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Droit Civil Article 1843-4 : des réponses… et des questions ! Par Bruno CAVALIÉ La notion de créancier professionnel dans le droit du cautionnement Par Olivier GOUT Pouvoirs du curateur sur la désignation bénéficiaire du contrat d’assurance-vie Par Michel LEROY ÉTUDE La responsabilité de l’expert de justice Par Jacques HUREAU et Patrick de FONTBRESSIN 66 REVUE LAMY D É C E M B R E 2 0 0 9

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Article 1843-4 : des réponses…et des questions !Par Bruno CAVALIÉ

La notion de créancier professionneldans le droit du cautionnementPar Olivier GOUT

Pouvoirs du curateur sur la désignation bénéficiairedu contrat d’assurance-viePar Michel LEROY

ÉTUDE

La responsabilitéde l’expert de justicePar Jacques HUREAU et Patrick de FONTBRESSIN

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R E V U E L A M Y

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18 RUE DU CHERCHE-MIDI 75006 PARIS Tél 01 49 54 75 75 Fax 01 49 54 75 76

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DIJON 03 80 30 84 85LILLE 03 20 53 31 25LYON 04 78 37 87 64

MARSEILLE 04 91 54 79 99MONTPELLIER 04 67 22 41 34

NANCY 03 83 32 26 82NANTES 02 40 69 60 60

PAU 05 59 92 86 69

POITIERS 05 49 88 88 75RENNES 02 99 78 39 78ROUEN 02 35 71 21 88

STRASBOURG 03 88 22 24 02TOULOUSE 05 61 23 40 66

1830 1840 1860 1880 1900 1920 1940 1960 1970 1980 1990 2007 2030

RECHERCHE D’HÉRITIERSEN FRANCE ET DANS LE MONDE

200 millions de fiches d’état civil

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éditorial

Même si elles relèvent du droit privé, les ventes de terrains entre communes et particuliers soulèventrégulièrement des problèmes de formation. Il est vrai que la personne publique s’y retrouve, qu’elle soitvenderesse ou acheteuse, dans une position souvent délicate, où peuvent se croiser préoccupationsfinancières, politiques d’urbanisme ou encore projets sociaux. On se souvient ainsi d’un arrêt (Cass. 3e civ.,27 mars 1991, n° 89-16.975, Bull. civ. III, n° 108), où une société avait acquis un terrain pour y édifier un centre commercial, puis l’avait revendu à prix quasiment coûtant, après son classement en zone agricole, à une commune qui le rétrocéda quatre fois plus cher après l’achèvement d’une procédure de révision du plan d’occupation des sols (POS)! Ce qui n’avait pas ému les juges du fond mais, en revanche, avaitirrité la Cour de cassation, pour laquelle, «en statuant ainsi, sans rechercher si la réticence de la commune

à informer la SASM du déclenchement de la révision du POS, qui était de nature à conférer une plus-value

aux terrains mis en vente et dont le changement de classement avait été sollicité, ne constituait pas

un manquement à la bonne foi, la cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision».

Or voici que cette même troisième chambre civile vient de connaître de deux nouvelles questions desplus intéressantes. Dans une première affaire (Cass. 3e civ., 17 juin 2009, n° 08-15.055, D. 2009, p. 2588,note Chantepie G.), la commune avait vendu, le 25 janvier 2000, une parcelle de 4451 m2 dans une zone

où, pour être constructible, sa surface aurait dû atteindre 10000 m2.Seulement, le POS révisé, approuvé seulement un mois avant cette vente,fut ensuite annulé par le juge administratif, de sorte que retrouva effet l’ancien plan qui fixait, quant à lui, la superficie minimale pour la constructibilité d’une parcelle à 4000 m2! La commune plaida donc la lésion, mais sans succès puisque, pour la Cour de cassation,

«la rétroactivité est sans incidence sur la lésion qui s’apprécie au moment de la conclusion du contrat». Bref, la rétroactivité ne rétroagit financièrement pas!

Dans une seconde affaire (Cass. 3e civ., 23 sept. 2009, n° 08-18.187, RLDC 2009/65, n° 3596), unecommune avait vendu à un couple un lot de 999 m2 au prix de 42685 euros. Or l’acte de vente renfermaitune clause prévoyant que, pour les vingt ans à venir, le rachat du terrain devrait être proposé à la communeavant toute revente à un tiers, et ajoutant que le prix de revente du terrain nu ne pourrait alors excéder le prixd’acquisition initial, réactualisé en fonction de l’indice INSEE du coût de la construction, et que le prix du terrain avec construction serait, pour sa part, égal au prix de vente du terrain nu majoré du prix de revientde la construction, évalué par expert. Or, trois ans plus tard, les acquéreurs signaient un compromis de reventede leur terrain au prix de 120000 euros. La commune pouvait-elle leur objecter le pacte initial et sa clause de stabilité du prix de rachat? Naturellement, le couple le contesta, au nom du droit de propriété, mais sanssuccès: «ayant relevé que la stipulation avait été librement convenue, qu’elle avait pour but, en fixant d’ores

et déjà un prix, institué pour une durée de vingt ans, d’empêcher la spéculation sur le bien dans un contexte

marqué par la rareté de l’offre et le “décrochage” des possibilités financières de la plupart des ménages

par rapport à l’envolée des prix de l’immobilier, et que M. X et Mme Y avaient bénéficié en contrepartie

de son acceptation de la possibilité d’accéder à un marché protégé de la spéculation immobilière, la cour d’appel,

qui a retenu à bon droit que les modalités stipulées, notamment quant à la durée de validité de la clause,

n’étaient pas, au regard de la nature et de l’objet de l’opération réalisée, constitutives d’une atteinte au droit

de propriété, en a exactement déduit que la demande en nullité devait être rejetée».

Ce qui revient à dire, de manière à notre connaissance inédite, qu’exceptionnellement, et par exemple dans un contexte social de lutte contre la spéculation immobilière, un pacte peut dès le départ arrêter le prix d’exercice de la préférence. Et donc, très concrètement, interdire au propriétaire de faire valoir auprès du bénéficiaire le prix d’achat que lui proposerait ultérieurement un tiers. Solution qui, on l’avouera, n’est pas commune… mais peut être, dans bien d’autres cas, particulièrement intéressante! À suivre… ◆

Regard civiliste sur le financementdes collectivités locales

Un pacte peut dès le départarrêter le prix d’exercice

de la préférence

Jacques MESTREDoyen honoraire

de la Faculté de droit d’Aix-Marseille, Directeurscientifique de la Revue

Lamy droit civil

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sommaireS

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E > Président Jacques MestreDoyen honoraire de la Facultéde droit d’Aix-Marseille

> Laurent AynèsProfesseur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

> Bernard BeignierDoyen de la Faculté de droit de l’Université des sciences socialesde Toulouse

> Philippe BrunProfesseur à l’Université de Savoie

> Rémy CabrillacProfesseur à la Faculté de droit de Montpellier

> Bruno CamilleAvocat à la Cour de Toulouse

> Pierre CrocqProfesseur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

> Françoise Dekeuwer-DéfossezAgrégée des Facultés de droit,Professeur à la Faculté libre de droitde Lille

> Philippe DelebecqueProfesseur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

> Bertrand FagesProfesseur à l’Université Panthéon- Sorbonne (Paris I)

> Michel GirayNotaire à Paris

> Jean-Pierre GridelConseiller à la Cour de cassation

> Hervé LécuyerProfesseur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

> Denis MazeaudProfesseur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

> Philippe PierreProfesseur à l’Université de Rennes 1

Éditée par WOLTERS KLUWER FRANCESAS au capital de 300 000 000 €Siège social : 1, rue Eugène et Armand Peugeot 92856 Rueil-Malmaison cedexRCS Nanterre 480 081 306Associé unique : Holding Wolters Kluwer FranceDirecteur de la publication, Président DirecteurGénéral de Wolters Kluwer France : Xavier GandillotDirecteur scientifique : Jacques Mestre Rédacteur en chef : Gaëlle Marraud des Grottes (01 76 73 38 79) – [email protected]éro réalisé sous la responsabilité de VéroniqueMaugeri (01 76 73 37 17) – [email protected]édacteurs en chef adjoints : Élodie Pouliquen,Actualités du droit des personnes et de la famille et actualités du droit des régimes matrimoniaux,successions et libéralités (01 76 73 37 11) et VéroniqueMaugeri, Actualités du droit du contrat (01 76 73 37 17)Responsable PAO et assistante d’édition : Florence MamelinImprimerie : Delcambre, Avenue des Deux-Lacs,BP 389, 91959 Courtabœuf cedexNº Commission paritaire : 0209 T 84333Dépôt légal : à parution N° ISSN : 1768-4099Abonnement annuel : 485 € HT (TVA 2,10 %), 495,19 € TTC Prix au numéro : 45 € HT (TVA 2,10 %), 45,95 € TTC Périodicité mensuelleInformation et commande : Tél. : 0 825 08 08 00 Fax : 01 76 73 48 09 - [email protected]

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Droit CivilDroit CivilR E V U E L A M Y

Cette revue peut être référencée de la manièresuivante : RLDC 2009/66, n° 3632 (année/n° dela revue, n° du commentaire)

Perspectives

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53

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43

Actualités

Ce numéro est accompagné d’un encart publicitaire

La Revue Lamy Droit Civil actualise, dans sa première partie «Actualités », les cinq ouvrages de la Collection Lamy Droit civil : le Lamy Droit du contrat, le Lamy Droit de la responsabilité, le Lamy Droit des sûretés, le Lamy Droit des personnes et de la familleet le Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités.

ÉTUDES

53 > De la conversion en euros d’une dette libellée en monnaieétrangèrePar Gérard CHABOT

57 > La responsabilitéde l’expert de justicePar Jacques HUREAU et Patrick de FONTBRESSIN

Rétrospective63 > Table annuelle des Éclairages, Études,

Chroniques, Entretiens et Tribunes

ContratÉCLAIRAGE

7 > Article 1843-4: des réponses… et des questions!Par Bruno CAVALIÉ

ACTUALITÉS DU DROIT DU CONTRAT

11 > Un contrat, même verbal, fait échec à l’enrichissement sans cause

12 > Le prêt et le cautionnement:l’exécution du premier et la nullité du second

12 > Le vendeur qui affirme n’a pasforcément tort!

ResponsabilitéÉCLAIRAGE

15 > Recours des tiers payeurset prestations forfaitaires: la Courde cassation réécrit-elle la loi?Par Christophe QUÉZEL-AMBRUNAZ

ACTUALITÉS DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ

19 > Vaccination anti-hépatite B: rupture ou continuité jurisprudentielle?

23 > Application immédiate du dispositifanti-Perruche: il faut savoir renoncerà renoncer!

SûretésÉCLAIRAGE

24 > La notion de créancierprofessionnel dans le droitdu cautionnementPar Olivier GOUT

ACTUALITÉS DU DROIT DES SÛRETÉS

28 > La notion de perte de chance s’invitedans le régime du devoir de mise en garde

31 > Deux actions distinctes pour le réservataire sinon rien!

Personnes et familleÉCLAIRAGE

33 > Pouvoirs du curateur sur la désignation bénéficiaire du contrat d’assurance-viePar Michel LEROY

ACTUALITÉS DU DROIT DES PERSONNES ET DE LA FAMILLE

37 > Insémination post mortem : le juge ne fait qu’appliquer la loi

39 > Fixation de la prestationcompensatoire: quelles ressourcesprendre en compte?

Régimes matrimoniaux,successions et libéralités

ÉCLAIRAGE

43 > Reconstitution de la dateet absence de signaturedu testament olographe : la position de la Cour de cassationPar Rodolphe MESA

ACTUALITÉS DU DROIT DES RÉGIMESMATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉS

48 > La méthode de calcul du profitsubsistant est impérative

49 > Successions: des modalités de déclaration simplifiées

51 > Contrat d’assurance-vieet donation déguisée

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Les numéros renvoient aux articles de la Revue Lamy Droit Civil. Les numéros renvoient aux articles de la Revue Lamy Droit Civil.

Nomenclature des arrêts de la Cour de cassationD : arrêt diffusé - P : arrêt publié au bulletin mensuel - B ou F : arrêt publié au bulletin d’information - R : arrêt mentionné dans le rapport annuel - I : arrêt publié sur le site internet

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ACTU

ALITÉSIN

DEX

Index thématique des arrêts et textes commentés

CONTRAT RLDCÉclairagePACTE SOCIAL, EXPERT, ARTICLE 1843-4 DU CODE CIVIL

CA Versailles, 10 sept. 2009, n° RG : 08/06170, X c/ SAS Industries et finances partenaires 3632

Phase de conclusionENTREPRISE, DÉPÔT, GARAGE, ACCESSOIRE

Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-20.048, P+B 3633

CONTRAT VERBAL, ENRICHISSEMENT SANS CAUSE

Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-16.497, P+B+I 3634

Objectif de validitéPRÊT, CAUSE, PREUVE, RECONNAISSANCE DE DETTES

Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-14.625, P+B 3635

EXCEPTION DE NULLITÉ, PRÊT, CAUTIONNEMENT

Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-15.126, P+B 3636

Loi contractuelleVENTE, OBLIGATION DU VENDEUR, AMIANTE, DIAGNOSTIC

Cass. 3e civ., 23 sept. 2009, n° 08-13.373, P+B+R+I 3637

Lien contractuelCESSION TOTALE D’ACTIFS, REPRISE DE CONTRAT, RÉSILIATION

Cass. com., 6 oct. 2009, n° 07-15.325, P+B 3638

RESPONSABILITÉ RLDCÉclairageACCIDENT DU TRAVAIL, RENTES, RÈGLES D’IMPUTATION

Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-17.581, P+B+R+I ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.768, P+B+R+I ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-16.089, P+B+R+I ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.816, P+B+R+I ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-11.853, P+B+R+I 3639

Droit commun de la responsabilité civileHÉPATITE B, PREUVE, CAUSALITÉ, PRÉSOMPTIONS, APPRÉCIATION

Cass. 1re civ., 24 sept. 2009, n° 08-16.097, P+B 3640

Régimes spéciauxACCIDENT DE LA CIRCULATION, VICTIME, CONDUCTEUR, ÉJECTION

Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, nos 08-16.915 et 08-16.943, P+B 3641

TROUBLES ANORMAUX, VOISINAGE, RÉSILIATION, BAIL, CAUSALITÉ

Cass. 3e civ., 14 oct. 2009, n° 08-16.955, P+B ; Cass. 3e civ., 14 oct. 2009, n° 08-12.744, P+B 3642

AMIANTE, INDEMNISATION, RENTES, RÈGLES D’IMPUTATION

Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, n° 08-17.884, P+B 3643

HÉPATITE C, PRÉJUDICE SPÉCIFIQUE DE CONTAMINATION

Cass. 2e civ., 24 sept. 2009, n° 08-17.241, P+B 3644

Responsabilités professionnellesLOI ANTI-PERRUCHE, PRÉJUDICE DE L’ENFANT, RENONCIATION

Cass. 2e civ., 15 oct. 2009, n° 07-20.129, P+B 3645

SÛRETÉS RLDCÉclairageCAUTIONNEMENT, NOTION DE CRÉANCIER PROFESSIONNEL

Cass. 1re civ., 25 juin 2009, n° 07-21.506, P+B ; Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-15.910, P+B 3646

Sûretés personnellesCAUTION, DEVOIR DE MISE EN GARDE, PERTE D’UNE CHANCE

Cass. com., 20 oct. 2009, n° 08-20.274, P+B 3647

Sûretés réellesHYPOTHÈQUE, BAIL EMPHYTÉOTIQUE, EXTINCTION PAR VOIE PRINCIPALE

Cass. 3e civ., 7 oct. 2009, n° 08-14.962, P+B 3648

HYPOTHÈQUE JUDICIAIRE, PUBLICITÉ PROVISOIRE, RESPONSABILITÉ

Cass. 3e civ., 21 oct. 2009, n° 08-12.687, P+B 3649

CLAUSE DE RÉSERVE DE PROPRIÉTÉ, ACTION PERSONNELLE EN PAIEMENT

Cass. com., 6 oct. 2009, n° 08-15.048, P+B 3650

PERSONNES ET FAMILLE RLDCÉclairageASSURANCE-VIE, CURATEUR, POUVOIRS

Cass. 2e civ., 8 juill. 2009, n° 07-18.522, P+B 3651

Personnes physiquesEMBRYON, TRANSFERT POST MORTEM, NON

TGI Rennes, ord. réf., 15 oct. 2009, n° RG : 09/00588 3652

NOM, CONFUSION, PROTECTION

Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-10.045, P+B 3653

CouplesDIVORCES, DEMANDES, PROCÉDURE

Cass. 1re civ., 28 oct. 2009, n° 08-18.488, P+B+I 3654

PRESTATION COMPENSATOIRE, FIXATION, ÉLÉMENTS PRIS EN COMPTE

Cass. 1re civ., 28 oct. 2009, n° 08-17.609, P+B+I 3655

EnfantNÉ “SOUS X”, GRANDS-PARENTS, FILIATION, ÉTABLISSEMENT, OUI

TGI Angers, ord. réf., 8 oct. 2009, n° RG : 09/568 3656

RÉGIMES RLDCMATRIMONIAUX,SUCCESSIONSET LIBÉRALITÉS

ÉclairageTESTAMENT, DATE, SIGNATURE, RÉGULARISATION

Cass. 1re civ., 8 avr. 2009, n° 08-12.217, D ; Cass. 1re civ., 17 juin 2009, n° 08-12.896, P+B 3657

Régimes matrimoniauxPROFIT SUBSISTANT, CALCUL, MÉTHODE

Cass. 1re civ., 28 oct. 2009, n° 08-13.540, D 3658

SuccessionsSUCCESSIONS, DÉCLARATIONS, MODALITÉS

D. n° 2009-1366, 9 nov. 2009, JO 10 nov. 2009 ; Arr. 9 nov. 2009, NOR : JUSC0918603A, JO 10 nov. 2009 3659

LibéralitésCHARGES FONCIÈRES, DÉDUCTION, NUS-PROPRIÉTAIRES

Instr. 16 oct. 2009, BOI 5 B-27-09 3660

ASSURANCE-VIE, ALÉA, DONATION DÉGUISÉE, NON

Cass. 2e civ., 22 oct. 2009, n° 08-17.793, D 3661

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L’intensité de ce débat, excellemment résumétout récemment par Alain Couret (Couret A.,La liberté du tiers-estimateur désigné au titrede l’article 1843-4, Bull. Joly Sociétés 2009,p. 728), démontre s’il en était besoin que

les enjeux économiques sous-jacents en la matière sont toutsimplement considérables.On sait qu’aux termes de l’article 1843-4 du Code civil, danstous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d’unassocié ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de cesdroits est déterminée, en cas de contestation, par un expertdésigné par les parties ou, à défaut d’accord entre elles, parordonnance du président du tribunal.Plusieurs séries de questions se posent à la lecture de cesquelques lignes:• «dans tous les cas où sont prévus (…)» : par qui? S’agit-ildes seuls cas prévus par la loi? Des cas prévus par une conven-tion? Et dans ce cas faut-il distinguer la convention statutairedu pacte extrastatutaire?• «en cas de contestation» : suffit-il que les parties soient endésaccord au moment de l’exécution de la cession, indépen-damment du contenu de leur convention, ou faut-il constaterl’absence de clause de valorisation ou encore l’impossibilitéde l’appliquer?• «la valeur de ces droits est déterminée par un expert» : la démarche de celui-ci peut-elle être encadrée, voire imposée,par la convention des parties? Faut-il répondre différemmentà cette question selon que l’on est dans un cas de cessionprévu par la loi ou dans un autre cas?Jusqu’en 2007, il était majoritairement admis que cette disposition d’ordre public s’appliquait sans alternative possibleaux seuls cas de cession prévus par la loi.Cette interprétation du Code civil a cependant paru remise encause par une série d’arrêts, émanant de la Cour de cassation etde la cour d’appel de Paris. Les deux premiers de ces arrêts (Cass. com., 4 déc. 2007, n° 06-13.912, Bull. civ. IV, n°258; Cass. com., 4 déc. 2007, n° 06-13.913) avaient suscité des interrogations à raison de la généralité des termes employés parles juges, mais nombre de commentateurs avaient fait observerqu’ils tranchaient des situations particulières (droits de retrait pourjustes motifs à l’encontre de sociétés civiles, qui plus est dans unmontage contractuel très spécifique; v.CavaliéB., D.2009, p.1264),non transposables aux situations des pactes extrastatutaires.

Un arrêt rendu le 9 décembre 2008 par la cour d’appel de Paris a marqué une nouvelle étape (CA Paris, 9 déc. 2008, n° RG: 07/20084, Société civile des Mousquetaires; v. Cavalié B., précité). En l’espèce, les statuts d’une société civile à capital variable contenaient une clause d’exclusion, assortie d’une clausede valorisation des titres. Sur contestation d’un associé exclu, la cour a jugé qu’en vertu des dispositions impératives de l’ar-ticle 1843-4 du Code civil, l’expert pouvait déterminer lui-même,selon les critères qu’il estimait appropriés à l’espèce, autrementdit sans être lié par la convention ou les directives des parties, la valeur des droits sociaux litigieux. Encore faut-il souligner qu’enl’espèce, la cession procédait d’une clause d’exclusion. Mais lesjuges d’appel ne semblent pas avoir fait de cette qualification une condition de la solution ainsi retenue. Nul ne peut donc exclure qu’aux yeux de la cour d’appel de Paris, la supériorité de l’article 1843-4 s’applique aussi aux cessions classiques.Enfin, le 5 mai dernier, la Chambre commerciale de la Courde cassation, dans un arrêt qu’elle a assorti de la diffusion laplus large qui soit (Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, Bull.civ. IV, n° 61), a confirmé la tendance en affirmant, cette fois-ci de façon très nette, que «seul l’expert détermine les critèresqu’il juge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits,parmi lesquels peuvent figurer ceux prévus par les statuts».Autrement dit, l’expert peut, mais ne doit pas nécessairement,faire application de la formule de valorisation voulue par lesparties.C’est dans ce contexte qu’est intervenu l’arrêt ici commenté,aux termes duquel «(...) l’article 1843-4 n’est applicable quelorsque la cession des parts sociales n’est pas spontanémentvoulue par les parties, mais se trouve imposée par des règleslégislatives, statutaires ou extrastatutaires ; il n’est pas appli-cable en cas de promesse de vente librement consentie selonun prix déterminable sur des éléments objectifs».Cette décision ne manquera pas d’être saluée par les nom-breux auteurs qui s’étaient montrés réservés sur l’opportu-nité d’une trop grande extension du champ d’application del’article 1843-4 du Code civil (en particulier : Couret A., La liberté du tiers-estimateur désigné au titre de l’article 1843-4,précité; Lucas F.-X., Bull. Joly Sociétés 2009, p. 529; Moury J.,Rev. sociétés 2009, p. 503).Peut-on en conclure pour autant que le régime de l’article 1843-4du Code civil est dorénavant clair? Malheureusement, non.Car plusieurs zones d’ombres subsistent, qui ne peuvent que

Article 1843-4: des réponses…et des questions!Par une décision du 10 septembre 2009, la cour d’appel de Versailles apporte une nouvellecontribution au débat qui, depuis bientôt deux ans, porte sur l’interprétation qu’il convientde faire des dispositions de l’article 1843-4 du Code civil.

CA Versailles, 10 sept. 2009, n° RG : 08/06170, X c/ SAS Industries et finances partenaires3632

Par BrunoCAVALIÉ

Avocat aux barreaux de Paris et Bruxelles,

Cabinet Racine

ACTU

ALITÉS

CONTRATSous la direction scientifique de Bertrand FAGES, Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne (Paris I)

ÉCLAIRAG

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troubler les praticiens et créer une insécurité juridique de touteévidence néfaste au rayonnement du droit français.Force est en effet de constater que, tant sur le plan fondamen-tal du champ d’application de l’article 1843-4 du Code civil (I),que sur celui de la liberté de l’expert (II), plusieurs questionsdemeurent sans réponse certaine.

I – LE CHAMP D’APPLICATION DE L’ARTICLE 1843-4 DU CODE CIVILIl ne fait aucun doute que les dispositions de l’article 1843-4

du Code civil s’appliquent dans les cessions entre associésprévues par la loi :• soit sans alternative possible : révocation du gérant (C. civ.,art. 1851), retrait autorisé de l’associé en application d’uneclause des statuts ou du fait d’un juste motif (C. civ., art. 1869),cession des titres des héritiers et légataires non agréés dansles sociétés de personnes (C. civ., art. 1870-1 ; C. com.,art. L. 225-15), refus d’agrément d’un cessionnaire dans lessociétés à responsabilité limitée ou dans les sociétés par actions (C. com.,art. L. 223-14 et L. 228-24), etc. ;• soit à défaut d’autres dispositionsconventionnelles : c’est le cas dans lessociétés par actions simplifiées (SAS)pour les cessions résultant (i) d’un re-fus d’agrément de cessionnaire d’actionsou (ii) de la mise en œuvre d’une claused’exclusion (C. com., art. L. 227-18).En outre, les termes très généraux choi-sis par les magistrats de la Cour de cas-sation et de la cour d’appel de Paris dansleurs arrêts du 4 décembre 2007 (Cass. com., 4 déc. 2007, n° 06-13.912, précité; Cass. com., 4 déc. 2007, n° 06-13.913, précité)et du 9 décembre 2008 (CA Paris, 9 déc. 2008, n° RG: 07/20084,précité) laissent penser que l’ordre public de l’article 1843-4 recouvre aussi les cessions consécutives aux clauses statutairesd’exclusion (Lettre Omnidroit, 14 oct. 2009, p. 5) dans les sociétés de toutes formes (à l’exception bien entendu de la SAS,où le recours à l’article 1843-4 n’est, comme on l’a vu, que sup-plétif de volonté). Cette interprétation nous semble au demeu-rant justifiée par la considération que les statuts peuvent en principe être modifiés contre la volonté de la minorité, ce quijustifie la solution protectrice d’un recours autorisé à l’expertised’un tiers indépendant, garant de l’équité. À l’inverse, on peut estimer que ces dispositions ne s’appliquent pas:• aux cessions conclues ou prévues (promesses de vente et/oud’achat) avec des tiers non associés, car l’article 1843-4 relèvedu titre du Code civil régissant le contrat de société et ne saurait donc gouverner les conventions passées avec des tiers;• aux cessions «spontanément» prévues entre associés dansle cadre de promesses de vente librement consenties selon unprix déterminable sur des éléments objectifs: c’est ce que nousenseigne l’arrêt du 10 septembre 2009 de la cour d’appel deVersailles (CA Versailles, 10 sept. 2009, n° RG: 08/06170).Mais entre ces deux grandes catégories de cessions, les unes assujetties à l’ordre public de l’article 1843-4 du Code civil et lesautres pas, demeurent des situations non encore explicitementappréhendées. Il s’agit des innombrables clauses de cession oud’achat forcé qui figurent dans les pactes extrastatutaires pour forcer la vente conjointe en cas de «sortie» de l’actionnaire majoritaire, ou autoriser la cession proportionnelle en cas de cession partielle de la part de ce dernier, ou encore pour contraindrela cession des titres appartenant aux dirigeants lorsque ceux-ci,

pour diverses raisons susceptibles de rejaillir sur le prix de leurstitres, cessent de consacrer leur activité à la société. Ces clauses,dites de drag ou de tag along, ou de sortie en qualité de good, badou neutral leaver, ne renvoient que rarement à la décision d’unexpert la fixation du prix de vente. Dans la très grande majoritédes cas, elles déterminent le prix des titres devant faire l’objet dela vente, soit en fonction du prix conventionnel des titres dont lacession provoque la mise en jeu de la clause (drag ou tag along),soit en fonction d’une équation plus ou moins complexe, géné-ralement basée sur les comptes de la société, le cas échéant af-fectée d’un coefficient de majoration ou de minoration tenant auxcirconstances de la cession (cas des good ou bad leavers).Il est donc essentiel de savoir si ces clauses sont aujourd’huisusceptibles d’être remises en cause, au profit d’une fixation duprix à dire d’expert. La question mérite d’être posée à deuxégards au moins. D’une part, ni dans ses arrêts du 4 décembre2007 (Cass. com., 4 déc. 2007, n° 06-13.912, précité; Cass. com.,4 déc. 2007, n° 06-13.913, précité) ni dans celui du 5 mai 2009(Cass. com., 5 mai 2009, n° 08-17.465, précité), la Cour de cas-

sation n’a laissé entendre que les prin-cipes posés se limiteraient aux cas de ces-sion prévus par la loi ou par les statuts.D’autre part, si l’ordre public justifie qu’onrecoure à l’expert dans les cas de cessionforcée prévus par les statuts, on ne voitpas, à première vue, pourquoi cet ordrepublic s’arrêterait à la porte du contrat.En vérité, une différence fondamentaleentre les statuts et les conventions extra-statutaires pourrait bien justifier que l’onexclue ces dernières de l’article 1843-4 duCode civil. Cette différence tient à ce que

les statuts sont régis par la loi de la majorité, quand les contratsne peuvent au contraire être modifiés qu’à l’unanimité (v. Couret A., La liberté du tiers-estimateur désigné au titre del’article 1843-4, précité). Accessoirement, on observera que lesconventions dont il s’agit n’ont rien de contrats d’adhésion etsont toujours âprement négociées, notamment par les conseilsdes parties, ce qui devrait renforcer d’autant la force obligatoireque leur confère l’article 1134 du Code civil.Il n’en demeure pas moins que la question reste posée. Puissela Cour de cassation y répondre rapidement, tant les enjeuxpratiques sont importants.Par ailleurs, quel doit être le sort du différend qui oppose lesparties, quand celui-ci porte non pas sur l’équité de la formulede valorisation dont elles sont convenues, mais sur l’applica-tion de cette dernière? Ce type de désaccord a-t-il pour consé-quences de laisser entière la convention des parties et de ne tran-cher judiciairement que la question de son application, ou doit-ildéboucher, par le jeu de l’ordre public, sur une possible remiseen cause de l’économie même de leur contrat initial?Ces dernières interrogations trouvent, quant à elles, une par-tie de leurs réponses dans les récentes précisions jurispruden-tielles relatives à la liberté de l’expert missionné au visa del’article 1843-4 du Code civil.

II – LA LIBERTÉ DE L’EXPERT DE L’ARTICLE 1843-4 DU CODE CIVILLa seconde série de questions touche à la méthode que

l’expert doit suivre pour mener à bien sa mission. Lorsquerien, dans la convention ou dans la loi, ne guide l’expert, celui-ci a, de toute évidence, une entière liberté pour fixer le prixdes titres sociaux qu’il doit évaluer. Mais il arrive souvent que

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Plusieurs zones d’ombressubsistent, qui ne peuventque troubler les praticiens

et créer une insécuritéjuridique de toute évidencenéfaste au rayonnement

du droit français.

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la convention prévoie une formule de valorisation. L’expertdésigné sur le terrain de l’article 1843-4 du Code civil peut-ilalors s’exonérer de cette formule?Le sujet mérite une attention d’autant plus grande que seule une«erreur grossière» – en pratique très rarement admise – est denature à remettre en cause le prix fixé par le tiers estimateur. Il a donc été soutenu que l’obliger à tenir compte de la formulevoulue par les parties aurait pour mérite de limiter les cas pos-sibles d’erreur grossière. Cependant, la jurisprudence actuellene laisse guère de doute lorsque l’expert est missionné au visade l’article 1843-4 du Code civil du fait de son caractère d’ordrepublic, c’est-à-dire en l’état de ce que l’on sait, soit du fait de laloi, soit du fait d’une clause statutaire d’exclusion. C’est ce qu’atrès nettement jugé la Cour de cassation dans son arrêt du 5 mai2009, en décidant que «seul l’expert détermine les critères qu’iljuge les plus appropriés pour fixer la valeur des droits, parmi lesquels peuvent figurer ceux prévus par les statuts».La solution pourrait être critiquée à raison de la finalité del’article 1843-4, qui semble être, à première lecture, de garan-tir une liquidité aux associés, et non pas de contrôler l’équitédes prix conventionnellement fixés, dont on sait qu’ils échap-pent en principe au contrôle du juge. Reste que cette solutionest, malgré tout, logique et heureuse. En premier lieu, l’effet utile de la mission de l’expert serait finalement bien mince s’il ne s’agissait, pour ce dernier, quede calculer le résultat d’une formule. En deuxième lieu, onobservera qu’aux termes mêmes de la loi, cet expert «déter-mine» la valeur des droits ; le verbe utilisé illustre la volontédu législateur de conférer une véritable autonomie décision-nelle à ce tiers. En troisième lieu, on soulignera que l’ordrepublic qui inspire l’article 1843-4 du Code civil ne saurait sesatisfaire du seul critère de liquidité, s’il n’était accompagnéd’une garantie de juste prix ; là encore, l’effet utile de la disposition serait assez maigre s’il ne conférait cette garantie(en particulier, le principe de nullité des cessions faites à unprix dérisoire n’aurait guère d’utilité en l’occurrence, faute derésoudre la question de la cession effective).En somme, si la discussion est possible quant à l’opportunitéd’étendre outre mesure le champ d’application de l’article 1843-4,elle ne le semble pas quant à ses conséquences concernant lamarge de manœuvre de l’expert.Cela étant, cette discussion laisse de côté les situations dans lesquelles il est fait application de l’article 1843-4 du Code civilhors de son champ d’application, donc lorsque les parties y ont volontairement fait référence dans un périmètre où il ne s’applique pas de plein droit. Ce type de référence est fréquent,aussi bien d’ailleurs dans les clauses sta-tutaires que dans les pactes extrastatutaires.Pendant des années, nombre de praticiensont stipulé que les équations de valorisa-tion conventionnelle des titres sociaux de-vant faire l’objet d’une cession seraient lejour venu calculées par un expert nommé«dans les conditions» de l’article 1843-4du Code civil; de nombreuses autres clausestoujours en vigueur prévoient une valori-sation à dire d’expert (visant expressémentl’article 1843-4) en encadrant toutefois laliberté de celui-ci par un prix plancher et/oupar un prix plafond.La question se pose donc de savoir si l’expert ainsi désigné dans le cadre d’uneconvention que l’on supposera non cou-verte par le champ d’application de

l’article 1843-4 du Code civil peut s’exonérer de la conventiondes parties et, au visa de la jurisprudence précitée de la Cour decassation, déterminer librement les critères de son évaluation.En faveur de l’affirmative, on invoquera sans doute une solution retenue dans les baux commerciaux. On sait en effet que lorsque les parties se soumettent conventionnelle-ment au statut d’ordre public des baux commerciaux, doncdans un domaine ne relevant pas de plein droit de ce statut,elles ne peuvent y déroger (Cass. ass. plén., 17 mai 2002,n° 00-11.664, Bull. civ. ass. plén., n° 1). En d’autres termes,en l’état d’une soumission conventionnelle à un statut, l’ordrepublic qui protège ce statut s’applique “à plein” et interditdonc aux parties d’en écarter certaines règles. C’est tout ourien. Mutatis mutandis, cette jurisprudence pourrait être in-voquée dans la présente discussion: de même que pour lesbaux commerciaux, l’application purement conventionnellede l’article 1843-4 du Code civil laisserait s’épanouir “à plein”l’ordre public qui l’a inspiré, et ne permettrait donc pas aux par-ties d’encadrer la mission de l’expert par une clause de valori-sation.En réalité, un tel argument nous semblerait très discutable. Lajurisprudence relative aux baux commerciaux s’explique en ef-fet vraisemblablement par cette idée que l’on est en présenced’un statut, et qu’un statut ne se dépèce pas. Rien de tel dansl’article 1843-4. Sauf, peut-être, à exploiter une analogie avec lestatut d’associé. Mais une telle analogie serait fort contestable,sachant que, par hypothèse, les parties n’entendent nullementdéclencher l’application du statut d’associé, mais simplementorganiser les conditions de fixation d’un prix.Il nous semble donc que la réponse à la question posée ci-dessus devrait être négative, l’expert demeurant dans ce castenu de respecter la convention des parties. Ce serait là, noussemble-t-il, une application logique des dispositions de l’article 1134 du Code civil, aux termes duquel la conventionfait la loi des parties tant qu’elle n’est pas contraire à l’ordrepublic. Ce serait aussi là un gage donné à la très nécessairesécurité juridique dont notre droit civil et notre droit commer-cial ne doivent jamais cesser d’être les promoteurs, en parti-culier à l’international. Pourtant, nombre d’auteurs, et parmiles plus autorisés, ont une vision moins optimiste du sujet.Pour Alain Couret, par exemple (Couret A., La liberté du tiers-estimateur désigné au titre de l’article 1843-4, précité ; v. leparallèle fait avec le commissaire aux comptes qui, même désigné sans obligation légale, doit agir comme s’il y avait euobligation à le désigner), «le fait de s’être mis spontanémentsous l’empire de l’article 1843-4 n’autorise pas à en aménager

ACTU

ALITÉSCONTRAT

ÉCLAIRAG

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«Sur l’article 1843-4 du Code civil ;

Considérant que page 25 de ses

conclusions, M. X rappelle que par

application de l’article 1843-4 du Code civil, tout associé contraint de céder ses droits sociaux doit

bénéficier d’une évaluation à dire d’expert ;

Mais considérant que l’article 1843-4 n’est applicable que lorsque la cession des parts sociales

n’est pas spontanément voulue par les parties, mais se trouve imposée par des règles législatives,

statutaires ou extrastatutaires ; qu’il n’est pas applicable en cas de promesse de vente librement

consentie selon un prix déterminable sur des éléments objectifs ;

Considérant qu’en l’espèce M. X s’est librement engagé en signant l’acte du 23 août 2002,

à consentir une promesse de vente pour un prix déterminable selon les résultats comptables

de la société ; que l’article 1843-4 n’est donc pas applicable ; que ce texte est invoqué à tort

par M. X (…)».

CA Versailles, 10 sept. 2009, n° RG : 08/06170, X c/ SAS Industries et finances partenaires

Texte de l’arrêt (extraits)

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CONTRATPar Véronique MAUGERISecrétaire général de la RédactionLamy Droit du contrat

PHASE DE CONCLUSION

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Réparation et conservationde la voiture: le principalet l’accessoireLe contrat de dépôt d’un véhicule auprès d’un garagiste existe, en ce qu’il est l’accessoire du contrat d’entreprise, indépendamment de toutaccord de gardiennage.Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-20.048, P+B

La conclusion d’un contrat résulte, le plus souvent, de la manifestation expresse de la volonté des parties. Il est arrivé,néanmoins, que le silence des parties suffise à créer un contratsi des circonstances particulières l’accompagnent. Ainsi enest-il de l’existence de relations d’affaires antérieures, desusages de la profession ou encore du fait que l’offre a été émisedans l’intérêt exclusif de son destinataire. Il faut ajouter à ceshypothèses la naissance d’un contrat par son caractère accessoire à un contrat principal, précisément le contrat dedépôt accessoire au contrat de réparation d’un véhicule, commel’illustre à nouveau cette décision. En l’espèce, le propriétaire d’un véhicule le dépose pour réparation chez un garagiste. Mais un an après la réparation,le propriétaire ne s’est toujours pas déplacé pour récupérer levéhicule et n’a pas payé le prix des réparations. Le garagisteétablit alors une facture de gardiennage qu’il ajoute aux fraisde réparation. Le propriétaire refusant de payer cette facture,le garage saisit le juge de proximité qui le déboute de sa demande au motif qu’aucun contrat de gardiennage n’a étéconclu entre les parties. Le garage forme alors un pourvoi parlequel il soutient, notamment, que le contrat de dépôt d’unvéhicule auprès d’un garagiste est accessoire à un contratd’entreprise et est présumé fait à titre onéreux. Convaincuepar cet argument, la Cour de cassation censure le jugementau visa de l’article 1915 du Code civil, en affirmant, de manière concise, que « le contrat de dépôt d’un véhicule

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C

auprès d’un garagiste existe, en ce qu’il est l’accessoire ducontrat d’entreprise, indépendamment de tout accord de gardiennage». La Cour de cassation considère ainsi que le garagiste et leclient ayant déposé son véhicule pour réparation sont liés pardeux contrats, un contrat d’entreprise et un contrat de dépôt.Bien que les parties n’aient expressément conclu que le premier, elles sont liées également par le second par son caractère accessoire. Cette solution n’est pas nouvelle. En effet, la Cour de cassation a déjà considéré que le contrat dedépôt d’un véhicule auprès d’un garagiste est accessoire à uncontrat d’entreprise (Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 02-16.926,Bull. civ. I, n° 165, Contrats, conc., consom. 2005, comm. 148,note Leveneur L., JCP G 2006, I, n° 123, obs. Labarthe F., RDC 2005, p. 1029, obs. Bénabent A., RDC 2006, p. 1123, obs. Puig P.). Elle avait alors visé l’article 1928 du Code civilet non l’article 1915 du Code civil. Pour faire peser sur le client le prix des frais de gardiennagede son véhicule, elle impose aux parties l’existence d’un contratqu’elles n’ont pas expressément conclu. Ce caractère acces-soire s’explique par le fait que le garagiste ne peut réparer levéhicule que si le client le lui dépose. Et ce contrat accessoiredure aussi longtemps que le client n’a pas repris le véhicule(Cass. 1re civ., 30 mai 2006, n° 05-13.980, Bull. civ. I, n° 270,Contrats, conc., consom. 2006, comm. 181, note Leveneur L.).Mais la Cour de cassation ne reconnaît pas le caractère acces-soire du contrat de dépôt au contrat d’entreprise en général ;elle limite ce contrat tacite au contrat de réparation par un garagiste.En revanche, il est toujours dangereux de considérer, a pos-teriori, que les parties ont conclu un contrat dont elles igno-raient l’existence jusqu’au contentieux. Afin d’éviter la conclu-sion tacite “forcée” du contrat, n’aurait-il pas été possibled’appliquer la gestion d’affaires si la conservation du véhi-cule réparé par le garagiste n’avait pas été expressément vou-lue par les parties (pour la gestion d’affaires d’un maître d’ou-vrage ayant hébergé et nourri des ouvriers de l’entrepreneuren l’absence de document contractuel le prévoyant, Cass.3e civ., 8 juin 1977, n° 75-13.048, Bull. civ. III, n° 255). Maiscette solution n’est pas souhaitable pour deux raisons: d’unepart, le montant de l’indemnité serait inférieur à celui du prixque le garagiste peut prétendre obtenir au titre d’une presta-tion à titre onéreux ; d’autre part, cela subordonnerait l’obli-gation de conserver la chose du garagiste à son bon vouloir,ce qui n’est pas souhaitable, lorsqu’il s’agit de protéger leclient (Cass. 1re civ., 30 mai 2006, n° 05-13.980, précité ; Cass.1re civ., 22 mai 2008, n° 06-17.863, Bull. civ. I, n° 143, D. 2008,p. 1550, obs. Delpech X., RTD com. 2009, p. 201, obs. Bou-loc B.). Une autre solution aurait été envisageable. Ainsi, cette

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le principe». Pour Bertrand Fages, «il n’est pas certain qu’ense soumettant conventionnellement à ce texte d’ordre public,les parties puissent l’aménager à leur guise» (Fages B., RLDA2006/1, n° 44).On le voit donc, il faudra certainement encore plus d’un arrêt de la Cour de cassation pour fixer clairement le régimede l’article 1843-4 du Code civil. En attendant, on sera tentéde recommander chaque fois que possible la solution de laSAS, et/ou une référence à un expert désigné non pas dans

les conditions de l’article 1843-4, mais au visa de l’article 1592du Code civil.Il a en effet été jugé que la référence, dans la convention desparties, à l’article 1592 du Code civil «ne permettait pas à l’expert de déroger à la convention des parties et ne le dispen-sait pas de prendre en compte les éléments devant, aux termesde cette convention, concourir à la détermination du prix»(CA Paris, 18 sept. 1998, JCP G 1999, I, p. 134, obs. Caussain J.-J.et Viandier A.). ◆

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obligation aurait pareillement été obtenue si le contrat d’en-treprise était interprété comme obligeant également le gara-giste à conserver le bien réparé jusqu’à récupération par leclient, qui en contrepartie doit payer le prix de cette obliga-tion supplémentaire. L’article 1135 du Code civil le justifieraitparfaitement.Néanmoins, la solution posée par la Cour de cassation se justifie parfaitement en observant que deux contrats se succèdent. En effet, pendant le temps des réparations, le garagiste est tenu à une obligation accessoire de dépôt, fondée sur l’article 1135 du Code civil, car le dépôt est néces-saire pour l’accomplissement du travail : il existe un seulcontrat, le contrat d’entreprise avec accessoirement une obli-gation de dépôt. Une fois que les réparations sont achevées,le contrat d’entreprise prend fin, et avec lui l’obligation de dépôt qui en était l’accessoire nécessaire. Un second contratse crée, ayant pour obligation principale la garde de la chose:un vrai contrat de dépôt se crée alors par une offre de gardetacite de la part du garagiste, faite dans l’intérêt exclusif duclient. Le silence de ce dernier vaut donc acceptation. Rappelons que le contrat de dépôt liant le garagiste à son clientest présumé conclu à titre onéreux et c’est au client de prou-ver le caractère gratuit (Cass. 1re civ., 5 avr. 2005, n° 02-16.926,précité). En somme, si le caractère accessoire d’un contrat emporte uneffet extinctif, il peut avoir également un effet créatif.

Par Cécile Le Gallou,Maître de conférences à l’Université de Bretagne occidentale

➤ Lamy Droit du contrat, n° 135-78

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Un contrat, même verbal,fait échec à l’enrichissementsans causeSi le financement de travaux s’inscrit dans le cadrecontractuel, les dépenses ne peuvent être rembourséessur le fondement de l’enrichissement sans cause.Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-16.497, P+B+I

Lorsqu’un enrichissement puise sa cause dans un contratconclu entre l’appauvri et l’enrichi, l’appauvri ne peut pas réclamer d’indemnité sur le fondement de l’enrichissementsans cause. Ainsi en est-il lorsque l’enrichissement puise sacause dans le contrat. Par cette décision, diffusée sur le sitede la Cour de cassation, la Haute juridiction applique cetterègle au contrat verbal. Les faits sont très simples. En vertud’un contrat verbal, M. X occupe une maison appartenant àM. Y. Précisément, l’accord prévoit que, en contrepartie du financement de travaux d’aménagement du sous-sol de la maison, il pourra jouir d’un droit d’usage et d’habitation quele propriétaire s’engage à lui consentir. Une fois les travauxpayés, l’occupant assigne le propriétaire en remboursementde la dépense sur le fondement de l’enrichissement sans cause.Les juges d’appel rejettent sa demande au motif que l’accordverbal, que le propriétaire acceptait de formaliser par acte authentique, prévoyait la cession du droit d’usage et d’habi-tation par le propriétaire en contrepartie du financement destravaux par l’occupant. En revanche, l’occupant ainsi déboutésoutient, dans son pourvoi, que l’enrichissement sans causene peut être écarté que lorsque les parties sont liées par unvéritable contrat, aux termes duquel la prestation fournie par

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l’une se trouve causée par un engagement corrélatif de l’autre.Précisément, le pourvoi tente de démontrer que l’accord desparties ne constituait une cause que si la durée du droit d’usageet d’habitation était précise, et donc si l’obligation du proprié-taire revêtait un caractère contraignant et consistant. Mais laCour de cassation rejette cet argument, puisque la cour d’appel a relevé qu’un contrat verbal prévoyait que l’occu-pant avait accepté de financer les travaux en contrepartie dudroit d’usage et d’habitation des locaux; et elle ajoute que« dès lors qu’il s’inscrivait dans le cadre contractuel ainsi défini par les parties, un tel financement ne pouvait ouvrirdroit à remboursement sur le fondement des règles qui gouver-nent l’enrichissement sans cause». Cette solution ne surprend pas. En effet, instrument d’équité,l’enrichissement sans cause permet à celui dont l’appauvrisse-ment a procuré un enrichissement à autrui d’en obtenir l’indemnisation, dès lors qu’aucune cause ne le justifie. Encorefaut-il prouver, d’une part, l’existence d’un véritable contrat – cequi est le cas d’un contrat verbal – et, d’autre part, que l’appau-vrissement soit exposé conformément aux stipulations contrac-tuelles. Ainsi, l’appauvri ne peut pas obtenir l’indemnisation del’appauvrissement si le contrat a procuré au cocontractant unprofit (Cass. com., 18 janv. 1994, n° 91-22.237, Bull. civ. IV,n° 27). En outre, il était également possible d’opposer à l’occupant que les travaux avaient été exposés dans son intérêtpersonnel, ce qui aurait exclu l’indemnisation fondée sur l’enrichissement sans cause (Cass. 3e civ., 2 déc. 1975, n° 74-13.104, Bull. civ. III, n° 351). Tout dépend donc de ce quia été convenu par les parties, et de ce qui peut être prouvé, surtout pour un contrat verbal...

C. L. G.➤ Lamy Droit du contrat, n° 185-65

OBJECTIF DE VALIDITÉ

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L’emprunteur doit prouverson emprunt!Une convention étant valable bien que la cause ne soitpas exprimée, l’emprunteur d’une somme d’argent doitdonc prouver la remise des fonds par le prêteur. Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-14.625, P+B

Lorsqu’une reconnaissance de dette mentionne qu’une personne doit une certaine somme d’argent à une autre, leremboursement doit s’effectuer, à moins que la somme n’aitdéjà été payée… ou qu’elle n’ait jamais été remise! Mais quidoit supporter la charge de cette preuve? La Cour de cassa-tion rappelle ici une solution classique. Un couple emprunte de l’argent à un autre couple et une reconnaissance de dette est alors établie. Plus tard, les prêteurs entendent obtenir remboursement. Mais les emprun-teurs, qui prétendent que la somme mentionnée dans la reconnaissance de dette ne leur a pas été remise, refusent depayer. Infirmant la décision de première instance, la cour d’appel condamne les emprunteurs au remboursement de lasomme réclamée par les prêteurs, car ils ne rapportaient pasla preuve de ne pas avoir reçu la somme litigieuse. Dans leurpourvoi, ils critiquent le raisonnement de la cour d’appel etsoutiennent au contraire que la preuve de la remise des fonds

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incombe au prêteur et non à l’emprunteur. Mais la Cour decassation rejette le pourvoi, car «la convention n’est pas moinsvalable quoique la cause n’en soit pas (…) exprimée, de sortequ’il incombait aux (emprunteurs), qui, pour contester l’existence de la cause de la reconnaissance de dette litigieuse,prétendaient que la somme qu’elle mentionnait ne leur avaitpas été remise par les (prêteurs), d’apporter la preuve de leursallégations». Le raisonnement de la Cour de cassation est ici classique et articule, même sans y faire expressément référence, les articles 1132 et 1315 du Code civil. En effet, en vertu de l’article 1315, alinéa 1er, du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver (par exemple, l’artisan qui réclame le paiement de travaux doit prouver la commande ou l’acceptation des travaux, Cass. 1re civ., 8 oct.2009, n° 08-14.598). En l’espèce, les prêteurs disposent d’unereconnaissance de dette. Mais ce document ne mentionne pasla raison, la cause, de cette dette. Il n’est toutefois pas néces-saire que cette cause soit indiquée dans l’acte pour qu’elleexiste, car l’article 1132 du Code civil pose une présomptiond’existence de la cause de l’obligation. Et au-delà de la pré-somption de l’existence de la cause, c’est surtout celle de laremise des fonds qui est importante. Le contrat de prêt entreparticuliers est un contrat réel dont la cause est constituée parla remise de la somme d’argent. C’est donc à celui qui contesteson existence d’en rapporter la preuve, puisque l’article 1315,alinéa 2, du Code civil, oblige celui qui conteste être tenud’une obligation de le prouver. Par conséquent, lorsqu’une reconnaissance de dette a été rédigée, ce n’est pas au prêteurde prouver qu’il a remis une somme d’argent d’un certainmontant, mais à l’emprunteur de contester qu’il l’a reçue, et donc qu’il doit la rembourser. La Cour de cassation a récemment déjà retenu la même solution (Cass. 1re civ., 19 juin2008, n° 06-19.056, D. 2008, p. 1827, obs. Delpech X., D. 2008,p. 2263, n° 5, obs. Creton C.). L’emprunteur peut donc parfaitement renverser cette présomption et contester la remise des fonds en rapportant toute preuve contraire. Maiscette solution ne vaut que si l’emprunteur peut se prévaloir,en amont, d’un véritable billet non causé: tel est le cas d’unereconnaissance de dette, mais non d’un simple chèque. Autrement dit, la remise, par l’emprunteur au prêteur, de laremise de dette, présume la remise préalable des fonds.

C. L. G.➤ Lamy Droit du contrat, n° 210-19

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Le prêt et le cautionnement:l’exécution du premieret la nullité du secondLa caution ne peut pas exciper de la nullité du prêtexécuté pour faire obstacle à la demande de paiementdu prêteur.Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-15.126, P+B

La maxime Quae temporalia… peut faire échec à la demanded’exécution d’un contrat dont l’annulation n’a pas été deman-dée dans les délais. Mais elle ne peut pas s’appliquer à un contratqui a déjà été exécuté en tout ou partie. Comment cette règlepeut-elle faire obstacle à la demande d’exécution d’un contrataccessoire à un contrat principal dont la nullité n’a pas été sollicitée dans les délais? Est-ce l’exécution du contrat principal

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ou celle du contrat accessoire qui fait échec à l’exception de nullité? La présente décision répond dans une espèce concer-nant un cautionnement garantissant un prêt. En 1991, une société consent un prêt à une autre société pourune durée de douze ans. Ce prêt est garanti par un caution-nement. Puis, l’emprunteur ne remboursant pas, le prêteurengage une procédure de saisie immobilière à l’encontre dela caution. Une quinzaine d’années après la conclusion duprêt, la caution dépose un dire pour contester l’exigibilité desa créance, puis demande, en appel, le prononcé de la nullitéde la stipulation du taux d’intérêt contractuel. La cour d’appel fait droit à sa demande aux motifs que la caution peutopposer au créancier les exceptions inhérentes à la dette envertu de l’article 2313 du Code civil et que l’exception de nullité peut être soulevée après l’expiration du délai de l’action principale. Mais la première chambre civile de la Courde cassation censure ce raisonnement des juges d’appel enleur reprochant la violation de l’article 1304 du Code civil. Lacour d’appel avait en effet constaté que le contrat avait reçuexécution, alors que «l’exception de nullité ne peut être sou-levée que pour faire échec à la demande d’exécution d’un actejuridique qui n’a pas encore été exécuté». Cette solution est classique quant aux principes rappelés: en effet, l’exception de nullité est perpétuelle (Cass. 1re civ., 19 déc.1995, n° 94-10.812, Bull. civ. I, n° 477, Contrats, conc., consom.1996, comm. 38, note Leveneur L.); il est tout aussi classiquede dire que l’exception de nullité ne peut plus être appliquéedès lors que le contrat a été exécuté (pour un prêt, Cass. 1re civ.,1er déc. 1998, n° 96-17.761, Bull. civ. I, n° 338, D. aff. 1999,p. 68, obs. J. F., JCP G 1999, I, n° 171, n° 5, obs. Fabre-Magnan M., RTD civ. 1999, p. 621, obs. Mestre J.). En l’espèce,la censure de l’arrêt d’appel opérée par la Haute juridiction étaitdonc logique. La cour d’appel avait certes constaté que le contratde prêt avait été exécuté; mais elle avait admis l’exception denullité, car le contrat de cautionnement, lui, ne l’avait pas été.Elle appliquait donc une décision rendue dans une hypothèsesimilaire par la Cour de cassation, qui admettait l’exception denullité, malgré l’exécution du prêt, si les défendeurs sont poursuivis en exécution, non du contrat de prêt, mais du cautionnement garantissant celui-ci (Cass. 1re civ., 7 nov. 2006, n° 05-12.080, Bull. civ. I, n° 458, D. 2007, p. 15, obs. Delpech X.,JCP G 2007, I, n° 158, n° 12, obs. Simler Ph., AJDI 2008, p. 222,obs. Cohet-Cordey F.). Or la caution n’aurait pas dû exciper dela nullité du contrat de prêt qui a déjà reçu exécution ; elle aurait dû exciper de la nullité du cautionnement.

C. L. G.➤ Lamy Droit du contrat n° 265-67

LOI CONTRACTUELLE

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Le vendeur qui affirme n’a pas forcément tort !La législation relative à la présence d’amiante dans lesimmeubles bâtis n’oblige le propriétaire de l’immeublequ’à transmettre l’état établi par le professionel.Cass. 3e civ., 23 sept. 2009, n° 08-13.373, P+B+R+I

Le vendeur peut étendre, par des stipulations particulièresprécises du contrat, les obligations que la loi lui impose.

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Encore faut-il que la preuve d’un tel engagement soit établie.À défaut, il faut s’en tenir aux prescriptions légales. C’est cettesolution que prône la Cour de cassation en matière de venteimmobilière. Par un arrêt qui aura les honneurs de son Rapport, la Cour de cassation prononce une décision conformeà la lettre de la loi, et lui offre l’occasion de rappeler les limitesde l’obligation d’information du vendeur d’un immeuble surla présence d’amiante.En l’espèce, un couple achète une maison. Faisant référenceà une attestation délivrée par un cabinet professionnel, la promesse et l’acte authentique de vente précisent qu’il n’y apas d’amiante dans la maison. Mais, une fois la vente conclue,les acquéreurs font procéder à un nouveau diagnostic qui révèle alors la présence d’amiante. Ils assignent les vendeurssur le fondement des vices cachés et engagent la responsabi-lité des diagnostiqueurs pour obtenir le paiement des frais dedésamiantage. La cour d’appel leur donne raison en retenantque les vendeurs, en dépit de leur bonne foi, ont failli à leurobligation d’information et de sécurité en leur assurant dansles deux actes l’absence d’amiante. La Cour de cassation censure ce raisonnement au visa de l’article 1134 du Code civil. Elle considère que «la législation relative à la protectionde la population contre les mesures sanitaires liées à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis, n’oblige lepropriétaire de l’immeuble qu’à transmettre à l’acquéreur l’étatétabli par le professionnel ». Elle reproche donc aux juges d’appel d’avoir condamné les vendeurs «sans constater l’exis-tence d’un engagement spécifique des vendeurs de livrer unimmeuble exempt d’amiante». Cette décision est intéressante car elle recadre les obligationsdu vendeur d’un immeuble face aux multiples diagnostics quientourent désormais toute vente. En effet, la loi n° 2000-1208du 13 décembre 2000 (JO 14 déc. 2000 ; C. santé publ.,art. L. 1334-13; CCH, art. L. 271-4, II) impose au vendeur, avant

l’échange des consentements, une obligation d’information.Mais cette obligation ne consiste qu’à transmettre à l’acqué-reur potentiel les diagnostics établis par des professionnelssur l’état de l’immeuble, et notamment sur la présenced’amiante. Ce dispositif a pour finalité de mettre l’acquéreuren position de consentir de manière éclairée à l’achat, soit ensachant qu’il y a de l’amiante, soit en sachant qu’il n’y en apas. Dans l’un et l’autre cas, l’acquéreur ne pourra pas demander la résolution du contrat en invoquant un vice caché, si la présence d’amiante se révèle. En fournissant lediagnostic du professionnel, le vendeur exécute donc parfai-tement son obligation légale d’information. Mais est-il lié par son affirmation de l’absence d’amiante dansl’immeuble? La Cour de cassation, en revanche, n’étend pas sonobligation d’information jusqu’à ce point, car, il est vrai, unetelle affirmation ne peut sérieusement émaner que d’un profes-sionnel et non d’un particulier n’ayant pas de compétence enla matière. L’assertion du vendeur sur l’absence d’amiante estdonc sans effet. Toutefois, la Cour de cassation réserve une possibilité de lui donner une valeur juridique. Tel aurait été lecas si le vendeur s’était engagé à donner un bien exempt d’amiante.Le champ contractuel aurait donc intégré une nouvelle obliga-tion acceptée par les parties. En vertu des articles 1134 et 1604du Code civil, l’acquéreur aurait alors pu lui reprocher un défaut de conformité de la chose convenue (Cass. 3e civ., 29 janv.2008, n° 06-21.817). Mais si le vendeur affirme qu’il n’y avaitpas d’amiante, en se fondant sur des diagnostics antérieurs auxnouvelles dispositions légales et réglementaires ou en ne procé-dant pas à la réalisation de ces diagnostics, le vendeur commetune faute (Cass. 3e civ., 5 nov. 2008, n° 07-17.054, Bull. civ. III,n° 168). Il fallait donc n’engager que la responsabilité des diagnostiqueurs professionnels (Cass. 3e civ., 2 juill. 2003, n° 01-16.246, AJDI 2003, p. 751, obs. Rouquet Y., RD imm. 2003,p. 554, obs. Trébulle F.-G. ; Cass. 3e civ., 3 janv. 2006,

ACTU

ALITÉSCONTRAT

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Pour une meilleure protectiondes consommateurs de produitset de services financiers

Christine Lagarde a lancéjusqu’au 31 décembre2009 une consultation

publique sur les propositions du rapport de la missionde Bruno Deletré sur la commercialisation des produits financiers et le respect des obligations des banquesvis-à-vis de leur clientèle remis le 3 novembre.L’objectif des propositions du rapport Deletré est des’assurer que les banquiers, les assureurs ou lesconseillers en gestion de patrimoine traitent « avecloyauté » leurs clients – particuliers, entreprises ou associations – et de mettre fin au « cloisonnement »des réglementations qui, parfois pour des services simi-laires, varient fortement entre ces différents secteursd’activités (banques, conseils financiers, assurances, etc.)Aussi les exigences en matière de transparence, d’information ou de conseil sont-elles trop disparates.Christine Lagarde a choisi de lancer une consultationpublique sur les propositions du rapport Deletré.

Voici les principales propositions soumises à consultation.Première proposition. Le rapport remis à Christine Lagarde propose d’introduire dans la loi une obligationde loyauté : les banques, les assurances et tous les intermédiaires financiers devront mettre en place desprocédures spéciales afin de s’assurer qu’ils agissent« de manière loyale vis-à-vis de leur clientèle ». Le respect de cette obligation serait soumis à supervi-sion de la part des autorités de contrôle.Deuxième proposition. Des « recommandationsconcertées » élaborées sous l’égide des profession-nels, puis approuvées par les autorités de contrôle,après concertation avec les consommateurs et lesprofessionnels, seraient rendues publiques. Ainsi, cesont les établissements financiers eux-mêmes qui devront définir les outils et les procédures, et serontamenés à les généraliser. Ces « recommandationsconcertées » permettront de créer une base juridiquesur laquelle s’appuiera ensuite la future autorité desupervision.Troisième proposition. Elle porte sur le renforcementdu contrôle des intermédiaires financiers : le rapportpropose de confier à des associations professionnelles,représentatives des intermédiaires financiers, le contrôle

de leurs adhérents, à la condition que ces associationssoient préalablement agréées puis contrôlées au fil del’eau par les autorités de contrôle et de supervision dusecteur financier.(Rapp. Deletré, 3 nov. 2009)

Clauses abusives: la Commission ajouteonze décisions à la base de jurisprudencede son site

Ont été ajoutés au site Internet de la Commissionune décision récente de la

Cour de justice des Communautés européennes (CJCE,6 oct. 2009, aff. C 40/08, Asturcom Telecomunica-ciones SL c/ Cristina Rodríguez Nogueira) sur l’office du juge, un arrêt récent de la Cour de cassation(Cass. 2e civ., 1er oct. 2009, n° 08-18.225) relatif à lamotivation d’une mesure de suspension de l’exécu-tion provisoire, deux arrêts de cours d’appel (dont unrelatif à un établissement d’enseignement), trois juge-ments de tribunaux de grande instance (conventionde compte bancaire, accès à Internet, copropriété), troisjugements de juridictions de proximité relatifs à descontrats de licence d’utilisation finale d’un logiciel.(www.clauses-abusives.fr)

En bref…

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n° 05-14.380, RD imm. 2006, p. 186, obs. Trébulle F.-G. ; Cass. 3e civ., 17 sept. 2009, n° 08-17.130). En matière de vente immobilière, les acquéreurs doivent doncdemeurer prudents et ne pas croire les affirmations du vendeur. Seules comptent, en somme, les affirmations du diagnostiqueur professionnel.

C. L. G.➤ Lamy Droit du contrat, n° 333-25

LIEN CONTRACTUEL

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Un contrat non reprisn’est pas un contrat résiliéAux termes des articles 1844-7, 7°, du Code civil et L. 621-88 du Code de commerce, dans leur rédactionantérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegardedes entreprises, les contrats non repris dans le plan de cession totale ne se trouvent pas résiliés par l’effetdu jugement arrêtant ce plan.Cass. com., 6 oct. 2009, n° 07-15.325, P+B

Lorsqu’un contractant fait l’objet d’une procédure collective, lesort des contrats qu’il a conclus est souvent au cœur d’un enjeu financier et juridique important. L’arrêt prononcé par laChambre commerciale le 6 octobre est intéressant, car il aban-donne une jurisprudence traditionnelle appliquée avant la réforme opérée par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 (JO 27 juill. 2005) relative à la sauvegarde des entreprises, et quifaisait l’objet de critiques. La Chambre commerciale de la Cour de cassation était saisie de plusieurs moyens, mais ne retenons que celui quiconcerne la question de savoir si les contrats non repris par leplan de cession totale sont résiliés par le jugement arrêtant leplan. Une société conclut deux prêts, l’un auprès d’une asso-ciation, l’autre auprès d’une banque. Elle souscrit un contratd’assurance-vie au bénéfice des deux prêteurs et un secondcontrat d’assurance-vie garantissant le risque décès-invalidité

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de son dirigeant. La société est mise en redressement judiciaire,puis le tribunal arrête le plan de cession de la société en 1998.La compagnie d’assurances s’estimant créancière d’une pre-mière prime échue entre-temps, informe la société et la banque.Cinq mois plus tard, le dirigeant décède. Mais la compagnied’assurances refuse sa garantie au titre du contrat d’assurance-vie, en invoquant la résiliation de celui-ci en raison du non-paiement de la prime. Les bénéficiaires du contrat d’assu-rance-vie assignent alors la compagnie d’assurances. La courd’appel les déboute, au motif que le contrat d’assurance n’ayantpas été repris par le plan de cession, il prenait nécessairementfin au jour de la décision de cession, en application de l’ar-ticle 1844-7, 7°, du Code civil. Mais la Cour de cassation censure ce raisonnement. Au visa de l’article 1844-7, 7°, duCode civil et de l’article L. 621-88 du Code de commerce, dansleur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauve-garde des entreprises, elle affirme que « les contrats non repris dans le plan de cession totale ne se trouvent pas résiliéspar l’effet du jugement arrêtant ce plan». Ainsi, la Cour de cassation rompt avec la jurisprudence traditionnelle qui prévalait avant la réforme de 2005 et quiconsidérait que les contrats non repris par le plan de cessiontotale prenaient fin au jour de la décision de cession (CA Paris, 17 mai 1994, RJ com. 1995, p. 73, obs. Vincent J., Rev. proc. coll. 1996, p. 479, obs. Soinne B.). Elle distinguedonc la fin de la société résultant du jugement ordonnant lacession totale d’actifs et la résiliation des contrats non repris,au moins pour le temps des opérations de liquidation (dans le même sens, s’il s’agit d’une liquidation judiciaire,Cass. com., 15 févr. 2005, n° 03-17.604, Bull. civ. IV, n° 28,D. 2005, p. 641, obs. Lienhard. A.). Ce raisonnement de la Chambre commerciale, qui s’applique àdes faits antérieurs à la réforme, ne se pose désormais plus dansles mêmes termes, puisque la réforme du 26 juillet 2005 a supprimé de l’article 1844-7, 7°, du Code civil, la cession totaledes actifs de la société. L’article L. 641-11-1, alinéa 1er, du Codede commerce, modifié par l’ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 (JO 19 déc. 2008), dispose que les contratsen cours ne sont pas résiliés par le seul fait de l’ouverture ou duprononcé de la liquidation judiciaire.

C. L. G.➤ Lamy Droit du contrat, n° 428-38

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Une victime se trouve fréquemment face àune pluralité de débiteurs de réparation:le responsable, mais aussi différents tierspayeurs tenus, non par les règles de laresponsabilité civile, mais par des dispo-

sitions leur affectant une dette d’indemnisation. La victimene saurait tirer de cette situation la possibilité de recevoir plusque le montant de son préjudice, en raison du principe de laréparation intégrale. Les règles relatives au recours des tierspayeurs leur permettent de récupérer tout ou partie du mon-tant des prestations versées à la victime, en se faisant attri-buer tout ou partie de la dette de réparation du responsable.La victime, ainsi, est remplie de ses droits, mais sans excès,puisque sera déduite de sa créance de réparation l’indemni-sation reçue.Encore faut-il, pour que le système soit juste, qu’une concor-dance existe entre les postes de préjudices indemnisés par letiers payeur et ceux sur lesquels il exerce son recours. La réforme du 21 décembre 2006 s’est proposée de protéger lesintérêts des victimes, par une priorité qui leur est accordée,et par l’organisation du recours poste par poste. De l’article 31de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (JO 6 juill. 1985), l’on tireun principe, exprimé au premier alinéa: «les recours subroga-toires des tiers payeurs s’exercent poste par poste sur les seulesindemnités qui réparent des préjudices qu’elles (sic!) ont prisen charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel».Ce principe supporte une exception, portée par le troisièmealinéa: «cependant, si le tiers payeur établit qu’il a effective-ment et préalablement versé à la victime une prestation in-demnisant de manière incontestable un poste de préjudice per-sonnel, son recours peut s’exercer sur ce poste de préjudice».Il est donc crucial, pour déterminer tant le principe que l’éten-due du recours, d’établir une concordance entre la prestationet les postes de préjudices réparés: par exemple, s’agit-il d’unpréjudice personnel ou d’une autre nature? Sont-ce les seuls

gains professionnels ou également l’incidence professionnelledu handicap qui sont compensés?Il est délicat, en cas de prestations forfaitaires, de connaîtrela nature des préjudices réparés. Spécialement, lorsqu’il s’agitde rentes susceptibles d’indemniser un poste de préjudicepersonnel, l’on considère ordinairement que seuls les arré-rages effectivement payés peuvent permettre un recours,faute pour les versements à échoir de satisfaire à l’exigencedu caractère préalable.La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, le 11 juin2009, s’est prononcée par cinq arrêts sur les modalités du recours des tiers payeurs en matière de rentes accident du travail (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-17.581 ; Cass. 2e civ.,11 juin 2009, n° 07-21.768 ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-16.089) et d’allocations temporaires d’invalidité (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.816; Cass. 2e civ., 11 juin2009, n° 08-11.853). Dans chacun de ces arrêts, elle a cassé lesarrêts d’appel ayant exclu, au moins partiellement, le recours – laCour de cassation se montre donc ici moins favorable aux victimes que les juridictions du fond. La doctrine se partagequant à l’appréciation à porter (fustigeant une solution contra legem, Porchy-Simon S., Régime juridique du recours destiers payeurs après la réforme opérée par la loi du 21 dé-cembre 2006, JCP G 2009; Boyer A., in Gaz. Pal. 2009; moinscritique, n’évoquant que des libertés prises avec la loi, Jourdain P., in D. 2009, p. 1789; au contraire, saluant une au-dacieuse entreprise prétorienne, Bloch C., JCP G 2009, n° 248,n° 15). Il semble que la Cour de cassation, loin d’adopter unesolution contra legem, cherche à concilier le texte de la loi etle respect du principe de la réparation intégrale, qui exige parfois que le recours s’exerce, afin que la victime ne bénéfi-cie pas indûment d’une double indemnisation.Afin de permettre le recours, la Cour de cassation a en premierlieu constaté que les prestations d’indemnisation couvraient, aumoins pour partie, le préjudice personnel. En second lieu, elle

Recours des tiers payeurset prestations forfaitaires: la Cour de cassation réécrit-ellela loi?Par cinq arrêts du 11 juin 2009, la Cour de cassation pourrait sembler réécrire partiellement les textes régissant le recours des tiers payeurs. Toutefois, il apparaît que la position de la jurisprudence, loin d’être contra legem, réalise une opportune tentative de conciliation entre les règles relatives aux recours des tiers payeurs et le “droit commun de la réparation”. Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-17.581, P+B+R+I ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.768, P+B+R+I ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-16.089, P+B+R+I ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.816, P+B+R+I ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-11.853, P+B+R+I3639

Par ChristopheQUÉZEL-

AMBRUNAZMaître de conférences

à l’Universitéde Grenoble

ACTU

ALITÉS

RESPONSABILITÉSous la direction scientifique de Philippe BRUN, Professeur à l’Université de Savoie,et de Philippe PIERRE, Professeur à l’Université de Rennes 1

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a invoqué le principe de réparation intégrale – qui se retrouve,dans le visa, détaché de toute référence à l’article 1382 du Codecivil – afin de déduire de la réparation due par le responsable àla victime les prestations reçues par cette dernière. La Cour decassation s’attache donc à apprécier la nature des prestationsversées par les tiers payeurs (I), avant de les déduire de la répa-ration dont la victime est créancière (II).

I – LA NATURE DES PRESTATIONS VERSÉES PAR LE TIERS PAYEURIl s’agissait, pour la Cour de cassation, de déterminer la

nature de la rente accident du travail et de l’allocation tem-poraire d’invalidité. Des deux méthodes concevables pour cefaire, l’appréciation a priori est écartée (A), et l’appréciationa posteriori est adoptée (B).

A – L’hypothèse de l’appréciation a priori de la nature des prestations

L’appréciation a priori de la nature des prestations suppo-serait de définir, au plus tard lors de leur payement, pourchaque type de prestation versée par les tiers payeurs, lespostes de préjudices indemnisés. Ainsi, il serait aisé de connaîtreles parts d’indemnisation autorisantl’exercice des recours. Une table de concordance entre les pres-tations versées par les tiers payeurs etles postes de préjudices sur lesquels ils peuvent s’imputer a été souhaitée lorsde la réforme (médiateur de la Répu-blique, proposition de réforme 03-R10),et aurait pu faire l’objet d’un décret (v., sur les avis du Conseil d’État du4 juin 2007, Guettier C., À propos desconditions d’exercice du recours descaisses de Sécurité sociale contre lestiers responsables, JCP E 2007, n° 1897; adde, Porchy-Simon S., Régime juridique du recours des tiers payeurs après la réformeopérée par la loi du 21 décembre 2006, précité). Le Conseild’État supplée cette carence, en affirmant a priori la natureexclusivement patrimoniale des rentes d’invalidité et des allocations temporaires d’invalidité servies aux fonctionnairesvictimes d’accidents de service ou de maladies profession-nelles (CE, sect., 5e et 4e sous-sections réunies, 25 juin 2008,n° 286910, Mme A c/ Centre hospitalier de Saintes, Gaz. Pal.2009, n° 192, p. 31, obs. Bibal F.).À défaut de texte réglementaire, le rapport Dintilhac souhai-tait que les tiers payeurs précisent, a priori, les postes cou-verts par leurs prestations et que, à défaut, celles-ci soient réputées indemniser pour moitié les préjudices personnels etpour moitié d’autres préjudices. L’un des arrêts (Cass. 2e civ.,11 juin 2009, n° 08-16.089, précité) mentionne d’ailleurs quela caisse d’assurance maladie avait demandé l’imputation dela moitié de la rente sur le déficit fonctionnel permanent, chefde préjudice personnel, ce qui avait été rejeté par la cour d’appel – la proposition du rapport est donc oubliée. Une autre piste pour déterminer a priori le montant de la pres-tation consiste à rechercher sa définition et son mode de calcul. Ainsi, le montant de la rente accident du travail – dontl’objet n’est pas défini par la loi (comp. Boyer A., Abrogationjudiciaire, Gaz. Pal. 2009, p. 3) en cas d’incapacité perma-nente se calcule, selon les dispositions de l’article L. 434-2 duCode de la sécurité sociale, par le produit du salaire annuelet du taux d’incapacité. La rente est éventuellement majorée

lorsque la victime, à partir d’un certain taux d’incapacité permanente, doit avoir recours à l’assistance d’une tierce personne pour effectuer les actes ordinaires de la vie. Cettedéfinition montre la double nature de la rente accident du travail : elle ne compense pas précisément la perte des revenus, puisque seul le salaire entre dans son calcul ; elle necompense pas seulement un préjudice personnel, puisqu’elleest fonction du salaire (et l’on ne saurait concevoir qu’un telpréjudice soit indemnisé à cette aune). La Cour de cassationa pris acte de cette nature hybride en décidant, dans un avis(Cass. avis, 29 oct. 2007, n° 07-00.017, Bull. civ. avis, n° 5),que «la rente versée en application de l’article L. 434-2 du Codede la sécurité sociale, à la victime d’un accident du travail, indemnise, notamment, les pertes de gains professionnels etles incidences professionnelles de l’incapacité; elle doit en consé-quence s’imputer prioritairement sur les pertes de gains professionnels, puis sur la part d’indemnité réparant l’inci-dence professionnelle». L’on peut comprendre dès lors que,dans l’un des arrêts commentés (Cass. 2e civ., 11 juin 2009,n° 08-17.581, précité), elle reproche à la cour d’appel d’avoirlimité l’objet de la rente accident du travail, qui est mixte, etque, dans l’ensemble des arrêts commentés, elle affirme quela rente «indemnise, d’une part, les pertes de gains profession-

nels et l’incidence professionnelle de l’incapacité et, d’autre part, le déficitfonctionnel permanent».La Cour de cassation, le 11 juin 2009 (la solution étant réitérée dans des arrêts du 9 juillet et du 17 septembre:Cass. 2e civ., 9 juill. 2009, n° 08-17.001;Cass. 2e civ., 17 sept. 2009, n° 08-19.323),aurait pris ses distances avec la solutionpréconisée par les avis du 29octobre 2007(Cass. avis, 29 oct. 2007, n° 07-00.016 etCass. avis, 29 oct. 2007, n° 07-00.017;Jourdain P., Imputation des rentes

d’accident du travail sur les postes de dommage corporel : laCour de cassation change d’avis, D. 2009, p. 1789). Du moinscomplète-t-elle les avis : elle disait en 2007 que la rente indemnisait notamment le préjudice professionnel, elle ajouteen 2009 que la rente indemnise, d’une part, le préjudice pro-fessionnel, d’autre part, le préjudice personnel. Les avis de2007 portent un ordre de priorité d’imputation: d’abord surles pertes de gains professionnels, puis sur l’incidence profes-sionnelle, et sous condition d’indemnisation préalable et incontestable de la victime d’un poste de préjudice person-nel, sur un tel poste. Cet ordre définit a priori les règles d’im-putation et, corrélativement, la nature de la rente. Rien ne laissepenser qu’il soit remis en cause par les arrêts commentés ; toutefois, l’appréciation se fait essentiellement a posteriori, aprèsle versement de la prestation: si le cas d’espèce révèle une absence de préjudice professionnel, c’est que la rente compenseun préjudice personnel.

B – Le choix de l’appréciation a posteriori de la nature des prestations

Une chose est d’avancer qu’a priori une prestation est destinée à réparer un préjudice professionnel et un préjudicepersonnel ; une autre est de savoir quels sont effectivementles préjudices réparés dans une espèce particulière. La Courde cassation, par quatre arrêts (Cass. 2e civ., 11 juin 2009,n° 07-21.768, précité; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-16.089,précité ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-11.853, précité ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.816, précité), développe

R E C O U R S D E S T I E R S PAY E U R S E T P R E S TAT I O N S F O R FA I TA I R E S : L A C O U R D E C A S S AT I O N R É É C R I T- E L L E L A LO I ?

La déduction desprestations de la créance

de réparation permetde préserver une

réparation intégraledu préjudice personnel

de la victime, sans excès.

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un raisonnement d’une imparable logique: en l’absence depréjudice professionnel, la prestation de nature mixte ne pouvait réparer qu’un préjudice personnel. Reprocher cettedéduction à la Cour de cassation revient à défendre l’idée selon laquelle la rente accident du travail ou les allocations tem-poraires d’invalidité enrichissent ceux qui les perçoivent (outrela compensation du préjudice personnel qui, puisque d’extra-patrimonial à l’origine, est traduit en termes patrimoniaux, accroît le patrimoine de la victime). La Cour de cassationn’avait d’autre choix pour empêcher que, de telles prestationsétant versées sans préjudice professionnel, elles aient ce sens,ou cet effet. Le recours du tiers payeur ou la déduction desprestations de la créance de réparation permettent de préser-ver une réparation intégrale du préjudice personnel de la victime, sans excès.La Chambre criminelle de la Cour de cassation (Cass. crim.,19 mai 2009, n° 08-82.666 ; Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.050, Bull. crim., n° 95; Cass. crim., 19 mai 2009,n° 08-86.485, Bull. crim., n° 96; Cass. crim., 19 mai 2009,n° 08-83.987 ; Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-83.529 ; Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-24.261) avait ouvert la voie àun tel raisonnement, alors que, dans les espèces dont elle avaità connaître, la prestation versée excédait la perte de revenuset l’incidence professionnelle. Son raisonnement préfiguraitcelui tenu par la deuxième chambre civile : «dans la mesureoù son montant excède celui des pertes de revenus et l’inci-dence professionnelle, la rente servie en application del’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale répare néces-sairement, en tout ou partie, l’atteinte objective à l’intégritéphysique de la victime que représente le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent ». La Chambre criminelle en tire le devoir, dans un tel cas, à la charge des coursd’appel, de procéder à l’évaluation du poste de l’incidence pro-fessionnelle – qui permettra, par soustraction, d’établir la frac-tion de la prestation réparant le préjudice personnel.Parce qu’aux termes de la loi, c’est le tiers payeur souhaitantexercer un recours qui doit apporter la preuve de ce que saprestation indemnise un poste de préjudice personnel, la Courde cassation (Cass. 2e civ., 23 oct. 2008, n° 07-18.819, Bull.civ. II, n° 229) avait fait jouer la présomption selon laquelleles prestations sociales ne réparent pas de préjudices person-nels, à charge pour les tiers payeurs de la renverser. Les arrêts commentés paraissent revenir sur cette position; ils nele font qu’à partir du constat de l’objet mixte des rentes versées, ce qui oblige les juges du fond, dans chaque cas d’espèce, à rechercher si la prestation n’a pas effectivementindemnisé des postes de préjudices personnels (adde Cass.2e civ., 25 juin 2009, n° 08-17.133; Cass. 2e civ., 9 juill. 2009,n° 08-17.001, précité; Cass. 2e civ., 9 juill. 2009, n° 08-17.002). Lorsqu’une prestation répare à la fois des postes de préjudicespersonnels et professionnels, la preuve selon laquelle le mon-tant de la prestation excède les préjudices professionnels (lesquels peuvent être inexistants), emporte celle de la priseen charge de préjudices personnels.L’on pourrait toutefois contester l’assertion par laquelle, dansdeux des arrêts (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.768, précité ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-16.089, précité), laCour de cassation a retenu que la rente accident du travail indemnisait nécessairement le poste de préjudice personneldu déficit fonctionnel permanent en l’absence de pertes degains professionnels ou d’incidence professionnelle. S’il estfacile de reconnaître qu’une invalidité temporaire n’a pas eude telles incidences (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-11.853,précité ; Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 07-21.816, précité), l’on

peut redouter qu’une invalidité permanente fasse, par exemple,perdre à la victime des chances de progression professionnelle.Le Conseil d’État (CE, 5 mars 2008, n° 272447, Caisse primaired’assurance maladie de Seine-Saint-Denis) n’hésite pas, ainsi,à admettre qu’une rente versée à un salarié laissé avec unhandicap a pour objet « de contribuer à la réparation du préjudice subi par l’intéressé dans sa vie professionnelle dufait du handicap ; qu’il y a lieu, par suite, d’imputer cette rentesur l’indemnité réparant l’incidence professionnelle du handi-cap», alors même que le salarié a retrouvé après son accidentun emploi mieux rémunéré que celui qu’il occupait aupara-vant. Pour ce faire, le Conseil d’État tient compte de cette pertedes chances de progression professionnelle.Ceci dit, la Cour de cassation ne réécrit pas la loi lorsqu’elleadmet qu’une prestation répare nécessairement un poste depréjudice personnel, lorsqu’elle excède le préjudice profes-sionnel (ou en l’absence de celui-ci) ; elle ne décide ainsi quepar stricte logique, et pour permettre la sauvegarde du principe de la réparation intégrale, par la déduction des prestations de la créance de réparation.

II – LA DÉDUCTION DES PRESTATIONS VERSÉES PAR LE TIERS PAYEURUne fois établi qu’une prestation répare tout ou partie d’un

préjudice personnel, les tiers payeurs peuvent, dans les condi-tions posées par la loi, exercer leur recours sur les postes depréjudices correspondants. Cette règle est nécessaire pour quele même chef de préjudice ne soit pas indemnisé deux fois,par le tiers payeur, puis par le responsable: il s’agit de préser-ver le principe de réparation intégrale, considéré comme élément du droit commun de la réparation (sur cette notion,Clerc-Renaud L., Du droit commun et des régimes spéciauxen droit extracontractuel de la réparation, thèse Université deSavoie, 2006; Brun Ph., Responsabilité civile extracontrac-tuelle, Litec, 2005, nos 425 et 817). Le recours des tiers payeursn’est toutefois autorisé sur des postes de préjudices person-nels que si la prestation a été effectivement et préalablementversée à la victime, ce qui pose des difficultés lorsque, commeen l’espèce, des rentes étaient en cause. Le droit commun dela réparation semble alors ordonner la déduction des presta-tions de la créance de réparation (A), alors que le droit spé-cial du recours des tiers payeurs semble interdire le recourspour les périodicités non échues des rentes (B).

A – L’intervention du droit commun de la réparation

Les arrêts commentés sont rendus au visa du principe dela réparation intégrale, sans le support de l’article 1382 duCode civil – pratique peu courante, mais non inédite (à titred’exemple, Cass. 2e civ., 19 juin 2008, n° 07-14.865). Dans lemême esprit, les arrêts de la Chambre criminelle (v. notam-ment, Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.050, précité) s’appuyaient sur la règle selon laquelle «le préjudice résultantd’une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perteni profit pour aucune des parties». La mise en exergue de cetterègle atteste de l’existence d’un droit commun de la répara-tion. Ainsi, que la réparation d’un préjudice se fasse par lesrègles de l’indemnisation ou par celles de la responsabilité civile, ce droit commun de la réparation renferme des règless’imposant, en l’absence de tout support textuel, et à défautde disposition contraire d’un régime spécial.Mieux, le droit commun de la réparation, dans ces arrêts, estinvoqué à l’encontre d’un texte spécial, selon lequel le recours

ACTU

ALITÉSRESPONSABILITÉ

ÉCLAIRAG

E

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ne peut s’exercer sur un poste de préjudice à caractère per-sonnel que «si le tiers payeur établit qu’il a effectivement etpréalablement versé à la victime une prestation indemnisantde manière incontestable un poste de préjudice personnel»(L. n° 85-677, 5 juill. 1985, art. 31). La solution à laquelleétaient parvenues les cours d’appel, par l’application strictede ce texte, conduisait à ce que le préjudice personnel de lavictime soit indemnisé deux fois, une première fois par lesprestations des tiers payeurs, une seconde fois par le respon-sable. La contrariété avec le principe de réparation intégraleétant alors évidente, la Cour de cassation a dû opérer uneconciliation, par laquelle elle fait prévaloir le droit communsur les exigences relatives à la charge de la preuve posées parle texte spécial. S’il ressort de l’économie de l’espèce que laprestation inclut nécessairement une indemnisation à caractère personnel, le juge doit permettre le recours sur les postes de préjudices à caractèrepersonnel.La nature personnelle de ce poste soumisà recours, en l’absence de barème, donneau juge une grande liberté dans son éva-luation; il trouvera toujours un préjudicepersonnel apte à absorber la part de la pres-tation excédant le préjudice professionnel.De la sorte, d’une part se maintient l’idéeselon laquelle la prestation n’enrichit pasla victime – puisque la circonstance selonlaquelle elle excède le préjudice profes-sionnel prouve du même coup l’existenceet la prise en charge du préjudice personnel. D’autre part, en soumettant le poste de préjudice personnel au recours, la juris-prudence empêche effectivement tout enrichissement de la victime, et permet aux tiers payeurs d’exercer plus efficacementleur recours, ce qui importe pour leur équilibre financier. Toutefois, il peut être craint que la poursuite du mouvement quisemble amorcé par la Cour de cassation vide progressivementde son intérêt pour les victimes le recours poste par poste, telque voulu par la réforme de 2006 (sur les facteurs pouvant attiser cette crainte, Bloch C., obs. précitées). Pourrait ainsi planer le spectre du retour à la situation résultant de l’arrêt d’Assemblé plénière du 19 décembre 2003 (Cass. ass. plén.,19 déc. 2003, n° 02-14.783, Bull. civ. ass. plén., n° 8), extrême-ment défavorable à la victime ayant fautivement concouru à laréalisation de son préjudice (en ce sens, Groutel H., Recours destiers payeurs : enfin des règles sur l’imputation des rentes d’accident du travail (et prestations analogues), Resp. civ. et assur. 2009, étude 10). La conciliation entre les règles de l’indem-nisation et de la responsabilité civile, que tente de réaliser le recours des tiers payeurs, gagne à s’appuyer sur l’idée d’un droitcommun de la réparation, ainsi que semble le proposer la Courde cassation. Serait ainsi protégé l’autre acquis de la réforme de2006, la priorité accordée à la victime. En effet, ce qu’interdit ledroit commun de la réparation, c’est que la victime reçoive globalement plus que ce qu’elle a perdu. Dans cette limite, l’indemnisation d’une victime ayant fautivement contribué à laréalisation de son propre préjudice peut s’opérer par un cumulde la prestation d’indemnisation et de la créance de réparation,telle que diminuée par l’incidence de sa faute. La Cour de cassa-tion n’a donc pas sacrifié les intérêts de la victime à ceux des tierspayeurs – elle ne le fait pas davantage lorsqu’elle admet que lescapitaux représentatifs des rentes permettent le recours.

B – Les prestations périodiques et la condition du versement préalableLa distinction donnée par la réforme de 2006, parmi les

postes de préjudices, de ceux présentant un caractère per-sonnel, semblait se justifier par la règle selon laquelle le tierspayeur ne peut recourir sur un tel poste que s’il «établit qu’ila effectivement et préalablement versé à la victime» une pres-tation indemnisant un tel poste. L’adverbe «préalablement»semble exclure du recours les échéances futures des rentesréparant un préjudice personnel (Jourdain P., La réforme desrecours des tiers payeurs : des victimes favorisées, D. 2007,p. 454 ; Jourdain P., L’imputation des rentes versées en casd’accident du travail ou de service, JCP G 2007, II, n° 10194).Ainsi, alors qu’il est indéniable que les arrérages et leséchéances futures d’une rente réparant un poste de préju-dice professionnel permettent un recours, par le biais d’un

capital représentatif (Cass. crim., 10 juin2008, n° 07-85.499), la rente affectéeà un préjudice personnel ne permet-trait un recours que pour les périodici-tés déjà versées – à charge pour le tierspayeur de renouveler les recours au fur et à mesure du versement de saprestation.La Cour de cassation, par l’un des arrêts commentés (Cass. 2e civ., 11 juin2009, n° 07-21.768, précité), ouvre aucontraire la porte à l’imputation du capital représentatif de la rente sur

l’obligation de réparation. La justification théorique sembletoujours puisée dans le principe de la réparation intégrale :la victime ne saurait bénéficier d’une double réparation, parle responsable, et par le tiers payeur. Quant à la justificationtechnique, il a été proposé de la tirer de la certitude des versements futurs, née de l’engagement de verser la rente(Groutel H., Resp. civ. et assur. 2009, comm. 100). Il a éténéanmoins observé qu’«un versement ne se réduit pas à unengagement et que l’on ne peut confondre certitude et effec-tivité des versements», quitte à considérer que « la juste finpoursuivie pourrait justifier un moyen techniquement discu-table » (Jourdain P., Imputation des rentes d’accident du travail sur les postes de dommage corporel : la Cour de cassation change d’avis, précité). Peut-être aussi est-il possible de lire la loi en faisant prévaloirl’esprit sur la lettre d’un texte quelque peu maladroit : le tierspayeur doit établir «qu’il a effectivement et préalablementversé à la victime une prestation». Or, c’est bien la rente quiest la prestation, et non chaque échéance de celle-ci. L’on ad-met généralement d’ailleurs que seule une rente, éventuelle-ment convertie en capital représentatif, est à même d’indem-niser un préjudice permanent. Il semble donc légitime d’imputerla rente, qui est une prestation accordée à la victime effecti-vement et préalablement au recours. L’emploi du verbe «verser» s’accorde mal avec une rente, et l’on préférerait lireà la place, par exemple, le verbe «octroyer», ce qui résoudraitle problème. La Cour de cassation feint peut-être d’oublier leverbe «verser», mais exclure les échéances futures de la renterevient à ignorer le sens de «prestation». L’on ne peut, dèslors, reprocher à la Cour de cassation, confrontée à une im-perfection du texte, de lui donner le sens qui le rend compa-tible avec le principe de la réparation intégrale. ◆

R E C O U R S D E S T I E R S PAY E U R S E T P R E S TAT I O N S F O R FA I TA I R E S : L A C O U R D E C A S S AT I O N R É É C R I T- E L L E L A LO I ?

La poursuitedu mouvement amorcé

par la Cour de cassationrisque de vider

progressivement de sonintérêt pour les victimes

le recours poste par poste.

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RESPONSABILITÉPar Jean-Philippe BUGNICOURTRédacteurLamy Droit de la responsabilité

DROIT COMMUNDE LA RESPONSABILITÉ CIVILE

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Vaccination anti-hépatite B:rupture ou continuitéjurisprudentielle?Les juges du fond apprécient souverainement les données scientifiques et les présomptions de faitmises en avant par la victime en vue d’établir le lien de causalité entre la vaccination et l’apparitiond’une sclérose en plaques.Cass. 1re civ., 24 sept. 2009, n° 08-16.097, P+B

Le contentieux de la vaccination contre l’hépatite B et, en premier lieu, la question de la preuve du lien de causalitéentre l’administration du vaccin et l’apparition d’un syn-drome démyélinisant ont fait l’objet de nombreux rebondis-sements en l’espace de deux ans (sur ce point, v. Brun Ph.,La responsabilité du fait des produits défectueux : l’exemplede la vaccination contre l’hépatite B, RLDC 2009/58, suppl.,n° 3361). Nouvel épisode dans cette saga jurisprudentielle(v., en particulier, Cass. 1re civ., 27 févr. 2007, n° 06-10.063,RLDC 2007/38, n° 2523, Resp. civ. et assur. 2007, comm. 165,note Gouttenoire A. et Radé Ch. ; Cass. 1re civ., 22 mai 2008,n° 06-10.967, Bull. civ. I, n° 149 ; Cass. 1re civ., 22 mai 2008,n° 06-14.952, Bull. civ. I, n° 147, Rapp. C. cass. 2008, p. 318 ;sur ces arrêts, v. Brun Ph. et Quézel-Ambrunaz Ch., Vacci-nation contre l’hépatite B et sclérose en plaques : ombres etlumières sur une jurisprudence instable, RLDC 2008/52,n° 3102), l’arrêt de la première chambre civile de la Cour decassation marque-t-il un autre tournant dans le développe-ment des solutions livrées par le juge judiciaire ?Parler de rupture peut, à première vue, être exclu. La décisionrapportée suggère peut-être davantage l’idée d’une évolution,d’une continuité. Elle paraît, en effet, assez proche d’un arrêtdu 22 janvier 2009 par lequel la Cour de cassation a rejeté lesprétentions d’une victime atteinte de la maladie de Guillain-Barré (Cass. 1re civ., 22 janv. 2009, n° 07-16.449, RLDC 2009/59,n° 3376, JCP G 2009, II, n° 10031, note Sargos P.). Mais, à yregarder de plus près, l’impression de continuité s’estompequelque peu pour faire place à un sentiment de repli.Une personne ayant subi quatre injections successives du vaccin contre l’hépatite B a développé, quelque temps plustard, le syndrome de la sclérose en plaques. Le fabricant duproduit, assigné en réparation, est parvenu à échapper à saresponsabilité, faute pour la victime d’avoir réussi à relier l’apparition de sa maladie à l’administration du vaccin. Plusprécisément, les juges du fond ont écarté la demande d’indemnisation aux motifs, selon eux, que le lien de causa-lité ne se présume ni de l’impossibilité, pour les experts scien-tifiques, d’éliminer de façon radicale l’existence de ce lien, ni

RLD

C

de la «simple proximité temporelle entre la vaccination et ledommage», ni, enfin, du bon état de santé de la victime antérieur à l’administration du produit. Et les juges de la courd’appel de Metz d’ajouter : «l’obligation de sécurité de résul-tat existant à la charge du fabricant est regardée comme necomportant pas une garantie de plein droit de tous les dommages pouvant résulter pour l’utilisateur de l’usage desproduits concernés».La motivation de la décision d’appel peut surprendre si on sedonne la peine de l’examiner à l’aune des décisions de la Courde cassation admettant le recours aux présomptions graves,précises et concordantes de l’article 1353 du Code civil. Par ces décisions, la Haute juridiction affirme que la coïnci-dence des événements que constituent l’injection et l’appari-tion des symptômes, ou le bon état de santé «prévaccination»représentent des indices sérieux pouvant être mis en avantpar la victime (Cass. 1re civ., 22 mai 2008, n° 06-10.967, pré-cité ; Cass. 1re civ., 22 mai 2008, n° 05-20.317, précité). LaCour a néanmoins précisé, dans l’arrêt du 22 janvier 2009(Cass. 1re civ., 22 janv. 2009, n° 07-16.449, précité), qu’il re-vient aux juges du fond d’apprécier souverainement la valeuret la portée des éléments de preuve rapportés par la victime.C’est, en définitive, en se retranchant derrière ce pouvoir d’ap-préciation qu’elle avait, à l’époque, rejeté le pourvoi et la de-mande en réparation.S’en remettre intégralement au pouvoir souverain d’apprécia-tion des juges du fond est la solution qui est reproduite ici :la Cour de cassation estime que «la cour d’appel (…) a sou-verainement retenu que les données scientifiques et les pré-somptions invoquées ne constituaient pas la preuve d’un liende causalité entre la vaccination et l’apparition de la mala-die». Toutefois, on ne manquera pas de s’interroger sur la pertinence de l’affirmation dans la mesure où, dans l’arrêtrendu au mois de janvier, le rejet de l’action de la victime sejustifiait par une concurrence des causes possibles à l’appa-rition de la maladie (en l’occurrence, l’existence d’une mala-die infectieuse contemporaine aux injections du vaccin). De cette concurrence, il résultait un doute ne profitant pas àla victime (en matière de contamination par l’hépatite C, lapremière chambre civile a retenu, toutefois, la solution exac-tement inverse : Cass. 1re civ., 5 mars 2009, n° 08-14.729, Bull.civ. I, n° 47, RLDC 2009/60, n° 3419, qui relève expressément« l’existence d’un doute devant bénéficier au demandeur»).Dans l’arrêt rapporté, cependant, il ne semble pas que ce soitle cas puisque la victime était, au contraire, en parfait état desanté peu de temps avant les vaccinations.La décision laissera donc relativement perplexe tant elle procure l’impression de renouer d’une quelconque façon aveccette «instabilité» décriée par certains (Brun Ph. et Quézel-Ambrunaz CH., Vaccination contre l’hépatite B et sclérosesen plaques : ombres et lumières sur une jurisprudence instable, précité). Il est bien difficile de ne pas croire, en effet,en un recul de la Cour de cassation. La Cour approuve la courd’appel d’avoir estimé que les données scientifiques et les«présomptions invoquées» par la victime, à savoir en particu-lier la « proximité temporelle entre la vaccination et le dommage» ou son bon état de santé de la victime avant lesinjections, ne font pas la démonstration du lien causal. Si lesjuges du fond ont, par principe, toute latitude pour apprécierles éléments de fait visés à l’article 1353 du Code civil, il nenous semble pas que cette liberté suffise à justifier la rigueurde la solution.➤ Lamy Droit de la responsabilité, n° 270-138

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RÉGIMES SPÉCIAUX

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Conductrice malgré elle (ou les subtilités de laqualification juridique)Éjectée de son cyclomoteur à la suite d’une collisionavec un automobiliste, la victime conserve la qualité de conducteur à l’instant où elle est percutéepar un troisième véhicule.Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, nos 08-16.915 et 08-16.943, P+B

On n’insiste jamais assez sur l’importance, en droit, de la qualification et c’est tout le mérite de la décision rappor-tée que de mettre idéalement en lumière son rôle fonda-mental.Été 2001. Un accident de la circulation se produit au croise-ment d’une route départementale, entre une automobile etune mobylette, la conductrice de cette dernière n’ayant pascédé le passage ainsi qu’un panneau de signalisation lui enjoignait de le faire. Sous l’effet de la collision, celle-citombe sur la chaussée où un troisième véhicule, arrivant surles lieux, ne peut l’éviter et lui roule sur le corps. Elle assigne alors en indemnisation le conducteur de ce véhiculeet son assureur en vue d’obtenir la réparation de son préju-dice corporel.À l’instar des juges du fond, la Cour de cassation ne lui accordera pas cette réparation. La victime prétend à tort, selon elle, que « le motocycliste, éjecté de son engin après unchoc avec un premier véhicule, n’a plus la qualité de conduc-teur lors d’un second choc avec un autre véhicule terrestre àmoteur». Pour les Hauts magistrats, la chaîne des événe-ments n’est pas, en effet, rompue, si bien que la victime n’apas perdu sa qualité de conducteur à l’instant où elle a étéécrasée. Au contraire, il apparaît que « le choc du véhiculeconduit par M. A avec la victime a suivi immédiatement lachute de celle-ci, provoquée par le premier choc avec le véhi-cule de Mme Y» et que «cette chute sur le sol fait partie duprocessus de l’accident qui s’est produit en un seul trait detemps».La solution est, somme toute, traditionnelle. Dans l’hypo-thèse d’un conducteur qui aurait été éjecté de son véhicule,on sait que la jurisprudence distingue généralement entre lecas où la victime a chuté sur la route préalablement à l’accident (v. notamment, Cass. crim., 9 mars 2004, n° 03-84.991, Bull. crim., n° 59) et celui où la chute et lacollision ont lieu dans le même «trait de temps» (Cass. 2e civ.,21 déc. 2006, n° 05-19.292, Resp. civ. et assur. 2007, comm. 87,obs. Groutel H., qui, observant, comme dans l’arrêt rapporté,que « le choc du véhicule de M. Z avec la victime a suivi immédiatement la chute de celle-ci », retient que «cette chutesur le sol fait partie du processus de l’accident qui s’est produit en un seul trait de temps»), bien que la nuance soitparfois difficile à saisir et à justifier.Être ou ne pas être conducteur a un sens juridiquement puisquel’article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 (JO 6 juill. 1985)réserve à la victime conductrice un sort bien particulier en casde demande d’indemnisation formulée par celle-ci. Cette dispo-sition prévoit, en effet, que «la faute commise par le conducteurdu véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure

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l’indemnisation des dommages qu’il a subis». D’où l’importancede savoir qualifier la victime en l’espèce: non-conductrice, lavoie de la réparation lui est grand ouverte; conductrice, elle nel’est plus que conditionnellement. Il revient alors aux juges dufond d’apprécier les éléments de fait afin de décider si une fautea été commise (en se référant, par exemple, aux dispositions duCode de la route) et si elle a pour effet de réduire le montant del’indemnisation ou d’en exclure le principe même. C’est d’ailleursce à quoi conclut la Cour de cassation en l’espèce. La cour d’appel de Nîmes ayant exclu le droit à réparation en raison durefus de priorité imputable à la demanderesse, elle énonce que«c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciationque la cour d’appel a, par un arrêt motivé, décidé que la fautecommise par Mme X avait pour effet d’exclure son droit à indemnisation».➤ Lamy Droit de la responsabilité, n° 311-82

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Troubles du voisinageet conditions de la résiliationjudiciaire du bailSi la résiliation judiciaire du bail peut être obtenue sur le fondement d’un trouble anormal du voisinage,c’est à la condition d’établir le lien de causalité entreles troubles constatés et le manquement à l’obligationdu preneur d’user paisiblement du bien loué.Cass. 3e civ., 14 oct. 2009, n° 08-16.955, P+B ; Cass. 3e civ., 14 oct. 2009, n° 08-12.744, P+B

Paul Valéry a beau considérer les voisins comme « la seule défense des nations contre une perpétuelle guerre civile», nulne peut raisonnablement nier le potentiel de nuisance queleur existence renferme quelquefois, surtout pas le juriste. La théorie des troubles anormaux du voisinage, ainsi que sonnom l’indique, s’est construite sur les relations conflictuellesque nouent les individus entre eux au gré du hasard, du lieuchoisi pour leur installation et imaginé comme paisible, maisaussi de leur susceptibilité, plus ou moins bien développéeen fonction des hommes, voire de conditions climatiques extraordinaires (pour une application insolite à la suite de lacanicule de 2003, v. CA Paris, 25e ch., sect. A, 28 janv. 2009,RLDC 2009/62, n° 3494). Témoignent dernièrement de sa vigueur deux arrêts rendus le 14 octobre dernier.Dans les affaires jugées par la troisième chambre civile ce jour-là, deux sociétés, propriétaires de logements donnés enlocation à des particuliers, saisissent les tribunaux civils afinde faire prononcer la résiliation du contrat de bail. Motifs allégués par chacune d’elles : l’existence de comportementsconstitutifs de troubles anormaux du voisinage, sachant quedans les deux cas, les comportements reprochés sont, en réalité, imputés aux enfants majeurs des locataires. Dans l’unedes espèces, le fils des défendeurs avait été condamné péna-lement pour entrave en réunion à l’accès et à la circulationdes personnes dans les parties communes d’un immeuble collectif d’habitation et pour agression tandis que, dans l’autre,le litige avait pour origine une querelle historique entre desfamilles résidant dans une même cité minière et savammententretenue par les fils des locataires assignés.La résiliation du contrat peut être obtenue du juge dans l’hypothèse d’un trouble anormal du voisinage, la théorie jurisprudentielle n’ayant eu aucun mal à s’immiscer, notamment,

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dans le droit du bail, sur le terrain de la responsabilité contrac-tuelle dans laquelle elle finit presque par se fondre (v. Cass.3e civ., 20 avr. 2005, n° 03-18.390, Bull. civ. III, n° 96, D. 2006,p. 958, obs. Damas N., qui énonce, au visa des articles 1719et 1725 du Code civil, que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipula-tion particulière, de faire jouir paisiblement le preneur de lachose louée pendant la durée du bail»).Si on enseigne traditionnellement que l’existence d’un troubleanormal est la condition sine qua non de cette responsabilitéatypique, la Cour de cassation rappelle, par les décisions rapportées, que cette condition nécessaire est insuffisante. Il faut encore caractériser un lien de causalité, non pas immédiatement entre ce trouble anormal et le préjudice subipar les demandeurs, mais entre le trouble et l’obligation expressément ou implicitement contenue dans le contrat d’user paisiblement de la chose louée. Faute pour les propriétairesd’établir ce lien, leur action en résiliation judiciaire ne peutaboutir.Forte de ce rappel, la Haute juridiction rejette le pourvoi dirigé contre la décision des juges dans la première affaire :«les faits ayant entraîné la condamnation, avec d’autres pré-venus, du fils des locataires à une peine correctionnelle avaientété commis dans le hall d’un immeuble appartenant au mêmeensemble immobilier que celui où se situaient les lieux loués,mais distant de plus d’un kilomètre» (Cass. 3e civ., 14 oct.2009, n° 08-16.955, à paraître au Bulletin); fait, dans ces condi-tions, défaut la relation « entre les troubles constatés et le manquement imputé aux preneurs à leur obligation d’user paisiblement de la chose louée et de ses accessoires».La Haute juridiction ne manque pas, au contraire, de réagircontre l’arrêt de la cour d’appel qui a ordonné la résiliationdu bail à la vue d’une pétition signée par près de trois centspersonnes, visiblement gênées par la présence des fils des locataires dans la maison de leurs parents et dont trois seule-ment étaient de proches voisins. Pour elle, ces motifs «ne suffisent pas à établir l’existence d’un lien entre les troublesconstatés et un manquement à l’obligation pour le preneurd’user paisiblement de la chose louée ou de ses accessoires».La cassation est par conséquent prononcée (Cass. 3e civ.,14 oct. 2009, n° 08-12.744, à paraître au Bulletin).➤ Lamy Droit de la responsabilité, n° 355-140

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Amiante: règles d’imputationdes rentes, bis repetitaEn l’absence de perte de gains professionnels ou d’incidence professionnelle, la rente versée à la victime d’une maladie professionnelle indemnisenécessairement le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.Cass. 2e civ., 8 oct. 2009, n° 08-17.884, P+B

Par une série de décisions particulièrement importantes (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, nos 08-17.581, 07-21.768, 08-16.089, 07-21.816 et 08-11.853, à paraître au prochain Rapport), la deuxième chambre civile de la Cour de cassa-tion a précisé les contours de l’indemnisation des victimesen présence de tiers-payeurs de telle manière que l’on peut se demander si elle n’a pas, peu ou prou, réécrit la loi (Quézel-Ambrunaz Ch., Recours des tiers-payeurs et prestations

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forfaitaires : la Cour de cassation réécrit-elle la loi ?, RLDC 2009/66, n° 3639).L’un de ces arrêts, rendu sous le visa des articles 29 et 31 de la loin° 85-677 du 5 juillet 1985 (JO 6 juill. 1985), des articles L. 434-1et L. 434-2 du Code de la sécurité sociale et du principe de la réparation intégrale (Cass. 2e civ., 11 juin 2009, n° 08-16.089,précité), énonce «qu’il résulte du dernier de ces textes que la renteversée à la victime d’un accident du travail indemnise, d’une part,les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle del’incapacité et, d’autre part, le déficit fonctionnel permanent;qu’en l’absence de perte de gains professionnels ou d’incidenceprofessionnelle, cette rente indemnise nécessairement le poste depréjudice personnel du déficit fonctionnel permanent». Le prin-cipe fraîchement posé vient d’être mis en œuvre dans un conten-tieux de l’indemnisation d’une victime de l’amiante.Un individu atteint de plaques pleurales causées par l’inhala-tion de poussières d’amiante obtient de la caisse primaire d’assurance maladie dont il relève la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie et le versement, à ce titre,d’une rente à compter du 11 mars 1992. Il présente ensuite auFonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) une demande d’indemnisation. Le Fonds lui soumet une offre parécrit, qu’il conteste en justice.La cour d’appel de Bastia fait droit à la demande en réévalua-tion de son indemnisation. Elle fixe à 28 000 euros environ lemontant de la somme à verser par le FIVA au titre de la rentepour incapacité fonctionnelle prise en charge par le Fonds,montant se décomposant comme suit : 26 300 euros corres-pondant aux arrérages de la rente pour la période du 11 mars1992 au 30 juin 2007; 1 717 euros, qui correspond à la rentedue à compter du 1er juillet 2007.Le FIVA forme un pourvoi finalement accueilli par la Cour decassation. Dans un attendu de principe parfaitement identiqueà celui énoncé le 11 juin dernier, la Haute juridiction fait griefaux juges d’avoir alloué à la victime «une certaine somme enréparation de son déficit fonctionnel permanent sans imputersur ce montant la rente versée par la caisse» et de s’être simple-ment contentés de relever «qu’aucun élément versé aux débatsne démontre que la rente versée à la suite de la maladie profes-sionnelle indemnise un tel préjudice et qu’une double indemni-sation de ce préjudice n’est donc pas établie» (rappr. Cass. 2e civ.,21 déc. 2006, n° 06-13.082).Qu’on le retienne pour de bon: la Cour s’oppose à l’«ultra-indemnisation» des victimes, ce qui semble une solution oppor-tune, guidée par le bon sens (en ce sens, Quézel-Ambrunaz Ch.,Recours des tiers-payeurs et prestations forfaitaires: la Cour decassation réécrit-elle la loi?, précité).➤ Lamy Droit de la responsabilité, n° 364-105

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Indemnisation du préjudicespécifique de contaminationpar le virus de l’hépatite CÀ l’existence de deux postes de préjudices à caractère personnel du déficit fonctionnel et du préjudice spécifique de contamination correspond une indemnisation distincte.Cass. 2e civ., 24 sept. 2009, n° 08-17.241, P+B

Qui ose s’engager dans les méandres du droit de l’indemni-sation des victimes peut facilement se perdre. Si la règle de

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la réparation intégrale en constitue, en principe, la boussole,il reste souvent délicat de définir l’étendue exacte dupréjudice – tout comme l’utilisation d’une boussole peut nepas sembler évidente au premier venu. L’arrêt qu’a rendu laCour de cassation le 24 septembre dernier nous en offre unbel exemple.Transporté à l’hôpital à la suite d’un accident de la circula-tion, un individu y subit des transfusions sanguines etcontracte le virus de l’hépatite C. Il assigne l’Établissementfrançais du sang (EFS) devant les tribunaux civils en vued’obtenir réparation de ses préjudices. En appel, les jugesallouent une indemnité au demandeur, censée couvrir deuxtypes de préjudice : le premier, classique, représente le défi-cit fonctionnel (réparé à hauteur de 85 000 euros) ; l’autre,plus exotique, prend le nom de « préjudice spécifique de contamination » (justifiant l’allocation d’une somme de120 000 euros).Pour la cour d’appel, les choses sont claires : les deux doiventêtre rigoureusement distingués. Dans son pourvoi, néanmoins,l’EFS soulève le caractère artificiel de cette distinction et considère, pour sa part, que la décision de la cour d’appel lecondamne à indemniser deux fois le même préjudice.On rappellera utilement que le préjudice spécifique de conta-mination possède en droit une existence propre. On en trouvenon seulement régulièrement la trace en jurisprudence (dansle contentieux de la contamination par le virus VIH surtout :Cass. 2e civ., 2 avr. 1996, n° 94-15.676, JCP G 1996, I, n° 3985,obs. Viney G.), mais il est encore formellement pris en consi-dération par la nomenclature Dintilhac qui le définit commeun préjudice extrapatrimonial évolutif (en dépit de sa natureextrajuridique, la nomenclature se trouve à la racine de cer-taines évolutions jurisprudentielles ; v., dernièrement, Cass.2e civ., 28 mai 2009, n° 08-16.829, JCP G 2009, n° 28, 248,obs. Bloch C., qui reprend mot pour mot la définition quedonne la nomenclature Dintilhac des préjudices fonctionnelet d’agrément). Mieux, un arrêt de 1996 en a précisé la

substance (Cass. 2e civ., 2 avr. 1996, n° 94-15.676, précité) :«le préjudice spécifique de contamination comprend l’ensembledes préjudices de caractère personnel (…) tant physiques quepsychiques et résultant, notamment, de la réduction de l’espé-rance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale etsexuelle ainsi que des souffrances et de leur crainte, du préju-dice esthétique et d’agrément ainsi que de toutes les affectionsopportunistes consécutives à la déclaration de la maladie».Par sa décision du 24 septembre, la Cour confirme son ana-lyse. Elle estime que ce préjudice «n’inclut pas le préjudice à caractère personnel du déficit fonctionnel, lorsqu’il existe».La définition qu’elle en donne est plus complète que celle de1996 puisque, selon elle, le préjudice spécifique de contami-nation «comprend l’ensemble des préjudices de caractère per-sonnel tant physiques que psychiques résultant de la contami-nation, notamment les perturbations et craintes éprouvées,toujours latentes, concernant l’espérance de vie et la craintedes souffrances» et, également, «le risque de toutes les affec-tions opportunistes consécutives à la découverte de la conta-mination, les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelleet les dommages esthétiques et d’agrément générés par les traitements et soins subis» (la solution est à rapprocher decelle rendue dans un autre arrêt récent : Cass. 2e civ., 19 nov.2009, n° 08-11.622, à paraître au Bulletin).La définition posée, elle rejette le recours formé par l’EFS. À cela, pas de surprise puisqu’à «l’existence des deux postesde préjudices à caractère personnel du déficit fonctionnel et dupréjudice spécifique de contamination» doit rigoureusementcorrespondre une « indemnisation distincte ». S’agissant enfin du montant de la somme versée au titre de ce préjudicespécifique de contamination, dont l’appréciation relève dupouvoir souverain des juges du fond, la deuxième chambrecivile précise que ce type de préjudice « ne peut recevoir indemnisation selon les normes usuellement admises en matière de dommage corporel».➤ Lamy Droit de la responsabilité, n° 390-37

Installation de la nouvelle commissionaccidents du travail et maladiesprofessionnelles

La nouvelle commission accidents dutravail et maladies professionnelles(CAT-MP), qui a vocation à fixer lesorientations de la branche AT-MP dela Sécurité sociale, a été installée par

Xavier Darcos, ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville.À cette occasion, le ministre s’est dit heureux d’observer, pour l’année 2008, une baisse du nombrede décès survenus à la suite d’un accident du travail (– 8,5 %) ainsi qu’une diminution des incapacitéspermanentes partielles (– 5,1 %). Il invite toutefoisles acteurs de la protection sociale à rester vigilants,

d’autant que les chiffres des maladies profession-nelles ont, quant à eux, progressé (+ 3,6 %), et entend mettre davantage l’accent sur la préventiondes risques. Il a, enfin, annoncé la présentation, en janvier 2010, d’un plan « Santé au travail » qui« aura pour cible principale les risques professionnelsidentifiés par la branche AT-MP, c’est-à-dire les troublesmusculo-squelettiques, les risques cancérogènes,mutagènes et toxiques pour la reproduction et, enfin, les risques psychosociaux ».(Ministère du Travail, 4 nov. 2009)

Amiante: cap vers la participation financièredes grands groupes responsables?Un rapport d’information sur la prise en charge des victimes de l’amiante a été déposé et adopté le mer-credi 18 novembre par les membres de la commis-sion des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. L’auteur du rapport, le député Guy Lefranc, étudie

l’hypothèse d’un renouvellement des voies de finan-cement du Fonds de cessation anticipée d’activité destravailleurs de l’amiante (FCAATA), institué pour facili-ter le départ en préretraite de salariés exposés à l’amiante,mais dont le récent rapport sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2010, publiéle 22 octobre, indique que les allocations servies notamment par celui-ci «pèsent de plus en plus lour-dement » sur l’équilibre de la branche accidents du travail-maladies professionnelles.Dans cette perspective, plusieurs recommandationssont faites, au premier rang desquelles se trouventl’augmentation des droits sur le tabac et, surtout, « le principe d’une participation financière des grandsgroupes responsables, dont les modalités pratiquesdoivent être étudiées sans retard ». Il ne s’agit toute-fois que de dégager des options. Il reviendra, plus tard,au gouvernement d’arbitrer.(AFP, 18 nov. 2009)

En bref…

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RESPONSABILITÉSPROFESSIONNELLES

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Application immédiate dudispositif anti-Perruche: il fautsavoir renoncer à renoncer!Les parents peuvent revenir sur leur renonciation à la réparation des préjudices personnels de leurenfant quand cette renonciation procède d’une erreuret que la décision en donnant acte n’est pas revêtue de l’autorité de chose jugée.Cass. 2e civ., 15 oct. 2009, n° 07-20.129, P+B

L’article 1er de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 (JO 5 mars2002) prévoit que «nul ne peut se prévaloir d’un préjudice duseul fait de sa naissance ». Il est précisé que, « lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement desanté est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec unhandicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une fautecaractérisée, les parents peuvent demander une indemnité autitre de leur seul préjudice», à l’exclusion des «charges parti-culières découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap». L’application de cette disposition adoptée par lelégislateur pour contrer la jurisprudence Perruche (Cass. ass.plén., 17 nov. 2000, n° 99-13.701, RTD civ. 2001, p. 146, obs. Jourdain P.) continue de susciter les débats les plus vifs. Il faut dire que la Cour de cassation elle-même alimente lacontroverse par sa volonté de s’opposer à la mise en œuvrerétroactive de la loi en s’arc-boutant généralement sur leconcept d’espérance légitime (v. Cass. 1re civ., 8 juill. 2008,n° 07-12.159, Bull. civ. I, n° 190 et l’analyse de Coulon C., La résistance de la Cour de cassation à l’application du dispositif anti-Perruche, RLDC 2009/56, n° 3251).Dans l’arrêt rapporté, la Haute juridiction n’a pas eu besoin derecourir à cette notion pour justifier le droit des parents d’un enfant né handicapé de réclamer la réparation des préjudicespersonnels de ce dernier. Les faits particuliers de l’espèce enfournissent l’explication: leur fils atteint à la naissance d’ungrave syndrome polymorphique, les demandeurs ont cherché à

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engager la responsabilité des médecins ayant suivi la grossessede la mère. Ils prennent toutefois acte de la publication au Journal officiel, en cours d’instance, de la loi du 4 mars 2002 et,croyant que l’article 1er de la loi, qui leur interdit de poursuivrel’indemnisation des préjudices personnels de leur enfant, est applicable à leur cause, renoncent à réclamer cette indemnisa-tion. On rappellera que l’article 1er, I, in fine dispose très expres-sément que ses dispositions sont, en effet, «applicables aux instances en cours».La cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui ne se penchera doncpas sur ce point, verra son arrêt censuré par la Cour de cas-sation pour un motif étranger à la renonciation. C’est devantla cour d’appel de renvoi que les parents reviennent sur leurdécision, ayant certainement eu vent de l’accueil défavorableque la Haute juridiction réserve aux dispositions de la loi, dispositions qu’elle estime incompatibles avec la Conventioneuropéenne des droits de l’homme et son premier Protocoleadditionnel (v. Cass. 1re civ., 24 janv. 2006, n° 02-13.775, Bull.civ. I, n° 31; sur cette décision, v. Coulon C., L’application dela disposition anti-Perruche à l’épreuve du concept d’espé-rance légitime, RLDC 2006/28, n° 2085). Ce revirement stratégique est-il juridiquement fondé?Pour les juges du fond, une réponse négative s’impose : ils notent que «l’arrêt de la cour d’Aix-en-Provence a été casséseulement en ce qu’il a débouté M. et Mme X de leurs demandes relatives à l’indemnisation de leurs préjudices professionnels et que leur renonciation n’est affectée ni d’uneerreur sur son objet ni d’une fausseté de la cause ou d’une absence de cause». La Cour de cassation censure ce raison-nement au visa des articles 480 du Code de procédure civileet 1109 et 1110 du Code civil. Elle relève, d’une part, que «la disposition de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provencedonnant acte à M. et Mme X de leur renonciation n’était pasrevêtue de l’autorité de la chose jugée » et, d’autre part, que « cette renonciation procédait d’une erreur en ce que M. et Mme X avaient cru devoir se soumettre aux dispositionsde l’article 1er de la loi du 4 mars 2002, prévoyant son appli-cation immédiate aux instances en cours, qui a été ultérieure-ment déclarée contraire à la Convention européenne des droitsde l’homme par des arrêts de la Cour européenne des droits del’homme». Ainsi la Haute juridiction a-t-elle su trouver dansla théorie générale des contrats et des vices du consentementun moyen original de maintenir son hostilité à l’applicationimmédiate du dispositif anti-Perruche.➤ Lamy Droit de la responsabilité, n° 413-42

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SÛRETÉSSous la direction scientifique de Laurent AYNÈS et Philippe DELEBECQUE, Professeurs à l’Université Panthéon-Sorbonne(Paris I), et de Pierre CROCQ, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

1. Le cautionnement souscrit par une personne physiqueau profit d’un créancier professionnel bénéficie d’un régimedérogatoire assorti de mesures protectrices au profit de la cau-tion. Pour l’essentiel, ce régime résulte de la loi n° 2003-721du 1er août 2003 (JO 5 août 2003) pour l’initiative économique,dite loi Dutreil, entrée en application le 6 février 2004. Quelquesannées plus tôt, toutefois, la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998(JO 31 juill. 1998) relative à la lutte contre l’exclusion avaitdéjà mis en place dans son article 102 l’obligation pour lecréancier professionnel d’informer la caution en cas de défaillance du débiteur dès le premier incident de paiement. Au-jourd’hui, l’ensemble de ces textes figure aux articles L. 341-1à L. 341-6 du Code de la consommation et concerne, en plusde l’information de la caution sur l’évolution de la dette dudébiteur et sa défaillance, la forme de l’engagement du garant, les conditions du jeu de la solidarité et l’exigence deproportionnalité entre les facultés contributives de la cautionet le montant de son engagement. Le droit du cautionnementse trouve ainsi fortement marqué du sceau de ces dispositionsspéciales, la plupart des actes de cautionnement entrant dansle champ d’application de ces textes.

2. La loi Dutreil a été diversement appréciée par les auteurs, beaucoup lui reprochant d’ajouter encore aux obliga-tions des créanciers et regrettant par ailleurs le regain du forma-lisme assortissant cette garantie, le risque étant de détourner définitivement les milieux professionnels du cautionnement auprofit d’autres sûretés jugées moins contraignantes (v. par exemple,Avena-Robardet V., Réforme inopinée du cautionnement, D. 2003,p. 2083; Houtcieff D., Les dispositions applicables au caution-nement issues de la loi pour l’initiative économique, JCP G 2003,I, n° 161; Pasqualini F., L’imparfait nouveau droit du caution-nement, LPA 2004, n°24, p. 3; Legeais D., Le Code de la consom-mation siège du nouveau droit du cautionnement, JCP E 2003,n° 282; Piedelièvre S., La réforme de certains cautionnementspar la loi du 1er août 2003, Defrénois 2003, art. 37827). On peutpourtant défendre l’idée que plusieurs dispositions de cette loisont assez heureuses. En effet, outre que cette loi permet doré-navant aux cautions personnes physiques de connaître exacte-ment par avance le montant maximum de leur engagement (v. C. consom., art. L. 341-2), elle n’est peut-être pas aussi

défavorable aux établissements de crédit qu’il n’y paraît. Ceux-ci ont effectivement intérêt à voir leurs obligations et la men-tion manuscrite de la caution formalisées par la loi, pour éviterd’être confrontés aux infinies nuances et à l’instabilité du droitjurisprudentiel qui caractérisent la matière depuis longtemps.

3. Quoi qu’il en soit, on ne peut que déplorer la rapiditéet l’improvisation dans lesquelles ces textes ont été adoptés.Ce nouveau régime a en effet été proposé par la commissionspéciale sur le projet de loi sur l’initiative économique à lasuite d’un amendement parlementaire inattendu (v. le rap-port fait au nom de cette commission, Doc. AN 2002, n° 572,t. I, p. 111). Comme cela a été souligné, il eût fallu un travailpréparatoire minutieux et approfondi pour mettre un certainordre dans une matière que l’on sait chaotique depuis unetrentaine d’années (v. Cabrillac M., Mouly Ch., Cabrillac S.et Pétel Ph., Droit des sûretés, Litec, 8e éd., 2007, n° 126) etqui, aujourd’hui encore, attend sa réforme (faut-il rappelerque la réforme issue de l’ordonnance du 23 mars 2006 n’a pasaffecté le cautionnement, le Parlement n’ayant pas habilité legouvernement à réformer cette sûreté jugée trop embléma-tique pour être confiée au pouvoir exécutif ?).

4. Au titre des lacunes de cette loi, il faut notamment relever les hésitations qui existent quant à son champ d’ap-plication. Le législateur l’a en effet délimité en faisant appelà la qualité des parties contractantes. Si la notion de personnephysique semble relever de l’évidence (v. toutefois plus réservés, Cabrillac M., Mouly Ch., Cabrillac S. et Pétel Ph.,Droit des sûretés, op. cit., n° 127, qui se demandent si les articles L. 341-2 et suivants du Code de la consommation doivent s’appliquer aux cautionnements commerciaux consen-tis par une personne physique et aux cautionnements donnéspar les dirigeants sociaux), celle de créancier professionnel,non définie par la loi, paraît plus équivoque. En témoignentles arrêts du 25 juin 2009 (Cass. com., 25 juin 2009, n° 07-21.506, JCP E 2009, n° 1776, note Legeais D.) et du 9 juillet2009 (Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-15.910, D. 2009, p. 2032,obs. Delpech X., D. 2009, p. 2067, obs. Creton C., D. 2009,p. 2198, note Piedelièvre S., JCP G 2009, n° 40, n° 286, noteLegeais D., RLDC 2009/64, n° 3574, obs. Ansault J.-J. ;

La notion de créancierprofessionnel dans le droitdu cautionnementPar deux arrêts récents, la Cour de cassation se livre à une subtile interprétation de la notion de créancier professionnel introduite par la loi Dutreil du 1er août 2003 en matière de cautionnement. L’auteur fait le point sur les enseignements à en tirer.

Cass. 1re civ., 25 juin 2009, n° 07-21.506, P+B ; Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-15.910, P+B3646

Par OlivierGOUT,

Professeur à l’Université de Savoie

RLD

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Dagorne-Labbe Y., Gaz. Pal. 2009, n° 270-272, p. 10) dans lesquels la Cour de cassation est précisément amenée à se prononcer sur ce point. Dans le second arrêt, l’auteur du pourvoi contestait précisément l’idée qu’il devait souscrire aux exigences du dispositif Dutreil et en particulier auxarticles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la consommation. L’occasion est ainsi donnée à la première chambre civile d’affirmer, le 9 juillet 2009, dans un attendu de principe, que«le créancier professionnel s’entend de celui dont la créance estnée dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale» (on ne manquera pas de relever quela Cour de cassation reprend presque mot pour mot une défini-tion déjà proposée par un auteur : Aynès L., La réforme du cau-tionnement par la loi Dutreil, Dr. & patr. 2003, n° 120, p. 29).

5. La Cour de cassation lève ainsi les mystères de la qualification de créancier professionnel en relevant que pourrevêtir cette qualité il suffit que la créance soit née dans l’exer-cice de la profession du créancier (I), voire que ladite créancesoit en rapport direct avec l’une des activités professionnellesdu créancier (II).

I – UNE CRÉANCE NÉE DANS L’EXERCICEDE LA PROFESSION DU CRÉANCIER 6. La précipitation dans laquelle a été adoptée la loi du

1er août 2003 pour l’initiative économique a, entre autres imperfections, conduit les rédacteurs de la loi Dutreil à recopier purement et simplement des textes spécifiques aux cautionnements de crédits à la consommation ou de crédits immobiliers consentis à des particuliers issus de la loi Neiertz.C’est ainsi que les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de laconsommation imposant une mention manuscrite ad validitatemne sont que le décalque des articles L. 313-7 et L 313-8 du mêmecode. Ce recopiage aveugle explique que l’article L. 341-2 Codede la consommation exige de la caution une mention manus-crite indiquant qu’elle s’engage à rembourser au prêteur lessommes dues sur ses revenus et ses biens.

7. Fallait-il en déduire que le législateur avait entendu cantonner le champ des nouvelles dispositions aux opérations deprêts et aux établissements de crédit, professionnels du caution-nement? Si, à l’évidence, ceux-ci sont destinataires des nouvellesnormes, il est possible d’avoir une lecture plus extensive de la no-tion de créancier professionnel. Peuvent en effet entrer dans cettecatégorie les créanciers qui souhaitent bénéficier d’une sûretédans le cadre de leur activité professionnelle, tels un franchiseurou un concédant, et qui, pour garantir la bonne exécution desobligations du franchisé ou du concessionnaire, demandent uncautionnement. La lecture des travaux préparatoires ne permetpas de trancher fermement ce débat et, à vrai dire, les deux ap-proches peuvent être défendues. La loi pour l’initiative écono-mique étant avant tout destinée à favoriser la création d’entre-prise, il est possible de soutenir que les nouvelles règles protectricesvisent à protéger celui qui veut obtenir du crédit pour créer oudévelopper son activité. Dès lors, seuls les établissements de cré-dit seraient les créanciers professionnels de la loi Dutreil. Mais ilest tout aussi bien envisageable de plaider que la protection vou-lue est plus générale dans l’accompagnement de l’activité de l’en-trepreneur et qu’elle doit jouer dès lors que l’entrepreneur doit seporter caution. Le fait par ailleurs que les dispositions relatives aucautionnement figurent dans le Code de la consommation brouillentconsidérablement les pistes.

8. Désormais, cependant, le doute n’est plus permis. LaCour de cassation fait prévaloir une conception extensive dela notion de créancier professionnel en ne limitant pas cette qualité aux seuls établissements de crédit. Un garagiste et unétablissement de papeterie sont tour à tour assimilés à descréanciers professionnels dans les arrêts des 25 juin et 9 juillet2009. Cette lecture était d’ailleurs celle privilégiée depuis ledébut par la doctrine (v. Cabrillac M., Mouly Ch., Cabrillac S.et Pétel Ph., Droit des sûretés, op. cit., n° 127; Simler Ph.,Cautionnement, garanties autonomes et garanties indemni-taires, Litec, 2008, n° 2461, et les différents commentaires précités de la loi), un auteur ayant judicieusement relevé quela loi visait sans doute «le professionnel créancier» plutôt que«le créancier professionnel» (Simler Ph., note sous CA Cham-béry, 31 oct. 2006, JCP G 2007, I, n° 158 spéc. n° 5). Ce quicompte, en effet, ce n’est pas la nature de l’activité profes-sionnelle exercée mais le lien de la créance cautionnée avecl’activité professionnelle. Le professionnel visé est donc celuisur qui «pèsent des devoirs à raison de son entreprise, celuidisposant de moyens de connaître et de faire respecter la loi,bref celui qui dispose d’un véritable pouvoir organisationnel»(en ce sens, Aynès L., La réforme du cautionnement par la loiDutreil, précité).

9. La solution retenue par la Cour de cassation pouvait serecommander d’un précédent puisque, dans un arrêt de 2005statuant sur la question de l’exigence de proportionnalité ducautionnement, la première chambre civile avait qualifié decréancier professionnel une société civile immobilière (SCI)vendeur professionnel qui n’était donc pas un établissementde crédit (Cass. 1re civ., 10 mai 2005, n° 03-14.446, Bull. civ. I,n° 200). Plusieurs juridictions du fond avaient aussi déjà eul’occasion de privilégier la conception large du créancier professionnel. Ainsi la cour d’appel de Chambéry a-t-elle pujuger l’article L. 341-4 du Code de la consommation appli-cable à un fournisseur de matériaux (CA Chambéry, 31 oct.2006, JCP G 2007, I, n° 158, spéc. n° 5, obs. Simler Ph. ; v. également, CA Amiens, 11 oct. 2007, n° 348049, Banque etdroit 2008, n° 118, p. 44, obs. Jacob F.).

10. Il est important de noter par ailleurs que même si les arrêts de 2009 ont été rendus à propos du non-respect du for-malisme imposé par les articles L. 341-2 (relatif au contenude la mention manuscrite de celui qui s’engage en qualité decaution) et L. 341-3 du Code de la consommation (relatif aujeu de la solidarité du cautionnement, seulement pour l’arrêtdu 9 juillet 2009, Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-15.910, précité), ils ont vocation à rayonner plus largement et à s’appliquer aux différentes hypothèses dans lesquelles la loifait référence au créancier professionnel. Ceux qui en doute-raient pourront se convaincre en particulier de la portée jurisprudentielle de l’arrêt du 9 juillet 2009 en relevant qu’ila les honneurs du site Internet de la Haute juridiction et qu’ila été rendu sous l’autorité du premier président de la Cour decassation. Il paraît dès lors raisonnable de soutenir que cetarrêt pose la définition du créancier professionnel en droit ducautionnement. À cela il convient d’ajouter que le même jour,la première chambre civile est venue faire prévaloir l’espritde l’article L. 341 2 du Code de la consommation sur soncontenu (v. supra, n° 6), en affirmant que ce texte s’appliquetoutes les fois qu’une personne physique s’engage par actesous seing privé en qualité de caution envers un créancierprofessionnel que la créance garantie résulte ou non d’un prêt(Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-15.910, précité).

ACTU

ALITÉSSÛRETÉS

ÉCLAIRAG

E

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11. Si, comme on l’a dit, la solution retenue par la Courde cassation était prévisible et peut être approuvée parcequ’elle correspond sans doute à ce qu’avaient imaginé les par-lementaires et parce qu’elle conforte le champ de la protec-tion des cautions, elle suscite néanmoins une certaine per-plexité et interroge quant à sa justesse: il nous semble en effetque soit la loi ainsi interprétée ratisse trop large, soit à l’in-verse elle ne va pas jusqu’au bout de sa logique. Elle va troploin, car il paraît critiquable de mettre sur le même plan unétablissement de crédit, un autre commerçant, un artisan ouun agriculteur qui tous peuvent revêtir la qualité de profes-sionnel et solliciter à un moment ou à un autre un acte decautionnement. Si le premier est un spécialiste du cautionne-ment et maîtrise à ce titre parfaitement la rédaction de telsactes, les autres ne sont guère rompus à la complexité de lamatière et il est donc discutable qu’ilssoient dorénavant tous logés à la mêmeenseigne par le droit positif. À l’inverse,on peut se prévaloir de l’idée que s’ilconvient de mieux protéger la cautionen assujettissant l’ensemble des béné-ficiaires d’un cautionnement à un soclede règles jugées incontournables pourla protection de la caution, il n’y a dansce cas aucune raison que seuls les créan-ciers professionnels y soient contraints,qui plus est à l’égard de cautions pouvant elles aussi agir dansle cadre d’une activité professionnelle. Il conviendrait alorsque les articles L. 341-1 et suivants du Code de la consomma-tion soient intégrés dans le Code civil pour qu’ils deviennentle droit commun du cautionnement. Mais la balle est ici dansle camp du législateur et il y a là encore un intérêt supplé-mentaire, s’il en fallait un autre, de réformer urgemment ledroit du cautionnement.

12. Quoi qu’il en soit, la Cour de cassation ne semble guères’être embarrassée de ce genre de considération et va jusqu’àaffirmer, pour donner en quelque sorte toute sa force de frappeà la notion de créancier professionnel, qu’il suffit même quela créance entretienne un rapport direct avec une des activi-tés professionnelles.

II – UNE CRÉANCE EN RAPPORT DIRECT AVEC UNE DES ACTIVITÉS PROFESSIONNELLES13. La notion de rapport direct avec l’activité professionnelle

n’est pas inconnue du juriste français. Celle-ci a notamment pros-péré lorsqu’il s’est agi de savoir si les personnes agissant dans unbut professionnel mais en dehors de leur champ de compétencehabituelle pouvaient se voir appliquer certaines règles protectricesdu droit de la consommation. Depuis 1995, la Cour de cassationutilise ainsi la formule selon laquelle n’est pas un consommateurcelui qui conclut un contrat présentant un rapport direct avec sonactivité professionnelle (Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, n°92-18.227,Bull. civ. I, n° 54, D. 1995, jur., p. 327, note Paisant G., D. 1995,somm., p. 229, obs. Delebecque Ph., D. 1995, somm., p. 310, obs. Pizzio J.-P., JCP G 1995, I, n° 3893, n° 28, obs. Viney G.). Il ne peut donc se prévaloir de la législation relative aux clausesabusives (v. également en matière de démarchage à domicile,Cass. 1re civ., 1er déc. 1998, n° 96-13.924, Bull. civ. I, n° 339, D. 2000, somm., p. 39, obs. Pizzio J.-P.). Il en résulte a contrarioque le droit de la consommation peut se voir appliquer à un professionnel lorsque le contrat n’a qu’un rapport indirect avecla profession.

14. Le recours à cette notion de rapport direct avec l’activité professionnelle a fait l’objet de moult critiques en doc-trine, en raison notamment de son imprécision (v. par exemple,Paisant G., À la recherche du consommateur, pour en finir avecl’actuelle confusion née de l’application du critère du rapport direct, JCP G 2003, I, n° 121; Henry X., Les clauses abusives: oùva la jurisprudence accessible? Appréciation du rapport directavec l’activité, D. 2003, p. 2557). Sans vouloir revenir sur l’en-semble de ce débat, il faut admettre que la frontière entre le rap-port direct et celui qui ne l’est plus est des plus délicates à saisir,si bien que la Cour de cassation n’a pas elle-même défini ce conceptet s’en remet à l’appréciation souveraine des juges du fond (v. parexemple, Cass. 1re civ., 17 juill. 1996, n° 94-14.622, JCP G 1996,II, n° 22747). Une étude a ainsi révélé que la plus grande confu-sion régnait auprès des juridictions du fond (v. Paisant G., À la

recherche du consommateur, pour en finir avec l’actuelle confusion née de l’application du critère du rapport direct,précité).Schématiquement, il est possible de retenir deux acceptions de ce rapportdirect avec l’activité professionnelle. La première consiste à considérer qu’au-cun rapport direct n’existe dès lors que leprofessionnel contracte dans un domainedans lequel il est inexpérimenté ou lorsque

la prestation contractuelle est étrangère à la nature de ses activi-tés (par exemple, un commerçant fait installer un système d’alarme).Cette conception a été condamnée par la Cour de cassation quia eu l’occasion d’affirmer que l’appréciation du rapport direct de-vait être dissociée du point de savoir si le contrat avait été concluen dehors de la sphère habituelle de compétence du profession-nel en cause qui, dès lors, aurait contracté dans le même étatd’ignorance que n’importe quel autre consommateur (v. parexemple, Cass. 1re civ., 5 mars 2002, n° 00-18.202, Bull. civ. I,n° 78, JCP G 2002, II, n° 10123, note Paisant G., Contrats, conc.,consom. 2002, comm. 118, note Leveneur L.). Autrement dit, lescritères de rapport direct et de compétence professionnelle sontdistincts.La seconde acception consiste ainsi à s’interroger sur la finalitédans laquelle le contrat a été conclu. Les motivations commer-ciales du professionnel deviennent alors prédominantes car, dès lors qu’un contrat conclu dans l’exercice d’une professionprésente un avantage ou un intérêt pour l’entreprise, le rapportdirect existe, peu importe que le professionnel contracte en dehors de sa spécialité. Si l’on retient cette approche, le rapportsera jugé direct dans la plupart des cas (v. toutefois pour lesnombreuses hésitations qui perdurent, Henry X., Les clausesabusives : où va la jurisprudence accessible? Appréciation durapport direct avec l’activité, précité).

15. Même s’il est désormais possible de s’inspirer des enseignements du passé pour mieux appréhender le critère derapport direct avec l’activité du professionnel dans le cadre ducautionnement, on peut toutefois se demander s’il était vrai-ment opportun et raisonnable de mobiliser à nouveau cette notion quand on sait à quel point elle fait débat. Il semble pour-tant que, en la mobilisant, la Cour de cassation a entendu étendrele plus largement possible la notion de créancier professionnelpour inclure dans le champ d’applications des articles L. 341-1et suivants du Code de la consommation toutes les créances destinées à promouvoir l’activité du créancier. Que l’on imagineun commerçant cédant un fonds de commerce ou un bien im-mobilier où il a exercé son activité professionnelle et souhaitant

L A N O T I O N D E C R É A N C I E R P R O F E S S I O N N E L D A N S L E D R O I T D U C A U T I O N N E M E N T

Si la solution retenue par la Cour de cassation

était prévisible et peut êtreapprouvée, elle suscite

néanmoins une certaineperplexité et interroge quant à sa justesse.

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obtenir de son acheteur un contrat de cautionnement pour garantir le paiement du prix d’acquisition. Ici la créance n’estpas née en tant que telle dans l’exercice de sa profession. En revanche, il semble bien que la créance soit en rapport directavec l’activité professionnelle du créancier. Dès lors, cette seconde formule du rapport direct ne permettait-elle pas de couvrir la première et d’en faire l’économie?

16. Comme si cela ne suffisait pas, la Cour de cassationajoute, toujours dans l’arrêt du 9 juillet 2009 (Cass. 1re civ.,9 juill. 2009, n° 08-15.910, précité), que la créance qui setrouve en rapport direct avec l’une des activités profession-nelles peut ne pas être principale. Il faut dire qu’elle était directement invitée à se prononcer sur ce point par le pour-voi en cassation. En effet, la cour d’appel avait elle-même affirmé qu’un «créancier professionnel doit s’entendre commecelui dont la créance est née dans l’exercice de sa professionou se trouve en rapport direct avec son activité professionnelle,même si celle-ci n’est pas principale et n’a pas pour objet ladélivrance de crédit». Et l’auteur du pourvoi plaidait quant à luil’idée que les juges du fond avaient violé les articles L. 341-2et L. 341-3 du Code de la consommation, non pas parce que

la qualité de créancier professionnel devait être réservée auxétablissements de crédit, mais parce qu’elle s’entendait de celui dont la créance a un rapport direct avec son activé professionnelle principale. Or, dans cette affaire, la créance litigieuse n’avait qu’un lien avec une activité accessoire de diversification sans rapport direct avec l’activité principale.

17. C’est donc assez naturellement que la Cour de cassationa repris les éléments du débat pour arrêter sa position et affirmerque l’activité professionnelle en question peut être accessoire. L’ar-gument de l’auteur du pourvoi n’a donc pas convaincu la Hautejuridiction et il faut sans doute l’en approuver, car si elle s’étaitrangée à son opinion, elle aurait laissé ouverte la porte de la contes-tation de la qualité de créancier professionnel par le canal du liensusceptible d’exister entre l’origine de la créance et le caractèreprincipal de l’activité du créancier. Il en aurait été ainsi tout par-ticulièrement dans les nombreuses hypothèses où un créancierexerce plusieurs activités. La Cour de cassation clôt dès lors paranticipation ce débat, et ce n’est pas la moindre des choses puisque,faut-il le rappeler, sa jurisprudence était attendue pour qu’elle clarifie la portée d’une loi ambigüe. Pourtant, on l’a dit, on nesaurait complètement se satisfaire de la solution qui s’en dégage.◆

ACTU

ALITÉSSÛRETÉS

ÉCLAIRAG

E

« Sur le moyen unique,

pris en sa seconde

branche:

Vu l’article L. 341-2

du Code de la

consommation ;

Attendu qu’aux termes de ce texte, toute personne

physique qui s’engage par acte sous seing privé en

qualité de caution envers un créancier professionnel

doit, à peine de nullité de son engagement, faire

précéder sa signature de la mention manuscrite sui-

vante, et uniquement de celle-ci : «En me portant

caution de A, dans la limite de la somme de…

couvrant le paiement du principal, des intérêts et,

le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard

et pour la durée de…, je m’engage à rembourser

au prêteur les sommes dues sur mes revenus

et mes biens si A n’y satisfait pas lui-même» ;

Attendu que la société G ayant procédé à des répara-

tions sur un véhicule automobile, pour lesquelles

elle avait établi, le 18 février 2005, un devis au nom

de M. X, en a réclamé le règlement à celui-ci

et à Mme Y; que le jugement attaqué condamne

le premier au paiement de la somme principale

de 804,56 euros et la seconde au paiement de celle

de 741,77 euros, en qualité de caution simple;

Attendu que pour condamner Mme Y la juridiction

de proximité s’est notamment appuyée sur une

demande d’emprunt auprès du groupe S qu’elle avait

souscrite le 28 février 2005 «au profit» de la société

pour une somme égale à celle facturée à M. X

le même jour, et le versement de sa part de deux

acomptes;

Qu’en statuant ainsi, alors que le cautionnement

invoqué par la société, créancier professionnel,

à l’encontre d’une personne physique, ne satisfaisait

pas aux exigences du texte susvisé, la juridiction

de proximité en a violé les dispositions ;

Et attendu que, conformément à l’article 627, alinéa 2,

du Code de procédure civile, la cour est en mesure

de mettre fin au litige en appliquant la règle de droit

appropriée ;

Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur

la première branche du moyen: casse et annule».

Cass. 1re civ., 25 juin 2009, n° 07-21.506, P+B

«Sur le moyen unique :

Attendu que la Société P détenait des parts repré-

sentatives du capital social de la société Yahve,

laquelle exploitait un fonds de commerce de

brasserie; qu'après cession de ces parts, le solde

du compte courant d'associé détenu dans la

société Y par la Société P a été converti en un prêt

consenti par celle-ci à celle-là, aux termes d'un acte

sous seing privé du 13 janvier 2005; que M. X,

actionnaire de la société Y, s'est porté caution du

remboursement de ce prêt, selon le même acte,

sur lequel il a apposé la mention manuscrite suivante:

«Bon pour cautionnement solidaire et indivisible à

concurrence de deux cent mille euros (200 000 euros)

en principal, majoré des intérêts au taux de 4 %

des frais et accessoires dans les conditions stipulées

ci-dessus»; qu’en raison de la défaillance de la

société Y, la Société P a assigné en paiement M. X,

lequel a invoqué la nullité de son engagement faute

pour celui-ci de contenir les mentions manuscrites

impérativement prescrites par les articles L. 341-2

et L. 341-3 du Code de la consommation ;

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué (CA Orléans,

27 mars 2008) d’avoir prononcé la nullité du caution-

nement souscrit par M. X et rejeté la demande de la

Société P alors, selon le moyen, «que le créancier

professionnel visé aux articles L. 341-2 et L. 341-3

du Code de la consommation s’entend de celui dont

la créance a un rapport direct avec son activité pro-

fessionnelle principale; qu’en décidant, néanmoins,

que la Société P était un créancier professionnel,

sa créance ayant un rapport direct avec son activité

accessoire de diversification, quand la créance de la

Société P n’avait pas de rapport direct avec son activité

principale, la cour d’appel a, manifestement, violé

les articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code de la

consommation»;

Mais attendu qu’après avoir exactement retenu

qu’au sens des articles L. 341-2 et L. 341-3 du Code

de la consommation le créancier professionnel s’en-

tend de celui dont la créance est née dans l’exercice

de sa profession ou se trouve en rapport direct

avec l’une de ses activités professionnelles, même

si celle-ci n’est pas principale, la cour d’appel a

constaté qu’en procédant à une acquisition de parts

de la société Y et à un apport en compte courant

au bénéfice de cette dernière, la Société P avait

entendu réaliser un investissement en rapport direct

avec une activité de diversification ; qu’elle en a

déduit, à bon droit, que du chef de la créance née

d’un tel investissement, fût-il accessoire au regard

de son activité principale, la Société P devait être

regardée comme un créancier professionnel,

en sorte que, faute de contenir les mentions manus-

crites exigées par ces deux articles, le cautionnement

litigieux souscrit à son bénéfice par M. X était enta-

ché de nullité ; que le moyen n’est donc pas fondé ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi ».

Cass. 1re civ., 9 juill. 2009, n° 08-15.910, P+B

Texte des arrêts(extraits)

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28 R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L • D É C E M B R E 2 0 0 9 • N 0 6 6

SÛRETÉSPar Gaëlle MARRAUD des GROTTESSecrétaire général de la RédactionLamy Droit des sûretés

SÛRETÉS PERSONNELLES

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La notion de perte de chances’invite dans le régimedu devoir de mise en gardeDans la mesure où le préjudice né du manquementpar un établissement de crédit à son obligation de miseen garde à l’égard de la caution doit s’analyser en une perte d’une chance, il ne saurait être chiffré à un montant équivalent à celui de la dette garantie.Cass. com., 20 oct. 2009, n° 08-20.274, P+B

Depuis quelques années, l’on observe que le juge est animépar le souci constant de forger un régime solide au nouveauconcept de devoir de mise en garde dont il a lui-même favo-risé l’introduction en droit positif (v. notamment, Le devoirde mise en garde du banquier, RD bancaire et fin. 2007, p. 27).Cette obligation, qui s’articule autour d’une distinction entreemprunteur ou caution avertis ou non avertis, impose au ban-quier d’attirer, le cas échéant, l’attention de son contractantsur les risques d’endettement auxquels il s’expose en raisonde ses capacités financières s’il vient à s’engager dans l’opé-ration projetée. Dès lors qu’une telle obligation existe à l’égardde la caution non avertie, il appartient à l’établissement decrédit de diligenter la preuve qu’il a bien répondu aux exi-gences en cause (v. notamment, Aynès L. et Crocq P., Les sûretés, La publicité foncière, Defrénois, 4e éd., 2009,spéc. n° 297). À défaut, la banque devra indemniser le garant du préjudice subi. Mais comment évaluer précisémentl’étendue de celui-ci ? C’est sur cette délicate question ques’est penchée la Chambre commerciale de la Cour de cassa-tion dans son arrêt du 20 octobre (Cass. com., 20 oct. 2009,n° 08-20.274, à paraître au Bulletin).Le contentieux opposait ici un établissement bancaire à unecaution, laquelle garantissait le remboursement d’un prêt visant à financer l’acquisition d’un fonds de commerce. Ladéfaillance de l’emprunteur conduit la banque à poursuivrela caution en paiement. Pour minimiser le montant de la dettequ’il doit acquitter, le garant met en avant sa qualité de caution non avertie et souligne que le prêteur n’a pas rempliles diligences imposées par le devoir de mise en garde dontil était tenu envers lui. Les juges du fond statuent dans ce senset condamnent la banque à verser des dommages-intérêts au constituant de la sûreté d’un montant égal à celui de ladette garantie. Ce faisant, ils libéraient purement et simple-ment la caution de ses engagements, car les deux créancesréciproques avaient alors vocation à se compenser. Dans sonpourvoi, le créancier mécontent ne conteste ni la qualité dela caution, ni l’affirmation des premiers juges selon laquelleil n’aurait pas exécuté son obligation de mise en garde. En revanche, il considère que le seul préjudice qui pouvait

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donner lieu à réparation dans cette affaire résidait dans laperte d’une chance qu’avait la caution de prendre une déci-sion différente de celle de s’engager dans les liens d’un contratde cautionnement. Mais, si l’on admet ce raisonnement, unetelle perte de chance ne peut représenter qu’une fraction dela perte à laquelle la victime a été exposée. Partant, le préju-dice réparable ne saurait correspondre à l’intégralité de la dettegarantie. C’est en visant l’article 1147 du Code civil que laChambre commerciale choisit de consacrer cette analyse etde casser l’arrêt rendu par la cour d’appel d’Angers au motifque «(…) le préjudice né du manquement par un établisse-ment de crédit à son obligation de mise en garde s’analyse enla perte d’une chance de ne pas contracter».La solution adoptée par la Cour de cassation concernant l’iden-tification du préjudice subi par une caution non avertie consé-cutivement à la violation par le banquier de son devoir demise en garde mérite d’être saluée. Au demeurant, elle réjouira les nombreux auteurs qui l’avaient appelée de leursvœux (v. notamment, Mekki M., La singularité du devoir demise en garde du banquier dispensateur de crédit, in Le devoir de mise en garde du banquier, précité, spéc. n° 22;adde Scholastique E., Les devoirs du banquier dispensateurde crédit au consommateur, À propos d’un arrêt de la pre-mière chambre civile de la Cour de cassation, Defrénois 1996,art. 36349, p. 689 et s.). Seule la référence à l’article 1147 duCode civil qui laisse entendre qu’il s’agit ici d’une responsa-bilité contractuelle et non d’une responsabilité extracontrac-tuelle pourrait être discutée dans la mesure où le devoir demise en garde vise à éclairer le consentement au stade de laformation d’un contrat qui, par définition, n’a pas encore étéconclu au moment où la faute du banquier est intervenue (v. déjà en ce sens, Cass. ch. mixte, 29 juin 2007, n° 06-11.673,Bull. civ. ch. mixte, n° 8). Quoi qu’il en soit, au regard desprincipes cardinaux du droit de la responsabilité civile, lesjuges du fond avaient raisonné comme si une mise en gardeeffective du banquier conduisait, à coup sûr, tout candidat aucautionnement à renoncer à s’engager. Or, bien entendu, il nes’agit là que d’une simple probabilité. Dans notre affaire, malgré les avertissements du banquier, la mère de l’emprun-teur aurait peut-être persévéré dans sa volonté de souscrirele cautionnement litigieux afin d’assurer à sa fille l’octroi ducrédit en discussion. En revanche, l’on constate bien ici quele comportement de l’établissement de crédit a entraîné la disparition certaine de la probabilité d’un événement favo-rable pour le garant qui s’exprime juridiquement dans la perted’une chance pour celui-ci de ne pas conclure le contrat decautionnement. Et, bien évidemment, en l’absence d’un telcontrat, le sujet de droit en cause n’aurait jamais eu à acquit-ter la dette du débiteur principal. Dans ce système, il appar-tient au juge d’évaluer les chances qu’aurait eues le candidatau cautionnement de refuser le contrat s’il avait été correcte-ment mis en garde. En l’occurrence, la chance représentanten soi une valeur pour le garant, sa perte doit s’analyser commeun dommage (v. dans ce sens, Terré F., Simler Ph. et Lequette Y.,Les obligations, Dalloz, 10e éd., 2009, n° 701). Néanmoins,seul ce dommage – et non le préjudice qui résulte pour la caution du paiement intégral de la dette – est en relation decausalité certaine avec la faute commise par le banquier enraison de la violation de son devoir de mise en garde. Quantau montant de l’indemnisation, il ne saurait équivaloir aumontant intégral de la dette, autrement dit au préjudice finalsubi par le garant. Si l’on poursuit cette analyse jusqu’à sonterme, les dommages-intérêts auxquels peut prétendre la

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caution correspondront à un pourcentage de la dette garan-tie. Dans ce type de contentieux, il appartiendra donc auxjuges de se plier à des calculs de probabilités en fonction descirconstances propres à chaque espèce. C’est dire combien ceconcept de perte de chance, qui concerne aussi bien le dommage que le lien de causalité, appelle un maniement précautionneux.

Par Jean-Jacques Ansault, Maître de conférences à l’Université de Cergy-Pontoise,

Codirecteur du DJCE, Membre du centre de recherche en droit économique (CRDE)

➤ Lamy Droit des sûretés, n° 110-75

SÛRETÉS RÉELLES

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Disparu l’objetde l’hypothèque, disparue l’hypothèqueL’expiration d’un bail emphytéotique fait disparaîtrel’hypothèque qui le grevait.Cass. 3e civ., 7 oct. 2009, n° 08-14.962, P+B

En dépit de son origine étymologique grecque (signifiant «planter»), l’emphytéose a une origine juridique romaine.Que ce soit à cette époque ou en ancien droit français, elleporte souvent sur des terres en friche, à charge pour le pre-neur d’y réaliser des plantations, voire des constructions. L’institution suppose alors une durée de jouissance longue ouperpétuelle et une redevance modique. Certes, l’économie rurale moderne apparaît bien différente de celle où l’emphy-téose jouissait d’un intérêt pratique indéniable en raison desa structure. Néanmoins, l’on peut observer un certain regaind’intérêt pour cet instrument juridique qui s’exprime dansd’autres secteurs d’activité (v. Le Masson J.-M., Redécouvrirle bail emphytéotique, LPA 1992, nos 101 et 103, p. 3). C’estainsi que les baux emphytéotiques contemporains sont souvent urbains, industriels, commerciaux ou artisanaux. En outre, ils séduisent même les personnes morales de droitpublic qui n’hésitent pas à en consentir. Mais ce bail spéci-fique confère-t-il des droits particuliers au preneur? Par prin-cipe, le droit français considère que le bail d’une chose immobilière n’est susceptible de conférer à son titulaire qu’undroit personnel contre le bailleur. Il n’en demeure pas moinsque certains baux spéciaux se voient attribuer par le législa-teur la nature de droits réels immobiliers. Concernant l’em-phytéose, une loi du 2 juin 1902, aujourd’hui intégrée aux articles L. 451-1 et suivants du Code rural, est venue consa-crer une position adoptée de longue date par la jurisprudence(Cass. civ., 24 août 1857, DP 1857, I, p. 326) qui affirmait déjàque le preneur jouit d’un droit réel immobilier. La justifica-tion tient à la durée du bail mais aussi à l’obligation du preneur d’assumer les risques de l’investissement et de l’exploitation du fonds. Titulaire d’un droit réel sur le fonds,l’emphytéote peut alors l’hypothéquer pour en tirer du crédit(v. notamment sur le principe que le créancier hypothécairebénéficie d’un droit réel de second degré, Simler Ph. et Delebecque Ph., Les sûretés, La publicité foncière, Dalloz,5e éd., 2009, n° 381). L’arrêt rendu par la troisième chambre

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civile de la Cour de cassation le 7 octobre 2009 en apportel’illustration.Dans cette affaire, une commune avait consenti à un coupleun bail emphytéotique sur une parcelle afin qu’il y édifie unlocal commercial. Conclu en 1963 pour une durée de trente ans,ce bail fait l’objet d’une cession en 1988 au profit d’une société civile immobilière, laquelle consent alors une hypo-thèque sur le droit réel en cause à l’égard des cessionnaires.Par la suite, cette société donne à bail les locaux construitssur le terrain, objet du bail emphytéotique, à une personnephysique pour qu’elle y exploite une activité commerciale.Malheureusement, à la suite de difficultés financières, la société bailleresse est mise en liquidation judiciaire le 19 fé-vrier 1994. Face à cette situation de crise, les cessionnaires dubail emphytéotique déclarent leur créance garantie par l’hypothèque à la procédure collective ouverte à l’encontre dela société civile immobilière. Le 30 décembre 1995, la commune conclut un nouveau bail emphytéotique avec lemandataire liquidateur du failli. La cession de ce nouveau bailest autorisée par une ordonnance du juge-commissaire du 19 janvier 1999. Reste que les futurs associés de la sociétéen constitution cessionnaire – qui ne sont autres que les titu-laires du bail commercial consenti par la société civile immo-bilière en liquidation judiciaire – entendent purger le bail emphytéotique de toutes les sûretés qui le grèvent. C’étaitsans compter avec les cédants originaires de l’ancien bailconclu en 1963, lesquels font délivrer à cette occasion une réquisition de surenchère. Dans ce contexte, que penser de lavalidité de celle-ci? Pour les juges du fond, cette surenchèreest parfaitement valable, argument pris que les sûretés grevant le bail original auraient survécu à son «renouvelle-ment». Ils nous enseignent «qu’il importe peu que le bail renouvelé constitue un nouveau bail dès lors qu’il poursuit larelation contractuelle du bail venu à expiration, le preneur tenant son droit à ce que sa situation soit maintenue par application du bail précédent, la commune intention des parties ayant été en ce sens lors du renouvellement; que de lalecture des deux baux successifs il résulte “l’absence de solu-tion de continuité” dans la propriété du preneur à la faveurdu renouvellement». La troisième chambre civile n’hésite pasà censurer cette analyse passablement alambiquée. Visant l’article L. 451-1 du Code rural, siège du droit offert à l’em-phytéote d’affecter en garantie ce droit réel, l’article 2488 duCode civil, qui définit les causes d’extinction de l’hypothèque,ainsi que les articles 2461 et 2480 du même code, lesquelsrenvoient respectivement au droit de suite du créancier hypothécaire et à la réquisition de surenchère, la Haute juri-diction rappelle que l’«hypothèque inscrite sur un bail emphy-téotique disparaît à l’expiration de ce bail et (que la cour d’appel) avait constaté que le bail emphytéotique du 30 dé-cembre 1995 constituait un nouveau bail distinct de celui du31 janvier 1963».Par cette décision du 7 octobre 2009, la Cour souligne oppor-tunément que l’hypothèque peut disparaître par voie princi-pale, alors même que subsiste la créance garantie, en raisonde la perte de son objet (v. notamment sur cette règle, Aynès L. etCrocq P., Les sûretés, La publicité foncière, op. cit., n° 699).En l’espèce, la sûreté réelle avait donc disparu au terme dupremier bail. À partir de février 1993, le bénéficiaire ne pouvait prétendre à aucune prérogative issue de la défuntehypothèque. Partant, il ne saurait faire valoir un droit de suitecontre les prétendus sous-acquéreurs du bail emphytéotique,lesquels ne se trouvent pas placés à son égard dans la posi-tion de tiers détenteurs. N’étant pas juridiquement concerné

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par la procédure de purge, il ne pouvait valablement requé-rir une surenchère. Ici, il importe peu que le nouveau bail emphytéotique unisse les mêmes parties et porte sur le mêmeobjet que le contrat initial, car ces éléments sont insuscep-tibles de ressusciter le droit réel du preneur issu de ce dernier. Privée d’objet, l’hypothèque en cause ne pouvait quetirer sa révérence de la scène juridique…

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Constituant d’unehypothèque judiciaire,prends garde à toi !La mainlevée d’une hypothèque judiciaire ordonnéepar le juge peut entraîner une condamnation du constituant à verser des dommages-intérêtsau sujet de droit visé par la mesure conservatoireen cause alors même qu’il n’a commis aucune faute.Cass. 3e civ., 21 oct. 2009, n° 08-12.687, P+B

Le mécanisme des sûretés judiciaires, lesquelles constituentla seconde forme des mesures conservatoires envisagées parla loi du 9 juillet 1991, est bien connu du juriste. À l’instardes saisies conservatoires, elles supposent que celui qui enréclame le bénéfice puisse justifier d’une créance paraissantfondée dans son principe et de circonstances susceptibles d’enmenacer le recouvrement. Bien entendu, l’inscription d’unesûreté judiciaire demeure soumise à l’autorisation préalabledu juge. Dans ce système, une publicité provisoire assure laprotection du créancier dans l’attente du titre exécutoire quilui permettra de procéder à une publicité définitive. Quant àl’hypothèque judiciaire, elle est opposable aux tiers au jourde l’accomplissement des formalités de publicité (L. n° 91-650, 9 juill. 1991, JO 14 juill., art. 78, al. 1er). Consacrant unesolution prétorienne qui avait admis, sous l’empire du droitantérieur, que les immeubles grevés d’une telle hypothèquen’étaient pas frappés d’indisponibilité (Cass. 3e civ., 2 nov.1983, n° 82-11.547, Bull. civ. III, n° 212, Defrénois 1985,art. 33450, p. 55, note Théry Ph.), la loi du 9 juillet 1991 consi-dère que les biens visés demeurent aliénables (L. n° 91-650,9 juill. 1991, art. 79, al. 1er). Néanmoins, si le bien vient à êtrevendu avant la réalisation de la publicité définitive, le créan-cier se trouve placé dans la même position juridique que letitulaire d’une sûreté légale ou conventionnelle (D. n° 92-755,31 juill. 1992, JO 5 août 1992, art. 258). Mais, dans la mesureoù il ne peut normalement pas se prévaloir d’une créanced’ores et déjà exécutoire, convient-il de l’autoriser à faire jouerson droit de suite contre le tiers acquéreur ou encore son droitde préférence sur la valeur du bien vendu? En la matière, lapart qui lui revient dans la distribution est consignée et ellene lui sera remise que s’il accomplit, dans un second temps,la publicité définitive conformément aux délais prescrits. Dansce système, il ne faut pas oublier que le juge est susceptibled’ordonner la mainlevée de la mesure en cause, laquelle peutavoir abouti à immobiliser des sommes importantes pendantun certain temps. Reste alors à se demander si l’action parti-culière offerte au saisi pour obtenir réparation du préjudicequ’il a subi, en raison de cette mesure conservatoire qui n’estpas allée à son terme, lui impose de diligenter la preuve d’unefaute commise par son créancier (L. n° 91-650, 9 juill. 1991,

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art. 73, al. 2). Sur cette question controversée, un arrêt de latroisième chambre civile du 21 octobre 2009 choisit claire-ment son camp.Dans cette affaire, un professionnel se trouvait lié par un man-dat à une société qui cherchait à acquérir des biens immobi-liers d’une autre entreprise. Malheureusement pour lui, lesnégociations avec le propriétaire des immeubles s’engagentmal, de sorte qu’il se rend compte que sa mission risque fortde se solder par un cuisant échec. Craignant de ne pouvoirpercevoir la commission qu’il espérait du fait du comporte-ment prétendument fautif de l’actuel propriétaire, il sollicitedu juge une autorisation d’inscrire deux hypothèques judi-ciaires sur les immeubles objet de la négociation. D’emblée,le mandataire a la joie d’obtenir gain de cause. Cependant, ils’agit d’une victoire de courte durée, puisque le juge ordon-nera finalement la mainlevée de la mesure conservatoire. Mais, entre-temps, les immeubles sont vendus à un autre entrepreneur que le mandant et la somme correspondant à lavaleur des hypothèques séquestrée. Certes, la mainlevée dela mesure conservatoire permet au vendeur de récupérer lesfonds litigieux. Néanmoins, il dirige son courroux vers le man-dataire et exige d’obtenir de lui réparation du préjudice résul-tant de l’immobilisation des deniers. Son action à l’encontredu bénéficiaire de l’hypothèque judiciaire, dont le comporte-ment fautif n’a pas été démontré, est couronnée de succèsaussi bien devant les juges du fond que devant la Cour de cassation. Pour la Haute juridiction, « (…) Attendu que l’article 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 n’exige pas pourson application la constatation d’une faute ; qu’ayant retenu,par motifs adoptés, que (le mandataire) était seul à l’originedes inscriptions hypothécaires provisoires pour une somme de2072626,14 euros, la cour d’appel, qui n’avait pas à démon-trer un abus de droit, a, par ce seul motif, légalement justifiésa décision condamnant M. X à indemniser (le vendeur) dupréjudice résultant de l’immobilisation de cette somme».La solution retenue par la troisième chambre civile dans cecontentieux illustre la divergence d’analyse des différentesformations de la Haute juridiction quant à l’interprétation del’article 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991, lequel disposeque «lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créan-cier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire ». En effet, dès lors que le créancier procède à une mesure conservatoire sur le fondement d’uneautorisation de saisie rétractée par la suite ou d’un jugementultérieurement infirmé, la Chambre commerciale de la Courde cassation subordonne la responsabilité du prétendu créancier à la justification d’une faute de sa part (v. notam-ment, Cass. com., 14 janv. 2004, n° 00-17.978, Bull. civ. IV,n° 9, Procédures 2004, comm. 99, obs. Perrot R.). En revanche,à l’instar de ce que vient d’affirmer la décision commentée,la deuxième chambre civile a toujours décidé qu’il suffisaitau juge de constater l’existence d’un préjudice subi par le sujet de droit visé par la mesure pour condamner l’auteur decelle-ci au versement de dommages-intérêts (v. notamment,Cass. 2e civ., 7 juin 2006, n° 05-18.038, RTD civ. 2006, p. 830,note Perrot R.). Au demeurant, cette dernière solution, quiprivilégie en la matière le recours à la responsabilité sans faute,peut se prévaloir de sérieux arguments en sa faveur. Ici, l’autorisation du juge obtenue sur simple requête du créan-cier ne lui a été accordée qu’au vu des apparences, en l’absence de tout titre exécutoire, de sorte que cette autorisa-tion est susceptible d’être remise en cause à tout moment.Dans ces conditions, il appartient donc au créancier de fairepreuve d’une certaine prudence pour éviter au sujet de la

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mesure un préjudice injustifié. Le parallèle avec les règles admises en matière d’exécution provisoire (v. notamment,Lamy Droit de l’exécution forcée, n° 115-80) ne fait que ren-forcer la pertinence de la position commune des deuxième ettroisième chambres de la Cour de cassation. Ne dit-on pasque «prudence est mère de sûreté»?

J.-J. A.➤ Lamy Droit des sûretés, n° 209-13

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Deux actions distinctes pourle réservataire sinon rien!La mise en œuvre des prérogatives du bénéficiaire d’une clause de réserve de propriété à l’encontre du sous-acquéreur doit s’analyser en une actionen paiement de sorte qu’elle se heurte à l’interdictionfaite au failli de procéder à un tel paiement.Cass. com., 6 oct. 2009, n° 08-15.048, P+B

Avant de connaître une extension d’une portée considérablepar l’entrée en vigueur de la réforme des sûretés de 2006 (Or. n° 2006-346, 23 mars 2006, JO 24 mars 2006; C. civ.,art. 2372), la possibilité pour le réservataire de revendiquerla créance correspondant au prix de revente du bien grevé selimitait au droit des procédures collectives. Plus précisément,l’article L. 624-18 du Code de commerce autorise le bénéfi-ciaire d’une réserve de propriété à appréhender «le prix ou lapartie du prix des biens visés à l’article L. 624-16 (texte qui fait référence aux biens affectés d’une telle clause)qui n’a été ni payé, ni réglé en valeur, ni compensé (l’ordon-nance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, JO 19 déc. 2008,a supprimé l’expression «en compte courant») entre le débi-teur et l’acheteur à la date du jugement ouvrant la procédure».Par le jeu d’une subrogation réelle, la créance du prix de revente vient se substituer au bien grevé (v. notamment dansce sens, Aynès L. et Crocq P., Les sûretés, La publicité foncière, Defrénois, 4e éd., 2009, spéc. n° 803). Cette bien curieuse prérogative a toujours suscité une forte controversedoctrinale, notamment au regard de sa nature juridique (v. notamment, Crocq P., Propriété et garantie, préf. Gobert M.,LGDJ, 1995, spéc. n° 224; Pérochon F., La revendication duprix de revente, D. aff. 1996, p. 1402, n° 9). Au demeurant,cela n’a pas eu raison de son succès dans la mesure où les

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législations successives en la matière en ont toujours conservéle principe. Néanmoins, dans ces situations, le choix d’unequalification précise pour l’action du réservataire à l’encontredu sous-acquéreur ne relève en rien d’une discussion théo-rique. L’important arrêt rendu par la Chambre commercialede la Cour de cassation en témoigne très largement.En l’espèce, une société allemande avait vendu des supportsinformatiques de stockage de données à une autre entrepriseen insérant dans le contrat une clause de réserve de propriété.Cette dernière fait le choix de revendre le matériel en cause àplusieurs de ses filiales. Ultérieurement, l’acheteur intermé-diaire mais aussi ses filiales voient s’ouvrir à leur encontreune procédure d’insolvabilité. Bien décidé à être intégrale-ment désintéressé, le réservataire dirige alors ses feux contreles sous-acquéreurs. Par là, il entreprend d’obtenir paiementde la partie du prix que les filiales n’avaient pas réglée auprèsde leur propre vendeur avant l’ouverture de sa procédure collective. Mais il se heurte au refus du liquidateur, lequel souligne qu’une telle action en paiement ne saurait prospé-rer dans la mesure où elle fait peu de cas de la règle de l’interdiction des paiements des créances antérieures à uneprocédure collective (C. com., art. L. 622-21). Contrairementaux premiers juges, la cour d’appel de Versailles n’a pas étéconvaincue par l’argumentaire du liquidateur. Pour les magistrats versaillais, l’action en revendication de la créance,qui a pris la place du matériel par voie de subrogation réelle,échappe au couperet de l’interdiction des paiements. Ce faisant, elle condamne le liquidateur, ès qualités, à verser aubénéficiaire le montant total du prix de revente que les filialesrestaient devoir à la société mère venderesse. En dernière ana-lyse, et après avoir visé pas moins de cinq textes différents duCode de commerce – l’article L. 622-7 propre à l’interdictionfaite aux organes de la procédure de payer une créance anté-rieure, l’article L. 622-21 paralysant les actions tendant aupaiement d’une créance antérieure, l’article L. 624-18 sur la revendication du prix de revente, et les articles L. 631-14 et L. 631-18 relatifs au pouvoir de l’administrateur –, la Chambrecommerciale considère que «l’action en paiement exercée par levendeur initial à l’encontre d’un sous-acquéreur de biens ven-dus avec clause de réserve de propriété s’analyse en une actionpersonnelle et non en une action réelle». C’était donc à tort quela cour d’appel considérait que le réservataire pouvait appré-hender les sommes litigieuses dans la mesure où «l’action enpaiement du prix laissé impayé par les (sous-acquéreurs) tendait au paiement d’une créance antérieure aux jugementsd’ouverture des procédures collectives de celles-ci».

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Procédure collective et cession DaillyDans un jugement du 19 octobre dernier rendu dans le dossier «CœurDéfense », le tribunal de commerce

de Paris a confirmé que les créances de loyers cédéesen Dailly à un prêteur en garantie du service de la dettedevenaient la propriété de la banque prêteuse à la datedu bordereau Dailly. La cession de ces créances de

loyers n’est, dès lors, pas affectée par l’ouverture ultérieure d’une procédure de sauvegarde à l’encontrede l’emprunteur. La notification de la cession Dailly auxlocataires n’a qu’un effet d’information à leur égard.(T. com. Paris, 19 oct. 2009)

La hausse du nombre de dossiers de surendettement s’accélère

La hausse du nombre de dos-siers de surendettement s’est accélérée au cours du troisième

trimestre, selon les derniers chiffres publiés par la Banquede France. Sur douze mois glissants, la progression estde 16,1 % (contre + 12,6 % en juin dernier). Sur lesneuf premiers mois de l’année, la hausse est encore plus marquée : 162 171 dossiers ont été déposés auprès des commissions de surendettement, soit +17,6%par rapport à la même période de 2008. 30710 dos-siers ont fait l’objet d’une demande d’ouverture de procédure de rétablissement personnel avec accords descréanciers, soit une hausse de 27 %.(AFP, 18 nov. 2009)

En bref…

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Il fait peu de doute que la Cour de cassation consacre ici l’analyse d’une éminente doctrine qui distingue expressémentles deux actions que doit mettre en œuvre successivement lebénéficiaire d’une clause de réserve de propriété lorsqu’il entend exercer ses droits sur le prix de revente du bien grevé.Laissons la parole à l’auteur : « (…) la revendication de lacréance, par laquelle le revendiquant établit, face à la procé-dure collective, sa qualité de propriétaire, lors du jugementd’ouverture, de la créance de prix ou de l’indemnité d’assurance, est l’action réelle en revendication stricto sensu;elle fonde la seconde action, l’action personnelle en paiement,qui lui permet de réclamer paiement au sous-acquéreur ou àl’assureur» (comp. Pérochon F. et Bonhomme R., Entreprisesen difficulté, Instruments de crédit et de paiement, LGDJ,8e éd., 2009, n° 550-2 ; comp. Cass. com., 24 mai 2005, n° 04-13.464, D. 2005, p. 1633, obs. Lienhard A. ; addePérochon F., La revendication du prix de revente, précité). Affirmer cette dichotomie, c’est aussi éviter toute ambiguïtéd’ordre terminologique. En effet, le juge n’hésitait pas à dénommer «action en revendication du prix» l’une et l’autrede ces actions. Mais, plus fondamentalement, le fonctionne-ment harmonieux de cette grille de lecture exige de tirer toutesles conséquences juridiques de cette dualité d’action. Jouanthabilement sur sa qualité de “propriétaire” de créance du prixde revente, le bénéficiaire prétendait s’extraire de l’ensembledes contraintes imposées aux créanciers personnels du sous-acquéreur dans la procédure collective ouverte à son encontre.Au vrai, le réservataire essayait ici, par une référence appuyéeau caractère prétendument “réel” de son action, de livrer aujuge un raisonnement qui avait permis à un créancier hypo-thécaire d’éviter les chausse-trapes de la procédure collectiveouverte à l’égard du tiers détenteur (Cass. com., 11 juin 2002, n° 00-20.981, Bull. civ. IV, n° 103, JCP G 2002, II, n° 10116,note Rémery J.-P., JCP G 2003, I, n° 113, obs. Cabrillac M.,RTD civ. 2003, p. 329, obs. Crocq P., Defrénois 2003, art. 37691,note Théry Ph., qui considère que le créancier hypothécaireinscrit du chef du cédant et exerçant son droit de suite n’a pasà déclarer sa créance dans la procédure collective de l’adju-

dicataire; Cass. com., 10 mars 2004, n° 02-16.474, Bull. civ. IV,n° 47; v. également, Cass. com., 17 déc. 2002, n° 99-20.928,Bull. civ. IV, n° 195, affirmant la même solution dans le casde l’exercice du droit de suite par le bénéficiaire d’un nantis-sement de fonds de commerce). Soumis à l’interdiction de recevoir un paiement spontané des organes de la procédure(C. com., art. L. 622-7) et à l’interdiction de diligenter des poursuites à l’encontre du sous-acquéreur (C. com.,art. L. 622-21), le malheureux réservataire devra se plier àl’exigence d’une déclaration de créance au sein de cette mêmeprocédure pour espérer participer aux répartitions et aux dividendes (C. com., art. L. 622-24 et L. 622-26). Au demeu-rant, une telle solution constitue le miroir d’une affaire jugéesous l’empire du droit antérieur à la loi n° 2005-845 du 26 juillet2005 (JO 27 juill. 2005) mais qui conserve ici toute son actua-lité. Ainsi, un arrêt du 21 février 2006 (Cass. com., 21 févr.2006, n° 04-19.672, JCP G 2006, I, n° 139, n° 9, obs.Cabrillac M., D. 2006, p. 718, obs. Lienhard A., D. 2006, p. 2255,obs. Lucas F.-X., RTD com. 2007, p. 233, obs. Martin-Serf A.)avait affirmé que le défaut de déclaration de l’acheteur-revendeur dans la procédure collective affectant le sous-acquéreur demeure sans incidence sur les droits du réservataire.Si l’on considère que la subrogation opère dès la revente, il enrésulte que le vendeur intermédiaire n’a jamais eu la qualité decréancier à l’égard du sous-acquéreur et n’avait donc pas de déclaration à effectuer. Symétriquement, il appartient au béné-ficiaire de la clause d’accomplir les prescriptions exigées par laloi en raison de cette qualité. Reste à savoir si cette nouvelledonne est susceptible de revivifier le débat sur l’impossibilitépour le tiers acquéreur d’opposer au réservataire toutes les exceptions inhérentes à la dette qu’il pouvait opposer à sonpropre vendeur au jour de la revente (v. notamment sur cettequestion, Crocq P., Lamy Droit des sûretés, n° 293-69 ; comp. Le Corre P.-M., Droit et pratique des procédures collec-tives, Dalloz Action 2008-2009, n° 816, p. 43). Peut-être de savoureuses controverses en perspective…

J.-J. A.➤ Lamy Droit des sûretés, n° 293-69

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Assurance-vie et incapacité: deux séries dechiffres permettent de mesurer l’impor-tance du sujet. Près de 800000 personnesaujourd’hui, soit 0,8 % de la populationfrançaise, sont placées sous un régime de

protection juridique. À l’horizon 2012, ce sont plus d’un million de personnes qui pourraient être concernées. La crois-sance nette des mesures par an est en effet estimée à 70000(Rép. min. à QE n° 1112, JOAN Q. 16 oct. 2007, p. 6393).Second chiffre: l’assurance-vie est le principal placement finan-cier des Français avec un encours global autour de 1200milliards.La protection des personnes incapables souscriptrices de contrats d’assurance-vie est donc une question pratiquetrès importante. Elle l’est d’autant plus que l’assurance-vien’est pas qu’un placement financier. C’est également un ins-trument de prévoyance et de transmission. Le patrimoine financier de l’incapable ainsi investi doit être protégé tout autant que sa volonté exprimée par le choix de ce supportd’investissement.La question des pouvoirs du mandataire de la personne proté-gée sur la désignation du bénéficiaire (ou la substitution de celui préalablement désigné) est de ce point de vue essentielle. Par un arrêt important (Cass. 2e civ., 8 juill. 2009, n° 07-18.522,à paraître au Bulletin), complété par un autre arrêt du mêmejour (Cass. 2e civ., 8 juill. 2009, n° 08-16.153, à paraître au Bulletin), la deuxième chambre civile précise les limites de cespouvoirs en matière de curatelle (sur ces deux arrêts, v. notam-ment, Maria I., Pouvoirs du curateur et modification du bénéfi-ciaire du contrat d’assurance-vie, Dr. famille 2009, comm. 114).Dans cette affaire, une personne est placée, le 19 décembre2000, à l’âge de soixante-sept ans, sous le régime de la cura-telle aggravée. Deux mois plus tard, par deux ordonnances de«placement de fonds», le juge des tutelles autorise le curateurà placer la somme totale de 14,9 millions de francs apparte-nant à la majeure protégée sur un contrat d’assurance-vie.Quelques jours après, par une ordonnance ultérieure, le curateur est autorisé à rédiger la clause bénéficiaire du contratsouscrit au nom de Simone B. comme suit : « les héritiers selon l’ordre de la dévolution successorale à l’exclusion de toutbénéficiaire testamentaire».

Un mois plus tard, le souscripteur décède sans laisser d’héritierréservataire. Celui-ci cependant avait désigné comme légataireuniversel, par testament olographe du 23 mai 2000, avant sa misesous curatelle donc, une personne physique. Cette dernière formeune tierce opposition à l’encontre de l’ordonnance ayant ordonnéla rédaction de la clause bénéficiaire et fait assigner à cette fin lecurateur, la compagnie d’assurances ainsi que les héritiers légauxdu souscripteur devant le juge des tutelles. Par ordonnance du28 août 2002, celui-ci déclare le légataire irrecevable en sa tierceopposition. À la suite du recours formé contre cette décision parle légataire, un jugement du 15 mars 2004 constate l’extinctionde l’instance du fait du décès de la majeure protégée et déclareirrecevables le recours comme sa demande relative à la validitéde l’ordonnance ayant ordonné la rédaction de la clause bénéfi-ciaire. Le jugement est censuré par la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 3 oct. 2006, n° 04-14.591, Bull. civ. I, n° 430) aumotif que la demande ne pouvait être déclarée irrecevable du seulfait du décès de la majeure protégée (sur ce point, v. Fossier T.,Les recours contre les autorisations judiciaires d’actes de dispo-sition, Dr. famille. 2007, comm.71). Statuant sur renvoi après cas-sation, le tribunal de grande instance de Paris déclare recevablesles demandes du légataire et annule l’ordonnance du juge des tutelles ordonnant la rédaction de la clause bénéficiaire.Le jugement est approuvé en cassation en ces termes : « Il résulte des articles 510 et 512 du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007, quele curateur a pour mission d’assister le majeur protégé et queses pouvoirs de représentation dans la curatelle renforcée sontlimités à la perception des revenus et au paiement des dépenseset ne lui permettent pas de solliciter du juge des tutelles l’autorisation d’accomplir seul d’autres actes de disposition,fussent-ils nécessaires à la sauvegarde du majeur protégé (…).Ayant justement retenu que, par ordonnance du 14 mars 2001,le juge des tutelles saisi par le curateur avait autorisé celui-cià souscrire une clause désignant les bénéficiaires du contratd’assurance-vie et que cette décision prise dans le cadre de lacuratelle, sans audition de la majeure protégée et donc sansson accord, constituait un acte de disposition qu’il n’était pasdans les pouvoirs du curateur, même autorisé par le juge destutelles, d’accomplir, le tribunal, qui n’avait pas à effectuer

Pouvoirs du curateur sur la désignation bénéficiairedu contrat d’assurance-vieLes pouvoirs de représentation du curateur dans la curatelle renforcée étant limités, celui-ci ne peut modifier la clause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, même autorisé par le jugedes tutelles, cette modification étant considérée comme un acte de disposition.

Cass. 2e civ., 8 juill. 2009, n° 07-18.522, P+B3651

Par MichelLEROY,

Maître de conférences,Responsable

du Master II Ingénieriedu patrimoine,

Université Toulouse I – Capitole

ACTU

ALITÉS

PERSONNES ET FAMILLESous la direction scientifique de Françoise DEKEUWER-DÉFOSSEZ,Agrégée des Facultés de droit, Professeur à la Faculté libre de droit de Lille

ÉCLAIRAG

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une recherche que ces constatations rendaient inutile, a léga-lement justifié sa décision».Pour la Cour de cassation, la modification de la clause béné-ficiaire sans l’accord du souscripteur protégé constitue un actede disposition que le curateur ne pouvait prendre, même autorisé par le juge des tutelles, car ses pouvoirs de représen-tation dans la curatelle renforcée sont limités à la perceptiondes revenus et au paiement des dépenses.La solution mérite de retenir l’attention, à la fois en ce quiconcerne la qualification de l’acte de rédaction ou de modifi-cation de la clause bénéficiaire, et les limites des pouvoirs ducurateur sur celle-ci.

I – LA DÉSIGNATION BÉNÉFICIAIRE : UN ACTE DE DISPOSITIONLa désignation du bénéficiaire de la garantie du contrat

d’assurance-vie est d’abord un acte personnel au souscripteuret cette dimension a toujours été essentielle en la matière, quelleque soit la qualification patrimoniale de l’acte. C’est en effetce caractère personnel qui justifie la règle principale del’article L. 132-9 du Code des assurances: «Tant que l’accepta-tion n’a pas eu lieu, le droit de révoquer cette stipulation n’appartient qu’au stipulant et ne peut être exercé de son vivantni par ses créanciers ni par ses représentants légaux».Dans un premier temps, la Cour de cassation avait retenu uneconception assez absolutiste de ce principe, puisqu’elle en tirait comme conséquence l’impossibilité pour le représentantlégal de modifier la clause bénéficiaire du contrat. En effet, lapremière chambre civile avait pu décider que le gérant de tutelle n’avait pas la qualité pour signer les avenants (modifiantla clause bénéficiaire), en raison du caractère essentiellementpersonnel de la désignation bénéficiaire (Cass 1re civ., 31 mars1992, n° 90-20.385, Bull. civ. I, n° 94, D. 1992, jur., p. 508, noteMassip J., JCP N 1992, II, p. 397). Cette solution, fort critiquablepour ses conséquences pratiques, avait été infléchie par la suitepour le majeur sous tutelle: lorsque le souscripteur de contratsd’assurance-vie est dans l’impossibilité absolue d’agir, le gérantde tutelle doit requérir l’autorisation du juge des tutelles, seulhabilité à autoriser la modification du nom des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie (Cass. 2e civ., 15 mars 2007, n° 05-21.830, Bull. civ. II, n° 68, JCP N 2007, n° 1312, notePlazy J.-M., Dr. famille 2007, comm. 134, note Nicolas V.). Maiscette inflexion avait été sans doute influencée par la modifica-tion législative opérée par la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007 (JO 7 mars 2007) en la matière sur laquelle nous reviendrons.En revanche, avant l’intervention législative, il n’a jamais faitréellement de doute, même dans le cadre d’une curatelle aggravée, que le curateur ne pouvait pas demander au jugedes tutelles à être autorisé à modifier ou rédiger seul la clausebénéficiaire. De ce point de vue, l’arrêt de la Cour de cassa-tion ne peut être qu’approuvé (v. infra).La qualification patrimoniale de la désignation bénéficiairen’était donc pas utile à la solution. Celle-ci tient tout entièredans la rédaction applicable à la cause de l’article 510 du Codecivil. Elle ne l’est pas non plus, sous l’empire des textes aujourd’hui applicables, compte tenu de l’existence de règlesspécifiques.La qualification d’acte de disposition n’est cependant pas sansintérêt. Elle permet à la Cour de cassation de rappeler quel’article 510 du Code civil doit être entendu de façon stricte etque le juge des tutelles ne peut autoriser le curateur à prendredes actes de disposition autres que ceux visés par le texte. Cependant, la désignation bénéficiaire est-elle vraiment un acte

de disposition (sur cette question, v. entre autres, Charlin J.,Assurance et incapacité, JCP N 1995, p. 561)?C’est sans doute le cas lorsque la désignation bénéficiaire està titre onéreux. Une telle désignation, réalisée comme garan-tie, est naturellement un acte de disposition, en raison de larestriction des droits du souscripteur qu’elle entraîne. Mais cen’est pas le cas en l’espèce. La désignation était ici réalisée àtitre gratuit.A priori, une telle qualification, dans ce cas, ne semble pas poserde difficulté puisque celle-ci est consacrée par le décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008 (JO 31 déc. 2008) relatif aux actes degestion du patrimoine des personnes placées en curatelle ou entutelle, et pris en application des articles 452, 496 et 502 du Codecivil. Ce texte qualifie en effet expressément les actes de disposi-tion comme ceux «qui engagent le patrimoine de la personne pro-tégée, pour le présent ou l’avenir, par une modification importantede son contenu, une dépréciation significative de sa valeur en capital ou une altération durable des prérogatives de son titulaire»(D. n° 2008-1484, 22 déc. 2008, art. 2, JO 31 déc. 2008). En par-ticulier, sont analysés comme actes de disposition la demanded’avance sur contrat d’assurance (C. assur., art. L. 132-21), la sous-cription ou le rachat d’un contrat d’assurance-vie et la désigna-tion ou la substitution du bénéficiaire (C. assur., art. L. 132-4-1),ainsi que la révocation du bénéfice non accepté d’un contrat (surles dispositions de ce texte, v. Fossier Th., Actes de gestion du patrimoine des personnes protégées, À propos du décret n° 2008-1484 du 22 décembre 2008, JCP N 2009, p. 6; Leroyer A.-M., Personnes protégées, Qualification des actes de gestion du patrimoine, RTD civ. 2009, p. 180).Malgré sa consécration réglementaire, une telle qualificationpeut surprendre. Elle n’a d’ailleurs pas été toujours retenuepar les tribunaux (ainsi, l’arrêt d’appel dont la décision a étécensurée par la Cour de cassation, le 31 mars 1992, renduedans l’affaire précitée avait analysé la modification de la garantie comme un acte conservatoire : « en signant les avenants modifiant la liste des bénéficiaires des contrats, legérant de tutelle a accompli un acte conservatoire, conforme àla volonté exprimée par Y»). La pertinence de la qualification de la désignation bénéficiaireen acte de disposition peut être discutée, car si celle-ci précisel’identité et la mesure des droits sur la garantie, en cas de décès de l’assuré, des personnes désignées, elle n’a pas d’inci-dence sur les droits du souscripteur sur la provision mathéma-tique du contrat. En effet, la volonté du bénéficiaire désignéne peut à elle seule altérer les prérogatives du souscripteur,pour reprendre l’expression du décret. Depuis la réforme opé-rée par la loi du 17 décembre 2007 (L. n° 2007-1775, 17 déc.2007, JO 18 déc. 2007), si l’acceptation bloque le rachat etl’avance, c’est parce que le souscripteur y a expressémentconsenti en participant à la procédure d’acceptation (sur cettequestion, v. par exemple, Mayaux L., Assurance-vie : les audaces tranquilles du législateur, JCP G 2008, I, n° 106; Cour-tieu G., Assurance sur la vie : nouveaux ajustements législa-tifs II, Resp. civ. et assur. 2008, n° 1, étude 1). Pour les situa-tions régies par le droit antérieur à la réforme, depuis un arrêtimportant de la Chambre mixte de la Cour de cassation endate du 22 février 2008 (Cass. ch. mixte, 22 févr. 2008, n° 06-11.934, JCP G 2008, II, n° 10058, note Mayaux L. ; Martial-Braz N., Resp. civ. et assur. 2008, étude 9, Defrénois2008, art. 38794, note Petroni-Maudière N., RTD civ. 2008, n° 3,p. 880, obs. Gaudemet S., RLDC 2008/48, n° 2966, obs.Jeanne C.; Delmas Saint-Hilaire Ph., L’acceptation d’un contratd’assurance-vie, entre rupture et continuité, RJPF 2008/4-33,p. 26 ; Kullmann J., Le droit de rachat et l’acceptation du

P O U V O I R S D U C U R AT E U R S U R L A D É S I G N AT I O N B É N É F I C I A I R E D U C O N T R AT D ’ A S S U R A N C E - V I E

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bénéficiaire : la découverte simultanée de deux droits positifs,celui du passé et celui du futur, RGDA 2008, p. 277), l’accep-tation du bénéficiaire ne bloque pas le rachat.On pourrait penser que si le consentement à l’acceptation dubénéficiaire est sans doute un acte de disposition, il n’en vapas ainsi pour la désignation bénéficiaire elle-même.C’est cependant une solution pratiquement contraire que retient le décret précité du 22 décembre 2008. En effet, si la dési-gnation ou la substitution du bénéficiaire sont toujours, selon l’annexe I du décret, un acte de disposition, l’acceptation de laclause bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie sans charge peutêtre regardée comme un acte d’administration, sauf circonstancesparticulières (D. n° 2008-1484, 22 déc. 2008, ann. II, col. I).Le paradoxe n’est qu’apparent: la qualification de la désigna-tion bénéficiaire en acte de disposition est logique en secondeanalyse, car son existence a pour conséquence de priver la suc-cession du souscripteur, en principe, de tout droit sur la garantie. En l’absence de celle-ci, en effet, en application de l’article L. 132-11 du Code des assurances, le capital ou la rentegarantis font partie du patrimoine ou dela succession du contractant. La modifi-cation ou la désignation de la clause bénéficiaire constituent donc bien un actequi conduit à une modification pour l’avenir du contenu du patrimoine, en luifaisant perdre un droit que la réalisationde l’événement aléatoire aurait rendu certain. C’était d’ailleurs la raison pourlaquelle le légataire universel souhaitait en l’espèce obtenir l’annulation de l’ordonnance du juge des tutelles ayant ordonnéla modification de la clause bénéficiaire.La qualification de la désignation bénéficiaire en acte de disposition est cependant indifférente à la solution du litige.Plus exactement, quelle que soit la qualification de l’acte, lecurateur n’a pas le pouvoir de désigner seul le bénéficiaire, etla solution vaut autant pour le droit antérieur à la réforme quepour celui qui résulte des nouvelles dispositions du Code desassurances. En revanche, parce que l’acte de désignation estconsidéré comme un acte de disposition, l’assistance du curateur est nécessaire à la modification de la clause bénéfi-ciaire, comme le rappelle la Cour de cassation, dans un arrêtdu même jour (Cass. 1re civ., 8 juill. 2009, n° 08-16153 : «la modification du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-viepar une personne placée sous curatelle nécessite l’assistancedu curateur, et que lorsqu’une telle modification est envisagéeau bénéfice du curateur, un curateur ad hoc doit être nomméen raison du conflit d’intérêts créé par cette situation»).

II – LES POUVOIRS DU CURATEURET LA DÉSIGNATION DU BÉNÉFICIAIREPour la Cour de cassation, le curateur n’a pas les pouvoirs

suffisants pour désigner sans l’accord du souscripteur le béné-ficiaire de la garantie. L’importance relative de cette solution doitêtre mesurée à l’aune du droit positif, celle-ci ayant été renduesous l’empire des textes applicables avant la réforme opérée parles lois du 5 mars et du 17 décembre 2007 précitées.La solution ne sera pas remise en cause tant elle est incontesta-blement conforme aux dispositions combinées de l’article L. 132-4-1 et de l’article L. 132-9 du Code des assurances. Selon le pre-mier de ces textes, «les actes qui ne peuvent, pour un souscripteursous tutelle, être accomplis qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ou du conseil de famille, ne peuvent l’être pour le majeursous curatelle qu’avec l’assistance du curateur».

Or, selon ce texte, «lorsqu’une tutelle a été ouverte à l’égarddu stipulant, (…) la désignation ou la substitution du bénéfi-ciaire ne peuvent être accomplis qu’avec l’autorisation du jugedes tutelles ou du conseil de famille s’il a été constitué».Il en résulte donc que la désignation du bénéficiaire relève dela mission d’assistance du curateur (v. en ce sens, Buhler K.,Les majeurs protégés et l’assurance-vie, JCP N 2008, n° 1271;Hovasse S., Assurance-vie et régimes de protection juridique,JCP N 2009, n° 21, n° 1182; Coudoing N., Les apports deslois des 5 mars et 17 décembre 2007 en matière d’assurance-vie, RGDA 2008, p. 13).Cependant, le second alinéa de l’article L. 132-9 précité limitait,dans sa rédaction issue de la loi du 17 décembre 2007, la portéedu texte puisque, selon cette disposition, lorsqu’une curatelle ouune tutelle a été ouverte à l’égard du stipulant, la révocation nepeut intervenir qu’avec l’autorisation du juge des tutelles ou duconseil de famille s’il a été constitué.Pour certains auteurs (v. en particulier, Hovasse S., Assurance-vieet régimes de protection juridique, précité), il n’y avait pas contra-

diction entre les deux textes, mais simpleerreur matérielle, l’article L. 132-9 ne réduisant pas le domaine d’application del’articleL.132-4-1 du Code des assurances.Pour d’autres, en revanche, la combinai-son des deux dispositions était de natureà limiter le domaine de l’assistance du curateur à la seule souscription du contrat(Courtieu G., Assurance sur la vie: nou-

veaux ajustements législatifs II, précité).L’ordonnance n° 2009-106 du 30 janvier 2009 (portant sur lacommercialisation des produits d’assurance sur la vie et sur desopérations de prévoyance collective et d’assurance, JO 31 janv.2009) supprime toute contestation possible en expurgeant l’article L. 132-9 du Code des assurances de sa référence à la curatelle: l’autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles n’est donc pas nécessaire et celle-ci ne peut valablementse substituer au consentement de l’incapable.Il ne fait pas de doute que dans l’état actuel des textes, le curateur ne peut pas, sans l’accord du souscripteur, modifierou rédiger la clause bénéficiaire. La solution était naturellement la même sous l’empire du droitantérieur. La décision du juge des tutelles d’ordonner une curatelle renforcée en application de l’ancien article 512 duCode civil, qui doit être prononcée sur le constat que la personne à protéger était inapte à percevoir des revenus et àen faire une utilisation normale (Cass. 1re civ., 24 oct. 1995,n° 93-21.484, Bull. civ. I, n° 371), aggrave de façon impor-tante l’incapacité du majeur en curatelle. Par conséquent, l’interprétation de ce texte par le juge est stricte. Même aggravée, la curatelle demeure principalement un régime d’assistance et non de représentation.En effet, si, selon l’article 512 du Code civil dans sa rédactionapplicable à la cause, «en nommant le curateur, le juge peutordonner qu’il percevra seul les revenus de la personne en curatelle, assurera lui-même, à l’égard des tiers, le règlementdes dépenses et versera l’excédent, s’il y a lieu, à un compte ouvert chez un dépositaire agréé», ce texte ne peut en revanchejustifier d’ordonner au curateur de rédiger la clause bénéficiaire,puisque celle-ci n’est pas nécessaire au placement ni à la gestion des fonds sur le support assurance-vie.Le pourvoi tentait très habilement de contourner la lettre dutexte en faisant valoir son esprit. En effet, la tutelle renforcéepeut apparaître comme « une application du principe de nécessité» (Massip J., Defrénois 1996, art. 11, p. 732). Aussi

ACTU

ALITÉSPERSONNES ET FAMILLE

La désignation du bénéficiaire aurait dûêtre décidée par le majeur

protégé, assisté de son représentant.

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le pourvoi tentait-il de faire valoir que permettre au curateurde désigner le bénéficiaire «constituait un acte nécessaire à lasauvegarde des droits du majeur protégé».Peine perdue: la désignation n’est nullement nécessaire à laprotection financière du majeur protégé. La désignation bénéficiaire a surtout pour intérêt en l’espèce, compte tenude l’importance des sommes investies, de contourner le principe de la liberté testimoniale du majeur protégé que le souscripteur venait de manifester avant sa mise en curatelle.En aucun cas, la mise en place d’une curatelle même renfor-cée ne peut produire cet effet. La désignation du bénéficiaireaurait dû être décidée par le majeur protégé, assisté de sonreprésentant.C’est ce que rappelle la Cour de cassation dans un autre arrêt du même jour (Cass. 2e civ., 8 juill. 2009, n° 08-16.153,précité). Dans cette seconde affaire, un juge des tutelles pro-nonça la mise sous curatelle renforcée d’un majeur et désignasa fille en qualité de curatrice. Par la suite, le souscripteur modifia la clause désignant les bénéficiaires en cas de décès descontrats d’assurance-vie en substituant le curateur aux bénéfi-ciaires désignés initialement. Après le décès du souscripteur, seshéritiers assignèrent le curateur devant un tribunal de grandeinstance pour demander le rapport à succession des sommesinvesties dans les contrats d’assurance-vie.En première instance, la demande de rapport à succession estrejetée mais, constatant le comportement fautif de la curatrice,le jugement la condamne à payer des dommages-intérêts auxhéritiers. En appel, la demande de dommages-intérêts est rejetée au motif qu’aucun vice du consentement, par erreur,violence ou dol par le fait de manœuvres ou agissements

imputés à la curatrice à l’occasion de la modification des bénéficiaires des contrats d’assurance-vie n’est établi. L’arrêtest cassé au motif suivant : «la modification du bénéficiaired’un contrat d’assurance-vie par un majeur en curatelle néces-site l’assistance du curateur; la substitution du bénéficiaire auprofit du curateur ne peut être faite qu’avec l’assistance d’uncurateur ad hoc».La solution est certaine sous l’empire du droit antérieur à laréforme des incapacités. La jurisprudence, confortée par ladoctrine, imposait la nomination d’un curateur ad hoc en casde conflit d’intérêts (v. Maria I., Pouvoirs du curateur et modification du bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, précité, et la jurisprudence citée). Elle ne sera pas remise encause par les dispositions de l’article L. 132-4-1 du Code desassurances. En effet, celles-ci prévoient expressément que«pour l’application du premier alinéa, lorsque le bénéficiairedu contrat d’assurance sur la vie est le curateur ou le tuteur,il est réputé être en opposition d’intérêts avec la personne protégée». Et selon l’article 455 du Code civil, «en l’absencede subrogé curateur ou de subrogé tuteur, le curateur ou le tuteur dont les intérêts sont, à l’occasion d’un acte ou d’unesérie d’actes, en opposition avec ceux de la personne protégéeou qui ne peut lui apporter son assistance ou agir pour soncompte en raison des limitations de sa mission fait nommerpar le juge ou par le conseil de famille s’il a été constitué uncurateur ou un tuteur ad hoc».Les pouvoirs du curateur sur la clause bénéficiaire sont limi-tés et c’est souhaitable, sauf à réduire encore la nécessaireparticularité de l’assurance-vie qui n’est pas qu’un instrumentfinancier. ◆

P O U V O I R S D U C U R AT E U R S U R L A D É S I G N AT I O N B É N É F I C I A I R E D U C O N T R AT D ’ A S S U R A N C E - V I E

«Attendu que par juge-

ment du 19 décembre

2000, le juge des

tutelles du tribunal

d’instance de Pantin

a placé Simone B, née

en 1933, sous le régime de la curatelle aggravée,

M. de C étant désigné comme curateur; que par

deux ordonnances de «placement de fonds»

des 9 février et 1er mars 2001, le juge a autorisé le

curateur à placer la somme totale de 14, 9 millions

de francs appartenant à la majeure protégée sur

un contrat d’assurance-vie “Platinia patrimoine AGF”;

qu’une ordonnance du 14 mars 2001 a dit que

la clause bénéficiaire du contrat souscrit au nom de

Simone B devait être rédigée comme suit : « les héri-

tiers selon l’ordre de la dévolution successorale

à l’exclusion de tout bénéficiaire testamentaire» et

ordonné au curateur, ès qualités, de faire modifier

le contrat en ce sens; que Simone B est décédée

le 23 avril 2001, sans laisser d’héritier réservataire;

qu’elle avait successivement désigné comme

légataires universels, par testament authentique

du 6 août 1993, l’association Bersabée, devenue la

Fondation des petits frères des pauvres (la Fondation),

et par testament olographe du 23 mai 2000,

M. Albert D; que ce dernier a formé tierce opposi-

tion à l’encontre de l’ordonnance du 14 mars 2001

et a fait assigner à cette fin M. de C, la société Platinia

patrimoine AGF ainsi que les héritiers de Simone B

(les consorts Y) devant le juge des tutelles; que par

ordonnance du 28 août 2002, celui ci a déclaré

M. D irrecevable en sa tierce opposition; que, sur le

recours formé contre cette décision par M. D devant

le tribunal de grande instance de Bobigny, la Fonda-

tion est intervenue volontairement; qu’un jugement

du 15 mars 2004 a constaté l’extinction de l’ins-

tance du fait du décès de la majeure protégée et

déclaré irrecevable le recours de M. D et sa demande

relative à la validité de l’ordonnance du 14 mars

2001; que sur pourvoi principal de M. D et pourvoi

incident de la Fondation, ce jugement a été cassé

par arrêt de la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 3 oct.

2006, n° 04-14.591, Bull. civ. I, n° 430) au motif

que la demande ne pouvait être déclarée irrecevable

du seul fait du décès de la majeure protégée;

que, statuant sur renvoi après cassation, le tribunal

de grande instance a, par le jugement attaqué

(TGI Paris, 6 juill. 2007), déclaré recevables

les tierces oppositions principale et incidente

de M. D et de la Fondation et rétracté et, en tant que

de besoin, annulé l’ordonnance du 14 mars 2001

du juge des tutelles du tribunal d’instance de Pantin;

Sur le troisième moyen:

Attendu que les consorts Y font enfin grief au juge-

ment attaqué de rétracter et, en tant que de besoin,

d’annuler l’ordonnance du 14 mars 2001 du juges

des tutelles de Pantin (...).

Mais attendu qu’il résulte des articles 510 et 512

du Code civil, dans leur rédaction antérieure à la loi

n° 2007-308 du 5 mars 2007, que le curateur a

pour mission d’assister le majeur protégé et que ses

pouvoirs de représentation dans la curatelle renfor-

cée sont limités à la perception des revenus et au

paiement des dépenses et ne lui permettent pas

de solliciter du juge des tutelles l’autorisation

d’accomplir seuls d’autres actes de disposition,

fussent-ils nécessaires à la sauvegarde du majeur

protégé; qu’ayant justement retenu que, par ordon-

nance du 14 mars 2001, le juge des tutelles saisi

par le curateur avait autorisé celui-ci à souscrire

une clause désignant les bénéficiaires du contrat

assurance-vie et que cette décision prise dans le

cadre de la curatelle, sans audition de la majeure

protégée et donc sans son accord, constituait un

acte de disposition qu’il n’était pas dans les pouvoirs

du curateur, même autorisé par le juge des tutelles,

d’accomplir, le tribunal, qui n’avait pas à effectuer

une recherche que ces constatations rendaient

inutile, a légalement justifié sa décision;

Par ces motifs:

Déclare irrecevable le pourvoi en ce qu’il est formé

par Louis X; rejette le pourvoi».

Cass. 2e civ., 8 juill. 2009, n° 07-18.522, P+B

Textede l’arrêt(extraits)

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PERSONNESET FAMILLEPar Élodie POULIQUENSecrétaire général de la RédactionLamy Droit des personnes et de la famille

PERSONNES PHYSIQUES

3652

Insémination post mortem:le juge ne fait qu’appliquerla loiUn transfert d’embryons ne peut être autorisé au profitde la veuve du donneur, les dispositions claires et nonéquivoques de la loi y faisant obstacle.TGI Rennes, ord. réf., 15 oct. 2009, n° RG : 09/00588

Existe-t-il un droit individuel à l’enfant? Telle est la questionsous-jacente au débat autour de la question de l’inséminationpost mortem. Mais ni le droit français ni le droit européen nereconnaissent un tel droit, que ce soit au profit de célibatairesou au profit d’épouses survivantes. Avant l’intervention dulégislateur français sur l’insémination post mortem propre-ment dite, les tribunaux ont dû se prononcer sur des demandes émanant d’épouses dont les maris, prédécédés,avaient signé une demande d’autoconservation de spermeavec un centre d’études et de conservation des œufs et dusperme (CECOS). Certaines requérantes ont vu leur demandeaboutir (v. TGI Créteil, 1er août 1984, qui a considéré que lerefus de procéder à une assistance médicale à la procréation(AMP) intraconjugale post mortem constituait une atteinte àla vie familiale telle que les époux l’avaient projetée et que laveuve souhaitait réaliser, JCP G 1984, II, n° 20321, note Corone S.); d’autres ont été déboutées (v. TGI Toulouse, 26 mars1991, D. 1992, somm., p. 61, note Labbée X.). L’interventiondu législateur a mis un terme à ce débat. En effet, la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 (JO 30 juill. 1994) a créél’article L. 152-2 du Code de la santé publique (devenu l’article L. 2141-2 du même code) prévoyant que: «L’assis-tance médicale à la procréation est destinée à répondre à lademande parentale d’un couple». Mais surtout, son alinéa 3disposait que: « L’homme et la femme formant le couple doi-vent être vivants (…)». Ce fut un coup d’arrêt aux possiblesvelléités judiciaires initiées par le tribunal de Créteil. La loin° 2004-800 du 6 août 2004 (JO 7 août 2004) s’est même voulue redondante afin d’expliciter plus encore l’alinéa 3 précité : en effet, «font obstacle à l’insémination ou au trans-fert des embryons le décès d’un des membres du couple (…)»(C. santé publ., art. L. 2141-2, al. 3, in fine). Cela n’a pas empêché une veuve de saisir le tribunal de grandeinstance (TGI) de Rennes d’une demande en référé en vue dese voir restituer les gamètes de son défunt mari pour bénéfi-cier d’une AMP à l’étranger. En l’espèce, un homme, atteintd’un cancer et vivant en concubinage notoire, avait présentéune demande d’autoconservation de sperme à visée théra-peutique auprès du CECOS de l’Ouest. Près de deux ans plus

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C

tard, et seulement trois mois après son mariage avec sa concu-bine, il décède. Son épouse demande alors au CECOS de conser-ver les gamètes de son défunt époux afin d’en obtenir la res-titution en application des dispositions contractuelles ayantexisté entre le CECOS, son mari et elle-même, dans le but debénéficier d’une aide à la procréation. Mais le CECOS rejettesa demande en invoquant l’article L. 2141-2 du Code de lasanté publique et en rappelant les termes du contrat concluavec son mari. La requérante saisit alors le juge des référésafin d’obtenir gain de cause. En vain.Le président du TGI de Rennes statuant en qualité de juge desréférés exclut tous les griefs présentés par la demanderesse. Enpremier lieu, le juge rappelle la législation en vigueur, à savoirl’article L. 2141-2 du Code de la santé publique et reprend lestermes de l’acte conclu par le défunt avec le CECOS. De ce dernier, il ressort que «le sperme conservé ne pourra être utiliséque pour le patient présent et consentant». Le tribunal en conclutqu’« à la suite du décès (du mari), d’une part, qui de son vivantne s’était jamais exprimé sur la question de la liberté et du droitde l’homme décédé à procréer, et en présence de ces dispositionsclaires, non équivoques et non susceptibles d’interprétation, quiexcluent tout projet de procréation médicalement assistée formépar une personne seule à la suite du décès de l’un des membresdu couple, il apparaît que le refus du CECOS de restituer les gamètes à la seule (épouse) était justifié».Ensuite, le président du TGI considère également que la demande de l’épouse ne visait qu’à contourner la loi françaiseprohibant l’insémination post mortem ; et cela compte tenude ses multiples déplacements ultérieurs vers des pays possédant des législations plus conformes à ses souhaits.Enfin, le même juge relève que l’article 1147 du Code civil,invoqué par la requérante, est inapplicable en l’espèce, la démarche réalisée auprès du CECOS ayant été faite par le donneur seul. La preuve «de l’existence d’un lien contractuelentre (l’épouse) et le CECOS n’est (donc) pas rapportée».Malgré la médiatisation du combat de cette “veuve éplorée”, ladécision du tribunal de Rennes était non seulement prévisible,mais surtout évidente car conforme à la loi. La loi bioéthiqueprécitée de 2004 est sans confusion possible: les deux membresdu couple doivent être vivants afin de bénéficier d’une AMP. La question de l’insémination post mortem, ou plus précisémentdu transfert d’embryons post mortem, a toujours fait débat lorsdes discussions en vue de sa possible légalisation en droit fran-çais. Le projet de loi de réforme de la loi du 29 juillet 1994 avaitproposé de l’autoriser (Projet de loi AN n° 3166, 2001-2002) pourfinalement retirer cette disposition. La loi du 6 août 2004 doitêtre révisée en 2010. Le débat autour de la question du transfertd’embryons post mortem n’a pas manqué de resurgir. Néan-moins, il semble peu probable que le législateur revienne sur saposition du fait notamment du rapport du Conseil d’État sur larévision des lois de bioéthique (Étude CE, 6mai 2009). Le Conseil préconise en effet le statu quo ante pour les raisons suivantes:outre le déséquilibre psychologique possible de l’enfant en raison de sa position «d’enfant né du deuil», l’autorisation dutransfert d’embryons post mortem remettrait en cause l’exigencefondamentale de donner à l’enfant, au début de sa vie, une famille comportant un père et une mère. L’enjeu essentiel, commepour toutes les questions intéressant les enfants, est depuisquelques années leur intérêt supérieur. Et l’année même desvingt ans de la Convention internationale des droits de l’enfant(v. RLDC 2009/66, p. 42), cet intérêt ne pouvait être écarté auprofit d’une veuve désirant avoir un enfant de son défunt mari.➤ Lamy Droit des personnes et de la famille, n° 220-64

ACTU

ALITÉSPERSONNES ET FAMILLE

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La protection du nomau titre du risque de confusionLe risque de confusion entre un nom patronymique etcelui porté par les personnages d’une œuvre de fictionn’implique pas une telle confusion avec les membresde la famille, pris individuellement, portant ledit nom.Cass. 1re civ., 8 oct. 2009, n° 08-10.045, P+B

Dans quelles conditions peut-on utiliser le nom d’autrui dansune œuvre de fiction sans s’exposer aux foudres du juge etse voir condamner à verser des dommages-intérêts à la personne arguant d’une utilisation frauduleuse dudit nom?C’est à cette question qu’à dû répondre la Cour de cassationdans l’arrêt rapporté.L’adaptation télévisuelle d’un roman intitulé Dolmen fait apparaître une famille de Kersaint. Monsieur de Kersaint, soutenant que ces œuvres comportaient de nombreux pointscommuns entre lui-même et plusieurs de ses parents, les présentant comme odieux, ridicules ou néfastes, et discrédi-tant leur commun patronyme, après avoir vainement tenté,en référé, de faire suspendre la diffusion du téléfilm et retirerle livre de la vente, a assigné en dommages-intérêts, pour préjudice moral, les auteurs de l’ouvrage, leurs éditeurs et lasociété de télévision.Les juges du fond rejettent sa demande. Ils rappellent «que lenom patronymique d’une famille donne à ses membres le droitde s’opposer à l’utilisation faite par un tiers à des fins commerciales ou dans des œuvres de fiction, pourvu toutefoisque le demandeur justifie d’une confusion possible à laquelle il

RLD

C a intérêt à mettre fin ». Néanmoins, pour lesdits juges, aucun risque de confusion n’est possible entre M. de Kersaintet sa famille et les personnages décrits dans l’œuvre de fiction.Leur décision est censurée par la Cour de cassation, au visade l’article 1382 du Code civil, qui considère que si les motifs avancés par la cour d’appel «établissent l’absence d’unrisque de confusion entre M. Guy-Pierre de Kersaint ou tel deses proches et les personnages de l’œuvre de fiction, ils sonttoutefois impropres à établir la même absence de risque avecle patronyme dont s’agit». Les membres de la famille, pris individuellement, ne peuvent se prévaloir en l’espèce d’unrisque de confusion entre eux-mêmes et les personnages fictifs. En revanche, une telle confusion est possible quant àleur nom patronymique. Ce nom est en effet porté par uneseule famille bretonne, notoirement connue, illustrée par desancêtres célèbres et donné à des vaisseaux de guerre. Le nomdes personnages de fiction aurait dû être modifié dès lors quel’objectif des auteurs était «de camper de manière caricatu-rale une famille aristocratique bretonne».Outre un respect dû à la famille dont le nom patronymiqueest utilisé dans des œuvres de fiction, les auteurs des œuvresen cause doivent également montrer un tel respect au nomlui-même, surtout lorsque celui-ci est illustre, rare et notoire-ment connu.En matière d’utilisation littéraire et artistique du nom, la jurisprudence est claire et constante: le nom sera protégé s’ilexiste un risque de confusion mais également un préjudice.En l’espèce, le risque de confusion, non avec la personne portant le nom mais avec le nom lui-même, est reconnu. Le préjudice également, le nom en cause, rare et connu, étantprésenté de façon caricaturale et odieuse.➤ Lamy Droit des personnes et de la famille, n° 274-69

Étude statistique du ministère de la Justice sur l’adoption en France

En 2007, les tribunaux degrande instance ont prononcél’adoption de près de 13400

personnes, 3964 sous la forme plénière et 9412 sousla forme simple.Trois types d’adoptions sont envisagés : l’adoptionintrafamiliale, l’adoption nationale et l’adoption internationale.Après examen, il en ressort qu’en adoption plénière,neuf adoptés sur dix n’ont aucun lien préalable avecl’adoptant et la procédure s’inscrit le plus souventdans une démarche d’adoption internationale. Pour l’adoption simple, le constat est inverse : l’exis-tence d’un lien avec l’adoptant prédomine, la per-sonne adoptée étant le plus souvent l’enfant duconjoint de l’adoptant. Ainsi, l’adoption internationaledomine dans l’adoption plénière alors que l’adop-

tion simple s’inscrit massivement dans un cadre intrafamilial.(Infostats Justice, n° 106, sept. 2009)

Adoption internationale : spécialisation des juridictions

Un décret en date du 12 octobre2009 relatif à la spécialisation desjuridictions en matière d’adoption

internationale attribue une compétence particulière àcertains tribunaux de grande instance (TGI) en matièred’adoption internationale. Pour cela, il crée unarticle D. 211-11 au sein du Code de l’organisation judiciaire fixant le siège et le ressort des TGI compé-tents pour connaître des actions aux fins d’adoptionainsi que des actions aux fins de reconnaissance desjugements d’adoption rendus à l’étranger, lorsque l’enfant résidant habituellement à l’étranger a été, estou doit être déplacé vers la France. Trente-sept tribunaux sont listés en annexe. Ce décret entrera envigueur le 1er janvier 2010.(D. n° 2009-1221, 12 oct. 2009, JO 14 oct. 2009)

Une convention internationale pour combattre le trafic d’organes?

Une étude conjointe du Conseil de l’Europe et des Nations unies préco-nise l’adoption d’une convention inter-nationale pour combattre le trafic

d’organes, de tissus et de cellules (OTC). Ce traficconsiste souvent en du « tourisme de transplanta-tion » où des receveurs issus de pays riches vont ac-quérir des organes dans des pays plus pauvres sanslégislation. Selon cette étude, entre 5 et 10 % desgreffes de rein effectuées chaque année dans lemonde sont le résultat de ce trafic. L’étude préconise également l’interdiction totale d’un bénéfice financier au moyen du corps humainou de l’une de ses parties dans toute législation surla transplantation d’organes ainsi que la promotiondu don d’organes, principalement post mortem, afind’avoir un nombre d’organes disponibles plus satisfaisant.(Conseil de l’Europe et des Nations unies, 13 oct. 2009)

En bref…

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COUPLES

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Les décisions statuant après divorce ne sont pas des « décisions relatives au divorce »Doivent être rendues en chambre du conseil, les décisions statuant après divorce sur la suppressionou la modification d’une prestation compensatoire.Cass. 1re civ., 28 oct. 2009, n° 08-18.488, P+B+I

Selon l’article 1074 du Code de procédure civile : « Les demandes (en matière familiale) sont formées, instruites et jugées en chambre du conseil. Toutefois, les décisions rela-tives au nom, au prénom ou au divorce sont rendues publi-quement ». Mais qu’entend-on par décisions relatives au divorce? C’est ce qu’a dû préciser la Cour de cassation dansl’arrêt rapporté.Un divorce prononcé par une cour d’appel avait mis à la chargede l’époux une prestation compensatoire sous la forme d’unerente viagère. Celui-ci a par la suite saisi le juge aux affairesfamiliales d’une demande de minoration de ladite rente.Ayant été débouté, il conteste la décision en ce qu’elle a étéprononcée en chambre du conseil et non publiquement, violant de ce fait l’article 1074 du Code de procédure civile,l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’hommeainsi que l’article 14-1 du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques. Pour le requérant, une décision statuantsur la suppression ou la modification d’une prestation compensatoire après divorce est une décision relative au divorce entrant de ce fait dans le champ d’application de l’alinéa 2 de l’article 1074 précité du Code de procédure civile.La Cour de cassation estime «que les décisions statuant aprèsdivorce sur la suppression ou la modification d’une prestationcompensatoire, qui ne sont pas des décisions relatives au divorce au sens de l’alinéa 2 de l’article 1074 du Code de procédure civile, doivent être rendues en chambre du conseil».La Haute juridiction établit ici une distinction entre les déci-sions relatives au divorce proprement dit, devant être renduespubliquement, et les décisions relatives à l’“après-divorce”,devant être rendues en chambre du conseil. La décision statuant sur une demande de minoration du montant de laprestation compensatoire initialement fixée n’est pas une décision relative au divorce même si elle s’y rapporte. Mais elle n’en est qu’une conséquence.Cet arrêt a le mérite d’éclairer les juges sur la portée de l’article 1074 du Code de procédure civile comme l’avait faitde manière moins solennelle un précédent arrêt dans lequella Cour de cassation était venue préciser que les demandesformées sur le fondement de l’article 373-3 du Code civil, àsavoir l’intervention d’un tiers dans l’exercice de l’autorité parentale, sont instruites et jugées en chambre du conseil(Cass. 1re civ., 25 févr. 2009, n° 07-14.849). Mais il paraît plusévident d’inclure les demandes relatives à l’autorité parentaledans celles visées à l’alinéa 1er de l’article 1074 du Code deprocédure civile. Cette démarche est moins évidente s’agis-sant d’une demande relative à la minoration d’une prestationcompensatoire. Le requérant a pu en effet légitimement croire

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C

qu’une telle demande entrait dans le champ d’application des« décisions relatives au divorce » visées par l’alinéa 2 de l’article précité, devant en conséquence être rendues publi-quement.Néanmoins le pourvoi est rejeté. Et ce faisant, la Cour n’a paseu à se prononcer sur la “conventionnalité” de la décisioncontestée comme l’y invitait le demandeur au pourvoi. Celui-ci se fondait sur une précédente décision des Hauts magis-trats indiquant que la cour d’appel qui a statué non publique-ment viole, notamment, l’article 6-1 de la Conventioneuropéenne des droits de l’homme (Cass. 1re civ., 20 févr. 2007,n° 06-10.386, Bull. civ. I, n° 72). Cependant, il s’agissait enl’espèce d’une décision initiale prononçant un divorce et nonune décision statuant après divorce.Si cette jurisprudence demeure stable, les juges pourront appliquer cette distinction très claire que vient d’établir laCour de cassation: seules les décisions initiales relatives audivorce proprement dit devront être rendues publiquement.Les décisions qui ne seront que des conséquences du pro-noncé du divorce devront être rendues en chambre du conseil.➤ Lamy Droit des personnes et de la famille, n° 349-59

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Fixation de la prestationcompensatoire: quellesressources prendre en compte?La réparation des accidents du travail et la compensationdu handicap ne sont pas des sommes prises en comptepour déterminer les besoins et les ressources des époux.Cass. 1re civ., 28 oct. 2009, n° 08-17.609, P+B+I

Lors du prononcé d’un divorce, si le juge met à la charge del’un des époux le versement d’une prestation compensatoire,celle-ci est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources du débiteur (C. civ., art. 271, al. 1er).À cet effet, le juge doit déterminer les besoins et les ressourcesde chaque époux. Pour l’aider dans son office, le juge disposedes déclarations des époux certifiant sur l’honneur l’exacti-tude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditionsde vie qu’ils doivent fournir en vertu de l’article 272, alinéa 1er,du Code civil. L’alinéa 2 de ce même article apporte une pré-cision quant aux sommes à ne pas prendre en considération:«Dans la détermination des besoins et des ressources, le jugene prend pas en considération les sommes versées au titre dela réparation des accidents du travail et les sommes versées autitre du droit à compensation du handicap». La Cour de cas-sation s’est ici prononcée sur l’interprétation à donner à cetalinéa et ce, pour une des premières fois depuis sa modifica-tion par la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 (JO 12 févr. 2005).Notons que cet article était applicable aux instances intro-duites après le 1er janvier 2005, donc à notre espèce, l’assi-gnation datant du 15 janvier 2005.Un divorce a été prononcé. Par la suite, l’épouse a été débou-tée en appel de sa demande de prestation compensatoire. Selon les juges du fond, après examen des ressources et desbesoins des époux, il apparaît «une absence de disparité dessituations des parties».Devant la Cour de cassation, l’épouse conteste la non-priseen compte par la cour d’appel de la rente invalidité pour

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accident du travail perçue par son mari afin de déterminer lesressources de celui-ci. En outre, elle critique la prise en comptepar cette même cour de la somme qu’elle perçoit au titre dela compensation d’un handicap pour déterminer ses besoinsen s’appuyant sur la lettre de l’article 272, alinéa 2, du Code civil.S’agissant de la première branche du moyen, la Cour de cassation énonce que «selon l’article 272, alinéa 2, du Codecivil, dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-102 du 11 fé-vrier 2005, et applicable aux instances introduites après le1er janvier 2005, pour la fixation d’une prestation compensa-toire et la détermination des besoins et des ressources, le jugene prend pas en considération les sommes versées au titre dela réparation des accidents du travail». C’est donc «à bon droitque, pour déterminer les ressources des époux (…), la courd’appel a exclu la rente accident du travail perçue par lemari (…)». La rédaction de l’alinéa 2 de l’article 272 ne prêted’ailleurs pas à confusion quant à la non-prise en compte deces rentes.En revanche, la confusion est possible s’agissant de l’alloca-tion aux adultes handicapés perçue par l’épouse. En effet,pour cette dernière, l’allocation qu’elle reçoit est expressé-ment exclue de la détermination des ressources par l’article 272,alinéa 2, du Code civil en ce qu’il vise «les sommes verséesau titre du droit à compensation du handicap». C’est à cestade que l’interprétation fournie par la Cour de cassationprend toute son importance. La Haute juridiction établit eneffet une distinction entre la prestation de compensation, visée par l’article précité, et l’allocation aux adultes handica-pés versée à l’épouse, cette allocation « étant destinée à garantir un minimum de revenus à l’allocataire, à la diffé-rence de la prestation de compensation ». Et on ne peut qu’acquiescer à la distinction établie par la Cour de cassation.En effet, l’allocation aux adultes handicapés est une «garan-tie de ressources» en vertu de l’article L. 821-1-1 du Code dela sécurité sociale. C’est un minimum social versé aux personnes handicapées ne bénéficiant pas d’autres revenuspermettant d’atteindre un certain plafond. Quant à la presta-tion pour compensation du handicap, elle ne vient pas

fournir un revenu à la personne handicapée mais compenser son handicap « au regard de son projet de vie » (CASF, art. L. 245-1). Dès lors, en vertu de l’article 272, alinéa 2, du Code civil, « le juge ne prend pas en considération (…) lessommes versées au titre du droit à compensation du handi-cap, pour la fixation d’une prestation compensatoire». La Courde cassation conclut donc au rejet du pourvoi, car «c’est àbon droit que, pour déterminer (…) les besoins de l’épouse, la cour d’appel a (…) pris en considération l’allocation auxadultes handicapés versée à l’épouse, cette allocation, à la différence de la prestation de compensation, étant destinée à garantir un minimum de revenus à l’allocataire et non àcompenser son handicap».Il y a donc une différence de nature entre ces deux prestationsdont le juge devra tenir compte lors de la détermination desressources et besoins des époux en vue de la fixation d’uneprestation compensatoire.➤ Lamy Droit des personnes et de la famille, n° 365-55

ENFANT

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Enfant né “sous X” : l’actionpossible des grands-parentsLe TGI d’Angers admet que des grands-parents peuvent tenter d’établir leur filiation avec leur petitefille née “sous X”.TGI Angers, ord. réf., 8 oct. 2009, n° RG : 09/568

Dans une décision du 8 octobre dernier, le juge des référés dutribunal de grande instance (TGI) d’Angers a accueilli la demande des grands-parents d’un enfant né “sous X” en vuede procéder à une expertise sanguine révélant, le cas échéant,leur lien de parenté. Cette décision contraste avec la jurispru-dence établie de la Cour de cassation et récemment rappelée

RLD

C

Défenseure des enfants : rapport d’activité 2009

+ 9,4 %, c’est le pourcen-tage d’augmentation des nouvelles “réclamations”concernant 3000 enfants

et reçues par la Défenseure des enfants en 2009.La première cause de recours à la Défenseure des enfants est la séparation des parents.46 % des motifs sont liés aux séparations familiales et en particulier à l’exercice de la coparentalité :- 26 % concernent la contestation du droit de visite etd’hébergement ou la demande de transfert de larésidence ;- 10 % sont relatifs aux conditions de l’exercice de l’autorité parentale (scolarisation, vacances, etc.) ;- 8 % concernent la contestation du placement et desmesures éducatives ;

- 2 % concernent les enlèvements transfrontaliers.Au deuxième rang des causes de saisine de la Défen-seure des enfants, on trouve les situations concernantdes mineurs étrangers isolés ou en famille (16 % desréclamations). La Défenseure des enfants a notam-ment souhaité à ce propos que le placement en centrede rétention administrative puisse être remplacé parune assignation à résidence, plus conforme à l’intérêtsupérieur de l’enfant.Les autres motifs de réclamations reçues sont princi-palement liées à des questions de santé et/ou de handicap, aux difficultés sociales et de logement des familles en situation de précarité, aux abus sexuels età la maltraitance, des demandes liées à l’état civil, desconflits avec les établissements d’accueil et des diffi-cultés liées à l’adoption.Le rapport fait également un focus sur la médiation,rappelant que le rôle de la Défenseure des enfantsest celui d’un médiateur entre les enfants et les familles en souffrance face à des administrations quiappliquent des procédures généralistes. Le but

principal est de développer un regard pluridisciplinairepour faire émerger le meilleur intérêt pour l’enfant.(Rapport d’activité de la Défenseure des enfants2009, 16 oct. 2009)

Contrôle des comptes de tutelle : un projet de décret

Interpellée sur le problème croissant ducontrôle des comptes de tutelle, la gardedes Sceaux précise qu’un projet de décret est en cours d’élaboration afin de

permettre aux huissiers de justice d’assister les greffiersen chef dans le contrôle des comptes des personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique prononcée par le juge des tutelles et ce, conformémentaux préconisations du rapport Guinchard. «Ce projet dedécret, qui doit être prochainement transmis au Conseild’État, sera publié avant la fin de l’année 2009 », ajoute la ministre.(Rép. min. à QE n° 49344, JOAN Q. 13 oct. 2009,p. 9736)

et aussi…

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dans un arrêt de juillet dernier (Cass. 1re civ., 8 juill. 2009,n° 08-20.153, RLDC 2009/64, n° 3584). Dans cette affaireconcernant l’adoption d’un enfant issu d’un accouchement“sous X”, ses prétendus grands-parents étaient intervenus àl’instance en vue de s’opposer à ladite adoption afin d’assu-mer la charge de l’enfant. La Cour de cassation a alors dé-claré leur intervention irrecevable du fait de l’absence d’unintérêt et d’une qualité pour agir. Pour leur conférer cette qua-lité, le lien de filiation entre leur fille et l’enfant aurait dû êtreétabli, ce qui n’était pas le cas du fait du choix de la mèred’accoucher “sous X”.La décision du juge des référés du TGI d’Angers n’est pas entotale contradiction avec la jurisprudence de la Cour de cassation dans la mesure où la demande présentée par lesgrands-parents en l’espèce était différente de celles jusqu’alorsexaminées. Conscients de ne pouvoir s’opposer à l’adoptionde leur petite-fille sans qualité pour agir, les grands-parentsont décidé de faire reconnaître cette qualité en réclamant enjustice le droit de faire établir leur filiation vis-à-vis de l’enfant. Si cette qualité est établie, cela reviendra à satis-faire aux conditions posées par la Cour de cassation dansson arrêt du 8 juillet précité ; les grands-parents pourraientainsi intervenir à une future instance en adoption de l’enfant. En effet, si la filiation des grands-parents est établieà l’égard de l’enfant, il importera peu que la filiation entrela mère et l’enfant soit elle aussi établie.En l’espèce, une mère accouche “sous X” le 7 juin 2009. Elle permet néanmoins à ses parents de voir leur petite fille à lamaternité, le bébé étant né prématurément et ayant besoin desoins. Peu après, elle remet le nouveau-né au service de l’Aidesociale à l’enfance en vue de son adoption. La petite-fille est inscrite comme pupille de l’État au mois d’août. Les grands-parents assignent alors le préfet du Maine-et-Loire, tuteur légalde l’enfant, pour qu’il soit procédé à une expertise comparée desangs afin d’établir leur filiation avec ledit enfant. Face au refus du préfet, ils se tournent vers la justice. Le président duTGI d’Angers, statuant en référé, accueille favorablement leurdemande. Le juge s’appuie principalement sur l’attitude ambi-guë de la mère de l’enfant qui avait autorisé la grand-mère à venir à la maternité. Il considère en effet que «tout en sollicitantle secret de son admission et de son identité au regard de son enfant», la mère «a levé ce secret à l’égard de ses propres parents

et permis à sa mère de voir l’enfant peu après sa naissance, établissant ainsi un lien avec elle». Le préfet du Maine-et-Loiredoit donc accéder à l’injonction du juge, à savoir faire effectuerune expertise comparée de sangs dans les trois mois de l’ordon-nance afin d’établir ou non la filiation des requérants avec l’enfant. Si le résultat de cette expertise est positif, les grands-parents pourront réclamer en justice “la garde” de leur petite-fille ou au moins un droit de visite. Leur petite-fille va-t-elle devenir leur fille et en conséquence sœur de sa mère?, s’inquiè-tent certains commentateurs. L’«intérêt de l’enfant» a prévalulors de la décision du juge des référés, ainsi que «ses besoins affectifs». Mais est-ce dans son intérêt de créer un casse-tête familial dans lequel grand-mère pourrait se confondre avec maman ? Réelle avancée pour certains, «mise à mort de l’accou-chement “sous X”» pour d’autres, la décision du juge d’Angersn’a pas fini d’attiser le débat entourant le thème de l’accouche-ment “sous X”, le préfet ayant au surplus décidé de ne pas interjeter appel de la décision rendue. Serait-ce la fin de l’accou-chement “sous X”? Si une filiation est établie entre les grands-parents et leur petite-fille, celle entre la mère et l’enfant sera defacto reconnue. En l’absence de dispositions légales, en ce sens,c’est de façon prétorienne que l’accouchement “sous X” subitdes attaques. La loi n° 2009-61 du 16 janvier 2009 (JO 18 janv.2009) ratifiant l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 (JO 6 juill. 2005) portant réforme de la filiation a ouvert unebrèche en supprimant l’interdiction d’exercer une action en recherche de maternité à l’encontre de celle qui a accouché dansl’anonymat, cette action étant désormais ouverte à l’enfant (C. civ., art. 325, nouveau).De plus en plus de grands-parents semblent vouloir nouer desrelations avec leurs petits-enfants, peu important la décisionde leur fille d’accoucher dans l’anonymat. Le Code civil neleur reconnaît pas ce droit : ce sont leurs petits-enfants qui enbénéficient. Ces derniers ont en effet le droit d’entretenir desrelations avec leurs ascendants, ce qui implique l’établisse-ment d’une filiation, ou avec des tiers (C. civ., art. 371-4). Faceaux tâtonnements de la justice, la future loi relative au droitdes tiers (v. notamment, RLDC 2009/65, p. 48) pourrait apporter une réponse claire et adéquate en conciliant intérêtde l’enfant et désir des grands-parents de participer à l’édu-cation de leurs petits-enfants.➤ Lamy Droit des personnes et de la famille, n° 430-70

ACTU

ALITÉSPERSONNES ET FAMILLE

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Texte international le plus ratifié dans le monde(193 États l’ayant intégré dans leur droit positif),la Convention internationale des droits del’enfant (CIDE) a été signée à New York, sous l’égidedes Nations unies, le 20 novembre 1989, aprèsplus de dix ans de négociations. Ayant comme principe directeur l’intérêt supérieur de l’enfant,elle institue des droits civils, économiques, sociauxet culturels au profit des enfants.Ses vingt ans ont été l’occasion de dresser un bilan de son influence sur l’attitude des États signataires vis-à-vis des droits de l’enfant mais également de revenir sur les efforts restant à accomplir pour aboutir à la pleine effectivité de cesdroits. Dans cet esprit, la Cour de cassation, en par-tenariat avec l’Association Louis Chatin, a réuni le20 novembre dernier plusieurs acteurs de la défense des droits des enfants afin d’établir unesynthèse des actions menées depuis 1989 et decelles restant à mettre en œuvre.

Le cas françaisLa CIDE est entrée en vigueur en France le 2 septembre1990. Depuis cette date, tant le législateur que le jugese sont efforcés de rendre effectives les dispositionscontenues dans la Convention.

Consécration législative des droits reconnus parla CIDE. — Le législateur français a intégré divers principes énoncés par la CIDE au sein des multipleslois en relation avec les enfants :• loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 (JO 9 janv. 1993) relative aux droits de l’enfant et instituant le juge auxaffaires familiales ;• loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 (JO 5 mars 2002)sur l’autorité parentale et donnant l’intérêt de l’enfant-comme finalité à cette autorité. Cette loi donne égale-ment au juge aux affaires familiales un large pouvoir d’appréciation quant aux mesures concernant les enfants et ce, dans leur intérêt (C. civ., art. 373-2-6).En outre, on reconnaît désormais le droit pour l’enfantd’entretenir des relations avec ses ascendants, droit initialement reconnu audits ascendants (C. civ., art. 371-4). L’article 8 de la loi n° 2007-293 du 5 mars2007 (JO 6 mars 2007) réformant la protection del’enfance ajoutera que « seul l’intérêt de l’enfant peutfaire obstacle à l’exercice de ce droit » ;• loi n° 2000-196 du 6 mars 2000 (JO 7 mars 2000) ins-tituant le Défenseur des enfants. Trois missions lui ont étéassignées: répondre aux réclamations pouvant émaner d’enfants, proposer des réformes concernant les enfants etassurer la promotion des droits des enfants issus de la CIDE.Fonction vouée à disparaître pour être remplacée par le Défenseur des droits (v. RLDC 2009/64, En bref, p. 51),

la Défenseure des enfants vient de publier son rapport d’activité pour l’année 2009 dont il ressort que 3000enfantsont été concernés par des dossiers traités issus de réclama-tions individuelles (RLDC 2009/66, En bref, p. 40);• ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 (JO 6 juill.2005) portant réforme de la filiation et sa loi de ratifi-cation n° 2009-61 du 16 janvier 2009 (JO 18 janv.2009), reconnaissant l’égalité entre les filiations ;• loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 (JO 24 juin 2006)reconnaissant l’égalité des enfants en matière successorale ;• décret n° 2009-572 du 20 mai 2009 (JO 24 mai2009) relatif à l’audition de l’enfant en justice.

Le juge face à l’applicabilité directe de la CIDE. —Les articles de la CIDE sont-ils directement invocablespar le justiciable devant les juridictions françaises ? Si le juge administratif l’a rapidement admis, le juge judiciaire a été plus réticent.

• Le juge administratifC’est dans un arrêt du 10 mars 1995 que le juge administratif a reconnu l’applicabilité directe en droit fran-çais de l’article 16 de la CIDE relatif à la vie privée et familiale (CE, 10 mars 1995, n° 141083, Demitpence).Peu à peu, d’autres articles ont bénéficié de la clémencedu juge et notamment les articles 6 sur le droit à la vie,14 relatif à la liberté de pensée et religieuse ou encore12 sur le droit à être entendu dans un procès. Pourtant,selon Rémy Schwartz, conseiller d’État, la CIDE intervientsouvent à titre supplétif par rapport à d’autres disposi-tions invoquées et notamment celles issues de la Conven-tion européenne des droits de l’homme. Néanmoins, ellereste toujours disponible pour combler des vides juridiques pouvant encore exister.

• Le juge judiciaireAprès avoir longtemps considéré que la CIDE n’impo-sait des obligations qu’à la charge des États, c’est en 2005que le juge judiciaire a reconnu une applicabilité directe aux articles 3-1 et 12-2 de la CIDE (Cass. 1re civ.,18 mai 2005, n° 02-20.613). Il faut préciser que cesmoyens ont alors été soulevés d’office et non invoqués

par le requérant. Depuis cette date, près de soixantearrêts ont été rendus sur le fondement de la CIDE, les arrêts de cassation s’appuyant néanmoins aussi surdes textes nationaux. Les juges du fond appliquent également la CIDE mais ils sont en attente de prisesde position par la Cour de cassation sur certaines questions telles celle de l’audition de l’enfant, souligneMonique Chadeville, présidente de la chambre des mineurs de la cour d’appel de Paris.

Le droit européenLa Convention européenne des droits de l’homme estl’appui européen de la CIDE. Non seulement certains deses articles reprennent les mêmes idées mais la Cour eu-ropéenne des droits de l’homme, qui a une influence in-déniable sur les droits de l’enfant, intègre la CIDE au seinde sa jurisprudence. C’est dans un arrêt du 25mars 1993que la Cour européenne des droits de l’homme prendpour la première fois en compte la CIDE (CEDH, 25mars1993, aff. 13134/87, Costello Roberts c/ Royaume-Uni)en s’appuyant sur son article 28 relatif au droit de l’en-fant à l’éducation.En droit communautaire, le règlement dit Bruxelles II bisrelatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécutiondes décisions en matière matrimoniale et en matière deresponsabilité parentale (Règl. n°2201/2003/CE, 27nov.2003, en vigueur en France depuis le 1er mars 2005)est encore plus contraignant que la CIDE sur les ques-tions relatives aux déplacementsillicites d’enfants.

Un bilan mitigéSi les institutions législatives et judiciaires françaises sefélicitent de leur implication dans l’application effectivede la CIDE, il n’en reste pas moins que des efforts restent à accomplir. Un rapport du Comité des droitsde l’enfant des Nations unies du 11 juin 2009 reconnaît la bonne volonté de la France mais émetégalement de mauvaises critiques à son encontre. Selon ce rapport, la justice pénale des mineurs, leuraudition en justice ainsi que le traitement des mineursisolés étrangers ne sont pas en totale adéquation avecles principes énoncés par la CIDE. En outre, ce Comitésouhaiterait que les juridictions françaises reconnais-sent l’applicabilité directe de la CIDE dans son ensembleet non de quelques articles seulement.

En conclusion de ce colloque, un consensus a ététrouvé quant à la nature de la CIDE : elle n’est qu’uneétape dans la nécessaire protection des droits de l’enfant, encore tant bafoués dans de nombreux pays.

(Colloque Cour de cassation, « Vingt ans d’application de la Convention des Nations unies relative aux droitsde l’enfant », 20 nov. 2009)

20e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant : bilan et perspectives

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Bien que cet élément soit érigé par l’ar-ticle 970 du Code civil comme conditionde validité du testament olographe, la Courde cassation fait à la fois preuve de sou-plesse et de fermeté dans l’appréciation

de la date des dispositions de dernières volontés. Ainsi, etmême si cette solennité d’ordre technique est classiquementconsidérée comme un élément constitutif essentiel du testa-ment (Cass. 1re civ., 2 févr. 1971, n° 69-14.253, Bull. civ. I,n° 40, D. 1971, jur., p. 421, note Maury J., JCP G 1972, II,n° 17000, note M. D.), les juges du droit viennent sauver cer-taines dispositions testamentaires pour lesquelles la date ma-nuscrite est incomplète (v. la jurisprudence rendue à partirde Cass. req., 4 juin 1934, DH 1934, p. 460; Cass. req., 8 déc.1936, DH 1937, p. 52; par exemple, Cass. 1re civ., 11 oct. 1955,Defrénois 1956, art. 27401 ; v. en particulier, s’agissant del’omission du quantième, l’arrêt Payan qui a été rendu le9 mars 1983, d’où il ressort que l’absence du quantième estsans effet sur la validité du testament toutes les fois qu’unedate complète n’était pas utile, notamment en raison de l’absence de testament postérieur ou d’incapacité du testa-teur : Cass. 1re civ., 9 mars 1983, n° 82-11.259, Bull. civ. I,n° 95, JCP G 1984, II, n° 20177, note Dagot M., RTD civ. 1983,p. 775, obs. Patarin J., Defrénois 1983, art. 33172, note Souleau H.; dans le même sens, v. également, Cass. 1re civ.,1er juill. 1986, n° 84-17.298, Bull. civ. I, n° 193, D. 1986, jur.,p. 542, note Grimaldi M., Defrénois 1986, art. 33791, note Grimaldi M.; Cass. 1re civ., 30 juin 1992, n° 90-19.021, Bull.civ. I, n° 215, D. 1993, jur., p. 325, note Maury J., D. 1993,somm., p. 229, obs. Grimaldi M., JCP N 1993, I, n° 3713, obs.Testu F.-X., RTD civ. 1993, p. 397, obs. Patarin J., Defrénois1993, art. 35490, note Champenois G., JCP N 1993, II, n° 181,note Carmoz J.-Y. ; v., enfin, à propos de la régularisation d’untestament non daté et rédigé sur une enveloppe, la date étantdéterminée par référence au cachet de la poste inscrit sur ladite enveloppe, Cass. 1re civ., 1er juin 1994, n° 92-14.272,Bull. civ. I, n° 200, D. 1995, somm., p. 52, obs. Grimaldi M.,

RTD civ. 1995, p. 669, obs. Patarin J.), voire inexacte (la jurisprudence tend parfois à autoriser la régularisation d’untestament ayant une date inexacte lorsque l’inexactitude estinvolontaire ; v. notamment, Cass. 1re civ., 7 juin 2006, n° 04-10.602, Bull. civ. I, n° 301, RLDC 2006/31, n° 2244, note Binet J.-R. ; de même, le testament olographe dont la date estinexacte, tout en étant reconstituable, peut également êtresauvé: la première chambre civile de la Cour de cassation aen effet considéré, dans un arrêt rendu le 11 février 2003, quela fausseté de la date entraîne la nullité du testament sauf lorsqu’il est possible de lui reconstituer sa date véritable aumoyen des éléments émanés de celui-ci : Cass. 1re civ., 11 févr.2003, n° 99-12.626, Bull. civ. I, n° 46, JCP G 2003, I, n° 180,obs. Le Guidec R., JCP G 2004, II, n° 10032, note Boulanger F., Dr. famille 2003, comm. 54, note Beignier B., AJ famille 2003,p. 147, obs. S. D.-B.), et ceci bien qu’il soit de règle généraleque la fausseté de la date équivaut à son absence (Cass. 1re civ.,11 févr. 2003, n° 99-12.626, précité). À l’opposé, la premièrechambre civile applique, dans d’autres situations, les termesde l’article 970 du Code civil avec une plus grande rigueur enrefusant toute régularisation d’une date manquante ou incom-plète, ce qui débouche inexorablement sur la nullité du testament ou sur le refus d’octroyer cette qualification à undocument écrit émanant du de cujus et contenant ses dernièresvolontés, essentiellement ses volontés relatives à ses funérailleset à son inhumation (v. notamment, Cass. 1re civ., 8 mars 1988,n° 86-14.944, Bull. civ. I, n° 71, D. 1989, jur., p. 110, noteMalaurie Ph., JCP G 1988, II, n° 21077, note Montredon J.-F.,RTD civ. 1989, p. 123, obs. Patarin J., Defrénois 1988, art. 34336,note Grimaldi M., où il a été considéré que la mention de laseule année ne peut, faute d’éléments extrinsèques complé-mentaires, être considérée comme une date; dans le mêmesens, et à propos des seules mentions du mois et de l’annéeen l’absence d’autres éléments intrinsèques : Cass. 1re civ.,9 nov. 1993, n° 91-17.756, Bull. civ. I, n° 322, D. 1994, jur.,p. 315, note Berry B. ; à propos d’arrêts d’appel adoptant uneposition stricte relativement à l’interprétation de l’article 970

Reconstitution de la dateet absence de signaturedu testament olographe : la position de la Cour de cassationEn matière de formalisme testamentaire, la Cour de cassation fait preuve d’un certain laxisme s’agissantde l’absence de date: le document pourra être régularisé si sa période de rédaction peut être délimitéeavec précision. En matière de signature, la position de la Cour est plus rigoureuse: la signature étantl’approbation personnelle de l’acte, elle doit être apposée à sa suite.

Cass. 1re civ., 8 avr. 2009, n° 08-12.217, D ; Cass. 1re civ., 17 juin 2009, n° 08-12.896, P+B3657

Par RodolpheMESA,

Maître de conférencesà l’Université du Littoral

Côte d’Opale

ACTU

ALITÉS

RÉGIMES MATRIMONIAUX,SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉSSous la direction scientifique de Bernard BEIGNIER, Doyen de la Faculté de droit de l’Université de Toulouse, Rémy CABRILLAC,Professeur à la Faculté de droit de Montpellier, et Hervé LÉCUYER, Professeur à l’Université Panthéon-Assas (Paris II)

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du Code civil, v. CA Riom, 2 mars 2004). La nullité est, de même,pleinement encourue lorsqu’il y a à la fois absence de date etd’une autre formalité considérée comme non régularisable, notamment de la signature (Cass. 1re civ., 7 juin 1995, n°93-13.256,RTD civ. 1995, p. 946, obs. Patarin J., Defrénois 1996, art. 36277,note Hauser J. ; Cass. 1re civ., 14 janv. 2003, n° 00-18.526,Bull. civ. I, n° 14; Cass. 1re civ., 17 févr. 2004, n° 01-15.223,Bull. civ. I, n° 55, D. 2004, p. 2341, obs. Nicod M., AJ famille2004, p. 143, obs. Deis-Beauquesne S., Dr. famille 2004,comm. 54, note Beignier B., JCP N 2004, p. 1490, note Ruel Fr.;Cass. 1re civ., 16 mars 2004, n° 02-13.387, D. 2004, p. 2341,obs. Nicod M.). Les deux arrêts rendus respectivement le8 avril 2009 et le 17 juin 2009 (Cass. 1re civ., 8 avr. 2009, n° 08-12.217 ; Cass. 1re civ., 17 juin 2009, n° 08-12.896) viennent offrir des applications intéressantes et d’utiles pré-cisions sur la régularisation des testaments dépourvus de date,selon que la date est reconstituable ou que son absence s’ajouteà l’omission de la signature. Les faits de chaque espèce doivent être présentés de façon liminaire à l’étude des solu-tions adoptées.Les faits qui ont donné lieu à l’arrêt du 8 avril 2009 (Cass. 1re civ., 8 avr. 2009, n° 08-12.217, précité) sont rela-tivement simples. Le de cujus, qui s’était séparé de sa pre-mière épouse après le décès de deux de ses enfants, est allévivre, postérieurement à cette séparation, avec une autrepersonne à Blessy. Décédant au cours de cette seconde union,il a été enterré au cimetière de cette commune. C’est alorsqu’un de ses enfants, issu de la première union, s’est prévalu d’un document non daté que le de cujus avait rédigé de son vivant, et par lequel il manifestait sa volontéd’être inhumé avec ses fils dans le caveau familial. La justice devait être saisie de cette demande, qui a d’abord étérejetée par l’arrêt de la cour d’appel de Douai (CA Douai,17 déc. 2007), considérant que le document produit ne pou-vait pas être assimilé à un écrit sous forme testamentaire enraison de l’impossibilité de délimiter précisément sa périodede rédaction. Le pourvoi formé contre cette décision devaitégalement être rejeté par le premier arrêt commenté. En cequi concerne l’arrêt du 17 juin 2009 (Cass. 1re civ., 17 juin2009, n° 08-12.896, précité), le de cujus avait laissé, avantde se donner la mort, une lettre manuscrite qui expliquaitles raisons de son geste, tout en comportant certaines dis-positions de dernières volontés. Le texte était suivi de lamention « fait à Clichy, le 16 octobre 1997, pour tenir lieu dedernières volontés», ainsi que de la signature du disposant.Ces mentions et signature étant quant à elles suivies par undernier paragraphe par lequel le de cujus, qui avait deux enfants issus d’une première union et quatre issus de sa seconde union, entendait octroyer la totalité de ses biens àtous ses descendants, paragraphe qui était rédigé de la façon suivante : « J’allais oublier que tout ce qui m’appar-tient revient à mes six enfants en parts égales (…)». L’un desenfants, issu de la première union, se prévalant de ce docu-ment qu’il considérait comme valant écrit testamentaire régulièrement formé, a alors saisi le tribunal de grande instance aux fins de voir prononcer la nullité de l’acte denotoriété ainsi que celle de l’acte de conversion-partage qui attribuait un immeuble de la succession à la secondecompagne du défunt. Toutes ces demandes ont été rejetées,tant au premier degré qu’en appel (CA Versailles, 10 janv.2008), au motif que la date et la signature figuraient au-dessus des dispositions de dernières volontés dont la miseen œuvre était demandée. Il en va de même à propos dupourvoi formé contre l’arrêt d’appel.

Les deux arrêts rendus par la première chambre civile de laCour de cassation les 8 avril et 17 juin 2009 (Cass. 1re civ.,8 avr. 2009, n° 08-12.217, précité ; Cass. 1re civ., 17 juin 2009,n° 08-12.896, précité) permettent de revenir sur la questionde l’importance de la date comme condition de validité dutestament olographe, mais aussi comme condition de quali-fication d’un document manuscrit comportant des disposi-tions de dernières volontés comme écrit testamentaire. Ils per-mettent de mettre en avant le fait que, malgré la place octroyéeà la date par l’article 970 du Code civil, un testament olographe peut, sous certaines conditions, échapper au pro-noncé de la nullité alors qu’il y a absence de datation. Il enva de même en ce qui concerne les questions de qualifica-tion, un écrit non daté contenant des dispositions de dernièresvolontés d’ordre personnel et inhérentes aux funérailles pou-vant, toujours sous certaines conditions, se voir octroyer laqualification de testament olographe ainsi que la force obli-gatoire qui est attachée à ce type d’acte. Les principaux apports des deux arrêts commentés sont relatifs aux modali-tés de cette qualification et de cette régularisation, dont leprincipe est pleinement acquis, en ce qui concerne l’absencede date, depuis l’arrêt Garon du 10 mai 2007 (Cass. 1re civ.,10 mai 2007, n° 05-14.366, Bull. civ. I, n° 182, D. 2007, p. 2135,obs. Nicod M., Dr. famille 2007, comm. 131, obs. Beignier B.,RTD civ. 2007, p. 604, obs. Grimaldi M., Defrénois 2007,art. 38666, note Beaubrun M.). Si, en effet, la régularisationreste possible en l’absence de date, c’est à la condition quel’écrit auquel il est désiré donner la qualification de testamentolographe soit accompagné d’éléments intrinsèques et extrin-sèques permettant de déterminer précisément la période de rédaction (I). Mais, même en présence de tels éléments, la régularisation reste impossible lorsque l’absence de date estcorroborée par une omission de la signature (II).

I – LA SUBORDINATION DE LA RÉGULARISATIONDU TESTAMENT À LA POSSIBILITÉ D’ÉTABLIRPRÉCISÉMENT SA PÉRIODE DE RÉDACTIONMalgré les termes de l’article 970 du Code civil, un testa-

ment olographe non daté n’est pas nécessairement frappé denullité, de la même manière qu’un écrit sans date compor-tant certaines dispositions de dernières volontés relatives aux funérailles doit pouvoir être qualifié de testament (v. Grimaldi M., La jurisprudence et la date du testament olographe, D. 1984, chr., p. 253). S’agissant de ce dernierpoint, il convient de rappeler que l’article 3 de la loi du 15 no-vembre 1887 relative à la liberté des funérailles offre à toutepersonne la possibilité d’exprimer ses volontés relatives auxfunérailles et à la sépulture dans un testament ou une décla-ration faite sous forme testamentaire, le texte précisant quede telles déclarations de volonté ont la même force qu’unedisposition testamentaire de nature patrimoniale et sont sou-mises aux règles de révocation des testaments. La jurispru-dence a par ailleurs assoupli ce formalisme en considérantque la volonté relative aux funérailles et à la sépulture peutêtre valablement exprimée sous d’autres formes, notammentdans un écrit qui ne répond pas aux exigences de l’article 970du Code civil (Cass. 1re civ., 26 avr. 1984, n° 83-11.117, Bull.civ. I, n° 142). C’est un tel écrit, ne comportant aucune men-tion de la date et précisant les modalités des funérailles ainsique les caractères de la sépulture voulus par le défunt, quecertains des enfants du de cujus entendaient, dans l’espècecommentée qui a donné lieu à l’arrêt du 8 avril 2009 (Cass. 1re civ., 8 avr. 2009, n° 08-12.217, précité), voir qualifier

RECONSTITUTION DE LA DATE ET ABSENCE DE S IGNATURE DU TESTAMENT OLOGR APHE : LA POS ITION DE LA COUR DE CASSATION

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de testament, ceci de façon à pouvoir inhumer sa dépouilledans le caveau familial. L’octroi de cette qualification, rendupossible malgré l’absence de datation depuis l’arrêt du 10 mai2007, se trouve subordonné à la reconstitution de la périodede rédaction au moyen d’éléments intrinsèques corroboréspar des éléments extrinsèques du document (Cass. 1re civ.,10 mai 2007, n° 05-14.366, précité), opération nécessaire dansl’espèce commentée.Pour qu’un écrit non daté puisse être qualifié de testamentolographe, ou encore pour qu’un testament olographe qui necomprend pas de date puisse être sauvé et échapper ainsi auprononcé de la nullité de l’article 970 du Code civil, il est enprincipe nécessaire que la date soit indifférente (v. Grimaldi M.,Heureux assouplissement du formalisme du testament olographe: le testament dont on ne connaît ni le jour, ni lemois, ni même l’année où il a été rédigé est valable si sa date précise est indifférente, RTD civ. 2007, p. 604). Cette hypo-thèse se rencontre essentiellement dans les situations danslesquelles il n’y a ni risque d’incapacitédu testateur, ni risque de testaments suc-cessifs ou incompatibles (Cass. 1re civ.,9 mars 1983, n° 82-11.259, précité). Enprésence de tels risques, la régularisa-tion reste néanmoins possible. La qua-lification testamentaire ne pourra alorsêtre retenue que s’il est possible de déterminer la date de rédaction à partird’éléments intrinsèques et extrinsèquesdu document concerné. De tels risquesde dispositions révocatoires existaientbel et bien dans l’espèce du premier ar-rêt commenté, ceci en raison des changements dans la situation familiale du défunt. En effet, le fait que ce dernierse soit séparé de sa première épouse, pour se remettre encouple avec une seconde personne avec laquelle il a terminésa vie, rend probable un changement de ses volontés relativesà l’inhumation. C’est la raison pour laquelle la premièrechambre civile a, dans l’arrêt du 8 avril 2008 (Cass. 1re civ.,8 avr. 2009, n° 08-12.217, précité), approuvé les juges du fondd’avoir cherché à reconstituer la date du document litigieuxécrit de la main du de cujus et titré «mes derniers désirs». Sur ce point, et quand bien même l’arrêt commenté trancheune question relative à la qualification d’un écrit et non à lanullité d’un testament olographe irrégulier, la solution renduepar la Cour de cassation se place dans le droit fil de la juris-prudence initiée à partir de l’arrêt Garon du 10 mai 2007 (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-14.366, précité). Dans cetarrêt de principe, il avait pu être jugé qu’un testament qui necomporte pas de date n’encourt pas nécessairement la nullité, un tel acte pouvant être sauvé toutes les fois que deséléments intrinsèques à l’acte, qui sont corroborés par deséléments extrinsèques, permettent d’établir qu’il a été rédigéau cours d’une période donnée, période pendant laquelle iln’est pas démontré que le testateur ait été frappé d’une incapacité ou ait rédigé un testament révocatoire. Dans la première espèce commentée, les juges du fond se sont référés, en application de ces critères, à la fois aux mentionsde l’acte et aux circonstances de la cause. Cet examen a permis d’établir que l’écrit comportant les dernières volontésrelatives aux funérailles avait été rédigé après le décès dudeuxième enfant du de cujus, sans pour autant qu’il soit pos-sible de savoir si la rédaction était antérieure ou postérieureà la séparation avec sa première épouse. Se trouvait ainsi posée la question du degré de précision de la datation établie

à partir des éléments intrinsèques et extrinsèques pour pou-voir qualifier un écrit de testament ou pour pouvoir sauverun testament olographe irrégulier.Lorsqu’il est recouru aux éléments intrinsèques et extrinsèquesdu testament pour rechercher sa période de confection, il n’estpas nécessaire que cet examen aboutisse à l’établissement dela date exacte de rédaction, c’est-à-dire de la date comportantle jour, le mois et l’année (sur la notion de date au sens del’article 970 du Code civil, v. Cass. req., 22 nov. 1870, DP 1972,I, p. 272; v. également, plus récemment, CA Toulouse, 12 mai1997, Dr. famille 1997, comm. 127). L’étude de sa jurispru-dence montre en effet que la première chambre civile de laCour de cassation, après qu’elle a, dans un premier temps,accepté de valider des dispositions testamentaires pour lesquelles il manquait le quantième (Cass. 1re civ., 9 mars1983, n° 82-11.259, précité ; Cass. 1re civ., 1er juill. 1986, n° 84-17.298, précité; Cass. 1re civ., 30 juin 1992, n° 90-19.021,précité), et par conséquent estimé que l’omission du mois ou

du millésime était équivalente à une absence de date sanctionnée, à défautde reconstitution, par la nullité du testament (v. sur ce point, Cass. 1re civ.,8 mars 1988, n° 86-14.944, Bull. civ. I,n° 71, D. 1989, jur., p. 110, note Malau-rie Ph., Defrénois 1988, art. 34336, noteGrimaldi M.), en est venue progressive-ment à régulariser différentes disposi-tions pour lesquelles une période de rédaction de quelques semaines a puêtre dégagée (Cass. 1re civ., 1er juin 1994,n° 92-14.272, précité). Puis, après un

léger recul (Cass. 1re civ., 7 juin 2006, n° 04-10.602, précité),la Haute juridiction a adopté fermement une solution de principe beaucoup plus souple dans l’arrêt du 10 mai 2007(Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-14.366, précité). Il ressorten effet de cet arrêt que le testament olographe non daté pourraéchapper à la nullité toutes les fois qu’il est établi qu’il «a été rédigé au cours d’une période déterminée et qu’il n’estpas démontré qu’au cours de cette période, le testateur ait étéfrappé d’une incapacité de tester ou ait rédigé un testamentrévocatoire ou incompatible». Dès lors, la datation exacte, c’est-à-dire à l’année, au mois et au jour près, n’est plus impéra-tive. Il en résulte que le testament olographe non daté peutéviter la nullité, ou qu’un écrit comportant des dispositionsde dernières volontés relatives aux funérailles peut être qua-lifié de testament, à partir du moment où il est possible, d’unepart, de déterminer sa période de confection et, d’autre part,d’établir qu’à compter de cette période, le testateur n’a pasfait l’objet d’une incapacité et qu’il n’y a pas eu d’acte révo-catoire. Ces différents éléments ont été appréciés et précisésdans l’espèce qui a donné lieu à l’arrêt du 8 avril 2009.Dans l’arrêt du 8 avril 2009, les juges de la première chambrecivile ont approuvé ceux de la cour d’appel de Douai d’avoirrefusé de qualifier l’écrit litigieux de testament olographe.Dans cette espèce, en effet, les éléments intrinsèques et extrinsèques relevés permettaient d’établir que le documentavait été rédigé par le défunt postérieurement au décès de sondeuxième fils. Mais ils étaient insuffisants pour apporter uneréponse à la question de savoir si cet acte avait été réaliséavant ou après la séparation avec la première épouse. Il exis-tait donc bel et bien un risque de testament révocatoire, untel risque trouvant, en l’espèce, sa source dans la modifica-tion de la situation matrimoniale du de cujus. Rien ne pouvait garantir que les sentiments originels, qui avaient

ACTU

ALITÉSRÉGIMES MATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉS

Un testament ne comprenant pasde date pourra être

régularisé si sa périodede rédaction peut être

précisément déterminée.

ÉCLAIRAG

E

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conduit l’auteur à matérialiser par écrit ses déclarations ini-tiales de dernières volontés, n’avaient pas évolué consécuti-vement au concubinage avec sa seconde compagne. C’est enpartie cette donnée qui a conduit les juges d’appel à considé-rer que la période de rédaction ne pouvait être précisémentdéterminée. La conséquence de ce constat, qui est le fruitd’une application littérale des éléments mis en avant par l’arrêt Garon du 10 mai 2007 (Cass. 1re civ., 10 mai 2007, n° 05-14.366, précité), application reprise et approuvée parla première chambre civile, est que l’acte comportant les dispositions de dernières volontés relativement aux funéraillesne peut être qualifié de testament olographe. Par extension,un tel constat opéré à propos d’un testament olographe nondaté devrait inévitablement aboutir au prononcé de la nullitédes dispositions testamentaires.L’arrêt qui a été rendu par la première chambre civile de laCour de cassation le 8 avril 2009 opère, par la solution rete-nue, une harmonisation entre le régime de la qualification detestament d’un écrit non daté comportant des dispositions dedernières volontés relatives aux funé-railles et le sauvetage du testament olo-graphe irrégulier pour absence de date.Il reste cependant, de la même manièreque son prédécesseur du 10 mai 2007,muet sur la question de savoir si la re-constitution de la date au moyen deséléments intrinsèques et extrinsèquesde l’écrit litigieux, alors que cette der-nière date n’est pas indifférente, est uneprérogative offerte au juge ou une obli-gation qui lui est imposée. Sous l’em-pire de l’arrêt de 2007, il devait être consi-déré que le testament non daté restait un testament irrégulier,ce dont il résultait que le juge disposait de la possibilité d’écar-ter la nullité (v. Nicod M., obs. sous Cass. 1re civ., 10 mai 2007,n° 05-14.366, précité ; Grimaldi M., RTD civ. 2007, p. 604, précité). Le juge, qui bénéficiait ainsi d’une faculté, sans pourautant être astreint à une obligation, restait alors en mesurede prononcer la nullité pour violation des dispositions de l’article 970 du Code civil s’il estimait, sans avoir nécessaire-ment procédé à l’appréciation des éléments précités, que leséléments du dossier justifiaient la mise en œuvre d’une tellesanction. L’arrêt commenté du 8 avril 2009 semble mettre enévidence les signes d’une évolution du régime de la recons-titution de la date. En effet, en approuvant les juges d’appeld’avoir appliqué ce régime de façon à rechercher à qualifier,à la demande de certains des héritiers, en testament un document comportant des dispositions de dernières volontésrelatives aux funérailles, la première chambre civile fait clai-rement prévaloir le respect de la volonté du de cujus sur leformalisme relatif à la date de l’article 970 du Code civil. Laportée de cette évolution s’étend, par analogie, au contentieuxde la nullité du testament olographe pour absence de date.Cette prépondérance accordée à la volonté du de cujus devraitalors conduire à mettre en œuvre tous les moyens suscep-tibles de garantir sa force obligatoire, donc à ouvrir de la manière la plus large qui soit les possibilités de sauvetage del’acte irrégulier en raison de la seule absence de date. Ce quilaisse entrevoir des possibilités de cassations motivées par undéfaut de base légale dans les hypothèses dans lesquelles lesjuges du fond seraient amenés à annuler un testament, ou àrefuser de qualifier comme tel un écrit exprimant les dernièresvolontés du défunt relativement aux funérailles, sans avoir recherché à reconstituer la date consécutivement à l’appré-

ciation des éléments intrinsèques et extrinsèques du docu-ment litigieux.Cette prévalence du rôle de la volonté du de cujus sur cer-taines conditions de forme du testament olographe, ayant pourcorollaire la réduction du domaine de la nullité de l’article 970du Code civil, ne peut toutefois pas aboutir à la régularisa-tion de tels testaments à propos desquels l’absence de dateest accompagnée de celle d’autres éléments, notamment decelle de la signature. L’arrêt qui a été rendu le 17 juin 2009offre une parfaite illustration de cette règle.

II – L’IMPOSSIBLE RÉGULARISATIOND’UNE ABSENCE DE DATE COMPLÉTÉED’UNE OMISSION DE LA SIGNATUREDans l’espèce qui a donné lieu à l’arrêt du 17 juin 2009,

le de cujus avait rédigé une lettre expliquant les raisons deson autolyse, lettre qui était datée et signée et qui était sui-vie d’un post-scriptum précisant ses dernières volontés rela-

tives à la dévolution de ses biens auprofit de ses seuls enfants. Ces dispo-sitions d’ordre patrimonial ont alors étéconsidérées, par la cour d’appel de Versailles, comme caractéristiques d’untestament olographe qui n’était pas valable, ce qui a conduit au prononcéde sa nullité. Cette sanction a été confir-mée par la première chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt commenté. L’analyse des faits montreque la recherche de la date du testa-ment, dans cette espèce, n’était pas

indifférente. En effet, le défunt avait eu des enfants avec plusieurs compagnes. Il avait également eu une fin de vietroublée. Ces considérations imposaient donc de veiller nonseulement à l’existence d’une éventuelle incapacité, maisaussi et surtout à ce que l’écrit litigieux ne soit pas de natureà révoquer d’autres testaments antérieurs (sur ce point, l’hypothèse est inversée par rapport à celle qui a donné lieuà l’arrêt du 8 avril 2009, où il s’est agi de déterminer la datedu document litigieux en raison d’un risque de révocationpar un testament ultérieur). L’examen des différents élémentsintrinsèques et extrinsèques de l’écrit considéré devait ainsipermettre de déterminer précisément la date de rédaction, le document litigieux faisant matériellement corps avec unelettre qui avait été rédigée une semaine avant le décès. Ce n’est pas pour autant que le testament a été régularisé.En effet, bien que la date puisse être restituée, cette irrégu-larité n’était pas la seule et le défaut de date était accompa-gné d’un défaut de signature.Les dispositions de dernières volontés contestées, dans l’arrêt commenté du 17 juin 2009, ont été considérées commenon datées, la date ne pouvant qu’être reconstituée, mais aussicomme ne comportant pas de signature. Sur ce point, les demandeurs au pourvoi soutenaient pourtant que le docu-ment était signé en se prévalant du fait qu’une signature avaitété apposée à la suite de la lettre d’adieu, ce qui devait permettre, selon eux, de valider les dispositions relatives à ladévolution des biens qui leur étaient postérieures. Ils invo-quaient, à l’appui de leur prétention, le fait que l’article 970du Code civil n’impose aucune place particulière pour la signature dans le testament olographe. Cet argument ne pouvait toutefois prospérer. En effet, la signature dans le testament olographe n’est pas, contrairement à la date, une

RECONSTITUTION DE LA DATE ET ABSENCE DE S IGNATURE DU TESTAMENT OLOGR APHE : LA POS ITION DE LA COUR DE CASSATION

L’absence de signatureest une formalité

du testament olographequi ne peut être

régularisée.

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formalité d’ordre purement technique (v. Nicod M., Forma-lisme des testaments, in Grimaldi M. (dir.), Droit patrimonialde la famille, Dalloz action 2008-2009, n° 321.60). Elle permet à la fois l’identification de l’auteur des dernières volontés exprimées, mais aussi l’agrément du contenu de cesdernières volontés par leur rédacteur (v. Zattara-Gros A.-F.,Forme du testament, in Beignier B., Cabrillac R. etLécuyer H. (dir.), Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, n° 335-33). Fort logiquement, la jurisprudence considère, eu égard à ces éléments et contrai-rement aux prétentions des demandeurs au pourvoi, que cettesignature ne peut être antérieure au texte en ce qu’elle est lamarque de l’approbation personnelle et définitive par le testateur du contenu de l’acte et de la volonté de s’en appro-prier les termes (Cass. 1re civ., 24 févr. 1998, n° 95-18.936,Dr. famille 1998, comm. n° 144, note Beignier B.). Appliquantcette règle de principe et en retirant sa pleine portée, la pre-mière chambre civile a jugé fermement et sans équivoque, àpartir d’un arrêt rendu le 14 janvier 2003 (Cass. 1re civ., 14 janv.2003, n° 00-18.526, précité), que la signature du testateur doit nécessairement être apposée à la suite du contenu de l’acteconcerné (dans le même sens, v. également, Cass. 1re civ.,17 févr. 2004, n° 01-15.223, précité ; Cass. 1re civ., 22 mars2005, n° 03-19.907, Bull. civ. I, n° 154, Dr. famille 2005, comm.170, note Beignier B.). Dans l’espèce commentée, la signaturedu testateur avait été placée au-dessus des dispositions dedernières volontés relatives à la dévolution de ses biens, et ilapparaissait clairement que cette signature était attachée à lalettre d’adieu qui précédait ces dispositions sur le même

document. Dès lors, et faute d’un paraphe, d’une initiale oude la mention du seul prénom à la suite du post-scriptum,c’est fort logiquement que la première chambre civile a refusé de considérer que ces dispositions testamentaires étaientrégulièrement signées, se plaçant ainsi dans le droit fil de lajurisprudence antérieure précitée.Se posait alors la question de la régularisation du testamentlitigieux. S’agissant de la date, cette dernière pouvait être reconstituée, ce qui ne posait pas de difficultés particulières.Quant à la signature, malgré son absence ou encore l’absenced’un paraphe, d’une initiale ou du prénom du testateur à lafin de l’acte, il paraissait tout à fait possible de considérer queles dispositions relatives à la dévolution des biens avaient faitl’objet d’une approbation personnelle et définitive de leur auteur en ce qu’elles étaient inscrites sur le même documentque la lettre d’adieu qui était, quant à elle, datée et signée. La nullité n’en était pas moins encourue pour autant. D’unepart, parce que la cour d’appel, approuvée en cela par la Courde cassation, a estimé que la lettre d’adieu et les dispositionsde dernières volontés portées en post-scriptum sur le docu-ment ne formaient pas un tout indivisible. D’autre part, et sur-tout, parce qu’il est de jurisprudence constante que l’absencede signature est une formalité du testament olographe qui nepeut être régularisée, et ceci quand bien même il existeraitdes circonstances, des éléments intrinsèques et extrinsèquesde l’acte, susceptibles de convaincre de l’approbation person-nelle et définitive de son contenu par le testateur (Cass. 1re civ.,7 juin 1995, n° 93-13.256, précité; Cass. 1re civ., 14 janv. 2003,n° 00-18.526, précité; Cass. 1re civ., 17 févr. 2004, n° 01-15.223,

ACTU

ALITÉSRÉGIMES MATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉS

ÉCLAIRAG

E

>

«Sur le moyen

unique, pris en ses

deux branches,

ci-après annexé :

Attendu que Noël Z

a épousé le 25 mai

1931 Madeleine X ; que trois enfants sont nés de

cette union ; qu’en 1963, Noël Z s’est séparé de

son épouse pour aller vivre à Blessy avec Mme Y ;

qu’il est décédé le 23 décembre 1999 et a été

enterré au cimetière de Blessy ; que sa fille,

Mme Jeanine Z, épouse A et ses enfants

(les consorts A) ont demandé son inhumation

dans le caveau familial en se prévalant d’un docu-

ment non daté, rédigé par Noël Z manifestant

sa volonté d’être inhumé avec ses fils ;

Attendu que les consorts A font grief à l’arrêt

attaqué (CA Douai, 17 sept. 2007) de les avoir

déboutés de leur demande d’inhumation

de leur auteur, Noël Z, dans le caveau familial

à Roquetoire ;

Attendu qu’ayant, par motifs propres et adoptés,

souverainement estimé que les éléments tant

intrinsèques qu’extrinsèques du document per-

mettaient d’affirmer que sa date de rédaction était

postérieure au 7 juillet 1958, mais qu’aucun

élément de l’écrit ne permettait de confirmer qu’il

avait été rédigé avant le départ de Noël Z

du domicile conjugal, c’est à bon droit que la cour

d’appel en a déduit que la période de sa rédaction

ne pouvant être précisément délimitée, il ne

pouvait être assimilé à un écrit fait sous forme

testamentaire ; que le moyen, qui s’attaque

en sa seconde branche à un motif surabondant,

n’est pas fondé en sa première branche ;

Par ces motifs : rejette le pourvoi ».

Cass. 1re civ., 8 avr. 2009, n° 08-12.217, D

«Sur le premier moyen pris en sa première

branche :

Attendu que Mme Sophie X fait grief à l’arrêt

attaqué (CA Versailles, 10 janv. 2008) de l’avoir

déboutée de toutes ses demandes, alors, selon

le moyen, que la loi ne précise pas la place que

la signature du testateur doit occuper sur le testa-

ment; qu’en jugeant que le testament manuscrit

de Thierry X du 17 octobre 1997 ne peut être consi-

déré comme valable, sa signature figurant juste

avant ses dernières dispositions testamentaires,

la cour d’appel a violé l’article 970 du Code civil ;

Attendu qu’après avoir exactement énoncé que

suivant l’article 970 du Code civil, le testament

olographe n’est pas valable s’il n’est signé de la

main du testateur et que la signature, qui est la

marque de l’approbation personnelle et définitive

par le testateur du contenu de l’acte et de la vo-

lonté de s’en approprier les termes, doit nécessai-

rement être apposée à sa suite, la cour d’appel

a relevé, tant par motifs propres qu’adoptés que,

dans le message du 16 octobre 1997, la signature

de Thierry X avait été apposée, avec la date, après

l’exposé de ce qui doit s’analyser comme une

lettre d’adieu à sa famille, ne comprenant aucune

disposition testamentaire, et que le paragraphe

litigieux, ajouté en post-scriptum, commençant

par les termes « j’allais oublier » n’était ni daté,

ni signé ; qu’ayant estimé que les deux parties

du manuscrit ne formaient pas un tout indivisible,

la cour d’appel en a justement déduit que seule

la première avait été approuvée personnellement

et définitivement par son auteur et que la seconde

ne pouvait être considérée comme un testament

valable ; que le grief n’est pas fondé ;

Puis sur les trois autres branches du premier

moyen et sur le second moyen pris en ses deux

branches ci-après annexés :

Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces griefs

qui ne sont pas de nature à permettre l’admission

du pourvoi ;

Par ces motifs : rejettte le pourvoi ».

Cass. 1re civ., 17 juin 2009, n° 08-12.896, P+B

Textedes arrêts(extraits)

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précité ; Cass. 1re civ., 16 mars 2004, n° 02-13.287, précité).C’est donc fort logiquement, et malgré les éléments de l’actelitigieux, que la première chambre civile a remis en cause lavalidité du testament, la signature n’étant pas apposée à sasuite et l’omission de la formalité n’étant pas régularisable.Sa solution est, sur ce point, à rapprocher de celle, similaire,qui émane de l’arrêt précité du 14 janvier 2003, dans lequella nullité d’un testament olographe avait été prononcée, alorsque le testateur avait apposé la mention manuscrite de sesnom et prénom antérieurement aux dispositions testamen-taires. C’est donc bel et bien, dans l’arrêt du 17 juin 2009, ledéfaut de signature qui a entraîné la nullité du testament, etceci malgré la possibilité évidente de reconstituer sa date quiétait également manquante.

Pour conclure, on peut considérer que le second arrêt ana-lysé, qui a été rendu par la première chambre civile de la Courde cassation le 17 juin 2009, confirme pleinement l’interpré-tation rigoureuse des termes de l’article 970 du Code civil relativement à la place de la signature, interprétation qui se retrouvait dans bon nombre de décisions antérieures (et quia été réaffirmée avec force par l’arrêt précité du 14 janvier2003) et qui contraste avec le régime prétorien libéral de ladate (v. supra, I). Combiné à l’arrêt précité du 14 janvier 2003,il semble sonner définitivement le glas de certaines apprécia-tions plus libérales, parfois relativement récentes (CA Lyon,

23 sept. 1999, Dr. famille 2001, comm. 10, note Beignier B.),qui ont conduit à l’admission de la validité d’un testamentpour lequel la signature était placée à un endroit quelconquede l’instrumentum (Cass. 1re civ., 14 févr. 1968, Bull. civ. I,n° 68; Cass. 1re civ., 21 juill. 1980, n° 79-12.059, Bull. civ. I,n° 233), ou encore d’un testament pour lequel la signatureétait placée sur un document distinct tel que l’enveloppe quile contenait (Cass. 1re civ., 3 nov. 1976, n° 75-12.967, Bull.civ. I, n° 325). Il réaffirme également que, contrairement à ladate, une irrégularité relative à la signature n’est pas régula-risable, ce qui est également le fruit d’une interprétation strictede l’article 970. Dès lors, et en ce qui concerne cette dernièreformalité, la seule souplesse qui est tolérée réside dans soncontenu et sa forme. Ainsi, un testament signé du seul pré-nom du testateur (Cass. civ., 24 juin 1952, D. 1952, p. 613,JCP N 1952, II, n° 7179, note Voirin P.) ou sur lequel est apposée une signature autre que sa signature habituelle restevalable dès lors que cette signature permet d’établir avec certitude l’identité de son auteur (Cass. 1re civ., 5 oct. 1959, n° 57-11.697, D. 1959, jur., p. 507, note Holleaux G., JCP G1959, II, n° 11323, note Voirin P. ; Cass. 1re civ., 25 janv. 1977, n° 75-13.487, Bull. civ. I, n° 46; Cass. 1re civ., 22 janv. 2004,n° 01-14.031, Bull. civ. I, n° 180, D. 2004, p. 2953, noteNicod M., JCP G 2004, II, n° 10165, note Sériaux A., JCP G2004, I, n° 187, obs. Le Guidec R., RJPF 2004-10/51, noteCasey J., AJ famille 2004, p. 405, obs. Bicheron F.). ◆

RECONSTITUTION DE LA DATE ET ABSENCE DE S IGNATURE DU TESTAMENT OLOGR APHE : LA POS ITION DE LA COUR DE CASSATION

RÉGIMESMATRIMONIAUX,SUCCESSIONSET LIBÉRALITÉSPar Élodie POULIQUENSecrétaire général de la RédactionLamy Droit des régimes matrimoniaux,successions et libéralités

RÉGIMES MATRIMONIAUX

3658

La méthode de calculdu profit subsistantest impérativeLe profit subsistant doit être déterminé d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financementde l’amélioration du bien propre.Cass. 1re civ., 28 oct. 2009, n° 08-13.540, D

Selon l’article 1437 du Code civil, «(…) toutes les fois que l’undes deux époux a tiré un profit personnel des biens de la

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communauté, il en doit la récompense». L’amélioration d’unbien propre à un époux, financée en tout ou partie par la communauté, donnera lieu à récompense lors des opérationsde liquidation et partage de la communauté.En l’espèce, des travaux d’amélioration avaient été réalisésdans un immeuble appartenant en propre à une épouse àl’aide d’emprunts effectués par la communauté. Il s’agissaitalors de fixer le montant de la récompense due.Les juges du fond ont fixé ce montant à une certaine sommecorrespondant à la valeur actuelle de la maison minorée desa valeur avant travaux et du montant du capital restant dûau 30 novembre 2001, exclusivement pris en charge parl’épouse à compter de cette date. La requérante invoque, à l’appui de son pourvoi, les termes de l’article 1469 duCode civil. En effet, celui-ci prévoit une méthode impéra-tive de calcul des récompenses en vertu de laquelle « la récompense est, en général, égale à la plus faible des deuxsommes que représentent la dépense faite et le profit subsis-tant » (C. civ., art. 1469, al. 1er). En outre, la récompense«ne peut être moindre que le profit subsistant, quand la va-leur empruntée a servi à acquérir, à conserver ou à amélio-rer un bien qui se retrouve, au jour de la liquidation de lacommunauté, dans le patrimoine emprunteur » (C. civ.,art. 1469, al. 3).La Cour de cassation, suivant en cela les conclusions de la requérante, censure la décision des juges du fond quant à la méthode utilisée pour l’évaluation du profit subsistant. Au visa de l’article 1469, alinéa 3, du Code civil, elle énonce,dans un attendu de principe désormais classique, que « lorsquela récompense doit être égale au profit subsistant, celui-ci se détermine d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté ont contribué au financement

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d’acquisition ou de l’amélioration du bien propre». Ainsi, « le profit subsistant représente l’avantage réellement procuréau fonds emprunteur». Il s’agit d’une démonstration tradi-tionnelle à laquelle se livre ici la Cour de cassation (v. Cass.1re civ., 11 oct. 1989, n° 87-11.954, Bull. civ. I, n° 312 ; Cass. 1re civ., 19 mars 2008, n° 07-13.826, RJPF 2008-6/35, obs. Vauvillé F. ; et dernièrement, Cass. 1re civ., 11 mars 2009, n° 07-21.356, RLDC 2009/60, n° 3434). La nécessité d’untel rappel montre que les juridictions du second degré sont promptes à oublier cette jurisprudence aujourd’hui ancienne.Les Hauts magistrats concluent à la façon d’un maître d’école,en expliquant la démarche à suivre aux juges du fond lorsqu’ils sont confrontés à un cas de détermination d’une récompense due. Ils énoncent que «pour fixer la récompensedue à la communauté, il convenait, d’abord, de chiffrer la plus-value procurée à l’immeuble par les travaux d’amé-lioration en déduisant de la valeur actuelle de ce bien sa valeur actuelle sans les travaux réalisés », la cour d’appeln’ayant pris en compte que la valeur de la maison avanttravaux. La Cour ajoute pour terminer, au risque de se répéter, qu’il s’agissait ensuite « de déterminer le profit subsistant d’après la proportion dans laquelle les fonds empruntés à la communauté avaient contribué aux travauxd’amélioration».Cette solution avait d’ailleurs déjà été dégagée par la Cour decassation dans un arrêt du 8 février 2005 dans lequel elle précisait qu’« en cas d’amélioration d’un bien propre, le profit subsistant représente la différence entre la valeur actuelledu bien et sa valeur actuelle sans les travaux réalisés »(Cass. 1re civ., 8 févr. 2005, n° 02-12.103, Bull. civ. I, n° 80,RTD civ. 2005, p. 446, obs. Vareille B.).Piqûre de rappel à l’encontre des juges du fond, cet arrêt ale mérite d’énoncer fermement que la méthode d’évaluationdes récompenses dues et du profit subsistant est impérativeet ne peut être laissée à l’appréciation souveraine desditsjuges.➤ Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, n° 142-43

SUCCESSIONS

3659

Successions: des modalitésde déclaration simplifiéesUn décret et un arrêté du 9 novembre 2009 précisentles formalités relatives aux déclarations d’acceptationou de renonciation à une succession ainsi qu’à ladésignation en justice d’un mandataire successoral.D. n° 2009-1366, 9 nov. 2009, JO 10 nov. 2009 ; Arr. 9 nov. 2009, NOR : JUSC0918603A, JO 10 nov. 2009

Contenu de la déclaration de renonciation à une succes-sion. — Le décret n° 2009-1366 du 9 novembre 2009 admetdésormais que cette déclaration soit faite par voie postale. Elleest adressée ou déposée au greffe du tribunal de grande instance et indique les nom, prénoms, profession et domiciledu successible, ainsi que la qualité en vertu de laquelle il estappelé à la succession (CPC, art. 1339, nouveau). Le greffeinscrit alors ladite déclaration dans un registre tenu à cet effet et en adresse ou délivre récépissé au déclarant (CPC,art. 1339, al. 2, nouveau).

Publicité par voie électronique de la déclaration d’accep-tation d’une succession à concurrence de l’actif net et desactes subséquents à celle-ci, et des décisions de désigna-tion des mandataires successoraux par voie de justice. —L’arrêté du 9 novembre 2009 prévoit que cette publicité parvoie électronique au Bulletin officiel des annonces civiles etcommerciales (BODACC) prévue par les articles 788, 790,794 et 813-3 du Code civil, et 1335, 1337 et 1355 du Codede procédure civile, est effectuée sur le site www.boddac.fr. En outre, l’article 2 de l’arrêté prévoit que les informationsnécessaires à la publication sont directement saisies en lignepar le greffe de la juridiction territorialement compétente ou

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ALITÉSRÉGIMES MATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉS

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Les contrats d’assurance-vie seront-ilsbientôt tous soumis aux prélèvementssociaux?

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2010 prévoit de traiter de façon identique lesdétenteurs de contrats d’assurance-vie

en euros, lesquels s’acquittent annuellement des prélèvements sociaux, et ceux qui détiennent descontrats d’assurance-vie en unités de compte ou multisupports, lesquels s’acquittent desdits prélève-ments lors du dénouement du contrat.Ainsi, l’article 17 du PLFSS pour 2010 modifierait l’article L. 136-7 du Code de la sécurité sociale, qui disposerait désormais que seraient soumis auxprélèvements sociaux, lors de leur inscription au contrat ou lors de leur dénouement ou encore lors

du décès de l’assuré, « les produits attachés aux bons ou contrats de capitalisation, ainsi qu’aux placements de même nature mentionnés à l’article 125-0 A du Code général des impôts, quelleque soit leur date de souscription, à l’exception desproduits attachés aux contrats mentionnés à l’article 199 septies du même code (…) », c’est-à-dire certaines catégories de primes, notamment cellesqui garantissent le versement d’un capital ou d’unerente viagère à un enfant ou à tout autre parent enligne directe ou collatérale jusqu’au troisième degréde l’assuré.Adopté par l’Assemblée nationale, cet article a fait l’objet de plusieurs propositions d’amendements, notamment en vue de le supprimer tout simplementou encore en vue de l’appliquer aux seuls contrats souscrits à compter du 1er janvier 2010, afin d’éviter larétroactivité de la taxation.(Projet de loi de financement de la Sécurité socialepour 2010, n° 82, 3 nov. 2009, art. 17)

PLF pour 2010: le droit de retourconventionnel fiscalement avantageux

Un amendement sénatorial prévoit de modifier l’article 791 ter du Code généraldes impôts. Il disposerait qu’«en cas de donation de biens ayant fait retour au

donateur en application des articles 951 et 952 du Codecivil, ce retour ouvre droit, dans le délai de réclamation, à restitution des droits de mutation à titre gratuit acquittéslors de cette donation». Cet amendement a pour but d’inscrire dans la loi la jurisprudence de la Cour de cassa-tion admettant la restitution des droits de mutation à titregratuit initialement versés, qu’il y ait ou non une nouvelledonation (v. Cass. com., 4 déc. 2007, n° 06-12.024).Auparavant, en cas d’exercice du droit de retour conven-tionnel, le donateur pouvait imputer, sous certainesconditions, les droits acquittés lors d’une première donation sur les droits dus lors de la seconde.(Amendement Sénat n° I-295 sur PLF pour 2010,n° 100 , 2009-2010)

En bref…

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50 R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L • D É C E M B R E 2 0 0 9 • N 0 6 6

par le mandataire successoral désigné par voie de justice,sur le site dédié de la direction des Journaux officiels, aumoyen d’un formulaire électronique, cette prestation donnantlieu à rémunération pour service rendu dans les conditionsprévues par le décret n° 2005-1073 du 31 août 2005 (JO 1er sept. 2005) relatif à la rémunération des services rendus par la direction des Journaux officiels (Arr. 9 nov.2009, art. 4).

Enregistrement de la décision de nomination en justiced’un mandataire successoral. — Selon l’article 813-1 duCode civil : «Le juge peut désigner toute personne qualifiée, physique ou morale, en qualité de mandataire successoral, à l’effet d’administrer provisoirement la succession en raison de l’inertie, de la carence ou de la faute d’un ou de plusieurs héritiers dans cette administration, de leur mésentente, d’une opposition d’intérêts entre eux ou de la complexité de la situation successorale. La demande est formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l’adminis-tration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant,toute autre personne intéressée ou par le ministère public ».L’article 813-3 du même code précise que la décision de nomination doit être enregistrée et publiée. En ce sens, l’article 2 du décret n° 2009-1366 du 9 novembre 2009 dispose que cet enregistrement est fait au greffe du tribu-nal de grande instance dans le mois qui suit la nomination,sur le registre mentionné à l’article 1334 du Code de procé-dure civile. Ensuite, la décision de nomination est publiéeà la requête du mandataire par voie électronique au BODACC, selon les modalités définies par l’arrêté du mêmejour (CPC, art. 1355, nouveau ; v. supra).Notons que l’arrêté ainsi que les dispositions du décret rela-tives au mandataire successoral sont entrés en vigueur le 1er décembre dernier.➤ Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, n° 219-59, n° 221-10

LIBÉRALITÉS

3660

Nus-propriétaires en vertud’une donation ou d’unesuccession: nouveau régimede déduction des chargesfoncièresUne récente instruction fiscale commente la réforme du régime de déduction des charges de grossesréparations supportées par les nus-propriétairesd’immeubles reçus par donation ou succession.Instr. 16 oct. 2009, BOI 5 B-27-09

Selon l’article 605 du Code civil, l’usufruitier n’est tenuqu’aux réparations d’entretien, le nu-propriétaire ayant lacharge des grosses réparations. Initialement, ces derniers,effectuant des travaux dans un immeuble donné en location,pouvaient déduire les déficits fonciers correspondants deleur revenu global. Puis la loi de finances rectificative pour1993 (L. fin. rect. n° 93-859, 22 juin 1993, JO 23 juin 1993)

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a durci ce dispositif en décidant que la possibilité d’impu-ter sur le revenu global de tels déficits était soumise à la li-mitation de 50000 francs et réservée aux nus-propriétairesd’un immeuble dont le droit de propriété était démembré àla suite d’une succession.Pour ces mêmes dépenses, la loi de finances pour 1994 (L. fin. 1994, n° 93-1352, 30 déc. 1993, JO 31 déc. 1993) a assoupli le régime : l’imputation a été étendue aux nus-propriétaires dont le droit de propriété était démembré lorsd’une donation entre parents jusqu’au 4e degré inclusivementet le montant du déficit était imputable sans limite de montant.Pendant quatorze ans, ce dispositif n’a subi aucune retouche,jusqu’à la loi de finances rectificative pour 2008 (L. fin. rect.n° 2008-1443, 30 déc. 2008, JO 31 déc. 2008) qui, dans sonarticle 85, supprime cet avantage fiscal non plafonné et instaure une option en faveur du contribuable: soit prendreen compte ces dépenses pour la détermination de ses reve-nus fonciers dans les conditions de droit commun, soit opterpour la prise en compte de ces dépenses sous la forme d’une déduction plafonnée de charges du revenu global.Ce nouveau régime est codifié sous le 2° quater du II de l’article 156 du Code général des impôts (CGI).

Suppression de l’imputation du déficit foncier sans limita-tion de montant. — À compter de l’imposition des revenus del’année 2009, le contribuable doit prendre en compte ces dépenses pour la détermination de ses revenus fonciers dans les conditions de droit commun. Désormais, le déficit foncier,déterminé dans les conditions de droit commun, est imputablesur le revenu global au titre de l’impôt sur le revenu dans la limite annuelle de 10700 euros, conformément aux dispositionsdu 3° du I de l’article 156 du CGI. Si le revenu global du contri-buable est insuffisant pour absorber le déficit imputable, le déficit global constaté est imputable dans les conditions de droitcommun sur les revenus globaux des six années suivantes. Cetteimputation n’est admise qu’à la condition que l’immeuble soitdonné en location jusqu’au 31 décembre de la troisième annéequi suit celle de l’imputation du déficit sur le revenu global.

Nouveau régime dérogatoire optionnel de déduction descharges du revenu global. — Sur option irrévocable du nu-propriétaire, ces dépenses peuvent constituer une chargedéductible du revenu global, sous certaines conditions.• Conditions d’application du régime optionnel : le démem-brement du droit de propriété doit résulter soit d’une succes-sion, soit d’une donation entre vifs effectuée sans charge nicondition et consentie entre parents jusqu’au 4e degré inclu-sivement. Sont également admises les donations entre épouxou entre personnes liées par un pacte civil de solidarité ainsique les donations-partages dès lors qu’elles remplissent lesconditions posées par la loi. Les dépenses concernées doiventêtre relatives à des immeubles bâtis ou non bâtis, concernerdes grosses réparations, ne pas avoir été prises en comptepour la détermination du revenu net des différentes catégo-ries de revenus, avoir été payées au cours de l’année d’impo-sition et être justifiées. Enfin, à la différence du régime anté-rieur au 1er janvier 2009, il n’est plus nécessaire que l’immeubleen cause ait été donné en location.• Modalités d’application du régime optionnel : cette optionest irrévocable et elle s’effectue par immeuble. L’option dunu-propriétaire entraîne la renonciation par celui-ci à la priseen compte de ces dépenses pour la détermination de ses revenus fonciers. En outre, la déduction de ces charges du

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revenu global est désormais limitée à 25000 euros par an,cette limite annuelle s’appréciant au titre de l’année civile. Si ses dépenses excèdent le plafond, le nu-propriétaire peutimputer la fraction excédentaire au titre des dix années suivantes, avec la même limite annuelle de 25000 euros. En d’autres termes, un contribuable qui supporte 100000 eu-ros de dépenses au titre d’une année pourra les déduire surquatre ans, à raison de 25000 euros par an.L’article 85 de la loi de finances rectificative pour 2008 dispose que cette mesure s’applique à compter de l’imposi-tion des revenus de l’année 2009.➤ Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, n° 382-3

3661

Contrat d’assurance-vieet donation déguiséeDès lors qu’il existe un aléa lors de la désignation du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, la volontéirrévocable du souscripteur de se dépouiller ne peutêtre retenue.Cass. 2e civ., 22 oct. 2009, n° 08-17.793, D

Après la liquidation et le partage de la succession de sonpère et de sa seconde épouse, un particulier a appris la désignation de son frère comme bénéficiaire des contratsd’assurance-vie souscrits par ladite épouse. Il assigne alorsson frère notamment en requalification des contrats pour défaut d’aléa et en rapport des sommes à lui versées à la suitedu décès de la souscriptrice, estimant que ces dernières consti-tuaient une donation déguisée.

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Les juges du fond le déboutent au motif «qu’il existe un aléalié à la durée du contrat et à l’identité du bénéficiaire dès lorsque la date du versement par l’assureur est incertaine et quela montant des primes, inconnu à l’origine, peut bénéficier soitau souscripteur, soit au bénéficiaire ; (…) En conséquence, lescontrats en cause sont des contrats d’assurance-vie ». Avis partagé par la Cour de cassation, qui considère que la courd’appel, au vu de ces constatations, «a pu déduire l’existenced’un aléa lié à la durée de la vie humaine».Le second motif invoqué par les juges du fond est que la souscriptrice étant décédée neuf ans après l’ouverture desdeux contrats d’assurance-vie en cause et huit ans après celledu troisième, rien n’excluait, compte tenu de l’espérance devie féminine, qu’elle ait envisagé en cas de besoin de bénéfi-cier de leur montant à titre de complément de retraite. La preuve n’est pas rapportée qu’elle n’aurait pas pu le faire,n’ayant pas révélé la teneur des contrats litigieux au bénéfi-ciaire éventuel. L’aléa est donc ici encore bien présent. La Cour de cassation approuve ce raisonnement en énonçantque la cour d’appel a pu déduire de ces énonciations «l’exis-tence d’un aléa lors de la désignation du bénéficiaire par (la souscriptrice) et l’absence de volonté actuelle et irrévocablede se dépouiller».Pour le demandeur au pourvoi, les contrats d’assurance-vie devaient être requalifiés en donation car les circonstancesdans lesquelles leur bénéficiaire avait été désigné révélaientla volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irré-vocable du capital acquis à son décès au seul profit d’un enfant.En l’espèce, il n’en est rien: la Cour de cassation approuveles juges du fond de ne pas avoir requalifié les contrats litigieux.➤ Lamy Droit des régimes matrimoniaux, successions et libéralités, n° 384-92

ACTU

ALITÉSRÉGIMES MATRIMONIAUX, SUCCESSIONS ET LIBÉRALITÉS

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À quelle date doit-on fixer la contre-valeur en euros d’une dette libellée enmonnaie étrangère? Cette interrogationest classique en droit monétaire : elle futnaguère soulevée à propos de la conver-sion de monnaies étrangères en francs(v. en général, Nurit-Pontier L., Le sta-tut juridique de la monnaie étrangère,préf. Stoufflet J., La Revue Banque 1994, spéc. p. 175; adde, Mattout J.-P.,Droit bancaire international, préf. Rives-Lange J.-L., La Revue Banque, 3e éd.,2004, spéc. n° 380).Ainsi, dans son arrêt du 20 mai 2009(Cass. 1re civ., 20 mai 2009, n° 07-21.847,Bull. civ. I, n° 101), la première chambrecivile de la Cour de cassation s’est-elleà nouveau penchée sur cette questionqui intéresse tant la notion complexe demonnaie (v. sur celle-ci, Libchaber R.,Recherches sur la monnaie en droit privé,préf. Mayer P., LGDJ, 1992 ; addeMartin D.-R., De la monnaie, in MélangesBlaise H., Economica, 1995, p. 333), quele statut juridique de la monnaie étran-gère. Cette décision s’inscrit dans lecontexte, relativement original, d’une action en répétition de l’indu (C. civ.,art. 1376 et s.). En l’espèce, une sociétéétrangère, la société N, avait procédé,par erreur, au virement sur le compted’une société française, la société W, de 97996,08 dollars, somme en réalitédestinée à la filiale de celle-ci. Après unemise en demeure infructueuse, la sociétéWavait été condamnée, en référé, à payer àla société N la somme de 110169,20 eurosmajorée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure, ce mon-

tant correspondant à la contre-valeur dela somme versée au jour du paiementindu. Ayant réglé l’intégralité des sommesprécitées, la société W contesta cepen-dant que la conversion de la monnaiedût s’opérer à la date du paiement indu, estimant au contraire qu’elle devait êtreréalisée à la date du jugement ou, à défaut, de la mise en demeure. Le 11 oc-tobre 2007, la cour d’appel de Lyon luidonna tort. La société W forma alors unpourvoi en cassation, offrant l’occasionà la Haute cour de poser en principe «que la contre-valeur en euros d’une dettelibellée en monnaie étrangère doit êtrefixée au jour du paiement, sauf si le retard apporté à celui-ci est imputable àl’une des parties». En conséquence, lesjuges du droit estimèrent que la courd’appel avait pu en déduire que la contre-valeur de la dette devait être fixée au jouroù avait été indûment perçue la sommelitigieuse.Indépendamment des circonstances particulières de l’espèce, le principe général ainsi posé s’avère conforme àune jurisprudence antérieure. Il n’estautre que celui de la conversion de lamonnaie étrangère au jour du paiementde la dette (I). Toutefois, face au compor-tement dilatoire du débiteur et dans lecadre spécifique de la répétition de l’indu,la Cour de cassation admet qu’il soit dérogé à ce principe et que la conversionsoit opérée au jour de la perception dupaiement indu (II).

I – LE PRINCIPE GÉNÉRALD’UNE CONVERSION AU JOURDU PAIEMENT DE LA DETTELa portée de l’arrêt du 20 mai 2009 nesaurait être cernée sans que soit appré-cié l’enjeu financier de la déterminationde la date de conversion monétaire (A).Au-delà, il importe de vérifier précisé-ment le bien-fondé d’une conversion en

euros de la dette libellée en monnaieétrangère au jour du paiement (B).

A – De l’enjeu financier de la date de conversion

Dans l’arrêt commenté, le juge des réfé-rés initialement saisi avait condamné lasociété W au versement d’une sommelibellée en euros, lors même que le paie-ment indu avait eu lieu en dollars amé-ricains. En droit international privé, onsait qu’en principe, la monnaie de paie-ment est déterminée par la loi du lieu depaiement (v. sur ce point, Jacquet J.-M.,Delebecque Ph. et Corneloup S., Droitdu commerce international, Dalloz,1re éd., 2007, n° 727). Plus précisément,dans notre affaire, c’est parce que l’obli-gation au paiement résultait d’une déci-sion judiciaire française que la sommeau versement de laquelle le débiteur futcondamné devait être libellée en euroset non en dollars. C’est ainsi le critère dufor qui se révèle essentiel à la détermi-nation de la monnaie de paiement, l’usagede cette dernière étant indissociable dela souveraineté étatique. Rappelonsqu’une jurisprudence remarquée a pu affirmer que «l’obligation au paiementrésultant d’une décision judiciaire fran-çaise et étant libellée en francs français,c’est à bon droit que, s’agissant d’un paie-ment interne, (...) le débiteur (n’est) pasfondé, en vertu de l’article 1243 du Codecivil, à imposer au créancier, fût-il commelui de nationalité étrangère et domiciliéà l’étranger, un paiement en monnaieétrangère» (Cass. 1re civ., 7 oct. 1997,n° 95-16.671, Bull. civ. I, n° 268, RTDciv. 1998, p. 907, obs. Mestre J.).Lors même que, dans l’arrêt du 20mai 2009,la conversion en euros s’imposait, encorefallait-il s’entendre sur la date à laquelle devait être fixée la contre-valeur en eurosde la dette originairement libellée en mon-naie étrangère. Sans concerner exclusive-ment les quasi-contrats, l’interrogation est

Par Gérard CHABOT,Maître de conférencesà l’Université de Nantes

De la conversion en euros d’une dettelibellée en monnaie étrangère

(à propos d’une action en répétition de l’indu)

Dans une décision du 20 mai 2009, la Cour de cassation a posé un principe généralde conversion en euros d’une dette libellée en monnaie étrangère au jour du paiementde la dette. Dans le même temps, dans un contexte particulier de répétition de l’indu,

elle admet une possible dérogation en cas de retard imputable à l’une des parties.

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notamment suscitée par le fait même dupaiement indu, donnant lieu à restitutionultérieure des fonds (C. civ., art. 1376). Naturellement, la question est économi-quement sensible, tant pour le créancierque, de façon corrélative, pour le débiteur.Elle concerne l’incidence du risque dechange, pour l’un ou l’autre des protago-nistes (v. en général, GalabretM., L’évalua-tion du risque de change, Une théorie simplemais une pratique complexe, Rev. banque1981, n° 406). Dès lors que le paiement intervient avec retard, il n’est pas forcémentneutre de retenir le taux de change appli-cable au jour de l’échéance de la dette ouau jour du paiement: la monnaie étrangèrea en effet pu se déprécier ou s’apprécierdans cet intervalle de temps (v. sur l’en-semble de la question, en droit italien, Valcavi G., Le cours du change et le dommage de retard dans les obligations endevise étrangère, in Écrits juridiques choisis, préf. TrabucchiA., Fondazione StudiGiuridici Avv. G. Valcavi, 2005, p. 215). Au-delà, il faut encore vérifier le bien-fondédu principe, consacré dans l’arrêt du 20mai2009 par la Cour de cassation, en faveurd’une conversion monétaire au jour du paiement.

B – Du bien-fondé d’un principede conversion au jour du paiement

Le principe général énoncé par la Courde cassation dans l’arrêt étudié est d’unegrande clarté : la contre-valeur en eurosd’une dette libellée en monnaie étran-gère doit être fixée au jour du paiement.Cette règle est simple et n’est aujourd’huiguère contestée. On peut y voir un casde conversion de la monnaie de compte– considérée en tant qu’instrument d’évaluation–, en monnaie de paiement – appréhendée à travers sa fonction libéra-toire (Van HeckeH., Conversion de la mon-naie de compte en monnaie de paiement,Rev. banque 1979, p.61; MattoutJ.-P.,Droitbancaire international, op. cit., n° 382),encore que cette distinction même ait puêtre critiquée en doctrine (v. Nurit-Pontier L., Le statut juridique de la mon-naie étrangère, op. cit., p. 206). Préci-sons que la question de la déterminationde la date de conversion est d’ordre stric-tement monétaire et ne souffre aucuneconfusion avec celle de la déterminationdu montant des condamnations judi-ciaires. Si cette distinction peut paraîtrerelever de l’évidence, elle a pourtant étédiscutée en jurisprudence. Alors en effetque l’évaluation d’un préjudice doit s’opé-rer à la date du prononcé de la décision dujuge, la Cour de cassation a dû affirmer,corrélativement, que «seule la conver-sion en une autre monnaie (doit) êtreobligatoirement faite au jour du paiement

pour maintenir, eu égard à la variationdes cours, l’équivalence avec le montantde la condamnation » (Cass. 1re civ.,10 janv. 1990, n° 87-12.880, Bull. civ. I,n° 2).La règle aujourd’hui énoncée par l’arrêtdu 20 mai 2009 doit trouver applicationdans l’hypothèse quasi-contractuelle d’unpaiement indu (C. civ., art. 1376 et s.).En l’espèce, la caractérisation du paie-ment indu n’était pas plus discutée quel’existence de la dette libellée en dollars.Toutefois, cette dette n’existait pas dansles rapports entre la société étrangère Net la société française W: elle n’avait deréalité qu’entre la société N et une filialede la société W. En somme, si la société N,solvens, était bien débitrice, ce n’étaitnullement envers la société W, accipiens.Il y avait là l’une des circonstances quicaractérisent, sans conteste, le paiement

indu (v. Malaurie Ph. et Aynès L., Droitcivil, Les obligations, Defrénois, 3e éd.,2008, n° 1042), et plus précisément unindu subjectif (v. sur ce point, Douchy-Oudot M., Rép. civ. Dalloz, V° Répéti-tion de l’indu, n° 2).Les conditions de l’action en répétition del’indu subjectif sont bien connues. Il faut, pour tout paiement indu, que soitdémontré le caractère indu du paiementeffectué (v. en général, Cass. ass. plén.,2 avr. 1993, n° 89-15.490, Bull. civ. ass.plén., n° 9, Rapp. C. cass. 1993, p. 326,D. 1993, somm., p. 273, obs. Prétot X.,D. 1994, somm., p. 14, obs. Aubert J.-L.,JCP G 1993, II, n° 22051, concl. Jéol M.,RTD civ. 1993, p. 820, obs. Mestre J.). Il est, en outre, nécessaire, s’agissant spécialement d’un indu subjectif, que lepaiement indu résulte d’une erreur commise par le solvens (v. sur l’exigenced’une telle erreur, Ghestin J., L’erreur dusolvens, condition de la répétition de l’indu,D. 1972, chr., p. 280). On sait en effet quesi cette preuve est requise par la loi (C. civ., art. 1377, al. 1er), elle n’est exigée que pour la preuve de l’indu subjectif, au contraire de l’indu objectif(v., excluant la preuve de l’erreur en casd’indu objectif, Cass. soc., 14 oct. 1993,n° 91-12.892, Bull. civ. V, n° 236, RTD civ.

1994, p. 101, obs. Mestre J.). En l’espèce,les conditions évoquées ne faisaient guèredifficulté. Il en résultait une obligation derestitution à la charge de l’accipiens. Précisément, c’est l’encaissement des fondsindûment versés qui constitue l’origine de la créance indue ou, si l’on préfère, lefait générateur du paiement indu: l’obli-gation à restitution en découle naturelle-ment (v., à propos de l’encaissement d’un chèque, Cass. com., 5 juin 2007, n°06-14.863, Bull. civ. IV, n°154, D. 2007,p. 1730, obs. Lienhard A., RTD com. 2007,p. 840, obs. Martin-Serf A., Gaz. Pal. 2007,somm., p. 3480, obs. R. B.). En somme,il est pleinement logique que la date dupaiement serve en principe de référenceà la conversion monétaire: l’harmonie estcertaine avec les règles régissant la répé-tition de l’indu.On n’omettra pas d’observer qu’il existequelques précédents à l’arrêt étudié. Ainsi,c’est à propos des contre-valeurs en francsque la Cour de cassation a, naguère etpresque mot pour mot, énoncé la mêmerègle de conversion au jour du paiement(Cass. 1re civ., 18 déc. 1990, n° 88-20.232,Bull. civ. I, n° 300, RTD civ. 1991, p. 529,obs. Mestre J.; rappr. déjà, CA Paris, 18oct.1922, Gaz. Pal. 1922, 2, p. 483, JDI 1924,p. 119; CA Paris, 27 déc. 1929, Gaz. Pal.1929, 1, p. 424; CA Douai, 15 déc. 1927,JDI 1928, p. 675, note Tager P.). La réité-ration de ces précédents n’a donc rien desurprenant et était d’ailleurs pressentie,tant il est vrai que la règle posée pour lefranc semblait devoir être transposée àl’euro (Mattout J.-P., Droit bancaire inter-national, op. cit., n° 382). Cette réitéra-tion n’en était pas moins utile, eu égard àla relative ancienneté de la jurisprudenceoriginaire. Toutefois, l’arrêt évoqué n’estpas à l’abri de critiques déjà formulées par la doctrine à l’endroit de la jurispru-dence antérieure. À cet égard, c’est la ques-tion du retard de réalisation du paiementet donc du retard de conversion moné-taire qu’il convient de considérer. D’aprèsl’arrêt commenté, les circonstances par-ticulières d’un paiement indu comman-daient que fût admise, à titre dérogatoire,une conversion au jour de la perceptionde la somme indue.

II – L’ADMISSION DÉROGATOIRED’UNE CONVERSION AU JOURDE LA PERCEPTION DE L’INDUIl ressort de l’arrêt du 20 mai 2009 que le juge se doit de prendre en considéra-tion le retard de paiement, retard qui, si l’on s’en tenait au principe d’uneconversion au jour du paiement, occa-sionnerait, par contrecoup, une conver-sion tardive de la monnaie étrangère en

D E L A C O N V E R S I O N E N E U R O S D ’ U N E D E T T E L I B E L L É E E N M O N N A I E É T R A N G È R E

Le principe généralénoncé par la Cour

de cassation estd’une grande clarté:

la contre-valeur en eurosd’une dette libellée

en monnaie étrangèredoit être fixée au jour

du paiement.

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euros. À l’évidence, cela pourrait êtrepréjudiciable au créancier, suivant l’évo-lution des taux de change. Dans notreaffaire, c’est l’imputabilité du retard deconversion monétaire au débiteur – ou,en l’espèce, accipiens – qui fut relevée(A). Encore convient-il, par ailleurs, de s’interroger sur l’indemnisation du préjudice résultant, pour le créancier– ou, en l’occurrence, solvens –, du paiement tardif (B).

A – De l’imputation du retard de conversion monétaire à l’accipiens

Dans l’arrêt du 20 mai 2009, il n’était pasdiscuté que l’accipiens fût obligé à resti-tution de la somme indûment perçue.Or, on sait que la bonne foi de celui-cin’est pas indifférente à l’étendue de larestitution. Sur un plan général, le légis-lateur a prévu que la mauvaise foi obligel’accipiens à restituer «tant le capital queles intérêts ou les fruits, du jour du payement» (C. civ., art. 1378). Certes, ilconvient d’observer qu’en l’espèce labonne foi de l’accipiens ne semblait pasêtre mise en doute pour ce qui était dujour où il avait reçu le paiement indu.En revanche, le comportement de l’acci-piens avait manifestement révélé sa mauvaise foi au stade de la restitutionde l’indu, multipliant, aux termes mêmesde l’arrêt d’appel, « les prétextes et lesprocédures» pour échapper à son obli-gation. On sait que la jurisprudence dedroit commun n’ignore pas cette éven-tualité regrettable et n’hésite pas à en tirer les conséquences qui s’imposent.Ainsi, celui qui a reçu de bonne foi unesomme qui ne lui était pas due seracontraint de la restituer avec les intérêts,et ce à compter du jour où il a cessé deposséder de bonne foi (Cass. 1re civ.,22 mars 2005, n° 01-11.762, Bull. civ. I,n° 152).Évidemment, la réticence de l’accipiensà exécuter son obligation de restitutionn’est pas non plus sans incidence surla nécessaire conversion monétaire dela somme à restituer. Or, comme nousl’avons souligné, le retard de paiementn’est pas neutre au plan monétaire. Ilest de nature à emporter une conver-sion tardive, laquelle peut, en elle-même, occasionner, au titre de la perte dechange, un préjudice pour le créancier.Assurément la solution retenue par laCour de cassation dans l’arrêt commentéprend-elle en compte l’éventualité d’untel préjudice du créancier, en ce qu’elleadmet qu’il soit dérogé au principe d’uneconversion au jour du paiement, lorsquec’est par le comportement dilatoire dudébiteur que le règlement de la dette et,par conséquent, la conversion monétaire

ont été retardés. Cela semble particuliè-rement nécessaire car l’exigence debonne foi qui pèse sur tout débiteur im-pose que ce dernier ne puisse «se pré-valoir de l’inexécution de son obligationde payer pour prétendre retarder jus-qu’au jour du paiement la conversionen francs français des sommes, expri-mées en monnaie étrangère, qu’il esttenu de verser à son créancier» (Cass.1re civ., 29 mai 1991, n° 89-18.812, Bull.civ. I, n° 165). Appliqué à la restitutionde l’indu, le principe général de fixa-tion de la contre-valeur au jour du paie-ment de la dette se doit, par suite, d’êtreécarté lorsque le retard apporté auditpaiement est imputable au débiteur. Le comportement dilatoire de ce der-nier ne saurait, à l’évidence, lui profi-ter. Il y va simplement du respect de larègle selon laquelle Nemo auditur propriam turpitudinem allegans. En

somme, la démarche prétorienne estd’une extrême transparence : ici, le jugene recherche rien d’autre qu’une «solution n’affectant pas les droits ducréancier» (Mattout J.-P., Droit bancaireinternational, op. cit., n° 382). Mais indépendamment du retard de conver-sion monétaire, il faut encore se deman-der de quelle manière sera assuréel’exacte indemnisation du préjudice résultant, pour ledit créancier, d’unerestitution tardive de la somme due.

B – De l’indemnisation du solvensà raison d’une restitution tardive

Résolument décidée à appréhender sousl’angle de la conversion monétaire laquestion du retard de restitution dessommes indûment perçues, la jurispru-dence du 20 mai 2009 encourt un reproche déjà formulé par la doctrine, àl’endroit de la jurisprudence antérieure

PERSPEC

TIVESÉTU

DE

>

«Sur le premier moyen, pris en ses

deux branches :

Attendu que la société W fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté sa demande tendant à ce que

la société P soit condamnée à lui restituer le trop-perçu ensuite de la conversion en euros,

à une date erronée de sa dette, libellée en monnaie étrangère alors, selon le moyen :

1°/ que la contre-valeur en euros d’une dette stipulée en monnaie étrangère doit être fixée au jour

du paiement, sauf si le retard apporté à celui-ci est imputable à l’une des parties ; qu’en fixant la date

de la conversion de la dette de restitution de la société W, libellée en monnaie étrangère, au jour

où celle-ci avait reçu le paiement indu, au motif que la bonne ou mauvaise foi des parties était

inopérante (arrêt p. 3, pénultième et dernier alinéa), quand la conversion de la dette de la société W

ne pouvait être effectuée à cette date que s’il était établi que le retard, dans la restitution de la somme

indûment perçue, lui était imputable dès ce moment, la cour d’appel a violé l’article 1376 du Code civil ;

2°/ qu’en écartant la demande de la société W tendant à ce que la conversion de sa dette, libellée

en dollars américains, soit effectuée, au plus tôt, à la date à laquelle la société P l’avait mise

en demeure de restituer le paiement indûment reçu, soit le 6 mars 2003 (conclusions d’appel

de la société W en date du 6 octobre 2006, p. 6, § 2, alinéa 2 et suivants), et en fixant la date

de la conversion de cette dette au jour où la société W avait reçu le paiement indu, en relevant, par

motifs adoptés des premiers juges, que cette dernière aurait multiplié les prétextes et les procédures

pour retarder le paiement des sommes indûment perçues, que le retard apporté à la restitution lui serait

imputable, que ni la mise en demeure de la société N du 6 mars 2003, ni l’ordonnance de référé

du 9 juillet 2003 n’auraient été nécessaires pour donner date et certitude à l’exigibilité de la créance

de la société N (jugement p. 3, alinéa 5 et suivants des motifs), sans caractériser la mauvaise foi

de la société W au jour où elle avait reçu le paiement indu, la cour d’appel a violé l’article 1376 du Code civil;

Mais attendu que la contre-valeur en euros d’une dette libellée en monnaie étrangère doit être fixée

au jour du paiement, sauf si le retard apporté à celui-ci est imputable à l’une des parties ; qu’ayant

constaté, par motifs adoptés que la société W avait multiplié les prétextes et les procédures

pour retarder le remboursement des sommes indûment perçues, la cour d’appel a pu en déduire

que la contre-valeur de sa dette devait être fixée au jour où elle avait indûment perçu la somme

litigieuse de sorte qu’elle devait être déboutée de sa demande ; que la moyen qui s’attaque

en sa première branche à un motif surabondant de l’arrêt n’est pas fondé en sa seconde ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 455 du Code de procédure civile ;

Attendu que par motifs adoptés, l’arrêt attaqué à condamné la société W au paiement de la somme

de 1000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Qu’en statuant ainsi, sans donner aucun motif à sa décision, la cour d’appel n’a pas satisfait

aux exigences du textes susvisé ;

Par ces motifs : Casse et annule ».

Cass. 1re civ. 20 mai 2009, n° 07-21.847, P+B

Texte de l’arrêt (extraits)

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(Nurit-Pontier L., Le statut juridique de la monnaie étrangère, op. cit., p. 206 et s.). Qui ne voit en effet que la démarche retenue par la Cour de cassa-tion s’appuie sur la nécessité d’assurerun correctif purement factuel au prin-cipe de conversion de la dette au jour dupaiement ? Partant, la dérogation admisepar la Cour de cassation ne saurait avoird’autre effet que d’assurer la réparationdu préjudice que subit le créancier autitre de la perte de change. Il est cepen-dant regrettable que la construction pro-posée ne fasse expressément aucuneplace à la réalité indemnitaire que génère le retard de paiement imputableau débiteur, le cas échéant combiné à laréalisation du risque de change. Laconversion, fût-elle tardive, est une chose,le préjudice qui en résulte en est uneautre. Surtout, l’opération de conversionn’est jamais qu’une modalité de règle-ment de la dette. Elle ne peut faire officede règle d’indemnisation du préjudicerésultant du retard de paiement. Dansnotre affaire, le juge du fond avaitcondamné le débiteur à payer «la sommede 110 169,20 euros majorée des intérêtsau taux légal à compter de la mise en demeure». Peut-on déceler dans cette démarche l’esquisse d’une dissociation du règle-ment de la dette et de l’indemnisationdu préjudice issu du retard de paiement?Assurément, non, car il est précisé quele montant de la condamnation judiciaire« (correspond) à la contre-valeur de lasomme versée au jour du paiement indu».Ainsi la Cour de cassation affirme-t-elle«qu’ayant constaté (...) que la société Wavait multiplié les prétextes et les procé-dures pour retarder le remboursementdes sommes indûment perçues, la courd’appel a pu en déduire que la contre-valeur de sa dette devait être fixée aujour où elle avait indûment perçu lasomme litigieuse». La démarche ainsiretenue apparaît des plus subtiles. Leprincipe général selon lequel la contre-valeur doit être fixée au jour du paie-ment indu se trouve infléchi par la consi-dération du retard de restitution. Il estcependant flagrant qu’au titre du tem-pérament prétorien ici consacré, ce sont l’appréhension et la sanction des manœuvres dilatoires de l’accipiens quiparaissent dominantes. Toutefois, comme

l’a parfois souligné la doctrine, la fixa-tion de la date est censée, à elle seule,permettre une « liquidation forfaitairedu dommage de retard» (selon la for-mule de Valcavi G., Le cours du changeet le dommage de retard dans les obli-gations en devise étrangère, précité,p. 225, à propos du droit italien). La solution de la Cour de cassation confirme,en somme, cette approche réductrice etpurement fonctionnelle.Il reste que cette démarche prétoriennene saurait être pleinement approuvée. Ilserait préférable que la pratique judiciairedistinguât l’application du principe deconversion, au jour du paiement de ladette, de l’indemnisation du préjudicerésultant du retard de paiement par ledébiteur. Classiquement, ce retard devrait être sanctionné par l’allocationde dommages-intérêts moratoires aucréancier (C. civ., art. 1153), au taux légal relatif à la monnaie étrangère, et ce,indépendamment de la mise en œuvredu principe de conversion (v. en ce sens,Nurit-Pontier L., Le statut juridique dela monnaie étrangère, op. cit., p. 209).Est-ce à dire que, par excellence, les intérêts moratoires constitueraient uneméthode de réparation intégrale du préjudice du créancier? Assurément, non.Comme l’a très finement observé un auteur, l’allocation du taux de l’intérêtlégal permet, tout au plus, «au créancierde percevoir l’équivalent de ce que le débiteur a gagné en ne payant pas àtemps, mais non pas la somme qu’il amanqué à gagner en raison de ce retard»(Libchaber R., Recherches sur la mon-naie en droit privé, op. cit., n° 480). Lesystème tend, tout au plus, à l’évitementd’un enrichissement excessif du débiteurau détriment du créancier. Ainsi constate-t-on que «les déséquilibres nés de la dettesont corrigés, mais que le retard n’est pasindemnisé en lui-même» (Libchaber R.,Recherches sur la monnaie en droit privé,op. cit., n° 481), « l’indemnisation »imposée au débiteur étant souvent infé-rieure à ce que lui aurait coûté un em-prunt bancaire. Il faut surtout rappelerqu’aux termes mêmes de la loi, lacondamnation au versement d’intérêtsmoratoires n’est pas exclusive de lacondamnation à des dommages-intérêtsdistincts chaque fois que le «débiteur enretard a causé, par sa mauvaise foi, un

préjudice indépendant de ce retard »(C. civ., art. 1153, in fine). Cette dispo-sition légale n’est pas anodine et pour-rait peut-être, selon nous, révéler sa per-tinence tant dans la perspective d’uneindemnisation de la perte de change, quedans celle de l’indemnisation de certainspréjudices découlant du retard de paie-ment (comp. Nurit-Pontier L., Le statutjuridique de la monnaie étrangère, op. cit., p. 209).En vérité, les difficultés prétoriennes d’appréhension du retard de paiementne relèvent pas de la fatalité. La juris-prudence a su parfois appréhender tantle paiement indu que le préjudice par-ticulier qu’aurait subi l’accipiens par lafaute du solvens : rappelons en effetqu’en une telle hypothèse, la responsa-bilité du solvens envers l’accipiensdevrait diminuer d’autant le rembour-sement mis à la charge de l’accipiensau titre du paiement indu (Cass. 1re civ.,5 juill. 1989, n° 87-19.984, Bull. civ. I,n° 278, D. 1991, somm., p. 322, obs.Aubert J.-L.). C’est dire la subtilité dela jurisprudence parfois développée en matière de paiement indu. Or, dansnotre affaire, parce qu’elle confond, enamont, retard de conversion monétaireet retard de paiement, la jurisprudencene saurait cerner, en aval, la pluralitéde préjudices subis par le créancier. Tout en mettant l’accent sur l’impor-tance de la restitution en matière depaiement indu, la jurisprudence ne parvient pas à appréhender, dans toutesa dimension, la réalité des préjudicesqu’emporte le paiement indu combinéaux difficultés de la conversion moné-taire. Pour complexe qu’elle soit, la distinction des chefs d’indemnisation,intéressant respectivement la perte dechange et le retard de paiement propre-ment dit, paraît non seulement néces-saire mais encore praticable. Tout autremode d’appréhension de la réalité indemnitaire envisagée confine à l’ap-proximation. Il faut alors exhorter lesjuges du fond à procéder in concreto auxappréciations et estimations qui s’im-posent : observons, du reste, que c’està ce prix seulement que le système prétorien intéressant les conversionsmonétaires pourrait jouer son rôle nécessaire de dissuasion à l’égard desdébiteurs de mauvaise foi. ◆

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DE

«Aux vertus qu’on exige dans un domes-tique, Votre Excellence connaît-elle beau-coup de maîtres qui fussent dignes d’êtrevalets » (Caron de Beaumarchais P.-A, Le Barbier de Séville, acte I, scène II).L’expert de justice est l’un des acteursdu drame que constitue tout procès. Enprésence d’un demandeur qui se prétendvictime, d’un défendeur qui croit ne pasavoir failli et d’un juge dont le premierdevoir est de douter, il se situe au cœurde l’administration de la preuve dont Ihering pouvait dire qu’elle est «la ran-çon des droits».À l’heure où les parties sont en quêted’une vérité absolue, le juge, ce débiteurdu juste, en appelle à l’expert, le déten-teur du vrai dans le domaine de la scienceou de la technique pour l’éclairer. Véritéscientifique, vérité expertale et vérité judiciaire deviennent, dès lors, troisconcepts indissociables qui constituentla toile de fond du décor au sein duquelse joue le procès et se pose la questionde la responsabilité de l’expert.Dans un monde où, bien trop souvent,le confort intellectuel des étiquettes, filières et catégories est synonyme decloisonnement des activités humaines(Fontbressin (de) P., La démocratie, dépassement, Bruylant, 1997), une réflexion sur la responsabilité de l’expertde justice invite bien au contraire au

dépassement. En effet, au-delà de la dua-lité des ordres de juridiction et de sesconséquences quant au régime juridiquequi s’ensuit, le champ de la responsabi-lité expertale conduit au constat qu’unconcept aussi protéiforme que le domainede l’expertise de justice est par essencepluridisciplinaire. Partant d’une distinction traditionnelle relative à la situation de l’expert désignépar une juridiction administrative ou parune juridiction de l’ordre judiciaire, un regard sur les diverses sources de respon-sabilité de l’expert invite à une approchetéléologique de sa fonction qui pourraitêtre l’occasion de le doter d’un statutunique devant toutes les juridictions.

I – LA RESPONSABILITÉ DE L’EXPERTEN L’ÉTAT D’UNE DUALITÉ DES ORDRES DE JURIDICTIONBien que, grâce à l’action menée au coursde ces dernières années par la Fédéra-tion nationale des compagnies d’expertsjudiciaires (FNCEJ), devenue Conseil national des compagnies d’experts dejustice (CNCEJ) reconnu désormais d’uti-lité publique, de très importantes étapesaient été accomplies pour l’élaborationd’un statut de l’expert (Loeper P., De laFNCEJ au CNCEJ, Experts 2008, n° 78,p. 23), en l’état du droit positif, le régimede la responsabilité de l’expert continuede varier selon l’ordre auquel appartientla juridiction qui l’a investi d’une mission.En l’absence de texte spécifique, ilconvient de se référer à la constructionjurisprudentielle des juridictions admi-nistratives et judiciaires.

A – Devant les juridictionsadministratives

Pour les juridictions administratives, depuis le célèbre arrêt Aragon rendu par le Conseil d’État le 26 février 1971 (CE, sect., 26 févr. 1971, n° 77.459, Aragon, Rec. CE 1971, p. 172), il est

manifestement établi que l’expert est un« collaborateur occasionnel du service public de la justice» (Rousseau G., Maisqui est donc l’expert judiciaire?, Experts2006, n° 72, p. 17). Deux types de consé-quences en découlent :1°) Lorsque le technicien, dont l’exper-tise n’est pas une profession et dont laqualité d’expert est liée à la mission confé-rée par le juge, subit, dans l’exercice decelle-ci, un dommage direct et certain,le mécanisme de substitution de la res-ponsabilité de l’État à celle de l’auteurdéfaillant lui assure la réparation de sonpréjudice. Hormis le cas de faute de l’expert ayant concouru au dommage,on peut parler de «garantie tous risquesde l’État» (Guérin A., La responsabilitéde la puissance publique dans la miseen œuvre de l’expertise judiciaire, Actesde la biennale de Poitiers 2002 de la compagnie des experts judiciaires prèsla cour d’appel de Poitiers, Experts 2004,p. 41). Le sapiteur jouit des mêmes pré-rogatives puisqu’il est désigné par le jugeà la demande de l’expert (Rousseau G. etBrisac M., Recherches sur le sapiteur, Experts 1997, n° 37, p. 19).2°) Lorsque l’expert est l’auteur d’un dommage au cours de sa mission, il bénéficie, en sa qualité de collaborateurdu service public, du régime de responsa-bilité auquel le service lui-même est soumis.À cet égard, l’arrêt Darmont rendu parle Conseil d’État le 29 décembre 1978(CE, ass., 29 déc. 1978, n° 96.004, Darmont, Rec. CE 1978, p. 542) ayantclairement soumis la mise en œuvre dela responsabilité de la puissance publiquedu fait de la justice administrative à l’exi-gence d’une faute lourde qui seule peutengager la responsabilité de l’État lors-qu’est contesté l’exercice de la fonctionjuridictionnelle, l’expert ne verra pas saresponsabilité mise en cause au premierplan. Cette protection substantielle, quipeut s’expliquer par le fait que l’expertise

Par Jacques HUREAU,Membre de l’Académienationale de médecine,Expert honoraire agréépar la Cour de cassation

La responsabilitéde l’expert de justice

Qu’il officie devant les juridictions administratives ou judiciaires, quel que soit son modede désignation, l’expert de justice est tenu d’obligations multiples, tant sur le plan civil et pénal

que du point de vue déontologique. Retour sur cette responsabilité protéiforme.

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Et Patrick de FONTBRESSINAvocat à la cour d’appel de Paris,Maître de conférences à l’Université Paris XI

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contribue à l’obligation de l’État d’assu-rer un procès équitable, ne saurait confé-rer pour autant à l’expert une immunité.En cas de faute détachable, il pourra fairel’objet d’une action récursoire de l’Étatà son encontre. Il pourra, par ailleurs,dans la même hypothèse, se trouver attrait par la victime devant les tribunauxde l’ordre judiciaire sur le fondement desarticles 1382 et 1383 du Code civil.

B – Devant les juridictionsde l’ordre judiciaire

S’agissant de la responsabilité de l’ex-pert désigné par une juridiction de l’ordrejudiciaire, force est de constater qu’endépit d’un arrêt de la deuxième chambrecivile du 23 novembre 1956 qui avaitconsidéré qu’un médecin «requis par lereprésentant d’un service public était devenu le collaborateur occasionnel de ceservice » (Cass. 2e civ., 23 nov. 1956, Trésor public c/ Giry, Bull. civ. II, n° 407),le juge judiciaire persiste à soumettrel’expert de justice aux règles de la responsabilité civile délictuelle de droitcommun (Rousseau G., L’expert colla-borateur du service public de la justiceet prestataire de services, Experts 2005,n° 69, p. 13).Un bilan jurisprudentiel dressé par unHaut magistrat de l’ordre judiciaire, lorsde la biennale de Poitiers de 2002 susmentionnée, permettait de constaterque la jurisprudence:• refuse à l’expert la qualité de collabo-rateur occasionnel du service public ;• retient que l’expert, d’une part, sup-porte seul la charge des dommages qu’ila subis et, d’autre part, est seul respon-sable sur les fondements des articles 1382et 1384 du Code civil des dommages qu’ilcause;• limite la responsabilité de l’État au casde faute lourde, en excluant expressé-ment la responsabilité sans faute, fût-ellefondée sur le principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques(Savatier X., La responsabilité de la puis-sance publique dans la mise en œuvrede l’expertise judiciaire, compte rendude la biennale de Poitiers, Experts 2004,p. 62).En l’état de la jurisprudence, l’expert demeure donc un homme seul dont laresponsabilité restera engagée, même sile magistrat a suivi son avis, dès lorsque la victime aura pu établir une faute,un dommage et le lien de causalité indispensable entre ceux-ci (Garraud D.et Valdes A., La responsabilité de l’expert judiciaire, Experts 1995, n° 29,p. 14).S’il n’est pas assuré, lui ou ses ayantsdroit pourront se trouver appelés, dans

les délais de la prescription, à répondre,sur tout leur patrimoine, d’une faute commise à l’occasion d’une collabora-tion à l’œuvre de justice, fût-elle totale-ment occasionnelle (Loeper P., in Col-loque annuel de l’UCECAP, 10 déc. 2008,La responsabilité des experts; Lancou D.,Les experts de justice et la prescriptioncivile, Experts 2008, n° 81 p. 20). «L’expertus nativus» découvrira ainsi, leplus souvent après coup, l’aspect protéi-forme d’une responsabilité liée à sa qualité et aux risques associés à l’accep-tation d’une mission.

II – LA RESPONSABILITÉDE L’EXPERT, UNE RESPONSABILITÉPROTÉIFORMEQu’il s’agisse de l’expert inscrit sur uneliste nationale ou de cour d’appel en vertudes dispositions de la loi n° 2004-130 du11 février 2004 (JO 12 févr. 2004) et deson décret d’application n° 2004-1463du 23 décembre 2004 (JO 30 déc. 2004),applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire, de l’expert figurant sur uneliste dressée par une juridiction adminis-trative ou de l’expert ne figurant sur aucune liste et choisi exceptionnellementhors liste par le juge, de l’engagementde l’expert formalisé par l’acceptationd’une mission va découler une respon-sabilité sous diverses formes.Parce qu’il a sollicité, lors d’une demanded’inscription sur une liste, ou a accepté,lors d’une désignation hors liste, de devenir expert, l’éclaireur du juge doitse conformer à un certain nombre d’obli-gations scientifiques et techniques maisaussi d’ordre procédural, juridique, déontologique et moral.L’expert engagé doit, dès lors, accepterune formation spécifique souvent éloi-gnée de son domaine habituel d’activité.Sans doute modifiera-t-il la conceptionqu’il en avait. Il devra accepter de s’auto-évaluer, de se remettre en cause, voired’être remis en cause, en particulier lorsde sa désignation. Il accepte la discus-sion, la contradiction de bon aloi. Il nedoit pas décevoir car il entre dans lemonde de « l’honnête homme duXXIe siècle» en faisant preuve de compé-tence, conscience, objectivité, impartia-lité, disponibilité, intégrité, indépendance,en somme de probité intellectuelle et morale, d’une certaine forme de courageet de beaucoup d’humilité face à ses responsabilités.Les experts prêtent serment «d’accomplirleur mission, de faire leur rapport et de don-ner leur avis en leur honneur et conscience»(L. n°71-498, 29 juin 1971, JO 30 juin 1971,modifiée par L. n° 2004-130, 11 févr. 2004,

art. 6, JO 12 févr. 2004), soit devant la courlors de l’inscription initiale, soit, pour unexpert désigné hors liste, par oral ou parécrit devant le juge qui l’a désigné. C’estun engagement solennel «à vie» qui, pourl’expert listé, reste acquis même après lepassage à l’honorariat (Cass. crim., 20 sept.2006, n° 06-84.741, Bull. crim., n° 232). Le serment de l’expert est spécifique et différent du serment d’un témoin, mais devant une juridiction pénale le formalismereste souple à partir du moment où un ser-ment a été donné qui atteste de l’honneuret de la conscience de celui qui dépose(Cass. crim., 18 mars 2008, n° 07-82.158).

A – Une responsabilitéscientifique et technique

Le premier risque qu’encourent le justi-ciable et l’institution judiciaire est de voirnommé ou désigné un expert incompé-tent. La compétence allie le savoir théorique (scientifique et technique) etl’expérience. C’est la première et indis-pensable qualité de qui prétend émettreun avis sur l’activité de l’un de ses pairs.Aussi, légitimement, le juge et les par-ties attendent-ils de l’expert une compé-tence technicienne à la mesure du titrequi lui est conféré à l’occasion de sa mission.

Une responsabilité lors de l’inscriptioninitiale ou de la réinscription sur uneliste de cour d’appel. — S’agissant del’expert inscrit sur une liste de cour d’ap-pel, si la présence de cinq experts au seinde la commission de réinscription insti-tuée par l’article 2 de la loi n° 71-498 du29 juin 1971, modifiée par la loi n° 2004-130 du 11 février 2004, offre une plusgrande garantie quant à l’évaluation ducandidat, en revanche, les conditionsd’admission à titre probatoire ne sontpas sans laisser subsister des risques importants.Bien que disposant des documents viséspar l’article 6 du décret n° 2004-1463 du23 décembre 2004, les magistrats saisisdu dossier d’inscription initiale ne serontpas nécessairement à même d’apprécierune compétence de spécialité.En l’absence de consultation obligatoiredes pairs de l’expert postulant, il faudras’en remettre à son auto-évaluation d’unecompétence pour figurer au sein d’uneou plusieurs rubriques ou spécialités dela nomenclature établie en vertu de l’article 1er du décret du 23 décembre2004 précité. Grande sera dès lors la res-ponsabilité personnelle du demandeurquant à la réunion des éléments de preuved’une formation tant initiale que conti-nue dans son domaine scientifique ettechnique, même s’il est évident que,

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in fine, la décision d’inscription ou deréinscription appartient à l’assemblée générale de la Cour (à ce sujet, la Courde cassation a récemment précisé que«le refus de réinscription d’un expert surla liste des experts judiciaires d’une courd’appel ne peut être décidé qu’après quel’intéressé a été invité à fournir ses observations soit à la commission de réinscription ou à l’un de ses membres,soit au magistrat rapporteur » ; Cass.2e civ., 1er oct. 2009, n° 09-14.742, à paraître au Bulletin).

Une responsabilité lors de la désigna-tion par le juge. — De la même manière,l’acceptation d’une mission engendreune responsabilité que l’expert hors liste,tout comme le postulant à une inscrip-tion initiale, ne sera pas toujours à mêmed’apprécier, en l’absence de formationexpertale antérieure à la période proba-toire (Jacob J.-F., Oliver M. et Marte P.,La formation, Experts 2008, n° 78, p. 69;Preud’homme D., La formation de l’expertjudiciaire, impact des dispositions de laloi du 11 février 2004 et du décret du23 décembre 2004, Experts 2005, n° 66,p. 26; Hureau J., Sélection des expertsmédecins, libres remarques d’un hono-raire, Experts 2005, n° 66, p. 28).La désignation de l’expert par un jugerequiert l’adéquation parfaite d’une compétence à une mission. L’expert doitrefuser d’emblée de remplir une missionhors de ses compétences. S’il ne s’enaperçoit qu’après coup, au début desopérations, il doit immédiatement en informer le juge et ne pas hésiter à se déporter. Accepter une mission en posi-tion d’incompétence est une faute scien-tifique et morale dont l’expert pourra êtreun jour appelé à répondre.

B – Une responsabilité d’ordre processuel

Si l’expert ne doit pas dire le droit, il nepeut ignorer le droit et en tout cas certai-nement pas les règles du procès équitable,à peine de ne pas rendre à la justice le ser-vice auquel il s’engage. Si l’évaluation del’expérience et de la connaissance acquisedes principes directeurs du procès et desrègles applicables aux mesures d’instruc-tion confiées à un technicien permet uncontrôle rigoureux lors de l’inscription définitive ou de la réinscription sur leslistes de cour d’appel, là encore le vide réglementaire demeure s’agissant des candidats à l’inscription initiale et des experts désignés hors liste.Or les manquements de ceux-ci aux impératifs du principe du contradictoire,du respect du délai raisonnable oud’autres formes d’ignorance des règles

de procédure de nature à entacher, àterme, de nullité le rapport auront desconséquences préjudiciables pour les par-ties et pour la bonne administration dela justice dont l’expert pourra être tenude répondre civilement, voire discipli-nairement (D. n° 2004-1463, 23 déc. 2004,art. 25, al. 2 ; Rousseau G. et Fontbres-sin (de) P., L’expert et l’expertise judi-ciaire en France, Bruylant, 2e éd., 2008,p. 107). À cela s’ajoutera le fait qu’ilconvient d’avoir toujours à l’esprit que,acteur du procès équitable, l’expert,comme le juge, est le garant du respectde la Convention européenne des droitsde l’homme dans le procès dont la violation pourra entraîner la condamna-tion de l’État par la Cour européenne desdroits de l’homme (Costa J.-P., préf. de

l’ouvrage de Rousseau G. et Fontbressin(de) P., L’expert et l’expertise judiciaireen France, op. cit. ; Guinchard S., Droitprocessuel, Dalloz, 5e éd., 2009 ; Jeuland E., Droit processuel, LGDJ, 2007;Renucci J.-F., Traité européen des droitsde l’homme, LGDJ, 2007, nos 348 et 874).

C – De la responsabilité scientifiqueà la responsabilité d’ordre juridique

Une courte anecdote vécue mérite icid’ouvrir le chapitre. Une mission en expertise pénale au décours du décèsd’un opéré était ainsi rédigée: «Le doc-teur X a-t-il contrevenu aux termes del’article 221-6 du Code pénal?». C’est diresi l’expert a immédiatement téléphonéau juge d’instruction en lui demandantde bien vouloir formuler sa question avecquelques nuances. Et pourtant… Effec-tivement, l’appréciation de la faute parl’expert est une question récurrente enpratique devant les tribunaux.Si les faits sont de la compétence de l’expert et le droit de la compétence du juge,l’interprétation des faits est un domaineplus partagé. Au juge d’apprécier certainsconcepts de droit tels que la causalité adéquate ou l’équivalence des conditions;à l’expert de rendre des faits complexes intelligibles à des non-techniciens.Restent des appréciations plus délicatestelles que l’évaluation d’un lien de

causalité factuel (l’imputabilité), l’éva-luation d’une perte de chance (non sonchiffrage), le dosage d’un consentementéclairé, toutes notions sur lesquelles l’expert est confronté aux concepts et hypothèses de faute, imprudence, maladresse, inattention ou négligence(Hureau J. et de Fontbressin (de) P., L’expertise médicale en responsabilitémédicale, Elsevier-Masson, 3e éd., 2010, à paraître).Dans l’approche de ces notions, pour nepas dire le droit, sans pour autant man-quer à l’attente du juge, l’expert devraavoir conscience de l’impact juridiquede ses formulations.Bien que non responsable de la décisionà venir, qui ressort du seul imperium dujuge, et de l’erreur judiciaire susceptiblede résulter de la décision prise par celui-ci selon sa conscience, l’expert devra mesurer l’effet sur l’issue du procès desa présentation ou qualification, spécia-lement en matière pénale. Il en ira demême des conséquences juridiques deses avis. À cet égard, marquant la diffé-rence entre l’acte médical qui établit undiagnostic pour en tirer des conclusionset une action thérapeutique, et la mis-sion d’un expert médecin, M. Deroberta pu écrire : «l’acte médical qu’exécutele médecin expert est amputé de toute décision thérapeutique: il se limite à undiagnostic assorti d’un avis technique.Mais le médecin expert se souviendra tou-jours que de ses conclusions dépendentla liberté d’autrui, parfois la vie d’un tierset dans tous les cas l’honneur d’un de sessemblables» (Derobert L., Droit médical,déontologie médicale, Flammarion,1977).Dans le même domaine, Me Hélène Fabre,lors du premier colloque de la CNEM en1994, pouvait judicieusement faire remarquer que «la somme des travaux réalisés par les experts représente une sortede code de bonne ou mauvaise pratiquemédicale sur lequel les juges se fondentpour créer à leur tour la jurisprudence, le tout évoluant au fil du temps et des connaissances nouvelles» (Premier colloque de la CNEM, L’expertise face àl’évolution du concept de responsabilitémédicale, 2 déc. 1994, Bibliothèque del’Académie nationale de médecine). Dèslors, en toute hypothèse, l’expert ne doitjamais oublier qu’il est plus un réducteurd’incertitudes qu’un dispensateur de certitudes (Hureau J., La preuve scienti-fique appliquée à l’expertise, Experts 2008,n° 78, p 52; e-mémoires de l’Académie nationale de chirurgie, 2008, 7 (2), p. 76).La preuve scientifique serait libre face àla preuve juridique définie et hiérarchi-sée par la loi. Elle est pourtant soumise

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La désignation de l’expertpar un juge requiertl’adéquation parfaited’une compétence

à une mission.

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à l’évaluation de ses degrés de certitudequi permet, selon la formule d’A. Comte-Sponville, de dégager «le probablementvrai du certainement faux » (Comte-Sponville A., Au cœur des conflits : l’expertise, XVIe Congrès de la FNCEJ, Ex-perts 2000, p. 19). Si l’expert ne doit pasignorer ce que sa compétence reconnuel’oblige à savoir, il ne doit pas non plushésiter à dire que la connaissance scien-tifique demandée n’existait pas à quelqueniveau de preuve que ce soit au momentdes faits. Dans un procès récent qui adéfrayé la chronique judiciaire, StanleyPrusiner, prix Nobel de médecine, découvreur du prion, l’agent de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, rappelantses travaux de 1981 publiés seulementen 1982 par la revue Science en raisondu scepticisme qui entourait sa décou-verte, a déclaré devant le tribunal : «(...)Il est facile aujourd’hui de dire qu’il aurait fallu faire autrement (...). Moi-même, je n’avais pas fait le rapproche-ment (…). Si vous me demandez si, grâceà nos travaux, tout cela aurait pu êtreévité, je vous répondrai que je n’en suispas sûr. Je suis perplexe, voire choqué,d’entendre ces gens dire qu’ils savaient.À l’époque, je n’ai lu aucune publicationdans ce sens (…)». C’est pour l’expertun problème de conscience.Face à une vérité scientifique qui n’estjamais absolue, le juge établira enconscience la vérité judiciaire. À cet égard,Monsieur le Premier président Guy Canivet s’est ainsi exprimé: «La preuveest le lien du fait au droit, un lien néces-saire puisqu’il commande l’applicationde la règle de droit à un situation defait (…). L’évolution récente du droit despreuves accrédite l’idée que le juriste disposerait aujourd’hui d’instruments quilui permettraient de passer de la vraisem-blance à la vérité scientifique, et de la vérité scientifique à la vérité judiciaire,accédant ainsi à l’illusion confortable dela certitude (…). Le juge est contraintd’accorder foi à la science dont il ne maîtrise ni la connaissance, ni la méthode, mais il n’est pas asservi à lapreuve scientifique (…)» (Canivet G., inLe droit des preuves au défi de la modernité, Colloque du 24 mars 2000,Doc. fr., 2000).Enfin, rappelons que, dans aucune discipline, sans risques considérablespour sa responsabilité, l’expert, tout enrestant dans le domaine des faits, ne saurait se substituer au maître d’œuvre,ni encore moins au maître de l’ouvrage;les règles déontologiques élaborées parle CNCEJ sont là pour le lui rappeler (Règles de déontologie de l’expert de justice, Devoirs de l’expert envers lui-

même, § I-3, in Vade-mecum de l’expertde justice, CNEJ, 3e éd., 2009). De sesconclusions dépendront pourtant desconséquences humaines et financièrespour les parties, ce qui ouvre sur d’autresresponsabilités.

D – Une responsabilité d’essence déontologique

La déontologie est la science des devoirs.Dès lors qu’ils participent à l’œuvre de justice, une déontologie expertale commune devrait s’imposer à tous les experts (Fontbressin (de) P. et Rousseau G., De la lex experti à l’expertsans frontières, Experts 2008, n° 78,p. 133). Fruit de réflexions sur la déon-tologie et la formation expertale entre-prises depuis plusieurs années (Colloquede l’UCECAP, 2 févr. 1998, La déontolo-gie de l’expert judiciaire, présidé par Kerisel J.-B. ; Kerisel J.-B., Déontologieet formation, Conférence-débat de l’UCE-CAP du 1er mars 2001), les règles de déontologie, élaborées et encore récem-ment mises à jour par le CNCEJ, sous laprésidence de P. Loeper, méritent d’êtreparticulièrement saluées (Vade-mecumde l’expert de justice, CNCEJ, 3e éd.,2009).Dans le même esprit que la charte signéele 28 novembre 2005 entre le Conseil national des barreaux et la Fédérationnationale des compagnies d’experts judiciaires par le bâtonnier Benichou etle président Fassio, elles constituent unindispensable repaire des «devoirs del’expert envers lui-même, envers les magistrats et les auxiliaires de justice, envers les parties et envers ses confrères».Soulignant à nouveau que « l’expert commis ne doit en aucun cas concevoiraux lieu et place des parties des travauxou traitements, les diriger ou en surveillerl’exécution (…)», ce qui ne saurait man-quer d’être source d’une responsabilitéévidente, elles insistent tout spéciale-ment sur deux qualités essentielles dontl’absence peut avoir des effets dévasta-teurs sur l’issue du procès: l’impartialitéet l’indépendance de l’expert. «L’expertdoit remplir sa mission avec impartia-lité (…). L’expert doit conserver une indépendance absolue ne cédant à aucune pression ou influence de quelquenature qu’elle soit».Sans revenir ici sur l’abondante jurispru-dence de la Cour européenne des droitsde l’homme suscitée par l’interprétationdes notions d’impartialité et d’indépen-dance du juge transposable à l’expert (v. Rousseau G. et Fontbressin (de) P.,L’expert et l’expertise judiciaire en France,op. cit.), on soulignera que les prises deposition successives de la Chancellerie,

du CNCEJ et plus récemment de la Courde cassation (Cass. 2e civ., 22 mai 2008,n° 08-10.314, Bull. civ. II, n° 122; Cass.2e civ., 22 mai 2008, n° 08-10.840, Bull.civ. II, n° 123), quant à l’acceptation par des médecins experts de missions de compagnies d’assurances, illustrent l’enjeu pratique du débat s’agissant du recrutement d’experts. Il en va naturelle-ment de même dans des spécialités étroitesoù les liens professionnels ou travaux antérieurs de certains experts avec tellefirme ou tel laboratoire ou leurs filialessont susceptibles d’être invoqués commerisques de manquements à l’impartialitéobjective (Rousseau G. et Fontbressin(de) P., L’expert et l’expertise judiciaireen France, op. cit., p. 170 et s.).L’indépendance de l’expert d’où découleen grande partie son impartialité est unecontrainte du procès équitable qui amènesouvent les juges à désigner des expertsrelevant du ressort d’une autre cour d’appel que celle saisie ou à désigner unexpert sur la liste de la Cour de cassa-tion, comme il est rappelé dans un arrêtdu 20 septembre 2006 (Cass. crim.,20 sept. 2006, n° 06-84.741, précité).En tout état de cause, il demeure de l’entière responsabilité de l’expert d’in-former par avance le juge et les partiesde tout fait qui, à sa connaissance, pour-rait constituer une cause de récusationen raison des critères retenus par la Courde Strasbourg, à peine d’être l’objet d’unerécusation ultérieure lourde de consé-quences pour lui-même et l’ensembledes parties au procès (Rousseau G., Larécusation de l’expert judiciaire : légiti-mité-perversion, Experts 2004, n° 63,p. 15). Cette déontologie expertale déborde le strict cadre juridictionnel. Elleest commune à tous les experts et s’im-pose à eux quelle que soit la posture danslaquelle ils interviennent. Dès lors qu’ilssont experts, même sollicités pour un avispar une partie, ils ne seront jamais dansla peau d’un conseil. L’expert œuvre pourla vérité des faits, le conseil pour la victoire de son client (Comte-Sponville A.,Science et vérité, XVIIe Congrès nationaldes experts judiciaires, Experts 2005, p. 29).Conforme aux règles impératives du pro-cès équitable, la déontologie s’avérera éga-lement la meilleure forme de protectionde l’expert à l’encontre des tentatives deplus en plus fréquentes de déstabilisationde celui-ci par des plaideurs de mauvaisefoi, prompts à user d’actions en respon-sabilité fantaisistes ou de récusations tardives sans fondement pour paralyser lajustice (Fontbressin (de)P. et RousseauG.,L’expert judiciaire «fusible» du conflit oules pressions sur l’expert, Experts 2008,

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n° 78, p. 109 ; Fontbressin (de) P. et Rousseau G., La date limite de récusationde l’expert, Experts 2006, n° 73, p. 7 ; Rousseau G. et Fontbressin (de) P., Remplacement de l’expert et récusation déguisée, Experts 2009, n° 83, p. 4).

E – Une responsabilité pénaleOn ne saurait aborder la responsabilitéde l’expert sans référence à des compor-tements susceptibles de tomber sous lecoup de la loi pénale. Certains d’entreeux seront le fait de maladresses de l’ex-pert, d’autres d’un comportement im-moral. Dans tous les cas la loi pénalesera là pour les sanctionner (Pradel J.,Responsabilité pénale de l’expert judi-ciaire, Experts 1995, n° 29, p. 20).

Les maladresses. — La première des situations à risque pour l’expert est la miseen danger de la personne d’autrui à l’occa-sion d’une expertise. L’article 222-19du Code pénal pourra être invoqué à sonencontre. De la même manière, outre lefait qu’un certain nombre de professionsréglementées sont tenues déontologique-ment et pénalement au respect du secret, l’article 226-13 du Code pénal dispose que «la révélation d’une infor-mation à caractère secret par une per-sonne qui en est dépositaire soit par état,soit par profession, soit en raison d’unemission temporaire est punie d’un em-prisonnement d’un an et de 15000 eurosd’amende». De toute évidence, l’expertétant ainsi au nombre de ceux qui, enraison d’une mission temporaire, peu-vent être dépositaires de secrets, encourraune responsabilité pénale s’il révèle ceux-ci à des tiers (Lambert P., Secret profes-sionnel, Bruylant, 2005, p. 263 et s. ; Damien A. et Ader H., Règles de la pro-fession d’avocat, Dalloz Action, 2008,chap. 35). On ne peut dès lors trop insister sur l’obligation de réserve de l’expert à l’égard de la presse pour évi-ter tout risque de violation d’un secretprotégé par la loi. Le devoir de l’expertapparaît là encore de la même essenceque celui rappelé au juge par la Cour européenne des droits de l’homme pouréviter les conséquences de certains dérapages verbaux (CEDH, 16 sept. 1999,aff. 29569/95, Buscemi c/ Italie, RTDH2000, p 543; Fontbressin (de) P., L’expertface au risque médiatique, Experts 2006,n° 73, p. 16).De la même façon, dans le cadre de sesrelations avec les parties ou le juge, l’expert ne devra faire état que de ce quicontribue à l’accomplissement de sa mis-sion dans les strictes limites de celle-ci.S’agissant du médecin expert, il convienttout spécialement de rappeler que sou-

mis à l’inviolabilité du secret médical,hors de l’affaire en cause il ne peut à larigueur le partager qu’avec le médecintraitant bien identifié (v. les articles ayanttrait au secret in Hureau J. et Poitout D.,L’expertise médicale en responsabilitémédicale).Il est impossible, dans le cadre restreintde cet article, de traiter du secret médi-cal et de ses conséquences lors d’une expertise médicale juridictionnelle. L’arrêt fondamental de la Cour de cassa-tion du 8 mai 1947 en fait une obliga-tion générale et absolue qui s’impose auxmédecins et précise: «(…) Ils sont alorsfondés à s’en prévaloir pour refuser dedéposer en justice sur des faits dont ilsn’ont eu connaissance qu’à l’occasion del’exercice de leur profession». La jurispru-

dence de la Cour de cassation que l’on retrouvera dans les textes de l’ouvragecité en référence ne s’est depuis jamaisdémentie.Il faut néanmoins que l’expert puisse effectuer sa mission en s’appuyant surdes preuves. L’article 6 du Code de pro-cédure civile le rappelle : «À l’appui deleurs prétentions, les parties ont la charged’alléguer les faits propres à les fonder».Le secret médical est la propriété du malade. Lui seul peut en disposer. C’estdans cet esprit qu’ont été rédigés, dansla loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 (JO 5 mars 2002), les articles concernantl’information des usagers du système de santé et plus particulièrementl’article L. 1111-7 du Code de la santé publique concernant l’accès du maladeà son propre dossier médical. Ajoutonsqu’en cas de refus injustifié d’un déten-teur de preuves, la mise en jeu de l’ar-ticle 275 du Code de procédure civile per-met, sous astreinte par ordonnance dujuge, que l’expert puisse se faire remettresans délai par les parties tous les docu-ments qu’il estime nécessaires à sa mis-sion. Confronté souvent à une masse dedocuments, il ne devra toutefois faire étatet n’utiliser que ceux qui ont trait auxquestions posées par le juge et concer-nant la seule affaire en cause, dans leplus pur respect du secret professionnel

médical et expertal (CPC, art. 238, al. 1 et 2 ; CPC, art. 244; CPC, art. 247;C. déont. méd., art. 108).

Le comportement immoral. — Maisalors que l’expert indiscret pourra n’êtrequ’un maladroit, ce qui ne l’empêcherapas pour autant de devenir pénalementresponsable, d’autres comportements feront l’objet de sanctions pénales parcequ’ils seront manifestement immoraux.Il s’agira de ceux de l’expert menteur oucorrompu au sens des articles 434-20 et434-9 du Code pénal qui répriment la falsification du rapport et la corruption.Fort heureusement, comme le faisait observer le professeur Pradel, aux termesd’un article susvisé, « en l’absence decontentieux probant, tous ces noirs délitsdemeurent imputables dans l’abstrait,l’expert ne les commettant jamais».

La responsabilité morale. — Si, pour paraphraser Ripert, on s’attachait à rechercher la règle morale dans les obligations expertales au terme de cepropos, force serait de constater qu’ellerecouvre l’ensemble de l’activité de l’expert de justice.Pour s’en tenir au seul exemple de la res-ponsabilité médicale, à travers la juris-prudence et malgré lui, l’expert devientgardien et censeur d’une médecine dequalité. L’épreuve du procès est l’instantd’une remise en question d’ordre profes-sionnel mais aussi d’une remise en ques-tion personnelle, en conscience, de tellesorte qu’outre le médecin impliqué, fau-tif ou non, l’expert médecin n’exerceraplus la médecine comme auparavant.L’attitude à l’égard du risque nécessaireet bénéfique pour le patient, l’attitudethérapeutique la plus favorable à l’inté-rêt du malade prendront une autre dimension à la lueur des décisions dejustice.Qu’il s’agisse de l’expert inscrit sur laliste nationale ou une liste de cour d’appel ou de l’expert désigné hors liste,l’espace d’un instant tout expert de jus-tice devra vivre l’expertise à la lueur desmêmes références morales à peine de nepas être digne d’exercer sa mission.De même, à l’heure du consumérisme irradiant et de la prolifération de procé-dures abusives aux sanctions manifes-tement insuffisantes pour dissuader larécidive, tout expert de justice s’exposeà devenir le bouc émissaire sacrifié surl’autel d’une vengeance exercée contreune institution qu’il a eu à cœur de servir.Certes, comme le rappelait le présidentPierre Sargos à propos des experts médecins, «les obligations des experts sont

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L’expert étant au nombrede ceux qui, en raison

d’une missiontemporaire, peuvent

être dépositairesde secrets, encourra une responsabilitépénale s’il révèle

ceux-ci à des tiers.

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lourdes, mais la jurisprudence de la Courde cassation est très nuancée pour tenircompte de la difficulté des missions d’expertise médicale. On peut penser etc’est à l’honneur des médecins experts quel’heureuse rareté des condamnations lesconcernant tend à démontrer à la fois leurparfaite maîtrise de ces obligations et leurcompétence» (Sargos P., La responsabilité

de l’expert médecin, in Colloque de Collioure, 14 sept. 2002, Compagnie desexperts près la cour d’appel de Montpel-lier, communication personnelle).Il n’en demeure pas moins qu’au-delàdes spécificités des procédures, ilconvient, partant de la règle morale etde la finalité des enjeux, de percevoirdans son tout la fonction pour que tous

les experts désignés par une juridictionpuissent devenir égaux en formation eten protection dans l’intérêt d’unemeilleure justice.Ce souhait d’égalité n’était-il pas de ceuxque, sous une autre forme, formulaitBeaumarchais dans l’espoir d’une société faite d’hommes indépendants etlibres donc responsables? ◆

L A R E S P O N S A B I L I T É D E L’ E X P E R T D E J U S T I C E

22 numéros de la RevueLamy Droit Civil

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RÉTROSPECTIVE

2009

>

Table annuelle des Éclairages, Études, Chroniques, Entretiens et Tribunes

Auteurs Titres

ALIBHAYE-OMARJEE Hanna

ANSAULT Jean-Jacques

ANZIANI Alain

ARACHTINGI Thierry

ARNAUD-GROSSI Isabelle

ATIAS Christian

AYNÈS Laurent

BEIGNIER Bernard

BENTEJAC Édouard

BERGER Pierre

BERNARD-XEMARD Clara

BESSE Julie

BÉTEILLE Laurent

BIGOT Rodolphe

Les dix ans du Pacs : état des lieuxRLDC 2009/65, n° 3611

Quand le devoir de mise en garde rencontre le cautionnement réelRLDC 2009/63, n° 3534

Faut-il réformer aussi la responsabilité civile ?RLDC 2009/64, n° 3591

Les contrats à l’épreuve de la criseLes contrats de crédit syndiqué à l’épreuve de la criseRLDC 2009/62, n° 3517

Les obligations de l’avocat à la croisée des cheminsRLDC 2009/58, n° 3355

Le nouveau Livre II du Code civil relatif aux biensRLDC 2009/62, n° 3514

La fiducie, un nouvel instrument performant de gestion et de garantie ?L’introduction de la fiducie en droit françaisRLDC 2009/60, n° 3441

La fiducie, un nouvel instrument performant de gestion et de garantie ?Le régime juridique de la fiducieRLDC 2009/60, n° 3343

Procédure civile et voies d’exécution (août-novembre 2008)RLDC 2009/57, n° 3320

Procédure civile et voies d’exécution (décembre 2008-mars 2009)RLDC 2009/63, n° 3555

Le partage transactionnel après le prononcé du divorceRLDC 2009/59, n° 3397

La fiducie, un nouvel instrument performant de gestion et de garantie ?L’avocat fiduciaireRLDC 2009/60, n° 3444

Les concubins se passent de la loi, mais il peuvent avoir besoin du jugeRLDC 2009/60, n° 3427

Nom d’usage de l’enfant et désaccord des parentsRLDC 2009/63, n° 3539

Implantation d’un système d’information : conseils pour la rédactiondu contrat d’intégrationRLDC 2009/63, n° 3520

Faut-il réformer aussi la responsabilité civile ?RLDC 2009/64, n° 3591

La faute intentionnelle ou le phœnix de l’assurance de responsabilité civile professionnelleRLDC 2009/59, n° 3406

3664RLD

C

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BOUTEILLE Magali

BRIGNON Bastien

BRUGUIÈRE Jean-Michel

BRUN Philippe

BURDIN Elsa

CALFAYAN Christian

CAMPELS Christian

CAMPROUX-DUFFRÈNE Marie-Pierre

CAVALIÉ Bruno

CERMOLACCE Arnaud

CHABOT Gérard

CHAMBAZ Laurent

CHARLUTEAU Quentin

CHAUCHAT-ROZIER Guillaume

CICILE-DELFOSSE Marie-Laure

64 R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L • D É C E M B R E 2 0 0 9 • N 0 6 6

TA B L E A N N U E L L E D E S É C L A I R A G E S , É T U D E S , C H R O N I Q U E S , E N T R E T I E N S E T T R I B U N E S

La modalité conditionnelle dans le projet de réforme de la Chancellerie : perspectives internes et européennesRLDC 2009/61, n° 3483

Le tiers, invité d’honneur dans la formation du contratRLDC 2009/64, n° 3558

Droit de l’InternetRLDC 2009/59, n° 3405

Rencontres Lamy du droit civil 2008La responsabilité du fait des produits défectueux : l’exemplede la vaccination de l’hépatite BRLDC 2009/58, suppl., n° 3361

Du refus de la rétractation anticipée de l’offreRLDC 2009/59, n° 3367

Préjudices environnemental et moral d’une association de protectionde l’environnementRLDC 2009/63, n° 3527

Le profit subsistant et la valeur travail en régime de communautéRLDC 2009/63, n° 3547

Une protection de la biodiversité via le statut de res communisRLDC 2009/56, n° 3282

Rencontres Lamy du droit civil 2008L’offre et la cause au cœur du projet de réforme du droit des contratsRLDC 2009/58, suppl., n° 3358

Rencontres Lamy du droit civil 2008Jurisprudence 2008 : de l’audace !RLDC 2009/58, suppl., n° 3360

Les contrats à l’épreuve de la criseLe projet de réforme du droit des contrats face à la crise : quel avenir pour la théorie de l’imprévision ?RLDC 2009/62, n° 3519

Article 1843-4 : des réponses… et des questions !RLDC 2009/66, n° 3632

La disparition de la cause entraîne la caducité de l’engagementRLDC 2009/57, n° 3283

De la conversion en euros d’une dette libellée en monnaie étrangèreRLDC 2009/66, n° 3662

L’avocat et la fiducieRLDC 2009/56, n° 3258

Les contrats à l’épreuve de la criseLa théorie de l’imprévision et le bouleversement économiquedans les contrats commerciaux et industrielsRLDC 2009/62, n° 3515

La qualité d’héritier replacée au cœur de l’action pour recel successoralRLDC 2009/62, n° 3508

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéLe droit et l’incorporel à l’orée du XXIe siècle – État des lieuxRLDC 2009/65, suppl., n° 3623

Page 65: dciv-2009-0066

CLERGET Emmanuel

CORGAS-BERNARD Cristina

COULON Cédric

CROCQ Pierre

CUPERLIER Olivier

DAMMANN Reinhard

DEBRY Philippe

DEKEUWER-DÉFOSSEZ Françoise

DELMAS Gérard

DIENG Françoise

DUMONT de CHASSART Charles

FARGE Michel

FAUCHOUX Vincent

FAVREAU Amélie

FOMBEUR Pascale

N 0 6 6 • D É C E M B R E 2 0 0 9 • R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L 65

Le partenaire pacsé et l’exploitation agricoleRLDC 2009/61, n° 3482

L’immunité du préposé conducteur et la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulationRLDC 2009/65, n° 3600

La résistance de la Cour de cassation à l’application du dispositif anti-PerrucheRLDC 2009/56, n° 3251

Rencontres Lamy du droit civil 2008Le point sur l’actualité des sûretés personnelles et réellesRLDC 2009/58, suppl., n° 3365

Hypothèque judiciaire conservatoire et action obliqueRLDC 2009/63, n° 3557

Rencontres Lamy du droit civil 2008Les conséquences de la loi de modernisation de l’économie sur les sûretésréelles en matière de gage et de fiducieRLDC 2009/58, suppl., n° 3366

Nouveau régime de l’aménagement contractuel de la prescription civileRLDC 2009/60, n° 3408

La fiducie, un nouvel instrument performant de gestion et de garantie ?Avantages et inconvénients de la fiducie en cas de procédure collectiveRLDC 2009/60, n° 3342

Implantation d’un système d’information : conseils pour la rédactiondu contrat d’intégrationRLDC 2009/63, n° 3520

Nullité pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint : la leçon de droit de la cour de DouaiRLDC 2009/57, n° 3304

La loi du 16 janvier 2009 sur la filiation : bien plus qu’une simple ratification !RLDC 2009/58, n° 3338

Du « statut du beau-parent » aux « droits des tiers » : réflexions critiquessur un texte controverséRLDC 2009/60, n° 3439

Que penser de l’entreprise à patrimoine affecté ?RLDC 2009/64, n° 3590

Célibat et droitRLDC 2009/59, n° 3407

Éclairage étranger sur la récente réforme française de la prescriptionRLDC 2009/57, n° 3321

L’impact du nouveau droit des entreprises en difficulté sur le droit des sûretésRLDC 2009/58, n° 3334

Droit de l’InternetRLDC 2009/59, n° 3405

Droit de l’InternetRLDC 2009/59, n° 3405

Présidence française de l’Union européenne : l’heure du bilanRLDC 2009/56, n° 3279

RÉTROSPECTIVE

2009

>

Page 66: dciv-2009-0066

66 R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L • D É C E M B R E 2 0 0 9 • N 0 6 6

Rencontres Lamy du droit civil 2008Entre réforme achevée et réforme annoncéeRLDC 2009/58, suppl., n° 3356

La responsabilité de l’expert de justiceRLDC 2009/66, n° 3663

Droit de l’InternetRLDC 2009/59, n° 3405

La responsabilité civile dans la loi « Création et Internet »RLDC 2009/64, n° 3565

Les contrats à l’épreuve de la criseLes aspects corporateRLDC 2009/62, n° 3516

L’impact du nouveau droit des entreprises en difficulté sur le droit des sûretésRLDC 2009/58, n° 3334

La notion de créancier professionnel dans le droit du cautionnementRLDC 2009/66, n° 3646

Du respect des droits individuels de la personne protégéeRLDC 2009/59, n° 3390

Des œuvres d’art, des droits auxquels elles donnent lieu et de leur protectionen jurisprudence françaiseRLDC 2009/64, n° 3593

Faut-il privilégier le cautionnement authentique ?RLDC 2009/59, n° 3384

La proche disparition du droit de demander le partage de l’indivision ?RLDC 2009/65, n° 3617

Les contrats à l’épreuve de la criseLes sûretés à l’épreuve de la criseRLDC 2009/62, n° 3518

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéLe droit commun des sûretés est-il apte à saisir l’incorporel ?RLDC 2009/65, suppl., n° 3627

La responsabilité de l’expert de justiceRLDC 2009/66, n° 3663

Rencontres Lamy du droit civil 2008Les responsabilités liées à la conduite d’une négociationRLDC 2009/58, suppl., n° 3363

Rencontres Lamy du droit civil 2008Le contrat bouleversé par la crise : vers un droit à la renégociation ?RLDC 2009/58, suppl., n° 3359

Responsabilité du transporteur ferroviaire : pavane pour une exonération défunteRLDC 2009/60, n° 3415

Approches française et japonaise de la résiliation unilatérale des contratsRLDC 2009/56, n° 3281

Distinction entre clause pénale et indemnité d’immobilisationRLDC 2009/62, n° 3484

TA B L E A N N U E L L E D E S É C L A I R A G E S , É T U D E S , C H R O N I Q U E S , E N T R E T I E N S E T T R I B U N E S

FOMBEUR Pascale

FONTBRESSIN (de) Patrick

GALAN Delphine

GLEIZE Bérengère

GONTARD Thierry

GOUT Olivier

GRATADOUR Hélène

GRIDEL Jean-Pierre

GUERCHOUN Frédéric

HÉRAUD Jacky

HOUTCIEFF Dimitri

HUREAU Jacques

JACQUES Philippe

JUHAN Jean-Luc

JULIEN Jérôme

KANEZUKA Ayano

KENFACK Hugues

Page 67: dciv-2009-0066

N 0 6 6 • D É C E M B R E 2 0 0 9 • R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L 67

Nouveau régime de l’aménagement contractuel de la prescription civileRLDC 2009/60, n° 3408

Rencontres Lamy du droit civil 2008La réforme de la prescription des obligationsRLDC 2009/58, suppl., n° 3357

Crédits, consommation, surendettement : quel équilibre ?RLDC 2009/59, n° 3403

Loi de finances pour 2009 et loi de finances rectificative pour 2008 : aménagements et nouveautés en matière de successions et libéralitésRLDC 2009/57, n° 3314

Pour une nouvelle classification des sûretés personnellesRLDC 2009/57, n° 3298

De la validité des crédits sur base non confirméeRLDC 2009/64, n° 3573

La fiducie, un nouvel instrument performant de gestion et de garantie ?La nature juridique des droits du bénéficiaire d’un contrat de fiducieRLDC 2009/60, n° 3445

Du délicat équilibre entre liberté d’expression et protection des personnes publiques(à propos de la poupée vaudou à l’effigie de Nicolas Sarkozy)RLDC 2009/56, n° 3263

Y a-t-il un avenir pour le CNAOP ?RLDC 2009/59, n° 3404

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéL’exemple des valeurs mobilièresRLDC 2009/65, suppl., n° 3626

L’unité successorale ou l’utilité du renvoi dans les successions immobilières internationalesRLDC 2009/61, n° 3474

Trust et impôt sur la fortune : l’arrêt d’ElbéeRLDC 2009/64, n° 3585

Hormones de croissance : nouvelle étape dans l’examen des responsabilités pénale et civileRLDC 2009/62, n° 3491

Pouvoirs du curateur sur la désignation bénéficiaire du contrat d’assurance-vieRLDC 2009/66, n° 3651

Recevabilité de la tierce opposition contre un jugement de divorce : conditions et limitesRLDC 2009/61, n° 3466

Acceptation du bénéfice d’une assurance-vie : quels droits pour le conjoint survivant ?RLDC 2009/58, n° 3346

Approches française et japonaise de la résiliation unilatérale des contratsRLDC 2009/56, n° 3281

Une loi pour la confiance… dans les produits du time shareRLDC 2009/65, n° 3594

La multiplication des recours : le miracle du cautionnementRLDC 2009/65, n° 3606

RÉTROSPECTIVE

2009

>

KESZLER Aude

KRIEGK Jean-François

LA RAUDIÈRE (de) Laure

LADOUX Laurence

LAFONT Sylvain

LAISNEY Louis-Jérôme

LAJARTE (de) Camille

LARRIEU Peggy

LE BOURSICOT Marie-Christine

LE FUR Anne-Valérie

LE GALLOU Cécile

LE GRAND de BELLEROCHE Diane

LELIÈVRE-BOUCHARAT Martine

LEROY Michel

LISANTI Cécile

MAHINGA Jean-Grégoire

MARPEAU Benoît

MARTEL David

MARTIAL-BRAZ Nathalie

Page 68: dciv-2009-0066

68 R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L • D É C E M B R E 2 0 0 9 • N 0 6 6

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéL’appréhension de l’incorporel en droit des sûretés : aspects internationauxRLDC 2009/65, suppl., n° 3629

Reconstitution de la date et absence de signature du testament olographe : la position de la Cour de cassationRLDC 2009/66, n° 3657

Pour un principe directeur de bonne foi mieux préciséRLDC 2009/58, n° 3322

Rencontres Lamy du droit civil 2008L’offre et la cause au cœur du projet de réforme du droit des contratsRLDC 2009/58, suppl., n° 3358

Rencontres Lamy du droit civil 2008Jurisprudence 2008 : de l’audace !RLDC 2009/58, suppl., n° 3360

Procédure civile et voies d’exécution (août-novembre 2008)RLDC 2009/57, n° 3320

Procédure civile et voies d’exécution (décembre 2008-mars 2009)RLDC 2009/63, n° 3555

Les interactions positives du droit du surendettement et de la loi de modernisation de l’économieRLDC 2009/60, n° 3423

Les contrats à l’épreuve de la criseLes aspects corporateRLDC 2009/62, n° 3516

Spécificité de la responsabilité médicale à la croisée du droit commun et du droit de la santéRLDC 2009/57, n° 3290

Actes de disposition à titre gratuit et droit des incapacités : aspects pratiquesRLDC 2009/56, n° 3272

Pas d’action en retranchement pour l’enfant du défunt adopté par son conjointRLDC 2009/60, n° 3433

Droit des biens (octobre 2008-février 2009)RLDC 2009/58, n° 3354

Affaire Erika : la Cour de cassation prend parti sur l’application de la législation relative aux déchetsRLDC 2009/61, n° 3454

Droit des biens (mars-juin 2009)RLDC 2009/61, n° 3481

Droit des biens (juillet-septembre 2009)RLDC 2009/64, n° 3592

Les clauses abusives ont encore de beaux jours devant elles…RLDC 2009/60, n° 3440

Qui va à la chasse, perd sa place… au sein de l’article 1384, alinéa 1er, du Code civil RLDC 2009/58, n° 3328

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéPanorama des biens incorporels en droit argentinRLDC 2009/65, suppl., n° 3628

TA B L E A N N U E L L E D E S É C L A I R A G E S , É T U D E S , C H R O N I Q U E S , E N T R E T I E N S E T T R I B U N E S

MARTIAL-BRAZ Nathalie

MESA Rodolphe

MESTRE Jacques

MINIATO Lionel

MORRIS-BECQUET Géraldine

NEVZI Nadia

NEYRET Laurent

OMARJEE Imran

PARANCE Béatrice

PATETTA Gaëlle

PAULIN Alexandre

PÉREZ-HUALDE Fernando

Page 69: dciv-2009-0066

N 0 6 6 • D É C E M B R E 2 0 0 9 • R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L 69

Le droit des biens, prochain chantier de réforme ?RLDC 2009/56, n° 3280

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéLa place de l’incorporel dans l’avant-projet de droit des biensRLDC 2009/65, suppl., n° 3625

Droit des biens (octobre 2008-février 2009)RLDC 2009/58, n° 3354

Droit des biens (mars-juin 2009)RLDC 2009/61, n° 3481

Droit des biens (juillet-septembre 2009)RLDC 2009/64, n° 3592

Clarification du droit : les miscellanées de l’article 10 de la loi du 12 mai 2009RLDC 2009/63, n° 3554

Antennes-relais : distinguer risque, trouble et préjudice sur fond de principe de précaution !RLDC 2009/59, n° 3374

Recours des tiers payeurs et prestations forfaitaires : la Cour de cassation réécrit-elle la loi ?RLDC 2009/66, n° 3639

Le préjudice de l’ex-épouse de confession israélite lié à l’absence de possession du guett : la position du juge civilRLDC 2009/64, n° 3578

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéL’incorporalité en droit des biensRLDC 2009/65, suppl., n° 3624

Constitution d’une sûreté portant sur un bien indisponibleRLDC 2009/61, n° 3461

Rencontres Lamy du droit civil 2008La responsabilité du fait des produits défectueux : l’ordonnance du 22 août 2008RLDC 2009/58, suppl., n° 3362

Les contrats à l’épreuve de la criseLa théorie de l’imprévision et le bouleversement économique dans les contrats commerciaux et industrielsRLDC 2009/62, n° 3515

La Commission des clauses abusives, un ministère d’influence à succèsRLDC 2009/61, n° 3446

La hiérarchisation de la jurisprudenceRLDC 2009/65, n° 3622

Rencontres Lamy du droit civil 2008L’évolution législative du sort du dirigeant cautionRLDC 2009/58, suppl., n° 3364

Même de bonne foi, le conjoint du débiteur peut être justiciable de l’action paulienneRLDC 2009/56, n° 3244

Le contrat d’entreprise, un enjeu du mouvement de recodification du droit des contratsRLDC 2009/63, n° 3556

RÉTROSPECTIVE

2009

>

PÉRINET-MARQUET Hugues

PERRUCHOT-TRIBOULET Vincent

PIERRE Philippe

QUÉZEL-AMBRUNAZ Christophe

RÉGLIER Anne-Claire

REVET Thierry

RIASSETTO Isabelle

ROBERT Jacques-Antoine

ROTH Cyril

SABARD Olivia

SAINT-ALARY Bertrand

SAUTONIE-LAGUIONIE Laura

SÉNÉCHAL Juliette

Page 70: dciv-2009-0066

Survie de l’hypothèque à l’annulation du prêt pour lequel elle a été consentieRLDC 2009/62, n° 3498

Pas de reconnaissance valable pour une filiation déclarée par un tiersRLDC 2009/62, n° 3502

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéObservations finalesRLDC 2009/65, suppl., n° 3631

L’appréhension par le droit de l’incorporalitéL’appréhension par le droit de l’incorporalité : le droit commun est-il apte à saisir l’incorporel ?RLDC 2009/65, suppl., n° 3630

Droit de l’InternetRLDC 2009/59, n° 3405

« Simplifions nos lois pour guérir un mal français »RLDC 2009/58, n° 3353

70 R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L • D É C E M B R E 2 0 0 9 • N 0 6 6

TA B L E A N N U E L L E D E S É C L A I R A G E S , É T U D E S , C H R O N I Q U E S , E N T R E T I E N S E T T R I B U N E S

SÉVELY-FOURNIÉ Catherine

SIFFREIN-BLANC Caroline

TERRÉ François

THÉRY Philippe

TRÉFIGNY Pascale

WARSMANN Jean-Luc

Page 71: dciv-2009-0066

ou par l’avocat de toutes les parties, est légalement tenu pour reconnu au sens de l’article 1322 du Code civil. Lorsqu’une mention manuscrite est exigée par la loi, et sauf disposition expresse contraire, le contreseing de l’avocat se substitue à cette mentionmanuscrite». À suivre… (Proposition de loi AN n° 2014, 2009-2010)

82 %C’est le pourcentagede Français hostilesà une loi interdisant

la fessée.

Lutte contre lesviolences familiales

«Les violencesconjugales nesont pas unefatalité, (…)

il faut aller plus loin dans la mobilisa-tion». Tels sont les propos tenus parMichèle Alliot-Marie le 23 novembredernier. La ministre de la Justice pré-voit la présentation au Parlement d’untexte renforçant la lutte contre les vio-lences familiales avant la fin de l’an-née. Des mesures provisoires, commel’éviction du domicile, une aide maté-rielle, des décisions sur l’autorité pa-rentale, pourraient être ordonnéesdans le cadre d’une protection tempo-raire. Notamment, il serait prévud’étendre aux concubins et pacsés la possibilité d’être éloignés du domicile. Autres objectifs: mettre en place un accompagnement des enfants lors des visites familiales, et faire prendre en compte les violencespsychologiques.(www.presse.justice.gouv.fr) ◆

de trente ateliers de formation et de réflexion abordant toutes les facettesdu droit de la famille se succéderontau cours de ces deux journées.(Renseignements : www.cnb.avocat.fr)

Déménagementdu TGI de Paris

Le préfet de la régionÎle-de-France et la SNCF ont signé

la cession du site des Batignolles surlequel sera transféré en 2015 le tribu-nal de grande instance de Paris. Le montant de ce transfert s’élève à 53 millions d’euros, qui seront payésà la SNCF avant la fin de l’année 2009.En conformité avec le récent accorddu conseil municipal de Paris, le calendrier prévisionnel pour la réali-sation du nouveau tribunal de grandeinstance est le suivant : 1er trimestre2010: lancement des consultations; fin de l’année 2010: remise du rapportd’enquête publique; 2012: démarrage des travaux; 2015: livraison du bâtiment.(Communiqué du ministère de la Justice, 23 nov. 2009)

Le contreseingd’avocat

La proposition de loi déposée le 5 novembrepar le député

Étienne Blanc tient en un article 66-7qui serait inséré dans la loi n° 71-1130du 31 décembre 1971 (JO 5 janv. 1972)portant réforme de certaines profes-sions judiciaires et juridiques:«Le contreseing de l’avocat de chacunedes parties ou de l’avocat de toutes les parties sur un acte sous seing privéatteste que l’avocat a pleinement éclairéla ou les parties qu’il conseille sur lesconséquences juridiques de cet acte.L’acte sous seing privé contresigné par les avocats de chacune des parties

Fin annoncéedes conservateursdes hypothèques

L’article 21 duprojet de loi de finances rectifica-tive pour 2009

semble sceller le sort des conserva-teurs des hypothèques. La réformesupprimant ce statut se traduirait essentiellement par deux dispositions.D’une part, l’instauration, en rempla-cement du salaire du conservateur,d’une taxe finançant le service publicde la publicité foncière pris en chargeintégralement par l’État à compter de 2013. Les conservations des hypo-thèques seront donc remplacées pardes «services de la publicité foncière»qui reprendront les missions actuelles des conservations sans hausse de leurcoût pour les usagers. D’autre part, la substitution de la responsabilité de l’État à celle des conservateurs à ce titre.La mise en œuvre de cette réforme implique l’adaptation de nombreuxtextes législatifs et il est proposé d’habiliter le gouvernement à prendrepar voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la mise en œuvre de la suppression du statut des conser-vateurs des hypothèques.(Projet de loi AN n° 2071, 2009-2010, art. 21)

États générauxdu droit de la famille

Le Conseil nationaldes Barreaux organise, les 28 et29 janvier 2010, ses6e États généraux du droit de la familleà Paris. Ce rendez-vous incontournable

du Barreau de la famille réunit nonseulement des avocats venus de tousles horizons mais aussi des représen-tants ministériels, des magistrats, des professionnels du droit et d’autres professions intéressées par le droit dela famille. La plénière sera consacrée à«l’urgence et le droit de la famille».Suivront un point d’actualité juridiqueet judiciaire de la famille en 2009et une table ronde sur le thème de «L’acte d’avocat et ses implicationsen droit de la famille, de la filiation et du patrimoine». Un forum des commissions Famille des barreaux se réunira le vendredi 29 janvier. Plus

N 0 6 6 • D É C E M B R E 2 0 0 9 • R E V U E L A M Y D R O I T C I V I L 71

ÉCH

OS

Donation aux petits-enfants La limite d’âge pour l’exonération de droits de mutation des dons faits à un petit-enfantdevrait passer de 65 à 80 ans. Un amendement du sénateur Alain Lambert en ce sensa été adopté avec l’avis favorable du gouvernement le 25 novembre, dans le cadre de

l’examen du projet de loi de Finances pour 2010.(Projet de loi Sénat n° 100, 2009-2010)

...Dernière minute...

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Neuflize Vie

Neuflize Viemécènedes imagesPhotographiede Bernard Plossu

Pour Neuflize Vie, être assureur est indissociable du désir de protection. S’engager auprès de chacun d’entre vous, suivre votre évolution et celle de vos proches, vous accompagner de génération en génération, vous aider à préserver vos biens les plus précieux et à réaliser vos rêves... pour nous, c’est cela être assureur. Vous apporter notre expertise, c’est être fidèle à notre sens des responsabilités, du service et de l’innovation. Parce que le mondeet la vie sont en mouvement, notre écoute et notre capacité à réagir vous aident à envisager l’avenir en toute sérénité.Dans l’exercice de notre métier, comme dans notre action de mécène, nous veillons à la pérennité du patrimoine.

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Neuflize Vie 3, avenue Hoche 75008 Paris