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éditorial, par Laurence Barrère Parce que la poésie n’est pas un long poème d’automne, parce que dans l’éloignement comme dans la proximité, il s’agit d’exister, de faire exister. Parce qu’étonnament je me rends compte que c’est souvent dans le milieu éditorial, ce beau milieu des lettres, que la poésie reste décriée; une ineptie. [Sic] revendique. [Sic] parle d’aliénation. Mois aprés mois nous donnons un espace à de nouvelles bouches, à des bouches présentes.L’exemple ce mois ci avec un poème de Sarah Ouhayar, jeune poète slammeuse à la parole de flamme. Parce qu’il est terrifiant d’approcher ce milieu que l’on nomme les lettres, et de n’y sentir que des sourcils cyniques face à la poésie. Pire : à sa passion, au désir d’écriture qu’elle anime pourtant en chacun de nous. Nous imprimons alors un espace libre, contre les mangeurs d’espace, contre les effaceurs de livres. A l’heure du livre sans chair, à l’heure du livre qui fait vendre, nous choisissons un espace dissident. Un espace où pratiquer la simplicité, et sa passion. L’inverse. Poésie réversible et renversante qui s’achemine entre les sens, entre les papilles. Tantôt célébrant l’autre, tantôt l’inventant, [sic] ne célèbre pas l’état du poète, mais l’espace qu’il rend possible. Et il y a du féminin dans la voix ce mois-ci, vers toujours plus de simplicité. La nature des choses. Avec Clara Janès, Liberté, libertine, libertaire…Liberticide ?, Brigitte Fontaine, par Véronique Jaget Sorcière providentielle d’une époque servile, la reine Brigitte a commis un nouveau crime… de désobéissance civile : « Prohibition ». Magnifique cocktail pour bûcher moyenâgeux, la pyromane de l’âme joue sans fin avec le feu, les sens, et souffle sans répit sur les braises mourantes d’une société asservie. Irradiante, éclaboussante, odieusement vivante, elle nous jette dans l’arène, en proie à nos peurs profondes, nous offrant un aller-retour au sein même de la vie éternelle, vertige ascensionnel assuré, et de sa griffe féline nous repêche in extremis, comme après une bonne farce, nous laissant nous ébrouer tout à la découverte de ce nouvel état. Satellite insaisissable, pop star de l’intemporel, alchimiste du verbe, drapée dans son extravagance, elle dit TOUT, incise chirurgicalement l’émotion, fait de la vulgarité un luxe suprême, nous ramène sans cesse à l’essentiel. La reine Fontaine est toujours là où elle doit être, mais jamais là où on le pense. Son verbe est pur et dur, comme et son Livre d’aliénations, à paraître très prochainement chez Délit éditions, l’aliénation est multiple. L’érotisme infuse. Et parce que la poésie est partout, comme en témoigne l’hommage à Brigitte Fontaine, pyromane de l’âme , dans son dernier album. Nous désaliéner. Nous apprendre à décliner les paniques et les désinences du vide. « Ecrire c’est disposer le langage sous la fascination » écrivait blanchot. C’est encore ce regard dont nous parlions, c’est encore cette faille que nous saisissons. C’est accepter la difficulté du sentiment. [Sic] revendique. [Sic] est libre. Parce qu’il y a des poètes inconnus, parfois comme des couteaux, qui vous sautent à la gorge avec leur poésie, parce qu’existe un espace unique où je puis me lover. Plurielle simplicité, [sic] continue d’éclore, assiste au phénomène du désir, de la création, de l’homme, de la femme : à l’omniprésence de l’aliénation. avis aux auteurs dixit est actuellement à la recherche de manuscrits inédits, ainsi n’hésitez pas à nous faire parvenir vos textes à : [email protected] ou à l’adresse suivante : association dixit 14 Rue Louis Vitet, appt 21, bâtiment E5, 31400 Toulouse, France. Votre envoi vous sera réexpédié s’il est accompagné d’une enveloppe suffisamment affranchie pour le retour. Nous n’assumons aucune responsabilité si un manuscrit est égaré. Livre d’aliénations, Clara Janés, Délit Éditions, 128 p. Traduit de l’espagnol vers le français par Julie Delabarre, avec la collaboration de Solange Hibbs Livre d’Aliénations est un ouvrage de poésie publié en Espagne en 1980 par Editorial Ayuso et qui réunit deux recueils, deux cycles remarquables et saisissants. Dans le premier cycle, Livre d’Aliénations, l’être social est devenu cet être insaisissable ; un modèle d’abandon de soi éloigné de l’être qui lanterne en chacun de nous, de cet être contemporain du soleil, de cet être sans posture ni imposture. Les sentiments de douleur, l’indignation, la révolte, le dépit, l’accusation, sont à chaque fois sauvés par le logos mais font de ce recueil son recueil de l’expérience. Dans le second, Île du suicide, le paysage devient un écho de l’intimité et l’intimité celui du paysage. L’érotisme, venant du feu atavique et commun, occupe le premier plan mais rencontre son chemin précisément dans le thanatos. Le cosmos est au final totalement absorbé par les sentiments de la poétesse qui s’élève dans une ascension mystique contemplant, depuis cette altitude, les contours d’une réalité vide. Le dernier poème est d’une conscience totale. Il indique qu’il n’existe pas d’échappatoire, qu’il n’est pas possible de sortir par les portes peintes. La poétesse espagnole Clara Janés traduite dans de nombreuses langues et grande traductrice des poètes majeurs du xxe siècle tels que les Tchèques Vladimír Holan et Jaroslav Seifert (Prix Nobel de Littérature en 1984), le Portugais António Ramos Rosa, les Iraniens Sohrab Sepehri et Ahmad Shamlou… sera présente au Salon du Livre de Toulouse les 14 et 15 novembre prochains pour une rencontre-lecture autour de son recueil intitulé Livre d’aliénations et de son roman également publié chez Délit Editions, L’Homme d’Aden, qui témoigne de la vaine tentative d’une femme occidentale à vouloir incarner la femme arabe. Plus d’informations sur www.deliteditions.com. l’héroïne qui jadis ravagea son palais, anéantissant ses gardes devenus fous et nous convainc que le paradis n’est surtout pas artificiel, et l’ancre qui coule de sa veine, ne nous laisse aucune issue, sinon de garder les yeux grands ouverts sous peine de les fermer à jamais. La mort aux dents elle croque le vit et féconde chaque seconde, sans complaisance, pas de déchets, tout est consommable, tout sera consommé. La mort qui lui a maintes fois de sa main gantée envoyé des baisers d’effroi, n’a fait qu’aiguiser son talent pour la vie. Et de lame il est question. Elle tranche, elle coupe, elle affûte, elle acère, mais si juste, si précise, si démesurément lucide. Un quart serrée dans ses guêpières de libellules fantasmatiques, la prison de Fontaine, c’est sa liberté. Inconditionnelle. Sans ailes, elle reste enfermée dans le château des âmes errantes et s’éteint, se consume, se désagrège. Mais Areski, compagnon de l’éternel et gardien du palais veille aux grains… De beauté, de folie, de sable et n’a de cesse d’envoûter sa divine païenne de ses mélopées orientales. Sa musique épouse les contours de sa belle, la redéfinit sans cesse, recréé ses frontières afin qu’elle ne se perde. Ces deux là sont comme deux enfants qui jouent et que l’on n’a pas envie de déranger, tant leur intime complicité fait foi. « Prohibition » sonne comme une assignation, une piqûre de rappel, un membre coupé qui nous démange encore et qui gratte, terriblement. Ne pas s’endormir pour ne rien perdre, faire taire les sirènes et VIVRE absolument. agenda exposition DU 15 MAI AU 30 AOÛT : DreamTime - Temps du Rêve, Miguel Barceló / Victoria Klotz / Claude Lévêque / Jean-Luc Parant / Serge Pey - Les Abattoirs (Toulouse) dixit vous propose DU 19 AU 26 JUILLET : dixit sera tous les jours au festival de Lodève (34), Les Voix de la Méditerrannée, et vous propose de les y rejoindre autour d’une lecture ou d’un livre, voire pourquoi pas d’y plonger avec eux les pieds dans l’eau. novembre_2009_n°10 [sic ] c’est gratuit, et ce mois-ci, c’est avec : laurence barrère véronique jaget anthony clément sébastoen lespinasse catherine cardon sarah ouhayar pierre hunout et ismaël direction de publication : matthieu marie-céline pierre hunout association dixit, 14 rue louis vitet, appt 21, bâtimentE5,31400 toulouse,france. tél : 05 61 14 27 01fax : 05 34 32 05 81. dixit, collectif et revue de poésie, est une association à but non- lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901. président : matthieu marie-céline / trésorier : anthony clément / secrétaire : mathias trivès - © dixit tous droits réservés aux auteurs - toulouse - novembre 2009 issn en cours extrait Et de plus les spectres La coexistence humaine vue depuis chaque individu ressemble au coup perpétuel d’une tête contre un mur. Vue d’un vol d’oiseau ce sont tellement de têtes et ce sont tellement de murs… Stay Tybalt, stay ! Arrête-toi, Tybalt !

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éditorial, par Laurence Barrère

Parce que la poésie n’est pas un long poème d’automne, parce que dans l’éloignement comme dans la proximité, il s’agit d’exister, de faire exister. Parce qu’étonnament je me rends compte que c’est souvent dans le milieu éditorial, ce beau milieu des lettres, que la poésie reste décriée; une ineptie. [Sic] revendique. [Sic] parle d’aliénation. Mois aprés mois nous donnons un espace à de nouvelles bouches, à des bouches présentes.L’exemple ce mois ci avec un poème de Sarah Ouhayar, jeune poète slammeuse à la parole de flamme. Parce qu’il est terrifiant d’approcher ce milieu que l’on nomme les lettres, et de n’y sentir que des sourcils cyniques face à la poésie. Pire : à sa passion, au désir d’écriture qu’elle anime pourtant en chacun de nous. Nous imprimons alors un espace libre, contre les mangeurs d’espace, contre les effaceurs de livres. A l’heure du livre sans chair, à l’heure du livre qui fait vendre, nous choisissons un espace dissident. Un espace où pratiquer la simplicité, et sa passion. L’inverse. Poésie réversible et renversante qui s’achemine entre les sens, entre les papilles. Tantôt célébrant l’autre, tantôt l’inventant, [sic] ne célèbre pas l’état du poète, mais l’espace qu’il rend possible. Et il y a du féminin dans la voix ce mois-ci, vers toujours plus de simplicité. La nature des choses. Avec Clara Janès,

Liberté, libertine, libertaire…Liberticide ?,Brigitte Fontaine,par Véronique Jaget

Sorcière providentielle d’une époque servile, la reine Brigitte a commis un nouveau crime… de désobéissance civile : « Prohibition ». Magnifique cocktail pour bûcher moyenâgeux, la pyromane de l’âme joue sans fin avec le feu, les sens, et souffle sans répit sur les braises mourantes d’une société asservie.Irradiante, éclaboussante, odieusement vivante, elle nous jette dans l’arène, en proie à nos peurs profondes, nous offrant un aller-retour au sein même de la vie éternelle, vertige ascensionnel assuré, et de sa griffe féline nous repêche in extremis, comme après une bonne farce, nous laissant nous ébrouer tout à la découverte de ce nouvel état.

Satellite insaisissable, pop star de l’intemporel, alchimiste du verbe, drapée dans son extravagance, elle dit TOUT, incise chirurgicalement l’émotion, fait de la vulgarité un luxe suprême, nous ramène sans cesse

à l’essentiel. La reine Fontaine est toujours là où elle doit être, mais jamais là où on le pense. Son verbe est pur et dur, comme

et son Livre d’aliénations, à paraître très prochainement chez Délit éditions, l’aliénation est multiple. L’érotisme infuse. Et parce que la poésie est partout, comme en témoigne l’hommage à Brigitte Fontaine, pyromane de l’âme , dans son dernier album. Nous désaliéner. Nous apprendre à décliner les paniques et les désinences du vide.« Ecrire c’est disposer le langage sous la fascination » écrivait blanchot. C’est encore ce regard dont nous parlions, c’est encore cette faille que nous saisissons. C’est accepter la difficulté du sentiment. [Sic] revendique. [Sic] est libre. Parce qu’il y a des poètes inconnus, parfois comme des couteaux, qui vous sautent à la gorge avec leur poésie, parce qu’existe un espace unique où je puis me lover. Plurielle simplicité, [sic] continue d’éclore, assiste au phénomène du désir, de la création, de l’homme, de la femme : à l’omniprésence de l’aliénation.

avis aux auteursdixit est actuellement à la recherche de manuscrits inédits, ainsi n’hésitez pas à nous faire parvenir vos textes à :

[email protected]

ou à l’adresse suivante :association dixit

14 Rue Louis Vitet, appt 21, bâtiment E5, 31400 Toulouse, France.Votre envoi vous sera réexpédié s’il est accompagné d’une enveloppe suffisamment affranchie pour le

retour. Nous n’assumons aucune responsabilité si un manuscrit est égaré.

Livre d’aliénations, Clara Janés, Délit Éditions, 128 p.Traduit de l’espagnol vers le français par Julie Delabarre, avec la collaboration de Solange Hibbs

Livre d’Aliénations est un ouvrage de poésie publié en Espagne en 1980 par Editorial Ayuso et qui réunit deux recueils, deux cycles remarquables et saisissants. Dans le premier cycle, Livre d’Aliénations, l’être social est devenu cet être insaisissable ; un modèle d’abandon de soi éloigné de l’être qui lanterne en chacun de nous, de cet être contemporain du soleil, de cet être sans posture ni imposture. Les sentiments de douleur, l’indignation, la révolte, le dépit, l’accusation, sont à chaque fois sauvés par le logos mais font de ce recueil son recueil de l’expérience.Dans le second, Île du suicide, le paysage devient un écho de l’intimité et l’intimité celui du paysage. L’érotisme, venant du feu atavique et commun, occupe le premier plan mais rencontre son chemin précisément dans le thanatos. Le cosmos est au final totalement absorbé par les sentiments de la poétesse qui s’élève dans une ascension mystique contemplant, depuis cette altitude, les contours d’une réalité vide. Le dernier poème est d’une conscience totale. Il indique qu’il n’existe pas d’échappatoire, qu’il n’est pas possible de sortir par les portes peintes.

La poétesse espagnole Clara Janés traduite dans de nombreuses langues et grande traductrice des poètes majeurs du xxe siècle tels que les Tchèques Vladimír Holan et Jaroslav Seifert (Prix Nobel de Littérature en 1984), le Portugais António Ramos Rosa, les Iraniens Sohrab Sepehri et Ahmad Shamlou… sera présente au Salon du Livre de Toulouse les 14 et 15 novembre prochains pour une rencontre-lecture autour de son recueil intitulé Livre d’aliénations et de son roman également publié chez Délit Editions, L’Homme d’Aden, qui témoigne de la vaine tentative d’une femme occidentale à vouloir incarner la femme arabe.

Plus d’informations sur www.deliteditions.com.

l’héroïne qui jadis ravagea son palais, anéantissant ses gardes devenus fous et nous convainc que le paradis n’est surtout pas artificiel, et l’ancre qui coule de sa veine, ne nous laisse aucune issue, sinon de garder les yeux grands ouverts sous peine de les fermer à jamais.La mort aux dents elle croque le vit et féconde chaque seconde, sans complaisance, pas de déchets, tout est consommable, tout sera consommé. La mort qui lui a maintes fois de sa main gantée envoyé des baisers d’effroi, n’a fait qu’aiguiser son talent pour la vie. Et de lame il est question. Elle tranche, elle coupe, elle affûte, elle acère, mais si juste, si précise, si démesurément lucide.

Un quart serrée dans ses guêpières de libellules fantasmatiques, la prison de Fontaine, c’est sa liberté. Inconditionnelle. Sans ailes, elle reste enfermée dans le château des âmes errantes et s’éteint, se consume, se désagrège.Mais Areski, compagnon de l’éternel et gardien du palais veille aux grains…De beauté, de folie, de sable et n’a de cesse d’envoûter sa divine païenne de ses mélopées orientales. Sa musique épouse les contours de sa belle, la redéfinit sans cesse, recréé ses frontières afin qu’elle ne se perde. Ces deux là sont comme deux enfants qui jouent et que l’on n’a pas envie de déranger, tant leur intime complicité fait foi. « Prohibition » sonne comme une assignation, une piqûre de rappel, un membre coupé qui nous démange encore et qui gratte, terriblement. Ne

pas s’endormir pour ne rien perdre, faire taire les sirènes et VIVRE absolument.

agenda

expositiondu 15 mai au 30 août : DreamTime - Temps du Rêve, Miguel Barceló / Victoria Klotz / Claude Lévêque / Jean-Luc Parant / Serge Pey - Les Abattoirs (Toulouse)

dixit vous proposedu 19 au 26 juillet : dixit sera tous les jours au festival de Lodève (34), Les Voix de la Méditerrannée, et vous propose de les y rejoindre autour d’une lecture ou d’un livre, voire pourquoi pas d’y plonger avec eux les pieds dans l’eau.

novembre_2009_n°10

[sic] c’est gratuit, et ce mois-ci, c’est avec :

laurence barrèrevéronique jaget

anthony clémentsébastoen lespinasse

catherine cardonsarah ouhayarpierre hunout

et ismaël

direction de publication :matthieu marie-céline

pierre hunout

association dixit, 14 rue louis vitet, appt 21,

bâtiment E5, 31400 toulouse, france. tél : 05 61 14 27 01 fax : 05 34 32 05 81. dixit, collectif et revue de poésie, est une association à but non-lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901.président : matthieu marie-céline / trésorier : anthony clément / secrétaire : mathias trivès - © dixit tous droits réservés aux auteurs - toulouse - novembre 2009 iss

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extrait

Et de plus les spectres

La coexistence humainevue depuis chaque individuressemble au coup perpétueld’une tête contre un mur.

Vue d’un vol d’oiseauce sont tellement de têteset ce sont tellement de murs…

Stay Tybalt, stay !Arrête-toi, Tybalt !

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Catherine Cardon

pouvoir malgré la raréfaction des signes et l’érosion qui ronge jusqu’au cœur d’un réel naufragé pouvoir dans la pâte opaque du devenirrejaillie d’aube obstinémentpouvoiragir lumineusement

toutes mes paroles dans ma tête de me les présenter comme des objets je cherchais à me voir et je me voyais bien empêtrée encore maintenant qui se prolonge de mes ressassements incessants de cette coupure qui persiste de cette parole du dedans qui parle sans mon souffle qui me regarde comme si je n’étais pas moi je ne suis pas moi enfilade de murs à travers lesquels je marche arrêté enfilades de réponses sans questions enfilade de masques où je touche ma peau sans mes doigts je sentais peut-être parfois mon souffle se cristalliser en buée sur cette mince paroi vapeur évanescente qui ne tarderait pas à disparaître en tout cela je me sentais

je me sens très seule

libres-paroles

Sébastien Lespinasse

Ce poème, écrit en septembre 2008, a servi de ligne d’errance pour un montage sonore « intérieur-nuit » qui a été projeté en décembre 2008 à la Maison de l’Architecture à Toulouse.

( coupures, seules:ensemble )

je cherchais la bonne manière de me sentir vivante refaire le contact avec ma faim mon désir mon sommeil mes territoires sentir que je suis en vie je cherchais et plus je cherchais plus je me sentais coupée consciente séparée de toute action de toute pensée véritables soucieuse d’observer mes états

la page de tunis par ismaël

pour Z.

Enlever le jour, sur soi. Cacher le soleil dans un puits. L’ensabler de pier-res. S’allonger. Face à l’autre. Entre un homme et une femme. La nuit coule, les yeux fermés. Pudique, face à leurs nudités. Leurs corps. Leurs corps. De tremblements, et d’étonnements. Qui aurait pu imaginer. Qu’un sein pouvait tenir dans une main. Q’un sexe pouvait tenir dans une bou-che. ? . Comme l’eau qui tient dans l’argile. Par miracle.Non.Par désir.D’habiter sa propre soif. Marginale.Cette nuit-là. Tu as habité ta soif en moi. Tu as dormi. Sous ma langue sèche et chaude. Tu m’as traversé. Un invisible traverse l’écorce d’un arbre. Je ne pouvais te voir. Sauf, sentir, ta matière, en mue. Dans l’ombre. Ombre de chair. De terre. Soluble. Friable. Quand la fièvre se lève du corps. Quand elle se lève. Et qu’elle te traverse.

Sarah Ouhayar

j’ai perdu les eaux et tarde a mettre basl’accouchement est longdouloureux je crispepoings et paupières je force les portes d’un sanctuaireresté trop longtemps ferméhurle à cette mortqui ne veut pas sortir de moihurle à cette mort

de se couper elle même le cordonhurle à cette mortque j’ai trop longtemps nourrishurle a cette mortde ne jamais revenirhurle à cettemère que là s’achèveque làs’achève la tyrannie

Invisible.Traversant la mémoire rocailleuse d’une montagne. Aux côtés d’une

fourmi. Perdue.Tu n’as allumé, aucun feu. Pour te réchauffer. Tu n’as partagé aucun pain avec hier. Ou la parole. En deuil. Il n’y eût pas de musique de mélodie. Pour la forêt. De chênes. D’eucalyptus. De pins… Tu t’es endormie. Depuis ma bouche. Jusqu’à mon oubli. Puis tu t’es levée de mon corps. Et tu es partie.En emportant.Le rêve que tu avais fait en moi.…Je ne me rappelle. Rien. De toi. Même lorsque je regarde l’étoile. Pousser son dernier souffle.

Un dimanche à midi.

les lieux de notre lutte où désigner des zones de liberté, où éclaircir la poésie contemporaine sont multiples. Retrouvez [sic] et toute l’actualité de dixit sur le blog de l’association :

http://collectifdixit.blogspot.com

L’Erreur est poèmepar Pierre Hunout

Il devrait toujours être temps de se dire les choses, dénouer les nœuds des cordes et profiter des fenêtres avant que l’on ne nous les ferme. Ecrire un poème, c’est parler et laisser un libre état de l’amour, le regard amoureux. Dire, parler, qui jamais n’est le contraire de (se) taire ; à l’autre bout du paradigme, on ne se situe pas face au silence ou à l’omission, mais devant un voilement, un renoncement, un bandeau sur les yeux.

Le poème surgit d’un refus, parfois de parler, toujours de se contraindre à l’obscurité et aux lois comptables d’une vérité énoncée comme absolue – l’évidence de corps retourné, où tout débute, où une brèche pour y lancer un aveu en secret : le poème n’est pas un songe dans lequel faire tenir toute la réalité, il n’est pas temple ; préférons-le rêve comme il traverse et nous laisse derrière lui, seul et contre soi, avec l’autre, au quotidien. Ou : pas une vie rêvée mais vivre car rêver, pas de siège pour l’idéal, juste une abrupte marche à pied.

Aujourd’hui, l’évidence de ce corps retourné, je voudrais la faire mienne, lui apprendre la chanson qui passe les miroirs,

qu’elle m’enseigne enfin à voir ce que je suis déjà ; vivre le heurt, autrui. Aujourd’hui, de quel intérêt ce poème où le regard ne s’est pas tourné en dedans pour s’agrandir en dehors, ne s’est tourné que vers soi-même, rien de plus, de quel intérêt un poème-ombilic qui ne se penche que vers son propre ventre, à quoi rime ce poème-adolescence ? Aujourd’hui, une certaine idée de cette poésie a fait sa place jusqu’au sein de notre petite entreprise, s’est dissolue entre nous par rejet de la faute sur l’autre, sans que nous n’arrivions à comprendre que son erreur était également la nôtre. Aujourd’hui, nous sommes plusieurs à nous être tournés le dos, nous avons choisi l’écart puisqu’ayant laissé tomber un voile sur nos yeux, nous avons même des fourches dans la bouche et des nœuds dans la gorge. Nous avons divergé et assombri nos poèmes là où nous parlions pourtant d’éclaircies car nous avons pris pour autre celui qui finalement n’était que notre semblable, oubliant l’autre encore.

Demain, nous nous serons laissés de côté et dans le noir, nous ne marcherons qu’à peine, nous clopinerons. C’est que nous aurons cessé de refuser et nous serons contraints à cette suffisance.