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Formation des fellahs de Tafilalet au Maroc En tant que membre du RADDO (Réseau Associatif du Développement Durable des Oasis), j’ai participé au voyage d’étude organisé par l’ASOC-Chenini, point focal du RADDO en Tunisie en octobre 2014. Lors des différents débats, le coordinateur du RADDO – France a remarqué le niveau de mes connaissances et ma maîtrise de la phoeniciculture. Il m’a confié une série de fiches techniques sur la culture du palmier, élaborées par plusieurs compétences (ingénieurs et praticiens) sous la tutelle du CARI (Centre d’Actions et de Réalisations Internationales - France) pour les passer en revue, les corriger et apporter des améliorations. Chose faite. Après quelques mois, il a sollicité mon concours pour dispenser une formation théorique et pratique à la phoeniciculture en agro- écologie du 16 au 22 avril 2015 aux fellahs du Tafilalet au Maroc. Le palmier, plante providence par le passé, richesse fabuleuse aujourd’hui, socle d’un développement durable pour l’avenir, c’est une aubaine pour les sahariens, je ne peux pas refuser mon aide, j’ai donné mon aval. Arrivé à l’aéroport de Casablanca, j’étais surpris par le nombre important de touristes de 1

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Formation des fellahs de Tafilalet au Maroc

En tant que membre du RADDO (Réseau Associatif du Développement Durable des Oasis), j’ai participé au voyage d’étude organisé par l’ASOC-Chenini, point focal du RADDO en Tunisie en octobre 2014. Lors des différents débats, le coordinateur du RADDO – France a remarqué le niveau de mes connaissances et ma maîtrise de la phoeniciculture. Il m’a confié une série de fiches techniques sur la culture du palmier, élaborées par plusieurs compétences (ingénieurs et praticiens) sous la tutelle du CARI (Centre d’Actions et de Réalisations Internationales - France) pour les passer en revue, les corriger et apporter des améliorations. Chose faite. Après quelques mois, il a sollicité mon concours pour dispenser une formation théorique et pratique à la phoeniciculture en agro-écologie du 16 au 22 avril 2015 aux fellahs du Tafilalet au Maroc. Le palmier, plante providence par le passé, richesse fabuleuse aujourd’hui, socle d’un développement durable pour l’avenir, c’est une aubaine pour les sahariens, je ne peux pas refuser mon aide, j’ai donné mon aval.

Arrivé à l’aéroport de Casablanca, j’étais surpris par le nombre important de touristes de toutes nationalités. En majorité allemandes, beaucoup d’italiens, des français, des anglais, des scandinaves, des arabes du golfe et du Cham, des asiatiques… ils sont plus nombreux que les marocains dans ce lieu de transit. Le Maroc grouille de visiteurs. Marrakech est la plus attractive, plusieurs vols successifs pour la cité almoravide pour qu’un avion décolle pour Fez, Tanger ou une autre destination. Pour ma part, à 23 h 45, j’ai pris l’avion pour me rendre à Errachidïa, chef-lieu de l’iklim du Tafilalet. Le roi est originaire de cette province qui englobe les ruines de l’historique Segelmassa, et le mausolée de Moulai Ali Chérif. C’est aussi le berceau de l’abeille saharienne jaune. Le Tafilalet est de même l’origine de la meilleure datte

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marocaine le « Medjhoul ». C’est une grosse datte, charnue, avec un petit noyau. Demi-molle, couleur miel qui tire vers le marron, luisante et d’un bel aspect, elle est très prisée par les marocains et on l’exporte. Son prix est très élevé, elle se négocie à 150 Dirhams le kg (1.600 DA) sur le marché intérieur et 15 Euros (1.800 DA) pour l’étranger.

Dans cette contrée, j’ai été frappé par beaucoup de paradoxes, entre autres :

- Au Tafilalet, pays du palmier, en avril, on ne trouve pas de dattes à aucun lieu, ni dans les commerces, ni aux souks. Je mange tous les jours chez les fellahs et on ne m’a pas présenté de dattes.

- Une deuxième chose étonnante, dans cette région saharienne, on ne connait pas le blé dur. La galette est toujours faite avec de la farine. Ni couscous, ni mardoud, ni dechicha, ni bsisa, ni rouina, je n’ai pas vu un sac de semoule chez un commerçant.

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- Une troisième bizarrerie, éleveurs de moutons, ils ne consomment que de la viande bovine, tous les bouchers ne vendent que la viande bovine

- Une quatrième singularité, écologique cette fois-ci, les pucerons sont inexistants dans la région, alors que chez nous et partout ailleurs, tous les ans, ils font des ravages aux cultures.

Les gens sont très accueillants. La fraternité entre nos deux peuples est manifeste. Au Maroc, on ne se sent pas étranger, l’hospitalité marocaine, nous fait oublier qu’on vient d’un autre pays. On regrette, de part et d’autre de cette ligne de démarcation héritée du colonisateur et, qui hélas nous sépare, la fermeture de la frontière.

Le Maroc représente, pour tous les peuples du Grand Maghreb, le réservoir de la culture arabo-islamique. L’architecture mauresque est omniprésente. L’infrastructure hôtelière, très répandue, respecte la culture du pays. Les constructions sont faites à base de matériaux locaux : argile, pierres, portes et plafonds à partir du tronc de palmiers, briques pleines à l’ancienne pour le parterre, tapis artisanaux…, ni béton, ni dalle de sol, ni faux plafond italien… l’identité culturelle du pays est préservée.

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Les femmes d’un certain âge, enveloppées d’un léger voile noir, partent le matin travailler aux champs. A midi, elles sont de retour, chacune montée à califourchon sur le devant de son âne, chargé d’un chlif de luzerne, qu’elles ont fauchée pour nourrir les moutons demane.

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Le matin de bonne heure, beaucoup de jeunes à bicyclette, parcourent les sentiers de la ghaba pour accomplir la pollinisation des palmiers. Les deux roues sont le moyen de locomotion populaire. Filles et garçons utilisent ce moyen à leur portée pour rejoindre l’école à la périphérie des agglomérations, le centre-ville étant de propriété privée. Les voitures ne sont pas nombreuses, le carburant coûte cher, le mazout à près de 9 dirhams (100 DA) le litre et l’essence 12 dirhams (130 DA). Les stations-services de toutes marques (Esso – Shell – Africa…) sont la plus part du temps vides.

Au Maroc, la culture du palmier est encore archaïque. En Algérie, on est très en avance sur notre voisin de l’ouest en phoeniciculture. Ceci est dû aux faits suivants :

La France est entrée dans le nord Sahara au milieu du 19ème siècle. Cette période correspond à la fin du petit âge glaciaire qui a duré deux cents ans de 1650 à 1850. A cette époque-là, l’Europe était sous la neige, ce qui a paralysé l’agriculture. Ce continent

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manquait de nourriture. La France se ravitaillait en blé à partir de l’Algérie sous le règne Turque. Cette situation poussait les européens à conquérir les pays chauds. A Laghouat, il faisait relativement froid et humide, les dattes ne murissaient pas. Jean Jacques PERENNES cite dans son livre « Structures Agraires et Décolonisation – Les Oasis de l’Oued Righ », page 41, les statistiques de la palmeraie de Tmacine :

- 350.000 palmiers aux habitants des oasis- 20.000 ‘’ zaouïa Tidjania- 14.000 ‘’ mosquée- 5.000 ‘’ Saïd Ouled Omor- 4.500 ‘’ Ouled Sayeh- 2.000 ‘’ Harazlïa- 2.000 ‘’ Ouled Sidi Atallah- 1.000 ‘’ Arbaa- 500 ‘’ Chaâmba

La palmeraie de Laghouat n’étant pas capable de fournir des dattes pour sa communauté, à cause du froid et de la pluie, les tribus attelant à la cité ont acheté des palmeraies dans les oasis de l’Oued Righ et Ouargla pour assurer le ravitaillement des populations locales, en cet aliment de base.

A cette époque, le climat de Touggourt et Ouargla ressemblait à celui de Laghouat actuellement. La Deglet Nour réussissait très bien. Attirés par ses qualités organoleptiques et son bel aspect, les français ont éprouvé un vif intérêt pour sa culture. On a créé des centres d’expérimentations et de recherches pour maîtriser la culture du palmier. Les algériens ont hérité du colonisateur les techniques culturales modernes en phoeniciculture, ce qui n’est pas le cas pour les marocains. Deux handicaps majeurs s’opposaient à la culture moderne du palmier par les colons au

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Maroc. La première, dans ce pays, il n’y a pas de variété à la mesure de Deglet Nour. Le Medjhoul, bien qu’il soit d’un gros calibre et d’un bel aspect, les qualités gustatives sont loin de valoir celles de Deglet Nour. Le deuxième problème de taille, insoluble jusqu’à présent, c’est le bayoud. Cette terrible maladie vasculaire a détruit des millions de palmiers. Les colons, entrepreneurs agricoles, ne peuvent pas s’aventurer à investir dans des lieux infectés.

C’est ainsi que la culture du palmier au Maroc est restée artisanale, archaïque, peu productive.

Par contre, les ONG européens ont récemment développé des techniques d’élevage du mouton Demane au Maroc. Ils sont arrivés à faire produire 6 à 7 agneaux par brebis et en deux portées par an. Cette très grande performance est inconnue en Algérie. De même, ils sont en avance sur nous dans un deuxième créneau : l’apiculture. De nouvelles méthodes d’élevage sont mises en application et sont bien maitrisées par les fellahs. Ils possèdent l’abeille saharienne jaune et la noire du Tell. L’une convient aux années sèches, l’autre est plus productive les bonnes années. De cette manière, ils assurent une production de miel tous les ans.

Le savoir est la clé de la réussite. Savoir c’est pouvoir.

Laghouat, le 14 mai 2015

M. MOULAI

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