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SERVICE DES ANTIQUITES DE L'EGYPTE. ANNALES DU SERVICE DES ANTIQUITÉS DE L'EGYPTE. TOME PREMIER. LE CAIRE. IMPRIMERIE DE L'INSTITUT FRANÇAIS D'ARCHÉOLOGIE ORIENTALE. M DGGG XGIX.

Daressy, Georges ASAE (1899)

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SERVICE DES ANTIQUITES DE L'EGYPTE.

ANNALES

DU SERVICE DES ANTIQUITÉS

DE L'EGYPTE.

TOME PREMIER.

LE CAIRE.

IMPRIMERIE DE L'INSTITUT FRANÇAIS

D'ARCHÉOLOGIEORIENTALE.

M DGGG XGIX.

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LES SÉPULTURES DES PRÊTRES D'AMMON

À DEIR EL-BAHARI

PAR

M. GEORGES DARESSY.

Lorsque, venant del'Assassif, on se dirige vers le temple de Deir el-Ba-

hari, on longe d'abord sur la droite de vastes excavations'1', dues probable-ment à l'exploitation de l'argile, puis, après avoir dépassé l'entrée du sentier

conduisant à la Vallée des Rois, on voit enfin, toujours adroite, une certaine

étendue de terrain à peu près unie, circonscrite entre la chaussée, la mon-

tagne et les petites ondulations précédant le temple, au milieu desquellesse trouve le tombeau de la reine Nefru'"2'.

Jusqu'en 18g i, cet espace sis en pleine nécropole, entouré de tombeaux

creusés soit dans le fond de l'amphithéâtre, soit dans la montagne, n'avait

pas été retourné par les fouilleurs. Au mois de janvier 18g i, pendant quele Service des Antiquités procédait au déblaiement de la terrasse supérieuredu temple de Deir el-Bahari(3> Mohamed Ahmed Abd-el-Rassoul, le dénon-

ciateur de la cachette des momies royales, vint trouver M. Grébaut et lui

fit part que, dans ce terrain vierge, il avait remarqué un point où devait

exister un tombeau.

Des ouvriers furent placés à l'endroit désigné, où quelques grosses pierres

émergeaient de la couche de sable. Ces pierres une fois enlevées on reconnut

un dallage bouchant l'orifice d'un puits; plus bas était une couche de

briques crues, puis un autre dallage. Le puits était comblé avec un mé-

(1) Ces excavations ont été depuiscomblées en partie par les déblais prove-nant du temple de Deir el-Bahari.

(!) C'est à peu près l'emplacement où

la carte de Wilkinson indique crmuchpol-

lery».

(3) C'est au même moment que fut dé-

couverte, au sud du temple de la reine

Hatchepsu, la tombe d'Ament, prêtressed'Halhor, contemporaine de Mentouhotep• "^

\. Cfr. Cataloguedu Muséede Gizeh,n° 115, 116,117,842, f)15 à 918.

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lange de pierres, de sable, de morceaux d'argile provenant du forage. A

huit mètres au dessous du dallage supérieur, on trouva, dans la paroi nord,

une entrée de chambre fermée avec des branches, des débris de cercueils et

des blocs de pierre ; dans le puits même existait un faux plancher composéde troncs d'arbres et de bouts de nattes. Plus bas, le puits était comblé avec

de grosses pierres entre lesquelles s'était glissé du sable. Enfin, à onze mètres

de profondeur on atteignait le fond, dans la paroi sud se dessinait une

ouverture bouchée entièrement par un mur en briques crues.

A ce moment M. Grébaut me fit venir de Louqsor, où je dirigeais alors

les travaux de déblaiement et de réparation du temple. Le h février, une

brèche fut pratiquée dans le mur et je pénétrai dans une galerie encombrée

de cercueils. Quelques minutes d'examen me permirent de constater qu'onvenait de découvrir une cachette, analogue à celle sur laquelle M. Masperoavait eu la bonne fortune de mettre la main dix ans auparavant. Le style des

cercueils annonçait la fin de la XXI0 dynastie. L'époque de translation était

donc la même dans les deux cas, mais, celte fois, au lieu de rois et de

grands prêtres, le souterrain ne renfermait que des personnages d'un rang

plus modeste, tous cependant attachés au culte d'Ammon.

La galerie n'est pas spacieuse : elle n'a que i m. 70 cent, à 1 m. go cent,

de largeur et autant de hauteur. Creusée dans l'argile dure, elle descend

d'abord très légèrement, tout en décrivant une petite courbe puis se dirigehorizontalement vers le sud. Primitivement, ce corridor long de g3 mètres

aboutissait à une pièce presque carrée, de près de h mètres de côté, com-

muniquant avec une autre chambre plus étroite; plus tard à 76 m. 90 cent,

de l'entrée et à un niveau inférieur de 2 mètres, un embranchement fut

creusé perpendiculairement à la grande galerie, dans la direction de l'ouest;

l'escalier qui le dessert occupe d'abord toute la largeur de la galerie, puisse réduit de moitié et change enfin d'orientation en laissant un palier carré.

L'étage supérieur était ainsi coupé en deux tronçons sans communication

l'un avec l'autre ; pour aller vers le fond, un des prêtres chargé de la sur-

veillance n'avait trouvé rien de plus simple que d'apporter sur le palier le

couvercle d'un des cercueils et de le poser légèrement incliné, appuyé contre

la paroi à pic au dessus de laquelle s'ouvrait la galerie du fond : ce cou-

vercle lui servait d'échelle par l'aide que lui offraient le dessus des pieds,les mains en relief sur la poitrine el la tête.

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La galerie inférieure est entièrement creusée sur une longueur de

52 m. k 0 cent, et amorcée sur 1 m. 5 0 cent, en plus ; ses autres dimen-

sions sont semblables à celles de la galerie principale. La longueur totale

des souterrains a donc atteint 15 5 mètres, 10 mètres de plus que l'hypogéede Séti Ier.

Des caisses de momies étaient déposées dans toutes les parties de ces

catacombes. Près de l'entrée, tout était dans le plus grand désordre: en

deux endroit le passage était absolument obstrué, trois cercueils ayant été

placés de front et d'autres empilés sur ceux-ci, il fallait ramper pourfranchir ces obstacles'1'. Plus loin, les cercueils étaient disposés sur un

double rang, le long des parois, laissant un passage libre au milieu, la

tête tournée en général vers le puits. Ils alternaient sans règle aucune avec

les coffrets à ouchabtious, les Osiris renfermant les papyrus, les vases et

canopes etc. Sur le sol étaient épars des fruits, des fleurs, des statuettes

funéraires échappées de caisses brisées.

Les chambres du fond étaient littéralement bondées ; on se demande

comment on avait pu y faire pénétrer tant de cercueils, étant donné surtout

que là étaient les plus grands de toute la trouvaille.

Je constatai que sur les cercueils les plus riches les visages et les mains

recouverts d'une feuille d'or avaient été arrachés. Peut-être les mêmes

voleurs qui ont mis à mal les sarcophages des Pharaons ont-ils aussi spoliéceux des prêtres d'Ammon ; ce n'est donc pas aux Arabes qu'il faut attribuer

toutes les dégradations subies par les caisses de momies royales, mais aux

Egyptiens eux-mêmes.

Un fait à signaler c'est que dans la plupart des cas, la caisse étant

double, la boîte intérieure était seule fermée ; les chevilles qui devaient fixer

les tenons du couvercle à la cuve extérieure n'avaient pas été enfoncées.

Pour faciliter la descente dans le puits on introduisait séparément les deux

enveloppes, mais les prêtres ne se donnaient pas ensuite la peine de fermer

le cercueil extérieur.

La surveillance de la cachette fut organisée avec l'aide des gafirs du Ser-

(l) Pour empêcher la détérioration des

objets, je priai M. Grébaut d'interdire

l'entrée de la cachette: en dehors des

ouvriers, une seule personne, un touriste

français, a pu voir la cachette.

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vice des Antiquités à Gournah et des matelots du bateau du Musée. Tant

qu'il resta des objets dans le souterrain je ne quittai pas l'endroit, passant

la nuit sous une tente dressée à côté de l'orifice du puits.

L'enlèvement des objets commença le 5 février. Dans la galerie, je pre-

nais note des cercueils au fur et à mesure de leur extraction : ce sont ces

numéros d'ordre de sortie qui sont attribués aux momies dans la liste

publiée par M. Lieblein(1>. A leur sortie du puits les objets étaient reconnus

par MM. Grébaut et Bouriant; deux fois par jour, une longue procession

se mettait en marche vers le fleuve, les ouvriers portant sur des civières les

sarcophages et les caisses dûment clouées contenant les petits objets. Le

i 3 février, la galerie du fond du puits était entièrement vidée. On déblaya

alors la chambre supérieure, mais on ne trouva dans cette pièce, presque

entièrement remplie de terre, que quelques débris d'un cercueil de la

XIXe dynastie. Il est à supposer que le puits avait été creusé à cette époque.

Sous la XXIe dynastie, profitant du travail déjà exécuté, on l'approfondit

et on perça la galerie conduisant à une chambre destinée à la famille du

grand prêtre Râ-men-kheper. Quelque temps après, on changea d'idée, et les

souterrains agrandis reçurent indistinctement les membres du sacerdoce

d'Ammon, ceux qui n'avaient pas les moyens de se préparer un tombeau

particulier ou qu'on désirait mieux protéger contres les tentatives des

voleurs.

En résumé il est sorti de la cachette :

15 3 cercueils, dont i o i doubles et 5 a simples ;

110 boîtes à statuettes funéraires ;

7 7 statuettes osiriennes en bois, en majeure partie creuses et renfermant

un papyrus ;

8 stèles en bois ;

2 grandes statues en bois (Isis et Nephthys);

16 canopes;

i bois de lit;

i o paniers en roseau ;

5 paniers ronds en jonc tressé;

(1) Dictionnairedes noms hiéroglyphiques, n° 9.544.

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•i éventails:

5 paires de sandales :

11 couffes de provisions (viande, fruits, etc.);

6 couffes de fleurs en guirlandes ;

5 grands vases ;

5 caisses de poterie ;

i caisse de mains et de barbes en bois détachées des cercueils "'.

Aucun texte n'a été découvert soit dans le puits soit sur les parois des

souterrains. Dans celles-ci, de distance en distance,une petite cavité creusée

à i m. 5o cent, de hauteur permettait de placer une lampe; une matière

analogue à de la cire blanche a coulé le long des murs, et l'analyse chimique

permettrait probablement de reconnaître à quels produits les Égyptiensavaient recours pour éclairer ces catacombes. Au moment de l'entrée dans

ces galeries fermées depuis près de 3 o o o ans, la chaleur était accablante

mais il n'y avait pas de mauvaise odeur. La sécheresse du terrain dans

lequel la tombe était creusée à dû contribuer à ce résultat; dans les chambres

du fond seulement, quelques infiltrations avaient amené la production de

longues aiguilles de salpêtre. L'introduction de l'air frais changea les con-

ditions de conservation, et, au bout de quelques jours déjà, des craquements

signalaient le fendillement de la couche de plâtre qui recouvre les cercueils.

Les cercueils arrivèrent au Caire dans les premiers jours de mai; ce n'est

qu'en hiver i8ga qu'ils purent être exposés au public. Dès le mois de

mai i8gi, avec l'assistance du D' Fouquet, j'avais commencé l'examen

des momies dont la majeure partie fut démaillolée. J'ai déjà publié les

documents que celte opération à mis entre nos mains et qui ont donné des

indications précieuses sur la chronologie de la XXL dynastie (->.

(1>La première annonce de la décou-

verte a été faite par le Journal officieldu

gouvernementEgyptien, dans le numéro

du 7 février 1891, et quelques détails

ont été publiés par M. Grébaut dans le

même journal, à la date du 23 février.

Cfr. L'Illustration du 4 avril 1891.

Annales, igoo.

(2) G. Daressy, Contributionà l'étude de

la XXI' dynastie, dans la RevueArchéolo-

gique, janvier 1896. — DrFouquet, Note

pour servir à l'histoire de l'embaumement

en Egypte, dans le Bulletin de l'Institut

Egyptien, séance du 6 mars 1896.

10

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14(i

APPENDICE L

PL VA ET COUPE DE LA CACHETTE

DE DEIR EL-BAHARI.

Longueur de la première partie du souterrain 76'"20

Longueur de la première partie de l'escalier 3 60

Longueur totale occupée par l'escalier 5 93

Logueur de la seconde partie de la grande galerie 12

Longueur des chambres 3 85

Longueur de la galerie intérieure 53 90

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APPENDICE IL

DISPOSITION DES CERCUEILS DANS LA CACHETTE(1).

PREMIÈREGALERIE.

68

6766

6564

63

6261

59 60

5852 57

5i 5o 5648 47 55

46 54

45 5343 4g42 44

4o 4i

3g 36 37 38

35 34

33. 3i 32

3o 29 25 26

28 27 23' 21

24 18 19 20

22 i4

17 12 i3

16 i5 9 10

117 86 5

4 32 1

Rangéegauche. Milieu. Rangéedroite.

(Est.) (Ouest.)

I PUITS. |

GALERIEINFÉRIEURE.

121

120 118 11g

117116 n5

n4 112 n3

îsi 110 108 109

107 io5

106 io4 101 102

io3 100

99

97 98

95 96

94

93

91 92

88 89 90

86 87

85 84 82 83

81

78 79 80

77

75 76

74 72 78

71 70 69

Côté gauche. Côtédroit.

(Sud.) (Nord.)

(1) Quand deux numéros sont à côté l'un de l'antre, le second appartient à la momie

qui était placée en dessous.

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GALERIEPRÉCÉDANTLES CHAMBRES.

i3s

128 i3i

127 i3o

12G 129

1a4 125

122 123

Côté gauche. Côlé droit.

(Est.) (Oural.)

PETITE CHAMBRE. GRANDECHAMBRE.

G. DARESSV.