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Dans plusieurs pays, seule une réciprocité d’actions
permet de tenir les loups à distance
Nicolas LESCUREUX & Michel MEURET
Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive (CEFE) Équipe Interactions bioculturelles
Montpellier
Science pour l’Action et le Développement (SAD) UMR Systèmes d’Élevage Méditerranéens et Tropicaux Montpellier
11 500 ans de relations pastoralisme - loups
Depuis les débuts de la domestication du bétail, les loups ont été une source plus ou moins importante de nuisances : dégâts au bétail, travail et coûts supplémentaires…
Faible pression humaine et capacités d’adaptation des loups ont permis une proximité Homme-Loup jusqu’à une période très récente dans l’ensemble de l’hémisphère Nord.
Répartition historique de Canis lupus
11 500 ans de relations pastoralisme - loups
Les conflits étaient souvent réglés localement et directement
Les conflits ont parfois aussi été réglés plus systématiquement et largement
Campagnes d’éradication sur ordre des autorités
Répartition maximale de Canis lupus
Répartition de Canis lupus : années 1950-60
Aujourd’hui Canis lupus est parfois classé « chassable » voire « nuisible »
Dans de nombreux pays, notamment ceux où les populations de loups sont les plus importantes (Canada, Russie, Kazakhstan), ils sont régulés, chassés, voire classés « nuisibles », et leurs dépouilles donnent alors droit à des primes.
Dans plusieurs pays, seule une réciprocité d’actions permet de tenir les
loups à distance
Trois exemples…
Régions de Naryn & Issyk-Köl
Kirghizstan (ex-URSS)
Région de Naryn
Environ 5 millions d’habitants et 4000 loups sur 200 000 km²
Population rurale > 60%
Territoires & paysages partagés (47% territoire = pâturage permanent)
Paysage favorisant observations mutuelles et interactions
Ressources partagées : gibier et bétail
Kirghizstan
Des pratiques de chasse variées
Kirghizstan
Fin des chasseurs
professionnels
Reprise fusils aux
bergers
Diminution
présence humaine
sur hauts pâturages
Baisse pression chasse
Impossibilité effrayer
loups par tirs
Loups
moins
peureux
Loups
1. approchent villages
2. attaquent + souvent
3. Attaquent de jour
Déplacement bétail autour villages
Diminution
présence bétail sur
hauts pâturages en
hiver
Diminution distance
hivernage/estivage
Loups devenus
incontrôlables…
Kirghizstan
Kirghizstan
Relations dynamiques nombreuses interactions et réciprocité
Perte contrôle loups Perte réciprocité conflit
Loups = ennemis respectables À contrôler
Loups = envahisseurs menaçant le bétail À éliminer
Montagnes Sharr
République de Macédoine
Montagnes Sharr
Environ 2 millions d’habitants et 400 loups sur 25 300 km²
Pays montagneux dont 25% territoire = pâturage permanent
Population rurale < 30%
Dans les montagnes Sharr : trois espèces de prédateurs (ours, loup, lynx)
Paysages mixtes de forêts et pâturages permanents
République de Macédoine
République de Macédoine
Individualisé et associé à un territoire
Attaques rares et dues à un individu
Possibilité de contrôle individuel
Dégâts importants
Non respect frontières et normes humaines
Chasse autorisée mais difficile
Contrôle difficile (invisible)
Respect des frontières et normes
Incidence quasi nulle
Montagnes Rocheuses
Montana
Idaho
Washington
Oregon
Wyoming
Utah Colorado
Parc National de Yellowstone
Idaho
3,2 millions d’habitants sur 851.000 km² (1,5 fois la France)
Vastes montagnes boisées, jouxtant des plaines agricoles
6,1 millions bovins viande + 0,8 millions ovins
1900-1930 : loups exterminés
Idaho – Montana – Wyoming
1995-96 : Réintroduction de 66 loups au PN Yellowstone et dans l’Idaho – objectif annoncé : 300
Population actuelle « Nord Rocheuses » : ± 1780 loups
Éleveurs et bergers sont entraînés à lutter contre toutes sortes de prédateurs : coyotes, pumas, ours
La chasse aux ongulés est un patrimoine des États
Les chasseurs sont bien équipés et organisés
Idaho – Montana – Wyoming
Idaho – Montana – Wyoming
Dès 1990, le Service des Parcs Nationaux écrit :
« En supprimant les quelques loups qui s’attaquent au bétail, il s’agit d’accroître les chances de survie des autres. »
Depuis l’origine des réintroductions : actions de contrôle des loups et meutes « à problème »
Idaho – Montana – Wyoming
15 %
Idaho – Montana – Wyoming
180 bovins / an (min-max : 136-214)
330 ovins / an (min-max : 114-721)
Prédation sur bétail
Moyenne 2006-2014
Les comptes-rendus officiels du suivi des meutes indiquent chaque année combien de meutes ont été impliquées dans au moins une attaque.
En 2009, année record pour la prédation sur ovins (721), 25 des 267 meutes ont été éliminées.
Conclusions
Bon gré, mal gré, éleveurs et loups coexistent depuis les débuts du pastoralisme (il y a environ 11 500 ans).
Les conditions permettant cette coexistence sont complexes et résultent de contextes écologiques, économiques, culturels et législatifs particuliers.
Lorsque ces conditions ne sont pas réunies, notamment lorsque l’élevage s’est développé en l’absence de prédateurs, la société ne saurait imposer le retour et la présence de loups à certains de ses membres (éleveurs, bergers et autres usagers) sans générer un problème de justice sociale et environnementale.
Une des conditions nécessaires à la coexistence avec des prédateurs est l’établissement de relations réciproques permettant de maintenir une distance acceptable.
Cette réciprocité peut notamment passer par des tirs et piégeages en cas d’attaques, éliminant ainsi les individus les plus téméraires et associant la présence d’humains et de troupeaux à un réel danger.
Quelle pression de sélection, et sur quelle durée, pour rétablir une relation plus juste, sachant que la relation à un prédateur intelligent reste un phénomène complexe et dynamique ?