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1 CONCERT THÉÂTRAL DE BABEL À GAZA À TRAVERS LA BIBLE (avec la poésie d’Adonis) ( ْنِ ملَابَ بِ إىَ لةَـزَ غْنِ مِالَـلِ خ ٱِابَـتِـكْ ل ٱِسّدَـقُـمْ ل( َـعَ مِـرْعِ شيسِونُدَ أmardi 10 mai 2011 (20h30) Église luthérienne du Bon-Secours 20 rue Titon, Paris 11° Direction musicale : François Nicolas Compagnie Les Rugissants Mise en espace : Grégoire Letouvet Récitants et chanteurs : Valéria Altaver, Carlos Andreu, Madonna et Georges Daccache, Simon de Gliniasty, Grégoire Letouvet Musiciens : Hélène Bass (violoncelle), Alexis Coutureau (contrebasse), Corentin Giniaux (clarinettes), Corentin Lallouet (hautbois), François Nicolas (piano & orgue), Jean-Baptiste Paliès (percussions) Photos de Taysir Batniji

DE BABEL À GAZA À TRAVERS LA BIBLE (سيِنوُدَأ ِرـْعِش ... · Ô toi l’homme accroupi dans le dictionnaire de la Révélation, qui es-tu ? ؟

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  • 1

    CONCERT THTRAL

    DE BABEL GAZA TRAVERS LA BIBLE (avec la posie dAdonis)

    ( )

    mardi 10 mai 2011 (20h30)glise luthrienne du Bon-Secours

    20 rue Titon, Paris 11

    Direction musicale : Franois Nicolas

    Compagnie Les RugissantsMise en espace : Grgoire Letouvet

    Rcitants et chanteurs :Valria Altaver, Carlos Andreu, Madonna et Georges Daccache,

    Simon de Gliniasty, Grgoire Letouvet

    Musiciens :Hlne Bass (violoncelle), Alexis Coutureau (contrebasse),Corentin Giniaux (clarinettes), Corentin Lallouet (hautbois),

    Franois Nicolas (piano & orgue), Jean-Baptiste Palis (percussions)

    Photos de Taysir Batniji

  • 2

    Sommaire

    1. Babel : Un dluge de langues 1 3

    2. Gense (I) : Hjar 2 5

    3. Gense (II) : Ismal 3 17

    4. Psaume : Psaume pour le temps prsent 4 24

    5. Proverbes 5 27

    6. Job : Lassurance dun Juste 6 29

    7. La bonne nouvelle se dit Justice 7 31

    8. Golgotha : Mon fils, mon fils, pourquoi mas-tu abandonn ? 8 32

    9. Actes des militants : La route peu frquente de Jrusalem Gaza 9 39

    avec ma trs amicale reconnaissance

    Mohammed Aouaz, Youssef Chdid, Georges Daccache, Ali Ibrahim, El Hocine Messadek et Abdelfattah Nissabouri

    pour leur contribution ltablissement minutieux des textes en arabecomme tous les amis qui mont second dans les diffrentes langues de Babel

    1 Sur un vers dAdonis2 Adonis (2007) : Histoire qui se dchire sur le corps dune femme3 Adonis (1983) : Ismal4 Adonis (1961) : Chants de Mihyar le Damascne5 Bible (Livre des Proverbes) & Proverbes arabes6 Bible (Livre de Job)7 Bible : Les vangiles (Lc 6, 24 & Mt 5,6)8 F. Nicolas ( Pre, ne vois-tu pas que je brle ? : S. Freud, La Science des rves)9 Bible : Actes des Aptres 8, 26-39

  • 3

    BABEL

    Humanit, houle dferlante, dluge de langues ADONIS 10

    Arabe bacharun tamju Huchduhum Tfna alsinatin ba-cha-run ta-m-ju Hu-ch-du-hum

    T-f-na al-si-na-tin

    Franais HUMANIT, HOULE DFERLANTE, DLUGE DE LANGUES Hu-ma-ni-t, hou-le d-fer-lan-te, d-lu-ge de lan-gues

    Grec ancien Anthrpoi, kuma rgnumnon, reuma glssn An-thr-poi, ku-ma r-gnu-m-non, reu-ma gl-ssn , , 11

    Latin Humanum genus, fluctus impetuosus, diluvium linguarum Hu-ma-num ge-nus, fluc-tus im-pe-tu-o-sus, di-lu-vi-um lin-gua-rum

    Portugais Humanidade, rebentamento de ondas, dilvio de lnguas Hu-ma-ni-da-de, re-ben-ta-men-to de on-das, di-l-vi-o de ln-gu-as.

    Anglais Humanity, swelling waves, floods of languages Hu-ma-ni-ty, swel-ling waves, floods of lan-guages

    Allemand Menschheit, strmende Brandung, Schwall von SprachenMensch-heit, str-men-de Bran-dung,

    Schwall von Spra-chen

    Italien Umanit, marggio dilagnte, dilvio di lngue U-ma-ni-t, ma-r-ggio di-la-gn-te, di-l-vio di ln-gue

    Russe Tcheloviechestvo, priboj boushoujouchiy potopom jazykovTche-lo-vie-ches-tvo, pri-boj bou-shou-jou-chiy po-to-pom [pa-to-pam] ja-zy-

    kov

    , ----, - --- --

    --

    Espagnol Humanidad, oleaje desbordante, diluvio de lenguas Hu-ma-ni-dad, o-lea-je des-bor-dan-te, di-lu-vio de len-guas

    Serbo-croate oveanstvo, talase pokuljali, bujice jezikaCho-ve-chan-stvo, ta-la-s po-ku-lja-li,

    bu-yi-ts ye-zi-ka , ,

    10 Ismal (1983) trad. F. Nicolas11 (esprit rude) = le "h" anglais, allemand ou arabe (esprit doux) = pas d'expiration ' = accent aigu (tonique) ~ = accent circonflexe (la voix monte et descend).

  • 4

    Japonais djinlui, koudak tchilu alanami, gungo no kozui[ jinrui, kudake chiru aranami, gengo no kzui ]djin-lui, kou-da-k tchi-lu a-la-na-mi, gun-go no ko-zui

    Persan bachariyat, Xzbe Xorchn, ToRyne zabnhba-cha-ri-yat, X-z-be Xo-r-chn,

    ToR-y-ne za-bn-h

    ] ]

    Nerlandais Mensheid, beukende branding, talenvloed Mens-heid, beu-ken-de bran-ding, ta-len-vloed

    Catalan Humanitat, onejada desbordant, diluvi de llenges Hu-ma-ni-tat, o-ne-ja-da des-bor-dant, di-lu-vi de llen-ges

    Hbreu enochut naHchol mithappeXet mabbul safot 12 e-no-chut naH-chol mit-hap-pe-Xet mab-bul sa-fot

    Polonais tchouovietchenstvo, napierajontsa fala, potop jenzykouf tchouo-vie-tchen-stvo, na-pie-ra-jont-sa fa-la, po-top jen-zy-kouf czowieczestwo, napierajac fala, potop jzykw[ czo-wie-cze-stwo, na-pie-ra-ja-c fa-la, po-top j-zy-

    kw ]

    Basque Gizadi, uhain urrakor, hizkuntza uholde Gi-za-di, u-hain u-rra-kor, hiz-kun-tza u-hol-de

    ***

    12 ch, u, h, H, X : comme en arabe

  • 5

    HJAR 13 14

    Une femme, exile, morte-vivante, et son fils

    . - .Lune, entre mes seins, lune de pierre, jadis blessure

    lexil nous fmes condamns. Est-ce cela, la Rvlation ?

    . Lexil est devenu ma demeure, une araigne pour tout voisin.

    Lexil, une promesse-pierre, dpart entre moi et moi-mme.

    - Est-elle deux, son corps et son nom ?

    - Son corps est dans un lieu, quand son nom vacille dans le non-lieu.

    .

    13 Histoire qui se dchire sur le corps dune femme (Mercure de France, 2008) - traduction (rvise par mes soins) de Houria Abdelouahed14 Petit rappel sur Abraham et Hjar, Ismal et Isaac (Gense, chapitres 16, 21 et 25)Ismal/Ismal (isml) [ Dieu a entendu ] est le premier fils dAbraham/Ibrahim (ibrhm). Sa mre, Agar/Hajar (hjar) [ lmigre ], seconde femme dAbraham, tait lesclave gyptienne de Sarah/Sara (sra) (la premire pouse, strile, dAbraham) qui loffrit son mari. La jalousie de Sarah, son dpit devant lauto-mancipation de Hjar, la peur enfin que son fils tardif Isaac/Ishaq (isHq) ait partager avec son frre an lhritage dAbraham condamnrent Hjar et Ismal la relgation dans le dsert. Ils y furent sauvs de la mort par Yahv/Allah ( allh) qui promit Ismal, devenu frre an dIsaac - et futur oncle de Jacob-Isral/Yacoub-Isral (yaqb-isrl) - que sa nombreuse descendance (marque dune circoncision spcifique - la pubert, non la naissance) formerait un grand peuple.

  • 6

    Quelle est cette terre, quel est son nom ?

    - La terre dexil est prire.

    . . La terre qui fut silence et sommeil commence parler, ouvre ses paupires, sengouffre sous mon vtement.

    . Pourquoi ne courtiserais-je pas les rivages de ma terre, ses forts, les montagnes et leurs abmes ?

    Sa terre est sa plaie.

    . Ni eau, ni bl.

    . Lhorizon dessin par la main du soleil est dsert.

    . Et dans mes pas un dsert ; ma couche, ma tte et mon cur : un dsert.

    . - Je secoue cet espace trop lourd -

    .

  • 7

    je ne possde que ce dsert.

    . Crpuscule total, crpuscule des gars.

    . . Mon crpuscule est mon amant.

    . Que dirais-je mon enfant ?

    Mon angoisse en toi est que la prophtie ne frle que lcume des paroles.

    . Dirais-je mon enfant : tu nes pas arriv comme un soleil ni comme une source, tu es venu chane et loi ?

    - Mon enfant ressemble un lzard rti vivant sur le feu, le feu de la paternit.

    . Le sable connat-il la trace que laisse le lzard ?

    Mon enfant est crpuscule 15.

    15 Mot mot : Mon enfant est un crpuscule total.

  • 8

    Hjar allaite lenfant de ses illusions.

    .

    Quest-ce que la ville, bdouin ?

    Ce sont les spectres de nos aeux.

    Que cette ville devienne blier !

    !Je loffrirai mon enfant, offrande de refus en proclamant le dcs de la paternit. Comment ? Pour quelle raison nous a-t-il ici abandonns ?

    . Que dirais-je un enfant en exil ds le berceau ?

    Dirais-je : la couche de ton pre est drape doubli ?

    : toi lhomme accroupi dans le dictionnaire de la Rvlation, qui es-tu ?

    pre, pourquoi Dieu ne seffraie-t-il pas de ce que tu as commis ?

  • 9

    Dis-moi : pourquoi nest-il pas scandalis ?

    : Pourquoi le ciel perd-il la raison si un rocher se rebelle et jette une fleur sous sa fentre ?

    Pourquoi toi, labsent clairant qui nclaire que nos illusions et cela mme qui ne sillumine pas, pourquoi ne viens-tu pas ?

    Les vagues de notre Histoire sont immobiles.

    . Le chef de la tribu est un absurde fougueux.

    . Pourquoi ne vois-tu pas comment nous nous enlisons dans nos corps, toi labsent qui ne vient pas ?

    Toi qui tais mon poux, mon angoisse est que ma tte est pleine de ton vide, et ton plein est redondance de nous .

    .Dclin.

    . Passants dconcerts, dites : Dans la sagesse de la Rvlation, la fraternit est-elle meurtre ?

    :

  • 10

    Il est temps de rejoindre lombre.

    . Que dirais-je ce ciel dont les rgles mont asservie ?

    Le ciel me voile.

    . Le ciel est dcombres dun minral nigmatique.

    . Laisse-moi, ciel, cette cendre, ma poitrine brise, ma passion qui gt cadavre.

    . Jette mon corps o tu voudras !

    !Fermez la porte du ciel, fermez !

    !Un corps gnreux ne frappe pas cette porte, ni naccepte dy entrer.

    . Mes pchs lgard de la divinit sont-ils illimits ?

  • 11

    Pourquoi donc Dieu a-t-il privilgi certains de ses enfants ?

    Sil y a vraiment un Seigneur, pourquoi ne dit-il pas ses enfants : Vous tes gaux ?

    : Pourquoi donne-t-il celui-ci la demeure de celui-l ?

    Pourquoi permet-il celui-ci de rgner ordonnant lautre de lui tre esclave et serviteur ?

    Le chemin vers Dieu est-il grammaire et conjugaison ?

    Un livre veille sur mon corps.

    . Il nnonce que les dires du crpuscule.

    . Mes pas forment mon livre, et ma langue forme mes pas.

    . Je pars et reviens, feuillet de poussire, page dtincelles, phrases qui se croisent dans les tnbres.

    .

  • 12

    Cette femme est une langue mise en sommeil 16.

    .

    Sur mes pieds une herbe sest penche.

    Jentends autour de moi lherbe gmir.

    . Elle murmure : L, ce sont des couches dans lattente de leurs visiteurs.

    : Lherbe est lignes, la terre un cahier, et je suis lencre de ce lieu.

    Voici une femme qui allaite de ses humeurs le temps et les gens.

    . Je ne me sens pas vivante si je ntreins un autre corps.

    . Je mouvre terre bouleverse.

    . - Mon corps est argile damour.

    16 Traduction de dpart : endormie . Mais le mot mot serait qui a t endormie

  • 13

    Hjar est-elle notre origine ?

    Mon corps est une guenille, disent leurs crits.

    . Je persiste dans lignorance de moi-mme.

    . Mon dlire est-il ma raison, et mon espoir mon oppression ?

    Une rvolte insiste.

    . Il se peut que la terre se relve, sans commandant, et sans tutelle.

    . : Je suis linsomnie de la lumire dans la langue-mre.

    . - Mon angoisse se nourrit du sable.

    . Seuls nous restent nos dcombres.

    . Le soleil aujourdhui est couleur du corbeau.

  • 14

    Les dents des cieux tombent ronges.

    . Le soleil aujourdhui est couleur dadieu.

    . Ne suis-je que simple allgorie ?

    La nuit des humains ligote avec les lianes des prophties est angoissante.

    . Autour de moi le dsordre des sables et le dsordre des vents.

    . Il se peut que leur histoire imprime sa trace sur le sable.

    . Comme moi, le soleil a pleur telle une herbe refusant de rvler son nom.

    Quelle est amre la route vers Zamzam !

    !Suis-je devenue telle un caillou ?

  • 15

    Ici se croisent les chemins ouverts par lexil ainsi que tous ceux qui se livrrent leffacement puis disparurent.

    . Ils ont dit : Demain, la mort sera gorge.

    . : Quand sera-t-elle immole, et en quel lieu ?

    Et je rpte en ce moment les paroles que lair lui-mme, au dsespoir des arbres, na pas dites.

    . Vois comme les choses se distinguent de leur nom, comme sbranle la terre de la parole.

    Jaspire au sommeil dans une houle qui veille.

    . Mon sang adore le chant.

    . Nous ne voyons que les traces de la poussire, nous nentendons que ce quelle chante.

    Autour de moi une lumire qui nclaire pas.

  • 16

    Le fuseau du soleil na pas de fil hormis la paille.

    . Les anges sont-ils aujourdhui dans linsouciance ?

    Hjar entreprend de tracer la route vers limpossible.

    Suis-je ici tempte, mon enfant [est-il] sable ?

    Hjar et son fils sont prisonniers des tnbres.

    . Guidons-les !

    !

    ***

  • 17

    ISMAL 17

    I. PAROLES DISMAL

    I.1 - Drap dans mon sang, je marche. Des laves me dirigent et des boulis m'orientent.

    . / - I.2 - Et moi, banni par toutes les tribus, embrass dans les blessures, j'embrasse la terre assassine

    . / I.3 - et je dresse mon campement dans mon sang. Je guette ltincelle-guide.

    . / I.4 - Dsert des livres qui s'effritent - dsert, collier de sables dont les caravanes sont le fil.

    . - / I.5 - Mes ruines m'apostrophent et mon discours me nie.

    . / I.6 - Jai dit adieu, et le dclin sest imprim sur mon front.

    . I.7 - Je me souviens dune nation obsde jusquau dlire par ses ultimes vestiges, fauve sans tte qui se couronnait matre.

    . / / :

    17 Ismal (1983) - traduction (rvise par mes soins) de C. Abdelamir et S. Sautreau

  • 18

    I.8 - Nation fire dun trne dos, cit des langues coupes et pitines, va erre !

    . / ! / / / I.9 - Demande au corbeau de lalphabet le corps dIsmal ! Ismal est latlas des temps.

    .( ) - II. LA TERRE D'ISMAL

    II.1 - Un feu lui vient dune terre en suspens endormie sous un oreiller.

    . II.2 - Les rves dIsmal sont prosterns, et son front est de poussire.

    . II.3 - Ismal n'est quune voix sans espace, une voix o tout strangle.

    . / II.4 - Son ombre est une terre ouvrant ses champs comme des lits, une terre offerte.

    . / II.5 - Et pour son ombre, il y a des patrouilles de nuit.

    . / II.6- Mais Ismal est blessure.

    .

  • 19

    II.7 - Le poumon des temps sest dchir. La terre est loque de tisserand.

    . / II.8 - Un pote hurle : Mon peuple est horizon de sang, et lhorizon pour lhorizon se fait nigme.

    . / : III. QUI ES-TU, ISMAL ?

    III.1 - Qui es-tu, Ismal ? Tes pas sont une hmorragie de livres.

    . / III.2 - En chaque lettre, un gouffre ; en chaque virgule, un mirage, un verbiage, et une vaticination

    / / III.3 - Tu mas scind en deux. De moi, tu as spar mon sang.

    . / III.4 - On a dit que pour toi le soleil est une outre et la terre une assiette.

    ... IV. PAROLES DU CRPUSCULE

    IV.1 - Je tinvite, Ismal.

    .

  • 20

    IV.2 - Le vin de notre pacte est tir, et la table du crpuscule baigne dans son extase.

    . / / IV.3 - Jinaugure la fin : je ne suis pas de ta ligne - je m'en arrache.

    . : / IV.4 - Jachve ce que tu as commenc et je dresse banquet au portique des temps.

    . - IV.5 - Je marrache de toi et, crateur, je prlude au commencement.

    . / IV.6 - Je cre le jeu, tel le visage de Dieu nageant dans les eaux de lalphabet.

    . IV.7 - nouveau, japprends les mots et matrise leurs secrets.

    . IV.8 - Et je dis : mes racines sont jeu, errance en liesse, rvlation transfigurant toute lumire en passion et sillonnant la poussire la faon des sources.

    . : / - / / IV.9 - Et je dis : mes anctres sont passion despace, de cette passion qui a tiss son voile avec le corps de lair pour que mhabille laube.

    . : / / IV.10 - Mon dsespoir est un masque. Ma colre, une gazelle farouche garde par un enfant.

    . /

  • 21

    IV.11 - Pour pouvoir couter le murmure de gorge du crpuscule, sa voix, jai offert mes encriers aux feuilles des saisons.

    . / IV.12 - En ce corps-l, que jai nomm Patrie et qui a vcu sans patrie, je me suis drap de ma posie comme dun suaire.

    . / / IV.13 - Jai offert aux tuiles enneiges mes pomes pour les rchauffer.

    . / IV.14 - Aux cils du vent, jai offert mes fentres. Jai offert le plus beau de mon enfance Ismal.

    . / IV.15 Ainsi parla le crpuscule.

    . V. LE CRPUSCULE GUIDE

    V.1 - Ismal entre en crpuscule.

    . V.2 - Dicte dun dsert dont le rythme est tte qui roule.

    . - V.3 - Et la nature entre en extase de crpuscule. Mon sang est lode du crpuscule.

    . /

  • 22

    V.4 - Le voil, je le salue, le crateur aux doigts gels.

    . / V.5 - Le voil, le crpuscule grandiose. Je vais dessiner sur ma main son toile.

    . V.6 - Le voil, le crpuscule-guide.

    . V.7 - Lpaule du jour est blesse, et la nuit boite.

    . V8 - Ce qui fut a t. Citadins et bdouins, dictionnaire dun mythe.

    . - / V.9 - Assis sur la pierre de loracle, un singe mobserve :

    : / V.10 - lui dirai-je quIsmal est mon feu, que Hjar est mon foyer et Abraham un glacis ?

    / V.11 - Et je dis que Hjar nest pas migre.

    . V.12 - Jai offert mon sicle la poussire, tel un spectre install dans le sein de lclipse pour une histoire qui va venir et dont jentends presque les pas.

    . / -

  • 23

    V.13 - Du corps des lieux ne reste que poussire; je lai enlace, acte et argile de crateur.

    . / VI. NOUS

    VI.1 - Crpuscule, le ciel heurte nos pas.

    . VI.2 - Et nous avons peur rien qu toucher le pain

    VI.3 - Nous allons dclamer le verset des entrailles, la tentation du premier chaos.

    . VI.4 - Dans la fort des choses, nous dchiffrons un roc ambigu.

    . - / VI.5 - Nous coutons le murmure dun jasmin, tout ce qui vibre au cur des champs.

    . / VI.6 - Lunivers est dencre et la posie prlude la lucidit.

    . / Et nous mancipons la langue ensevelie.

    .

    ***

  • 24

    PSAUME 18

    Psaume pour le temps prsent ami du dsespoir et de lesprance,

    lesprance a migr sur les paules dun nuage.

    Il y a une heure qui ne vient pas.

    Les cendres de nos jours jonchent la terre.

    Chemin qui ne sais commencer !

    Nous avons besoin que quelque chose naisse.

    O, mais o trouver un nouveau jour ?

    O trouver la rsurrection des racines, la rsurrection des noces, des ports et des rcitants, la rsurrection des mers ?

    18 Chants de Mihyar le Damascne (1961) traduction (rvise par mes soins) dAnne Wade Minkowski

  • 25

    Nos paroles sont sans hritier.

    monde par du rve et de la nostalgie !

    Quimporte le possible !

    Dans nos hymnes nous cherchons un monde qui commence la pointe du monde.

    Le monde nest que choix.

    Nous dcouvrons notre poque une intonation et un timbre.

    La disparition nous lie tout ce qui est autre.

    Entre nous schange une langue pour la distance que nul autre ne comprend.

  • 26

    Nous voici entamant un dialogue avec la langue vnrable.

    langue des dcombres !

    Nous btirons sur labme, nous demeurerons sur le cratre du futur.

    De la soie des pomes nous tissons un ciel neuf.

    Notre ciel est de sable.

    La terre est lave sous nos pas.

    Nous grandissons et les gens grandissent avec nous. Les humains !

    . ! Notre feu marche sur la ville.

    ***

  • 27

    PROVERBES

    Livre des proverbes (Bible) 19

    Chaque principe une lumire (6, 23) 20

    ach-cha-r-a-tu n-run.

    Qui trace une ligne survit. (16, 17) 21

    H-fi-Zun naf-sa-hu H-fi-Zun Ta-r-qa-h(u).

    Vient la brute, vient le mpris, vient lordure, vient la honte. (18, 3)

    j-a_ch-chir-r-ru wa_l-aH-ti-q-ru wa_l-ha-w-nu wa_l--ru.

    19 Trad. en franais de Pierre Alferi et Jean-Jacques Lavoie (Bayard)20 Traduction littrale de larabe : La loi est une lumire. 21 Traduction littrale de larabe : Celui qui se prserve prserve sa voie.

  • 28

    Proverbes arabes

    chaque langue, un nouvel homme

    kul-lu li-s-nin bi-in-s-nin.

    L'ne a fait le philosophe puis il est mort.

    ... ta-fal-sa-fa_l-Hi-m-ru fa-m-t(a).

    Le commencement du feu est une tincelle.

    an-n-ru aw-wa-lu-h cha-r-ra-tun.

    Il suffit dune tincelle pour allumer un incendie.

    mu-Za-mu_n-n-ri min mus-taS-Ra-ri_ch-cha-r-ra-ti.

    Quand le destin tombe, lespace se rtrcit. 22

    i-z na-za-la_l-qa-D-u D-qa_l-fa-D-u.

    Les murs servent aux fous de papier crire.

    al-H-T-nu wa ra-qu_l-ma-j-n-n(i).

    22 Seconde partie dun vers de posie

  • 29

    JOB-AYOUB 23

    Il y avait dans un pays arabe un homme du nom de Job. Cet homme intgre et droit tait le plus grand de tous les fils de lOrient. Satan suggra : Est-ce bien gratuitement que Job est ainsi ? . Et les malheurs sabattirent sur Job

    Lassurance dun Juste : paroles de Job

    [17, 12] Ils ont mis la nuit pour le jour et prtendent que la lumire longe les tnbres !

    " ! " : [13, 4] Vous rapicez des mensonges, vous tes des mdecins de nant.

    .[31, 35] Qui me fera trouver quelquun qui mcoute ?

    [17, 15] Mon esprance, qui lentrevoit ?

    [6, 11] O est ma force pour que jespre encore ?

    [6, 10] Jaurais du moins cette consolation de navoir pas reni.

    23 Petit rappel sur Job (voir le Livre de Job) : Job/Ayoub (ayyb) habitait le pays dUts, situ en dom (au sud-est de la mer Morte). Appartenant une nation ennemie dIsral et de Juda, il ntait srement pas descendant dIsaac. tait-il pour autant descendant dIsmal ? Certains en conviennent, par exemple Louis Massignon : Job, un Arabe de Bosra, en Hauran (lui assignant ainsi une origine cette fois en Syrie du sud, au nord-est du lac de Galile).

  • 30

    [27, 5-6] Jusqu la mort, je maintiendrai mon intgrit. Je suis rompu la justice, et ny renoncerai pas. Ma conscience ne blme aucun de mes jours.

    . . [19, 4] Mme sil tait vrai que jaie err, ceci ne regarderait que moi.

    . [13.18] Je sais que la justice est de mon bord.

    . [19, 29] La justice de ma cause sera reconnue.

    . [19, 23-24] Que lon crive mes paroles, les fixe dans un livre et dun burin de fer et de plomb, quon les incise dans le roc.

    .

    [17, 9] Le juste sattache sa route et persvre dans leffort.

    .

    ***

  • 31

    LA BONNE NOUVELLE SE DIT JUSTICE 24

    Paroles de Jsus 25 :

    Malheur vous les riches ! Joie ceux qui ont faim et soif de justice !

    !

    !

    24 vangiles (Sermon des Batitudes) : Lc 6, 24 Mt 5,625 yas pour les arabes chrtiens, et s pour les arabes musulmans (cf. le Coran)

  • 32

    GOLGOTHA Pome de Franois NICOLAS

    traduction : El Hocine MESSADEK et Mohammed AIOUAZ

    [ Le fils [F] est dans le lointain ; le pre [P] est au centre de la scne. ]

    F.I.1 - Pre, ne vois-tu pas que je brle ? 26

    F.I.2 - Pre, ne vois-tu pas que je meurs en silence tes cts ?

    F.I.3 - Pre, ne vois-tu pas ton fils qui sembrase et qui hurle ?

    F.I.4 - Pre, que fais-tu donc, que fais-tu endormi quand je souffre ?

    F.I.5 - Pre, pourquoi dors-tu ainsi quand ton enfant appelle ?

    F.I.6 - Pre, pre, pourquoi mabandonner ainsi aux flammes sans un regard ?

    P.I.1 - Je tentends mal, mon fils, tu sais, je tentends mal.

    . 26 Vater, siehst du denn nicht da ich verbrenne ? [ Pre, ne vois-tu pas que je brle ? ] Sigmund Freud (Traumbuch - La Science des rves)

  • 33

    P.I.2 - Mon fils, les pres sont parfois fatigus.

    . P.I.3 - Mon fils, jen sais si peu, mes bras sont lourds, ma tte est toute vide.

    . P.I.4 - Fils chri, tes paupires sont en feu, ton visage est de braise ?

    P.I.5 - Mon fils, pourquoi ne mas-tu pas veill cette nuit ?

    F.II.1 - Pre, cette nuit est celle de tous les incendies.

    . F.II.2 - Pre, pre, je crie de toutes mes forces, mes poumons nont plus dair.

    . F.II.3 - Pre, je pleure toutes mes larmes, je nai plus rien dj pour calmer la fournaise.

    . F.II.4 - Pre, jai mal aux yeux, mon ventre se calcine et les crotes me grillent.

    . F.II.5 - Pre, reconnais-tu ma voix ? Mes sanglots maffaiblissent et je suis dj loin.

    .

  • 34

    P.II.1 - Mon fils, fils ador, je te discerne mal.

    . P.II.2 - fils, je ne tabandonne pas ; je marche, tu sais, et je te cherche.

    . P.II.3 - Mon fils, il est si dur dentrouvrir les yeux.

    . P.II.4 - Mon fils, je textrairai des flammes, mais o es-tu couch ?

    F.III.1 - Pre, pourquoi ne viens-tu pas ? Je suis l, je te vois.

    F.III.2 - Pre, il nest plus temps dattendre, je me meurs.

    . F.III.3 - Pre, pourquoi ne me sauves-tu pas ? Pourquoi ainsi me laisser seul ?

    F.III.4 - Pre, quas-tu donc, pourquoi es-tu dun coup si ple ?

    F.III.5 - Pre, cest moi qui crpite tes flancs, cest mon crne qui clate, cest mon dos quon attise.

    .

  • 35

    F.III.6 - Pre, pre, pourquoi ne me parles-tu pas ?

    P.III.1 - Mon fils, ma langue mtouffe, mes dents se creusent.

    . P.III.2 - Mon fils, la salive envahit mon palais et mes ongles se rtractent.

    . P.III.3 - Mon fils, je suis l et jaccours et je ne bouge pas.

    . P.III.4 - Mon fils, laisse-moi un instant, laisse-moi prendre force.

    . P.III.5 - Mon fils, fils lger, jarrive, je prends lan.

    . F.IV.1 - Pre, ma chevelure sembrase.

    . F.IV.2 - Pre, les brandons brlent mes cils, les braises gonflent mes lvres.

    . F.IV.3 - Pre, nattends pas plus longtemps, les tisons lchent mes joues, la cendre emplit ma bouche.

    .

  • 36

    F.IV.4 - Pre, jai mal aux jambes, ltau me broie et la fume mtouffe.

    . F.IV.5 - Pre, je ne reproche rien ; je taperois et tu ne me vois pas.

    . F.IV.6 - Pre, lve les yeux un instant et contemple ton fils qui flambe sans un bruit.

    . F.IV.7 - Pre, regarde mon lit incendi, mes habits dvasts.

    . F.IV.8 - Pre, regarde les jouets de ton fils qui grillent avec lui.

    . F.IV.9 - Pre, ne tendors pas quand je te nomme, quand jattends la fracheur de tes mains.

    . P.IV.1 - Mon fils, encore un peu de temps, je reprends mes esprits, je ne sais o je suis.

    . P.IV.2 - Mon fils bien-aim, es-tu dj si loin que je nentende rien de tes plaintes, de tes cris ?

    P.IV.3 - Tu riais autrefois, tu chantais des eaux claires, tu aimais les jeux purs.

    .

  • 37

    F.V.1 - pre, je dois te dire adieu. Ma peau nest plus que plaie et mes genoux grsillent, mes orbites se dilatent.

    . F.V.2 - pre, il va tre trop tard. Ma nuque se brise, ma langue se consume.

    . F.V.3 - Pre, vite, il nest que temps.

    . F.V.4 - Pre, pre, je meurs et tu nauras rien fait.

    . F.V.5 - Pre, il est trop tard dj, tu sais.

    . F.V.6 - Pre, gentil pre, mon doux pre, adieu !

    . P.V.1 - Mon fils, je suis tes cts depuis le commencement.

    . P.V.2 - Mon fils, je taccompagne et je ne peux rien faire.

    . P.V.3 - Mon fils, je te regarde, je te caresse et je te pleure.

    .

  • 38

    P.V.4 - Mon fils, un pre nest quun homme misrable, aux bras si courts, aux penses si troites.

    . P.V.5 - Mon fils, je ne suis pas bourreau. Un pre est une maigre chose, un nom port, un froncement de sourcils.

    . . P.V.6 - Mon fils, un pre est toujours plus petit que son fils.

    . P.V.7 - Mon fils, ce serait bien toi de me sauver, de me bercer.

    . P.V.8 - Mon fils, je tiens ta tte entre mes mains et je baise tes yeux et je noie mon visage dans tes cheveux dors.

    . P.V.9 - Mon fils, la charge tait trop lourde.

    . P.V.10 - Mon fils, nul nest coupable, vois-tu. 27

    . P.V.11 - Mon fils, mon fils, pourquoi mas-tu abandonn ? 28

    ***

    27 De quoi brle-t-il sinon du poids des pchs du pre. [] Lhritage du pre, cest son pch. Jacques Lacan (Sminaire XI, p. 35) 28 Cf. en aramen l, l, lama sabaqthani ? [ Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi mas-tu abandonn ? ] Jsus (Mc 15, 34)

  • 39

    LA ROUTE PEU FRQUENTE DE JRUSALEM GAZA

    Actes des Aptres (8, 26-39) 29

    (26) LEsprit sadressa Philippe : Pars vers le Sud sur la route peu frquente qui descend de Jrusalem Gaza ! Elle est dserte.

    :

    Aber der Engel des Herrn redete zu Philippus und sprach: Stehe auf und gehe gegen Mittag auf die Strae, die von Jerusalem hinabgehet gen Gaza, die da wste

    ist.

    : , , , , .

    (27-28) Philippe partit sans tarder. Il trouva sur la route un Africain retournant chez lui qui lisait la prophtie :

    : . Und er stund auf und ging hin. Und siehe, ein Mann aus Mohrenland, welcher war ber ihre ganze Schatzkammer, der war kommen gen Jerusalem, anzubeten, und

    zog wieder heim und sa auf seinem Wagen und las den Propheten.

    . , , , , , , , .

    29 Petit rappel du contexte: cet pisode (post-Pentecte) met en scne la premire conversion la nouvelle foi, en loccurrence celle dun thiopien.

  • 40

    (32) On le mena comme on mne un mouton labattoir.

    . Er ist wie ein Schaf zur Schlachtung gefhrt.

    , .

    (33) Humili, justice ne lui a pas t rendue. Qui fera le rcit de sa descendance ? Sa vie est efface de la surface de la terre.

    In seiner Niedrigkeit ist sein Gericht aufgehoben. Wer wird aber seines Lebens Lnge ausreden? denn sein Leben ist von der Erde weggenommen.

    . ? .

    (34) LAfricain demanda Philippe : De qui parle-t-on ? ,

    : Da antwortete der Kmmerer dem Philippus und sprach: Ich bitte dich, von wem redet der Prophet solches?

    : : ?

    (35) et Philippe lui annona la bonne nouvelle.

    . Philippus aber tat seinen Mund auf und predigte ihm das Evangelium.

    .

  • 41

    (36) Arrivs une halte offerte par un point deau, lAfricain demanda : Quest-ce qui mempche dadhrer ? ,

    : Und als sie zogen der Strae nach, kamen sie an ein Wasser. Und der Kmmerer sprach: Siehe, da ist Wasser; was hindert's, da ich mich taufen lasse?

    , , ; : ; ?

    (38) et Philippe lincorpora.

    . Und Philippus taufte ihn.

    .

    (39) Alors lEsprit enleva Philippe, et lAfricain poursuivit sa route vers Gaza, dsormais tout joyeux.

    . Da sie aber heraufstiegen aus dem Wasser, rckte der Geist des Herrn Philippus hinweg, und der Kmmerer sah ihn nicht mehr; er zog aber seine Strae frhlich.

    , , , , , .

    ***