “Cats killingbillions of animals in the US”, 29 janvier.

www.bbc.co.uk/news/science-environment-21236690

3. Emmanuel Perrin, Maxisciences.com, « Le chat,un nuisible qui tue des milliards d'animaux chaqueannée », 30 janvier.

www.maxisciences.com/chat/le-chat-un-nuisible-qui-tue-des-milliards-d-039-animaux-chaque-annee_art28472.html

4. Devillard S., Say L. and Pontier D., Dispersal pat-tern of domestic cats (Felis catus) in a promisciousurban population: do females disperse or die? Journalof Animal Ecology, 2003, 203-211 : Vol. 72.http://www.readcube.com/articles/10.1046/j.1365-2656.2003.00692.x

5. La dépeche.fr, « A la SPA, moins d'un chat sur dixretrouve son maître », 20 février.

www.ladepeche.fr/article/2013/02/20/1564762-a-la-spa-moins-d-un-chat-sur-dix-retrouve-son-maitre.html

6. www.30millionsdamis.fr/accesspecial/presse/analyse-des-abandons.html

Petites bêtes pas si bêtes

Le scarabée bousier astronome

Une équipe de chercheurs (1) des uni-versités de Lund (Suède), Witwatersrand etde Pretoria (Afrique du sud) fait découvrirque le scarabée bousier Scarabaeus saty-rus d’Afrique australe s'oriente la nuit, si lalune est masquée par les nuages, grâce àla Voie lactée, comme le font l’homme, lesphoques, plusieurs espèces d’oiseaux,d’autres insectes et des araignées. Grâce àdes dispositifs expérimentaux adaptés lesuns au milieu naturel, les autres à l’obser-vation sous la coupole du planétarium deJohanesbourg, les chercheurs ont constatéque le bousier roule sa pelote de bouse enligne droite, et de façon plus assurée etplus rapide si la Voie lactée, ou son imageprojetée, est visible au dessus d’eux. Sousun ciel artificiel éteint, ou ne montrant queles étoiles les plus brillantes, les bousierssuivent un chemin hésitant. De la mêmefaçon, Scarabaeus zambezianus paraîtdésorienté à l’époque du printemps (octo-bre), lorsque la Voie lactée rase l’horizon.Les mêmes chercheurs avaient déjàdémontré, il y a une dizaine d’années, queles bousiers s’orientent, durant les nuitsavec lune, grâce à la lumière solaire qu’ellerenvoie polarisée. L’un des chercheurs del’équipe soutient que le déplacement plusrapide dû à l’orientation donne plus dechance d’échapper au vol de la boule parun congénère.

Il y a longtemps, en Égypte antique, lescarabée bousier était déjà associé aumonde céleste. Son hiéroglyphe, prononcéKPR, signifiait la renaissance, l’apparition. Ilétait le symbole cyclique du soleil, et l’assu-rance de son retour, de son renouveauchaque jour. Le scarabée était souventreprésenté portant le disque solaire entreses pattes. Son rôle, essentiel et vital,puisque lié à la présence du soleil, a fait delui un dieu appelé Khepri ; modelé ou tailléen amulette porte-bonheur, il enserrait uneboule rouge symbole solaire. Le fait d’avoirété lié au soleil, et d’être connu aujourd’huicomme dépendant des étoiles de lagalaxie, pourrait être interprété seulementcomme une coïncidence. Mais qui sait ?Les Égyptiens anciens avaient un profondrespect des animaux ; ils leur donnaientdes rôles divins dans la vie des hommes,dans leur mort, et dans leur survie.Constituant un peuple d’agriculteurs etd’éleveurs, ils ont assez probablement eude nombreuses occasions d’observer dequelles façons le scarabée pouvait rouler

sa boule, plus ou moins habilement, sui-vant que Nout, la déesse de la nuit, éten-due en voute entre l’orient et l’occident,montrait ou ne montrait pas son grand voileblanc…

JCN

Le sens électrique des bourdons

Des chercheurs de l’université de Bristol(2) viennent de démonter que les bour-dons, dits de terre, sont capables de détec-ter l’infime champ électrique négatifentourant naturellement les fleurs. Ce sensélectrique permet à ce bourdon de mieuxfourrager les fleurs pour s’y nourrir.

Les chercheurs ont d’abord constaté quele potentiel électrique des fleurs de pétunia,dès qu’un bourdon s’apprête à s’y poser,est modifié de 25 millivolts par inductionélectrostatique et cela pour une durée100 s. Ils ont ensuite conditionné en labora-toire des bourdons à se poser sur desfleurs artificielles. Certaines contiennentune solution sucrée et sont chargées élec-triquement avec un courant continu de 30V, tandis que d’autres contiennent unesolution amère et sont reliées électrique-ment à la terre (tension électrique nulle).Rapidement les bourdons montrent unenette préférence pour les premières. Maissi ensuite on relie à la terre les fleurs à eausucrée comme les fleurs à eau amère, onconstate que les bourdons visitent indiffé-remment les deux types de fleurs artifi-cielles. Les chercheurs ont réalisé ensuitele même type d’expérience en présentantaux bourdons des fleurs artificielles deformes géométriques ou des couleurs diffé-rentes associées à la différence de champélectrique. Dans tous les cas les cher-cheurs ont constaté que le champ élec-trique constitue pour les bourdons unprécieux indice pour reconnaître les fleursà fourrager. Compte tenu de cette sensibi-lité des bourdons aux champs électriques,on peut se demander si les champs élec-triques artificiels issus des activitéshumaines (lignes à haute tension, télé-phones) ne sont pas susceptibles dans lemilieu naturel de perturber le comporte-ment des bourdons, voire d’autres insectespollinisateurs.

TAVDK

1. Marie Dacke et al. Dung Beetles Use the MilkyWay for Orientation, Current Biology, 24 January.

2. Dominic Clarke, Heather Whitney, Gregory Sutton,Daniel Robert, Detection and Learning of Floral ElectricFields by Bumblebees, Science, published on line 21February.

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SCIENCES

32 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Un chant de survie…

Plusieurs études confirment l’aptitude decertaines espèces, aussi bien chez lesinsectes que chez les mammifères, à émet-tre et moduler des impulsions sonores pourassurer leur survie.

Les fourmis Myrmica scabrinodis parexemple, dès le stade intermédiaire entrela larve et l’âge adulte (nymphes), peuventcommuniquer avec leurs congénères enproduisant un son en plus des mécanismesbiochimiques déjà connus. Si les nymphesjuvéniles et les larves, disposant d’un exos-quelette souple, demeurent silencieuses, iln’en n’est rien pour les nymphes maturesqui parviennent à utiliser leur grattoirdésormais rigide. C’est le résultat inéditd’une étude conduite par Luca Casacci etson équipe (université de Turin, Italie),publiée dans la revue Current Biology enfévrier (1).

Le criquet « mélodieux », Chorthippusbiguttulus, module quant à lui le volume deson « chant » en fonction de l’environne-ment selon une étude conduite par UlrikeLampe et son équipe de biologistes (uni-versité de Bielefed, Allemagne) dont lesrésultats ont été publiés dans la revueFunctional Ecology (2). Sur les grandsaxes routiers par exemple ce mâle« monte » le volume des basses fré-quences pour contrer les nuisancessonores. C’est la première fois que l’impactsonore des activités humaines sur le com-portement d’insectes est démontré. Desconséquences sur la reproduction de l’es-pèce sont à prévoir sachant que lesfemelles identifient leurs partenaires grâceà ce chant nuptial (3). Il est à noter au pas-sage que le système auditif des insectesserait très proche de celui des mammifèresselon une étude parue récemment dansScience (4).

Enfin, le mérion superbe (Malurus cya-neus), un petit oiseau commun enAustralie, développe une stratégie uniquepour se prémunir du célèbre parasitismedes coucous (Chrysococcyx basalis) ;ceux-ci déposant leurs œufs dans le niddes mérions. Pour parvenir à démasquerles imposteurs, les mérions apprennent unmot de passe transmis par leur mèredurant les cinq jours nécessaires à leurcouvée. Malheureusement pour les cou-cous, éclos au bout de 11 jours, la leçonn’est pas assez longue ; près de 60 % neparvient pas à survivre (5). Ce résultat, fruitd’un hasard expérimental, est à mettre àl’actif d’une équipe internationale de biolo-gistes emmenée par Sonia Kleindorfer del‘université de Flinders, Australie (6).

Sources :1. Carrie Arnold, News.sciencemag.org, “Shhh, theAnts Are Talking”, 7/02/13news.sciencemag.org/sciencenow/2013/02/shhh-the-ants-are-talking.html?ref=hpLuca P. Casacci, Ant Pupae Employ Acoustics toCommunicate Social Status in Their Colony’sHierarchy, Current Biology Volume 23, Issue 4, 323-327, 07 February.2. Ulrike Lampe, Tim Schmoll, Alexandra Franzke,Klaus Reinhold, “Staying tuned: grasshoppers fromnoisy roadside habitats produce courtship signals withelevated frequency components”, Fonctionnal Ecology,14 novembre 2012.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1365-2435.12000/abstract3. “Le criquet chante plus fort près des routes”, Ouest-France, 16 novembre 2012.4. Fernando Montealegre-Z. Thorin Jonsson, Kate A.Robson-Brown, Matthew Postles, Daniel Robert.„Convergent Evolution Between Insect and MammalianAudition“, Science, 16 novembre 2012. www.sciencemag.org/content/338/6109/9685. Laurent Brasier, « Un mot de passe anti coucou », LeMonde, 15 décembre 2012, p.7.lemonde.fr/sciences/article/2012/12/13/un-mot-de-passe-anticoucou_1806240_1650684.html6. Diane Colombelli-Négrel, Mark E. Hauber, JeremyRobertson, Frank J. Sulloway, Herbert Hoi, MatteoGriggio and Sonia Kleindorfer, Embryonic Learning ofVocal Passwords in Superb Fairy-Wrens RevealsIntruder Cuckoo Nestlings, Current Biology, Volume 22,Issue 22, 2155-2160, 08 November 2012www.cell.com/current-biology/retrieve/pii/S0960982212011256

Ces singes aux idéeslarges…

Plusieurs études récentes confirment lafrontière ténue entre Homo sapiens etl’Orang-outan d’un point de vue cognitif etculturel. De quoi remettre en cause dura-blement la distinction tenace, depuis« l’animal-machine » de Descartes au XVIIe

siècle, entre l’homme et l’animal.L‘édition du 15 décembre 2012 du jour-

nal Le Monde nous rappelle que durantbien longtemps la marche debout, l’appren-tissage de la langue des signes, le sens dela justice, de la coopération ou de la récon-ciliation et même la faculté de rire étaient lepropre de l’homme. C’était sans compterl’intelligence et la sociabilité du grand singenotamment mises en évidence par les pri-matologues comme Frans de Waal. À telpoint que le philosophe Dominique Lestelen arrive à une conclusion simple : « leconcept de l’animal est un conceptpassé. » Le grand singe disposerait en réa-lité des éléments de bases nécessaires àl’apparition d’une conscience morale etserait capable de transmettre une culture(techniques, rituels, goûts…) à ses descen-dants (1).

Une étude récente, publiée dans la revueCurrent Biology (2), indique par ailleurs quel’usage d’outils par le grand singe seraitmême le résultat d’un processus de repré-sentation mentale juvénile comme chezl’homme. Le psychologue suisse Thibaud

Gruber du Museum et de l’Institut anthro-pologique de l’université de Zurich évoqueun processus d’« idées culturelles ».L’étude portait sur l’usage par deuxgroupes d’orangs-outans de Sumatra,séparés à cause de la déforestation, debâtonnets d’une part pour ratisser leurnourriture et d’autre part pour la tremperdans le miel (3).

Enfin, des expériences sont conduites àtravers le monde pour améliorer le déve-loppement cognitif de ces grands singes,dont certaines produisent déjà des résul-tats. Par exemple, le programme "Apps forApes" (des tablettes pour les singes), déjàmentionné dans notre précédent numéro,indique que les orangs-outans préférent lesapplications destinées aux enfants (pein-ture au doigt, batterie virtuelle) et les docu-mentaires sur la nature (4).

FAVDKSources :1. Anne Chemin, Dossier « Si proches cousins », Le

Monde, 15 décembre 2012, Culture & Idées, pp. 1,4,5.2. Thibaud Gruber, Ian Singleton,Carel van Schaik,

Sumatran Orangutans Differ in their Cultural kowledgebut not in their Cognitive Abilities, Current Biology,Volume 22, Issue 23, 2231-2235, 08 November 2012.

cell.com/current-biology/abstract/S0960-9822(12)01143-8

3. Rebecca Widiss, News.sciencemag.org„Orangutans Have a Big Idea”, 8 décembre 2012.

news.sciencemag.org/sciencenow/2012/12/orangu-tans-have-a-big-idea.html?ref=hp

4. Arin Greenwood, The Huffington Post,“Orangutans With iPads: National Zoo Launches 'AppsFor Apes' Program “, 01/22/13

huffingtonpost.com/2013/01/22/orangutans-ipads-national-zoo_n_2527460.html

Plus d’infos :redapes.org/ et aim.uzh.ch/index.html

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SCIENCES

DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 33

Demain un « Paléolithic Park » ?

Mammouth et Néanderthal font la une desactualités paléontologiques ces dernièressemaines. C’est notamment l’emballementmédiatique mondial autour du clonage sup-posé de Néanderthal, disparu voici 28000ans, par le généticien britannique GeorgeChurch (Harvard) qui a suscité le plus d’inté-rêt. Cette vraie-fausse information, due àune erreur de traduction d’un journal alle-mand (1), ne doit en revanche pas occulterquelques autres annonces récentes et leursimplications sociétales.

Alors même qu’une étude franco-ukrainienne, publiée dans la revueQuaternary International, montrait qu’HomoNeanderthalensis chassait le mammouthpour construire des habitations et se nourrirbien avant Homo sapiens (2), une équiperusso-coréenne, conduite par M. Grogorieven collaboration avec M. Hwang Woo-Suk,affirmait en octobre dernier avoir découverten Sibérie orientale des cellules somatiquesde Mammouth dont le noyau demeurerait enactivité (3). Des équipes franco-russes,impliquées dans le programme d’expédi-tions Mammuthus (2010-2014), faisaientégalement part en novembre dernier aujournal Aujourd’hui la Russie de la décou-verte du « mammouth du siècle »,dénommé Jenya, (2 m pour 500 kg) dans leGrand Nord russe. Ce spécimen, au flancdroit intact, serait le mieux conservé aumonde (3).

Un espoir de voir Néanderthal etMammouth ressuscités dans un avenirproche? Le clonage est un domaine où la

vigilance est de rigueur, en témoigne lafraude coréenne sur le clonage thérapeu-tique en 2004, impliquant déjà Hwang Woo-Suk.

Concernant Néanderthal, la cause sem-ble entendue pour le généticien Axel Khan,car malgré le matériel génétique théorique-ment suffisant, selon George Church, pourreconstituer l’ADN de cette espèce dispa-rue, aucune cellule vivante de Néanderthaln’a été, à ce jour, retrouvée pour envisagerson clonage selon les techniques actuelles(4).

Concernant Mammouth, en revanche, lilne serait pas techniquement invraissembla-ble de voir un nouvel individu ressusciter àpartir de ces noyaux « en vie » de cellulesmusculaires. Dans ce cas, une fois n’est pascoutume, c’est le réchauffement climatiquequi offrirait une opportunité de « résurrec-tion » à des espèces disparues conservéesdans le permafrost sibérien. Mais rien n’estmoins sûr. Déjà, en 2004, dans un articleparu dans le Bulletin n° 43 de la LFDA (5), lePr Collenot avait émis les plus grandesréserves sur le bien-fondé biologique,éthique et économique d’une telle opéra-tion, qui nécessiterait d’utiliser des élé-phantes « les unes pour fournir desovocytes en très grand nombre, […] lesautres hébergeant dans leur utérus leséventuels embryons clonés obtenus ».Corinne Cotinot, directrice du laboratoire debiologie du développement de l’INRA, arécemment rappelé de son côté, que le

transfert de noyaux cellulaires entreespèces ne donne pas encore de bonsrésultats (6). Quelles que soient les motiva-tions et la maturité des techniques concou-rant au clonage d’espèces disparues, quelserait finalement leur statut juridique? Aupoint de se demander si Néanderthal etMammouth seraient des animaux commeles autres…

FAVDK

Sources :1. 20minutes.fr, Clonage de Néandertal : Il s'agirait

d'une erreur de traduction, 23 janvier.20minutes.fr/sciences/1085745-clonage-neandertal-

agirait-erreur-traduction2. Demay L., Péan S., Patou-Mathis M., 2012.

“Neanderthal and mammoth. Terms of mammoth usebetween food and construction during the MiddlePaleolithic : Zooarchaeology applied to the layer 4 ofMolodova I (Ukraine)”. Quaternary International, pp. 212-226.

3. Colombe Prins, Russie.aujourdhuilemonde.com„Russie, terre de mammouths“, 7 novembre 2012.

russie.aujourdhuilemonde.com/russie-terre-de-mam-mouths

4. Antonin Chilot, Leparisien.fr, « Cloner un “bébéNéandertal” : rêve ou réalité? » 22 janvier.

leparisien.fr/sciences/cloner-un-bebe-neandertal-reve-ou-realite-22-01-2013-2502563.php

5. Alain Collenot, « Cloneries en mammouthland »,Bulletin d’informations de la LFDA, n° 43, avril 2004, p.7.

6. Yves Miserey, Lefigaro.fr, « Des Russes veulentcloner un mammouth », 14 septembre 2012.

lefigaro.fr/sciences/2012/09/14/01008-20120914ARTFIG00891-des-russes-veulent-cloner-un-mammouth.php

Plus d’infos:mammuthus.org/frwww.mnhn.fr/museum/front/medias/commPresse/48

791_Une_etude_demontre_que_Homme_de_Néanderthal_chassait_le_mammouth_pour_se_nourrir_et_pour_construire.pdf

Au pays des merveilles sous-marines

Il y a 760 millions d’années, lespremiers animaux

Une équipe de dix chercheurs sud-afri-cains, anglais et australiens (1) a découvertdans des roches sédimentaires deNamibie, datant de 760 millions d’années,les fossiles de minuscules éponges sphé-riques. La découverte de ces ancêtres detous les animaux fait reculer de 150 mil-lions d’années la date présumée de l’appa-rition de la vie animale sur notre planète. Lacommunauté scientifique s’accordaitjusqu’à présent à fixer à environ 600 mil-lions d’années. De leur côté une équipeanglo-australienne (2) avait déjà mis enévidence des bactéries fossilisées datantde 3,4 milliards d’années dans les sédi-ments d’une ancienne plage australienne.L’origine de la vie sur notre planète estaujourd’hui présumée marine et datée de3, 7 milliards d’années.

Des baleines rares

Une équipe de chercheurs de la divisionantarctique australienne, sous la conduitede Michael Double (3), au large de l’État deVictoria, a pu filmer en janvier 2012, pour lapremière fois au monde, un groupe d’unedizaine de Tasmacètes de Sheperd, uneespèce de baleine à bec découverte en1937. C’est une espèce rare que l’on neconnaissait que par des cadavres et quel’on croyait solitaire. Ces cétacés gris etblanc, ressemblant à d’énormes dauphinsde 6 m et 6 t, sont si peu connus qu’on nedispose d’aucune estimation de leur popu-lation.

La Baleine pygmée vivant égalementdans l’hémisphère sud, dont seulementquelques individus ont été observés depuisle XIXe siècle est de taille légèrement supé-rieure à celle de la baleine à bec, maispourvue de fanons et d‘un museau arqué et

froncé. Relativement rare, son comporte-ment reste inconnu. Deux chercheurs deNouvelle Zélande (4) ont montré, en com-parant certaines de ses molécules et deses structures osseuses à celle de 6espèces fossiles, que la baleine pygméeappartient à une famille de cétacés, lescétothériidés, apparue il y a 15 millionsd’années et que l’on croyait éteinte depuis2 millions d’années !

Electroréception chez lesembryons de requin

On savait que les requins adultes peu-vent détecter leur proie à l’aide de récep-teurs sensoriels spécialisés dans ladétection des faibles champs électriquesémis par les animaux sous l’effet de l’acti-vité nerveuse et musculaire. Une équipeaustralienne (5) a récemment montré que

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SCIENCES

34 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Au pays des merveilles sous-marines (suite)

trique d’intensité comparable à celui quedéclencherait la présence d’un prédateur.Les chercheurs ont utilisé 121 embryons àdivers stades de développement, observésà travers leur capsule ovaire rendu trans-parente par grattage. Ils les ont exposés àdes champs électriques d’intensité compa-rables à ceux émis par les animaux vivants.

Les embryons y réagissent par un arrêtimmédiat des mouvements des branchies,suivis d’un enroulement de la queue autourdu corps. L’immobilité reste maintenuejusque l’animal doive respirer à nouveau,mais cette fois avec des mouvements pluslents des branchies. Mais soumis à de sti-mulations répétées, ils s’habituent et per-dent ce comportement réflexe de défensepassive.

Méduses et poissons: même effi-cacité énergétique pour capturerles proies

Les méduses bien que généralementaveugles et largement tributaires des cou-rants pour se déplacer, capturent cepen-dant le plancton avec la même efficacitéénergétique que les poissons planctono-phages. C’est ce qu‘a démontré un cher-cheur espagnol (6) qui a réalisé le bilanénergétique de la prédation chez ces deuxcatégories d’animaux. Elles limitent ladépense d’énergie en se mouvant lente-ment grâce aux contractions pulsatiles deleur ombrelle et une croissance qui aug-mente la taille de leurs tentacules avecpour conséquence un accroissement deschances de capture. Cette découverteexplique que les méduses ont déjà rem-placé dans plusieurs régions océaniquesles populations de poissons surexploitéespar la surpêche industrielle.

Les crabes verts ressentent ladouleur

Deux chercheurs britanniques viennentde montrer (7) que les crabes verts chan-gent de comportement en choisissant dese réfugier dans un abri éclairé plutôt qu’unabri sombre, spontanément préféré, aprèsque l’on leur ait administré une déchargeélectrique lorsqu’ils pénètrent dans un dedeux refuges sombres qui leur sont propo-sés. Cet apprentissage rapide témoigneque le crabe vert n’évite pas la déchargeélectrique par simple nociception réflexe,mais qu’il éprouve un véritable ressenti dela douleur qui le conduit à ce changementcomportemental.

L’auteur principal de cette recherche,Robert Elwood, en avait présenté, avantpublication, les résultats au colloque, « Lasouffrance animale : de la science droit »,organisé en octobre 2012 par la LFDA enpartenariat avec le GRIDA. Il avait déjàmontré que d’autres crustacés décapodes,des bernard-l’hermite, étaient capableseux aussi de ressentir la douleur.

Certains lecteurs s’interrogeront certai-nement sur la nécessité et l’éthique detelles expériences qui infligent un stimuluspotentiellement douloureux à des animauxafin de démontrer s’ils ressentent ou non ladouleur. Ils doivent savoir que c’est seule-ment lorsqu‘une démonstration scientifiqued’un ressenti douloureux a été apportéechez un animal, que la douleur peut éven-tuellement être prise en compte dans lesréglementations de protection animale.Jusqu’à présent l’existence d’un ressentide la douleur chez les crustacés n’est pasreconnue, ce qui « justifie » que l’on conti-nue encore à les ébouillanter, à les décou-per à vif ou qu’on les laisse s’asphyxierlentement hors de l’eau. Ces expériencesont infligé à quelques dizaines de crusta-

cés de très brèves et petites douleurs carl’intensité du choc électrique est choisiecomme la plus faible et la plus brève possi-ble pour déclencher une réponse d’évite-ment. On peut donc espérer que dansl’avenir ces expériences permettront qu’onépargne à des millions de crustacés desdouleurs bien plus grandes et prolongées.Mais la reconnaissance scientifique de ladouleur chez les crustacés comme celleétablie chez les poissons depuis dix ans,compte tenu que ces animaux sont trèséloignés de l’homme par leur aspect et leurcomportement et n’inspirent généralementpas l‘empathie spontanée, n‘a pas immé-diatement de conséquences éthiques etjuridiques dans la société. Par ailleurs, évi-ter la douleur à ces animaux implique deremettre en cause nombre de pratiques depêche et de consommation, ce qui n’ira passans impacter l’économie de ces activités.Gageons donc qu’il faudra hélas encoreattendre de nombreuses années pour quela douleur de ces animaux soit réellementprise en compte dans les réglementations.

Expulsions de logement en sériechez les ermites

Coenobita compressus, est un crustacétriplement original. Comme tous sescongénères bernard-l’ermite, doté d’unabdomen mou dépourvu de carapace, ildoit se loger dans une coquille de gastéro-pode vide puis en changer au fur et àmesure de sa croissance. Mais à la diffé-rence de ses congénères marins, il mèneune vie terrestre dans les forêts humidesdu Costa Rica et de l‘Équateur. Il s’abritedans les coquilles vides rejetées sur lerivage, plus rares que celles qui peuventêtre trouvées massivement sur le fondmarin par ses congères d’espèces aqua-tiques. Comme le rapportait Le Monde du8 décembre 2012, un chercheur américainvient d’étudier comment cette espèce secomporte pour se procurer un abri (8). « Cebernard-l’ermite essaiera d’en évincer unautre de sa coquille lorsqu’il s’aperçoit quela sienne est devenue trop petite et quecelle de son congénère est plus grande.Ainsi, on observe souvent les bernard-l’er-mite terrestres former de longues files àpartir de deux individus, dont l’un essayed’évincer l’autre de sa coquille ; tous lesautres individus présents dans cette longue u

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 35

Quand la génétique entre en éthologie

Deux espèces très proches de souris duSud-Est des États-Unis du même genrequi peuvent se croiser entre elles,Peromyscus polionotus (P.p) etPeromyscus maniculatus (P.m.) ont étéétudiées quant à leur comportement decreusement de terrier (1,2,3). P.m. creuseun tunnel d’entrée horizontal et courtjusqu’à l’emplacement du nid alors queP.p. creuse un terrier comportant deuxtunnels, l’un horizontal d’entrée plus longque celui de P.m et un second à partir dunid qui remonte à la surface du sol sanscependant l’ouvrir et qui constitue un tun-nel de fuite. Les terriers des deux espècesse distinguent donc par les formes et lesdimensions de leurs tunnels.

Le terrier de P.m. est considéré commela forme ancestrale de terrier et celui deP.p. correspond au comportement plusélaboré de l’animal quand il a colonisé leshabitats ouverts qu’il occupe actuelle-ment. Maintenues au laboratoire ces sou-ris creusent des terriers identiques à ceuxqu’elles creusent dans la nature.

Quand les deux espèces sont croiséesentre elles, toute la descendance obtenue(dite F1) creuse des terriers identiques àceux de P.p. Ce résulat montre que cecomportement nouvellement exprimé esttransmis génétiquement sur le modedominant. Des croisements en retoureffectués entre les hybrides F1 avec dessouris d’une des espèces parentales, P.m,montrent que les gènes associés à la lon-gueur du tunnel horizontal sont distinctsde ceux concernant le tunnel de fuite.Certains descendants de ce croisementen retour creusent un tunnel d’entréecourt avec un tunnel de fuite, d’autres untunnel d‘entrée long sans tunnel de fuiteou bien les deux autres combinaisons :tunnel d’entrée long associé à un tunnelde fuite ou bien un tunnel d’entrée courtsans tunnel de fuite.

Les deux dernières modalités corres-pondent aux deux types de terriers paren-taux.

Outre le fait que ces résultats permet-tent d’aborder un caractère comportemen-tal a priori complexe de la même manièrequ’un caractère morphologique tel que lacoloration du pelage, l’intérêt du travailrapporté ici est accru par l’utilisation duséquençage de l’ADN des souris concer-nées.

Les progrès considérables acquis toutrécemment quant au coût et à la rapidité

du séquençage d’un génome autorisentmaintenant sa mise en œuvre chez denombreuses espèces animales, non seu-lement les espèces-modèles habituellesmais aussi les espèces « sauvages ».Dans ce cas particulier, l’analyse de l’ADNmontre que trois régions du génome sontimpliquées dans la variation de la lon-gueur du tunnel horizontal qui se révèledonc un caractère génétique complexealors qu’une seule autre région l’est dansle creusement du tunnel de fuite.

Le séquençage « bon marché» dugénome est à la base d’une nouvellegénétique, la « génoéthologie » ou géné-tique du comportement. Ainsi, il a permisd’identifier chez différentes souches sau-vages du petit ver nématodeCaenorhabditis elegans les gènes et lescircuits neuronaux impliqués dans larecherche et la découverte de nouvellessources de nourriture (3).

Le séquençage du génome de cen-taines de fourmis de l’espèce Solenopsisinvicta a conduit à l’identification d’unerégion du génome contenant de très nom-breux gènes qui rend compte du fait quecertaines colonies n’ont qu’une seulereine fertile alors que d’autres colonies entolèrent plusieurs (4,5).

Dans un travail non publié (cité en réfé-rence 3), Catherine Peichel et AnnaGreenwood ont découvert un gène quipermet d’expliquer pourquoi, chez le pois-son épinoche, la forme marine nage enbancs serrés alors que la forme d’eaudouce, proche, nage en solitaire. On peutpenser que ces comportements ont étésélectionnés dans des environnementsdifférents, soit le milieu marin riche en pré-dateurs, soit les fleuves riches en végéta-tion permettant de se cacher.

AC

1. J.N. Weber et al. (2013) Dicrete genetic modulesare responsible for complex burrow evolution inPeromyscus mice. Nature, 493, 402-405.

2. P.Goymer (2013) Genes for home-building.Nature, 493, 312.

3. E. Callaway (2013) Behaviour genes unnearthed.Nature, 493, 284.

4. J. Wang et al. (2013) A Y-like social chromosomecauses alternative colony organization in fire ants.Nature, 493, 664-668.

5. A social rearrangement : A.G Bourke (genes andqueens) et J.E Mank (chromosomes mysteries).Nature, 493, 612-13.

queue s’agrippent alors à la coquille du voi-

sin de devant, attendant que l’éviction se

réalise, afin de pouvoir emménager rapide-

ment dans une coquille plus grande. » Leperdant de cette partie de « chaise musi-cale » se retrouve avec l‘abdomen mal pro-tégé et donc à la merci du premierprédateur venu. Le chercheur ajoute quece comportement, paradoxalement chezun animal initialement solitaire, « engendre

un haut niveau de sociabilité centrée sur le

vol de coquille d’autrui ».Le chercheur a pu montrer que ces ber-

nard-l’ermite creusent l’intérieur de leurcoquille jusqu’à doubler le volume des cavi-tés, disposant ainsi de plus d’espace pourleur abdomen et pour déposer leurs œufs,diminuant aussi du même coup le poids dela charge à transporter. Si à des bernard-l’ermite extraits de leur coquille, on offreexpérimentalement des coquilles de taillenormale correspondant à la leur, mais nonaménagées, les crustacés sont gênés parl’exiguïté de l’ouverture et de la cavité et nepeuvent s’y enfermer complètement avecles pinces venant boucher hermétiquementl’entrée. Relâchés, ils sont tous retrouvésmorts au bout d’une journée, tués par lesfourmis, les mammifères ou la dessicca-tion.

TAVDK

1. Brain CK, Prave AR, Hoffmann KH, et al. The firstanimals : ca. 760-million-year-old sponge-like fossilsfrom Namibia. South Africa Journal of Sciences.2012 ;108(1/2), 18 january 2012.

2. David Wacey, Matt R. Kilburn, Martin Saunders,John Cliff & Martin D. BrasierMicrofossils of sulphur-metabolizing cells in 3.4-billion-year-old rocks ofWestern Australia, Nature Geoscience 4,698–702,Published online 21 August 2011.

3. AFP 23 février 2012 ;Le Télégramme 26 février2012.

4. R. Ewan Fordyce and Felix G. Marx.The pygmyright whale Caperea marginata : the last of the ceto-theres, Published online December 19, 2012Proceedings of the. Royal Society B 280,1753, 26-45,February 22.

5. Kemster Ryan M, Hart Nathan S. et Collin ShaunP. Survival of the Stillest : Predator Avoidance in SharkEmbryos. PLoS ONE 8(1): January 9.

6. José Luis Acuña, et al. Faking Giants : TheEvolution of High Prey Clearance Rates in Jellyfishes,Science 333, 1627,16 th september 2011).

Magee, B. and Elwood, R. W. Shock avoidance bydiscrimination learning in the shore crab (Carcinusmaenas) is consistent with a key criterion for pain.Journal of Experimental Biology 216, 353-358.February 1.

7. Mark E.Laidre. Niche construction drives socialdependence in hermit crabs, Current Biology, Volume22, Issue 20, R861-R863, 23 October 2012.

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SCIENCES

36 - DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013

Comptes-rendus de lecture

La biodiversité récifale des îles LoyautéSonia Ribes-Beaudemoulin, Mathilde etBertrand Richer de Forges ÉditionsProvince des îles loyautés et KIWA, 2011.

Les récifs coralliens de l’archipel des îlesLoyauté, séparées de la Grande Terre deNouvelle Calédonie figurent parmi les plusremarquables de la planète. Jusqu’à cequ’une partie de cet archipel soit inscritepar l’UNESCO au patrimoine de l’humanitéen 2008, très peu d’études avaient étéconsacrées à la biodiversité de ces récifs.Pour préserver ces récifs, très vulnérablesà la fois aux tempêtes, au réchauffementdes eaux et aux dégâts commis par lesactivités nautiques humaines, une étudeaussi exhaustive que possible de leur bio-diversité et de leurs écosystèmes s’impo-sait. Trois missions en 2009 et 2010 ontpermis de recueillir une multitude d’infor-mations scientifiques. Cet ouvrage endresse une synthèse accessible au grandpublic et en tout point remarquable.

Les îles Loyauté sont nées à la fois de lamer, en raison des organismes marins quiont construit leur socle calcaire, et desmouvements de la croûte terrestre qui lesont fait émerger du plancher océanique enquelques millions d’années.

Les récifs coralliens sont des écosys-tèmes très complexes dont la dynamiquesous-tend un équilibre entre la bio-construction par des animaux et des végé-taux marins et l‘érosion physique par lesvagues et les eaux pluviales et la bio-éro-sion par certains animaux marins.

Le livre nous présente en détail lesformes et la vie des organismes construc-teurs. Ainsi ce bel album nous fait découvrirsuccessivement : les coraux bâtisseurs etles animaux coloniaux apparentés, la nais-sance et la croissance d’une colonie coral-lienne, leur coloration variée due auxalgues microscopiques symbiotiques ouzooxanthelles qu’hébergent leurs tissusmous, les algues et invertébrés calcairesqui contribuent à la formation des récifs età l’inverse poissons et invertébrés qui enbrisant, perforant, creusant le récif, contri-buent à leur érosion.

L’ouvrage entreprend ensuite de nousfaire découvrir la diversité des milieux réci-faux, aériens (falaises, mangroves, plagesde sable) comme sous marins (fondssableux, dalles coralliennes, herbiers etalgueraies, pinacles coralliens, platiers,passes, zones marines sous falaises, sur-plombs et grottes) et de leur faune spéci-fique associée, (oiseaux, poissons,

reptiles, crustacés, mollusques, échino-dermes notamment).

Nous faisons connaissance avec la viedu récif, de jour comme de nuit, avec lesmodes d’alimentation des invertébrés etdes poissons qui le peuplent (filtreurs,brouteurs nettoyeurs ou prédateurs), lesarmes et les techniques de camouflage oude déguisement qu’ils utilisent. Les der-nières pages de l’ouvrage sont consacréesà la diversité des modes de reproduction(les parades nuptiales qui président à l’ac-couplement des serpents, des poissons,des mollusques ou des crustacés, la pontedes œufs et le développement larvaire), etla diversité des associations entre orga-nismes du récif (symbiose, commensa-lisme, parasitisme, alliances coopératives).

À chaque page de cet ouvrage, photossous-marines de qualité et textes brefs ettrès pédagogiques rédigés, par une équipede trois docteurs en biologie marine, spé-

cialistes des récifs coralliens, des pois-sons, des éponges et des crustacés, sou-tiennent l’attention et l’émerveillement.

Cet ouvrage s’adresse à tous ceux quiveulent comprendre l’importance accordéeà la diversité de la vie marine et spéciale-ment à celle des récifs coralliens fortementmenacée par les changements climatiqueset anthropiques accélérés. Il concerne plusspécialement les jeunes générations quidevront suivre l’évolution de ces change-ments et contribuer à les ralentir. Ellesdevront assurer la préservation de cesrécifs, sous peine de ne pouvoir plusconnaître la biodiversité récifale des îlesLoyauté qu‘à travers des livres tels quecelui-ci, qui risquent avant la fin du siècled’être les témoins d’un monde vivant dis-paru par la faute des générations humainespassées.

TAVDK

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 37

Comptes-rendus de lecture

Douleurs animales en élevage

Éditions Quae, 2013

Cet ouvrage fait suite aux Rencontresnationales Animal-Société, organisées en2008 par le ministère de l’Agriculture et quise voulaient une sorte de « Grenelle del’animal ». Les rapports issus des diffé-rentes commissions de ces rencontresn’ont pas tous été publiés in extenso, de lamanière que le souhaitaient les interve-nants au débat. Il est donc heureux qu’à lasuite de ces rencontres, les ministères del’Agriculture et de la Recherche aient solli-cité l’INRA pour une expertise scientifiquesur la douleur chez les animaux d’élevage.Une commission d’une vingtaine de spécia-listes, issus de disciplines variées dessciences biologiques ou de scienceshumaines, s’est donc réunie sur la directionde Pierre Le Neindre, chercheur à l’INRA.Le philosophe Jean-Luc Guichet (adminis-trateur de la LFDA) et la sociologueJocelyne Porcher (membre du comitéscientifique de la LFDA), y participaientdans leurs spécialités respectives. C’est lerésultat des travaux de ce groupe que nousprésente le présent rapport.

Après avoir analysé la place des animauxdans les sociétés traditionnelles et les« communautés hybrides » hommes-ani-maux, le rapport montre comment la dou-leur a été progressivement prise en comptechez l’homme, puis chez l’animal, avec lesimplications philosophiques que cela aentraîné en termes de droits de l'animal etavec les modifications juridiques qui se sontdéveloppées en parallèle « le droit appliquéaux animaux » (p. 10). Mais « les relationshomme-animal ont subi depuis le fin de laseconde guerre mondiale des évolutionsmajeures liées aux grands projets de déve-loppement qui ont marqué l’après guerre »(p. 11). Dans cette mouvance se situent lesystème d’élevage intensif, les problèmesliés au développement de l’abattage rituel,des souffrances causées aux travailleursmêmes des élevages, puisque « le primataccordé aux rationalités économiques »entraîne « une dégradation des relationsavec les animaux » (p. 13). L’ouvragen’élude aucun de ces points, ni les progrèsde la science, qui vise à cerne les frontièresde la douleur, de la souffrance et du bien-être animal, ni l’appel à des positions végé-tariennes, ou le rôle des associations deprotection animale (dont l’OABA). Le rap-port rappelle combien, en droit français, lestatut de l’animal reste ambigu, puisqu’il est« reconnu par le droit en même tempscomme être sensible et comme marchan-dise » (p. 18).

Pour en revenir plus précisément à laquestion de la douleur des animaux d’éle-

vage, cette question intègre, mais demanière assez floue, une certaine attentedes consommateurs, des dispositionslégales variées et des discussions encorevives sur la définition et les appréciations dela douleur sur le plan scientifique. Chezl’homme, la prise en compte de la douleur apu être élargie « chez le nouveau-né etchez l’individu handicapé ne pouvant s’ex-primer oralement et, plus récemment (…)chez le fœtus » (p. 31). Chez l’animal, ladouleur prend ses racines dans la nocicep-tion, avant de trouver, avec les émotions,voire leur perception consciente, une inté-gration centrale assez proche de celle quel’on rencontre chez les humains. Le rapportsouligne les ambiguïtés du terme de souf-france « fréquemment employé commesynonyme de douleur ». Personnellement(dans Homme et animal : de la douleur à lacruauté, sous la direction de T. Auffret VanDer Kemp et J.-C. Nouët, Éditions del’Harmattan, 2008), j’avais proposé de lier ladouleur aux émotions et donc, chez les ver-tébrés, au système limbique, et de parlerensuite de souffrance lorsqu’apparaissaitune certaine conscience (et donc, chez lesvertébrés, une intervention du cortex céré-bral). Cette interprétation n’est pas celle duprésent rapport, d’autant qu’il ne vise que lasouffrance physique et non certains typesde « souffrance psychique qui n’entre pasdans le champ de la présente expertise »(p. 45). Quant au stress, réponse globale ducorps et notamment de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénallien, il intervient sou-

vent en lien avec la douleur, maispeut être aussi activé « par unetrès large gamme de stimulations,qui ne sont pas nécessairementdouloureuses » (p. 40).

L’appréciation de la douleur n’estpas simple lorsqu’on quitte lesmammifères, dont on connaît lemieux les réponses comportemen-tales et l’anatomie cérébrale. Enoutre, par exemple chez les rep-tiles, les études sont très peu nom-breuses. En l’absence denombreuses données, notammentchez les poissons et les céphalo-podes, le rapport reste très pru-dent : « les connaissancesactuelles restent fragmentaires »(p. 53). Selon le rapport, « l’affirma-tion de l’existence d’émotions élé-mentaires (…) chez les vertébrésinférieurs et certains invertébrésaquatiques paraît encore prématu-rée » (p. 53). Au-delà de l’« étatactuel des connaissances » (p. 54)sur lequel s’appuie sans cesse lerapport, et à l’heure où, principe deprécaution oblige, les règlementseuropéens préconisent le respect

de tous les vertébrés et des céphalopodes,on ne peut manquer de trouver ici le rapporttrès (trop ?) timide.

Plus substantielle est l’évaluation qui estfaite ensuite de « la douleur chez les ani-maux d’élevage » (p. 57) avec des critèreslésionnels, physiologiques, comportemen-taux ou zootechniques, appliqués au porc,aux ruminants, aux oiseaux et aux poissons(même si, pour ces derniers, les donnéesrestent sommaires). Des échelles multipa-ramétriques de mesure de la douleur sontproposées pour certaines espèces. Plusloin sont répertoriées les « sources avéréeset/ou potentielles de douleur chez les ani-maux d’élevage » (p. 75), sources liées auxsoins ou à l’identification des animaux, auxmanipulations des animaux par l’hommecomme le transport (à mon avis très insuffi-samment analysé et limité aux seulesvolailles) ou le gavage. Sur ce dernier point,« des auteurs pensent que les caractéris-tiques anatomiques des parois du tubedigestif des oiseaux rendent le gavageindolore » (p. 82), même s’il peut y avoiroccasionnellement des « blessures acci-dentelles » (p. 82). Cette restriction n’a pasde sens ! Ce sont les caractères histophy-siologiques qui sont à considérer, car letractus digestif est innervé du bec aucloaque, et la dilatation instrumentale for-cée de l’œsophage ne peut pas rester sansconséquence sensorielle. C’est d’ailleursce que mentionne le Rapport du Comitéscientifique de la santé et du bien-être ani-

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Comptes-rendus de lecture

mal sur la protection des palmipèdes à foiegras publié par la Commission européennede 1999, conclusion 8-1- II-6 : « L’existenced’une innervation sensorielle de cet organe[l’œsophage] indiquerait la survenue dedouleurs au cours du gavage. » Quant aux« blessures accidentelles », elles seraientindolores ? L’affirmation selon laquelle « lefoie ne peut être à l’origine de sensationsnociceptives directes chez les oiseaux »(p. 83) est contestable. Certes le foie estpeu innervé, mais les vaisseaux qui le tra-versent le sont. Au total, il n’y aurait rien,semble-t-il, dans cette pathologie induitequ’est la production de foie gras, qui pour-rait être vraiment dommageable pour lesanimaux On ne peut s’empêcher de remar-quer combien ces multiples affirmations àl’eau de rose, qui se veulent « scienti-fiques » (!), s’accordent étonnamment bienavec les souhaits des producteurs de foiegras. Le déni de la douleur des palmipèdeslors du gavage est en totale contradictionavec le rapport des experts de laCommission européenne.

Qu’en est-il alors des sources de douleurassociées aux mutilations ? Quand ellessont effectuées par l’homme pour limiter lesblessures entre les animaux, commel’épointage des dents des porcelets, l’époin-tage du bec des volailles, la coupe de laqueue des porcelets, l’écornage des bovinsou l’écrêtage des oiseaux, toutes opéra-tions réalisées en général sans anesthésie,on sera heureux d’apprendre que, selon lescas, les douleurs sont « modérées » ou« faibles et modérées », ou encorequ’« aucune étude n’a jusqu’à présent ana-lysé les conséquences de ces pratiques entermes de douleur » (p. 89). Ceux qui s’in-quiétaient ici pour la douleur des animauxpeuvent donc dormir tranquilles ! Plus posi-tives sont les suggestions faites pour la cas-tration des animaux, pour laquelle le rapportsuggère (heureusement) l’utilisation d’« unprotocole analgésique » (p. 91). De mêmel’ouvrage signale, à juste titre, les douleursapportées par certaines sélections géné-tiques ou lors des périodes de pré-abat-tage: pour les ruminants « un équipementinsuffisant des couloirs d’amenée et desbox d’étourdissement (…) peut être à l’ori-gine de meurtrissures (…). Chez les veaux(…) glissades et chutes liées à la peur (…)provoquent des contusions et des douleurspotentielles » (p. 96).

Quant à l’abattage lui-même, l’ouvragerappelle que l’étourdissement préalable estobligatoire, sauf dans des cas de déroga-tion qui sont mentionnés. Mais je n’ai pastrouvé discutée la controverse actuelle(Michel Turin, Halal à tous les étals,Calmann-Lévy, 2013) qui suggère qu’au

mépris de la loi, de nombreux abattoirsn’étourdissent pas les animaux. Pouraccroître leurs bénéfices en se dispensantde la contrainte de l’étourdissement légal,ces abattoirs peu scrupuleux écoulent sim-plement, sur le marché de la viande « ordi-naire » (supposée obtenue aprèsétourdissement préalable), des viandesproduites par abattage rituel, sans étourdis-sement. Cette source de douleur par non-respect de la loi, qui semble massive, si onen croit l’enquête ci-dessus, est encoura-gée par le refus des pouvoirs publics d’éti-queter clairement comme telles les viandes« ordinaires », obtenues, conformément àla loi, après étourdissement préalable, cequi fait que le consommateur qui ne le sou-haite pas est, de fait, contraint de consom-mer sans le savoir des viandes provenantde l’abattage rituel. Curieusement, ce scan-dale caché semble ignoré des auteurs durapport, même si, pour rassurer le lecteur,comme précédemment, le rapport minimiseégalement les douleurs potentiellementcausées par la saignée sans étourdisse-ment préalable : « aucune étude actuelle nepermet d’affirmer l’existence d’une douleurassociée à ces pratiques » (p 99). Si c’estvrai, le législateur a-t-il eu raison d’imposerl’étourdissement préalable ? Ce point cru-cial n’est pas discuté et le lecteur reste vrai-ment sur sa faim!

Après cette seconde partie, somme touteéthiquement assez « molle » et décevante,le rapport se rattrape dans la conclusion.Après avoir relativement minimisé la dou-leur dans les élevages, il propose en effetde nombreuses pistes pour la diminuer. Lesmoyens proposés sont l’amélioration géné-tique, l’aménagement des équipementsd’élevage, l’utilisation éventuelle d’anesthé-siques ou diverses autres méthodes. Il estproposé, par exemple, de remplacer la cas-tration chirurgicale des porcs par uneimmuno-castration « comme cela se faitdéjà dans certains pays » (p. 106). Pour lechaponnage et l’épointage des dents chezles porcelets, le rapport envisage mêmel’arrêt possible de ces pratiques. Il n’est paspossible de décrire ici toutes les solutionsenvisagées, dont beaucoup, si elles étaienteffectivement appliquées, constitueraientdes améliorations certaines dans la vie desanimaux d’élevage. En ce qui concernemaintenant les abattoirs, le rapport préco-nise diverses mesures pour améliorer lesconditions de la mise à mort, sans vraimententrer, comme on l’a vu plus haut, dans lefond de certaines questions. Il insiste aussisur la nécessité de mieux réglementer lesabattages fermiers, qui sont le lieu d’un cer-tain vide juridique. Le rapport rencontremême, au passage, certaines incohérences

de la législation. Ainsi l’amélioration desdouleurs liées à la castration par les analgé-siques est difficile, car « celle-ci est un acteque les éleveurs sont habilités à réaliseralors que l’accès et l’emploi des analgé-siques et de anesthésiques sont réservésaux vétérinaires » (p. 118).

Une très courte bibliographie « pour ensavoir plus » suit le rapport et, malheureu-sement, ignore les ouvrages que nousavons cités plus haut.

On l’aura compris à la lecture de cecompte-rendu : le propos de ce livre, résul-tat des positions d’auteurs différents, restetrès hétérogène, avec des passages trèsjustes et d’autres qui le semblent beaucoupmoins. Schématiquement l’ouvrage com-prend deux parties d’allures assez diffé-rentes. Dans une première partie,d’éminents spécialistes de la philosophie,du droit, de la biologie ou des problèmessociaux, donnent une vision assez juste duproblème de la douleur chez les animaux,même si l’on est en droit de ne pas êtred’accord, comme nous l’avons vu, avectoutes leurs affirmations. Dans uneseconde partie, le propos se veut souventrassurant, pour conforter l’idée que, finale-ment, dans l’état actuel des connaissances,le traitement des animaux d’élevage enFrance reste, malgré des réserves légitimeset d’améliorations possibles, globalementsatisfaisant. De là à dire que les éminentsspécialistes de la première partie ont servid’alibis à une approbation des méthodesd’élevage en cours, voire à une promotionde la production de foie gras, ce serait faireune extrapolation hardie et non légitime,que le caractère même d’hétérogénéité despositions de l’ouvrage ne justifierait sansdoute pas.

L’animal est-il un philosophe ? –Poussins kantiens et bonobos aristotéli-ciens

Yves Christen, éditions Odile Jacob, 2013

Ce livre superbe est un peu la suite et lecomplément de L’animal est-il une per-sonne ?, du même auteur, qui, on le sait, afait un best-seller. Le titre, d’apparence pro-vocatrice, est justifié par l’auteur : « Est-ceque tout philosophe appartient à l’espèceHomo sapiens ? (p. 7). « Parce que tous lesanimaux, humains ou non humains, ne sontpas des jouets passifs du monde qui lesentoure et qu’ils en sont, au contraire, lescréateurs actifs (…) je les considère commedes philosophes (…) capables d’élaborerune conception du monde » (p. 10). Tout lereste du livre est une démonstration, expé-riences nombreuses à l’appui, de « larichesse des mondes animaux » (p. 12), en

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DROIT ANIMAL, ÉTHIQUE & SCIENCES N° 77 - AVRIL 2013 - 39

deux parties successives intitulées, nonsans humour : « Les philosophes neseraient-ils que des animaux » et « Les ani-maux ne sont-ils finalement que des philo-sophes ? ».

Ainsi pour la morale. « Les exemples decomportement altruistes et moraux dans lemonde animal abondent » (p. 19) commeces singes (p. 20) « placés dans une situa-tion telle que leur prise d’aliment entraînaitl’administration d’un choc électrique à uncongénère (et qui) ont alors préféré s’abste-nir de manger. » Car « le processus de la

sélection naturelle n’élimine pas nécessai-rement toute forme de comportement moral(p. 22) et il existe une « naturalisation dusens moral » (p. 28). La morale inclut aussiun sens de la justice ; « Quand un capucinvoit un congénère inactif récompensé parl’expérimentateur, il rechigne à participer àla tâche » (p. 31). Sil reçoit une récompensenettement insuffisante par rapport à soncongénère, « il se met en grève » (p. 31).Lié à la morale existe, chez les animaux, ungrand sens de l’altérité, suite logique de laperception du « je » à la perception de soi-même comme une entité originale, dont lecélèbre « test du miroir », où un animal sereconnaît comme lui-même, et non commeun congénère, est un des arguments.« Mais, ajoute l’auteur, le mot je signe aussi,et sans doute s’agit-il de l’aspect le plusintéressant, la possibilité d’entrer dans unrapport d’altérité » (p. 48).

Ainsi pour la raison. Si Husserl qualifie laphilosophie d’« héroïsme de la raison »(p. 62), on rencontre de nombreux compor-tements logiques chez les animaux, contrai-rement à ce que veut l’aveuglement debeaucoup de spécialistes des scienceshumaines qui « sont comme immunisés à laconfrontation aux observations de lascience » (p. 69). L’animal questionne lemonde, car le cerveau « est un appareiltéléonomique branché sur la recherche desbuts et des causes » (p. 75). Les animauxpossèdent un incontestable sens du temps,même s’il n’est pas aussi développé que lesens humain de l’historicité. « Mais, s’inter-roge Christen, l’emphase mise sur l’histori-cité de l’homme a-t-elle valeur de coupureabsolue? » (p. 130). Rien n’est moins cer-tain, car « une fois encore, il faut savoirreconnaître notre incapacité à obtenir de

l’animal les réponses à toutes nos ques-tions » (p. 130). Les animaux pourraientaussi être « essentialistes », c’est-à-direvoir des modèles généraux sous leur appa-rence ou leur existence particulière, ce quiest probable chez ceux des animaux, etparticulièrement les mammifères et lesoiseaux, capables d’élaborer des règles. Lechapitre XII donne d’ailleurs de nombreuxexemples de normes culturelles utiliséespar des animaux. Ce qui est égalementproche des aptitudes à communiquer, trèsgrandes chez beaucoup d’espèces, mêmesi, en ce qui concerne, par exemple, lescompétences linguistiques des grandssinges, nos proches cousins, « il n’en restepas moins évident qu’elles se situent trèsen deçà de celles de l’espèce humaine »(p. 161). Finalement les animaux, toutcomme les humains, et avec la même ques-tion de fond concernant le déterminisme etle libre-arbitre, sont capables de choisir etde décider de leurs actions, d’être « agentsleur propre vie » (p. 182), aptes à prendredes décisions sans y être contraints « pardes forces extérieures » (p. 175). Si nouslâchons simultanément en l’air un oiseau etun caillou, « nous sommes en mesure deprédire précisément la trajectoire de celui-ci, mais pas celle de l’animal capable devoler » (p. 175).

Ainsi pour l’angoisse. « Si l’angoissen’existait pas, la philosophie occidentale neserait pas ce qu’elle est (p. 166). Or, si l’êtrehumain, du fait de son puissant cerveau,possède certains avantages dans le traite-ment de la cognition, rien ne distingue fon-damentalement les émotions humaines desémotions animales et « il n’y a guère dedoute (…) que les désordres anxieux puis-sent affecter les animaux » (p. 166). En

Comptes-rendus de lecture

La Fondation LFDA ne bénéficie ni de subvention publique ni de mécénat. Ce n’est que

grâce aux dons des personnes qui la soutiennent qu’elle peut publier sa revue Droit ani-

mal, éthique et sciences et la diffuser le plus largement possible, en l’envoyant gracieu-

sement aux donateurs de la Fondation LFDA, à de nombreuses ONG de défense et de

protection des animaux domestiques ou sauvages, à de nombreux organes de presse et

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et membres de l’administration.

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www.fondation-droit-animal.org

Comptes-rendus de lecture

témoignent de nombreuses expériences decomportement, y compris les dramatiquesprivations de mère naturelle effectuées parHarlow sur des bébés macaques, et ladémonstration anatomique de l’isomor-phisme des systèmes émotionnels danstoute la lignée des vertébrés (et peut-êtremême au-delà, chez les pieuvres).

Comme dans L’animal est-il une per-sonne ?, la majorité des exemples cités iciconcerne les vertébrés, et particulièrementles mammifères et les oiseaux, même si,pour certains points particuliers (p. 65),Christen n’oublie pas les performancesspectaculaires et l’intelligence despieuvres, voire des abeilles de Giurfa, capa-bles de « maîtriser simultanément deuxconcepts abstraits (tels identique/différentou au-dessus/au-dessous) » (p. 67).

L’ensemble du propos aboutit à découvrirle vouloir-vivre schopenhauerien ou encorel’appréhension du « ce en vue de soi » quesont les « êtres-là », le « télos » aristotéli-cien, chez de nombreux animaux. Les ani-maux sont bien des « Êtres-là »heideggériens en quête de sens et soumis

à des pathologies psychiatriques quand« un Être-là se trouve dans l’incapacitéd’habiter là où il devrait » (p. 103). Et,comme le rappelle le sous-titre, on trouve,chez les poussins, des aptitudes à compter« que l’on est en droit de considérer commeune prédisposition kantienne a priori »(p. 222). De la même manière d’ailleurs quele bébé humain a, « bien avant de pouvoir,par la parole, manipuler des concepts »(p. 220), la « capacité à effectuer des cal-culs et à saisir le sens de la numérosité »(p. 220), on peut concevoir qu’existe, endeçà du langage, une « métaphysique dessinges » (p. 219), qui se traduirait notam-ment par une préperception kantienne dumonde: animaux humains ou non humains,« le monde est dans notre tête » (p. 223).

Et les plus récentes données des neuros-ciences, en montrant comment le cerveausimule, voire sursimule, le monde, s’inscri-vent parfaitement dans cette conception.Notamment « le cerveau apparaît biencomme un organe apte à gérer le transcen-dant « (p. 238), et « rien, en théorie, n’auto-rise à penser que le transcendantalappartienne en propre à notre espèce »

(p. 238). Divers travaux expérimentaux,effectués sur des chimpanzés, montrentaussi que « la capacité à comprendre l’at-

tention d’autrui précède l’apparition du lan-

gage » (p. 241). Finalement, nous confiel’auteur, « porteur d’une conception du

monde, mais aussi apte au partage du

monde, l’animal me semble ainsi mériter le

titre de philosophe » (p. 241). « L’aptitude à

philosopher, à construire une vision du

monde dans l’acception que je propose ici

est bien pus générale que l’intelligence ou

la raison » (p. 248).

Alors, philosophes les animaux? Oui, etYves Christen a raison de le souligner, sil’on ne décrète pas d’office que la philoso-phie est une spécificité humaine, si l’onn’associe pas d’emblée la philosophie à unlangage complexe et doublement articulé !

GC

Nous informons nos lecteurs de la parution en mai prochain des actes du colloque internationalorganisé par la LFDA et le GRIDA en octobre 2012 :

LA sOuFFRANCe ANIMALe : De LA sCIeNCe Au DROITsous la direction de Thierry Auffret Van Der Kemp et Martine Lachance,

aux éditions Yvon Blais (180 Cowansville Québec J2K 3H6 Canada) ; www.yvonblais.com

Pour plus de précisions, consulter notre site www.fondation-droit-animal.org à partir de mai

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