28
LA GESTION DES CADRES DANS LES ENTREPRISES INTERNATIONALES Enquête auprès de directeurs de ressources humaines et de responsables de la gestion des cadres les études de l’emploi cadre - novembre 2006 COMPARAISON DES POLITIQUES ET DES MÉTHODES DE GESTION DE GRANDES ENTREPRISES ON N’A PAS TROUVÉ MIEUX POUR TROUVER MIEUX

DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

L A G E S T I O N D E S C A D R E SD A N S L E S E N T R E P R I S E SI N T E R N A T I O N A L E S

Enquête auprès de directeurs de ressources humaines et de responsables de la gestion des cadres

les

étud

es d

e l’e

mpl

oi c

adre

- n

ovem

bre

2006

ED

OB

SA

OO

48

1

2/

06

C O M PA R A I S O N D E S P O L I T I Q U E S E T D E S M É T H O D E S D E G E S T I O N D E G R A N D E S E N T R E P R I S E S

ON N’A PAS TROUVÉ MIEUX POUR TROUVER MIEUX

Page 2: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

Cet ouvrage est créé à l’initiative de l’Apec, Association pour l’emploi des cadres, régie par la loi du 1er juillet 1901 et publiésous sa direction et en son nom. Il s’agit d’une œuvre collective, l’Apec en a la qualité d’auteur.

L’Apec a été créée en 1966 et est administrée par les partenaires sociaux (Medef, CFE-CGC, CFDT Cadres, UGICA-CFTC, UCI-FO,UGICT-CGT).

Toute reproduction totale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, sans l’autorisation expresse et conjointe de l’Apec,est strictement interdite et constituerait une contrefaçon (article L122-4 et L335-2 du code de la propriété intellectuelle).

Ce document repose sur les résultats de l’enquête qualitative par entretiens en face à face réalisée par la société Eurogroupen collaboration avec le département Études et Recherche de l’Apec, entretiens menés fin 2005 et début 2006.

La conception et l’élaboration finale du document ont été réalisées par le pôle Recherche du département Études etRecherche de l’Apec :Arnaud Echelard, chargé d’étudesHélène Alexandre, responsable d’étudesRaymond Pronier, manager du pôle Recherche et Développement

Décembre 2006

Page 3: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

INTRODUCTION

Comment les entreprises mondialisées définissent-ellesleurs cadres ? p. 4Les cadres : une catégorie qui va de soi p. 4Des critères de définition relativement standards p. 4Le cadre dit « à la française » ne pose pas de problème particulier p. 5Les encadrants non cadres : une zone de flou plus ou moins reconnue p. 5Des cadres et non pas un cadre : une segmentation renforcée par les spécialisations en gestion des ressources humaines p. 6

Une gestion entre normalisation et adaptation permanente p. 7Des niveaux d’intervention segmentés et plus ou moins bien articulés p. 7Les «hauts potentiels» : un groupe privilégié… mais instable p. 7Les enjeux de la gestion des «potentiels» sont multiples p. 9Les autres cadres : une gestion localisée et peu innovante p. 10

La gestion des compétences : des discours aux réalités p. 12Des solutions et des limites p. 12La mobilité internationale : pratiques et évolutions p. 12La mobilité fonctionnelle, valorisée mais souvent freinée p. 13L’évaluation p. 14La formation p. 15

Recrutement : des politiques très différenciées p. 16Des entreprises donnent la priorité au recrutement de débutants bac+5 p. 16D’autres grandes entreprises internationales valorisent les promotions internes p. 17Les tendances actuelles p. 18

La mondialisation ne crée pas de modèle d’organisation p. 20Les entreprises rencontrées ont une approche « monde » et non pas européenne p. 20Leur gestion de l’encadrement répond à deux schémas de la mondialisation p. 20Logique organisationnelle et degré d’internationalisation ne sont pas liés p. 21Autant de situations que d’entreprises interrogées p. 22Le rôle des modèles de gestion en débat p. 22

CONCLUSION

SOMMAIRE

© Ap

ec -

Les

étu

des

de l

’em

ploi

cad

re

Page 4: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

INTRODUCTION

L’acte d’encadrer est partie prenante à toute activité économique ou sociale. Dans la sphèredu travail, il se retrouve généralement associé à la catégorie dite des «cadres», catégorieaux contours mouvants et qui n’est pas toujours explicitement désignée comme telle.

Au cœur de la vie des entreprises, les cadres sont en première ligne dès lors qu’il s’agit del’évolution des organisations, des stratégies et des métiers. En conséquence, si le cadre dit«à la française» possède bien quelques spécificités liées à l’histoire sociale et politique dupays, il trouve ses homologues «organiques» partout dans le monde.

La question qui s’est posée a été de savoir si les formes prises actuellement par la mon-dialisation, que nous entendons comme un phénomène déjà ancien mais aux manifesta-tions changeantes, ont des conséquences, d’une part, sur les contours et les prérogativesdu groupe des cadres et, d’autre part, sur sa gestion. L’objectif était moins de décrire l’ex-tension de l’internationalisation, au sens de l’augmentation du nombre d’entreprises ayantdes implantations internationales, que de chercher à savoir si cette extension a un pouvoirnormalisateur sur les modes et les pratiques de gestion des ressources humaines, mais aussisur les critères de définition des groupes professionnels, en l’occurrence celui des cadres.

Fin 2005-début 2006, 24 entretiens en face à face ont été réalisés dans des entreprises dedimension internationale. Les personnes interviewées étaient responsables de la gestion internationale des cadres, ausein des directions des Ressources humaines basées en France.Il s’est agi d’identifier et d’analyser les points communs ainsi que les spécificités de la ges-tion des cadres dans les grandes entreprises internationales.

Six thèmes ont structuré ces rencontres : – la caractérisation des organisations ;– la ou les définitions du concept de cadre dans les entreprises mondialisées ;– les types et les critères de segmentation : « cadres dirigeants», «hauts potentiels»,«autres cadres»… ;– les pratiques de gestion, notamment en termes de recrutement, de gestion des carrières,d’évaluation, de formation… ;– l’identification des impacts d’une organisation mondialisée sur le profil et le rôle descadres ;– la vision des enjeux de demain.

Parmi les 24 entreprises rencontrées :

– 5 d’entre elles étaient d’origine étrangère (eu égard à la maison mère) : Ernst & Young,Exxon Mobil, Xerox (ces trois entreprises étant de nationalité américaine), Nestlé France(suisse), Siemens (allemande) ;

– les 19 autres étant d’origine totalement ou partiellement française : Accor, Air France-Klm, Air Liquide, Alcatel, Axa, Bouygues immobilier, Bouygues construction, EDF, Faurecia,France Télécom, L’Oréal, PSA, Renault, Safran, Saint-Gobain, Sanofi Aventis, Société géné-rale, Thomson, Total SA.

© Apec - Les études de l’emploi cadre2

OBJECTIF ET MÉTHODOLOGIE

TERRAIN ET MODALITÉS DE RÉALISATION DE L’ÉTUDE

Page 5: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

3© Apec - Les études de l’emploi cadre

INTRODUCTION

À la suite des entretiens, une présentation des résultats suivie d’un débat a été organiséeen janvier 2006 avec les responsables des entreprises suivantes : Air France, EDF, FranceTélécom, HSBC, Sanofi Aventis, Siemens, Société générale, Thomson, Total.

Le profil des entreprises rencontrées appelle quelques commentaires.

Les entreprises rencontrées sont surtout d’origine française mais leur internationalisationest généralement ancienne.

Les interlocuteurs étaient eux-mêmes majoritairement de nationalité française et en charge,le plus souvent, de « la gestion des cadres».

Ces éléments de caractérisation sont susceptibles d’avoir influé sur les résultats obtenus,en particulier dans l’affirmation de spécificités associées à l’histoire de l’entreprise. En revanche, l’ancienneté du mouvement d’internationalisation de ces entreprises permetd’affirmer que ce ne sont pas des modèles « franco-français» qui ont été analysés, mais biendes exemples d’organisations mondialisées.

Enfin, les entretiens ont rendu compte de la diversité des propos tenus d’un responsable àl’autre sur la politique RH d’une même entreprise. Outre les contraintes liées aux procédures de la communication externe, qui peuvent briderla sincérité des propos, la position et le rôle de chacun des interlocuteurs ont logiquementfait varier les données et les informations mises en avant ainsi que leurs interprétations. Cette compréhension des ressorts individuels et organisationnels de l’action conduit à écar-ter l’idée que la vérité puisse appartenir à tel responsable interrogé plutôt qu’à tel autre.Comme tout groupe soumis à l’observation et à l’enquête, les responsables RH révèlent ainsileur diversité. Au demeurant, certains se sont révélés attachés aux particularismes (nationaux et/ou indi-viduels quant à leurs pratiques), alors que d’autres ont plutôt valorisé leur adhésion à desnormes et à des règles de référence collectives. Dans ce dernier cas, le constat de « singu-larités» était alors perçu comme symptomatique d’une «maladie de jeunesse» et noncomme le reflet des dynamiques et tensions qui recomposent en permanence la carte despositions individuelles et collectives en entreprise.

Page 6: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

© Apec - Les études de l’emploi cadre4

COMMENT LES ENTREPRISES MONDIALISÉES DÉFINISSENT-ELLES LEURS CADRES ?

Quel que soit le vocable utilisé, les emplois cadresexistent dans toutes les entreprises de tous les pays.Les personnes rencontrées ne sont entrées à aucunmoment dans le débat de la « spécificité» du cadre dit«à la française».

«Cadres dirigeants», «managers» ou «encadrants»,«experts», «professionals» ou «executives», «hautspotentiels»… les mêmes appellations se retrouventpartout, sans que l’une ne remette en cause les autres,y compris les cadres non encadrants dont la présenceest généralisée1.

LES CADRES : UNE CATÉGORIE QUI VA DE SOI

DES CRITÈRES DE DÉFINITION RELATIVEMENT STANDARDS

Les entreprises rencontrées définissent les cadresautour de critères et d’exigences identiques.A minima, les critères requis ont trait au niveau dediplôme, à l’expérience (antérieure à l’entrée dansl’entreprise ou acquise en son sein), à l’expertise tech-nique, au management d’hommes, de projets ou desystèmes et au «potentiel d’évolution».

Cela dit, malgré l’évidence des éléments de définitionqui fondent la «cadritude» dans tous les pays, l’hési-tation des interviewés est générale quant à la manièredont le cadre est défini dans l’entreprise concernée. Ce sont généralement les critères de performance indi-viduelle (autonomie, capacités à…), autrement dit descritères comportementaux supposés traduire la«valeur» de chaque individu, qui sont cités spontané-ment. Ce n’est souvent qu’après cette première approche quele niveau de diplôme est évoqué, cette fois commeune évidence : «bac + 5». Évidence dont on verraqu’elle fait l’objet d’aménagements partout.

L’équivoque reste manifeste sur l’origine de ces critères.En effet, il ressort au final qu’il ne s’agit pas d’élémentsde «pesée personnelle», mais bel et bien d’éléments de«pesée des postes».

En effet, le niveau de responsabilité et d’autonomiedes postes occupés est généralement mesuré par unsystème de cotation de poste, le plus fréquemment dutype Hay2. Ce dernier, d’origine américaine, repose surune méthodologie quantitative de mesure de l’impor-tance relative des facteurs d’évaluation de la compé-tence. Les critères constitutifs de cette compétencesont formalisés sous la forme de quatre grands fac-teurs supposés traduire le degré de compétence, d’ini-tiative créatrice, de finalité et de condition de travailexigé pour la tenue d’un poste.Cette méthode présente de nombreuses similitudesavec des systèmes de classifications présents dans lesconventions collectives françaises. Certaines entrepri-ses ont d’ailleurs appuyé leurs propres classificationsd’emploi sur cette méthode internationale, tout enrespectant le cadre de la convention de branche3.

On a là un bel exemple d’interaction et d’interpéné-tration des logiques de construction des organisa-tions nationales et internationales (« mondiali-sées »), à travers la généralisation des grilles d’ana-lyse et de structuration des emplois apparemmentcentrées sur « l’individu » et ses compétences et apti-tudes personnelles.

1. Le Panel Cadres Apec (2005) confirme le rôle accru des cadres «non encadrants», en même tant que l’augmentation du nombre de cadresdans les équipes encadrées, les deux phénomènes étant caractéristiques des grandes entreprises. 20 % des cadres n’encadrent personne (ils étaient 16% en 1999) : la proportion de cadres qui n’encadrent personne est plus élevée dans les très grandes entreprises que dans les pluspetites (respectivement 26% et 16%).Parmi les cadres qui encadrent au moins une personne, une proportion de plus en plus élevée encadre au moins un cadre : ils étaient 41 % dansce cas en 1999, ils sont désormais 51%. La proportion de cadres qui encadrent au moins un cadre est plus élevée dans les très grandes entrepri-ses que dans les plus petites (respectivement 59% et 42%).2. C’est le cas pour Accor, Saint-Gobain, Alcatel, Axa (pour la seule France), Nestlé (par pays), L’Oréal, PSA, Air France, Total.3. La distinction entre MPT (Managers, Professionals and Technicians) et non MPT chez Exxon Mobil (nomenclature du Bureau international du travail) ou encore le clivage entre «exempts» et «non-exempts» chez Thomson en sont des illustrations : cette classification d’origine américaine distingue les non-exempts, salariés bénéficiant d’un salaire minimal garanti et du paiement des heures de travail au-delà des 40 heures/semaine en heures supplémentaires et les exempts, qui n’ont pas d’heures supplémentaires, ni de minimum garanti.Chaque entreprise a sa grille d’exempts et non-exempts.

Page 7: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

5© Apec - Les études de l’emploi cadre

Les spécificités réglementaires et juridiques liées audroit du travail français ont peu ou pas d’équivalent àl’étranger. Les différences nationales entre les législations du tra-vail, quelles qu’elles soient, n’apparaissent pas commedes sources de blocage, à l’exception – quantitative-

ment marginale et tout à fait négociable –, des cas demobilité à l’international.Aucune des personnes rencontrées n’a fait part d’uneproblématique réelle à cet égard, dans la mesure où iln’y a pas de volonté affirmée de politiques de normali-sation des pratiques de gestion à l’international.

COMMENT LES ENTREPRISES MONDIALISÉES DÉFINISSENT-ELLESLEURS CADRES ?

LE CADRE DIT «À LA FRANÇAISE» NE POSE PAS DE PROBLÈMEPARTICULIER

Pour clore ce thème du périmètre de l’encadrement, onidentifie une zone de flou manifeste autour des salariésnon cadres et néanmoins encadrants. Les entreprises reconnaissent l’existence d’emplois quiparaissent pouvoir être tenus indifféremment par descadres ou des agents de maîtrise/techniciens.

Au moins une entreprise a pris le parti de créer unecatégorie «d’encadrants», regroupant à la fois descadres et des non-cadres.Mais, loin de conclure de ce constat qu’il se maintien-drait une frontière «dépassée» entre cadres et non-cadres dont il faudrait organiser la disparition, la plu-part des interlocuteurs évoquent ce flou comme le pointd’appui d’une dynamique de mobilité interne, alliantpromotion interne et motivation.

LES ENCADRANTS NON CADRES : UNE ZONE DE FLOU PLUS OU MOINS RECONNUE

«Encadrants» et « cadres»

Parmi les entreprises rencontrées, seule Accor fait abstraction de la notion de cadre et a créé la notion d’enca-drants basée sur leur capacité managériale. Cette notion peut recouvrir aussi bien des cadres que des non-cadres.

Hervé Bertrand, directeur compétences et carrières chez Accor :«Accor a adopté une classification mondiale en partant de la notion d’encadrant. Accor a également coté ses postespartout dans le monde grâce à la méthode Hay. Notre classification «maison» est très générique et n’a de lien niavec la convention collective, ni avec la notion de cadre : le staff, les superviseurs, les managers, les exécutifs.»

Page 8: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

© Apec - Les études de l’emploi cadre

En France, la population cadre n’existe que sous laforme d’un agrégat de groupes segmentés : « ingénieurset cadres », « cadres supérieurs, cadres moyens »,«managers, experts »… Même au sein du pays dont ona tendance à dire qu’il a « créé» le cadre, ce derniern’existe finalement que dans la pluralité de ses mani-festations.

Les grandes entreprises internationales confirmentcette approche visant à la segmentation de la popula-tion encadrante et ce, en s’arrimant à des prérogativessimilaires à celles portées par la « tradition» française.L’emploi d’une forme de mixage des terminologies fran-çaise et anglo-saxonne pour la désignation des posteset des dispositifs confirme cette compatibilité entresystèmes français et « étranger », d’une part, mais aussila «banalité » des logiques d’organisation, d’autre part.La population des cadres est donc partout composéedes cadres dirigeants, managers, experts et cadresinternationaux, auxquels il faut ajouter une catégorietransverse et omniprésente dans les propos, celle ditedes « (hauts) potentiels ».

Toutes les entreprises interrogées ont développé desgestions RH qui suivent les contours de cette segmen-tation. Les services ou postes RH sont organisés en uni-tés spécialisées ou selon des missions précises qui fontécho à cette segmentation. En effet, l’effet de masse semble être un obstacle à lagestion systématiquement centralisée et uniforme del’ensemble des cadres et des salariés et impose des ges-tions spécialisées.

La segmentation traduit une volonté de «cibler» lesgroupes auxquels on destine telle ou telle méthode degestion et d’évaluation. Ce ciblage n’est cependant passans limite quand il s’agit d’organiser le changement etles mouvements qui lui sont associés.Il crée notamment un fort découplage entre unepetite minorité, les dirigeants et les « potentiels », quibénéficie d’une gestion de carrière active et visible etles « autres cadres », largement majoritaires mais« anonymes ». Cette scission tend à diminuer lesopportunités de mobilité interne et à réduire la capa-cité des entreprises à identifier l’ensemble de leursmeilleurs collaborateurs.

COMMENT LES ENTREPRISES MONDIALISÉES DÉFINISSENT-ELLESLEURS CADRES ?

6

DES CADRES ET NON PAS UN CADRE : UNE SEGMENTATION RENFORCÉE PAR LES SPÉCIALISATIONS EN GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

Page 9: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

7© Apec - Les études de l’emploi cadre

La répartition des rôles et des prérogatives entre lesgestions internationale et locale des ressourceshumaines est un enjeu aussi crucial que délicat. Danscertaines entreprises, ce schéma d’organisation sembleavoir perdu au moins en partie sa rationalité appa-rente et est même devenu un véritable chantier deremise en question.

De manière générale, les missions des strates interna-tionales de la gestion des ressources humaines se can-tonnent finalement à la gestion des dirigeants en posteet «potentiels», ainsi qu’à la supervision de la mobilitédes cadres à l’international. D’où les risques de coupureet de perte de visibilité par rapport aux composantesréelles de l’entreprise et à leurs potentialités.

Une partie seulement des cadres fait l’objet d’une ges-tion de carrière spécifique et globalisée. Il s’agit descadres dirigeants, des hauts potentiels et des cadresoccupant des postes considérés comme stratégiquespour le bon fonctionnement de l’entreprise : «hommesclés» chez Bouygues immobilier, «entrepreneurs» chezFrance Télécom, «grands professionnels» chez Saint-Gobain…Tous les autres cadres, c’est-à-dire la très grande majo-rité, sont suivis au travers d’une gestion de carrièrelocalisée et/ou par métier, qu’ils soient managers ouexperts.

Certains processus veulent s’appuyer sur l’interactionentre les deux niveaux de gestion.

Ainsi, les recrutements sont toujours réalisés locale-ment, même si les embauches pour des postes de haut

niveau sont soumises à l’approbation de la DRH dugroupe.De même, si cette DRH Groupe fixe les orientations desprocess d’évaluation, ceux-ci sont toujours mis enœuvre au seul niveau local et tiennent compte des par-ticularités culturelles. Ou encore, si c’est la DRH Groupe qui gère la carrièredes «hauts potentiels», ces derniers font d’abordl’objet d’un repérage au niveau local.

L’efficacité de ce schéma n’est cependant pas garantie.Certaines entreprises reconnaissent ainsi avoir du malà repérer leurs meilleurs collaborateurs malgré les sys-tèmes de gestion mis en place, car les managers locauxne sont pas forcément prêts à jouer le jeu : laisser par-tir les meilleurs éléments fait prendre le risque de nepas atteindre ses objectifs.

Les témoignages recueillis montrent en réalité un cloi-sonnement très marqué entre la gestion des dirigeantset «potentiels» et celle des autres cadres. Cette approche scindée entre ceux qui bénéficientd’une gestion de carrière visible, active et « les autres»peut se révéler préjudiciable. Si elle favorise une certaine émulation, elle crée aussides tensions et tend à cantonner la majorité commeune population secondaire (certains responsables ren-contrés parlent de «ventre mou», de « laissés pourcompte»).

Trop verrouillée, cette politique peut être source defrustrations dans la mesure où elle freine de facto lesambitions et les mobilités internes qu’elle prétend pro-mouvoir.

L’intérêt manifesté par les interviewés envers les hautspotentiels (ou HP, ou High Pot…) apparaît inverse-ment proportionnel à leur importance numérique, très

faible. Objet de toutes les attentions, cette catégoriede salariés ne représente au maximum que 10 % deseffectifs cadres, le plus souvent 5 %.

UNE GESTION ENTRE NORMALISATION ET ADAPTATION PERMANENTE

DES NIVEAUX D’INTERVENTION SEGMENTÉS ET PLUS OU MOINS BIEN ARTICULÉS

LES «HAUTS POTENTIELS» : UN GROUPE PRIVILÉGIÉ… MAIS INSTABLE

Page 10: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

© Apec - Les études de l’emploi cadre

La recherche du cadre idéal à «haut potentiel» est cen-sée mobiliser l’ensemble des organisations, même si sagestion est centralisée au plus haut niveau. L’existence de ce groupe répond à plusieurs nécessitéspour l’entreprise. Elle traduit, en premier lieu, le souci pour une organisa-tion d’identifier et de fidéliser les meilleurs profils, oùqu’ils se trouvent dans le monde. Elle répond aussi à un besoin de développer des profilsinternationaux capables d’appréhender des situationsconcrètes, quelle que soit la région. Enfin, il s’agit de préparer la succession des futurs diri-geants.Les personnes repérées se voient proposer des postesplus fréquemment que leurs collègues, ce qui doit leurpermettre d’exercer rapidement des responsabilités, de

s’immerger dans les différentes filières métiers dugroupe, de travailler dans un milieu international. Expatriation, passage par des postes à forte mobilitéinternationale, participation à des projets internatio-naux… sont généralement le lot des «potentiels». Ils bénéficient également de formations spécifiques,pilotées par la DRH Groupe, au sein d’instituts internesou externes. La délivrance de ces formations vise géné-ralement à une meilleure compréhension de l’entrepriseet de sa stratégie (visite de sites, voyages d’études,séminaires avec des dirigeants…) et au développementmanagérial (gestion de projets transverses en environne-ment international et/ou d’équipes, évaluation 360°,coaching, études de cas…). Le suivi de ces actionsrépond par ailleurs à un enjeu de constitution ou dedéveloppement de son réseau par le dirigeant potentiel.

UNE GESTION ENTRE NORMALISATION ET ADAPTATION PERMANENTE

La proportion de hauts potentiels varie selon les entreprises :– pas de hauts potentiels ou en cours de réflexion : Air France, Accor– moins de 2 % des effectifs cadres : Bouygues construction, PSA, Safran, Thomson– moins de 5 % : Air Liquide, France-Télécom, Saint-Gobain, Société générale– plus de 10 % : Alcatel, Nestlé

Illustration des pratiques de gestion des hauts potentiels

Air Liquide : formations dispensées par l’INSEAD pour 30 profils HP de toute origine.Saint-Gobain : organisation de séminaires interrégionaux de management pour les «dirigeants de demain».Alcatel : un projet virtuel est confié à 4 ou 5 jeunes hauts potentiels issus de différents pays qui doivent travail-ler ensemble à sa réalisation.Axa : d’ici à trois ans, 60 % des « top executives» devront avoir eu une expérience à l’étranger.Exxon Mobil : expatriation au bout de trois ans pour les jeunes recrues, notamment à travers un système d’échangede collaborateurs sur une période de 18 mois à 2 ans.France-Télécom : mise en place d’actions de développement pour les « cadres à potentiel » qui ne sont pas encore«entrepreneurs» ou «HP» : par exemple, organisation de sessions de formation réunissant des cadres de tous lespays (sept jours de développement multiculturel, un mini BVA d’une durée de trois mois, une formation auleadership.Nestlé : les center based sont des profils spécifiques parmi les hauts potentiels dont la carrière est uniquementinternationale.L’Oréal : les cadres à potentiels se voient proposer une expérience internationale soit en étant délocalisés soit enéquipe multiculturelle avec un rayonnement sur une zone internationale.Siemens : les HP bénéficient d’un parcours de formation au management spécifique.dont trois étapes sur cinq sont réalisées à l’international.

8

Page 11: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

9© Apec - Les études de l’emploi cadre

UNE GESTION ENTRE NORMALISATION ET ADAPTATION PERMANENTE

S’il s’agit avant tout de repérer des individualités dansle but de les propulser rapidement dans des sphères àhautes responsabilités, la démarche doit permettre aussid’établir concrètement un lien entre la gestion desintérêts locaux, voire strictement limités à un service,et les besoins liés au développement stratégique del’entreprise. Enfin, même si cela n’a pas été exprimé clairement, lemodèle de carrière accélérée qui sous-tend la politiquedes potentiels vient progressivement supplanter lemodèle de l’évolution à l’ancienneté, encore prédomi-nant dans l’ensemble des entreprises rencontrées.

La phase d’identification des «potentiels» est essen-tielle. La constitution et le renouvellement de ce groupereposent sur l’application d’une démarche de veille RHpermanente, à l’affût des «meilleurs éléments».Concrètement, le repérage s’opère localement, mais lavalidation des nominations est assurée par la DRHGroupe. Quoi qu’il en soit, dans beaucoup d’entreprises, cettesélection se fonde d’abord sur le diplôme : les sortantsdes écoles ou universités les plus cotées, qu’elles soientfrançaises ou étrangères, sont les «prédestinés» de ceslistes.

LES ENJEUX DE LA GESTION DES «POTENTIELS» SONT MULTIPLES

L’âge et l’expérience des «potentiels» ne sont pashomogènes d’une entreprise à l’autre : un salarié peutêtre identifié comme tel dès son recrutement ou jusqu’àplus de 40 ans.Certaines entreprises n’ont pas formalisé de critèresd’identification. Elles repèrent alors leurs potentiels demanière empirique, en privilégiant la performance, sanscritères d’âge ni référentiel préconstruit.D’autres appliquent cette démarche à certains groupes

de non-cadres, souvent des techniciens experts mon-trant une forte capacité d’évolution.Dans tous les cas, la capacité à s’approprier rapidementles données d’environnements complexes et à s’y mou-voir avec aisance constitue une base incontournable. Ils’agit d’être prêt à prendre en charge des postes à forteresponsabilité dans un délai déterminé. L’aptitude auleadership et une complète mobilité sont des critèresd’élection également importants.

LES CRITÈRES DE CIBLAGE SONT TRÈS VARIABLES

Exemples de critères de ciblage des hauts potentiels

L’Oréal identifie ses potentiels de manière empirique, en valorisant d’abord la performance, sans critères d’âge niréférentiel.D’autres entreprises différencient leurs HP selon leur âge, afin d’optimiser le processus de planification avec les« jeunes» hauts potentiels et les seniors : Xerox, Safran, Saint-Gobain, Sanofi Aventis, Bouygues construction, Axa,Alcatel.D’autres encore selon leur degré d’internationalisation :Par exemple, chez Air Liquide : postes de management pays, postes de management zone, postes de comité exé-cutif groupe et chez Sanofi-Aventis : hauts potentiels par niveau local, régional et international avec pour chacundes parcours par niveau.

Page 12: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

10 © Apec - Les études de l’emploi cadre

Cette sélection n’est jamais acquise définitivement. Le«statut» de potentiel n’est en aucun cas garanti, lacatégorie ne peut être pérenne. La liste des cadresconcernés est donc évolutive, revue généralement tousles ans par des comités de carrière.

Ce processus est en principe tenu secret dans la majoritédes entreprises, néanmoins certaines sociétés choisis-sent d’être transparentes avec les personnes concernées.

Les autres responsables se montrent plus prudents. Ils’agit en effet de gérer les conséquences des éventuelles«sorties» de liste, ainsi que les réactions individuellesliées à la «conviction» de faire partie des élus. Sur ladurée, il faut également anticiper les effets de ces car-rières accélérées.

Début 2006, il était en tout cas perceptible que la foca-lisation sur ces «potentiels» présentait de fortes limiteset que ses effets pervers n’échappaient plus aux DRH.

UNE GESTION ENTRE NORMALISATION ET ADAPTATION PERMANENTE

LES AUTRES CADRES : UNE GESTION LOCALISÉE ET PEU INNOVANTE

Concernant les «autres cadres» autrement dit l’écra-sante majorité, le rôle de la direction des RH Grouperéside dans l’établissement des principes de la gestionde carrière et dans leur diffusion au sein des organisa-tions. Ces missions couvrent principalement les proces-sus d’évaluation et de revue des carrières, ainsi que ladéfinition et la gestion du tronc commun aux différentspays ou métiers, des formations.

Le responsable local des RH joue ici un rôle essentieldans la mesure où il a pour mission de mettre en cohé-rence les besoins de l’entreprise et les souhaits des col-laborateurs.

L’internationalisation des entreprises ne semble doncpas avoir d’impact majeur sur la gestion des autrescadres. Aucune réelle innovation ayant trait à leur ges-tion n’apparaît émerger.

La gestion de carrière de ces cadres est à la croisée deschemins entre anticipation, planification et logique demarché, d’où la quasi-impossibilité d’anticiper réelle-ment leurs évolutions.

Hervé Scemana, directeur développement RH Groupe chez Thomson : « Il faut communiquer le processus haut potentiel avec les personnes concernées. En effet, il s’agit d’unengagement mutuel où l’entreprise et le haut potentiel investissent plus afin d’avoir un très fort retour surinvestissement. »

Charles Allen, directeur recrutement et développement des carrières DRH Groupe chez Sanofi-Aventis : «Souvent dans une démarche classique (hiérarchique) de revue des « talents», les discussions se focalisent surune population restreinte et déjà connue des cadres dirigeants. Notre challenge en tant que DRH est d’impulser etd’entretenir ce processus, en rendant plus visibles les potentiels de tous les niveaux de l’entreprise, de les faireidentifier et mieux connaître par les dirigeants, de créer le consensus sur leurs potentiels et de se mettre d’accordsur les axes de développement.»

Page 13: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

11© Apec - Les études de l’emploi cadre

UNE GESTION ENTRE NORMALISATION ET ADAPTATION PERMANENTE

Jean Pautrot, directeur mobilité Groupe service à EDF : «Il existe deux logiques complémentaires. Une logique de planification du type gestion de carrière et une logiquede marché à travers les bourses de l’emploi interne.»

Hervé Scemana, directeur développement RH Groupe chez Thomson : «Je crois que la dimension “opportuniste” a une place dans la gestion de carrière. Il est dans la plupart des casassez difficile d’avoir une vision précise des besoins des organisations à 24 ou 36 mois, il faut donc être pragma-tique et savoir rebondir sur des opportunités.»

Théo Laï, directeur des cadres à Air France : «Il existe une bourse de l’emploi qui fonctionne dans les faits, il faut bien le dire, plus pour l’encadrement inter-médiaire que pour les cadres supérieurs.»

Jean-Rémy Touze, DRH France chez Siemens : «L’internationalisation n’est pas une fin en soi, les besoins de l’activité définissent le niveau d’internationalisa-tion. Les personnes du siège par nature ont besoin d’être internationales, en revanche, les autres personnes ne lesont pas nécessairement. Un expert qui se déplacerait d’une entreprise à une autre aura, par principe, besoin d’êtreinternational.»

Charles Allen, directeur recrutement et développement des carrières DRH Groupe chez Sanofi-Aventis : «Dans plusieurs domaines nous avons des experts, scientifiques ou fonctionnels, qui demandent une attention par-ticulière en ce qui concerne la mobilité. La mobilité interne existe d’abord pour répondre aux besoins de l’entre-prise en termes d’emploi, et nos experts sont mobilisés si nécessaires et positionnés là où ils contribuent au mieuxde notre performance. En termes de gestion des carrières, nous sommes vigilants aux attentes des experts : si cer-tains restent plus motivés à continuer de développer leurs expertises, sans vouloir avoir des responsabilités mana-gériales, d’autres souhaitent développer leurs compétences managériales et nous devons les accompagner.»

Même si les entreprises interrogées n’identifient pas deparcours ou de passage obligé idéal qui soit garant del’évolution optimale de leurs cadres, trois élémentsapparaissent comme autant d’accélérateurs de carrière,sans en être toutefois la garantie. Il s’agit de l’encadre-ment d’équipes, du management de projets complexes etde la mobilité géographique. Au-delà de l’appropriationdes outils et dispositifs mis à la disposition des cadres,

il faut souligner l’importance des réseaux informels etpersonnels pour réussir sa mobilité interne. Avoir le pro-fil adéquat n’est manifestement pas suffisant, il fautaussi connaître les bonnes personnes pour obtenir laposition visée ou tout au moins en favoriser l’accès.Cette remarque vaut d’autant plus que le poste recher-ché est important.

Le problème de l’évolution professionnelle des cadresexperts reste quant à lui entier. Posé depuis déjà uncertain nombre d’années dans les entreprises où leurseffectifs sont nombreux, il n’a, semble-t-il, pas encoretrouvé de solution durable satisfaisante, puisquedeux des précédents critères pour évoluer favorable-ment ne leur sont pas applicables : le management etla mobilité.

Des segmentations fonctionnelles on passe ainsi insen-siblement aux impasses de la gestion RH. Dans bien descas, l’expert est défini par défaut, il est le «non-mana-ger», celui pour lequel aucune évolution n’est possible.Symboliquement, il fait figure de perdant des prioritésRH, alors même qu’il est souvent plus difficile à rempla-cer qu’un manager.

Page 14: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

LA GESTION DES COMPÉTENCES : DES DISCOURS AUX RÉALITÉS

Dans les entreprises, la logique de gestion des évolu-tions professionnelles, qui repose sur l’anticipation pla-nifiée des besoins conjoints des organisations et desacteurs, s’oppose souvent à la seule logique de marché,

qui implique d’adopter un comportement opportuniste,une capacité à saisir les occasions, sans viser le longterme.

Les entreprises reconnaissent leurs propres difficultésà anticiper au-delà de deux ans, limitation qui nemanque pas de se répercuter sur les stratégies indivi-duelles des cadres. Le rôle du DRH local est donc théoriquement décisif,puisqu’il a pour mission de mettre en cohérence lesbesoins de l’entreprise aux niveaux global et local, d’unepart, et les souhaits des collaborateurs, par ailleurs.

La mise en place d’outils, la transparence affichéedes « bourses d’emploi » ne garantissent pourtant pasune fluidité optimale. Les relations interindividuellesjouent un rôle essentiel alors même que les responsa-bles hiérarchiques ne voient pas forcément d’un bonœil les aspirations à la mobilité de leurs équipes.

La mobilité internationale est formellement encoura-gée, elle est affichée généralement comme preuve etcondition d’une carrière réussie sur le plan individuel. Pour autant, les entreprises ne semblent pas avoir depolitique globale, a fortiori planifiée. Certes, les cadresexpatriés sont suivis par la direction RH Groupe maisrares sont les entreprises qui ont une gestion active etincitative des mobilités transnationales.

Les entreprises admettent que les démarches de mobi-lité à l’international posent davantage de difficultéspour des cadres expérimentés – les postes concernésétant de toute manière rares à ce niveau –, que pour lesjeunes cadres1.

Du reste, la mobilité internationale n’est pas toujourssouhaitée par l’entreprise elle-même. À ses yeux, lanécessité de mobilité des cadres est variable selon lescas, et certains collaborateurs servent davantage l’inté-rêt de l’entreprise en restant à leur place.

Les freins à la mobilité internationale ou géographiquesont globalement les mêmes quelles que soient lesorganisations. D’un côté, les responsables hiérarchiquesont tendance à retenir leurs meilleurs éléments et doncà restreindre leurs souhaits de mobilité ; de l’autre, lescadres eux-mêmes sont attachés à préserver les équili-bres construits dans leur sphère privée.

Les entreprises manifestent aujourd’hui clairement leurvolonté d’internationaliser leurs équipes dirigeantes,c’est-à-dire de les voir composées de cadres de nationa-lités différentes. Cette aspiration est facilitée par l’existence de compé-tences nécessaires au niveau local. Elle rejoint par ail-leurs les exigences exprimées par de nombreux étatsportant sur la primauté du recrutement de personnelslocaux pour satisfaire les besoins des multinationales.En outre, les entreprises n’hésitent plus à favoriser et àorganiser la mobilité internationale des jeunes, aprèsavoir longtemps préféré expatrier les salariés plus expé-rimentés. Envoyer à l’étranger les salariés plus jeunesprésente de nombreux avantages. Les contraintes per-sonnelles sont moins fortes, la motivation pour lamobilité est corrélativement plus forte et les coûts d’ex-patriation moins onéreux.

Les entreprises rencontrées sont en train de passerd’une logique d’exportation des savoirs et du comman-dement à une autre, construite sur une stratégie de par-tenariat et d’alliance. S’il reste nécessaire de pratiquerl’expatriation pour certains postes de dirigeants, denombreux expatriés ont désormais moins une missionde direction et de contrôle qu’un rôle ponctuel de péda-gogie et de transmission des normes de gestion et depratiques, d’une part, et d’apprentissage pour les jeunesexpatriés, d’autre part.

1. Si l’on en juge les résultats du Panel Cadres de l’Apec en 2005, la mobilité à l’international a beau être promue au rang des conditions sinequa non pour « faire carrière», seule une petite minorité de cadres exprime le souhait de partir : 13 %.Les plus jeunes sont les plus attirés, puisque 20 % des moins de 35 ans souhaiteraient partir ; de même, les diplômés des grandes écoles (gestion ou ingénieur) semblent plus fréquemment «partants». Par contre, le facteur « taille d’entreprise» n’intervient que marginalement : 16 % des cadres travaillant dans les très grandes entreprises seraient prêts à partir. En réalité, il semble que ce soient les cadres déjà les plusmobiles qui persistent à l’être, puisque 20 % des cadres qui ont changé au moins quatre fois d’entreprise souhaitent partir à l’étranger.

© Apec - Les études de l’emploi cadre12

DES SOLUTIONS ET DES LIMITES

LA MOBILITÉ INTERNATIONALE : PRATIQUES ET ÉVOLUTIONS

Page 15: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

13© Apec - Les études de l’emploi cadre

Pratiques favorisant la mobilité et l’internationalisation des collaborateurs

• Saint-Gobain : pratique du double recrutement au même moment sur deux postes identiques dans deux pays dif-férents. Ce type de recrutement permet de switcher ensuite les personnes pendant une période déterminée pour lesrenvoyer après dans leurs pays respectifs. «Formation pour jeunes managers» qui se passe dans un pays différentchaque année.• Air Liquide : une «charte de mutation» prévoit un paiement du logement dégressif qui tient compte du coeffi-cient familial, le paiement d’un outplacement pour le conjoint (avec éventuellement le financement d’un MBA prisen charge en lieu et place de l’outplacement sur une mutation internationale vers un pays où ce type de prestationn’existait pas). La mesure illustre la forte motivation du groupe à encourager la mobilité.• Société générale : Le directeur de région a comme objectif de fournir annuellement un certain quota de cadres enmobilité pour d’autres régions. Cet objectif devient un des critères d’attribution de la rémunération variable.• L’Oréal : mise en place d’actions pour accompagner le conjoint dans la construction d’un projet personnel, par exem-ple : livret d’accompagnement, attribution d’un budget, cours de langues, séminaires en France de formation inter-culturelle, journées de séminaire entre conjoints d’expatriés…

LA GESTION DES COMPÉTENCES : DES DISCOURS AUX RÉALITÉS

LA MOBILITÉ FONCTIONNELLE, VALORISÉE MAIS SOUVENT FREINÉELa mobilité fonctionnelle constitue la pratique la pluscourante pour l’évolution professionnelle des cadres etdes salariés en général.

Elle permet théoriquement d’accompagner les change-ments et les évolutions de l’entreprise, de développerl’expérience et la compétence des collaborateurs et depallier un éventuel déficit de mobilité géographique1.

Les freins à la mobilité fonctionnelle sont clairementidentifiés. L’organisation par métiers est un des obstacles auxquelscertains responsables RH se heurtent dans la définitiondes parcours de mobilité, en particulier dans les phasesde changement important pour l’entreprise. La réussitedu changement impose en effet de «dépasser» l’appro-che par filières de métiers.

Plus généralement, les responsables hiérarchiques ten-dent à retenir leurs meilleurs éléments et ne jouent pastoujours le jeu de l’organisation de la mobilité.

La mobilité fonctionnelle n’est, d’autre part, pas tou-jours possible, ni souhaitable si l’on se place du pointde vue de l’entreprise. Le schéma classique est en effetle passage vers le management, qui logiquement nepeut être proposé à tout le monde.Nous l’avons déjà évoqué, beaucoup d’entreprises évo-quent le problème de l’évolution professionnelle desexperts. La mobilité fonctionnelle ne semble pas êtreune réponse adaptée à ces profils, dont la valorisationreste problématique.Du côté des cadres, il apparaît clairement que la trans-parence affichée des postes disponibles ne suffit pas àassurer leur mobilité. La notion de réseau joue pleine-

Charles Allen, directeur recrutement et développement des carrières DRH Groupe chez Sanofi-Aventis : «Auparavant, certains postes (ex. : DG filiale) étaient souvent tenus par des expatriés, ce qui n’est plus forcémentle cas aujourd’hui. Un juste équilibre expatriés/locaux est nécessaire : d’une part, au niveau opérationnel il estimportant pour notre activité de développer des relations durables avec les autorités externes et nos partenaireslocaux et, d’autre part, le changement d’un patron (expatrié) tous les trois ans peut créer une certaine rupturedans les organisations locales, sur laquelle on doit rester vigilant.La population d’expatriés change ; bien que la jeunesse et la mobilité des expatriés nous présentent un nouveauchallenge en termes de gestion des carrières des internationaux, les entreprises doivent également prendre encompte les problématiques de plus en plus actuelles d’équilibre entre vie professionnelle et familiale.»

1. Voir son salaire augmenté est l’objectif prioritaire des cadres français, quel que soit leur environnement. Par contre, changer de fonction ou de ser-vice apparaît comme un souhait chez ceux pour lesquels il est le plus facilement réalisable, du moins potentiellement : c’est-à-dire les cadres des plusgrandes entreprises. Source : Panel Cadres Apec, 2005

Page 16: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

14 © Apec - Les études de l’emploi cadre

L’ÉVALUATION

LA GESTION DES COMPÉTENCES : DES DISCOURS AUX RÉALITÉS

Exemples de processus d’évaluation

• L’Oréal : entretien annuel avec le n+1 puis le n+2 qui permet un entretien plus approfondi et avec plus d’équité.• Exxon Mobil : le processus est globalisé puis consolidé à différents niveaux selon le degré de responsabilité et derareté du métier (niveau local, Europe, monde). Process : un premier entretien d’auto-évaluation animé par le colla-borateur, puis un deuxième entretien animé par le n+1.• Saint-Gobain : un entretien annuel d’évaluation avec le n+1, et un entretien au niveau de la RH tous les deux ans.• Sanofi-Aventis : 3 entretiens par an avec le n+1 (évaluation, fixation d’objectifs, développement de carrière).

La définition de la politique globale d’évaluation de laperformance, plus ou moins explicitement rattachée à lastratégie, relève des prérogatives des DRH Groupe.Quant aux modalités de la mise en œuvre de processusencore loin d’être généralisés1, elles peuvent être défi-nies soit par la DRH Groupe, soit par filières métiers,soit par pays. Le process théorique est relativement uniforme mais lesusages locaux divergent et créent des nuances dans sonapplication. La diffusion d’outils standardisés gérés parle système informatique spécifique aux ressourceshumaines laisse ainsi une certaine latitude dans l’appli-cation des politiques. L’ancienneté de l’implantationmais aussi le degré d’adhésion ou d’appropriation des

managers et de leurs équipes à de tels systèmes sont parailleurs déterminants.Standardisés, les outils utilisés font aussi l’objet d’unusage segmenté. En général, les résultats ne sontremontés au niveau des sièges qu’à partir des postesd’un certain niveau de responsabilité. Les people reviewsont consolidés au niveau des groupes et les plans desuccession sont gérés de façon centrale (cadres diri-geants, postes clés, potentiels…).Autrement dit, la GRH centrale des groupes reste relati-vement tributaire de l’application des procédures qu’enfait chaque manager, avec la part de subjectivité outout du moins de gestion de ses intérêts propres quecela implique.

ment, la connaissance des interlocuteurs à même defavoriser la mobilité demandée demeure souvent déter-minante. Concomitamment, la valorisation dans les discoursmanagériaux de la mobilité comme condition sine qua

non à la réussite individuelle a considérablement accrul’expression des demandes afférentes. Certaines entre-prises sont aujourd’hui confrontées à une pressionqu’elles ne peuvent structurellement satisfaire.

Charles Allen, directeur recrutement et développement des carrières DRH Groupe chez Sanofi-Aventis : «Les chercheurs et les experts ne veulent pas manager et nous ne le voulons pas non plus.»

Doris Gautronneau, directeur du développement et de la formation des collaborateurs chez Xerox : «Pour la fixation d’objectifs, la maison mère aux États-Unis définit les priorités de l’année, puis chaque zone (dontl’Europe) définit sa contribution à ces priorités (business, client, gestion des collaborateurs…). Les filiales danschaque pays définissent à leur tour leur contribution à ces priorités puis les managers de chaque fonction les décli-nent en objectifs individuels.»

1. En France, l’entretien annuel d’évaluation est une pratique générale dans les grandes entreprises, mais ne concerne globalement que 53 % des cadres. En effet, si 81 % des cadres des entreprises de 2000 salariés et plus ont un entretien annuel, ce n’est le cas que de 47 % des cadres travaillant dans les entreprises de 50 à 499 salariés et le taux diminue encore dans les entreprises de moins de 50 salariés, à 28 %. C’est par ailleurs dans ces grandes entreprises qu’il est considéré le plus fréquemment comme utile. Source : Panel Cadres Apec, 2005.

Page 17: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

15© Apec - Les études de l’emploi cadre

LA GESTION DES COMPÉTENCES : DES DISCOURS AUX RÉALITÉS

LA FORMATION

La grande majorité des entreprises interrogées disposed’un institut, d’une école ou d’une université interne.C’est le cas pour Accor, Air France, Axa, Bouygues immo-bilier, France-Télécom, Faurecia, Nestlé, PSA, Renault,Safran, Saint-Gobain, Société générale et Xerox.Dans ces entreprises, les programmes de formation sontconçus au niveau des sièges puis développés et adaptéspar régions ou par pays. La formation revêt un rôle important dans l’accompa-gnement du changement et de la mise en œuvre des

stratégies, comme pour la préparation des mobilitésinternationales. Les thématiques abordées sont plutôtd’ordre métier ou stratégique : management, compéten-ces métier communes à tous, corporate, sécurité, envi-ronnement et qualité, gestion de crise. Il faut remarquerque certaines populations spécifiques ont accès à cesprogrammes. Ce sont le plus souvent des commerciauxcadres ou non cadres, de jeunes managers, des direc-teurs d’usines…

De manière générale cependant, la formation dans lesgrandes entreprises interrogées est davantage mobiliséecomme un outil de développement personnel, de moti-vation, voire d’employabilité, et non de promotioneffective ou de reconnaissance.

C’est plus la cohésion interne de l’entreprise qui estrecherchée que la gestion des évolutions individuelles.Néanmoins, comme nous allons le voir, il existe quel-ques sociétés qui proposent des cursus de progressionformalisée de passage non-cadre à cadre.

Jean-Rémy Touze, DRH France chez Siemens : «Le secteur d’activité a un impact important dans le mode de gestion. Par exemple, la formation de managers deproduction, à travers une vision standardisée partout dans le monde, est valable dans l’industrie. Ces standards demanagement «monde» sont originaires du Japon. Il existe des programmes corporate chez Renault, ValéoBouygues, Siemens, des formations existent ; pour autant, il n’y a pas de gestion de carrière centralisée de tousles cadres.»

Page 18: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

Camille Beraud, directeur du développement RH, de la mobilité et de la formation chez Nestlé France : «Il y a, au moment du recrutement, une véritable sélectivité sur la base, entre autres, des diplômes. Nous sou-haitons que les collaborateurs aient tous les bagages nécessaires pour évoluer par la suite dans l’entreprise.»

François Jacquel, directeur central des ressources humaines chez Bouygues construction : «Le diplôme est important au moment du recrutement mais il perd rapidement en importance au bénéfice del’expérience et des responsabilités gagnées sur le terrain.»

RECRUTEMENT : DES POLITIQUES TRÈS DIFFÉRENCIÉES

Les entreprises rencontrées connaissent pour la plupartun turnover faible. Pour autant, ce point commun n’im-plique pas de politique de recrutement identique.

Concernant les actions de recrutement, les DRH Groupeinterviennent à des niveaux circonscrits. Il s’agit ainside définir les grandes orientations de la stratégie derecrutement, d’établir un niveau d’exigence concernantla formation académique, de définir une politique d’ani-mation de réseau écoles ou universités, de construiredans certains cas un comparatif des diplômes interna-tionaux en enfin, de valider le recrutement des cadressupérieurs et dirigeants.

Les DRH locales des entreprises ont un degré d’autono-mie variable selon la tendance organisationnelle RH del’entreprise. Elles sont ainsi susceptibles d’assurer lamise en application de la politique corporate et de choi-sir librement dans ce cadre les moyens et les profilsretenus. Dans un schéma organisationnel RH très glo-balisé, les RH locales peuvent au contraire être soumi-ses à des contraintes fortes.

Les politiques de recrutement des cadres sont étroite-ment liées aux politiques de gestion des évolutions pro-fessionnelles. Deux cultures du recrutement se dessinent, égalementréparties parmi les 24 entreprises rencontrées.

Lorsque les recrutements externes sont favorisés, 50%à 80% des recrutements de cadres concernent desdébutants ou des « semi-débutants».

La sélection par le niveau de diplôme est alors trèsprégnante à l’embauche, c’est le critère majeur derecrutement.

Ce niveau est égal à bac + 5 au minimum (ou équiva-lent selon les pays), avec une préférence parfois impé-

rieuse pour les sortants des écoles ou universités lesplus prestigieuses.

© Apec - Les études de l’emploi cadre16

DES ENTREPRISES DONNENT LA PRIORITÉ AU RECRUTEMENT DE DÉBUTANTS BAC + 5

Page 19: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

17© Apec - Les études de l’emploi cadre

RECRUTEMENT : DES POLITIQUES TRÈS DIFFÉRENCIÉES

Une partie des entreprises accorde une large place à lapromotion interne pour pourvoir les postes cadres, etprivilégie de fait les niveaux bac + 2 à l’embauche :recrutés sur des postes non cadres, une partie d’entreeux évoluera en quelques années selon un parcoursconstruit vers des postes cadres.

Certains secteurs se distinguent par une politique derecrutement externe non sélective, généralement asso-ciée à la préférence pour la promotion interne. C’est lecas dans l’assurance, la banque de réseau, l’hôtellerie,les entreprises ayant une culture commerciale via unréseau de distribution.

D’autres facteurs favorisent également la culture de lapromotion : on la repère en effet dans les anciennesentreprises publiques et/ou dans celles où la traditiondu dialogue social est très forte.

La promotion interne y fait l’objet de processus forma-lisés pour organiser voire « ritualiser» le passage au sta-tut cadre. Comme pour les potentiels, il existe des sys-tèmes d’identification et d’évaluation (du type assess-ment), des écoles, des formations et examens internesou externes.Les profils des non-cadres plus particulièrement viséspar la promotion interne correspondent d’un côté auxpopulations jeunes, diplômées à bac + 2 et disposantd’un potentiel pour occuper des postes de cadres et, parailleurs, aux experts maîtrisant une technique pointueou qui ont prouvé leurs compétences managériales (àmi-parcours professionnel).

L’ancienneté n’est plus un critère de promotion, mêmesi les politiques en la matière peuvent utiliser ce critèrepour délivrer un signe de reconnaissance, y compris entoute fin de carrière (le «bâton de maréchal»).

D’AUTRES GRANDES ENTREPRISES INTERNATIONALES VALORISENTLES PROMOTIONS INTERNES

Les méthodes de recrutement

– Internet est le support dominant ou en forte croissance. Le site Web des entreprises est le média le plus utilisépour recueillir et centraliser les candidatures (spontanées/annonce), – l’utilisation de la « chasse de tête» est limitée aux profils rares et aux cadres dirigeants ou alors, quel que soitle profil de cadre recherché, dans les pays où la notoriété de l’entreprise est faible et où le marché de l’emploi esttendu,– parallèlement, les entreprises développent systématiquement des bourses d’emplois mondiales internes augroupe,– pour les jeunes diplômés, les entreprises mobilisent de manière très active des réseaux avec les universités et lesécoles : sponsoring, parrainage, organisation de jeux ou de concours (stratégiques ou marketing) impliquant plu-sieurs équipes de jeunes diplômés (L’Oréal, Bouygues construction, France-Télécom…).

Les propos tenus par Nicolas Cote, responsable du développement des ressources humaines de Bouygues construc-tion illustrent cette tendance : «Une filière RH est consacrée aux relations avec les écoles. Une liste d’écoles et d’universités est formaliséedans chaque pays en vue des recrutements. Chaque année, la DRH corporate organise le «Défi Bouyguesconstruction», 2005 en fut la dernière édition. Principe du défi : 48 candidats, jeunes en dernière année d’écoleou d’université, répartis en 8 équipes sur 16 écoles, travaillent sur un appel d’offres et présentent un projet.Toutes les nationalités des entités sont représentées.»

Par ailleurs, les entreprises sont représentées dans les conseils d’administration, scientifiques ou pédagogiques desécoles et des universités.

Page 20: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

18 © Apec - Les études de l’emploi cadre

RECRUTEMENT : DES POLITIQUES TRÈS DIFFÉRENCIÉES

LES TENDANCES ACTUELLES

Conséquence de l’internationalisation, mais aussi prisede conscience des risques de tension dus aux évolutionsdémographiques, un début de remise en cause des nor-mes de recrutement centrées sur des profils précis et éli-tistes est observé, notamment au niveau des formationsinitiales. La volonté d’instaurer plus de diversité des parcours touten conservant un même degré d’excellence se concrétisedans quelques entreprises.L’ouverture à l’international s’affirme comme un critèrede plus en plus important. Cette «ouverture» doit êtrecomprise, il est important de le préciser, comme une

capacité à l’acculturation. En effet, les postes dits«ouverts» ne sont pas nécessairement implantés àl’étranger, ils font davantage référence à la capacité deceux qui les détiennent à évoluer dans des environne-ments culturels différents.Pour autant, les entreprises recherchent clairement cetype de profil et déploient des moyens importants pourles identifier et les attirer. Des programmes spécifiquessont mis en place pour attirer des profils capables d’évo-luer dans un milieu international. Les recrutements decadres étrangers, y compris pour travailler dans des équi-pes françaises, sont en outre en fort développement.

Exemples d’entreprises qui favorisent la promotion interne

• Société générale : 36% des cadres sont recrutés par la promotion interne. Il existe une école interne des cadres : la promotion au niveau cadre se fait via un concours.Il existe aussi un processus de nomination basé sur l’évaluation des compétences professionnelles et comportementales.• Accor : un tiers du comité de direction est autodidacte.• Xerox : mise en place d’assessment spécifique pour le passage de non-cadre à cadre.• Air France : la promotion interne est historiquement très forte, deux tiers des cadres sont issus de la promotion interne (Théo Laï, directeur des cadres: «La promotion interne est historiquement très importante chez nous : environ deux tiers des cadres ont été nommés par promotion interne»).• Total : plus d’un quart de la population cadre est issu de la promotion interne. Il existe trois process de cadration différents.– Pour les jeunes diplômés qui reprennent leurs études avec l’accord et l’engagement de Total de passer cadre encas de réussite de leurs examens.– Pour les expérimentés en cours de carrière (vers 40/45 ans) : le passage cadre se fait suite à un assessment deleur expérience professionnelle et de leur potentiel d’évolution.– De façon plus marginale, il existe aussi la cadration «coup de chapeau», pour le dernier poste, dans un but dereconnaissance ultime.• Renault : quatre filières de promotion des cadres pour la promotion interne. – Fillière Fontanet : profils BTS/DUT, détectés comme performants dans les comités de carrière, passage cadre vers30/32 ans, avec envoi en formation dans une grande école.– Filière Decomps : profils Techniques, bac + 4 qui suivent une formation scientifique en alternance.– Filière expérience : à destination de profils non diplômés, c’est une filière interne de formation qualifiante enculture générale, langues, management…– Filière non qualifiante pour les profils très expérimentés.

Page 21: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

19© Apec - Les études de l’emploi cadre

RECRUTEMENT : DES POLITIQUES TRÈS DIFFÉRENCIÉES

Claude Labatut, DRH banque de détail France et étranger à la Société générale : «Cela faisait plus de 10 ans que la SG était dans une culture de clonage, le culte du diplôme était prépondérantdans le recrutement. Nous sommes obligés aujourd’hui de réagir car les grandes écoles accourent davantage versla banque d’investissement. Par ailleurs, nous allons devoir pallier une grande vague de départ dès 2008 et équi-librer notre pyramide des âges aujourd’hui défaillante dans la strate des 35/45 ans. Nous avons la volonté de pra-tiquer le sourcing décalé, nous allons ouvrir les recrutements aux universitaires avec des cursus décalés : diplômésde lettres, d’anglais… »

Quelques exemples de tendances actuelles

Total : en 2005, sur 289 recrutements de cadres, on compte 169 formations différentes.

Air Liquide : des programmes spécifiques ont été conçus pour attirer dans chaque pays les meilleures compé-tences locales, y compris dans les pays où le groupe est mal connu comme la Chine ou le Japon. Par exemple,le programme « Start » est destiné aux jeunes diplômés à fort potentiel, du monde entier, pour les envoyer direc-tement en expatriation. Dans certains cas des formations préalables en langues étrangères peuvent être envisa-gées comme c’est le cas au Japon.

Saint-Gobain : promotion de la mobilité internationale en première expérience. La société exige une premièreexpérience à l’international dans le CV des jeunes diplômés (voyages à but personnel ou professionnel, stages…).

PSA, Alcatel, Total : embauche de cadres de nationalités étrangères pour constituer des équipes internationales.

France-Télécom : création d’un programme groupe de recrutement spécifique pour les jeunes ayant moins d’un and’expérience : «Télécom Talents». Les recrutés ont des profils d’ingénieurs et de commerciaux issus des meilleurscursus académiques français et étrangers.Forte diversité des recrutés : en 2005, un tiers d’entre eux n’était pas français, un tiers était des femmes.

Page 22: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

© Apec - Les études de l’emploi cadre20

LA MONDIALISATION NE CRÉE PAS DE MODÈLE D’ORGANISATION

LES ENTREPRISES RENCONTRÉES ONT UNE APPROCHE «MONDE»ET NON PAS EUROPÉENNE

Les propos recueillis confirment les observations deschercheurs et syndicats que nous avons parallèlementinterrogés, à savoir que l’Europe n’est pas un périmètre

pertinent pour l’élaboration des stratégies globales etRH des entreprises internationales.

Elles sont certes implantées dans des pays européens,c’est-à-dire au sein ou non de l’Union européennedans ces contours à 15 ou 25 pays, mais égalementprésentes dans d’autres espaces géographiques. Ces entreprises raisonnent de préférence selon les ter-mes d’une logique «monde», déclinée par des appro-ches territoriales organisées selon les cas par des«zonages» qui leur sont propres, ou pays par pays.L’approche géographique est fréquemment complétéepar une logique de segmentation par métiers.

Les quelques situations qui conduisent les entreprisesinterrogées à investir la dimension «Europe» ont géné-ralement trait au découpage géographique des activitésà des fins de pure gestion, à l’évolution démographiquemais aussi à l’existence des comités de groupe euro-péens, seul indicateur d’une Europe sociale et politiquedans les entreprises.

LEUR GESTION DE L’ENCADREMENT RÉPOND À DEUX SCHÉMAS DE LA MONDIALISATION En tant que mouvement global de rationalisation del’exploitation des ressources et des compétences, lamondialisation de la gestion des ressources humainespeut être décrite selon les termes d’une alternativeentre globalisation et internationalisation.

– Dans le premier cas, la gestion des ressourceshumaines, pensée d’une manière uniforme qui prédé-termine les éventuelles adaptations locales, est plu-tôt centralisée. – Dans le second cas, où la réflexion stratégiqueménage une large place aux initiatives et périmètresdécisionnaires décentralisés, la gestion RH est plutôtautonome localement.

La globalisation de l’organisation RH se rencontre enpriorité dans les entreprises fondées sur des métiersdont la culture technique prédispose à la standardisa-tion et à l’uniformisation. Les stratégies et les grandsprincipes sont alors définis de manière centrale par laDRH Groupe.Dans ce modèle, les variations locales et les modalitésd’expression sont pensées de façon centrale. La mise enœuvre des processus est locale, sous le contrôle de laDRH Groupe.

L’internationalisation de l’organisation RH se prête bienaux entreprises à culture commerciale pour lesquelles lanécessité de s’adapter aux réalités du terrain est unecontrainte forte.Dans ce système, le local est le centre décisionnaire depremier niveau d’application des stratégies. Les proces-sus et actions sont pensés à ce niveau local.Dans un second mouvement, le siège harmonise etgarantit une cohérence des différents systèmes etmicromarchés internes.

Évidemment, ces deux schémas ne sont généralementpas livrés sous des formes pures et homogènes. Ainsi,dans une même entreprise, certains segments de ges-tion peuvent être fortement centralisés, quandd’autres se définissent uniquement en fonction de l’en-vironnement local.

Le modèle dit d’internationalisation ne se réduit pas auseul degré d’internationalisation des effectifs par rap-port à ceux de la France. Il apparaît pourtant que cemodèle est plus généralement adopté que son alterna-tive dite de globalisation dans les entreprises françaisesà fort degré d’internationalisation de leurs effectifs.

Page 23: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

21© Apec - Les études de l’emploi cadre

20 % 40 % 60 % 80 %

Très faible

Faible

Degré de globalisation de l ’ organisation RH

% des effectifs à l’international (hors de France)

Accor

Air France

Air Liquide

Alcatel

Axa Bouygues

Construction

Bouygues Immobilier

EDF

Faurecia

France Télécom

L ’ Oréal

PSA (hors Faurecia)

Société générale

Renault

Safran

Saint Gobain

Sanofi Aventis

Thomson

Total

Plutôtfort

LA MONDIALISATION NE CRÉE PAS DE MODÈLE D’ORGANISATION

Le graphique ci-dessous «cartographie» les entreprisesinterrogées en fonction des tendances organisationnel-les dominantes et du degré d’internationalisation despersonnels. La position de ces entreprises est détermi-née par le croisement des deux variables (le degré deglobalisation de l’organisation RH et le pourcentage deseffectifs à l’international).Seules les entreprises d’origine française figurent dansce tableau. En effet, l’entrée «% des effectifs à l’inter-

national » présentée en abscisse n’a pas de pertinencepour les entreprises étrangères (Siemens, Nestlé, Xerox,Ernst & Young et Exxon Mobil) implantées en France :les personnels de ces entreprises sont par nature répu-tés être « des effectifs à l’international » au regard deleur origine nationale. Le résultat montre tout à fait clairement qu’il n’y a pasde corrélation entre ces deux variables.

Source : Apec.

Jean-Rémy Touze, DRH chez Siemens France : «Une gestion totalement centralisée coûterait trop cher pour des grands groupes. Des essais de gestion de compé-tences centralisée ont été tentés et ont donné lieu à des “usines à gaz” inefficaces. Il y a bien une gestion locale des cadres, c’est même le fondement de la détection des cadres à potentiel interna-tional. Les structures centrales gèrent les potentiels internationaux issus des analyses locales. Les autres élémentsde gestion de carrière locale ne sont pas traités par les structures centrales.»

Odile de Damas-Nottin, directeur recrutement Groupe chez Total :«Il peut y avoir des logiques intermédiaires de centralisation par découpage géographique en Afrique et en Europepar exemple, car il serait difficile de gérer une carrière ou une mobilité depuis le siège.»

LOGIQUE ORGANISATIONNELLE ET DEGRÉ D’INTERNATIONALISATIONNE SONT PAS LIÉS

Page 24: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

22 © Apec - Les études de l’emploi cadre

LA MONDIALISATION NE CRÉE PAS DE MODÈLE D’ORGANISATION

Des structures intermédiaires de globalisation parfilières de métiers ou par zones géographiques peuventapparaître. Au demeurant, les deux modes d’appréhension mondialedes enjeux ne sont pas figés : la gestion RH obéit à desprocessus dynamiques où le temps de l’autonomie peutsuccéder à celui de la centralisation, puis revenir dansune phase de consolidation.

La dynamique de l’internationalisation impose en effetune forte capacité de réaction et d’adaptation dans cer-taines zones géographiques en phase de mutationrapide.Certaines directions RH sont tenues d’être en veille per-manente, en particulier quand leur entreprise se posi-tionne sur un marché fortement concurrentiel.

AUTANT DE SITUATIONS QUE D’ENTREPRISES INTERROGÉES

Au vu de la situation de chacune des entreprises rencon-trées, la mondialisation, quelle que soit sa forme, n’en-gendre pas à proprement parler de modèle d’organisationet de gestion des ressources humaines spécifique.Il n’y a pas davantage d’homogénéisation réelle despratiques.

Manifestement, l’influence d’éléments tels que le secteurd’activité de l’entreprise, les modalités de sa mondialisa-tion (implantation, rachat, fusion…), l’ancienneté duprocessus, l’histoire économique et sociale de l’entre-

prise et les fondamentaux de sa culture (sa nationalitéd’origine, mais aussi son activité, plutôt technique ouplutôt commerciale) demeure prépondérante. Certes, des proximités entre les situations investiguéesexistent mais aucune variable commune susceptible deles éclairer n’a pu être mise à jour.

Seul élément commun : des directions des ressourceshumaines sont constituées d’équipes souvent nom-breuses et donc spécialisées, où il est difficile de ren-contrer « le savoir universel ».

LE RÔLE DES MODÈLES DE GESTION EN DÉBAT

Au cours des réunions de présentation des résultats del’enquête, l’existence même d’un modèle et d’une normede gestion a suscité de nombreux débats, tant dans lesentreprises que dans les milieux de la recherche. Pour lestenants de la réalité d’un modèle, c’est actuellement lemodèle unique du type anglo-saxon qui s’impose partout(modèle US), c’est-à-dire peu ou prou le schéma organi-sationnel que nous avons dénommé globalisation. Ils’agit généralement de responsables exerçant leurs mis-sions au niveau global et dans des entreprises de natio-nalité américaine, de préférence high-tech.Reste à savoir si le modèle d’une gestion normaliséeefface les spécificités locales ou les considère commeune réalité accessoire. On constate que les tenants del’existence de spécificités locales (ou domestiques) sontplutôt les responsables exerçant leurs missions dans unpays ou une zone géographique délimitée, leurs entre-prises étant plutôt de nationalité française.Le concept de modèle semble en fait n’être utilisé qu’en

tant que « formalisation apparente». Si le terrain et sadiversité ne sont pas niés en tant que réalités, ils sontgénéralement conçus comme autant de données«mineures» d’une équation à vocation normalisatrice.Dans ce cadre, le terrain n’est pas donné comme un élé-ment susceptible de mettre en cause le schéma de modé-lisation vécu comme indépassable. Dans cette perspective, l’ignorance des réalités du ter-rain ne pose pas de problèmes, «sauf dans quelquesentreprises», et se voit auto-justifiée par l’adoption d’unmodèle qui se propose d’en faire l’économie.

Ces deux conceptions du rapport au réel collent parfaite-ment à la segmentation des responsabilités. Quand laDRH Groupe – qui a pour vocation de formaliser et defournir des modèles de gestion – voit dans « l’ignorance»du terrain la condition même de son efficacité quoti-dienne, la DRH locale se doit de faire «entrer» le terraindans les schémas qui lui sont proposés. Chacun son rôle.

Page 25: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

23© Apec - Les études de l’emploi cadre

CONCLUSION

Les entreprises, en tant qu’entités économiques élémentaires, comptent parmi les grandsacteurs des mouvements d’internationalisation et de leurs évolutions. Leur intégration aux circuits mondiaux d’échanges constitue pour nombre d’entre elles unenjeu déterminant de pérennité.Pour autant, la manière dont elles s’approprient les termes de cette «nouvelle donne» n’estpas uniforme. Les formes de globalisation retenues, les modes d’appréhension des marchésmondiaux font varier les modes d’organisation.

Les modèles organisationnels en place supposent (encore et toujours…) la présence de res-sources humaines pour les faire fonctionner, et notamment de cadres pour structurer et for-maliser les orientations qu’ils génèrent. Au-delà des définitions formelles –en France par-ticulièrement–, attachées à cette catégorie particulière de salariés, l’acte d’encadrer (qui yest généralement lié) est présent dans tous les systèmes d’action.

Si toutes les grandes entreprises internationalisées se sont dotées de moyens humains etde méthodes de gestion des cadres relativement comparables, le poids de la culture localedemeure manifestement prépondérant dans l’approche et le traitement de certains domai-nes de gestion RH.La prise en compte de cette dimension locale diffère suivant la dominance organisation-nelle des entreprises. Celle-ci traduit sous la forme d’une structuration particulière le modede «mondialisation» adopté par l’entreprise, mode qui impacte directement la manière dontsont pensés « stratégiquement» et « tactiquement» l’action des cadres, leur rôle, leurs pré-rogatives mais aussi la définition des «niveaux pertinents» de leur gestion. À cet égard, latension entre les entités globales et locales de la prise de décision joue probablement àplein.

S’il y a bien une évolution autour de la question des cadres, c’est celle qui concerne la seg-mentation de leur gestion. L’universalité du cadre, qui le légitimise comme objet d’étude transnationale, ne doit pasfaire présumer pour autant d’une uniformité des pratiques le concernant. Les cadres se défi-nissent également au travers d’une pluralité qui s’exprime toutefois partout suivant lesmêmes formes, celles attachées au triptyque «managers», «experts», « cadres dirigeants»auxquels s’ajoutent les «potentiels» c’est-à-dire leurs futurs successeurs.

L’émergence de ces mêmes «potentiels» au centre des préoccupations de gestion des car-rières dans les entreprises internationales est intéressante dans la mesure où elle illustreparfaitement le paradigme d’adaptabilité qui sous-tend le mouvement de globalisation. Ils’agit là, en effet, non pas du fruit d’une catégorisation statique mais d’un groupe qui nese définit que par sa «capacité à…».Les «potentiels» symbolisent fort bien la nature de nouvelles approches fondées sur l’an-ticipation de mutations prévisibles mais non programmables, approches en rupture avecl’objectif traditionnel attaché aux dispositifs de mobilité. Il est d’ailleurs édifiant de constater que l’intérêt porté par les entreprises internationali-sées à la question des «potentiels » paraît inversement proportionnel à leur poids numé-rique qui est, on l’a vu, marginal.Pourtant, cette catégorie, à qui est dévolu le rôle de servir de référence aux populations lesplus intégrées aux processus de mondialisation, doit, de l’aveu même des entreprises,

LA MONDIALISATION S’APPUIE SUR DES POLITIQUES RHFORTEMENT SEGMENTÉES MAIS NE PRODUIT PAS DESPRATIQUES NORMALISÉES

Page 26: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

CONCLUSION

© Apec - Les études de l’emploi cadre24

demeurer minoritaire, et la gestion qui lui est appliquée ne peut, ni ne doit, être généra-lisée. Non pas tant parce qu’une telle politique représente un coût élevé, mais parce que,pour fonctionner efficacement, les entreprises ont besoin de cadres qui restent à leurposte, qui ne cherchent pas à devenir managers ou cadres dirigeants et qui ne sont pas nonplus des «hauts potentiels», ni imaginent le devenir un jour…Au demeurant, ce modèle ne peut qu’exceptionnellement s’appliquer aux entreprises detaille moyenne ou petite. À ces niveaux, la nécessité de mettre en place des démarches derepérage des futurs dirigeants ne s’impose d’ailleurs pas, une taille plus faible rendant pos-sible la connaissance de visu de la composition des équipes.

Les grandes entreprises internationales vivent donc une situation paradoxale. Elles dispo-sent en effet de moyens nettement supérieurs à la moyenne pour expérimenter et explorerdes méthodes et des pratiques permettant une réelle optimisation de la gestion des com-pétences dans la durée. Mais leur grande taille leur impose aussi de structurer et de spé-cialiser leur gestion RH, et ce sont précisément ces segmentations qui conduisent à uneperte de visibilité et de fluidité générale.

Manifestement, la mise en place d’outils standards d’évaluation et de gestion des postes,souvent informatisée, ne répond pas encore à ce besoin d’une plus grande transparenceglobale.

Page 27: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi
Page 28: DANS LES ENTREPRISES - Apec.fr - Recruteurs · INTRODUCTION Comment les entreprises mondialisées définissent-elles leurs cadres ? p. 4 Les cadres : une catégorie qui va de soi

ED

OB

SA

OO

48

1

2/

06

w w w . a p e c . f rC E N T R E R E L A T I O N S C L I E N T S : 0 8 1 0 8 0 5 8 0 5 * D U L U N D I A U V E N D R E D I D E 9 H 0 0 À 1 9 H 0 0

* p r i x d ’ u n a p p e l l o c a l

ISBN 2-7336-0516-X

Gestion des cadres dans les entreprises internationales

Association Pour l’Emploi des Cadres51, boulevard Brune – 75689 Paris Cedex 14