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B ruxelles, avril 2015 Un sommet européen extraordinaire – le jeudi 23 avril 2015 – a été consacré aux «pressions migratoires en Méditerranée». Après avoir observé une minute de silence en hommage aux victimes des naufrages qui, en quelques jours, ont provoqué la mort de plus de 1000 personnes en quête de protection en Europe, les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne décident... de ne rien faire pour mettre fin à cette hécatombe. Pire: en renforçant les moyens de l’agence Frontex – dont la mission est de surveiller les frontières et de dissuader l’immigration irrégulière, pas de faire du sauvetage – et en annonçant qu’ils vont s’attaquer à la principale «source» du problème – l’incontrôlable Libye – pour bloquer les tentatives de départ, les 28 Etats membres de l’Union Européenne (UE) ont choisi de rendre encore plus difficile la traversée, de renchérir le prix du passage et de renvoyer des réfugiés dans les mains de leurs persécuteurs. Et ce, malgré les exhortations venant de toutes parts, notamment du Haut Commissariat des nations unie pour les Réfugiés (HCR) qui les invite depuis quatre ans à faire preuve de solidarité en accueillant des réfugiés. Le sommet se conclut sans aucun engagement ferme d’accueil des exilés dans les pays européens. De Evian à Bruxelles: quand l’histoire bégaie! Mouvement pour le socialisme (MPS) • www.alencontre.org Les normes de l’Union européenne (UE) en ma- tière d’asile prônent «un espace de liberté, de sé- curité et de justice ouvert à ceux qui, poussés par les circonstances, recherchent légitimement une protection dans l’Union». Elles prétendent assu- rer la «mise en place d’un régime d’asile euro- péen commun, fondé sur le principe de non-refoulement». Or, la pratique des divers Etats de l’Europe – signataires des Conventions de Schengen et Dublin – est totalement à l’op- posé de ces «engagements». Le droit d’asile – pour des personnes dont la vie est en danger – est nié. Ce qui équivaut à un crime, comme l’histoire l’a démontré. Des guerres – résultats des interventions directes ou indirectes des puissances dominantes occiden- tales (de l’Irak à l’Afghanistan) et d’acteurs ré- gionaux (Syrie, Arabie Saoudite, etc.) – tuent des dizaines de milliers d’êtres humains. Elles contraignent à l’exil des centaines de milliers d’autres, avant tout dans des pays voisins (Liban, Jordanie, Turquie). Or, ces guerres disparaissent des radars des grands médias. Les seuls coupables: les mafias de passeurs! Mais le commerce ignoble de ces mafieux prospère parce que le mur de Frontex (auquel la Suisse contribue) s’ajoute aux autres vrais murs. Ils me- surent déjà 9600 kilomètres dans le monde. De plus, ces mafieux collaborent avec les pou- voirs qui sont financés par les pays européens afin de «contenir les migrants» aux «frontières de l’Occident». Silence est aussi fait sur les études démontrant que la «fermeture des frontières» n’arrête pas «les flux migratoires». Au contraire. D’ailleurs, la formule «flux migratoire» a pour but de ca- cher qu’il s’agit d’hommes, de femmes, d’enfants dont la vie est si brutalisée que le «risque de la mort» ne fait plus sens. Le vocabulaire hypocrite qui nourrit, aujourd’hui, les discours officiels ressemblent fort à celui des «régimes forts» des années 1930. Les conditions infligées aux migrant·e·s – avant leurs départs des pays dits frontières ou au sein de l’Europe en tant que «clandestins» – sont la pointe de l’iceberg des politiques qui mettent en cause, de plus en plus, les droits sociaux. • D’où la nécessité de construire une convergence entre celles et ceux qui, sous des formes diverses, se battent pour des droits qui se doivent d’être universels. • D’où l’importance de combattre la xénophobie venue d’en haut et qui ne cesse de faire appel au mythe des «appels d’air». (MPS)

De Evian à Bruxelles: quand l’histoire bégaie!...péen commun, fondé sur le principe de non-refoulement». Or, la pratique des divers Etats de l’Europe – signataires des Conventions

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Page 1: De Evian à Bruxelles: quand l’histoire bégaie!...péen commun, fondé sur le principe de non-refoulement». Or, la pratique des divers Etats de l’Europe – signataires des Conventions

Bruxelles, avril 2015Un sommet européen extraordinaire – le jeudi 23avril 2015 – a été consacré aux «pressionsmigratoires en Méditerranée». Après avoir observéune minute de silence en hommage aux victimesdes naufrages qui, en quelques jours, ont provoquéla mort de plus de 1000 personnes en quête deprotection en Europe, les chefs d’État et degouvernement de l’Union européenne décident...de ne rien faire pour mettre fin à cette hécatombe.Pire: en renforçant les moyens de l’agence Frontex– dont la mission est de surveiller les frontières etde dissuader l’immigration irrégulière, pas de faire

du sauvetage – et en annonçant qu’ils vonts’attaquer à la principale «source» du problème –l’incontrôlable Libye – pour bloquer les tentativesde départ, les 28 Etats membres de l’UnionEuropéenne (UE) ont choisi de rendre encore plusdifficile la traversée, de renchérir le prix du passageet de renvoyer des réfugiés dans les mains de leurspersécuteurs. Et ce, malgré les exhortations venantde toutes parts, notamment du Haut Commissariatdes nations unie pour les Réfugiés (HCR) qui lesinvite depuis quatre ans à faire preuve de solidaritéen accueillant des réfugiés. Le sommet se conclutsans aucun engagement ferme d’accueil des exilésdans les pays européens.

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Les normes de l’Union européenne (UE) en ma-tière d’asile prônent «un espace de liberté, de sé-curité et de justice ouvert à ceux qui, poussés parles circonstances, recherchent légitimement uneprotection dans l’Union». Elles prétendent assu-rer la «mise en place d’un régime d’asile euro-péen commun, fondé sur le principe denon-refoulement». Or, la pratique des diversEtats de l’Europe – signataires des Conventionsde Schengen et Dublin – est totalement à l’op-posé de ces «engagements». Le droit d’asile –pour des personnes dont la vie est en danger – estnié. Ce qui équivaut à un crime, comme l’histoirel’a démontré.Des guerres – résultats des interventions directesou indirectes des puissances dominantes occiden-tales (de l’Irak à l’Afghanistan) et d’acteurs ré-gionaux (Syrie, Arabie Saoudite, etc.) – tuent desdizaines de milliers d’êtres humains. Ellescontraignent à l’exil des centaines de milliersd’autres, avant tout dans des pays voisins (Liban,Jordanie, Turquie). Or, ces guerres disparaissentdes radars des grands médias. Les seuls coupables: les mafias de passeurs! Maisle commerce ignoble de ces mafieux prospèreparce que le mur de Frontex (auquel la Suissecontribue) s’ajoute aux autres vrais murs. Ils me-surent déjà 9600 kilomètres dans le monde.

De plus, ces mafieux collaborent avec les pou-voirs qui sont financés par les pays européensafin de «contenir les migrants» aux «frontièresde l’Occident».Silence est aussi fait sur les études démontrantque la «fermeture des frontières» n’arrête pas«les flux migratoires». Au contraire. D’ailleurs,la formule «flux migratoire» a pour but de ca-cher qu’il s’agit d’hommes, de femmes, d’enfantsdont la vie est si brutalisée que le «risque de lamort» ne fait plus sens. Le vocabulaire hypocritequi nourrit, aujourd’hui, les discours officielsressemblent fort à celui des «régimes forts» desannées 1930. Les conditions infligées aux migrant·e·s – avantleurs départs des pays dits frontières ou au seinde l’Europe en tant que «clandestins» – sont lapointe de l’iceberg des politiques qui mettent encause, de plus en plus, les droits sociaux. • D’où la nécessité de construire une convergenceentre celles et ceux qui, sous des formes diverses,se battent pour des droits qui se doivent d’êtreuniversels. • D’où l’importance de combattre la xénophobievenue d’en haut et qui ne cesse de faire appel aumythe des «appels d’air». (MPS)

Page 2: De Evian à Bruxelles: quand l’histoire bégaie!...péen commun, fondé sur le principe de non-refoulement». Or, la pratique des divers Etats de l’Europe – signataires des Conventions

Evian, juillet 1938L’adoption des lois raciales de Nuremberg en 1935(par le pouvoir hitlérien), puis l’annexion del’Autriche (le 12 mars 1938) par Hitler précipitentplusieurs centaines de milliers de juifs dans lesambassades pour y demander des visas d’émigration.En vain... malgré les alertes du Haut-Commissairepour les réfugiés (l’ancêtre du HCR d’aujourd’hui).

A l’initiative du président – en fonction de mars 1933à mars 1945 – Franklin Delano Roosevelt, désireuxd’éviter un afflux massif de réfugiés aux Etats Unis,une conférence internationale réunit au mois de juillet1938 les représentants de 32 pays à Evian, sur lesbords du lac Léman.

[La Suisse, siège de la Société des Nations - l’ONUd’alors - est pressentie par Roosevelt pour recevoircette conférence internationale. Le gouvernementhelvétique déclina la proposition, entre autres, pourne pas déplaire à l’Allemagne hitlérienne. Absente audébut, toute la politique du gouvernement suisse del’époque va se résumer à proposer des «solutions»visant non seulement à limiter l’arrivée des Juifs,mais à se «décharger» de réfugiés déjà en Suisse, eninsistant sur des possibles «pays d’émigration» – voirRapport Bergier, p.41. Fondements de la politiquesuisse face au réfugiés.]

En effet, l’objectif déclaré de la Conférence d’Evianétait: discuter de l’installation dans des pays d’accueildes personnes persécutées en raison de leur race oude leur religion. Après avoir évoqué avec beaucoupd’émotion le problème des réfugiés, les délégationsabordent la question de leur éventuelle répartitiondans leurs pays respectifs.

A l’issue de neuf jours de discussion, il apparaît queles États ne sont pas prêts à leur ouvrir leurs portes.L’Angleterre n’a accepté de participer à la conférencequ’à la condition que n’y soit pas évoquée lapossibilité d’émigrer en Palestine, alors sous mandatbritannique. Les Etats Unis n’augmenteront pas leurs

quota annuel d’immigrants - une trentaine de millierstoutes nationalités confondues. Quelques paysd’Amérique du Sud consentent à accepter destravailleurs agricoles. L’Australie, qui ne connaît pasde «problème racial réel» chez elle, juge inutile «d’encréer un» en accueillant des juifs (sic). La France n’enprendra pas: elle en est, selon le chef de sa délégation,«au point de saturation qui ne permet plus d’accueillirde nouveaux réfugiés sans une rupture d’équilibre deson corps social».

Dans la résolution finale de la conférence d’Evian, oùles termes «réfugiés politiques» ont été remplacés par«immigrants involontaires» pour éviter de froisser letroisième Reich, aucun engagement n’est pris. Lescentaines de milliers de juifs traqués par la violencenazie en Allemagne et en Autriche devront secontenter de l’annonce de la création d’un comitéintergouvernemental «chargé d’entreprendre desnégociations en vue d’améliorer l’état des chosesactuel et de substituer à un exode une émigrationordonnée, en rapport avec les pays d’asile etd’établissement».

Décidément l’histoire bégaie!

(Tribune publiée par Claire Rodier – du réseauMigreurop et du Groupe d’information et de soutienaux immigré·e·s (GISTI)– et Danièle Lochak, duGISTI).

Pour prendre contact avec le MPS:MPS, CP 209, 1211 Genève 4, [email protected], CP 120, 1000 Lausanne 20, [email protected], CP 2320, 6501 Bellinzona, [email protected], Pf 2002, 4001 Basel, [email protected], Pf 8707, 8036 Zurich, [email protected] suivre les activités des jeunes du MPS:[email protected]