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MS ACTERRA, juin 2019
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De la mycosylviculture à la gestion intégrée de la forêt :
quel modèle de développement pour les
montes de la sierra d'Albarracin
Livrable de l’exercice de terrain du Flash international réalisé par les auditeurs du mastère spécialisé Acterra , promotion 2018/2019, avec le concours du Centre de recherche et de technologie agroalimentaire d’Aragon (CITA) et de l’Européan mycological institute (EMI) en mai 2019
Pour citer : ACTERRA, Chambon P., 2019. De la mycosylviculture à la gestion intégrée de la forêt : De la mycosylviculture à la
gestion intégrée de la forêt : quel modèle de développement pour les montes de la Sierra d'Albarracin, AgroParisTech, 35
pages.
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Préambule
Nous sommes huit Auditeurs du mastère spécialisé ACTERRA (ACtion publique pour le développement
durable des TERRitoires et de l’Agriculture). Nous avons été mandatés par le Centre de recherche et de
technologie agroalimentaire d’Aragon (CITA) pour travailler durant deux semaines sur le territoire de la
Sierra de Albarracín dans le cadre d’un module international. Nous y avons réalisé une étude de la gestion
des montes. Ce diagnostic intervient dans le cadre d’une réflexion sur la reproductibilité d’un parc
mycologique présent sur le territoire de la comarca de la Sierra de Albarracín.
Présentation de l’étude le 30 mai 2019 dans les locaux du CITA à Teruel
en présence de nombreux acteurs du territoire
Ce terrain d’étude intervient dans un contexte de
collaboration naissant entre le centre AgroParisTech
de Clermont-Ferrand, en particulier sa chaire
partenariale InterAction et le Centre de recherche et
de technologie agroalimentaire d’Aragon.
Le CITA a officiellement rejoint les partenaires de la
chaire à l’occasion d’une cérémonie de signature
effectuée à Teruel en prologue de la restitution orale
de l’étude réalisée par les auditeurs du mastères
spécialisé Acterra.
Signature de la convention de partenariat
de la chaire InterrAction par José Antonio Dominguez Andréu, directeur du CITA
et Laurent Lelli, directeur du centre AgroParisTech de Clermont-Ferrand,
le 30 mai 2019
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Remerciements
Nous tenons à remercier chaleureusement toutes les personnes ayant participé à cette étude. Merci au
Centre de recherche et de technologie agroalimentaire d’Aragon (CITA) de nous avoir accueillis dans ses
locaux, et tout particulièrement à Fernando Martinez-Pena, directeur de recherche.
Nous remercions également Jean Rondet, directeur de l’Institut Mycologique Européen, ainsi que Francis
qui nous a accompagné lors de nos entretiens, ses traductions ont alimenté notre travail et surtout Ricardo
Forcadell, ingénieur forestier conseil qui a été notre clé d’entrée sur le territoire, ses montes et ses élus,
techniciens, représentants d’association et d’entreprise, scientifiques que nous remercions aussi
chaleureusement pour nous avoir donné de leur temps et de leurs savoirs.
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Sommaire
Préambule 1
Remerciements 2
Sommaire 3
1. Contexte 4
2.1. Constat 6
2.2. Hypothèse formulée 8
2.3. Objectif de notre étude 8
3. Méthodologie 9
3.1. Appréhender le territoire et le cas d’étude : identification et élaboration de la commande 9
3.3. Définition d’un “cadre théorique” et élaboration des axes de réflexion. 11
3.4. Présentation des outils d’analyse des données par axe 12
4. Présentation des résultats 13
4.1. Un territoire polarisé : Albarracín, un patrimoine riche qui pourrait davantage bénéficier au
territoire de la Sierra 13
4.2. Une analyse croisée des usages de montes 18
4.3. Deux manières de travailler le développement des montes 22
4.4. Conclusion 25
5. Pistes d’action et temps d’animation de la journée publique de restitution du 30 mai 26
6. Recommandations : vers une charte territoriale de gestion des montes 28
6.1. L’exemple des Chartes forestières de territoire [CFT] en France 28
6.2. De l’initiation de la Charte à la mise en œuvre du plan d’actions 29
6.3. Une gestion durable, concertée, multifonctionnelle 30
6.4. Propositions pour amorcer la réflexion autour d’une Charte territoriale de gestion des montes
31
Bibliographie 33
Tables des figures et illustrations 33
Annexes 34
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1. Contexte
La Sierra de Albarracín est une Comunidad aragonaise située dans la Province de Teruel, dont le chef-lieu
est la commune d’Albarracín. Le territoire se compose de 21 communes regroupant 5 041 habitants
répartis sur une superficie de 1,414 km2. Territoire rural inscrit dans les monts Ibérique, riche de la grande
diversité de ses paysages, allant des plaines du Nord aux forêts du Sud, en passant par un ensemble de
falaises calcaires au centre.
Figure 1 : Carte de localisation de la Sierra de Albarracín et périmètres de ses communes
D’un point de vue socio-économique, le secteur agricole et forestier reste le plus important pour
l'économie du territoire, l'élevage et l’exploitation forestière pesant de façon non négligeable. Pour
autant, le territoire est marqué par une fragilité économique et démographique. La dynamique récente
s’illustre par la réduction du nombre d’actifs sur le territoire et la fermeture de nombreuses entreprises,
conséquence directe d’un dépeuplement et d’un vieillissement de la population dans la Sierra.
Pour répondre aux difficultés des territoires ruraux, le gouvernement espagnol mise sur le développement
touristique pour redynamiser ces espaces selon les principes du développement durable1. La Sierra de
Albarracín tente de s’inscrire dans cette dynamique en mobilisant ses nombreuses ressources
patrimoniales. Naturelles tout d’abord, avec ses paysages variés et préservés qui constituent l’une des
facettes du territoire la plus représentative. Culturelles ensuite, grâce à son riche patrimoine matériel qui
contribue fortement à l’identité du territoire. Ses sites de peintures rupestres et l’architecture
moyenâgeuse de style mudéjar visible dans la ville de Albarracín sont largement valorisés. La Région
d’Aragon a d’ailleurs créé un parc culturel dont l’objectif est de favoriser le développement économique.
Cet agrégat de ressources amène les institutions locales à se saisir sérieusement du tourisme comme levier
de développement. Grâce aux financement européens, de nombreuses actions sont en cours pour attirer
1 Caludia Yubero Bernabé y María García Hernández (2016), Turismo en Albarracín y Comarca. Acción pública local y dinámica reciente en clave de desarrollo turístico sostenible, Anales de Geografia de la Universidad Complutense 36(1):173-194
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les touristes nationaux et plus encore internationaux (rénovation de logement en gîtes ruraux, chambre
d’hôtes, chemins thématiques…).
La Sierra d’Albarracín est constituée majoritairement d’espaces naturels et forestiers (les “montes”), la
valorisation de ce patrimoine naturel devenant un des axes fort du développement touristique du
territoire. Ces écosystèmes ont généré, depuis de nombreuses décennies, une activité autour de la
cueillette de champignons. Cette activité a sa part d’inconvénients selon certains acteurs du territoire qui
considèrent cette activité tel qu’elle est comme occasionnant une forme de pillage de la ressource.
L’activité de cueillette a des retombées économiques indirectes (hébergement restauration) qui sont
analysées par certains comme étant plus importantes que ne pourrait l'être la retombée issue d’une
transformation de la ressource sur le territoire. Certaines lois ont alors été mises en place permis de
maintenir cette activitée. Un parc mycologique a alors été créé et mis en place par Décret régional en 2014
sur la province de Teruel. S’entendant sur un consensus, validé par des décrets communaux Vingt-et-une
communes partagent un certain nombre d’objectifs à travers ce parc . Après un an de gestion par la
comarca, c’est la Comunidad qui s’est vu attribuer la compétence de gérer le parc en tant que
regroupement traditionnel des propriétaires des forêts comprises dans son périmètre Son objectif est de
gérer les ressources naturelles renouvelables de la Comunidad de Albarracín en générant une valeur
ajoutée pour le territoire.
Dans ce contexte, le CITA s’insère dans ce territoire et cherche à dynamiser et faire évoluer la gestion de
la forêt en s’appuyant sur ses recherches en matière de mycosylviculture. Le CITA est un organisme public
de recherche appartenant au département de l'innovation, de la recherche et de l'université du
gouvernement d'Aragon. Le centre de Teruel, porteur d’une démarche de recherche-action, cherche à
développer le lien entre les entreprises et le monde de la recherche, en particulier en accueillant des
porteurs de projets, pour favoriser l’innovation au service du développement durable des territoires .
Notre travail s’inscrit donc dans une réflexion plus large autour de la valorisation des ressources forestières
capables de répondre aux enjeux du territoire : maintien de la qualité environnementale et attractivité du
territoire.
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Figure 2 : Les montes d’utilité publique dans la Sierra de Albarracín
En rouge : la propriété commune des
municipalités réunies dans la Comunidad
En bleu : la propriété commune exclusive
de la Comunidad
En orange : la propriété distincte de
chaque municipalité
2. Elaboration de la commande de notre étude
2.1. Constat
La porte d’entrée de notre étude, le Parc mycologique, définit donc las Sierras de Albarracín comme notre
territoire d’étude. En s’intéressant au parc mycologique, c’est plus largement le sujet intégrateur des
montes, écosystème particulier en Espagne, du territoire de la comarca d’ Albarracín qui a constitué notre
sujet d’étude.
Dès nos premiers entretiens, les montes, propriétés privées des municipalités, nous sont apparues comme
dotées d’un statut juridique particulier. Ce statut les réserve en effet à un usage exclusif d’espace naturel
garant d’une qualité paysagère exceptionnelle. La gestion de leurs forêts en vue de la production de bois
s'appuie sur un plan d’exploitation annuel piloté par des experts de la communauté autonome d’Aragon.
La Comunidad, organisation collective pluri centenaire des communes, coordonne la gestion de ces
propriétés privées des communes ainsi que celle des propriétés communes à l’ensemble des communes ;
elle confère ainsi à la mise en commun de ces propriétés une dimension de bien commun.
De ce fait, une première approche de l’organisation des acteurs publics mobilisés pour gérer la ressource
montes amène à voir une centralité de certains acteurs dans la gestion de ce socio-écosystème.
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Ce territoire apparaît fortement polarisé par les aspects touristiques et économiques. Albarracín, la
commune principale, dispose de ses propres dynamiques touristiques, attire des flux touristiques
importants et concentre les retombées économiques. Les touristes prolongeant rarement leur séjour pour
découvrir le reste du territoire, les autres communes ne semblent pas bénéficier de retombées
économiques dues à l’effet d’attractivité de Albarracín. Teruel, à l’extérieur de notre territoire d’étude, a
également un impact sur les flux et la dynamique territoriale du territoire de la Comarca car elle concentre
les habitants, les emplois et constitue une entrée des flux touristiques de la province, d’autant que l’accès
au territoire est aisé grâce à l’autoroute qui la borde à l’Est.
En Espagne et particulièrement dans la région autonome d’Aragon, l’organisation de la propriété foncière
forestière est partagée entre la Comarca et les communes. Chaque collectivité dispose d’un droit usus
fructus et peut décider, en accord avec la Région, de la stratégie de gestion à mettre en place pour
l’exploitation des montes. Le cadre législatif qui réglemente la gestion des montes dépend de chaque
fonction des montes : sylviculture, gestion cynégétique et mycosylviculture.
En orientant notre angle de lecture du territoire non plus sur la polarisation de celui-ci mais sur la façon
de gérer les montes, il nous est apparu que celles-ci sont gérées à travers leurs différentes fonctionnalités.
Notre entrée par le biais du Parc mycologique nous a conduit à nous intéresser principalement à trois
fonctions des montes : la sylviculture (dans un objectif “classique” d’exploitation du bois), la cynégétique
(réglementation et valorisation de la chasse) et la mycosylviculture (organisation de la cueillette des
champignons et sa valorisation, préconisation scientifique de la conduite de la forêt en fonction des
connaissances récentes sur les mycorhizes). Nous sommes conscients d’avoir laissé de côté la
fonctionnalité élevage qui nous a semblé moins concernée par l’écosystème forestier. Le Parc
mycologique, périmètre concentrant la ressource mycologique gérée, se superpose aux périmètres de
gestion des autres fonctionnalités : chasse (réserve et “coto”) et production de bois. Néanmoins, la gestion
de la forêt semble sectorisée selon ces trois fonctionnalités. La régulation de leur exploitation par
l’économie semble être prépondérante.
Enfin, le tourisme est un levier essentiel du développement de la Sierra de Albarracín. La qualité paysagère
et les potentialités de tourisme de nature et culturel sont bien réparties sur le territoire. Le maillage
d’hébergements et de points d’information (offices de tourisme, mairies) semble équilibré. Les acteurs
expriment systématiquement l’intérêt de développer le tourisme à partir de la ressource des montes, de
ses forêts. Certains estiment que cette valorisation induit des retombées économiques indirectes
supérieures aux retombées directes de cette ressource. Aussi, nous nous sommes intéressés aux
institutions impliquées dans les stratégies touristiques du territoire en nous interrogeant sur la
compatibilité de leur organisation avec celle des acteurs qui gèrent les montes.
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2.2. Hypothèse formulée
Invités à exercer nos approches territoriales du développement, nous avons repéré un risque d’isolement
de la valorisation des montes par la sylviculture orientée bois, risque ayant été évoqué par de nombreux
acteurs. Pour éviter ce risque, la fonctionnalité mycosylvicole nous apparaît être justement l’occasion
d’une gestion intégratrice et transversale de la forêt, avec des critères qui permettent la conservation et
la durabilité de la ressource.
Cette entrée environnementale qu’amène la mycosylviculture (appuyée par la recherche scientifique) ne
peut être bénéfique aux autres usages des montes que si une synergie se développe dans la gestion des
différentes fonctions. L’intégration d’un plan de gestion intégré des usages des montes, couplé avec des
stratégies touristiques autour des montes, peut constituer un réel levier de développement territorial.
2.3. Objectif de notre étude
Le travail que nous avons mené pendant onze jours a eu pour but de mettre en avant ce besoin de synergie
dans la gouvernance des montes et d’identifier les leviers (à travers des outils ou des acteurs) qui
permettraient de réaliser une gestion des montes qui soit transversale, intégrant ainsi la dynamique
touristique liée à la ressource que constituent les champignons sylvestres. Pour répondre à cela, l’étude
explicite premièrement les polarisations (géographiques, sectorielles et touristiques) et les dynamiques à
l’œuvre sur le territoire (§ 4.1) Dans un second temps, les résultats de nos analyses caractérisent les
méthodes de gestion des fonctionnalités des montes et les comparent entre elles afin d’identifier les
potentielles synergie entre les différentes structures impliquées dans les politiques de gestion des montes
(§ 4.2). Nous avons ensuite cherché à identifier les possibles points de synergies entre l’action collective
de gestion des montes et les stratégies de développement touristiques autour du champignon sur le
territoire d’étude, ceci passant par une analyse de la dynamique collective (§ 4.3 et 4.4). Enfin au chapitre
6, notre étude vise à proposer un outil permettant cette vision intégrante de la gestion des montes.
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3. Méthodologie
Le déroulement de notre méthodologie comprend six étapes :
- Observation et écoute : appréhender le territoire et le cas d’étude.
- Reformulation de la commande puis formulation d’hypothèses afin de construire des grilles pour
des entretiens semi-directifs.
- Définition du cadre théorique et des axes de réflexion structurants notre réponse à la commande.
- Elaboration d’outils de réflexion collective permettant de traiter et d’analyser les informations.
- Mise en commun du travail issu des différents axes de réflexion et construction de l’étude.
- Préparation d’une restitution publique.
3.1. Appréhender le territoire et le cas d’étude
Les deux premiers jours ont d’abord consisté en plusieurs rencontres au CITA. Jean Rondet (directeur de
l’Institut Mycologique Européen) a présenté la mycosylviculture comme porte d’entrée pour réinterroger
des logiques d’exploitation forestière sectorisées et défendre une gestion davantage multifonctionnelle.
Les commanditaires et acteurs impliqués dans le CITA, Fernando Martinez Pena et Ricardo Forcadell, nous
ont ensuite présenté la situation de la mycosylviculture dans la province de Teruel, caractérisée par un
fort potentiel myco-sylvicole et une agriculture truffière bien implantée. Enfin, nous avons terminé cette
phase d’appréhension par une visite de terrain au sein du Parc mycologique commentée par Ricardo
Forcadell. Cette visite a aussi été l'occasion d’une première rencontre avec certains acteurs territoriaux
(présidence de la Comarca et présidence de la Comunidad). Ces premières rencontres ont été proposées
à la manière d’exposés sur le territoire, nous permettant de questionner quelques acteurs clés, revêtant
ainsi une valeur d’entretiens exploratoires.
Ces deux jours nous ont permis de découvrir le territoire de la Sierra de Albarracín, d’éclaircir notre
compréhension de la commande et de préciser la direction de notre travail, exprimées plus haut dans le §
2.3 des objectifs de notre étude.
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3.2. Méthodologie d’enquête
Une liste d’acteurs nous a été proposée par Ricardo Forcadell en fonction de leur rapport au parc
mycologique. Nous avons ensuite fait une sélection avec la volonté, dans un premier temps, de réaliser
des entretiens nous permettant d’avoir une vision globale du territoire, pour nous recentrer dans un
second temps petit à petit sur les thématiques les plus abordées lors des premiers entretiens. Nous avons
donc organisé des entretiens avec dix-sept acteurs locaux liés à la gestion des forêts, à la chasse, aux
champignons et au tourisme. Une exposition au musée de Bronchales a constitué une opportunité
d’interroger des passionnés de champignons extérieurs au territoire.
Tableau 1 : Acteurs rencontrés
Enquêté Fonction
Ricardo Forcadell Conseiller forestier de l’entreprise Qilex
Fernando Lapesa Chef de la section incendie de la délégation du gouvernement d’Aragon dans la Province de Teruel
David Sorando Tecnico Área 15 SP Desarrollo Rural Teruel
Alfredo Ferrán Chef de la section chasse et pêche de la délégation du gouvernement d’Aragon dans la province de Teruel, responsable de la réserve de chasse des Montes Universales
Cesar Moron Commerçant
Gonzalo Castillo Guide touristique Quercus Aventura
Javier Marcos Martinez Président de l’association des entreprises de tourisme
Pedro Blanco Président de la Sociedad Micológica
Rosa Sanchez Maire de Orihuela del Tremedal – Présidente de la Comunidad
Jairo Abarca Association Cestas y setas
Vicente Sévilla Mycologue
Sagragrio Sanz Gestionnaire de l’ASIADER
Eduardo Sánchez Maire de Saldón ; Vice-Président de la Comarca
Alejandro Alonso Maire de Bezas
Victor Lacambra Technicien de la Comarca de Albarracin
Rufo Soriano Maire de Guadalaviar
Deux touristes Couple de Valence passionnés de cueillette de champignons
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3.3. Définition d’un “cadre théorique” et élaboration des axes de
réflexion.
A mi-chemin de notre étude, les enquêtes réalisées permettaient déjà d’identifier des aspects du
territoire : une étape importante de notre travail, suite à ces trois premiers jours d’enquêtes, a été de faire
le point collectivement. Ainsi, par l’intermédiaire de post-it, chacun a exprimé son analyse des enquêtes
et ce qu’il fallait en retenir. Ces post-it ont ensuite été regroupés en pôles de réflexion permettant de
formuler des hypothèses: “Le territoire subit une forte polarisation géographique due au tourisme et à
l’économie” ; “Les méthodes de gestions des différentes fonctionnalités de la forêt sont à interroger pour
une meilleure efficience. Comment passer d’une gestion économique à une gestion durable, d’une vision
en silo à une vision systèmique ” ; “Une approche environnementale serait favorisée par la prise en compte
des champignons dans la gestion de la forêt”; “Les questions de liens entre institutions et de gouvernance
sont essentielles pour une gestion durable des montes ”.
Photo 1 : Pôles de réflexion et hypothèses élaborés collectivement
Ces hypothèses avaient pour but d’être infirmées, confirmées, alimentées par les enquêtes qui suivront.
Ensuite il a été question de réfléchir sur des outils pour chaque axe permettant d’analyser ces données et
d’enrichir ces axes. Un tableur Excel avait déjà été entamé et permettait de décoder des modèles de
développement et des dynamiques pour chaque fonctionnalité de la forêt.
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3.4. Présentation des outils d’analyse des données par axe
Nous avons alors ouvert 3 chantiers (menés en sous groupes) permettant d’explorer ces hypothèses.
chantier n°1 - Hypothèse : Le territoire subit une forte polarisation géographique due au tourisme et à
l’économie
Les données que nous possédions sur le tourisme étaient à la fois qualitatives et quantitatives. Après avoir
mis au propre les entretiens, nous avons pu classer les différentes informations relatives à la thématique
de l’axe dans un même document. Cela nous a permis d’avoir une première approche globale de l’offre
touristique du territoire, de sa localisation et de sa perception par les différents acteurs interrogés. La
seconde étape de notre analyse a consisté à rechercher des données quantitatives pour appuyer notre
hypothèse d’une forte polarisation d’Albarracín ne profitant pas au reste de la Comarca. Nous avons utilisé
plusieurs documents mis à notre disposition par les acteurs rencontrés ainsi que des documents collectés
sur les différents sites touristiques : cartes du territoire, cartes des lieux d’activités touristiques, typologie
des différentes activités proposées, carte des sites touristiques, de l’offre en termes de restauration, de
logement, carte des routes, etc. En croisant données chaudes et données froides, nous avons pu construire
des cartes, très simplifiées, représentants le territoire de la Sierra de Albarracín afin de faire ressortir les
dynamiques principales à l’œuvre.
Chantier n°2 – Hypothèse 1 : Les méthodes de gestions des différentes fonctionnalités de la forêt sont à
interroger pour une meilleure efficience, en particulier comment passer d’une gestion purement
économique à une gestion durable et penser en système plutôt qu’en silo.
Hypothèse 2 : Une approche environnementale serait favorisée par la prise en compte des champignons
dans la gestion de la forêt
Dans une perspective d’analyse comparée, nous avons croisé les grands usages des montes avec un grand
nombre de thématiques (critère d’analyse) qui caractérisent à eux tous, la gestion de ces usages. Nous
avons, par la suite, regroupé les différents éléments de notre analyse du tableau pour, in fine, avoir quatre
axes d’analyses croisés (annexe 1). Ce tableau que nous avons essayé de renseigner au fur et à mesure des
retours d’enquête avait aussi vocation à partager l’information.
Chantier n°3 - Hypothèse : Les questions de liens entre institutions et de gouvernance sont essentielles pour
une gestion durable des montes, ressources agricoles et forestières mais aussi ressource touristique du
territoire
Notre réflexion ici a été double. Nous avons procédé à une recherche bibliographique nous permettant de
mieux cerner l’enjeu du tourisme dans les territoires ruraux d’Espagne. Cette revue de la littérature nous
a notamment permis de constater la prégnance de l’Union Européenne dans le financement des projets
touristiques. En parallèle, nos entretiens ciblés nous ont permis de saisir l’écosystème touristique local,
les modes de gouvernance et les acteurs impliqués. L’ensemble de ces connaissances ont été synthétisées
dans un schéma global, mettant en parallèle les projets de valorisation touristique dans les montes avec
le système de gestion des ressources de ces dernières.
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4. Présentation des résultats
Nous avons identifié trois axes d'analyse :
- La polarisation territoriale due à l'importance de la ville d'Albarracín
- La comparaison de la gestion des trois activités d’exploitation des montes (chasse, bois,
champignon)
- L'articulation et la mobilisation des acteurs liés à la ressource des montes
Ces axes ont été identifiés suite à une analyse “à chaud” de l’ensemble des entretiens réalisés, ils sont
donc issus d’une même réflexion, ils se complètent et se répondent les uns les autres.
4.1. Un territoire polarisé : Albarracín, un patrimoine riche qui pourrait
davantage bénéficier au territoire de la Sierra
La Sierra de Albarracín est connue pour sa capitale historique Albarracín. Ce village est classé monument
national depuis 1961, il a reçu la Médaille d’or du mérite des beaux-arts [medalla de Oro al merito en las
bellas artes] en 1996, il appartient à l’association des Plus Beaux Villages d’Espagne et il attend d’être
déclaré Patrimoine mondial de l’UNESCO. Son rayonnement est donc international. Pour reprendre les
termes d’un des élus interrogés : “Les gens connaissent mieux Albarracín que Teruel, la capitale
provinciale.”
Figure 3 : La polarisation d’Albarracin
Pourtant, il y a bien d’autres ressources historiques dans la Sierra, comme le témoigne notamment le parc
culturel d’Albarracín, qui met en valeur le patrimoine historique architectural de cinq villages de la Sierra
- dont Albarracín même.
Par ailleurs, la Sierra recèle d’une multitude de points d’intérêt historique, patrimonial et architectural,
ouvrant ainsi tout le territoire au regard du visiteur curieux.
Albarracin
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Figure 4 : Le Parc culturel et les points d’intérêt historique, patrimonial et architectural
Tous ces points sont valorisés par divers équipements : centres d’information, restauration, possibilités de
logement en hôtel, auberge, maison rurale, camping.
Figure 5 : Les équipements sur le territoire de la Sierra de Albarracín
Cependant, l’intérêt d’autres villages ayant aussi à offrir monuments et vestiges particuliers, n’est pas
encore forcément reconnu par les touristes qui viennent dans la Sierra. Les entretiens réalisés auprès des
différents acteurs du territoire nous ont fait prendre conscience qu’une certaine concurrence existait ainsi
entre Albarracín et les autres villages, qui deviennent aux yeux des visiteurs des “petits Albarracín”
[“Albarracinitos”], car leur spécificité n’est pas forcément mise en avant ni reconnue des visiteurs.
Albarracin
Albarracin
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Si l’attrait patrimonial est certain, l’environnement naturel participe également grandement de la qualité
paysagère du territoire. Ce sont les montes, espaces constituant le cœur de notre sujet d’étude, qui
constituent la majeure partie de ce patrimoine naturel exceptionnel. 80 % de ceux-ci sont classés d’utilité
publique et tous sont propriété tantôt des municipalités, tantôt de la Comunidad.
Ce régime de propriété des montes, si caractéristique du territoire de la Sierra de Albarracín, est en soi un
patrimoine, moins évidemment visible à l’œil du visiteur mais non moins précieux, qui fait de la Comunidad
plus qu’un outil de gestion des montes, mieux qu’une gardienne des paysages et des forêts, mais un
véritable patrimoine culturel immatériel.
Figure 6 : Patrimoine naturel et points de vue notables
Les services touristiques aragonais mettent en avant la qualité de ces paysages, en proposant aux visiteurs
des « routes » (itinéraires fléchés) qu’ils peuvent emprunter en voiture pour visiter le territoire.
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Figure 7 : Les itinéraires routiers conseillés
Le tourisme “actif” est également prôné. Il consiste en activités sportives (escalade, trekking, randonnée,
tir à l’arc...), de découverte, de sensibilisation ou d’apprentissage en milieu naturel.
Figure 8 : Le tourisme actif
Une partie de ces activités de “nature” est en lien avec les champignons : journées portes ouvertes,
marches dans la forêt… A cela s’ajoute le Parc mycologique, qui est composé principalement des montes
d’utilité publique du territoire. Sa gestion revient aux municipalités à travers la Comunidad.
Albarracin
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Figure 9 : Le Parc mycologique
En superposant les différentes cartes réalisées, et en particulier celle représentant le Parc culturel et les
points d’intérêts patrimoniaux, celle représentant les itinéraires routiers conseillés et celle représentant
le Parc mycologique, il apparaît que toute la surface du territoire est couverte.
Figure 10 : Un territoire “complet”
Il y a donc une réelle opportunité et un fort potentiel de développement de la Sierra, qui a la chance de
pouvoir s’appuyer à la fois sur le patrimoine historique d’Albarracín et sur sa reconnaissance
internationale, mais aussi sur un patrimoine naturel riche qui gagnerait à être mis en valeur afin de
Parc mycologique Itinéraires touristiques Parc et points d’intérêt culturels
Albarracin
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contrebalancer le poids du “Plus beau village d’Espagne”. Avec la présence du Parc mycologique, les usages
du territoire se multiplient encore. Comment organiser la collaboration entre ces différentes fonctions ?
Le Parc mycologique en particulier, les montes en général, nous semblent être des objets permettant, dans
la collaboration, de réunir des acteurs différenciés par la fonction, ou par l’échelle d’action, et de
surmonter dans une certaine mesure les différences politiques qui animent la vie locale.
4.2. Une analyse croisée des usages de montes
Nous avons approché l’objet des montes par rapport à différentes fonctions socio-économiques qu’elles
revêtent pour leurs propriétaires et usagers (correspondant aux types de ressources exploitées). Nous
avons cherché à comparer les caractéristiques juridiques, d’exploitation, de préservation, de gouvernance,
etc. de ces fonctions des montes. Nous nous sommes concentrés sur les fonctions : exploitation du bois,
chasse et cueillette des champignons. Les résultats de l’analyse croisée de ces trois usages (cf. tableau en
annexe n°1) peuvent être restitués de façon synthétique selon quatre thématiques :
● L’organisation de la propriété et la répartition des ressources financières issues de l’exploitation
● La coordination territoriale sur les usages des montes
● La recherche scientifique et l’expertise technique (connaissances et compétences)
● L’aspect réglementaire de la gestion des montes
Figure 11 : Quatre thématiques caractérisant la gestion des Montes
Propriété et répartition des ressources
Deux grandes logiques de gestion des bénéfices de la ressource s’observent, soit celui-ci constitue un fond
commun à une échelle de développement pertinente (cas de la cueillettes des champignons dans le parc
mycologique) ; soit le profit est directement reversé aux propriétaires à une échelle plus étroite
(exploitation du bois). La première logique permet de gérer la ressource à une échelle pertinente pour
Propriété et répartition
des ressources Coordination territoriale
Ressources scientifiques
Et connaissances techniques
Cadre réglementaire
de la gestion des forêts
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favoriser et pérenniser sa productivité , de plus, elle favorise la possibilité de réfléchir plus facilement à
des projets d’aménagement ambitieux et durables dans le temps. C’est le cas sur différents aspects de la
gestion collective du Parc mycologique. Dans le cas de la 2e logique, l’échelle de gestion appliquée à chaque
montes ne permet pas un plan de gestion commun et partagé pour avoir les avantages cités
précédemment, ce qui crée aussi des soucis qui se constatent par exemple dans la vente du bois, avec un
bas prix de vente du bois qui pourrait être mieux valorisé.
Il ressort de nos enquêtes auprès des acteurs et de notre observation du terrain que la mycosylviculture
est un secteur à fort potentiel économique. Les bénéfices indirects lié à la mycologie sont importants dans
cette région : l’activité touristique bien présente sur le territoire permet de faire vivre des infrastructures
de restauration, l'hôtellerie, etc. activées en particulier par les cueilleurs de champignons extérieurs au
territoire, en saison. Ces externalités positives liées aux usages des montes (mycologie, bois et chasse)
assurent la continuité des bénéfices pendant tout l’année et permettent de renforcer la dynamique locale
du territoire.
Coordination territoriale
Figure 12 : Coordination des usages et acteurs pivots
Les coordinations des usages (c’est-à-dire les modes de gestion des montes) sont portées par des acteurs
pivots spécialisés, la gouvernance est donc cloisonnée. Néanmoins, les maires (qui sont les représentants
de leurs communes) sont en mesure de faire des propositions sur la gestion sont aussi à la croisée de
toutes les informations concernant leur commune et ses montes. Ils sont impliqués dans la gouvernance
car ils siègent au sein de la Comunidad.
Dans les trois usages analysés, nous avons identifié (en vert sur la figure ci-dessus) un acteur pivot qui
garantit la coordination des acteurs concernés par chaque usage, toujours en échange direct avec les
maires (en rouge), qui sont censés faire le point avec un plus grand nombre d’acteurs du territoire
impliqués dans d’autres usages. De ce fait, la gestion transversale des usages est possible à condition qu’il
y ait un flux d’information assuré par la dynamique décrite.
Acteur pivot
Maire
Communidad
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Les techniciens forestiers en charge de la gestion de la forêt ont des compétences spécifiques en gestion
sectorielle (filière bois, chasse ou mycologie) mais ne disposent pas de compétences transversales sur ces
thématiques. La gestion des usages de la forêt pour être durable doit être multidimensionnelle. Cette
gestion en “silo” ne permet pas une prise en compte optimale des enjeux liés aux autres usages de la forêt.
Pour une gestion intégrée incluant tous les autres usages des montes, cette transversalité dans la gestion
est essentielle. Par exemple : l’impact de la coupe de bois dans la forêt sur la qualité des chemins pour
faire de la randonnée et des balades, l’impact sur les niches écologiques de la faune et les effets de la
chasse sur la fréquentation de la forêt par les ramasseurs de champignons.
Ressources scientifiques et connaissance technique
Les échanges entre acteurs de la recherche scientifique et acteurs du territoire ne semblent pas assez
transversaux. Le CITA est peu mobilisé pour certains usages de la forêt comme le bois. En revanche, au
niveau de la mycologie, son implication est importante, notamment dans la vulgarisation des nouvelles
connaissances, l’observation scientifique du fonctionnement des interactions arbres, sols et champignons
(suivi scientifique par prélèvements) et l’accompagnement des projets mycosylvicoles en général. Les
approches mycosylvicoles ont cet intérêt qu’elles sont déjà relativement transversales. La sensibilisation
des acteurs à ces approches constitue donc en elle-même une incitation à une gestion plus transversale
qui mériterait d’être davantage relayés auprès des animateurs des autres fonctionnalités de la forêt.
Les ressources scientifiques de ce territoire pourraient être davantage appropriées par les acteurs. Pour la
réserve de chasse, la région garantit la valorisation des études scientifiques sur certaines espèces chassées.
Il existe différentes représentations du monde de la recherche : les acteurs territoriaux (élus, entreprises
touristiques) n’ont pas la même vision de ce qu’est le rôle de la recherche et n’ont pas forcément
conscience de ce qu’elle pourrait apporter comme plus-value sur ce territoire. La question se pose au
niveau de l’impact de la coupe de bois sur la productivité des champignons, avec des réponses différentes
et opposées données par la recherche (CITA) mais aussi dans cette coexistence entre des statuts de la
connaissance hétérogènes tels que les révèlent les études empiriques conduites par la commune de
Bronchales et des amateurs passionnés de cueillette de champignon et d’autre part des protocoles
scientifiques d’observation des conditions de la pousse des champignons pilotées par le CITA . Ces
divergences dans la compréhension des sujets peuvent induire des conflits d’usage.
Les connaissances techniques sont assez présentes et importantes sur le territoire : elles sont disponibles
à travers des bureaux d’études et les techniciens de la région. Pour chaque usage des montes, on a au
moins un acteur spécialisé, chargé de la gestion via la mise à disposition d’un agent technique. Par
exemple, au niveau de la mycosylviculture, l’entreprise Qilex (partenaire du CITA) est très présente et
intervient techniquement dans la gestion de cet usage. Par contre, sur le volet sylviculture, elle est moins
présente. Le conseil et le contrôle des activités du Parc mycologique est, elle, confiée à des agents de
terrain issus des collectivités locales aidés par le bureau d’étude Qilex. A contrario, la gestion de la chasse
est pilotée par des experts de la faune dédiés, agents de la région autonome d’Aragon et accompagnée
sur le terrain par des gardes chasse.
Le cadre réglementaire de la gestion de montes
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Le cadre législatif qui régit la mise en place des montes est différent d’un usage à un autre et montre une
complexité dans la gestion commune des différents volets des montes (Parc mycologique, montes d’utilité
publique et réserve de chasse). L’analyse des cadres réglementaires relatifs aux montes fait apparaître un
décalage d’échelle : nationale, régionale et communale.
Pour le Parc mycologique, sa création est régie par un décret régional de 2014 pour la province de Teruel
suivi de vingt-et-un décrets communaux identiques avec des objectifs partagés par les communes du Parc.
Par contre, pour les deux autres usages des montes (montes d’utilité publique et la réserve de chasse), le
cadre de réglementation est d’abord national puis avec une déclinaison régionale datant de 2014 en
Aragon.
La variabilité de l’actualisation des documents de planification des montes et l’articulation des échelles
(nationale, régionale et communale) empêche l’adaptabilité et l’harmonisation de la gestion des montes
aux changement sociaux (évolution des usages, sur-fréquentation), économique (diminution de la
valorisation économique directe au profit d’une valorisation indirecte) et environnementaux (changement
climatique, état de la ressource). Cette contrainte réglementaire peut freiner la coordination des acteurs
et favoriser la gestion en silo des différents usages des montes.
Les documents de planification mis en place et les acteurs impliqués dans l'élaboration de chaque
document ne sont pas les mêmes. Notre analyse croisée identifie un plan de gestion sylvicole au niveau
des montes, actualisé il y a 5 ans avec une prise en compte des enjeux liés à la mycosylviculture. Ce plan
de gestion est conçu pour 100 ans avec des révisions intermédiaires qui peuvent être prévues par montes.
Ajouté à cela, il existe un plan régional de gestion forestière qui donne les grandes lignes pour
l’organisation de chaque usage des montes. Pour la mycosylviculture, dans le cadre du parc mycologique,
un projet d’élaboration de plan d'action pour des aménagements, communication et sensibilisation des
enfants et du public est en cours d’approbation (préparé par Qilex). A contrario, au niveau de la réserve, il
existe un plan de chasse annuel ainsi qu’un plan de gestion durable pour la reproduction portée par la
région en concertation avec les acteurs impliqués dans la chasse.
Quant à la coordination pour l’exploitation de l’ensemble des ressource issues des montes, elle est assurée
de manière informelle entre les acteurs du territoire, le cadre réglementaire ne définit pas clairement
quelle entité est chargée de gérer la forêt sur tous ces usages et d'établir une coordination transversale
des usages. Chaque acteur s’approprie le développement des montes en fonction de l’usage et a la
possibilité de l’améliorer au travers d’un plan de gestion actualisé chaque année en fonction des besoins
économiques. Les échanges entre les acteurs de la gestion sont quasi-inexistants et la transversalité dans
l’exploitation des montes n’est pas prise en compte. De ce fait, cette gestion « en silo » peut expliquer la
difficulté à prendre en compte la multifonctionnalité des montes dans les plans de gestion et à penser une
stratégie pour organiser la résilence au changement climatique des montes.
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4.3. Deux manières de travailler le développement des montes
Figure 13 : Liens entre les acteurs de la planification des filières de gestion du bois, de la chasse et des
champignons sur les territoires des montes de la Sierra de Albarracin
Le schéma ci-dessus (cf. figure 13, visible en plus grand en Annexe 2) montre comment la gestion des
montes est planifiée par différents acteurs au niveau de chaque échelon territorial. Les filières étudiées
(bois, chasse, mycosylviculture) possèdent des plans de gestion à des échelles différentes les unes des
autres. La gestion de ses filières est perçue par les acteurs interrogés comme cloisonnée. La planification
n’est pas mise en œuvre (pas de vision à moyen ou long terme). La gestion est réalisée sans suivre les
directives des plans.
Sur le schéma, deux principaux intervenants ressortent du jeu d’acteurs. Les maires, en tant que
propriétaires, et les agents techniques de la région. Les agents techniques font le lien entre les acteurs de
la gestion des montes de deux manières différentes : informelle avec l’ensemble des acteurs participants
à la gestion des montes, et formelle avec les maires de chaque commune. Ces échanges informels font
partie des moyens, pour la société civile, les associations et les entreprises, d’influer sur les plans de
gestion des montes, au même titre que l’Assemblée Générale ou les relations commerciales.
Durant nos entretiens, nous avons cependant identifié un second axe de réflexion autour du
développement des espaces de montes : le développement du tourisme mycologique. En effet, le tourisme
est une thématique qui est ressortie comme axe majeur et souhaité pour amener à une gestion et un
développement plus durable de la forêt. Nous mettons donc en parallèle deux modèles de développement
à l’œuvre sur le territoire.
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Figure 14 : Fonctionnement simplifié des deux modalités de gestion des montes étudiés (à gauche :
filières bois, chasse, champignon ; à droite : projets de développement rural, financement européen)
Pour permettre cette mise en perspective avec le développement touristique, nous replaçons ce premier
schéma (cf. Figure 13) dans un modèle plus global de gestion des usages des montes (cf. Figure 14).
Ce schéma nous montre ces deux modèles de développement en prenant en compte trois échelles
territoriales : la région de l’Aragon, le territoire de la Sierra de Albarracín et les montes. Les acteurs
impliqués sont alors placés selon ces trois échelles territoriales. La partie gauche du schéma (tracée en
vert) reprend de manière synthétique l’organisation décrite dans la figure n°13. La partie droite du schéma
(Figure 14) décrit le modèle de gouvernance à l’œuvre dans le développement touristique du territoire, et
qui touche aux montes.
La partie gauche du schéma identifie donc les services techniques de la région comme intermédiaires
incontournables de la gestion des montes. Cette gestion est dirigée par la Région, dans une logique top-
down. Via des agents régionaux, la Diputación General de Aragón (DGA) soumet des objectifs aux
propriétaires des montes. Après négociations, une contre-proposition peut être faite par les acteurs
locaux, validée ou non par la Région. Par l’intermédiaire d’un agent, la Région va faire remonter de
l’information du niveau extra local pour infléchir les politiques de gestion des différents usages des montes
dans un cadre étroit et contrôlé.
Il apparaît que la question du tourisme n’est pas instruite en ce qui concerne la gestion des montes.
Cependant, puisqu’il est un axe de réflexion pour le développement de ces dernières, il convient de décrire
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les mécanismes de développement touristique sur ce territoire (partie droite). Il en ressort alors un acteur
majeur dans le développement de projet touristique : l’ASIADER. Créé par la Comunidad, l’ASIADER se
constitue comme un Groupe d’action local (GAL) qui travaille à l’échelle du territoire de la Sierra de
Albarracín pour la répartition et la distribution des fonds européens LEADER vers des projets portés par
les acteurs locaux publics ou privés. Il est composé d’un ensemble d’acteurs liés au tourisme : la
Comunidad, la Comarca, le CITA, les municipalités, l’association des entreprises de tourisme, des
restaurants ou hôtels, etc. L’ensemble des membres contribuent au plan stratégique de l’ASIADER et
définissent les critères d’attribution du programme européen. Cette institution est donc le rouage
essentiel d’un pilotage du développement par le projet initié et entretenu financièrement par l’Europe.
Concrètement, L’ASIADER lance des appels à projets que les porteurs, notamment au niveau des montes,
saisissent pour proposer leurs idées au GAL en vue d’un financement. Il semble donc que ce mode
opératoire permet de généraliser les échanges directs entre les parties prenantes, et ceux de manière
élargie (communes, associations, groupes de propriétaires, entreprises, etc.). Il inclut de manière plus
formelle le tissu associatif et entrepreneurial autour de projets. Un des avantages de ce mode de
développement pour ce territoire semble être de “diluer” les rivalités politiques dans un ensemble
d’acteurs dépolitisés dont le seul intérêt est de promouvoir le tourisme sur le territoire.
Il semble ainsi se dessiner deux modes de développement distincts initiés par le haut. Dans chacun des
cas, nous voyons des éléments positifs. Dans la gestion des montes, les agents techniques de la Région
vont jusqu’à parler aux acteurs publics et privés à l’échelle des montes afin de prendre en compte leurs
observations. Cependant, le processus reste très linéaire et peu souple. De l’autre, le mode de
développement touristique valorisant les montes , montre une mise en réseau de plusieurs acteurs à
l’échelle de la Sierra de Albarracín. La mise en place du parc mycologique sur la Sierra en est un exemple.
L’ensemble des membres contribuent à la réflexion stratégique du tourisme. Ainsi, au-delà du financement
des projets par des fonds européens, le mécanisme de ce dispositif que l’on peut qualifier de bottom up
s’appuie sur différents niveaux de concertation qui lui confèrent sa capacité à être en phase avec la réalité
socio-économique et même environnementale du territoire, s’appuyant à la base sur une vision partagée
du territoire pour générer des actions.
Ainsi, nous pensons que le territoire peut réfléchir ces différents dispositifs de développement et les
hybrider sous de nouvelles modalités dans le but d’élaborer son propre modèle de développement,
mettant tous les acteurs du territoire en synergies, et ce, à n’importe quelle échelle pour une plus grande
résilience face aux changements en cours, en particulier concernant les socio-écosystèmes des montes.
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4.4. Conclusion
Les deux modalités de gestion des montes ne sont pas en opposition car elles ne font pas intervenir le
même jeu d’acteurs, ne se décident pas à la même échelle et organisent des actions de natures différentes.
Ces deux modes de gestion étanches, sans dialogues, sont symptomatiques de l'absence d’une gestion
globale des montes. Intégrer les atouts identifiés dans les modes de gestion étudiés dans un projet de
gestion plus transversal doit être réfléchi.
- Atout de l’organisation des filières bois, chasse, champignon : proximité des agents chargés de
la planification avec les parties prenantes de la gestion des montes à un niveau très local,
- Atout du travail en mode projet de développement rural sous financement européen : existence
d’une plateforme d'échange direct, à l'échelle du territoire, entre une grande diversité de parties
prenantes pour la valorisation des montes.
Dans un objectif de gestion durable des montes, les atouts des deux systèmes de gestion évoqués au 4.3
(axe 3) devraient être mobilisés dans un mode de gestion intégré. Si l’efficacité du projet dépend des
modalités d’échanges et de concertation, sa réussite viendra sans aucun doute de la mobilisation de
l’intelligence territoriale identifiée au 4.2 (axe 2), et ce pour l’ensemble des parties prenantes, en
s’appuyant sur :
- une mise en mouvement des propriétaires ;
- une animation territoriale pérenne et présente à toutes les échelles ;
- la mobilisation de la recherche et des connaissances techniques dans un but d’innovation et
d’émulation.
Réunies, ces conditions nous semblent motrices et vertueuses. La mise en œuvre des actions reprises dans
le schéma ci-dessous (cf. Figure 15) peuvent aboutir à une planification cohérente, globale et durable de
la gestion des montes de la Sierra de Albarracín.
Figure 15 : Cercle vertueux d’actions
Pilotage par
les propriétaires
Mobilisation des investissements
et savoir-faire
Animation
territoriale
Gestion intégrée
et planifiée
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5. Pistes d’action et temps d’animation de la journée publique
de restitution du 30 mai
La présentation des résultats a été réalisée le jeudi 30 mai, à l'occasion d’une journée publique organisée
par le CITA à laquelle plusieurs acteurs locaux ont participé.
Suite à la présentation des résultats, nous avons organisé un temps d’animation avec les participants de
cette rencontre pour réfléchir ensemble à des actions concrètes à mettre en œuvre dans le court et moyen
terme.
Deux temps de travail ont été conduits, d’abord, nous avons repris les quatre grands axes d’actions
proposés à la fin de la présentation, accompagnés de quelques propositions sous la forme de post-it. La
consigne était de travailler en petits groupes afin de commenter les idées proposées et de réfléchir à
d’autres actions pour arriver, dans un deuxième temps, à classer les post-it sur les quatre axes d’action (cf.
Figure 15).
Photo 2 : Temps d’animation
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Les discussions dans les groupes ont révélé des points importants :
- Qui est à l’initiative (porteur) d’un projet territorial pour la gestion des montes ? Le projet ne peut
pas être attaché uniquement à la Comunidad. L’association d’autres acteurs semble indispensable.
- Un point de controverse entre la pertinence d’une gestion intégrale de la ressource montes (avec
tous les acteurs impliqués dans les différents usages) et une gestion plus classique, par usage, et
apparemment “assez effective”.
Un deuxième temps en plénière a permis aux acteurs de partager leurs idées à toute la salle. Certaines
propositions que nous avions présentées ont été retenues par les acteurs, d’autres idées originales sont
également apparues :
● La Comunidad à l'initiative d’un projet de territoire pour la gestion des montes : la question se
pose au niveau de la possibilité de prendre ce rôle avec les ressources et compétences qu’elle
possède.
● Mobilisation du CITA dans d’autres projets : le cœur de l’action du CITA est la recherche mais la
recherche peut être vue comme un outil pour l’animation territoriale. Le CITA peut jouer ce rôle.
● Plan de gestion intégral des usages de montes, actualisé et co-construit par les acteurs :
actuellement, la difficulté est de trouver des espace d’échange.
● Amélioration des télécommunications : la partie communication est fondamentale, au centre des
actions pour dynamiser le territoire.
● Communication entre Teruel et la Sierra de Albarracín : beaucoup de touristes visitent Teruel sans
savoir qu’il y a des activités dans la Sierra de Albarracín.
● Créer des points de rencontre de mycologues experts lors des périodes de cueillette : il faut un
point d’identification pour que les personnes viennent avec les paniers à champignons (“Cestas”).
● Création de zones d'expérimentation : des endroits de démonstration pour introduire des
concepts issus de la recherche et donner la possibilité aux acteurs locaux de se les approprier.
● Coopératives pour la conservation de champignons pour les années de faible productivité.
● Réfléchir aux usages des montes en fonction des clients.
Cette activité nous a permis de conclure la séance avec une réflexion sur ce moment de partage. Il s'est
dégagé de la rencontre un besoin ou une envie d'échanger dans de telles conditions, dans un lieu neutre.
Cela nous a amenés à présenter une dernière proposition : une mobilisation d’engagement collectif pour
des actions concertées à travers la création d’une charte territoriale de gestion des montes.
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6. Recommandations : vers une charte territoriale de gestion
des montes Notre proposition de mise en place d’un outil concerté de gestion de la forêt des montes inspiré de
l’exemple français des “Chartes forestières de territoire” (CTF) a interpellé les acteurs présents. Un tel
outil aurait pour ambition de structurer la concertation et la coordination des différents acteurs concernés
par la gestion des montes de la Sierra de Albarracín en tenant compte de la multifonctionnalité de la
forêt et de son imbrication dans d’autres logiques de développement du territoire. Or, si en France la
propriété forestière est souvent éclatée entre de nombreux propriétaires, tel n’est pas le cas ici. Notre
proposition part du principe que l’existence sur le territoire d’une copropriété publique majoritaire
regroupée dans la Comunidad offre un avantage et une facilité pour la mise en œuvre d’un tel outil très
intéressants. L’expérience de la mise en place du parc mycologique constitue en quelque sorte une
préfiguration de charte forestière resserrée sur un infraterritoire et une thématique déjà bien
transversale. Ce parc mycologique pourrait être une des actions phare d’une future charte territorial de
gestion des montes, ses modalités de mise en œuvre pouvant être inspirantes pour les modalités de
projection d’autres actions.
Les contextes français et espagnol étant très différents, il n’est pas question ici de transférer un modèle
qui fonctionne en France pour l’appliquer ailleurs ; toutefois, il semble pertinent de tirer les enseignements
de réalités françaises et de toute autre idée utile au cas particulier de la Sierra de Albarracín.
6.1. L’exemple des Chartes forestières de territoire [CFT] en France
Les CFT sont créées par une loi d’orientation de 2001 et intégrées dans le Code forestier national ; la loi de
modernisation de l’agriculture en 2010 vient encore préciser les modalités d’élaboration et de mise en
œuvre des CFT. L’objectif global est de mettre en cohérence et de défendre les intérêts des communes
forestières, de former et d’informer les élus, de contribuer à la formulation d’une politique de filière
forêt-bois qui soit articulée avec toutes les thématiques majeures du territoire.
Le principe d’organisation est d’initiative locale, sans caractère obligatoire.
Les CFT en France s’articulent désormais à un ensemble de stratégies de territoire, revêtant souvent un
caractère obligatoire, en matière d’urbanisme, de transport, d’environnement, d’énergie, mais facilitant
pour les communes et les acteurs concernés tant le travail de diagnostic de la forêt que son articulation,
justement, avec les orientations stratégiques générales du territoire.
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6.2. De l’initiation de la Charte à la mise en œuvre du plan d’actions
Les initiateurs d’une CFT désignés par la loi sont les collectivités territoriales (souvent une Communauté
de communes, dont l’équivalent espagnol serait la Comarca), les organisations de producteurs-exploitants,
les organisations de propriétaires (dont l’équivalent pour la Sierra serait la Comunidad), les services de
gestion de la forêt (en France, l’Office national des forêts, en Aragon, les services compétents de gestion
des montes), les Chambres d’agriculture, les opérateurs du tourisme ou de l’emploi, les organismes
gestionnaires de la chasse, ...
Nous observons que la forêt constitue une partie importante du territoire de la Sierra de Albarracín,
importance qui n’est pas toujours reflétée dans les actions du territoire, ou diluée par les actions d’acteurs
agissant à leur échelle et selon leur logique propre. En premier lieu, il s’agit de définir le périmètre
pertinent du territoire et les objectifs stratégiques sur 3 à 10 ans, en coïncidence avec les spécificités du
territoire ; cette première phase ouverte préfigure le choix d’une structure porteuse et se conçoit sur la
base d’un échange qui rassemble acteurs et thématiques rattachés à la question de la gestion forestière
et, plus largement, aux enjeux du territoire : gestion forestière, exploitation du bois, agriculture,
aménagement rural, environnement, emploi, tourisme, attentes sociétales…
Figure 16 : Les étapes-clés de la mise en place et de l’exécution d’une Charte forestière de territoire2
Les grandes étapes consistent en l’élaboration (diagnostic et mise en place de la gouvernance),
l’animation, la mise en œuvre des actions, l’évaluation. Les Chartes sont envisagées comme étant
renouvelables.
2 Cuadro extraido de la intervencion de Guillaume David (coordinador forestal), en la formacion ACTERRA en AgroParisTech, Clermont-Ferrand.
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La Charte permet aux acteurs, publics ou privés, de passer des conventions d’objectifs, de moyens et
d’actions. Les conditions de réussite sont les suivantes3 :
- Le portage politique par des élus impliqués au sein d’une structure porteuse disposant de moyens
financiers et d’une capacité de mobilisation des autres acteurs
- L’animation transversale et pérenne réalisée par un animateur de charte (salarié)
- La mise en place d’un comité de pilotage des opérations :
● le comité de pilotage met en place l’ensemble du dispositif ; se réunit surtout pendant
l’élaboration ;
● il désigne un comité de suivi, composé par exemple d’élus, de techniciens, d’associations
de propriétaires ; un comité technique peut appuyer le comité de suivi pendant
l’élaboration, ainsi que des groupes de travail thématiques ;
● Il désigne un animateur de la Charte ;
- Le financement assuré des opérations par le choix d’un nombre limité de champs d’intervention
sur lesquels travailler durant les années à venir.
- L’articulation avec d’autres dynamiques de développement territorial qui doit être à la base de
l'adhésion des parties prenantes au projet de charte
6.3. Une gestion durable, concertée, multifonctionnelle
Il existe en France de nombreux exemples de Chartes (143 en 2016). Plus de 6 000 communes sont
concernées, 5 millions d’hectares de forêts sont couverts, dont 72% relèvent de la propriété privée, 28%
sont publiques.
A titre d’exemple, la CFT du Grand Sancy4 détaille un plan d’actions en trois chapitres principaux :
1. Créer une culture forestière sur le territoire
a. Animer le réseau de propriétaires et de gestionnaires
b. Maintenir la dynamique participative (créée lors de l’élaboration de la Charte)
2. Dynamiser l’économie de la filière forêt-bois
a. Favoriser l’accès à la ressource
b. Affirmer la mobilisation des bois par la diversité des modes d’exploitation
c. Faire évoluer les modes de vente du bois en lien avec les besoins des acteurs
d. Mieux valoriser les essences locales
e. etc.
3. Promouvoir la multifonctionnalité de la forêt
a. Améliorer le lien entre agriculture et forêt dans l’occupation des sols
b. Favoriser la multifonctionnalité de la forêt par une meilleure communication auprès des
usagers
Chaque Charte est spécifique pour son territoire ; les besoins, les enjeux propres au territoire, à ses acteurs
et à ses habitants sont déterminants dans la définition d’une CFT adaptée et durable.
3 Ibidem 4 Présenté lors du cours de Guillaume David, ibid.
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Les financements mobilisés relèvent des compétences des porteurs et acteurs concernés ; ils peuvent
provenir de l’Etat ou d’autres niveaux de gouvernement décentralisés. Les financements européens
notamment FEADER, LEADER et FEDER peuvent aussi être mobilisés, a fortiori lorsque la Charte s’inscrit
dans les objectifs plus larges d’un plan de développement rural.
De manière synthétique et indicative, la figure suivante présente la manière dont se déroule la vie d’une
Charte ; on y voit que l’implication des élus locaux est essentielle, ainsi que le croisement des différents
domaines d’expertise, en appelant à la consultation ou la concertation au sens large tant des acteurs
concernés que des habitants.
Figure 17 : L’évolution des CFT du démarrage à l’évaluation en vue de l’amélioration constante des
pratiques et de leur renouvellement5
6.4. Propositions pour amorcer la réflexion autour d’une Charte
territoriale de gestion des montes
Les propositions formulées ci-après sont des leviers d’amorce du cercle vertueux d’actions présenté en
partie 4.4 (conclusion), cette mise en mouvement aboutissant à la gestion durable et cohérente des
montes de la Sierra de Albarracín.
D’expérience, il est important de mettre l’accent sur le fait qu’en France, deux conditions apparaissent
essentielles au succès d’une CTF :
- Une animation pérenne
- La plus large adhésion possible (instances décisionnaires au début du projet)
5 Ibidem.
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Proposition n°1
Dans l’éventualité où certaines communes de la Sierra de Albarracín seraient jumelées à des communes
françaises porteuses d’une CFT, il serait très profitable de tisser des liens sur la question forestière
(échanges entre élus “forestiers”, partenariats entre entreprises (tourisme, exploitation, gastronomie),
parrainages dans le cadre d’animations forestières, etc.). Ce transfert d’expertise technique et de
connaissance est vecteur d’appropriation d’idées de gestion cohérente des montes à long terme. Les
problématiques françaises et l’approche même de l’objet de gestion qu’est la forêt, sont des aspects très
différent du contexte de la Sierra ; et pourtant, c’est dans cette différence que peuvent surgir les idées
fécondes. De sorte que, une fois le partenariat international établi, il sera un outil robuste et pérenne de
mise à jour et d’échange sur les moyens d’une gestion cohérente et concertée des montes.
Proposition n°2
La réussite et l'intérêt d’une charte forestière résident dans le fait que la gestion forestière classique est
associée à d’autres enjeux largement partagés de développement territorial. Par exemple, la lutte contre
la déprise territoriale en avançant l’idée d’un développement économique rural tous azimuts est un
leitmotiv qui marque le discours de la plupart des personnes interrogées. Nous pouvons alors poser la
question du champignon comme fil conducteur et coordinateur de ce développement économique rural.
En effet :
- La mycosylviculture aide à une gestion plus durable de la ressource en bois ;
- Le champignon est vu comme une manne touristique sur le territoire ;
- Il existe un appui d’organismes de recherche (CITA) au développement du Parc mycologique. Cet
appui favorise l’innovation (à la fois sur le plan technique - Qilex -, mais aussi territorial - notre
étude).
Le Parc mycologique est aujourd'hui une structure multi-acteurs de gestion de la forêt à l’échelle de la
Sierra de Albarracín, de gestion partagée des ressources des montes, et qui évolue en lien avec d’autres
activités économiques. Même si cette structure ne possède pas encore un poids économique fort et ne
fait pas consensus général dans sa manière de fonctionner, elle apparaît comme un terreau favorable à la
pousse d’un projet de territoire autour de la gestion intégrée des montes de la Sierra de Albarracín.
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Bibliographie
● Rondet J., Martinez Pena F. Territoires mycologiques, Educagri, 2016
● Nouveau Code forestier français :
https://aida.ineris.fr/sites/default/files/gesdoc/68603/Code_Forestier_nouveau_20190101.pdf
● Plans de développement de massif, Chartes forestières de territoire, Plans simples de gestion :
https://www.ofme.org/documents/ForetPrivee/fiches/235003.pdf
● “Charte forestière de territoire, éléments de méthode” :
http://cofor.org/content/medias/6088579865492065151.pdf
● Evaluation des CFT : http://www.cofor38.fr/resources/Guide_Evaluation_CFT.pdf
Tables des figures et illustrations
● Photo 1 : Axes et hypothèses élaborés collectivement
● Photo 2 : Temps d’animation
● Tableau 1 : Acteurs rencontrés
● Figure 1 : Carte de localisation de la Sierra de Albarracín
● Figure 2 : Les montes d’utilité publique dans la Sierra de Albarracín
● Figure 3 : La polarisation d’Albarracin
● Figure 4 : Le Parc culturel et les points d’intérêt historique, patrimonial et architectural
● Figure 5 : Les équipements sur le territoire de la Sierra de Albarracín
● Figure 6 : Patrimoine naturel et points de vue notables
● Figure 7 : Les itinéraires routiers conseillés
● Figure 8 : Le tourisme “actif”
● Figure 9 : Le Parc Mycologique
● Figure 10 : Un territoire “complet”
● Figure 11 : Quatre thématiques caractérisant la gestion des Montes
● Figure 12 : Coordination des usages et acteurs pivots
● Figure 13 : Liens entre les acteurs de la planification des filières de gestion du bois de la chasse et
des champignons sur les territoires des montes de la Sierra de Albarracin
● Figure 14 : Fonctionnement simplifié des deux modalités de gestion des montes étudiés
● Figure 15 : Cercle vertueux d’actions
● Figure 16 : Les étapes-clés de la mise en place et de l’exécution d’une Charte forestière de
territoire
● Figure 17 : L’évolution des CFT du démarrage à l’évaluation en vue de l’amélioration constante
des pratiques et de leur renouvellement
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Annexes
ANNEXE 1 : lignes et colonnes du tableau excel (en images) permettant l’analyse croisée.
Mycosylviculture (MS) (Action parc mycologique)
Sylviculture des "montes d'utilité publique"
Gestion cynégétique (GC) de la forêt dans la réserve
gestion cynégétique de la forêt dans COTO
analyse croisée
Oppositions
vers où
mot clé
verbatims
Produits valorisés Champignons Bois Faune Faune
Cadre légal
Espace de régulation
Documents de planification
Le contrôle de la régulation
octroi d'autorisation
Propriété
Ressource scientifique
Expertise technique
Plan de gestion
Evaluation du dispositif
Répartition spatiale
bénéfice direct et répartition
bénéfices indirects et externalités
les conflits d'usage
Dispositifs d'animation
Profil des animateurs
Controverses
Piste d'amélioration
l'enjeu économique
Commercialisation
Tourisme
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ANNEXE 2 : (Figure 13 agrandie)
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LEXIQUE :
- las Sierras de Albarracín : “Les monts d’Albarracin”
- montes : Ce terme désigne la forêt en tant que support de divers usages et fonctionnalités.
- Communidad : C’est une institution authentique de la région en Aragon depuis la disparition de
celles de Calatayud, Daroca et Teruel au XIXe siècle. Depuis le début du XIVe siècle, une
organisation primitive des villes ou villages environnants Albarracin s’est regroupé dans une
communauté, entité supra municipale. Cette institution est née de la nécessité pour les gens
d'organiser l'utilisation des montagnes et des pâturages.
- Comarca d’ Albarracín : La comarca est un regroupement de municipalités. Elle peut être traduite
en Français par pays, contrée... Il n’y a que dans les régions autonomes de Catalogne et plus
récemment de l'Aragon que la comarca a un statut juridique et constitue un échelon administratif
intercommunal.
- Montes Universales : Il s’agit d’un massif montagneux appelé « monts universels », au sud-ouest
du Système Ibérique occupant la plupart de la comarque de Sierra de Albarracín. Ses sommets les
plus importants atteignent entre 1 600 et 1 935 m d'altitude au Caimodorro. Une reserve de chasse
portant ce nom se situe sur son périmètre.
- Cestas y setas : “paniers et champignons”