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Sociologie du travail 55 (2013) 76–96 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com De la cravate au tailleur : la féminisation sans l’égalité au sein de la Banque postale From necktie to pant-suit: Feminization without equality at the Postal Bank Nadège Vezinat Centre d’études de l’emploi, centre Maurice-Halbwachs, École normale supérieure, 48, boulevard Jourdan, 75014 Paris, France Disponible sur Internet le 18 décembre 2012 Résumé Le groupe des conseillers financiers de la Banque postale a beaucoup évolué en quelques décennies. À la figure masculine du receveur d’âge mûr datant des années 1960, s’est substituée celle d’une jeune femme diplômée. En même temps que le statut d’emploi et que la composition du groupe, le rapport au travail s’est transformé. La féminisation et le renouvellement des générations ont conduit à de nouveaux partages : ouverture du métier aux contractuels, levée des barrières pour les femmes, segmentation des métiers et des carrières, voies de mobilité différenciées. Mais, en dépit de la forte féminisation de ce groupe professionnel, au lieu de s’atténuer, les ségrégations professionnelles persistent car les modes de fonctionnement masculins résistent et les entretiennent. En expliquant la cristallisation des modes de fonctionnement qui ont vu naître ce groupe professionnel, cet article permet de comprendre comment un groupe professionnel en cours de féminisation a affronter des inégalités sexuées et se heurte toujours à une recomposition du « plafond de verre ». © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Groupe professionnel ; Carrière ; Professionnalisation ; Distribution sexuée ; Assignations Abstract The French Post Office’s financial advisors have evolved considerably over the last few decades. The typical 1960s middle-aged postmaster has been replaced by a young female graduate. Not only has the social composition of this group changed, but the ways they relate to work as well as their employment status have undergone marked transformations. Younger and more woman oriented, the group must cope with the organization’s many new activities. But despite the changes, the hardening of the professional group’s originally masculine patterns of functioning thwarts the opportunities feminization might have led Adresse e-mail : [email protected] 0038-0296/$ see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.soctra.2012.12.004

De la cravate au tailleur : la féminisation sans l’égalité au sein de la Banque postale

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Sociologie du travail 55 (2013) 76–96

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

De la cravate au tailleur : la féminisation sans l’égalitéau sein de la Banque postale

From necktie to pant-suit: Feminization without equality atthe Postal Bank

Nadège VezinatCentre d’études de l’emploi, centre Maurice-Halbwachs, École normale supérieure,

48, boulevard Jourdan, 75014 Paris, France

Disponible sur Internet le 18 décembre 2012

Résumé

Le groupe des conseillers financiers de la Banque postale a beaucoup évolué en quelques décennies. À lafigure masculine du receveur d’âge mûr datant des années 1960, s’est substituée celle d’une jeune femmediplômée. En même temps que le statut d’emploi et que la composition du groupe, le rapport au travails’est transformé. La féminisation et le renouvellement des générations ont conduit à de nouveaux partages :ouverture du métier aux contractuels, levée des barrières pour les femmes, segmentation des métiers et descarrières, voies de mobilité différenciées. Mais, en dépit de la forte féminisation de ce groupe professionnel,au lieu de s’atténuer, les ségrégations professionnelles persistent car les modes de fonctionnement masculinsrésistent et les entretiennent. En expliquant la cristallisation des modes de fonctionnement qui ont vu naîtrece groupe professionnel, cet article permet de comprendre comment un groupe professionnel en cours deféminisation a dû affronter des inégalités sexuées et se heurte toujours à une recomposition du « plafond deverre ».© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Groupe professionnel ; Carrière ; Professionnalisation ; Distribution sexuée ; Assignations

Abstract

The French Post Office’s financial advisors have evolved considerably over the last few decades. Thetypical 1960s middle-aged postmaster has been replaced by a young female graduate. Not only has thesocial composition of this group changed, but the ways they relate to work as well as their employmentstatus have undergone marked transformations. Younger and more woman oriented, the group must copewith the organization’s many new activities. But despite the changes, the hardening of the professionalgroup’s originally masculine patterns of functioning thwarts the opportunities feminization might have led

Adresse e-mail : [email protected]

0038-0296/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.soctra.2012.12.004

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women to expect, and professional discrimination persists. Shedding light on the gendered path dependencyof this professional group, this article shows that feminization has not ruled out the “glass ceiling”.© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Professional group; Career; Professionalization; Sexual distribution; Role assignment

L’étude des frontières entre hommes et femmes dans l’activité de travail a permis de mettreen lumière l’existence d’un « plafond de verre » (Laufer, 2004 ; Marry, 2005 ; Buscatto et Marry,2009) dans de nombreux contextes professionnels : monde académique (Backouche et al., 2009 ;Jonas et Marry, 2009), artistique (Buscatto, 2003 ; Naudier, 2010), hospitalier (Lapeyre, 2006),de la Justice (Malochet, 2007 ; Boigeol, 2007), ou de la Police (Pruvost, 2007). La plupart deces études ont porté sur des professions prestigieuses, à l’origine exclusivement masculines, quiouvrent progressivement leurs rangs aux femmes. Si la profession de conseiller financier à La Postene peut être classée dans cette catégorie, il y apparaît pourtant que, parallèlement à sa féminisation– et même féminisation massive puisque la proportion d’hommes et de femmes s’est inverséeen peu de temps – des mécanismes en réservent aux hommes les meilleurs segments et laissentenvisager la création d’un phénomène comparable aux murs et plafond de verre (c’est-à-dire à uneségrégation horizontale et verticale). Certains parlent de « plafond à caisson » (Backouche et al.,2009) pour montrer comment les barrières se recomposent et empêchent, malgré une féminisationdes emplois, qu’une « mixité sociale » (Fortino, 1999) se mette en place. Une question moinssouvent investie est celle de la mise en œuvre et des conditions de constitution de ces barrières.Dans une activité aujourd’hui fortement féminisée, quels mécanismes sont à l’origine du maintiendes inégalités ? Certains travaux (Lapeyre et Robelet, 2007 ; Naudier, 2010 ; Bereni et al., 2011 ;Guillaume et Pochic, 2012) montrent que la notion de « plafond » est insuffisante pour traitercette question et proposent d’y ajouter celle de « mur » de verre. Ces deux notions constituentdes clés de lecture pour comprendre comment les plafonnements de carrière chez les conseillersfinanciers concernent surtout les promues internes qui doivent même parfois « reculer » dansleur carrière. Certaines factrices préfèrent en effet renoncer à leur promotion comme conseillerfinancier1 parce que les nouvelles règles de leur activité professionnelle (en termes d’horairesnotamment) produisent des inégalités de carrière et entraînent des tensions entre leur vie autravail et leur vie privée. Les discriminations peuvent être, au-delà des problèmes individuels deconciliation de leur travail avec leur vie privée, le résultat de l’organisation « implicite » du travail.Si la féminisation des conseillers financiers rencontre des obstacles, ce n’est donc pas seulementdu fait des candidates, mais aussi de l’entreprise.

Dans cet article, nous verrons que la professionnalisation des conseillers financiers a modifiéles caractéristiques des personnes chargées de cette activité dont les fondements sexués seront misen évidence. Les deux figures – de la jeune commerciale et du vieux postier bon père de famille –coexistent parmi les conseillers financiers : le groupe professionnel s’est formé par l’agrégationdes différents sous-groupes qui en ont successivement eu la charge. Ce recouvrement des deuxfigures suit en filigrane les changements de statut juridique et d’orientation de l’organisation. Ilest issu des adaptations structurelles nécessaires pour faire face à la transformation de l’activitécourrier, à la concurrence qui s’exerce sur l’activité colis, pour ajuster le réseau des bureaux

1 Lors de mon enquête, le terme de « conseiller financier » n’a pas été employé au féminin. Je reprends donc l’expression« indigène » en conservant la terminologie au masculin.

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de poste aux lieux de vie de la population et pour proposer une offre en adéquation avec lesbesoins en services financiers des Francais. Cependant, la féminisation des conseillers financierset la domination numérique des femmes dans ce métier ne se sont pas encore accompagnéesd’une égalité entre les sexes. L’ouverture du métier n’était-elle alors qu’apparente ? Comment ladynamique de construction des inégalités sexuées s’est-elle recomposée au sein de l’entreprisepostale ? Quelles conséquences ce phénomène a-t-il sur les parcours professionnels ?

Pour répondre à ces questions, nous proposerons une approche socio-historique de l’activitéfinancière à La Poste. Nous montrerons qu’en même temps que la composition du groupe profes-sionnel change – du fait de sa féminisation et du renouvellement des générations – de nouveaux par-tages se mettent en place. Cependant, dans ce contexte en mutation, les modes de fonctionnementmasculins qui régissent le groupe professionnel depuis sa création résistent et recréent des ségré-gations professionnelles. L’enquête effectuée dans le cadre d’une thèse portant sur la genèse dumétier de conseiller financier à La Poste depuis les années 1950 regroupe quatre types de sources :archives, entretiens, observations et questionnaires (voir l’Encadré 1 qui détaille l’enquête réali-sée). L’approche socio-historique permet de comprendre par quels mécanismes organisationnelsle groupe des conseillers financiers de la Poste francaise, bien que massivement féminisé, se heurteencore à un exercice sexué de son activité (Section 1). Parmi les effets les plus remarquables deces mécanismes qui s’inscrivent dans un temps long, ceux qui portent sur les carrières profes-sionnelles montrent que les obstacles n’ont pas disparu et que les femmes conseillers financiersne connaissent pas les mêmes parcours professionnels que leurs collègues hommes (Section 2).

Encadré 1: Présentation des sources mobilisées dans l’enquêteLes archives dépouillées sont celles du ministère des Postes et télécommunica-tions (PTT) et du ministère de l’Économie et des Finances, celles de l’entrepriseLa Poste et celles de syndicats (Confédération générale du travail [CGT] etConfédération francaise démocratique du travail [CFDT]) ainsi que des archivesprivées qui m’ont été prêtées et/ou données par d’anciens receveurs retrai-tés, des conseillers financiers en exercice ou encore des postiers rencontrésau cours des différentes phases de l’enquête. Trente-quatre entretiens semi-directifs avec des conseillers financiers en exercice ont été réalisés entre2006 et 2008. Et deux séries d’observations dans neuf bureaux de poste dif-férents – avec des situations géographiques variées, des types de clientèlehétérogènes et des conseillers financiers aux profils divers – ont pu avoir lieu(six observations ont été réalisées en province et trois à Paris). Les donnéesquantitatives émanent des trois sources détaillées ci-après : une enquête syn-dicale réalisée en 2005–2006, une enquête de recherche ad hoc ayant eu lieuen 2007, toutes deux conduites par questionnaire, et une base de donnéesd’entreprise obtenue en 2008.Ces trois sources présentent chacune des avantages et des inconvénients dansleurs apports respectifs. Si la base de données d’entreprise est exhaustiveavec 9987 entrées, elle ne comporte que peu d’informations (statut d’emploi,sexe, grade, lieu d’exercice de l’activité). Le questionnaire syndical porte surun échantillon plus restreint de 610 répondants et comporte des biais liés

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à la fois à son origine et à son mode de passation. Il va toutefois plus loindans l’interrogation des mobilités professionnelles, car il intègre des ques-tions sur les salaires, les possibilités de promotion, les carrières, les conditionsd’exercice du travail, etc. Le questionnaire ad hoc concu dans le cadre d’unethèse a permis de récolter en deux temps des réponses à plus de 200 items :une phase de passation par courrier en province s’est soldée par 128 retourssur les 254 envois initiaux (soit un taux de retour de plus de 50 %) et une phasede passation à Paris lors d’une rencontre de conseillers financiers a permisd’obtenir 38 retours supplémentaires. L’un des répondants a cependant dûêtre écarté et ce questionnaire compte 165 profils exploitables. Malgré le faiblenombre de réponses, l’intérêt de ce matériau est de permettre, au moins sousforme d’hypothèses, d’aborder la question des inégalités sexuées grâce à lareconstitution des parcours biographiques et professionnels de chacun desrépondants.La combinaison de ces méthodes a permis de saisir des données objectives etsubjectives en vue de les croiser les unes avec les autres. Les caractéristiquesindividuelles et étapes de la carrière (diplôme, statut matrimonial, métiersayant précédé celui occupé au moment de l’entretien, salaire, affiliation auxsyndicats et associations professionnelles, etc.) constituent un ensemble defaits objectifs qui sont mis en perspective avec les éléments de discours plussubjectifs (les représentations que les enquêtés se font de leur métier, de leurparcours, comme de leurs perspectives professionnelles, etc.). Le croisementde ces données s’avère utile pour repérer les mécanismes de ségrégationhorizontale (diversité d’activités dans un même grade ou métier) et verticale(progression ascensionnelle) et illustrer des trajectoires de conseillers finan-ciers qui font apparaître les murs et plafonds de verre correspondant à cesdeux dimensions des inégalités sexuées.

1. La féminisation des conseillers financiers : une levée des barrières en plusieurs temps

Le métier de conseiller financier est le résultat d’une « professionnalisation par le haut »(Vezinat, 2012). Cela signifie que ce processus a accompagné le changement de population dessalariés de La Poste, en même temps qu’il le renforcait. L’activité de conseil financier est eneffet passée d’une fonction de receveur à une position d’agent du bureau de poste, officieusejusqu’à sa reconnaissance officielle comme métier en 1991 par son inscription dans le règlementintérieur du bureau de poste et par sa codification dans une fiche de poste. Cette professionna-lisation est allée de pair avec les transformations du statut de l’organisation qui consacrent letournant commercial pris par l’ancienne administration : le passage d’une administration d’Étatà une entreprise publique en 1991, la création de la Banque postale en 2006 et la transformationen société anonyme en 2010.

Ces transformations organisationnelles ont affecté les caractéristiques du groupe profession-nel étudié. Les évolutions concernent aussi bien le niveau du statut d’emploi (de fonctionnaireà contractuel), le degré de féminisation du groupe que l’augmentation de la qualification desconseillers financiers. L’avènement d’une relation différente des salariés à leur entreprise résulte

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également de ce processus et cela d’autant que les modes d’accès au métier ont changé. Depuis1991, deux statuts coexistent à La Poste : celui de fonctionnaire et celui de contractuel, rattachésà une convention commune et régis par les règles de droit commun. Quand les fonctionnairesdeviennent conseillers financiers du fait d’une mobilité interne, les contractuels connaissent troisgrandes voies d’accès à ce métier : le recrutement se fait soit par le diplôme, soit par la promotioninterne, soit encore après un travail dans une autre entreprise (dans ce cas, il ne s’agit plus d’uneprimo-accession à l’emploi).

Le groupe des conseillers financiers, plus diplômé, plus féminin et plus jeune qu’en 1991 – datede l’officialisation du métier – reste toutefois encore marqué par les segments professionnels quil’ont peu à peu constitué. La levée des barrières s’est réalisée en plusieurs étapes : l’arrivée tardivedes femmes dans le métier (Section 1.1), la facilitation de l’accès par l’officialisation du métier etl’augmentation du niveau de qualification permettant l’entrée des femmes par le diplôme plutôtque la promotion interne (Section 1.2). Mais, en dépit de cette ouverture, la partition entre hommeset femmes reste encore forte et positionne massivement ces dernières sur les emplois les moinsvalorisés (Section 1.3).

1.1. Moindre accès à la fonction officieuse de conseiller financieret alignement sur les hommes

À la figure masculine du receveur des années 1960 à laquelle était associée l’image d’un « bonpère de famille » d’âge mûr, ce qui était sans doute dû au fait que l’on devenait receveur en finde carrière (Join-Lambert, 2001), s’est substituée celle d’une jeune femme diplômée (Bac + 2) etde formation commerciale. Les premiers « copofi » (conseillers postaux et financiers) étaient audépart – au milieu des années 1980 – plutôt des hommes, tous fonctionnaires, peu diplômés, etentrés dans l’administration depuis plusieurs années. La Poste étant sortie de la fonction publique,les conseillers financiers recrutés aujourd’hui sont uniquement des contractuels, plutôt de sexeféminin (en 2008, 67 % des conseillers financiers sont des femmes)2, et diplômés d’un Bac + 2(Brevet de technicien supérieur [BTS] Banque ou Force de vente). Le métier de « copofi » ne res-semblait pas du tout à ce que le métier de « conseiller financier » est devenu après son officialisationen 1991 ; les métiers étant différents, les groupes sociaux qui y correspondent se caractérisent pardes pratiques et des identités professionnelles différenciées (Vezinat, 2012). Le « copofi » crééau milieu des années 1980 était une sorte de guichetier amélioré qui, en plus de ses attributionsclassiques, renseignait la clientèle sur les produits financiers et réalisait les ventes. Il participaitégalement à des actions promotionnelles à l’extérieur du bureau de poste (foires, supermarchés,maisons de retraite, etc.) et, pour les plus motivés, démarchait le soir des clients à leur domicile.Avec la création du métier de conseiller financier, les anciens « copofi » intègrent automatique-ment cette fonction et d’autres agents (fonctionnaires comme contractuels) sont recrutés pourcombler les besoins croissants de cette activité en expansion. Le conseiller financier des années2000 occupe ce métier à temps plein, il ne se consacre qu’à la vente et au conseil d’un portefeuillede clients qui lui est attribué à son arrivée dans le bureau de poste. Ses rendez-vous ont lieu surplace (il n’est plus censé se rendre au domicile des clients) afin de pouvoir recevoir davantagede clients, d’avoir les dossiers, outils et documentations avec lui et d’enregistrer directement enligne les produits financiers souscrits par ses clients.

2 La proportion s’est inversée dans la première moitié des années 2000 (Tableau 1). Les recrutements ne se faisant pas àeffectifs constants, il est difficile, sans accès aux archives récentes, de dater plus précisément le moment du renversementdes parts relatives d’hommes et de femmes conseillers financiers.

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Les premiers « copofi » et « cofi » étaient, entre 1985 et 1995, en grande majorité des hommeset les quelques femmes présentes ont adopté des comportements « masculins ». La seule femmecopofi retrouvée lors de la session d’entretiens et d’observations en province présente un parcoursatypique dans la mesure où elle a respecté les normes masculines en vigueur : fort investissementpersonnel, travail en dehors des horaires du bureau de poste, démarchage et déplacements àdomicile notamment. Plusieurs mobilités lui ont permis de gravir les échelons, jusqu’à devenirresponsable départementale (la seule femme du département à ce poste). Au plan de la vie privée,elle s’est mariée mais n’a pas eu d’enfant. C’est à ce prix qu’elle a pu devenir « copofi », métierqu’elle a vécu comme un « challenge » personnel :

« Pour moi c’était inconcevable que je ne puisse pas réussir. J’aurais été mal quoi ! Je penseque le fait de ne pas réussir, j’aurais été vexée dans mon amour-propre également. Alors j’aitout mis en œuvre pour y arriver et avoir des résultats ! [. . .] Alors, bien sûr, à un momentavec mon mari on s’est posé la question d’un enfant mais ce n’était pas le bon moment. Etpuis le temps a passé. . . »

(femme, née en 1963, Bac, fonctionnaire, entrée à La Poste en 1982, copofi en 1987,animatrice des ventes 1992-1996, directrice des ventes depuis 2004, mariée, sans enfant)

Comme le montre Catherine Marry (2004) pour les femmes ingénieurs, une différence degénération peut être observée entre les pionnières, contraintes de quitter le métier ou de s’alignersur les normes de travail des entreprises (absence de temps partiel) pour faire carrière et les sui-vantes qui ont de meilleures possibilités de carrière et de conciliation avec la vie privée. Pourêtre « copofi » et donc aller vendre des produits financiers après sa journée de travail au guichet,il faut être relativement disponible, ne pas s’occuper d’enfants en bas âge. Les difficultés ren-contrées par les femmes pour concilier travail et famille accentuent les multiples mécanismesinternes aux entreprises qui, dans les interactions quotidiennes, produisent de la différenciationet de la discrimination dans l’univers professionnel. Si ce sont donc plutôt des hommes qui ontoccupé dans les années 1980–1990, cette fonction demandant un fort investissement en temps,c’est aussi parce que l’entreprise a entretenu des pratiques et un mode de fonctionnement quiexcluaient une partie des femmes. Le plafond de verre est en effet imputable au processus interneconsistant à se rendre au domicile des clients – il n’y avait pas de bureaux pour les « copofi » quidémarchaient en soirée, quand le bureau de poste était fermé et les clients rentrés chez eux. Cetravail en horaires décalés ne correspond plus vraiment au métier actuel de conseiller financier : sice dernier est considéré comme un cadre et a des horaires extensifs, il travaille avec des horaires« normaux » (le plus souvent 9 h–18 h) même si certains expliquent rester régulièrement au bureaujusqu’à 20 heures. Dans le cadre de « recompositions du masculin et du féminin » (Marry, 2004),le constat d’un progressif alignement des comportements individuels des hommes et femmesconseillers peut être remarqué au début des années 2000 : certaines femmes réussissent à devenirconseillers spécialisés (grade dont l’indice III.3 est supérieur à celui de « cofi » III.1), même sielles restent encore peu nombreuses et doivent, pour accéder à ce grade, avoir une trajectoireexemplaire comme c’est le cas des femmes commissaires de police (Pruvost, 2007). Les femmesconseillers financiers prêtes à s’engager ont donc la possibilité de faire carrière mais, pour cela,elles doivent accepter les normes et modes de fonctionnement masculins du groupe profession-nel, ceux-là même qui font encore passer la vie privée après la vie professionnelle, comme lefait de participer aux réunions de l’amicale des conseillers financiers (association profession-nelle dont les membres se réunissent le soir après le travail pour des moments d’échanges etde discussion entre collègues, ce qui ne permet donc pas, ou moins, aux jeunes mères d’êtreprésentes). Les trajectoires exemplaires se modifient cependant au fil des générations : d’un

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alignement sur les hommes, les femmes commencent à se situer dans une dynamique égali-taire de « dépassement du genre ». Sur le terrain observé en 2007, des mères conseillers financierss’étaient retrouvées au sein d’un syndicat (la CFDT) pour mettre en avant les questions de droitspour les femmes, comme celui de pouvoir exercer ce métier à temps partiel pour pouvoir se consa-crer en partie à leurs enfants. Le métier de conseiller financier étant à l’origine masculin, quandil a été officialisé, il est devenu un métier à temps plein. Les demandes, en général féminines,de l’exercer à temps partiel constituent donc une question nouvelle à la fin des années 2000, àlaquelle peu de réponses organisationnelles ont été apportées. Cette préoccupation est devenueun point d’action pour les syndicats qui se positionnent sur ces enjeux (de temps partiel, maisaussi de révision des objectifs en cas de congé maternité ou d’absence justifiée du bureau dePoste).

Entre 1985 et 2010, le groupe professionnel s’est amplement transformé. Les missions desconseillers financiers ont été précisées, les compétences requises ont augmenté, les pratiquesprofessionnelles se sont affinées. Les nouveaux partages entre vies privée et professionnelle ontcependant conduit les membres du groupe à composer avec le maintien de règles de fonctionne-ment plus anciennes.

1.2. Officialisation du métier et ouverture aux femmes

Avant 1991, date de la transformation de l’administration d’État en entreprise publique et de lareconnaissance officielle du métier de conseiller financier par La Poste, le « copofi » n’était fina-lement qu’un guichetier choisi parmi d’autres par son supérieur hiérarchique. L’officialisationdu métier a marqué l’érosion de la cooptation des hommes entre eux. Depuis 1991, la struc-ture du salariat postal a profondément changé et les conseillers financiers constituent le groupesur lequel les transformations organisationnelles ont produit le plus d’effets. En 2002, LaPoste comptait 214 754 fonctionnaires (66,4 %) et 108 621 salariés de droit privé (33,6 %)3.La proportion se rééquilibre au fil des ans : l’arrêt des recrutements de fonctionnaires etle départ à la retraite massif des strates historiques des personnels occupant les fonctionsde conseillers financiers, bientôt absentes de l’entreprise, modifient la structure sociale dugroupe ainsi que la transmission de mémoire à mémoire d’une forme particulière de culturepostale.

Avant et au moment de la réforme de 1991, les conseillers financiers étaient majoritairementdes hommes (ils étaient plus de 55 % en 1995). En 2000 encore, les hommes représentaient 52 %de la filière commerciale et les femmes 48 %, et c’est dans la première moitié des années 2000 quela proportion s’est inversée (Tableau 1).

L’exigence du baccalauréat (demandé jusqu’en 2001 pour le métier de conseiller financier,Bac + 2 après cette date) permet aux femmes d’entrer dans le métier par le diplôme. Cela expliquedans une certaine mesure le dépassement des mécanismes de cooptation et de réseaux masculins.Il faut noter également qu’en 2006 est créée la fonction de gestionnaire clientèle, produisant unnivellement par le bas de la ligne financière, qui va en accentuer la féminisation même si lesfemmes ont toujours souffert d’une inégalité des chances d’accès aux emplois les mieux payés(Laufer et Pochic, 2004). Dans les années 1980, avec le commissionnement important dévoluau « copofi » sur les produits financiers vendus, les titulaires de cette fonction peuvent gagner

3 Fonds Nadège Vezinat et La Poste, Direction Prévention, Santé et Sécurité au travail (DPSST), B. Bancel Cabiac(DPSST), V. Bougault (Mission recherche), C. Miguet (DPSST), 2005. Les Risques professionnels des postiers, p. 2.

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Tableau 1Évolution de la distribution sexuée de la ligne financière (tous grades confondus).

Année Hommes (%) Femmes (%)

1995a 55,3 44,71996a 54,5 45,62000b 52 482008c 33 67

a Mission de la recherche de La Poste, Piotet F., Correia M., Lattès C., Lévy C. et Piaud F., 1996–1997. Les Conseillersfinanciers de La Poste, Synthèse des résultats de la recherche conduite en 1996 et 1997, p. 4.

b Mission de la recherche de La Poste, Piotet F., Correia M., Lattès C., 2002. Les Conseillers financiers, le métier et sonexercice, p. 30.

c Calculé à partir de la base exhaustive fournie par la direction de l’Enseigne dans le cadre de l’enquête.

bien plus que leur salaire, et celle-ci est rapidement devenue un bastion masculin prisé pourses avantages. Et si dans les années 2000 le groupe professionnel des conseillers financiers s’estnettement féminisé, les femmes sont restées dans les grades les moins valorisés et les moinsrémunérés de la ligne financière (Tableau 2).

Tableau 2Déclaration de salaire net mensuel moyen par métier et par sexe.

Métiera Sexe Nombre Salaire moyen Sal. F/Sal. H (%)

Gestionnaire clientèle (II.2) F 12 1433 78,2H 4 1831Total 16 1513

Conseiller financier (III.1) F 63 1515 95,3H 30 1589Total 93 1539

Conseiller financier confirmé (III.2) F 1 1700 92,7H 3 1833Total 4 1800

Conseiller clientèle (III.2) F 18 1853 98,4H 17 1882Total 35 1867

Conseiller spécialisé en immobilier (III.3) F 4 2067 85,6H 5 2413Total 9 2120

Conseiller spécialisé en patrimoine (III.3) H 8 2124 Pas de femme CSPdans l’échantillonTotal 8 2124

Total 159 1670

Questionnaire ad hoc, passation en 2007.Le salaire moyen déclaré par les femmes gestionnaires clientèle représente 78,2 % de celui des hommes du même grade.

a Chaque métier correspond à un niveau de classification qui se compose de deux éléments : le grade et le niveau defonction. Le grade (I, II, III, IV) exprime le niveau hiérarchique (la classe IV correspondant aux cadres supérieurs, laclasse III aux cadres). Chaque grade est ensuite découpé en trois niveaux de fonction (1, 2, 3). À titre d’exemple et decomparaison, un facteur appartient à la classe I, le conseiller financier entre quant à lui directement en classe III.

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Dans tous les métiers, que ce soit celui de « gestionnaire clientèle », de « conseiller financier »,de « conseiller clientèle » ou de « conseiller spécialisé »4, les femmes ont une rémunération plusfaible que les hommes. Le différentiel est en général inférieur à 5 %, sauf dans les cas particuliersdu gestionnaire clientèle et du conseiller spécialisé en immobilier où les femmes sont des contrac-tuelles, quand les hommes sont plutôt des fonctionnaires5. C’est ce qui a permis à La Poste de sevoir décerner en 2006 le label « Égalité professionnelle » par Catherine Vautrin, ministre déléguéeà la Parité et à la Cohésion sociale. Le label Égalité peut ainsi être considéré comme un instru-ment dont l’entreprise s’est dotée pour rectifier les effets des mécanismes produisant des murset plafond de verre. Pour obtenir le renouvellement de cette labellisation, l’entreprise poursuitses efforts en matière d’égalité professionnelle : en développant des formations, en corrigeant lesinégalités de rémunération quand elles sont constatées ou en permettant des promotions, en réflé-chissant à la manière dont l’entreprise pourrait se saisir de thématiques telles que la parentalité,en rééquilibrant la part de femmes à chaque niveau d’encadrement, etc.

Par rapport aux inégalités salariales constatées dans d’autres métiers, le différentiel entrehommes et femmes conseillers financiers peut sembler peu élevé mais toutes les inégalités nes’évaluent pas seulement au montant de la rémunération percue, les trajectoires et niveaux dediplômes doivent également être pris en compte. Si les écarts de rémunération proviennent essen-tiellement des statuts d’emploi et d’une barrière à l’entrée dont ont souffert les femmes lors desdébuts de ces métiers financiers, l’inégalité semble plus forte à La Poste si l’on considère queles femmes sont plus diplômées que les hommes, davantage promus. La majorité des hommespossède en effet un diplôme de niveau baccalauréat (Bac) ou inférieur (Tableau 3) mais cela ne lesempêche pas de bénéficier de grades plus élevés dans la filière financière puisque, quand la partdes conseillers à posséder au moins le grade III.2 sans avoir fait d’études supérieures (c’est-à-dire

4 Les différences entre les métiers de la ligne financière ne portent pas que sur leur part de féminisation, elles concernentégalement l’activité de travail. Le « gestionnaire clientèle » est celui qui recoit les clients sans rendez-vous ou ceux quine font pas partie d’un portefeuille. En ce cas, il s’agit le plus souvent d’ouvrir des comptes courants. Le « conseillerfinancier » a un portefeuille de clients qu’il doit chercher à développer (en vendant de nouveaux produits à ses clients, enadaptant ses conseils à leurs projets, etc.). Le « conseiller financier confirmé » est une sorte d’anomalie organisationnelle :ce grade permet à des bureaux de poste qui n’ont qu’un « conseiller financier » de lui donner un portefeuille de « conseillerclientèle » et de le rémunérer en fonction. Le « conseiller clientèle » a un portefeuille de clients dont la surface financièreest plus importante que le conseiller financier. Enfin, le « conseiller spécialisé » n’a pas de portefeuille mais intervientà la demande des conseillers financiers et clientèles pour apporter son expertise sur des dossiers pointus. Le passage del’un à l’autre de ces métiers financiers constitue la carrière idéal-typique du promu en interne. Mais des recrutements decontractuels venus de l’extérieur à chacun de ces niveaux amoindrissent les places disponibles qui se raréfient au fur et àmesure que l’on se rapproche du métier de conseiller spécialisé.

5 La rémunération du fonctionnaire et celle du contractuel n’obéissent pas aux mêmes règles, ni exactement aux mêmesdéfinitions. La rémunération de base du fonctionnaire est composée de trois éléments : le traitement indiciaire lié au grade,les primes « fonction publique » et le complément Poste (complément indemnitaire versé par l’entreprise en fonction del’appréciation de l’agent). À cette rémunération de référence peut être rajoutée une part variable (ou « contribution audéveloppement de La Poste ») liée à l’appréciation annuelle obtenue par l’agent ainsi qu’aux performances individuelles etest calculée en fonction des résultats de l’entreprise. Pour les contractuels, les principes de rémunération s’inscrivent dansle cadre de la convention commune (la Convention collective) qui fixe notamment les minima de rémunération en fonctiondes niveaux de classification (grade et fonction). Les personnels contractuels bénéficient d’un salaire de base auquelest ajouté le complément Poste ainsi qu’une rémunération géographique. Le système de rémunération des conseillersfinanciers contractuels prévoit également une part variable liée aux résultats spécifiques du salarié. Le décalage des règlesliées au statut d’emploi des conseillers financiers a une influence sur leur rémunération : le questionnaire de la CFDTde 2005 identifie à 1500 D le niveau de rémunération qui marque la rupture entre les contractuels et les fonctionnaires.Quatre-vingt-six pour cent des contractuels sont en effet en dessous de ce montant quand 95 % des fonctionnaires sontau-dessus.

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Tableau 3Part d’hommes et de femmes conseillers financiers en fonction du niveau de formation.

Niveau de diplôme (%)

Sexe Inférieur au Bac et Bac Bac + 2 Supérieur à Bac + 3 Total

F 41 44 15 100H 52 33 15 100Total 46 39 15 100

Calcul fait à partir du questionnaire ad hoc (n = 165).

Tableau 4Tableau croisant âge, statut et sexe des conseillers financiers.

Sexe des conseillers financiers par tranche d’âge (%)

Statut des conseillers financiers Âge (par tranche de 10 ans) Femmes Hommes Total général

Agents contractuels (ACO) Plus de 20 ans 26 21 24Plus de 30 ans 36 25 32Plus de 40 ans 8 2 5Plus de 50 ans 2 0 1

Sous-total ACO 72 48 62

Agents fonctionnaires (AFO) Plus de 20 ans 0 1 0,5Plus de 30 ans 3 12 7Plus de 40 ans 20 24 21,5Plus de 50 ans 5 15 9

Sous-total AFO 28 52 38

Total général 100 100 100

Calcul fait à partir du questionnaire ad hoc (n = 165).Vingt-six pour cent des femmes conseillers financiers à La Poste en 2007 sont des contractuelles ayant entre 20 et 29 ans.

avec le Bac ou un diplôme inférieur au Bac) est de 21 % pour les hommes, elle est seulement de7 % pour les femmes6.

Ce constat n’est toutefois pas spécifique à la Banque postale : en 2006, à leur prise de fonctiondans le secteur bancaire, les femmes sont généralement « plus diplômées que leurs collèguesmasculins : 45 % (et respectivement 31 % des hommes) ont un diplôme du supérieur, en particulierun diplôme de niveau Bac + 5 pour 15 % d’entre elles (10 % des hommes). »7 Cependant, lesdifférences de diplôme entre les hommes et les femmes conseillers financiers ne suffisent pas àéclairer les inégalités sexuées : les caractéristiques d’âge doivent également être prises en compte(Tableau 4).

La féminisation des recrutements se conjugue à un contexte de départs à la retraite, surtoutmasculins, qui explique cette dynamique : « si les salariés plus âgés (les plus de 44 ans) sont en

6 Chiffres obtenus à partir du questionnaire ad hoc passé lors de la thèse (n = 165). La portée des pourcentages présentedonc une limite au regard de la base qui porte sur des effectifs faibles. Mais ils sont révélateurs, au regard des moyennesd’âge proches entre hommes et femmes (38,5 ans pour les premiers, 35 ans pour les secondes), d’une plus grande facilitépour les hommes moins diplômés – ou d’une plus grande difficulté pour les femmes pourtant plus diplômées – à gravirdes échelons.

7 Observatoire des métiers, des qualifications et de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans labanque/Étude Cereq, Diederichs-Diop L., Dupray A., 2006. Carrières des femmes et des hommes dans la banque : uneanalyse des écarts sur 15 ans, Rapport 2006, p. 20 (Observatoire des métiers, 2006).

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majorité des hommes (60 %), les femmes sont les plus nombreuses parmi les jeunes salariés demoins de 35 ans (60 %)8 ». Tous emplois et qualifications confondus, la population des postiers seféminise. Le Tableau 4, en croisant à la fois l’âge, le statut et le sexe, confirme que la répartitionsexuée s’est opérée d’abord par rapport à un statut d’emploi qui n’est plus possible d’avoiraujourd’hui. Cela explique également que les jeunes, hommes et femmes, aient un statut decontractuel mais pas la faible part de femmes fonctionnaires à être devenues conseillers financiers.L’inflation des diplômes et l’augmentation générale du niveau de qualification ne suffisent parailleurs pas à comprendre l’assignation genrée (Ridgeway, 2011) qui cantonne les femmes auxgrades les plus bas, ceux de « gestionnaire clientèle » et « conseiller financier ».

1.3. Les assignations sexuées dans le travail de conseiller financier

Le rôle relationnel attaché au sexe a déjà été analysé dans différents secteurs (commerces,banques, santé, travail des ouvriers, etc.) et se rattache souvent à la question du care (Gilligan,2008). Dans les milieux professionnels mixtes, les situations de division sexuelle du travail restentassez fréquentes. À titre d’exemple, dans la grande distribution, les caissières sont majoritairementdes femmes alors que les managers de rayon sont en grande partie des hommes (Bernard, 2010).Des compétences socialement construites en tant que traits purement féminins peuvent ainsi êtreattribuées aux aides-soignantes (Arborio, 2001), aux infirmières (Molinier, 2003), aux employéesde bureau (Gardey, 1996), aux hôtesses d’accueil (Schütz, 2012), aux policières (Boussard et al.,2007) mais également aux assistantes commerciales et aux femmes conseillers financiers. Ainsi,s’il est attendu de la femme gentillesse et bienveillance dans le secteur des banques et des centrescommerciaux, les hommes évoluant dans ces mêmes univers professionnels sont dispensés de cescaractéristiques qui marquent le genre féminin (Forseth et Dahl-Jorgensen, 2003). La constructionsociale de ces qualités féminines joue de fait contre l’égalité entre hommes et femmes. Ces« assignations sexuées » (Naudier, 2010) prennent la forme de stéréotypes qui opèrent au sein del’entreprise, non plus pour limiter la féminisation, mais pour cantonner les femmes sur les emploisles moins valorisés de la filière financière.

Pour un même travail de conseiller financier, ce ne sont pas en effet les mêmes compétences quisont attendues. Nathalie Lapeyre et Nicky Le Feuvre (2009) ont déjà mis en évidence qu’il est fré-quent d’insister sur les « spécificités » supposées des femmes et de les penser dans leur différence.Elles montrent également que souvent « les femmes impulsent un mouvement de diversificationdes manières d’exercer la profession, marqueur de nouvelles formes de différenciation des sexes »(Lapeyre et Le Feuvre, 2009 : 429).

Après avoir été majoritairement assistantes commerciales des premiers « copofi » (hommes),les femmes aujourd’hui devenues conseillers financiers par la voie de la promotion interne conti-nuent d’être marquées socialement, non plus foncièrement comme des « assistantes dévouées »mais en tout cas comme bénéficiant – ou étant handicapées par – des spécificités liées à leurféminité sociale. Les conseillers financiers, en majorité des hommes jusqu’à une date récente, sesont vus réaffecter des tâches, considérées comme les moins valorisantes pour eux, le dirty work(Hughes, 1996) dévolues jusque-là à leurs assistantes :

« Donc quand il y avait quelqu’un pour vous aider, c’était 4 entretiens ? »

8 La Poste, direction Prévention, santé et sécurité au travail (PSST), B. Bancel Cabiac (DPSST), V. Bougault (MissionRecherche), C. Miguet (DPSST), 2005. Les Risques professionnels des postiers, p. 3.

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Tableau 5Part d’hommes et de femmes dans chaque métier financier.

Métiers classés selon le niveau de qualification, augmentation progressive de gauche à droite

Gestionnaire clientèle(Gescli, 2.3)

Conseiller financier(Cofi, 3.1)

Conseiller clientèle(Cocli, 3.2)

Conseiller spécialiséen patrimoine(CSP, 3.3)

H F H F H F H F

Nombre 327 1196 1671 3236 1258 1558 516 225

Proportion 21,5 % 78,5 % 34,1 % 65,9 % 44,7 % 55,3 % 69,6 % 30,4 %

Calcul fait à partir des chiffres officiels des effectifs de la ligne financière (septembre 2008).

« Oui alors en 1991, donc on avait une assistante commerciale qui nous aidait, faisaitdu phoning sur les échéances, et qui préparait les dossiers, et donc ca c’est supprimé, etmaintenant nous sommes à 5 entretiens par jour, mais sans assistante pour nous aider. On ade super outils, c’est beaucoup plus facile et plus rapide d’aller chercher les renseignements,c’est très bien, mais il y a plus de travail et il faut le remarquer ca ! »

(homme, né en 1950, fonctionnaire, entré aux PTT en 1969, conseiller financier depuis1991 et toujours en 2007, au moment de l’entretien, père ouvrier d’usine, mère au foyer)

La lourdeur et l’importance du travail de l’assistante commerciale sont apparues d’autant plusfortement aux conseillers financiers que, quand cette fonction a été supprimée en 2006, le travails’est intensifié. L’aide que ces assistantes apportaient aux conseillers a pu être mesurée à travers lesrésultats de certains conseillers financiers, nettement moins bons sans leur assistante. Irène Jonaset Catherine Marry, pour parler des parcours d’excellence des chercheurs en biologie, évoquentd’ailleurs la « vision très masculine [qui] occulte l’ampleur du travail des femmes, dans la famille(mère puis conjointe) et dans la vie professionnelle (techniciennes de laboratoire, doctorantes,secrétaires, etc.) pour fabriquer ces réussites masculines » (Jonas et Marry, 2009 : 410). Certainsconseillers financiers n’auraient pu obtenir les carrières qui sont les leurs sans ces assistantes. Cesdernières, devenues conseillers financiers après 2006, continuent cependant parfois dans les faitsde remplir une fonction d’aide auprès de leurs collègues ce qui ne favorise pas leurs carrières.

Alors que les hommes, plus nombreux dans les métiers de conseillers clientèle et conseillersspécialisés (Tableau 5), s’adressent aux clients issus des milieux aisés et gèrent des patrimoinesplus importants, les femmes, qui se concentrent dans les métiers de gestionnaires clientèle etconseillers financiers, ont surtout des clients issus des classes populaires et s’occupent principa-lement de gestion de comptes courants.

Cette différenciation n’est pas seulement liée à l’arrivée tardive des femmes sur le marchédes services financiers postaux : elle est aussi inhérente aux caractéristiques attachées, dansl’entreprise et pour cette fonction de conseil financier, aux sexes masculin et féminin. Cependant,outre les qualités féminines d’écoute mobilisées pour gérer les petits portefeuilles, la forte présencedes femmes sur ces métiers peut également s’expliquer par la gestion, valorisée dans les banques,des portefeuilles importants. Ces fonctions sont davantage convoitées par les hommes et affectéespar le biais de la promotion interne par des responsables hiérarchiques qui sont encore majoritai-rement des hommes. Cette analyse est cependant difficile à prouver. La cooptation restant le plussouvent inconsciente, elle ne résulte pas d’une volonté de discriminer. Ainsi, le responsable hié-rarchique cité ci-après explique son rôle dans la promotion d’un homme conseiller financier, nonparce qu’il est un homme mais parce qu’il présente tous les gages de la compétence quand la femme

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semble moins « poussée » par son supérieur. Il n’en reste pas moins que, sans lui, il semblerait– cela reste du discours – que son conseiller financier n’aurait pas tenté la promotion qu’il a obtenu :

« Tu as eu à gérer des conseillers financiers. Comment ca s’est passé ? »« J’en ai eu deux. Le premier qui était là depuis longtemps et qui était très autonome, qui

connaissait bien son métier, il est devenu conseiller spécialisé en immobilier, et c’est moiqui l’ai poussé à partir parce que lui il voulait finir sa carrière comme conseiller financierici. Et comme je me suis apercu qu’il avait fait le tour de son métier, alors je l’ai encouragéà la promotion. Et donc il l’a fait, il a eu son examen, et maintenant il ne regrette pas.Donc après j’ai eu une conseillère financière qui avait un an d’expérience et qui venait du[département voisin]. Et ca s’est passé moyennement bien, j’ai essayé de la piloter mais elleétait assez rebelle, assez réfractaire à tout ce qu’on met en place, assez fonctionnaire dansl’âme, et je n’ai pas réussi à l’amener là où je voulais. »

(homme, né en 1966, Bac, fonctionnaire, entré à La Poste en 1984, directeurd’établissement)

En mettant par ailleurs l’accent sur la confiance que les clients leur témoignent, les femmesconseillers financiers ont intériorisé en partie une manière de faire qui a été rendue nécessaire parle fait de ne pas bénéficier d’une « présomption de compétence » (Rhode, 2001). Alors qu’aucunhomme n’a orienté son discours sur cette thématique, les extraits d’entretiens qui abordent laplace de la confiance dans le rapport aux clients ont tous été réalisés avec des femmes :

« Je pense qu’il faut avoir de l’ambition pour réussir, mais c’est le contact, je pense, lecontact humain et puis la confiance. Il faut inspirer confiance c’est important. »

(femme, née en 1967, niveau Bac, fonctionnaire, entrée à La Poste en 1986, guichetièreen 2000, conseiller financier en 2005, ancienne syndiquée CFDT, divorcée, père artisanplombier, mère institutrice)

« On est tous perfectibles, par contre j’aime bien travailler en confiance. Moi mes clientsje sais ce que je vais vivre avec eux ce sera une relation de confiance, parce que je dois leurrendre ca, et c’est normal ! »

(femme, née en 1972, BTS, contractuelle, entrée à La Poste comme conseiller finan-cier en 2005, a auparavant travaillé au Crédit foncier de France, vit en concubinage, pèrefonctionnaire de police, mère au foyer)

La difficulté à mettre en lumière les processus internes à l’entreprise, comme la place du mana-gement dans le maintien du plafond de verre, participe à rendre plus ou moins invisible les inéga-lités de traitement entre les hommes et les femmes : les femmes « conseillers financiers » doiventse montrer à la fois fiables sur tout ce qui touche aux questions d’argent et, en plus des hommes,présenter les qualités « féminines » attendues telles que l’écoute ou la patience. Ce constat a déjàété fait dans le monde professionnel de la banque, notamment au Royaume-Uni, où la place desfemmes a été particulièrement étudiée (Crompton, 1999 ; Savage, 1992). Mike Savage montre ainsique, pour les femmes employées par les banques, il existait des grades séparés de ceux des hommes(Halford et al., 1997 : 42). Ces grades et compétences séparés sont donc logiquement rémunérésdifféremment et le sexe, comme « principe d’attribution des compétences » (Neveu, 2000 : 183),apparaît à l’origine de la division sexuelle de la rémunération du travail des conseillers financiers,notamment entre conseillers financiers (grade III.1) et conseillers spécialisés (grade III.3).

Les obstacles pour accéder au métier de conseiller financier se répercutent sur les rémunérationset sur l’ancienneté dans le poste mais altèrent également l’expérience professionnelle et, par là-même, les possibilités d’évolution de carrière des femmes, alors que ces dernières bénéficient

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Tableau 6Part d’hommes et de femmes dans chaque statut d’emploi.

Statut (%)

Sexe Fonctionnaire Contractuel Total

H 69 44 59F 31 56 41Total 100 100 100

Calcul fait à partir du questionnaire ad hoc (n = 165).

pourtant du principe de l’égalité professionnelle. Ainsi, une dualisation au sein du métier s’opèreen fonction du sexe et rend les obstacles plus ou moins infranchissables selon qu’il s’agit descarrières des unes ou des autres.

2. Une reconfiguration des obstacles :la segmentation des carrières professionnelles selon le sexe

Au fur et à mesure que la carrière de conseiller financier avance et que le grade qui y est asso-cié augmente, la proportion de femmes ne cesse de baisser (Tableau 5). Ce constat ne s’expliquepeut-être pas tant par une discrimination individuelle liée au sexe que par une raison plus orga-nisationnelle : en entrant plus tard dans le métier financier, les femmes mettent plus de temps ày évoluer. Le groupe professionnel des conseillers financiers reste pourtant fortement segmentédans la mesure où, du fait des procédés organisationnels et malgré la féminisation de sa base,il demeure masculin dans les grades les plus élevés. Or nous allons voir que l’accès au métierconditionne grandement le reste de la carrière des agents (Section 2.1). Nous expliciterons ensuitepourquoi seules les femmes sont parfois contraintes de renoncer à la promotion interne qu’ellesont obtenue (Section 2.2).

2.1. Trois facons d’« entrer » dans le métier de conseiller financier

Le diplôme, la promotion interne et l’expérience professionnelle sont les trois voies d’entréedans le métier de conseiller financier. Ils renvoient à des socialisations, des représentations etdes logiques identitaires différentes du métier de conseiller. Au-delà de l’opposition entre les« jeunes » diplômés recrutés grâce à leur niveau de qualification et les « vieux » postiers sansqualification mais ayant bénéficié de promotions internes, apparaît chez les conseillers financiersune dichotomie du statut d’emploi qui s’articule bien avec la dimension sexuée (Tableau 6). Lesuns étant fonctionnaires, c’est-à-dire des agents publics, ils sont avant tout postiers, quand lesautres sont contractuels, c’est-à-dire des agents de droit privé, recrutés pour leurs compétencesbancaires.

Dans le Tableau 6, les fonctionnaires interrogés sont majoritairement des hommes quand lescontractuels sont plutôt des femmes. Selon ces deux types de trajectoire professionnelle liés austatut d’emploi et au sexe, les dynamiques d’insertion dans le métier et dans l’entreprise postalene sont pas les mêmes.

L’entrée dans le métier de conseiller financier peut s’effectuer selon trois modalités (Tableau 7) :un recrutement directement après l’obtention d’un diplôme de formation bancaire (pour 25 % desconseillers financiers), une promotion interne à partir d’une autre fonction au sein de La Poste(pour 60 %), ou un recrutement externe pour des salariés expérimentés (pour 15 % d’entre eux).

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Tableau 7Part d’hommes et de femmes en fonction du mode d’accès au métier de conseiller.

Accès au métier (%)

Sexe Diplôme Promotion interne Expérience professionnelle Total

F 29 58 13 100H 19 63 18 100Total 25 60 15 100

Calcul fait à partir du questionnaire ad hoc (n = 165).

Commencer à la Banque postale après un BTS Banque ou Force de vente n’a pas le même sensqu’obtenir une promotion interne. Dans le premier cas, cela permet au jeune diplômé de travaillerdans le secteur bancaire en gagnant une étape par rapport à une primo-insertion dans une banqueplus traditionnelle. En effet, alors que la plupart des jeunes diplômés commencent leur carrièredans un centre d’appels en tant que conseiller bancaire en ligne ou à l’accueil de l’agence bancaire,choisir la Banque postale permet d’éviter ce premier poste et donc de gagner une étape par rapportaux carrières dans les autres établissements bancaires de réseaux. Une première expérience entant que conseiller financier à la Banque postale peut ainsi constituer un atout pour gravir plusrapidement les échelons bancaires, quitte à rejoindre un autre établissement après quelques années.

Les personnels promus en interne ont déjà fait leurs preuves dans d’autres métiers, l’évaluationannuelle de leur supérieur hiérarchique est en général bonne et permet même parfois de décelerdes qualités commerciales qui pourraient être davantage utilisées. C’est ainsi moins le niveau dediplôme que les compétences professionnelles reconnues au sein de l’entreprise qui autorisentl’entrée dans le métier de conseiller financier par promotion interne. Dans le cas de La Poste, etmême si le marché interne est actuellement en train de se fermer progressivement, la promotiondemeure une voie d’accès aux métiers financiers non négligeable. Mais les promus internesgravissent plus difficilement de nouveaux échelons, et a fortiori de cadres supérieurs, quand, pourles jeunes diplômés, le métier de conseiller financier à la Poste constitue un grade « de début » decarrière.

Les personnels promus en interne sont davantage liés à l’entreprise et à une loyauté entretenuepar une forte socialisation à leur organisation. L’entrée dans le métier de conseiller financierse fait parfois par le biais d’une mutation. Si le rapprochement du conjoint est une des raisonsqui peut faire choisir une destination plutôt qu’un métier, la mobilité géographique peut êtreliée davantage à des impératifs familiaux que professionnels, et ce particulièrement pour lesfemmes (Schweitzer, 2002). Ainsi, dans le monde de la banque, Yves Grafmeyer (1992) avaitmis en avant que les femmes privilégiaient des affectations proches de leur domicile, ou desemplois dans les services centraux, à horaires souples. La Poste possédant un réseau inégalablede bureaux, ces configurations y sont courantes. Le frein que constituent les charges familialesdans la carrière des femmes, notamment quand celle-ci dépend d’une mobilité géographique,se retrouve dans de nombreuses études (Wajcman, 1996 ; Bertaux-Wiame, 2006 ; Guillaume etPochic, 2007) et est devenu un résultat classique de la sociologie du travail. Dans le cas despersonnes promues en interne à La Poste, nous constatons une reconfiguration des articulationstravail-famille au sein des ménages, tous les conjoints n’étant pas prêts à se sacrifier, qui peutconduire dans certains cas à des divorces. Sur l’échantillon des 165 conseillers financiers à avoirrépondu au questionnaire ad hoc, si 13 % sont séparés ou divorcés (avec seulement un écartd’environ un point entre les hommes et les femmes), la différence est plus perceptible quand ladimension de l’âge est également prise en compte. Alors que les hommes de moins de 40 ans

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de notre échantillon sont soit célibataires, soit en couple, les femmes conseillers financiers de lamême tranche d’âge comptent une part de séparées ou divorcées nettement supérieure. L’effetd’âge se cumulant à celui du genre, il semblerait que, pour l’échantillon enquêté, les femmes, etpeu importe la tranche d’âge étudiée, soient proportionnellement davantage célibataires, séparéesou divorcées que les hommes conseillers financiers situés dans la même tranche d’âge.

Pour comprendre les processus internes qui produisent de la différenciation dans l’universprofessionnel, il ne faut toutefois pas perdre de vue que les facteurs et les guichetiers qui réussissentà entrer dans la carrière de conseiller financier connaissent des « destins improbables » (Ferrandet al., 1995). Nous avons déjà abordé l’importance des relations à la hiérarchie et le poids del’interconnaissance dans les carrières : ce fut longtemps le receveur qui proposait le poste deconseiller financier à l’un de ses agents, qui le repérait, le formait, le faisait évoluer, quand,pour les anciens « copofi », il ne lui imposait pas ce métier. La promotion des salariés bancairesest également dépendante de l’appui des « hiérarchiques » dans le secteur bancaire britannique(Halford et al., 1997 : 161). Cette première étape, qui consiste à entrer dans le métier de conseillerfinancier, n’est pas ouverte à tous. Elle procède d’une sélection et en constitue une nouvelle quiconduit ceux qui sont entrés dans cette carrière soit à reculer, y rester ou à passer, pour ceuxqui le peuvent, sur un autre métier par la voie d’une mobilité horizontale ou d’une promotion.La trajectoire particulière qui consiste à reculer devant ce métier semble cependant uniquementféminine. L’enquête n’a en effet pas permis de rencontrer un seul homme dans cette situation quenous allons à présent décrire.

2.2. « Reculer » devant le métier de conseiller financier :une configuration typiquement féminine

En partant de la définition de la « carrière comme suite d’ajustements au “réseau d’institutions,d’organisation, et de relations informelles” dans lequel la profession est exercée » (Becker, 1985 :126), on peut avancer l’idée que tout n’est pas linéaire, ni unidimensionnel dans une carrière, quecelle-ci peut connaître des inclinaisons et des changements de direction, ou encore des phasesde promotion (up) comme des phases de déclassement (down). Le fait de « reculer » devant lemétier de conseiller financier correspond à la trajectoire inverse de la promotion dans une mêmeorganisation. Si les études sur les des carrières des femmes cadres ont déjà montré l’effet négatif desprocessus de fusion-acquisition entraînant des modèles de carrière plus exigeants, une ségrégationprofessionnelle et un plafonnement de carrière (Pochic et Guillaume, 2009), nous allons tâcherd’établir qu’il existe également, au niveau de plus « petits » cadres, des effets négatifs dans lesprocessus de sélection des femmes et de fabrication des conseillers financiers. La transition d’unautre métier de La Poste à celui de conseiller financier peut ainsi être plus particulièrement délicatepour les femmes, en raison notamment de la question cruciale de l’investissement dans le travailattendu par la hiérarchie.

Une observation de trois mois dans un département de province, notamment au sein d’un servicedes ressources humaines, a mis en lumière un problème de postes vacants liés à des désistements depersonnels promus en interne qui font marche arrière et renoncent au grade de conseiller financieraprès l’avoir pourtant obtenu. Marginal, ce renoncement est typiquement féminin. Ce sont en effetexclusivement des femmes facteurs – qui distribuent le courrier dans le cadre de tournées ayantmajoritairement lieu le matin – qui sont concernées. Si certaines factrices préfèrent renoncer àleur validation comme conseiller financier et à leur promotion, c’est parce que le changementorganisationnel (modification d’horaires surtout mais pas seulement) entre le métier de facteur etcelui de conseiller financier suscite des tensions entre vie professionnelle et vie privée. En effet,

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un facteur termine sa tournée au plus tard à 13 heures, et dispose de ses après-midi, alors quel’amplitude horaire du conseiller financier avoisine les 9 h–19 h, ce qui modifie complètementl’organisation des journées de travail et, de fait, également les moments de hors-travail.

Ce changement brutal et important des rythmes de travail nécessite une adaptation del’articulation entre la vie professionnelle et la vie privée. L’ajustement semble plus facile à fairepour les factrices célibataires promues que pour les factrices mariées et avec enfants. Les femmesétant « en première ligne dans la course à la gestion des temps de vie (temps professionnel,familial, domestique, social et personnel) » (Silvera, 2005 : 265), il s’avère que, quand elles ontune famille, elles ont davantage de difficultés à combiner vie professionnelle et vie familiale(Nicole-Drancourt, 2009 ; Méda, 2008). Dans l’entreprise, peu d’aménagements ou de solutionspratiques organisationnelles permettent de lutter contre cet état de fait. Les femmes cadres reven-diquent également un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, et « préfèrent »parfois rester sur des postes d’expertise où elles peuvent davantage organiser leur emploi du temps(Laufer, 1998). Les promotions bancaires en Angleterre sont d’ailleurs tout autant dépendantesde la situation familiale que de la performance au travail du salarié (Halford et al., 1997).

Alors qu’on pourrait imaginer, au regard de la place croissante que prennent les pères dansla vie privée, que ce conflit travail-famille s’amenuise dans les nouvelles générations, des étudesmontrent que la priorité au bien-être de l’enfant crée, voire renforce, des tensions également dansla vie des jeunes femmes. Dans le cas des conseillers financiers, l’assignation des femmes autravail domestique et parental fait que ce sont des factrices et non des facteurs qui renoncentà leur promotion de conseiller financier, alors même que ce métier s’est ouvert massivementaux femmes et qu’il est aujourd’hui établi que les femmes diplômées ont investi les emploisde cadres, particulièrement dans des emplois dits fonctionnels ou d’expertise dont les horairessont plus simples à réguler (Laufer, 1998 ; Marry, 2004 ; Pochic, 2005). Ces femmes, promuescomme conseillers financiers mais qui « reculent » après leur affectation, vivent toutes en couple.L’hypothèse que le fait de ne pas réussir à renégocier la répartition des tâches domestiques lesamène à renoncer peut alors être posée. L’échec de cette renégociation peut également trouver sasource dans les pratiques et interactions professionnelles, l’absence de moyens empiriques pourrendre visibles ces processus ne signifiant pas qu’ils n’existent pas. Au contraire, si l’ethos et lesorigines plutôt populaires de ces promues9 ne permettent pas toujours de procéder à une nouvellerépartition des rôles domestiques qui restent assez traditionnels, c’est aussi parce que l’entreprisen’atténue pas vraiment les mécanismes à l’origine du plafond de verre :

« Mon mari n’est pas content, parce qu’avant en finissant à 13 heures, je rentrais à la maisonlui faire son déjeuner, je m’occupais des enfants, des courses, de la maison dans l’après-midiet j’étais là aussi quand il rentrait le soir. Maintenant, je ne suis plus là et je n’arrive plusà tout faire, donc il n’est pas content. Je crois que je vais demander à repasser facteur, cesera plus simple ! »

(femme, entre 35 et 40 ans, niveau Bac, ancien facteur, promue conseiller financier aumoment de l’enquête)

Quand la conciliation travail/famille ne fait pas l’objet d’une concertation dans le couple etreste quoi qu’il arrive à la charge de la femme, celle-ci peut se trouver obligée de renoncer à la

9 Le questionnaire ad hoc donne une idée de l’origine sociale des promues en interne par rapport aux diplômées, lespremières sont majoritairement filles d’agriculteurs, d’artisans commercants ou d’ouvriers quand les secondes sont plutôtfilles d’employés de la fonction publique ou de cadres (du privé comme du public). À titre d’exemple, quand les pèresdes promues en interne sont à 36,5 % ouvriers, les pères des diplômées le ne sont plus qu’à hauteur de 14,3 %.

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promotion qu’elle a obtenue pour pouvoir maintenir cet équilibre mis à mal. Dans le continuumde Rosemary Crompton (1999) allant du modèle traditionnel (l’homme au travail et la femme aufoyer) au modèle de l’égalité homme/femme dans la gestion du travail et de la famille, il existeune multitude de positionnements intermédiaires possibles. Le salaire de la femme facteur n’estcertes pas vu comme un « salaire d’appoint » (quoiqu’il faudrait pour le savoir le comparer aveccelui du mari), mais les horaires de travail qui lui sont liés ayant permis d’instaurer un certainordre des choses (la femme qui peut travailler à plein temps à La Poste et s’occuper à la foisde sa famille), la promotion au poste de conseiller financier ne doit pas changer la donne. Or, sila répartition du travail domestique reste inchangée entre une factrice et une femme conseillerfinancier, cela rend l’emploi du temps de celle-ci intenable et son intégration dans son nouvelemploi plus délicate.

Le médecin de prévention professionnelle départementale de La Poste explique dans son rap-port d’activité annuel que « les parents de jeunes enfants (et plus particulièrement les femmes),ont de plus en plus souvent des difficultés à concilier la disponibilité professionnelle attendue,notamment en termes d’horaires, avec les responsabilités familiales à assumer »10. Cette concilia-tion s’avère d’autant plus ardue que la répartition genrée des tâches ne s’adapte pas aux rythmesprofessionnels. « Alors même qu’ils ont un emploi du temps professionnel proche de celui deleur conjointe, les hommes concentrent leurs activités domestiques le week-end, le samedi pourl’essentiel. Les femmes, elles, répartissent leurs efforts tout au long de la semaine » (Lallement,2010 : 99). Ces effets continus ont raison de la promotion de certaines de ces femmes qui préfèrentau final rester sur les emplois les moins « chronophages ». Le fait que l’entreprise ne permettepas d’exercer un emploi de conseiller financier à temps partiel (à l’image de certains postes à res-ponsabilités de cadre) peut également inciter les femmes avec des enfants en bas âge à privilégierune carrière horizontale (Laufer, 1998 ; Evetts, 2000 ; Laufer et Pochic, 2004). Cela peut aussiexpliquer les quelques cas de « recul » constatés dans le métier de conseiller financier11.

Cette logique semble typiquement féminine car les conseillers financiers hommes, issus dela promotion interne, en partie d’anciens facteurs, ne rencontrent pas les mêmes difficultés aumoment de la transition de l’un à l’autre des métiers, et ne renoncent pas à leur promotion.Si l’articulation travail/famille est toujours asymétrique, en raison de la faible participation deshommes aux tâches domestiques, on peut supposer qu’elle est renforcée, sur le terrain observé, pardes dispositifs organisationnels qui entretiennent les différences entre hommes et femmes et dontles effets sont problématiques. À titre d’exemple, les salaires (mais peut-être aussi les valeurs)des factrices devenues conseillers financiers ne leur permettent pas d’envisager une délégationdes tâches domestiques (femme de ménage, baby-sitter) à l’image de femmes cadres supérieures.En Angleterre, où le modèle d’activité pour les femmes est plus traditionnel et discontinu, et pourun certain nombre de femmes évoluant professionnellement dans le milieu bancaire, la maternitéest également ressentie comme incompatible avec une carrière, au point parfois qu’elles refusentd’avoir des enfants afin d’atteindre un niveau de carrière plus élevé (Halford et al., 1997).

Dans ce métier, la persistance d’un « plafond de verre » passe par l’effacement progressif desfemmes à mesure que sont franchies des strates hiérarchiques de l’entreprise. Pour les conseillersfinanciers qui y sont contraints, le fait de devoir reculer semble cependant plus difficile à vivre

10 La Poste, DRH, Médecine de prévention professionnelle, 2005. Rapport annuel d’activité départemental, p. 32.11 S’agissant d’une enquête majoritairement qualitative, je ne suis pas en mesure de quantifier l’ampleur de ce phénomène

de recul face à une promotion obtenue. Ces observations ont été effectuées dans un département de province, où la gestiondu « stock » de ressources humaines et de l’affectation des emplois ne doit pas être exactement la même qu’à Paris ou enrégion parisienne.

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que l’immobilité. En effet, ayant obtenu une promotion, la tournée de la factrice promue estconfiée à un autre. Le service des ressources humaines doit donc réaffecter ailleurs celle quirenonce au bénéfice de son concours et la place de conseiller financier devient alors vacante,ce qui pose des problèmes organisationnels. Ces refus, s’ils se répètent dans le département oùl’enquête a été approfondie par des observations, peuvent nourrir les stéréotypes des supérieurshiérarchiques qui ont déjà tendance à proposer davantage cette promotion aux facteurs qu’auxfactrices (en tout cas dans ce département). Les renoncements des femmes favoriseraient, et mêmeentretiendraient, le maintien des règles de fonctionnement fondées sur une ségrégation sexuéepour ce groupe professionnel. Cette dernière ne permettant pas de revoir les modalités d’exercicede cette profession pourtant en cours de féminisation, une partition des types d’emploi financierse ferait sous couvert de critères organisationnels apparemment neutres mais en réalité genrés.

3. Conclusion

Le processus de féminisation du groupe des conseillers financiers aboutit à la fois à l’érosiondes mécanismes de différenciation des parcours professionnels féminins et masculins et, malgrétout, à la persistance d’inégalités sexuées dans le déroulement des carrières (Lapeyre et Le Feuvre,2009 : 425). Ce constat va donc à l’encontre de deux a priori : celui de la corrélation entre degréde féminisation d’un métier et ampleur des inégalités sexuées et celui d’une plus grande indiffé-renciation sexuée des carrières dans le secteur public par rapport au privé, les règles de gestionde l’emploi public étant censées limiter les distorsions de traitement entre hommes et femmes(Buscatto et Marry, 2009). La forte féminisation des conseillers financiers de la Banque postalene s’est pas accompagnée d’une réduction de même ampleur des inégalités sexuées. Les diffi-cultés spécifiques rencontrées par les femmes ne sont en effet pas suffisamment compensées pardes dispositifs organisationnels, telle une mesure permettant aux jeunes mères de famille d’opterpour le temps partiel. Les marges de manœuvre dont dispose La Poste pour prendre en comptela féminisation et la diversité sont certes peu nombreuses mais le fait que les congés maternitécontinuent de pénaliser les carrières en n’étant pas considérés dans les parcours professionnelsdes « forces de vente » montre que l’entreprise joue un rôle, de fait, dans le maintien des inégalitésde carrière et d’accès à l’emploi.

La féminisation ne suffit donc pas à elle-seule. Elle n’est que le préalable pour un nouveau par-tage des différences sexuées. Une féminisation peut être faible et sans discrimination (Backoucheet al., 2009) ou, comme c’est le cas en l’espèce, forte mais avec des discriminations. La féminisa-tion des conseillers financiers sans le développement de l’égalité paraît à l’issue de cette analyseêtre le résultat de plusieurs mécanismes dont les effets se cumulent. Comme dans de nombreusesautres professions (Marry, 2005), la substitution d’un recrutement extérieur par le diplôme à unrecrutement par cooptation et promotion interne a favorisé l’entrée des femmes dans ce groupeprofessionnel. Mais d’autres facteurs ont freiné l’égalité : moindre accès des femmes aux carrièresfinancières postales, rôle des stéréotypes et qualités féminines qui les assignent à d’autres emploisou fonctions et aux tâches les moins valorisées, segmentation qui se recompose à l’intérieur mêmede la profession de conseiller financier, implication individuelle vis-à-vis de leur vie privée. Tousces éléments contribuent à expliquer l’absence d’égalité dans le métier de conseiller financier à LaPoste et la recréation permanente d’« espaces ségrégés » (Fortino, 1999). Les partitions et redis-tributions du travail sont cependant mouvantes dans la mesure où les différentes revendicationsportées individuellement et collectivement agissent pour réduire, à terme, les inégalités sexuéesde carrière.

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Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

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