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Dan Yack : Blaise Cendrars phonographe

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Page 1: Dan Yack : Blaise Cendrars phonographe
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Dan Yack

Blaise Cendrars phonographe

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LE TEXTE RÊVE

Collection dirigée par Jean Bellemin-Noël

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Dan Yack :

Blaise

Cendrars

phonographe

PHILIPPE BONNEFIS

Presses Universitaires de France

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DU MÊME AUTEUR

C o m m e M a u p a s s a n t , P r e s s e s U n i v e r s i t a i r e s d e L i l l e , c o l l . « O b j e t », 1981 (2e é d . 1 9 8 5 ) .

J u l e s Va l l è s . D u bon usage d e l a l a m e e t de l ' a igu i l l e , L ' A g e

d ' H o m m e , c o l l . « C i s t r e », 1 9 8 3 .

L ' I n n o m m a b l e . E s s a i s u r l ' œ u v r e d ' E m i l e Z o l a , SEDES, c o l l . « P r é -

s e n c e c r i t i q u e », 1 9 8 4 .

M e s u r e s de l ' o m b r e . B a u d e l a i r e , F l a u b e r t , L a f o r g u e , Verne , P r e s s e s

U n i v e r s i t a i r e s d e L i l l e , c o l l . « O b j e t », 1 9 8 7 .

A p a r a î t r e

D o u c e u r de Cé l ine , P r e s s e s U n i v e r s i t a i r e s d e L i l l e , c o l l . « O b j e t », 1 9 9 2 .

ISBN 2 13 044317 6

Dépôt légal — 1 édition : 1992, mars

© Presses Universitaires de France, 1992 108, boulevard Saint-Germain, 75006 Paris

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Dana Da arriva de nulle part, les mains vides, et il écrivit un chapitre de l'histoire naturelle de cette religion qui est demeuré inédit. Il affirma que son prénom était Dana, et que son nom de famille était Da. Or, mis à part Dana du New York Sun, Dana est un nom qu'on rencontre chez les Bhils et Da ne convient pas à un natif des Indes, à moins d'admettre que le Dé bengali représente l'orthographe originale. Da est lapon ou finnois. Et Dana Da n'était pas fin- landais, ni du reste chin, bhil, bengali, lapon, nayar, gond, bohémien, magh, boukhare, kurde, arménien, levantin, juif, persan, parsi, ni originaire du Pendjab ou de Madras ni quoi que ce soit d'autre connu des ethnologues. Il était simplement Dana Da, et se refusait à donner de plus amples renseignements.

RUDYARD KIPLING, Le Maléfice de Dana Da

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ÉDITIONS DE RÉFÉRENCE

[1]

Dan Yack. Le Plan de l'aiguille (ici Plan, par abréviation), Editions L'Age d'Homme, « Poche Suisse », 1987.

Les Confessions de Dan Yack (ici Confessions, par abréviation), Editions L'Age d'Homme, « Poche Suisse », 1987.

[2]

L'Homme foudroyé, La Main coupée, Bourlin- guer, Le Lotissement du ciel sont cités dans l'édition « Folio », à laquelle, après chaque citation, nous ren- voyons, entre parenthèses, en indiquant seulement le numéro de la page.

[3]

Pour les autres textes de Cendrars, en revanche, on s'est servi des Œuvres complètes, publiées en 15 tomes, plus un volume d'inédits, au Club français du Livre, en 1969. C'est l'édition à laquelle se font tous nos renvois, à chaque fois qu'entre parenthèses, après une citation, l'indication du numéro de la page est précédée de celui de la tomaison.

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Phonographe, comme est Ulysse gramophone. La référence au livre de Jacques Der r ida (Galilée, 1987) est immédiatement perceptible. Mais, à tout prendre , peu t -ê t re est-ce aussi cela « l 'effet de g r a m o p h o n e » : cette pulsion anamnésique, hypermnésique, à repro- duire la voix de son maître, la redonner à entendre.

Il n 'est pas question ici de fidélité. Ou alors dans un sens très élevé, et en la situant, pour tout dire, à des hauteurs inaccessibles. Fidélité non tant à la let-

tre qu 'à la voix ; laquelle, à la différence de la lettre, n ' e s t pas que lque chose : r ien, en tou t cas, q u ' o n puisse s 'approprier.

Déjà que de s 'écouter parler est un peu, pour cha- cun d 'entre nous, au-delà de nos forces, tant cette voix, et la nôtre pourtant , nous paraît étrangère. Malraux, en son temps, en a fait la remarque. E t Kafka, avant lui, qui aura assez fatigué Felice en l 'entretenant de son horreur des parlographes.

Une horreur à laquelle ne peut être opposée que la passion d 'un Blaise Cendrars , qui se rêve au contraire phonographe, selon le m o t créé par Char les N o d i e r en 1836, dans son Vocabulaire de la langue française, pour distinguer, d 'entre les grammairiens, ceux qui se

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préoccupaient de mettre d 'accord la lettre et le son...

En sorte qu 'on peut être en effet phonographe, et que c'est là un titre auquel il est permis désormais de pré- tendre. Blaise Cendrars phonographe, à l 'exemple de C laude C h a p p e qui signait « ingénieur té légraphe ».

Il est vrai qu 'on avait bien sténographe, tachy- g raphe , okygraphe : le néologisme de Charles N o d i e r est à l 'évidence formé sur le même modèle.

Mais à cette commune origine s 'arrête le rappro- chement. Les écritures serrées, les écritures réduites, les sténographies sacrifient tout à la vitesse, et la fo rme sensible des mots et leur m u s i q u e : écr i tures pour l'œil, écritures muettes. Au lieu que phonogra - phie, « L i t t r é le di t , qui ne se t r o m p e jamais » (Céline dans la préface au Voyage, le premier volume de son otobiographie) , en est vite venu à s 'employer comme synonyme de notation. Art de figurer les corps sonores, de les représenter dans le plein épanouisse- men t de leurs mouvements vibratoires, et art d 'en conserver la t race : d ' écr i re la voix, en que lque sorte.

Ecrire la voix, telle est, sur le mode du regret, l 'ambit ion qui s 'exprime dès la note liminaire des Confessions de Dan Yack. « Ce livre deuxième n 'a pas été écrit. Il a été entièrement dicté au DICTAPHONE. Quel dommage que l ' imprimerie ne puisse pas également enregistrer la voix de Dan Yack, et quel dommage que les pages d ' u n livre ne soient pas encore sonores. Mais cela v iendra . Pauvres poètes, travaillons. »

Pauvres poètes, en effet. C'est qu'ils ne sont pas au bout de leurs peines. Le livre qui parle ! Au tan t demander la lune... Livre de Cyrano, dans l comique des Etats et Empire de la Lune ; « un livre mira- culeux, qui n ' a ni feuillets ni caractères » et « où, p o u r

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apprendre , les yeux sont inutiles : on n ' a besoin que des aureilles. Quand quelqu 'un donc souhaite lire, il bande avec une grande quantité de toutes sortes de petits nerfs cette machine, puis il tourne l'éguille sur le chapitre qu'il désire écouter, et en même temps, il en sort comme de la bouche d 'un homme ou d 'un instru-

ment de musique, tous les sons distincts et différents, qui servent entre les Grands Lunaires à l 'expression du langage. »

Liseur impénitent, Blaise Cendrars a-t-il jamais croisé Cyrano ? Je l ' ignore. T o u t ce que je puis avancer avec certitude, c'est que la suite de son œuvre ne le verra à aucun moment se départir du comportement de Grand Lunaire, de ce rôle d'exilé, passant tombé de la Lune, que, pour des raisons qui restent encore à élucider, il aura adopté avec Dan Yack. « Hélas ! les livres ne sont pas encore sonores, il manque la voix, la voix du micro... Pauvres poètes, t ravail lons », l i t -on, en 1952, au te rme de la retranscription de ses entretiens radiophoniques avec Michel Manoll ( Cendrars vous parle..., X I I I , 191).

E t avec F e r n a n d Léger comme avec Miche l Mano l l : après un éloge du m a g n é t o p h o n e (« P o u r la première fois une machine rattrape les paroles de l ' homme, ce que Rabelais n o m m a i t les paroles "conge lées" »), le morceau obligé :

Hélas ! l'époque est encore héroïque et la transmission ty- pographique de l'entretien enregistré est muette et ne comporte ni la voix, ni l'accent du terroir, ni le chatoiement ému, ni le sourire ou le rire ou les balbutiements, ni la res- piration chaude, l'haleine de la personne prise au magnéto- phone. Déjà en 1929, à la parution de mon roman Dan Yack, le premier livre qui ne fut pas « écrit » mais « parlé » devant un instrument enregistreur, je m'écriais :

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«... Quel dommage que l'imprimerie ne puisse pas enre- gistrer la voix de Dan Yack et quel dommage que les pages d'un livre ne soient pas encore sonores. Mais cela viendra. Pauvres poètes, travaillons... »

( de Fernand Léger avec Blaise Cendrars et Louis Carré sur le paysage dans l'œuvre de Léger, XIV, 284-285)

D e 1929 à 1955, date de l' Entretien de Fernand Léger avec Blaise Cendrars, à peine s'il s 'en faut de quelques années que l 'anneau, que la boucle ne soit définitive- ment bouclée. Le nœud coulant de l 'œuvre...

Gorge nouée, toujours au bord de l 'étranglement, ainsi s 'acharne l 'écrivain phonographe. Le même qui confiera à Miche l Manol l , à la fin de sa vie, « jamais pe r sonne ne m ' a posé la voix sur les lèvres ».

C'est à l 'histoire de ce jamais -là que l 'on voudrait un peu rêver dans les pages qui suivent.

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« Ecoute s'il pleut ? »

Il vient ! C'est moi ! L'homme qui rit !

JAMES JOYCE, Ulysse

C'est Hadaly qui parle, l'admirable poupée-pho- nographe du sorcier de Menlo Park, dans L'Eve future de Villiers de l'Isle-Adam. C'est Hadaly qui parle, et vous allez l'entendre, elle parle d'or. La vé- rité sort de la bouche du phonographe. « Pourquoi mets-tu ce morceau de verre dans ton œil, en me regardant. Tu n'y vois donc pas bien, non plus ? »

Non, lui non plus. Et, il est à supposer, pour les mêmes raisons. C'est, du moins, ce que suggère le mot de Hadaly à Lord Ewald, le mot jailli des deux phonographes d'or qui sont « les deux poumons de Hadaly » et qui est l'un de ces mots-abyme dont Villiers a le génie, propre à obnubiler, à frapper le lecteur d'hébétude. A le mettre, en tout cas, dans un état proche de celui où m'a longtemps plongé l'obsti- nation de Cendrars à souligner le lien qui rattache, à l'intérêt que porte Dan Yack aux phonographes, la préoccupation qu'il a de son monocle. Et, préoccupé, c'est même peu de dire qu'il l'est : une véritable obsession. « Il n'y a que mon monocle qui m'in- quiète » ( 82).

Hormis cette inquiétude, en effet, le plus heureux

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Ouvrages collectifs Blaise Cendrars 20 ans après. Actes du Colloque de Nante r re (12 et

13 ju in 1981) recueil l is pa r Cl. L e r o y , Par is , Kl incks ieck , 1983. Blaise Cendrars. Actes du Colloque Modernités de Blaise Cendrars,

Cer i sy - l a -Sa l l e , 20-30 juil let 1987, recueil l is pa r F . - J . T e m p l e , Marsei l le , Sud , 1988.

Le texte cendrarsien. Actes d u C o l l o q u e de G r e n o b l e , 20 et 21 no - v e m b r e 1987, recueil l is pa r J acque l ine B e r n a r d , G r e n o b l e , CCL éditions, 1988.

L 'Encr ier de Cendrars. Actes du Colloque de Berne, Neuchâte l et L a C h a u x - d e - F o n d s (31 août , 1 et 2 s e p t e m b r e 1987), recuei l - lis pa r J. C. F lück ige r , Cahiers Blaise Cendrars , 1989.

Numéros spéciaux de revues

L e p r e m i e r siècle de C e n d r a r s 1887-1987, textes réunis par Cl . L e r o y , Cahiers de sémiotique textuelle, n° 11, 1987.

Blaise Cendrars et L 'Homme foudroyé, textes réun i s pa r Cl. L e r o y ,

Cahiers de sémiotique textuelle, n° 14, 1989. Blaise C e n d r a r s , tex tes réun i s pa r CI. L e r o y , Revue des Sciences

humaines, n° 216, 1989.

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Imprimé en France Imprimerie des Presses Universitaires de France

73, avenue Ronsard, 41100 Vendôme Mars 1992 — N° 37 754