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Tendances des migrations internationales 74 © OCDE 2003 C. TENDANCES RÉCENTES DES MIGRATIONS INTERNATIONALES : L’ASIE ET L’EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE L’édition 2001 de Tendances des migrations inter- nationales avait mis l’accent sur les migrations asia- tiques vers les pays de l’OCDE. Dans le présent rapport une attention particulière est accordée aux migrations entre les pays d’Asie. Les tendan- ces présentées ci-dessous couvrent plusieurs pays d’Asie de l’Est et du Sud-Est. Elles sont éta- blies à partir des informations recueillies dans le cadre de l’Atelier annuel sur les migrations inter- nationales et le marché du travail qui s’est tenu à Tokyo les 4 et 5 février 2002. Ce séminaire est organisé par les Autorités japonaises avec la par- ticipation du Bureau International du travail et de l’OCDE. En ce qui concerne les migrations dans les pays d’Europe centrale et orientale (PECO), on s’attachera à décrire l’évolution des flux migratoi- res dans et à partir de cette région ainsi que l’impact de l’élargissement de l’Union euro- péenne sur les migrations. 1. Évolution récente des migrations en Asie de l’Est et du Sud-Est 6 a) Rappel historique et principales tendances récemment observées La fragilité des économies de l’Asie de l’Est et du Sud-Est s’est révélée au lendemain des attentats perpétrés contre le World Trade Center à New York, le 11 septembre 2001. Elles paraissaient tout juste se reprendre après avoir subi les effets de la crise financière asiatique de 1997 quand elles ont de nouveau été plongées dans un climat délétère pro- duit par le tassement de la demande au plan régio- nal et mondial. Bien entendu, toutes ne sont pas touchées au même degré. La plupart des économies d’Asie avaient retrouvé le chemin de la croissance en 1999 et plusieurs, dont Hong-Kong (Chine), Sin- gapour, la Corée et la Malaisie, ont même connu une expansion rapide en 2000 (voir tableau I.19). Mais en très peu de temps, la situation s’est inversée. Tableau I.19. Croissance réelle du PIB dans quelques pays d'Asie et en Australie, 1996-2001 Pourcentages Sources : Banque de développement d'Asie, Key Indicators of Developing Asian and Pacific Countries, 2002 et Perspectives économiques de l'OCDE, n°71, juin 2002. 1996 1997 1998 1999 2000 2001 Taipei chinois 6.1 6.7 4.6 5.4 5.9 –1.9 Hong-Kong (Chine) 4.5 5.0 –5.3 3.0 10.5 0.1 Japon 3.5 1.8 –1.1 0.7 2.4 –0.4 Corée 6.8 5.0 –6.7 10.9 9.3 3.0 Singapour 7.7 8.5 6.9 10.3 –2.0 Indonésie 8.0 4.5 –13.2 0.9 4.8 3.3 Malaisie 10.0 7.3 –7.4 6.1 8.3 0.4 Philippines 5.8 5.2 –0.5 3.3 4.0 3.4 Thaïlande 5.9 –1.4 –10.8 4.4 4.6 1.8 Chine 9.6 8.8 7.1 7.8 8.0 7.3 Viêt-nam 9.3 8.2 4.4 4.7 6.1 6.8 Australie 4.0 3.5 5.4 4.5 3.4 2.4

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Tendances des migrations internationales

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C. TENDANCES RÉCENTES DES MIGRATIONS INTERNATIONALES : L’ASIE ET L’EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE

L’édition 2001 de Tendances des migrations inter-nationales avait mis l’accent sur les migrations asia-tiques vers les pays de l’OCDE. Dans le présentrapport une attention particulière est accordéeaux migrations entre les pays d’Asie. Les tendan-

ces présentées ci-dessous couvrent plusieurspays d’Asie de l’Est et du Sud-Est. Elles sont éta-blies à partir des informations recueillies dans lecadre de l’Atelier annuel sur les migrations inter-nationales et le marché du travail qui s’est tenu àTokyo les 4 et 5 février 2002. Ce séminaire estorganisé par les Autorités japonaises avec la par-ticipation du Bureau International du travail et del’OCDE. En ce qui concerne les migrations dansles pays d’Europe centrale et orientale (PECO), ons’attachera à décrire l’évolution des flux migratoi-res dans et à partir de cette région ainsi quel’ impact de l ’élargissement de l ’Union euro-péenne sur les migrations.

1. Évolution récente des migrations en Asie de l’Est et du Sud-Est6

a) Rappel historique et principales tendances récemment observées

La fragilité des économies de l’Asie de l’Est etdu Sud-Est s’est révélée au lendemain des attentatsperpétrés contre le World Trade Center à New York, le11 septembre 2001. Elles paraissaient tout juste sereprendre après avoir subi les effets de la crisefinancière asiatique de 1997 quand elles ont denouveau été plongées dans un climat délétère pro-duit par le tassement de la demande au plan régio-nal et mondial. Bien entendu, toutes ne sont pastouchées au même degré. La plupart des économiesd’Asie avaient retrouvé le chemin de la croissanceen 1999 et plusieurs, dont Hong-Kong (Chine), Sin-gapour, la Corée et la Malaisie, ont même connu uneexpansion rapide en 2000 (voir tableau I.19). Maisen très peu de temps, la situation s’est inversée.

Tableau I.19. Croissance réelle du PIB dans quelques pays d'Asie et en Australie, 1996-2001 Pourcentages

Sources : Banque de développement d'Asie, Key Indicators of Developing Asian and Pacific Countries, 2002 et Perspectives économiques de l'OCDE, n°71, juin 2002.

1996 1997 1998 1999 2000 2001

Taipei chinois 6.1 6.7 4.6 5.4 5.9 –1.9Hong-Kong (Chine) 4.5 5.0 –5.3 3.0 10.5 0.1Japon 3.5 1.8 –1.1 0.7 2.4 –0.4Corée 6.8 5.0 –6.7 10.9 9.3 3.0Singapour 7.7 8.5 – 6.9 10.3 –2.0Indonésie 8.0 4.5 –13.2 0.9 4.8 3.3Malaisie 10.0 7.3 –7.4 6.1 8.3 0.4Philippines 5.8 5.2 –0.5 3.3 4.0 3.4Thaïlande 5.9 –1.4 –10.8 4.4 4.6 1.8Chine 9.6 8.8 7.1 7.8 8.0 7.3Viêt-nam 9.3 8.2 4.4 4.7 6.1 6.8Australie 4.0 3.5 5.4 4.5 3.4 2.4

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En 2001, Singapour a été frappée par la récessionpour la première fois depuis son indépendance.Hong-Kong (Chine) a elle aussi enregistré une crois-sance négative tandis que le Japon, qui ne s’étaitjamais vraiment remis après l’éclatement soudainde la bulle spéculative en 1989, s’est retrouvé enplein marasme. Le Taipei chinois lui-même, quiavait évité les pires effets de la crise financière asia-tique, semble entrer dans une période de ralentis-sement économique. La Corée est probablement leseul pays dont le retour à la croissance paraît vou-loir durer.

Même au cours des brèves périodes de repriseobservées au lendemain de la crise financière asia-tique, le chômage a persisté. Il a même considé-rablement augmenté lors du nouveau fléchissementde la conjoncture en 2001. Il atteint actuellementdes records par rapport aux chiffres enregistrés dansle passé récent à Hong-Kong (Chine), à Singapour etau Taipei chinois, et rien ne permet de penser quela tendance s’inversera dans le proche avenir (voirtableau I.20). La cause profonde de cette persis-tance du chômage réside dans les ajustementsstructurels que connaissent actuellement ces« dragons asiatiques » ainsi que le Japon, pays ayantdélocalisé leurs industries manufacturières à forteintensité de main-d’œuvre et s’appuyant de plus enplus sur le secteur des hautes technologies. Despénuries de main-d’œuvre se manifestent dans lessecteurs d’activité modernes tandis que les excé-dents de main-d’œuvre s’accroissent dans les sec-teurs plus traditionnels.

Les économies d’Asie de l’Est et du Sud-Estque nous examinons ici se caractérisent toutes par

des mouvements d’immigration et d’émigration. Ilserait simpliste de vouloir les classer uniquementen régions de départ et régions d’accueil. Toutesenregistrent des flux aussi bien d’entrées que desorties bien que la composition et l’importancerelative de ces flux ne soient pas homogènes. Atitre d’exemple, les Philippines pourraient êtreconsidérées comme le pays d’émigration parexcellence étant donné que plus de 7 millions dePhilippins vivent ou travaillent à l’étranger ; maiselles importent aussi des migrants hautement qua-lifiés venus renforcer certains secteurs clés del ’é co n o m ie . En 1 9 99 , o n r e ce n sa i t p r è s de6 000 travailleurs étrangers aux Philippines, descadres japonais pour la plupart. Au regard du nom-bre d’émigrants, ce chiffre est très faible mais iln’en est pas moins important pour l’économielocale. Cette tendance générale se retrouve enIndonésie tandis que la Thaïlande et la Malaisieimportent et exportent des travailleurs en grandnombre et que le Japon, la Corée, le Taipei chinois,Singapour et Hong-Kong (Chine) sont tous despays d’immigration nette.

En Asie, tout mouvement de population doitêtre replacé dans son contexte démographique, àsavoir la baisse du taux de fécondité chez les fem-mes de la région. Ce taux a chuté de manière spec-taculaire au Japon ainsi que dans la plupart deszones agricoles de Chine (voir tableau I.21). Hormisen Chine, ces régions sont généralement des zonesde destination pour les migrants, les pays ayant dûse rendre à l’évidence que leur population activen’augmentait pas assez vite. Par contre, les pays oùle taux de fécondité est élevé sont généralementdes pays de départ.

Tableau I.20. Taux de chômage dans quelques pays d'Asie et en Australie, 1996-2001 Pourcentage de la population active

Source : Banque de développement d'Asie, Centre d'information sur la reprise en Asie et Perspectives économiques de l'OCDE, n°71, juin 2002.

1996 1997 1998 1999 2000 2001

Taipei chinois 2.6 2.7 2.7 2.9 3.0 4.4Hong-Kong (Chine) 2.8 2.2 2.7 2.9 3.4 6.7Japon 3.4 3.4 4.1 4.7 4.7 5.0Corée 2.0 2.6 6.8 6.3 4.1 3.5Singapour 3.0 2.4 3.2 4.6 4.4 5.0Indonésie 4.9 4.7 5.5 6.4 6.1 –Malaisie 2.5 2.6 3.2 3.4 3.1 3.7Philippines 8.6 8.7 10.1 9.7 12.0 –Thaïlande 1.1 0.9 3.4 3.0 2.4 –Chine 3.0 3.1 3.1 3.1 3.1 3.6Viêt-nam 5.9 6.0 6.9 6.7 6.4 –Australie 8.2 8.3 7.7 7.0 6.3 6.7

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Au Japon, à Hong-Kong (Chine), à Singapour, auTaipei chinois et en Corée, les effectifs de tra-vailleurs étrangers ont progressé régulièrement toutau long des années 90 (voir tableau I.22). Parmi tousces pays, il n’y a qu’en Corée que l’on puisse obser-ver un effet de la « crise financière asiatique »,comme en témoigne le recul marqué du nombre detravailleurs étrangers courant 1998. Dans les payssitués plus bas sur l’échelle du développement, lasituation est différente. Les effets de la crise sur lesmigrations de population y ont certes été plus sen-sibles, le nombre de travailleurs étrangers ayantbaissé en Malaisie et en Thaïlande tout comme enIndonésie. Mais une extrême prudence est de misedans l’interprétation des chiffres dont on dispose.

En effet, contrairement au Japon et aux « dragonséconomiques », ces pays du Sud-Est asiatique nedisposent pas de systèmes de collecte de donnéesbien au point. Plus important encore, comme c’estsouvent le cas dans la région, ces pays ont des fron-tières terrestres et maritimes très étendues, ce quiles rend difficiles à contrôler et permet aux indivi-dus de les franchir sans être repérés. Les migrationsclandestines représentent une part très significativede l’ensemble des migrations internationales entreles grands pays d’Asie du Sud-Est mais il est diffi-cile de savoir dans quelle mesure les chiffres fourniscorrespondent effectivement à la réalité.

L’effectif total des travailleurs étrangers dansles pays d’Asie a été décomposé dans toute lamesure du possible afin de définir trois catégories :travailleurs hautement qualifiés en situation régu-lière, travailleurs non qualifiés en situation régulièreet travailleurs non qualifiés en situation irrégulière.On ne dispose pas de données de cette nature pourtous les pays et, là encore, il faut souligner que lesdifférences de définition ou de couverture peuventrendre les comparaisons trompeuses. On peutnéanmoins dégager des tendances générales enregard de ces différentes catégories. Précisons qu’àHong-Kong (Chine), on trouve une catégorie d’immi-grants qui n’a pratiquement aucun équivalent dansles autres pays examinés. Il s’agit des titulaires d’unpermis « d’entrée uniquement » venus de Chinecontinentale, qui se voient accorder un droit deséjour dans la Zone administrative spéciale (ZAS).Ces personnes relèvent d’un programme de regrou-pement familial ou d’établissement. La majorité des

Tableau I.21. Taux de fécondité dans quelques pays d'Asie, 1980, 1990 et 1999 Nombre d’enfants par femme

Source : Banque de développement d'Asie, Key Indicators of DevelopingAsian and Pacific Countries, 2001.

1980 1990 1999

Taipei chinois 2.5 1.8 1.6Hong-Kong (Chine) 2.0 1.3 1.0Japon 1.8 1.5 1.5Corée 2.6 1.8 1.6Singapour 1.9 1.7 1.5Indonésie 4.3 3.0 2.6Malaisie 4.2 3.8 3.0Philippines 4.8 4.1 3.3Thaïlande 3.5 2.2 1.9Chine 2.5 2.1 1.9Viêt-nam 5.0 3.6 2.3

Tableau I.22. Effectifs de travailleurs étrangers dans quelques pays d'Asie, 1996-2001 Milliers

Note : Estimations officielles.1. Travailleurs domestiques étrangers uniquement. Il n'existe pas d'estimation des effectifs de travailleurs hautement qualifiés.2. Y compris des estimations de travailleurs en situation irrégulière.3. Experts étrangers, professionnels, travailleurs hautement qualifiés et enseignants.Source : Offices statistiques nationaux.

1996 1997 1998 1999 2000 2001

Taipei chinois – 245.7 255.6 278.0 326.5 –Hong-Kong (Chine)1 164.3 171.0 180.6 193.7 216.8 –Japon2 610 630 660 670 710 –Corée2 210.5 245.4 157.7 217.4 285.5 330.2Singapour – – – 530.0 612.2 –Indonésie3 24.9 24.4 21.3 14.9 16.8 –Malaisie2 745.2 1 471.6 1 127.7 818.7 799.7 805.0Philippines3 4.3 6.1 5.3 6.0 – –Thaïlande2 1 033.9 1 125.8 1 103.5 1 089.7 1 102.6 –Chine3 80 82 83 85 – 60Viêt-nam3 – – – – 30 –

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individus qui arrivent dans la ville à ce titre sont desenfants mineurs ou des épouses de Chinois deHong-Kong. Leur nombre est actuellement fixé à150 par jour.

Il convient de rappeler que beaucoup d’émi-grants quittant des pays asiatiques soit à titre tem-poraire, soit pour aller s’installer à l’étranger à titreplus ou moins permanent sont des personnes hau-tement qualifiées. Près d’un tiers des migrants arri-vés de Hong-Kong (Chine) en Australie et unseptième des immigrants entrés au Canada audébut des années 90 étaient titulaires d’un diplômeuniversitaire. Ce flux migratoire est, à la base, ins-piré par des visées à plus long terme, ce qui n’estpas incompatible avec le fait que beaucoup choisis-sent de ne pas immigrer à titre définitif mais deretourner dans leur pays d’origine, d’aller s’installerdans un pays tiers ou de passer d’un pays à l’autreaprès avoir obtenu une nouvelle nationalité. Sanspasser ces groupes totalement sous silence dansl’argumentation qui suit, nous nous concentreronsessentiellement sur les flux de travailleurs haute-ment qualifiés et d’étudiants.

b) Les flux de travailleurs hautement qualifiés : peut-on parler d’un exode des cerveaux ?

Dans la seconde moitié de la décennie 90, lesAsiatiques ont représenté entre un tiers et deux cin-quièmes des personnes ayant choisi l’Australie pours’y implanter. Une tendance significative s’est déga-gée, en ce sens que les critères d’accueil desmigrants ont été nettement réorientés : priorité aété donnée aux travailleurs qualifiés et aux créa-teurs d’entreprises, et non plus aux motifs familiaux.Le Canada a été le premier pays à gérer les fluxmigratoires par le biais d’un système de sélection« à points ». A eux seuls, deux pays fournissent plusd’un quart de la totalité des immigrants qu’ilaccueille aujourd’hui, à savoir la Chine et l’Inde. Deleur côté, tout en continuant à mettre l’accent surl’immigration par regroupement familial, les États-Unis ont réajusté leurs contingents d’admission afind’augmenter le pourcentage d’immigrants non char-gés de famille, possédant des qualifications ouvenus créer des entreprises.

Indépendamment de cette évolution des politi-ques d’immigration à long terme, une évolution toutaussi significative s’est fait jour, à savoir l’arrivéed’un nombre toujours plus grand de travailleursdans les pays d’Amérique du Nord et en Australiedans le cadre de divers programmes d’admission

temporaire. Aux États-Unis, le programme H-1B, misen place en 1992, fixait à 65 000 par an le plafondd e s a dm i ss io n s . C e p l a f o n d a é t é p o r t é à115 000 en 1999, puis à 195 000 entre 2001 et 2003,ce qui témoigne de l’importance croissante de cettefilière. En 1999, la Chine, l’Inde, le Japon et les Phi-lippines ont représenté près des deux tiers des65 000 admissions, l’Inde se taillant la part du lion.Les immigrants titulaires d’un visa H-1B sont autori-sés à séjourner aux États-Unis jusqu’à 6 ans. Il sem-ble également que l’Australie s’oriente vers unrecours croissant à l’immigration temporaire. Ainsi, àla fin des années 90, le nombre d’immigrants tem-poraires aurait atteint plus de 400 000 personnes,soit entre 2 et 3 % de la population résidente.

Les pays d’accueil ayant relevé leurs contin-gents d’admission de travailleurs hautement quali-f ié s en rev oyan t à la baisse les ch i ff r es del’immigration à des fins d’établissement et en met-tant au point des programmes d’admission pour desséjours plus courts, les pays d’origine pourraientconsidérer que le départ de leurs ressortissants esttout à fait contraire à leur intérêt. Ce qu’il estconvenu d’appeler « l’exode des cerveaux » a sou-vent été considéré comme une perte pour les paysd’origine alors qu’il faudrait plutôt y voir une« apport de matière grise » et un « échange desavoirs ». Il ne faudrait pas oublier que le nombretotal de personnes hautement qualifiées qui sedéplacent à l’intérieur des pays asiatiques, d’un deces pays à l’autre, ou qui en partent est assez faiblepar rapport à la population totale des économiesconcernées, et même par rapport au vivier de main-d’œuvre qualifiée dont elles-mêmes disposent.

Pour autant, les mouvements des travailleurshautement qualifiés, même si leurs effectifs sontmodestes, peuvent avoir des retombées significati-ves sur tel ou tel secteur du marché du travail et surle développement social et économique, notam-ment dans le contexte de la concurrence de plus enplus âpre pour attirer des compétences dans uneéconomie mondialisée. La meilleure façon d’illus-trer ce débat consiste peut-être à examiner lesdéparts d’étudiants originaires des pays d’Asie versdes établissements d’enseignement tertiaire àl’étranger. Longtemps, les États-Unis ont été leurprincipal pays de destination puisqu’en 1954/55, ilsattiraient déjà 30 % des 34 232 étudiants étrangersv e n u s d ’ A s i e . En 2 0 0 0 / 2 0 0 1 , o n r e c e n sa i t547 867 étudiants étrangers dans les établissementsaméricains préparant à des diplômes, sept des huitprincipaux pays de départ de ces étudiants étant

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situés dans la région asiatique (voir tableau I.23)..A elles seules, la Chine et l’Inde pourvoyaient 21 %de ces effectifs.

Si l’on prend l’exemple du Taipei chinois, onvoit que dans les années 1960 et 1970 – aux toutdébuts de l’émigration des étudiants vers l’étranger– le nombre d’étudiants rentrés dans leur pays estrelativement faible. Les retours se sont accéléréstout au long des années 80 jusqu’au milieu desannées 90, époque à laquelle les aides publiquesau retour ont été supprimées et où de nombreuxémigrés, revenant par leurs propres moyens, n’ontpas forcément été comptabilisés. Les données plusrécentes ne sont donc pas comparables à stricte-ment parler. Manifestement, toutefois, dans lesannées 1990, le développement du Taipei chinois aatteint un seuil qui a déclenché le retour massifd’étudiants. En même temps, sachant qu’ils pou-vaient recevoir un enseignement de qualité dansleur propre pays, les étudiants ont été moins nom-br e u x à v o u lo i r s ’e x pa tr ie r. En 19 8 0, s e u ls937 étudiants étaient rentrés au Taipei chinois maisils étaient environ 6 150 en 1994. En 1988, le taux deretour a été estimé à 32 % environ, soit le triple dupourcentage enregistré en 1980.

Les émigrés hautement qualifiés ont certes éténombreux à rentrer au Taipei chinois ou en Coréemais les pourcentages de retour dans les pays moins

développés comme la Malaisie ou la Chine semblentnettement plus faibles. Les Chinois partis étudier auxÉtats-Unis ont peut-être été 14 % à rentrer dans leurpays pendant la période 1978-1999. Quant à savoir sices pays suivront une voie analogue à celle des« dragons économiques » et verront augmenter lenombre de retours avec le temps, nul ne peut encorele dire. Pourtant, la crise financière asiatique a effecti-vement influé sur les effectifs d’étudiants partantpour l’étranger, les bourses accordées par les gouver-nements ayant diminué et le niveau des financespersonnelles des classes moyennes ayant entraînésoit un recul, soit un fort ralentissement de la pro-gression du nombre d’étudiants au départ de Malai-sie, de Thaïlande et d’Indonésie.

Paradoxalement, la rapidité de création d’unréservoir de talents au sein d’un pays ou l’augmen-tation du nombre de diplômés de haut niveau, sinécessaires au développement, peuvent être liéesaux possibilités d’émigration qui s’offrent au paysconsidéré. Les individus choisissent en touteconnaissance de cause de poursuivre leurs étudesparce que, précisément, cela leur conférera plus dechances d’émigrer. Une perte de personnel quali-fiée, si elle est modeste, peut donc servir au mieuxles intérêts d’une économie car elle contribue glo-balement à créer du capital humain. Mais lorsque laperte est supérieure soit à l’offre, soit à l’échangenet, les conséquences négatives peuvent être plussensibles. Ce raisonnement aboutit à l’idée intéres-sante selon laquelle il existerait un « niveau optimald’émigration ». Quoi qu’il en soit, des études duBureau international du travail (BIT) conduisent àpenser que la mobilité des compétences dans lesdeux sens, c’est-à-dire l’échange des savoirs, rendune économie plus attrayante pour l’investissementétranger que l’absence totale d’émigration de per-sonnes diplômées.

Cependant, on ne saurait considérer la perte depersonnel qualifié sous leur seul angle de l’écono-mie car elle s’accompagne aussi de conséquencessociales importantes. A titre d’exemple, le départde nombreuses infirmières des Philippines a pres-que certainement entraîné une dégradation des ser-vices de santé du pays. Chaque année, plus de 70 %des infirmières fraîchement diplômées émigrent et,selon les estimations, 30 000 postes demeurentvacants dans les secteurs public et privé, principale-ment dans les zones rurales.

A l’intérieur de la région Asie elle-même, lespôles de formation des travailleurs du savoir se

Tableau I.23. Effectifs d'étudiants aux États-Unis, 1954/55, 1974/75 et 2000/01

15 principaux pays d’origine en 2000/01 (Milliers)

Source : Institut d'éducation internationale, Report on International ÉducationalExchange, 2002 et autres années.

1954/55 1974/75 2000/01

Chine – – 59.9Inde 1.7 9.7 54.7Japon 1.6 5.9 46.5Corée 1.2 3.4 45.7Taipei chinois 2.6 10.3 28.6Canada 4.7 8.4 25.3Indonésie – – 11.6Thaïlande 6.3 11.2Turquie – – 11.0Mexique 1.2 4.0 10.7Allemagne 0.8 – 10.1Brésil – – 8.8Royaume-Uni 0.7 2.8 8.8Malaisie – – 8.1Hong-Kong (Chine) – 11.1 7.8Autres pays 6.9 31.4 199.1

Total 21.4 93.3 547.9

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déplacent. De tout temps, le Japon a attiré commeun aimant les étudiants d’autres pays asiatiques, enparticulier de Chine dans les premières années duXXe siècle. En même temps, les universités deHong-Kong (Chine) et de Singapour sont devenuesdes pôles d’excellence dans leurs régions respecti-ves. Les campus annexes des principales universi-tés occidentales se multiplient partout dans larégion tandis qu’en Chine, une série de centres uni-versitaires deviennent progressivement un pôled’attraction pour de nombreux étudiants. Ainsi pare x e m p l e , e n 2 0 0 1 , l e J a p o n c o mp t a i t78 812 étudiants étrangers (contre 51 047 en 1997),la Chine quelque 44 711 en 1999, la Malaisie23 000 en 2000 et le Taipei chinois 7 300 la mêmeannée. Ces étudiants sont en majorité originairesd’autres pays de la région. On voit donc qu’en Asie,la création de capital intellectuel va croissant. Maisune question essentielle se pose aux pouvoirspublics, à savoir comment retenir ces compétences.

c) Les flux de travailleurs non qualifiés

En termes d’effectifs, les travailleurs non quali-f iés constituent le plus gros des travailleursmigrants de la région asiatique. Il en existe deuxcatégories : ceux qui sont munis d’un permis, ou quiempruntent les voies officielles pour aller occuperdes emplois bien précis sous contrat, et les tra-vailleurs clandestins. Il faut toutefois préciser quedans ces deux catégories, avec ou sans permis detravail, des personnes diplômées et même quali-f iées peuvent émigrer pour aller exercer desemplois n’exigeant pas de qualification (c’est le cas,par exemple, de personnes allant travailler commedomestiques à Hong-Kong).

Il apparaît qu’au cours des 10 ou 15 dernièresannées, les économies asiatiques ont enregistré unepénurie de main-d’œuvre. Plusieurs d’entre ellesqui étaient des zones d’émigration nette sont mêmedevenues des zones d’immigration nette. Au coursde la seconde moitié de la décennie 1990, la courbed’importation de travailleurs par les voies légales aaffiché une hausse constante au Taipei chinois, àHong-Kong (Chine) et au Japon, hausse ponctuéepar la crise financière asiatique en Corée, en Malai-sie et en Thaïlande. Dans ces trois derniers pays, leseffectifs de travailleurs étrangers ont quelque peudiminué à partir de 1997-98 mais la tendance s’estassez rapidement inversée en Corée et en Malaisie.Les statistiques officielles font penser que le nom-bre d’immigrants en situation régulière s’est stabi-

lisé en Thaïlande quoiqu’il soit nettement inférieurà son niveau d’avant la crise. Lorsque la récessions’est amorcée en 2001, le nombre de travailleursnon qualifiés a baissé au Taipei chinois mais pas àHong-Kong (Chine). Début 2002, on signale de trèsnombreuses expulsions d’Indonésiens de Malaisie,soit parce qu’ils avaient été interpellés en situationirrégulière sur le territoire, soit parce que leurcontrat de travail était venu à expiration. La Malaisiesouhaiterait réduire sa dépendance à l’égard destravailleurs indonésiens – qui peuvent facilement« se fondre » dans la population locale – et accroîtrele recrutement de travailleurs venant d’un plusgrand nombre de pays différents. Compte tenu dela situation géographique de ce pays et de la démo-graphie des pays voisins, il est assez peu probablequ’une politique migratoire de cette nature ait deschances de succès.

Beaucoup de secteurs de haute technologieque les pays d’Asie de l’est s’efforcent de dévelop-per nécessitent également de forts contingents detravailleurs non qualifiés employés au condi-tionnement et à l’expédition des produits de cesindustries. Il s’agit d’activités faiblement rémuné-rées, répétitives, pénibles et exigeant de longuesheures en poste que la main-d’œuvre locale, mieuxformée, est de moins en moins encline à exercer.

Plusieurs pays d’Asie de l’est et du sud-estdemeurent d’importants pourvoyeurs de main-d’œuvre non qualifiée par le biais de programmesofficiels de recrutement tant publics que privés. LesPhilippines, l’Indonésie, la Thaïlande et la Chine seclassent toutes dans cette catégorie. La Chineenvoie des travailleurs dans 181 pays et territoires.S ’y a jo ute nt un e no mbreu se main-d ’œ uvreemployée par les flottilles de pêche de la région.E n n o v e m b r e 2 0 0 1 , l a C h i n e co m pt a i t8 6 6 5 9 0 t r a v a i l l e u r s à l ’é t r a n g e r, c o n t r e837 020 en 1999. Toutefois, sur cette même période,le nombre de Philippins employés dans le reste del ’Asie a effect ivement diminué, les marchésd’Europe et du Moyen-Orient venant compensercette baisse de la demande asiatique. Selon lesestimations, les rapatriements de fonds opérés parces travailleurs en passant par les voies officiellesauraient dépassé 6 milliards USD en 2000 même sice chiffre est en baisse par rapport à 1999 où il avaita tt ein t de s re co rds (6 .8 m i l l ia rds US D) . L aThaïlande, peut-être parce qu’elle dépend davan-tage des marchés asiatiques et, en particulier, duTaipei chinois, a enregistré une baisse du nombrede ses ressortissants travaillant à l’étranger, passé

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de 202 416 en 1999 à 193 041 en 2000. Les tra-vailleurs thaïlandais expatriés ont transféré quelque1.5 milliard USD dans leur pays en 2000. Commeindiqué précédemment, une part considérable deces transferts ne transite pas par les voies officiellestout comme un grand nombre de travailleursd’ailleurs.

d) Les travailleurs étrangers en situation irrégulière

Les travailleurs étrangers en situation irrégu-lière sont probablement beaucoup plus nombreuxdans les pays d’Asie du Sud-Est qu’en Asie de l’Est.De plus, les données relatives aux personnesentrées illégalement ou entrées légalement maisdont le visa est venu à expiration ou qui ne tra-vaillent plus dans les conditions notifiées à leurentrée sont plus fiables lorsqu’elles proviennent depays d’Asie de l’Est que du reste de la région.

A Hong-Kong (Chine), le nombre d’immigrantsclandestins – provenant principalement de Chinecontinentale – qui ont été interpellés et reconduits àla frontière a baissé considérablement, passant de14 892 en 1998-99 à 4 397 seulement en 1999-2000. Cechiffre est sans commune mesure avec les dizainesde milliers d’immigrants qui tentaient d’entrer dansla ville il y a quelques dizaines d’années à peine. Lacréation d’une multiplicité de débouchés dans larégion du delta de la rivière des Perles et le maintiend’une surveillance étroite le long de la frontière ontpratiquement mis fin aux migrations clandestines,qui constituaient un sujet de préoccupation majeurepour les pouvoirs publics de la Zone administrativespéciale. A Singapour également, le nombre d’immi-grants clandestins appréhendés a fortement dimi-nué, passant de 23 000 en 1998 à 16 500 en 2000. Laprincipale raison avancée pour expliquer ce phéno-mène est la crise financière asiatique encore qu’àl’instar du rapprochement entre Hong-Kong et Shen-zhen, la création de débouchés intermédiaires pourles migrants transitant par le pont-jetée reliant Singa-pour à la Malaisie a certainement joué un rôle.

Il semble par ailleurs qu’au Taipei chinois,l’augmentation de l’immigration clandestine en pro-venance de Chine pose un problème de plus enplus critique. Selon les estimations, en Corée, unpeu plus de la moitié des individus qui entrentdans le pays dans la légalité en qualité de stagiairesse « fondent » dans la masse des travailleurs et semaintiennent sur le territoire après expiration deleur visa. La Corée qui, de tous les premiers

« dragons économiques » a été le plus touchée parla crise asiatique, a vu diminuer de manière specta-culaire le nombre de travailleurs clandestins –passé de 148 048 en 1997 à 99 537 en 1998 – à lasuite d’une amnistie ayant permis à cette popula-tion de quitter le territoire sans payer d’amende.L’économie coréenne ayant retrouvé un rythme decroissance rapide, l’arrivée de travailleurs clandes-tins s’est elle aussi accélérée sensiblement à partirde 1998 à tel point qu’en 2001, on en dénombrait250 756.

Selon les estimations, la Malaisie comptaitjusqu’à 1.43 million d’immigrants en situation irrégu-lière avant que n’éclate la crise financière. Les esti-mations officielles des migrations irrégulières enMalaisie sont basées sur le nombre annuel d’inter-pellations, données difficiles à convertir en estima-tions d’effectifs. Mais depuis 1997, le nombred’individus appréhendés dans le cadre des opéra-tions Ops Nyah s’est accru. Il semble néanmoins peuprobable que le nombre de ceux qui échappent auxmailles du filet et résident clandestinement enMalaisie ait diminué. Sur le plan social, l’écart entrecertains groupes de population indonésiens commeles Minangkabau de Sumatra, par exemple, et lespopulations autochtones de la péninsule malaiseest bien moindre que celui qui sépare les Minang-kabau des Javanais de la capitale, Djakarta. Aussibien dans la péninsule qu’en Malaisie orientale,résident des minorités venues des pays voisins quipassent pratiquement inaperçues.

En Thaïlande également, les données relativesaux effectifs de travailleurs clandestins semblentparticulièrement « lacunaires ». Sous le gouverne-ment du nouveau Premier ministre, Taksin Shinawa-tra, des efforts concertés ont été déployés pourrecenser les travailleurs en situation irrégulière etc’est ainsi que fin octobre 2001, 562 527 travailleursavaient déposé une demande de permis de travailen bonne et due forme. On estime toutefois qu’il enresterait de 300 000 à 400 000 non comptabilisés.Malgré les statistiques selon lesquelles 319 629 ontété arrêtés en 1999 et 444 636 en 2000, il ne semblepas ces interpellations aient fait baisser de manièresignificative le nombre de travailleurs clandestinsprésents en Thaïlande.

e) Les domaines couverts par les politiques migratoires

S’agissant de la réaction des pouvoirs publicsdes pays de la région asiatique, deux remarques

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d’ordre général peuvent être formulées. Première-ment, les mesures prises varient en fonction despriorités de chaque économie et, deuxièmement, ilne semble guère établi que les interventions publi-ques aient effectivement permis de réguler leseffectifs ou de gérer le phénomène migratoire enl’orientant dans le sens voulu, sinon à très courtterme. Évidemment, les politiques diffèrent selonqu’elles sont axées sur l’accueil de main-d’œuvre ousur l’envoi de travailleurs à l’étranger. Si nous exami-nons les mesures prises pour recevoir des immi-grants, on peut dire que de tous les pays ayantparticipé aux discussions, seule l’Australie a mis enœuvre une politique très élaborée lui permettantd’atteindre l’essentiel de ses objectifs. Toutefois,elle ne saurait servir de modèle pour la majorité despays asiatiques en l’état actuel de leur développe-ment et du fait qu’ils ne s’apparentent pas à despays d’installation comme l’Australie. Mis à partHong-Kong, qui a pris des mesures d’admission detitulaires d’un permis « à sens unique » provenantde Chine continentale, aucun pays d’Asie ne cher-che à attirer des immigrants à proprement parler, nià étendre à des étrangers les avantages que confèrela citoyenneté. Les rares exemples que l’on peutciter – la politique singapourienne destinée à attirerdes travailleurs qualifiés et semi-qualif iés deHong-Kong au début des années 1990, ou l’assimila-tion, par la Thaïlande, des immigrants vietnamiensprésents depuis longtemps sur le territoire à la finde la décennie 90, par exemple – ont tous desobjectifs limités et des visées à court terme. Singa-pour et, depuis février 2002, Hong-Kong (Chine) onttout deux mis en place des programmes destinésaux investisseurs aux termes desquels ils accordentun permis de séjour permanent aux personnes dis-posées à investir des sommes considérables dansleur économie. Dans le cas de Hong-Kong, il faut unapport de 830 000 USD, chiffre considérablementsupérieur à ce que prévoient les programmes équi-valents du Canada et de l’Australie. Les politiquesdes pays asiatiques sont conçues avant tout pourrégler des problèmes de main-d’œuvre et nond’immigration. En outre, les politiques mises enœuvre à l’égard des travailleurs demeurent forte-ment axées sur la main-d’œuvre peu qualifiée, et nedéfinissent qu’en termes vagues, quand elles nepassent pas totalement sous silence, les mesuresdestinées à attirer ou à retenir les travailleurs haute-ment qualifiés.

En Asie, d’une manière générale, la stratégieconsiste à accueillir favorablement et à encourager

les immigrants hautement qualifiés mais à découra-ger ou à contrôler étroitement les travailleurs nonqualifiés. Les politiques à l’égard de ces derniersfixent souvent des plafonds d’admission, énoncentles secteurs dans lesquels des étrangers peuventêtre embauchés ainsi que les clauses et conditionsde leur emploi. La formulation des principes debase d’une politique migratoire au Japon est touterécente puisqu’elle ne date que d’août 1999. Malgrétout, elle ne vise que les immigrants qualifiés,reportant à plus tard la question des travailleursnon qualifiés qui devra faire l’objet d’un examenminutieux. Les mesures pr ises peuvent êtreconçues pour un projet particulier ou avoir unedurée limitée. A titre d’exemple, la politique autori-sant des travailleurs à venir à Hong-Kong pour laconstruction de l’aéroport a effectivement pris finavec l’achèvement du projet, en mars 1999, et leProgramme général d’importation de main-d’œuvremis en place en mai 1989 pour permettre auxe mp l o y e u r s d ’a t t i r e r de l a ma in - d ’ œ u v r e(14 700 travailleurs au maximum) a été aboli aprèsréexamen en 1995. Les législateurs et les dirigeantssyndicaux du pays s’étaient mobilisés pour s’oppo-ser à ce programme face à la montée du chômageintérieur.

Dans d’autres économies, les politiques visentavant tout à s’attaquer au problème de l’immigra-tion clandestine. La stratégie de la Thaïlande, quiavait pris une série de mesures s’efforçant de régu-lariser les travailleurs étrangers déjà présents surson territoire, a évolué. Partant d’une interdictiontotale de la main-d’œuvre étrangère, ce pays s’estensuite efforcé de déterminer certains provinces etcertains secteurs de l’économie dans lesquels desétrangers seraient autorisés à travailler, pour finale-ment adopter la politique actuelle qui couvre toutle pays et inclut 10 types génériques de profes-sions. Le Taipei chinois, le Japon, la Malaisie, laCorée et Singapour ont tous mis en œuvre des poli-tiques à un moment ou à un autre pour lutter contrel’immigration clandestine. Il semble que les mesu-res de renvoi par la force des migrants vers leurrégion d’origine n’aient pas vraiment eu d’effetssinon à court terme et qu’elles peuvent se révélercoûteuses. Là encore, les amnisties n’ont rencontréque des succès mitigés. Il n’est pas réaliste de vou-loir remplacer la main-d’œuvre étrangère par destravailleurs du pays qui se retrouvent au chômagecar les autochtones pourvus d’un emploi résidentgénéralement dans des régions autres que celles oùtravaillent les étrangers. Plus important encore, les

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chômeurs autochtones sont peu enclins à effectuerles travaux que les travailleurs étrangers sont dispo-sés à accepter. Les politiques telles que celle de laThaïlande, qui s’efforce d’enregistrer tous ceux quitravaillent déjà sur le territoire sans les menacer dereconduite à la frontière, sont plus pragmatiques.Toutefois, on ne sait rien des effets de cette politi-que sur l’ampleur ni l’orientation des mouvementsmigratoires dans l’avenir. Il semble probable que,comme dans le cas des migrations de travailleursqualifiés, les pays doivent planifier l’importation etl’exportation de migrants non qualifiés en facilitantleur circulation entre pays de départ et pays de des-tination.

Trois autres types de politiques à l’égard destravailleurs migrants présentent un intérêt pour larégion. Le premier concerne les mesures d’expatria-tion de travailleurs, ou les tentatives des pays d’ori-gine de trouver des marchés pour leur main-d’œuvre. A la suite de la crise financière asiatique,par exemple, la Thaïlande s’est efforcée de trouverdes pays disposés à accueillir ses travailleurs quivenaient de perdre leur emploi. Le Viêt-nam pré-voit de porter à 100 000 personnes ses exportationsde travailleurs, qualifiés ou non, d’ici 2005. Ce paysa mis en place un fonds spécial pour les former ainsique des prêts à l’intention des émigrants potentiels.

Le deuxième type de mesures concerne la pro-tection des immigrants. Il s’agit de veiller à ce qu’onleur accorde les mêmes droits et prérogativesqu’aux travailleurs du pays d’accueil et de garantirl’absence de discrimination pour raisons de natio-nalité ou d’origine ethnique. Pour atteindre cesobjectifs, il faut que les pays deviennent partie pre-nante aux conventions internationales destinées àprotéger les travailleurs migrants et leur famille, àabolir le travail des enfants et à éliminer la traitedes êtres humains. Bien entendu, ces objectifs inté-ressent au premier chef les pays de départ maisc’est aux pays de destination qu’il incombe de lesréaliser. Les Philippines, en part iculier, ontdéployés des efforts considérables – quoique pastoujours couronnés de succès – en saisissant desinstances internationales pour parvenir à desaccords sur la protection de leurs travailleurs, trèsnombreux à s’être expatriés.

Le troisième et dernier type de mesuresconcerne le retour au pays et la réinsertion desmigrants sur le marché du travail. S’ils sont habituésà travailler régulièrement ou à percevoir des rému-nérations élevées par rapport aux salaires pratiqués

dans leur région d’origine, ces travailleurs risquentde connaître des problèmes d’adaptation et deréin sert ion lorsqu’il s décideront , ou serontcontraints, de rentrer. Ils ne trouveront pas forcé-ment un emploi ni une rémunération comparables àce qu’ils connaissaient à l’étranger, et l’expériencequ’ils auront acquise ne sera pas nécessairementutile, reconnue, voire exploitable. Bien que les casde retour forcé posent probablement des problè-mes de réadaptation plus graves que les retoursvolontaires, les personnes concernées peuvent seheurter, et se heurtent effectivement, à des difficul-tés. Les travailleurs expatriés ne sont pas seuls àrentrer dans leur pays. Ceux qui avaient travaillédans des pays d’installation retournent égalementchez eux au moment de la retraite, après avoir tra-vaillé toute leur vie en Australie, au Canada ou auxÉtats-Unis.

2. Évolution des flux migratoires en Europe centrale et orientale

Be aucou p de pays me mbres de l ’OCDEcomptent, parmi leurs habitants, un nombre impor-tant d’immigrants originaires des pays d’Europecentrale et orientale (PECO) ou de la Communautédes États indépendants (CEI). L’adhésion prochainede certains PECO à l’Union européenne suscite descraintes quant à l’intensification des flux en prove-nance de ces pays à destination des États Membresde l’UE. Il semble toutefois que cette appréhensionne soit pas fondée, comme le démontrent la majo-rité des études dans lesquelles sont analysées lesprojections de flux migratoires résultant de l’élargis-sement de l’Union européenne (voir édition 2001 deTendances des migrations internationales, p. 78). De sur-croît, certains PECO sont progressivement devenuseux-mêmes des pays accueillant d’importants fluxd’immigration.

Dix ans après les bouleversements politiquesintervenus en Europe centrale et orientale, il estpossible de dresser un bilan des tendances desmigrations dans la région (pour plus de précisionssur l’évolution des flux migratoires en Europe cen-trale et orientale, voir édition 2001 de Tendances desmigrations internationales, pp. 73-82). L’analyse de cephénomène est rendue difficile par l’impossibilitéde recueillir des données fiables dans des pays enpleine réforme économique et administrative. Acela s’ajoute la diversité des situations économi-ques et sociales des pays de la région, y comprisceux de l’ex-Yougoslavie et de la CEI. Cette diver-

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sité permet d’expliquer en grande partie la natureet l’ampleur des mouvements Est-Ouest ainsi queceux enregistrés à l’intérieur et à destination de larégion considérée. Plusieurs tendances se distin-guent à l’issue de cette analyse tant en ce quiconcerne les mouvements Est-Ouest que les carac-téristiques des flux à l’intérieur de la zone. Leschangements politiques et économiques intervenusen 1990 ont entraîné d’importants mouvementsmigratoires et ont fait redouter un déplacementmassif de population. On sait aujourd’hui qu’il n’ena rien été. Bien que les flux d’émigration n’aient pascessé, notamment vers l’Europe occidentale, il sem-ble que l’Europe centrale et orientale tende à deve-nir le théâtre de mouvements beaucoup pluscomplexes qu’un simple flux vers l’Ouest ou versl’Amérique du Nord.

a) Évolution des flux migratoires vers les pays européens de l’OCDE, les États-Unis, le Canada et l’Australie depuis 1990

Juste après l’ouverture des frontières, les migra-tions Est-Ouest motivées par des raisons ethniques,politiques ou économiques se sont intensifiées.Tout au long de la décennie 1990, les flux de minori-tés ethniques vers l ’Europe occidentale ontconcerné essentiellement l’Allemagne (chaquea n n é e , o n a a i n s i dé n o m b r é l ’ a r r iv é e d e220 000 Allemands de souche – Aussieder – en prove-nance de Pologne, de Russie et de Roumanie,entre 1991 et 1995). Depuis 1996, les chiffres bais-sent constamment, et les 95 000 Allemands de sou-che arrivés en 2000 venaient presque exclusivementde l’ex-Union soviétique. Des mouvements analo-gues ont été enregistrés en Turquie (plus de120 000 ressortissants Bulgares), en Finlande (plusde 20 000 Ingriens arrivés de Russie ou d’Estonied e p u i s 1 9 8 9 ) , e t d e H o n g r i e ( p lu s d e100 000 Hongrois venus de Roumanie, de Républi-qu e s lo v a qu e , d ’ Uk r ai n e e t d e Vo ï vo din e ,depuis 1990).

Toutefois, exprimé en pourcentage du flux totald’immigrants, le nombre total d’entrées d’immi-grants permanents originaires des PECO à destina-tion du Danemark, de la France, du Royaume-Uni,des Pays-Bas et de la Suède a baissé depuis 1991.Le recul de l’émigration de cette région vers lespays de l’OCDE tient le plus souvent à la diminutiontrès nette des arrivées de Polonais, de Roumains etde Bulgares. Plus récemment, on a observé unebaisse du nombre d’immigrants provenant de l’ex-

Yougoslavie. Il semble en outre que la nature del’émigration évolue. Actuellement, elle se caracté-rise principalement par des mouvements fréquentsmais de courte durée, liés aux possibilités d’emploi(saisonnier).

Les flux d’émigration les plus importants pen-dant les années 80 concernaient la Pologne avecenviron 800 000 départs (principalement vers l’Alle-magne) et la Roumanie (300 000 Roumains partissurtout vers la Hongrie et les États-Unis). A l’excep-tion des migrations inter-allemandes, les flux enprovenance des autres pays de la région étaient demoindre ampleur. Ces mouvements étaient large-ment le fait de minorités ethniques : environ500 000 Allemands de souche (Aussiedler) ainsi quedes minorités hongroises en faisaient partie.

Plusieurs pays d’Europe de l’Ouest et d’Améri-que du Nord sont de longue date des pays d’accueilde la plupart des groupes venant d’Europe centraleet orientale (voir tableau I.24). Les liens tissés avecles communautés installées à l’étranger peuvent,par conséquent, expliquer l’orientation, la nature etl’ampleur des flux Est-Ouest observés depuis 1989.

Parmi les pays européens de l’OCDE, l’Allema-gne est le principal pays d’accueil des ressortissantsdes PECO, de l’ex-Yougoslavie et de l’ex-Unionsoviétique, soit 1.45 million de personnes au total.En 2000, ces immigrés représentaient 20 % des rési-dents étrangers. Ils sont également très nombreuxen Autriche (environ 370 000, soit près de 70 % del’ensemble des résidents étrangers) et, dans unemoindre mesure, en Italie (environ 305 000, soit prèsde 22 % du total). En 2000, un très grand nombre deressortissants de l’ex-Yougoslavie résidaient enEurope occidentale (près de 1.2 million en Allema-gne, plus de 334 000 en Suisse). Il en va de mêmedes Polonais (près de 300 000 en Allemagne, plusde 50 000 en France). En Australie, parmi les cinqprincipaux groupes d’immigrés nés en Europe cen-trale et orientale, les personnes venues d’ex-You-goslavie sera ient envi ron 210 000, selon lesestimations. Viennent ensuite les Polonais (68 000).Au Canada, ces derniers sont les plus nombreux(près de 194 000), devançant les résidents prove-nant de l’ex-Yougoslavie et de Russie. Aux États-Unis, les immigrés nés en ex-URSS se classent aupremier rang, avec près de 400 000 personnes. Lesprincipales autres nationalités sont les Polonais etles personnes nées dans les États de l’ex-Yougosla-vie (voir tableau I.24).

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Dans certains pays de l’OCDE, la baisse dunombre d’immigrants provenant des PECO, de l’ex-Yougoslavie et de l’ex-URSS s’explique principale-ment par le fait que de nombreuses personnes

venues de ces régions se sont fait naturaliser dansleur pays d’accueil. Le tableau I.25 .montre qu’enHongrie, plus de 91 % des nouvelles naturalisationsconcernent des personnes originaires de Roumanie,

Tableau I.24. Cinq principales nationalités de ressortissants originaires d'Europe centrale et orientale dans quelques pays de l'OCDE, 2000

Milliers

Source : Australie : estimations effectuées par ABS (Australian Bureau of Statistics) ; Autriche : permis de travail ; Canada et États-Unis : Recensements ;Italie : permis de résidence et Registres de population pour tous les autres pays.

Étrangers originaires d'Europe centrale et orientale résidant dans quelques pays européens de l'OCDE

Allemagne Autriche (travailleurs étrangers) Hongrie (1999)

Rép. féd. de Yougoslavie 662.5 Rép. féd. de Yougoslavie 75.6 Roumanie 48.6Pologne 301.4 Bosnie-Herzégovine 37.4 Ex-Yougoslavie 15.3Croatie 216.8 Croatie 24.6 Ukraine 7.6Bosnie-Herzégovine 156.3 Ex-Rép. youg. de Macédoine 4.2 République slovaque 4.1Fédération de Russie 115.9 Fédération de Russie 3.8

Total étrangers 7 296.8 Total étrangers 242.2 Total étrangers 127.0Pays ci-dessus (% total étrangers) 19.9 Pays ci-dessus (% total étrangers) 58.6 Pays ci-dessus (% total étrangers) 62.5Total étrangers

(% population totale) 8.9Travailleurs étrangers (total)

en % de la pop. active totale 10.5Total étrangers

(% population totale) 1.3

Italie Pays-Bas (1999) République tchèque

Albanie 142.1 Rép. féd. de Yougoslavie 7.2 Ukraine 50.2Roumanie 68.9 Bosnie-Herzégovine 6.1 Rép. slovaque 44.3Ex-Yougoslavie 40.0 Pologne 5.6 Pologne 17.1Pologne 31.4 Fédération de Russie 3.3 Fédération de Russie 13.0Ex-Rép. youg. de Macédoine 22.0 Croatie 1.6 Bulgarie 4.0

Total étrangers 1 388.2 Total étrangers 651.5 Total étrangers 201.0Pays ci-dessus (% total étrangers) 21.9 Pays ci-dessus (% total étrangers) 3.7 Pays ci-dessus (% total étrangers) 64.0Total étrangers

(% population totale) 2.4Total étrangers

(% population totale) 4.1Total étrangers

(% population totale) 2.0

Suède Suisse

Rép. féd. de Yougoslavie 20.2 Rép. féd. de Yougoslavie 190.7Pologne 16.7 Ex-Rép. youg. de Macédoine 55.9Bosnie-Herzégovine 22.8 Bosnie Herzégovine 44.3Croatie 7.5 Croatie 43.6Fédération de Russie 5.7 Pologne 4.0

Total étrangers 477.3 Total étrangers 1 384.4Pays ci-dessus (% total étrangers) 15.3 Pays ci-dessus (% total étrangers) 24.5Total étrangers

(% population totale) 5.4Total étrangers

(% population totale) 19.3

Immigrants nés en Europe centrale et orientale résidant dans quelques pays de l'OCDE

Australie Canada (1996) États-Unis (1990)

Ex-Yougoslavie 210.0 Pologne 193.4 Ex-URSS 389.9Pologne 68.3 Ex-Yougoslavie 122.0 Pologne 388.3Ex-URSS 54.9 Ex-URSS 108.4 Ex-Yougoslavie 141.5Hongrie 28.0 Hongrie 54.2 Hongrie 110.3

Ex-RFTS 41.2 Roumanie 91.1

Total personnes nées à l'étranger 4 517.3

Total personnes nées à l'étranger 4 971.1

Total personnes nées à l'étranger 19 767.3

Pays ci-dessus (% total personnes nées à l'étranger) 8.0

Pays ci-dessus (% total personnes nées à l'étranger) 10.4

Pays ci-dessus (% total personnes nées à l'étranger) 5.7

Total personnes nées à l'étranger (% population totale) 23.6

Total personnes nées à l'étranger (% population totale) 17.4

Total personnes nées à l'étranger (% population totale) 7.9

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d’ex-Yougoslavie et d’ex-Union soviétique. En Alle-magne, cette proportion se situe aux alentours de71 % et inclut, en outre, des Polonais et des Rou-mains. La Suède a enregistré une forte proportion(42 %) de naturalisations de ressortissants de Bos-nie-Herzégovine et de l’ex-Yougoslavie, de Rouma-n i e e t de P o lo g n e . P a r m i l e s n o u v e l l e snaturalisations accordées en Italie, les ressortissantsRoumains, Albanais, Polonais et d’ex-Union soviéti-que représentent près d’un quart du total.

Si l’on considère les flux d’émigration officielle-ment enregistrés au départ des États baltes, onconstate que les sorties vers les pays de l’OCDEaugmentent en proportion du total même si ellesn’ont pas progressé en valeur absolue. La Pologneest l’un des principaux pays de destination des émi-grants de Lituanie. Les Estoniens émigrent surtouten Finlande, en Allemagne et aux États-Unis, tandisque Lettons et Lituaniens vont s’installer aux États-Unis, en Allemagne ou en Israël. Toutefois, les res-sortissants des pays Baltes seraient très nombreux àse maintenir dans leur pays d’accueil après expira-tion de leur visa, ce qui fait que les répartitions réel-les sont probablement très différentes. A titred’exemple, alors qu’entre 1991 et 1999, les registresdes résidents étrangers indiquaient que les Litua-niens installés au Royaume-Uni étaient moins de 30,au cours de l’année 2000, plus de 1 351 ont étéreconduits à la frontière.

De tout temps, l’Allemagne a été la destinationprivilégiée des émigrants de Pologne, phénomènequi s’est intensifié au cours des dix dernièresannées. En 2000, plus de 62 % de la totalité desimmigrants en situation régulière en Grèce prove-naient d’Albanie (131 600), ce qui fait de ce pays letout premier pays d’accueil d’une seule et mêmenationalité des PECO. L’Allemagne est aussi unedestination très prisée des émigrants de Russie(27 800), de Bosnie-Herzégovine (10 300) et deRépublique fédérale de Yougoslavie (87 800). Ilsemble que l’Italie ait été un autre pays choisi parde nombreux émigrants des PECO en 2000 : Alba-nais (31 000), Roumains (20 100), Polonais (7 000) etUkrainiens (5 300). La même année, les personnesvenues de Russie ont constitué le principal grouped’immigrants en Finlande où ils représentaient 27 %du total des entrées. Les groupes suivants par ordrede taille sont ceux des Suédois (7.7 %) et des Esto-niens (7.2 %). Toutes nationalités confondues, lesautres immigrants représentent des pourcentagesnettement inférieurs.

b) Évolution des flux migratoires intra-régionaux

En Europe orientale, l’une des caractéristiquesdes mouvements migratoires est la persistanced’importants flux intra-régionaux. Une partie del’évolution s’explique par l’ouverture des marchésen 1990 et la reconfiguration des frontières (mouve-ments de minorités ethniques). D’autres tendancesmettent en évidence la dimension économique desflux migratoires dans la région (mouvements demain-d’œuvre, irrégularité des flux).

Comme dans le cas des mouvements Est-Ouest, les migrations au sein des PECO induites parl’ouverture des frontières en 1990 ont d’abord étécomposées de retours de personnes ayant des liensfamiliaux avec le pays d’accueil ainsi que de mouve-ments de minorités ethniques, pour l’essentiel hon-g ro i se ( e n pr o ve n a n ce d e Ro u ma n ie et deRépublique slovaque), polonaise (d’Ukraine, duKazakhstan et de Sibérie) et bulgare (de l’ex-URSS).La reconfiguration des frontières de la région (ex-Yougoslavie, ex-Tchécoslovaquie, ex-URSS) a égale-ment donné lieu à des déplacements de popula-tion. La séparation des Républiques tchèque etslovaque en 1993 a induit un mouvement d’échangeimportant (environ 20 000 personnes ont immigréde la toute jeune République slovaque vers laRé pu bl ique tch èqu e e nt re 1 994 e t 199 9, e t8 000 personnes dans le sens inverse). Dans lespays Baltes, on observe encore aujourd’hui un mou-vement d’émigration des Russes.

La Hongrie enregistre une augmentation desflux d’entrées de minorités ethniques hongroises.Ces flux ont atteint un niveau important en 1999,surtout pour les personnes en provenance de Rou-manie et d’Ukraine. Cette augmentation peuts’expliquer par la crainte de l’adoption prochainepar la Hongrie des règles d’admission en vigueurdans l’UE, très restrictives pour les ressortissantsroumains et ukrainiens.

Les flux des minorités tsiganes, qui sont pré-sentes dans la plupart des pays de la région, versl’Europe occidentale et au sein de l’Europe centrale,étaient très importants depuis l’ouverture des fron-tières mais se sont considérablement réduits dansleur ensemble. Cependant, des pays comme la Fin-lande ont vu le nombre de migrants tsiganes aug-me n ter e n 199 9 ( 1 5 00 en pro ve na nce de laRépublique slovaque et 300 de Pologne). Plusieurspays (République tchèque, République slovaque,Bulgarie, Hongrie) mènent vis-à-vis des Tsiganesune politique active d’intégration sociale et écono-

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mique, souvent financée par des programmes del’Union européenne (PHARE) et/ou du Conseil del’Europe, ce qui pourrait avoir comme effet à longterme la sédentarisation de ces populations. Cepen-dant, les Tsiganes sont très souvent marginalisés etleurs conditions de vie sont déplorables. Ils viventtrès souvent à la périphérie des grandes villes (Rou-manie, Hongrie, Bulgarie, République fédérale deYougoslavie, République tchèque) ou dans des villa-ges exclusivement constitués de population tsigane(Bulgarie, Roumanie)7. Dans la majorité des cas, ilsont un niveau d’instruction plus faible que celui dureste de la population et sont plus exposés au chô-mage. Un certain rejet de la part du reste de la popu-lation rend d’autant plus difficile la réussite depolitiques actives ciblées sur ce groupe. De ce fait,ces minorités sont encore très enclines à émigrer.

En général, les flux migratoires intra-régionauxenregistrés chaque année sont d’importancemodeste, allant d’une centaine de personnes enBulgarie à plusieurs milliers en République tchè-que. Toutefois, en 1999, la Hongrie a attiré bien plusde 10 000 immigrants en provenance des autresPECO. Il semble qu’une partie de ces mouvementss’explique par des liens historiques. La majorité desmouvements migratoires à partir de la Républiqueslovaque mais dans les limites de l’Europe se sontfaits à destination de la République tchèque,encore que les départs de Tchèques aient considé-rablement diminué après la scission de la fédéra-tion en 1993. De même, en 1999, les principauxgroupes d’immigrants en République tchèqueétaient constitués de Slovaques, suivis des Ukrai-niens. Les Russes se sont classés au cinquième rang(derrière les Vietnamiens). En Hongrie, comme lesannées précédentes, la plupart des immigrants arri-vés en 1999 proven aient de s pays vo is ins –principalement de Roumanie – et étaient presque

tous des Hongrois de souche. En 2000, environ61 000 Bulgares de souche turque ont émigré enTurquie.

De la même manière, bien qu’elles soient endéclin, les migrations de retour de ce qu’il estconvenu d’appeler la « population russophone » –Russes, Bélarussiens et Ukrainiens – demeurent laprincipale composante des flux d’émigration audépart des États Baltes. Dans le cas de la Lettonie,cette proportion est tombée à 67 % en 1999 aprèsêtre passée de 80 à 70 % courant 1998. Dans le casde la Lituanie, les pourcentages correspondantssont de 48, 60 et 65 %. En 1997 et 1999, aucune don-née détaillée sur la composition ethnique des flux

d’émigration au départ de l’Estonie n’était disponi-ble mais l’on sait qu’en 1998, les personnes partantpour la Russie, le Bélarus ou l’Ukraine ont repré-senté quelque 60 % du total des émigrés.

En Pologne, l’immigration a profondément évo-lué en 2000. Le nombre de visiteurs étrangers adiminué, rompant avec une tendance établie delongue date. Ce phénomène s’explique principale-ment par la baisse du nombre de visiteurs venuspour de courts séjours des marges de pays relative-ment prospères (Allemagne, République tchèque etSlovaquie) qui voient dans la Pologne une destina-tion attrayante pour y faire leurs achats. Ce recul estplus que compensé par l’afflux croissant de ven-deurs à la sauvette et de travailleurs clandestinsarrivant par intermittence du Bélarus et d’Ukraine,pays dont l’économie est précaire. Toutefois, lesentrées pour de longs séjours de ressortissants deces deux pays ont fortement augmenté, de 28 %dans le cas des Bélarussiens et de 17 % pour lesUkrainiens. Avec les Vietnamiens, les ressortissantsdes autres PECO constituent le plus fort contingentd’immigrants de longue durée en Pologne.

Dans les PECO, les communautés de résidentsétrangers les plus nombreuses sont originaires de laCEI, et représentent un fort pourcentage del’ensemble de la populat ion étrangère (voirtableau I.25). Mais si les ressortissants des NEIconstituent le groupe de résidents permanentsétrangers le plus important, leur part du totaldevrait diminuer, ce qui témoigne du déclin ducommerce extérieur et des relations économiquesavec ces pays. En 2000, les Ukrainiens et les Slova-ques représentaient respectivement 25 et 22 % desrésidents étrangers en République tchèque alorsque les Allemands ne représentaient guère que 3 %.En République slovaque, les Tchèques représen-taient 23 % des étrangers et les Ukrainiens 14 %. EnHongrie, en 1999, les Roumains et les ressortissantsde l’ex-Yougoslavie représentaient respectivement38 et 12 % de l’ensemble de la population étran-gère.

c) Évolution des effectifs de demandeurs d’asile

L’ouverture des frontières a provoqué un affluximportant de demandeurs d’asile qui, par la suite,s’est encore accru du fait du conflit en ex-Yougosla-vie. Les mouvements de réfugiés originaires decette région, qui ont atteint des records entre 1992et 1993, se poursuivent avec pour destinationsl’Allemagne, la Suisse, l’Autriche, la Norvège et le

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Canada. Depuis lors, nombre de Kosovars sontretournés dans leur pays. En Europe centrale etorientale elle-même, on observe actuellement unaccroissement des flux de transit de personnesvenant de l’extérieur de la région et cherchant àpénétrer en Europe occidentale. Un pourcentagesignificatif de ces migrants sont des clandestins. Cetafflux de personnes qui se dirigent ensuite vers lespays d’Europe occidentale est à l’origine des pro-fonds remaniements de la procédure d’examen desdemandes d’asile opérés par la plupart des paysd’Europe occidentale entre 1993 et 1997, puisen 2001.

La nationalité des demandeurs d’asile arrivantd’Europe centrale et orientale ou des NEI varieconsidérablement selon les pays. En Belgique, parexemple, le nombre de demandeurs provenant de

Russie a sensiblement augmenté ces deux derniè-res années. En Finlande, la plupart des demandesémanent de Polonais, de Slovaques et de Russes.La Suède a enregistré un accroissement du nombrede demandes d’asile – qui sont passées de 11 300 à16 300 en 2000 –, le plus fort contingent (3 800) étantconstitué de Bosniaques. En Norvège, l’essentieldes demandes émanent de Croates, de Bulgares etde Russes. A cet égard, il semble que ces personnesaient été attirées par des agences de voyage qui sespécialisent dans les « voyages organisés pourdemandeurs d’asile ». Ces agences font miroiter lagénérosité des prestations accordées aux deman-deurs d’asile par la Norvège, la facilité de trouverdes emplois bien rémunérés ainsi que la durée dutraitement des dossiers qui garantit au moins un ande séjour en toute légalité dans le pays. En 2001, la

Tableau I.25. Étrangers résidant dans quelques pays d'Europe centrale et orientale, par principales nationalités, dernière année disponible

Sources : Les données pour la Pologne sont estimées à partir des registres du ministère de l'Intérieur ; celles pour la Roumanie portent sur le nombre dedétenteurs d'un visa de résidence temporaire (d'une durée de validité d'au moins 120 jours). Pour tous les autres pays, les données sont issues desregistres de population et portent sur le nombre d'étrangers qui détiennent un permis de résidence permanente ou à long terme.

Bulgarie (2000) Hongrie (1999) Pologne (1999)

Milliers % Milliers % Milliers %

CEI 34.9 34.5 Roumanie 48.6 38.2 Ukraine 7.0 16.4UE 18.5 18.2 Ex-Yougoslavie 15.3 12.0 Fédération de Russie 4.4 10.4Europe (autres) 10.1 10.0 Allemagne 8.5 6.7 Viêt-nam 3.3 7.6Moyen-Orient 10.1 10.0 Chine 7.7 6.0 Bélarus 2.3 5.4Asie 6.3 6.2 Ukraine 7.6 6.0 Allemagne 1.9 4.5Afrique 5.9 5.9 République slovaque 4.1 3.2 Rép. féd. de Yougoslavie 1.6 3.8Amériques 3.3 3.3 Fédération de Russie 3.8 3.0 États-Unis 1.4 3.2Europe centrale 2.6 2.6 Pologne 2.5 2.0 Arménie 1.3 3.1Australie 0.1 0.1 Viêt-nam 2.2 1.7 Bulgarie 1.2 2.8

Bulgarie 1.3 1.0 France 0.8 2.0Autres 9.4 9.3 Autres 26.8 21.1 Autres 17.5 40.9

Total 101.3 100.0 Total 127.0 100.0 Total 42.8 100.0% population totale 1.2 % population totale 1.3 % population totale 0.1

République slovaque (1997) République tchèque (2000) Roumanie (2000)

Milliers % Milliers % Milliers %

République tchèque 5.8 23.3 Ukraine 50.2 25.0 République de Moldavie 8.2 11.8Ukraine 3.5 14.1 République slovaque 44.3 22.0 Chine 7.1 10.2Pologne 2.8 11.3 Viêt-nam 23.6 11.7 Turquie 7.0 10.0Ex-Yougoslavie 2.0 8.2 Pologne 17.1 8.5 Italie 5.3 7.6

Fédération de Russie 13.0 6.5 Grèce 5.0 7.2Allemagne 5.0 2.5 Syrie 3.3 4.8Bulgarie 4.0 2.0Bélarus 3.8 1.9Rép. féd. de Yougoslavie 3.7 1.8Chine 3.6 1.8

Autres 10.7 43.1 Autres 36.4 18.1 Autres 33.6 48.5

Total 24.8 100.0 Total 201.0 100.0 Total 69.4 100.0% population totale 0.5 % population totale 2.0 % population totale 0.3

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quasi-totalité des demandeurs d’asile bulgares sontarrivés en l’espace de quelques semaines, entre finjuin et début juillet, par autocars spécialementaffrétés. Leurs demandes ayant été jugées infon-dées, tous étaient de retour dans leur pays à la finseptembre. Les autorités norvégiennes ont ainsi faitcomprendre, notamment aux ressortissants desPECO que, si le pays a probablement besoin demain-d’œuvre étrangère et est disposé à encoura-ger l’immigration de travail, les personnes en quêted’emploi doivent renoncer à emprunter la filière dela demande d’asile. Depuis lors, les demandes desBulgares et des Croates ont fait l’objet d’un traite-ment accéléré. La plupart des demandeurs ont étédéboutés. En même temps, la Norvège a diffusé desinformations plus précises sur les perspectivesd’obtention du droit d’asile par le biais des médiasdes pays d’origine.

En Autriche, on observe une nette différenceentre les procédures d’accueil, selon que les réfu-giés sont kosovars ou bosniaques. Si les Bosniaquesont rarement été enregistrés comme demandeursd’asile – car ils étaient plutôt considérés commeréfugiés de guerre – les Kosovars albanophones ontgénéralement opté pour la demande d’asile. Il étaitfortement question pour ces derniers qu’ils s’éta-blissent en Autriche alors que pour les Bosniaquesarrivés deux ans plus tôt, il semblait admis qu’ilsseraient rapatriés. En fin de compte, très peu deBosniaques sont retournés dans leur pays d’originetandis que les Albanophones ont généralement étéplus nombreux à rentrer au Kosovo.

d) Flux migratoires et migrations irrégulières

Si, en Italie, l’afflux de Kosovars s’est tariaprès 1999, les migrations irrégulières se sontpoursuivies le long du littoral Sud et Sud-est etbeaucoup d’arrivants ont demandé l ’asile. Laquasi-totalité des personnes débarquant sur lescôtes italiennes (plus de 80 %) sont originaires desBalkans. Dans neuf cas sur dix, il s’agit d’immi-grants sans papiers qui déposent une demanded’asile et se dirigent ensuite vers le Nord, c’est-à-dire vers les régions plus prospères du pays puis,souvent mais pas systématiquement, vers d’autrespays.

Beaucoup de travailleurs étrangers profitent del’énorme secteur de l’économie parallèle queconstitue le travail saisonnier, puis s’en retournentdans leur pays. Cela vaut tout particulièrement pourles ressortissants de pays d’Europe de l’Est à partir

desquels aucun visa n’est exigé pour pénétrer dansl’espace Schengen : Pologne, République tchèqueet République slovaque. Pour beaucoup demigrants cherchant à se rendre en Europe occiden-tale ou en Amérique du Nord, les PECO constituentune étape sur leur itinéraire. La plupart de ces per-sonnes possèdent des papiers car elles sontentrées avec un visa de tourisme, d’affaires oud ’é tu dia n t . P arc e qu ’ i l s o nt des f r o nt iè re scommunes avec l’Allemagne, les pays les plus affec-tés par ce phénomène sont la Pologne et la Répu-blique tchèque. La Hongrie est également un paysde transit du fait de sa frontière commune avecl’Autriche. La Bulgarie est un pays de transit pourles migrants cherchant à pénétrer en Grèce ainsique pour ceux qui font route vers d’autres régionsd’Europe occidentale. Les migrations de transitencouragent l’immigration et le travail clandestinsdans un certain nombre de PECO. Ces immigrantsarrivent de pays voisins comme la Turquie, l’Albanieet l’ex-Yougoslavie, mais aussi d’Asie (Bangladesh,Inde, Afghanistan, Iran, Irak).

En 2001, la police des frontières allemande ainterpellé 28 500 immigrants clandestins. Près de20 % d’entre eux arrivaient de Roumanie ou de l’ex-Yougoslavie. Les franchissements illégaux sont sur-tout enregistrés aux frontières avec la Pologne, laRépublique tchèque et l’Autriche. Il s’agit très sou-vent de migrations de transit organisées par despasseurs convoyant des personnes d’autres pays.Dans le cas de la République slovaque, les entréesillégales s’effectuent surtout par les frontières hon-groise et ukrainienne et les sorties par les frontiè-res tchèque, autr ichienne et polonaise. Lesprincipaux pays d’origine des clandestins sont l’ex-Yougoslavie, l’Afghanistan et la Roumanie. Globa-lement, il semblerait que le plus gros des flux irré-guliers soit constitué de migrants originaires d’Asiedu Sud.

En 2000, sur l’ensemble des franchissementsillégaux de frontières enregistrés en Hongrie, lesdeux tiers étaient des tentatives de sortie du terri-toire, ce qui met en évidence le rôle de ce pays entant que pays de transit pour les migrants irrégu-liers. Il se peut que ce phénomène soit amplifié parle fait qu’il est facile pour les personnes provenantde Roumanie, de l’ex-Yougoslavie et de l’ex-Unionsoviétique de pénétrer en Hongrie dans la légalitémais qu’il leur est difficile d’obtenir les visas néces-saires pour se rendre à l’Ouest. Sur plus de centnationalités recensées lors de l’interpellation de

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clandestins tentant de franchir la frontière hon-groise, le groupe le plus nombreux est celui desRoumains, qui devancent les ressortissants de l’ex-Yougoslavie.

Dans d’autres cas, le transit s’effectue par lesvoies officielles. Jusqu’en 1989, les demandeursd’asile et les réfugiés (venus en majorité d’Europede l’Est) utilisaient l’Autriche comme un tremplinpour pouvoir émigrer vers les pays d’immigrationtraditionnelle. L’Autriche a toujours refusé de seconsidérer comme un pays d’accueil permanent deréfugiés. Le nombre de demandes d’asile ayantatteint des records en 1999, ce qui nuisait à l’inté-gration des immigrés, les demandeurs d’asile sontgénéralement repartis en grand nombre, notam-ment vers d’autres pays d’Europe (soit les deuxtiers de l ’ensemble des sorties). Néanmoins,en 2000, sur les 5 900 réfugiés ayant quitté l’Autri-che, 4 000 (soit 81 %) sont partis pour les États-Unis,ce qui témoigne peut-être du durcissement desprocédures d’admission dans les autres pays euro-péens.

e) Évolution des migrations de travail

Certains pays d’Europe occidentale ont large-ment recours à la main-d’œuvre en provenancedes PECO. La plupart des premiers permis de tra-vail accordés par la Finlande en 2000 (soit 78 %)concer naient des e mplois tempo rai res. Lesdemandeurs provenaient en majorité des régionsavoisinantes, principalement la Russie et l’Estonie(plus de 70 % des premiers permis de travail).Ensemble, les Russes et les Estoniens représen-taient près de 74 % des travailleurs temporaires,venus essentiellement comme saisonniers dansl’agriculture et l’horticulture et, surtout, pour lacueillette des fraises.

En Autriche, la proportion de ressortissantsdes PECO parmi les demandeurs de permis de tra-vail va croissant (progression de 21 % en 1999). Ils’agit principalement de Hongrois. En 2000, 30 %environ (7 500) étaient originaires des PECO, dont2 700 Hongrois, 2 000 Slovaques, 1 400 Polonais et700 Roumains. Sur les 18 400 autres permis de tra-vail de courte durée accordés à des étrangers, lapart la plus importante concernait des ressortis-sants de l’ex-Yougoslavie. Entre le début desannées 1990 et 1998, la part des ressortissants desPECO par rapport à l’ensemble des titulaires depermis permanent a augmenté mais, depuis 1998,

la création de nouveaux débouchés à l’échelleintra-régionale a ralenti l’afflux de travailleurs deces pays.

Dans le cas de la République tchèque, lesmigrants pour raisons économiques les plus nom-breux sont les Slovaques profitant des conditionsparticulières qui leur sont faites pour accéder aumarché du travail tchèque. Viennent ensuite lestravailleurs polonais et bulgares. En Hongrie, plusde 15 000 Roumains et quelque 4 400 Ukrainienspossèdent un permis de travail et constituent lesgroupes les plus nombreux de travailleurs étran-gers. Au quatrième rang, derrière les Chinois, ontrouve les Tchèques dont les effectifs vont crois-sant. En revanche, le nombre de Polonais sur lemarché du travail hongrois a diminué de manièrespectaculaire.

f) Élargissement de l’Union européenne et impact sur les migrations

Actuellement, dix pays d’Europe centrale etorientale (PECO) sont candidats à l’adhésion àl’Union européenne (Chypre, Malte, Républiquetchèque, République slovaque, Hongrie, Pologne,Slovénie, Estonie, Lettonie et Lituanie). D’autrespays de la région seront probablement intégrésdans la prochaine vague d’élargissement.

Les récentes discussions entre les Membresactuels de l’UE à propos de l’élargissement mon-trent que celui-ci susc ite des cra intes (voirencadré I.9) chez un certain nombre d’entre eux quiredoutent l’arrivée massive de travailleurs desPECO en vertu du principe de libre circulation. Enconséquence, les traités d’adhésion des pays de lapremière vague comporteront probablement uneclause de transition selon laquelle les travailleursdes PECO ne jouiront pas du libre accès sur le mar-ché du travail des pays de l’UE. D’autres pays,comme la Norvège, se tournent vers les PECO pourles aider à remédier à leur pénurie de main-d’œuvre. Mais, selon certaines estimations, il sem-ble bien que les futurs nouveaux membres de l’UEverront leurs ressortissants résidant à l’Ouest reve-nir dans leur pays. Les flux nets Est-Ouest pour-raient donc être plus limités, voire s’inverserlorsque les PECO auront rejoint l’Union européenne(pour plus de précisions, voir l’ouvrage intituléMigration Policies and EU-enlargement. The Case of Centraland Eastern Europe, OCDE, Paris, 2000).

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Conclusion

Ces dernières années, l’afflux de demandeursd’asile et de réfugiés d’ex-Yougoslavie vers les paysd’Europe occidentale a diminué. Si la baisse a été par-ticulièrement spectaculaire dans certains pays, cetterégion demeure, en 2000, l’un des grands pourvoyeursde migrants vers de nombreux pays de l’OCDE. Lesfranchissements illégaux de frontières représententune part non négligeable de l’ensemble des mouve-

ments des ressortissants des PECO, notamment enHongrie, en Allemagne, en Pologne et en Grèce.

Manifestement, l’immigration Est-Ouest nes’est pas tarie mais les entrées dans la plupart desPECO ont par ailleurs augmenté et se sont diversi-fiées. La majorité de ces pays sont en passe dedevenir des destinations privilégiées pour lesmigrants venant de l’Est et du Sud (les NEI et, dansune moindre mesure, l’ex-Yougoslavie).

Encadré I.9. Élargissement de l’Union européenne et impact sur les migrations en provenance des PECO

L’élargissement de l’UE suscite une certaine appréhension dans certains pays membres de l’UE commel’Allemagne et l’Autriche, qui craignent de fortes entrées de travailleurs des PECO conformément au principe delibre circulation. La Commission européenne a signé avec les pays qui la rejoindront prochainement des accordsqui excluent le libre accès aux marchés du travail des pays de l’UE durant une période maximale de 7 ans aprèsl’adhésion. Les études réalisées récemment pour évaluer l’impact de l’élargissement de l’UE sur les migrationsde travailleurs concluent néanmoins que les flux Est-Ouest ne devraient pas avoir d’impact majeur sur le marchédu travail des quinze États membres actuels de l’UE et qu’à long terme ces flux pourraient diminuer, voires’inverser1. Cette dernière étude s’appuie sur des variables comme les écarts de revenu et les taux d’emploidans les pays d’accueil et d’origine. Elle repose sur une série d’hypothèses, notamment une convergence de 2 %par an entre l’Est et l’Ouest pour le PIB par habitant et des taux de chômage inchangés dans l’UE et dans lesPECO. Selon ces estimations, dans 30 ans, la population originaire des PECO dans les États membres actuels del’UE représenterait au plus 3.5 % de la population des PECO. Une autre étude estime les flux à un chiffre annuelse situant entre 267 000 et 336 0002.

L’immigration de travailleurs en provenance des PECO aurait des effets différents pour chaque État membrede l’UE et pour les diverses catégories de travailleurs. Selon Boeri et al, l’immigration devrait toucher surtoutl’Allemagne (65 %) et l’Autriche (12 %). En outre, cette immigration intensifierait la concurrence dans la catégoriedes travailleurs non qualifiés, qui pourraient subir une baisse des salaires et connaître un plus fort taux dechômage. A supposer que l’adhésion de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque ait lieu en 2005,l’institut de recherche autrichien WIFO a prévu que, cette même année, il y aurait en Autriche 144 000 immigrantsen provenance de ces pays, ce chiffre diminuerait par la suite3. Dans le cas de l’Allemagne, deux estimationsrécentes des possibilités d’immigration en provenance des PECO aboutissent à des résultats divergents. Selonune étude de l’Institut IFO, sur les 15 ans suivant l’entrée en vigueur du régime de libre accès, entre 3.2 et4 millions d’immigrants en provenance de cinq pays (Pologne, Roumanie, République slovaque, Républiquetchèque et Hongrie) se seront établis en Allemagne, ce qui correspondrait à environ 4 à 5 % de la population despays d’origine. En ce qui concerne les pays qui, selon cette étude, sont les plus susceptibles de figurer dans lapremière vague d’adhésion à l’UE (Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne, République slovaque, Républiquetchèque et Hongrie), l’immigration potentielle en Allemagne est estimée entre 3.4 et 4.3 % de leur population,soit entre 2.5 et 3.3 millions de personnes. Cette estimation est nettement supérieure à celle du DIW, selonlaquelle, la pleine mobilité, une fois entrée en vigueur, l’immigration en Allemagne représentera « seulement »1.8 à 2.4 % de la population des PECO, y compris la Bulgarie et la Roumanie4.

1. Boeri, T., Brucker, H. et al (2001), The Impact of Eastern European Enlargment on Employment and Labour Market in the EUMember States, European Integration Consortium, Berlin et Milan.

2. Hille, H. et Straubhaar, T. (2001), “The impact of the EU enlargment on migration movements and economic integration :results of recent studies” in Migration Policies and EU Enlargment, Paris, OCDE.

3. Breuss, F. (2001), “Macroeconomic effects of EU enlargment for old and new Members”, WIFO, Working Papers, NO143, April.4. Sinn, H.W. et al (2001), EU-Erweiterung und Arbeitskräfte Migration, Wege zu einer schrittweisen Annäherung der

Arbeitsmärkte, IFO, Beiträge zur Wirtschaftsforschung.

book.fm Page 90 Friday, January 31, 2003 12:20 PM