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De Ouagadougou à Bucarest Le X e Sommet des chefs d’état et de gouvernement qui s’est tenu à Ouagadougou du 26 au 27 novembre 2004 a donné la mesure de la volonté politique de renouveler l’ambition fran- cophone. Ce sommet aura été pour moi un moment capital. Il a nourri mon énergie et ma détermination tout en me donnant les repères nécessaires à la poursuite de ma mission. Nous avions tous ressenti un grand besoin de cohérence et de lisibilité : en adoptant le Cadre stratégique décennal, élaboré dans un esprit de dialogue et de rigueur exemplaire, le sommet nous a donné notre boussole, avec ses quatre grandes missions et leur mode d’em- ploi : promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique ; promouvoir la paix, la démocratie et les droits de l’Homme ; appuyer l’éducation, la formation, l’enseigne- ment supérieur et la recherche ; développer la coopération au service du développement durable et de la solidarité. Nous avons pu réaliser, depuis, combien cet exercice était nécessaire pour franchir une étape nouvelle et mieux mobiliser nos forces. Après le Sommet de Hanoi, qui a forgé le cadre de notre action politique, après le Sommet de Beyrouth, qui a donné du sens et de la force à notre engagement en faveur du dialogue des civilisations et de la diversité culturelle, le Som- met de Ouagadougou, dans sa déclaration finale, a solidement ancré la solidarité comme valeur fondamentale de notre action, et défini notre conception d’un développement durable qui englobe l’environnement, le développement économique, la dimension sociale, la diver- sité culturelle et linguistique, la paix, la démocratie et le respect des droits de l’Homme. © www.agostino-reportages.com

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De Ouagadougou à BucarestLe Xe Sommet des chefs d’état et de gouvernement qui s’est tenu à Ouagadougou du 26 au

27 novembre 2004 a donné la mesure de la volonté politique de renouveler l’ambition fran-

cophone. Ce sommet aura été pour moi un moment capital. Il a nourri mon énergie et ma

détermination tout en me donnant les repères nécessaires à la poursuite de ma mission.

Nous avions tous ressenti un grand besoin de cohérence et de lisibilité : en adoptant le

Cadre stratégique décennal, élaboré dans un esprit de dialogue et de rigueur exemplaire, le

sommet nous a donné notre boussole, avec ses quatre grandes missions et leur mode d’em-

ploi : promouvoir la langue française et la diversité culturelle et linguistique ; promouvoir la

paix, la démocratie et les droits de l’Homme ; appuyer l’éducation, la formation, l’enseigne-

ment supérieur et la recherche ; développer la coopération au service du développement

durable et de la solidarité.

Nous avons pu réaliser, depuis, combien cet exercice était nécessaire pour franchir une

étape nouvelle et mieux mobiliser nos forces. Après le Sommet de Hanoi, qui a forgé le cadre

de notre action politique, après le Sommet de Beyrouth, qui a donné du sens et de la force à

notre engagement en faveur du dialogue des civilisations et de la diversité culturelle, le Som-

met de Ouagadougou, dans sa déclaration finale, a solidement ancré la solidarité comme

valeur fondamentale de notre action, et défini notre conception d’un développement durable

qui englobe l’environnement, le développement économique, la dimension sociale, la diver-

sité culturelle et linguistique, la paix, la démocratie et le respect des droits de l’Homme.

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Rapport du Secrétaire général de la Francophonie I 2004-20064

Face à une mondialisation, qui ne doit pas être rejetée en bloc, mais dont il faut combattre les effets négatifs, qu’il faut réguler et humaniser, qui a besoin de plus d’égalité et d’équité, la Francophonie s’est opportunément remise en ordre de marche.

Je suis aujourd’hui convaincu que c’est grâce à cet élan, grâce à ce consensus fort sur l’identité de la Francophonie, grâce à cette clarification indispensable de nos orientations, que nous avons réussi ensemble, sereinement et efficacement, à mener à bien ce travail de rénovation et de rationalisation de notre Organisation accompli durant l’année 2005. Le mandat qui m’avait été donné à Ouagadougou pour réaliser cette réforme était une lourde responsabilité. J’ai apprécié le soutien constructif de nos états et gouvernements membres qui nous a permis d’élaborer une nouvelle Charte rénovant et renforçant l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), et d’adopter celle-ci, dans les délais impartis, lors de notre Conférence ministérielle d’Antananarivo en novembre 2005.

Sans perdre de temps, avec le nouvel adminis-trateur Clément Duhaime, que j’ai nommé en janvier 2006 conformément aux dispositions de cette nouvelle Charte, j’ai engagé la réorganisa-tion de la nouvelle OIF, désormais unique struc-ture intergouvernementale de notre dispositif, adapté la programmation quadriennale, introduit de nouvelles méthodes de gestion plus rigoureu-ses et transparentes, renforcé les compétences humaines. Je me suis, toujours comme l’exige la Charte, directement impliqué dans le développe-ment de notre action politique et diplomatique. J’ai veillé, avec beaucoup de détermination, à ce que soit rapidement engagée une dynamique de rénovation de notre coopération multilatérale. Les termes de ma mission, telle qu’elle a été dé-finie par nos chefs d’état et de gouvernement, exigeaient le franchissement de ces étapes dans les meilleures conditions avant le Sommet de Bucarest en septembre 2006.

Cette OIF rénovée, au cœur de la galaxie franco-phone, doit désormais contribuer à poursuivre et à amplifier le rassemblement et la mobilisation de tous les acteurs qui, par leurs compétences, leurs savoir-faire, leur créativité, leur engage-ment, leur militantisme, donnent à la Francopho-nie cette force, cette vie, cette volonté, cette es-pérance qui la font véritablement avancer. Cette nécessité permanente de rassembler et de mo-

biliser toutes les forces vives de notre commu-nauté doit être une priorité pour le Secrétaire général de la Francophonie.

Ce rapport montre bien la richesse inestimable de l’activité de nos opérateurs, chacun dans leurs domaines : l’Agence universitaire de la Franco-phonie – pour l’enseignement supérieur et la recherche – qui regroupe aujourd’hui 616 uni-versités dans le monde, TV5, troisième réseau mondial de télévision internationale, l’Université Senghor d’Alexandrie, au service des jeunes cadres du Sud, l’Association internationale des maires et responsables des capitales et des mé-tropoles partiellement ou entièrement franco-phones, premier pivot des réseaux de coopéra-tion décentralisée francophones.

Depuis Ouagadougou, et notamment dans le ca-dre du Conseil de coopération, nous avons accru la convergence de nos démarches, développé nos synergies, mis en route des pôles de coo-pération communs. En référence au Cadre stra-tégique décennal, nos actions s’imbriquent et se complètent pour constituer un ensemble dy-namique. De même, l’Assemblée parlementaire de la Francophonie a continué de nous apporter son irremplaçable contribution démocratique.

Depuis Ouagadougou, nous avons aussi déve-loppé nos partenariats avec de nombreuses organisations internationales et régionales qui démontrent notre volonté d’ouverture, notre contribution au renforcement du multilatéralis-me, le rôle que nous jouons au sein de la com-munauté internationale.

J’ai également veillé à ce que soit défini et mis en œuvre un partenariat plus ouvert et plus actif avec les OING, ONG et organisations de la société civile travaillant sur des sujets d’intérêt commun. Dans tous nos secteurs d’activité, la relation avec la société civile, au Nord comme au Sud, devra s’intensifier en s’appuyant sur les précieux atouts que constituent notre langue en partage et la force de nos valeurs. C’est parce qu’elle est au contact de nos populations, au service desquelles nous œuvrons, que cette société civile doit être plus largement impliquée dans nos actions. C’est avec l’adhésion des femmes, des jeunes, des mili-tants de la démocratie et des droits de l’Homme, des enseignants et des chercheurs, des artistes et des créateurs, des journalistes, des opérateurs économiques, que nous serons plus légitimes, plus utiles et plus efficaces.

“ Face à une

mondialisation,

qui ne doit pas

être rejetée en

bloc, mais dont

il faut combattre

les effets négatifs,

qu’il faut réguler

et humaniser,

qui a besoin

de plus d’éga-

lité et d’équité,

la Francophonie

s’est opportuné-

ment remise

en ordre

de marche.”

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Introduction �

devenue un acteur à part entière dans ce do-maine au sein de la communauté internationale, reconnu et apprécié, qui sait faire la preuve de son utilité et valoriser sa spécificité. Il s’agit là d’un élément important de notre crédibilité, de notre visibilité, de notre capacité à nous faire en-tendre, à donner plus de force à nos plaidoyers en faveur d’une mobilisation plus grande pour la paix, la démocratie, les droits de l’Homme et le développement.

Le Xe Sommet à Ouagadougou consacré à la so-lidarité et au développement durable a permis à la Francophonie de confirmer son appui résolu aux engagements internationaux pour la lutte contre la pauvreté et les inégalités, notamment les Objectifs de développement du millénaire et les efforts déployés pour augmenter et amélio-rer le financement du développement. Pour y contribuer concrètement, la Francophonie a orienté son action dans deux directions : l’appui aux politiques de lutte contre la pauvreté et le soutien à l’intégration des pays francophones en développement dans l’économie mondiale.

Le XIe Sommet à Bucarest doit permettre de re-situer l’éducation au cœur de nos priorités, de mettre plus systématiquement à son service, surtout dans les pays du Sud, les technologies de l’information. La crise inquiétante des systè-mes éducatifs des pays les plus pauvres de no-tre espace est sans aucun doute, pour l’avenir de nos populations, pour notre jeunesse, le défi le plus important de ce millénaire. J’ai souhaité que nos actions de coopération en matière d’éduca-tion, largement décrites dans ce rapport, soient notablement renforcées dans notre nouvelle programmation.

L’élan décisif donné depuis le Sommet de Beyrouth au projet de Convention sur la protec-tion et la promotion de la diversité des expres-sions culturelles a créé une formidable dynami-que internationale dans laquelle la Francophonie a largement pris sa part. Notre émotion était grande le 20 octobre 2005 quand cette conven-tion fut adoptée à l’Unesco à une si large majorité. L’adhésion de tant de pays à cette grande cau-se du XXIe siècle a prouvé l’utilité d’une action concertée et volontariste des grandes aires culturelles et linguistiques ainsi que des organi-sations régionales. Elle a démontré que la diver-sité culturelle était au cœur de nos identités et traduisait, face aux effets pervers d’une mondia-lisation débridée, un besoin existentiel pour nos

“ Ce travail

de rénovation,

de modernisation,

d’ouverture réalisé

depuis novembre

2004 nous a

montré combien

il pouvait favoriser

une meilleure

mise en œuvre

de nos actions

politiques et de

notre coopération

multilatérale. ”

Ce travail de rénovation, de modernisation, d’ouverture réalisé depuis novembre 2004 nous a montré combien il pouvait favoriser une meilleure mise en œuvre de nos actions politi-ques et de notre coopération multilatérale.

Dans le domaine politique, j’ai tenu à ce que nous soyons plus réactifs face aux ruptures des proces-sus de démocratisation dans l’espace francophone et que nos précieux réseaux, notre savoir-faire, nos capacités en matière d’échange d’expertise se concentrent davantage au service des pays en situation de sortie de crise, y compris pour la tenue d’élections fiables et transparentes. Depuis 2004, des progrès encourageants ont été enregistrés dans plusieurs de nos pays, même si, ici et là, dé-ceptions et reculs doivent nous inciter à intensifier nos efforts et améliorer sans relâche nos moyens d’intervention. Quoi qu’il en soit, depuis l’adoption en 2000 de la Déclaration de Bamako, le travail accompli par la Délégation à la paix, aux droits de l’Homme et à la démocratie (DDHDP) a produit de manière significative ses effets que nous avons pu mesurer à l’occasion du Symposium de Bamako + 5, en novembre 2005.

L’implication active de l’OIF dans la création et la mise en place du nouveau Conseil des droits de l’Homme à Genève s’est avérée utile et nous a donné une nouvelle fois l’occasion de cerner notre capacité potentielle de nous affirmer plus fortement dans ce secteur des droits de l’Hom-me où les attentes sont considérables.

La Conférence ministérielle sur la prévention des conflits et la sécurité humaine qui s’est te-nue à Saint-Boniface dans le Manitoba les 13 et 14 mai 2006, et dont le projet avait été approuvé à Ouagadougou, aura été un rendez-vous essen-tiel dans la mesure où il a consolidé les acquis du dispositif de Bamako qui couvre les aspects politiques de la sécurité humaine, et où il a mar-qué l’engagement francophone pour favoriser l’émergence de la notion de responsabilité de protéger.

Elle a enfin permis de confirmer le besoin accru d’une coopération entre états et gouvernements francophones en matière de sécurité au service du développement et en particulier en matière de maintien de la paix.

Il y a à peine une décennie que le volet politique de l’action de la Francophonie a pris son envol avec la création de la DDHDP. Désormais, l’OIF est

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Rapport du Secrétaire général de la Francophonie I 2004-20066

“ L’Année

Senghor nous

a permis de

mesurer les

progrès que

la Francophonie

a accomplis

depuis l’époque

où son

inspirateur en

avait dessiné

l’ambition.”

peuples. Depuis l’adoption de la convention, j’ai veillé à ce que nous soyons en permanence mo-bilisés et actifs pour faire avancer rapidement le processus de ratification, en comptant bien voir nos pays membres se montrer exemplaires et favoriser la mise en œuvre de cet instrument ju-ridique novateur dans les meilleurs délais. Dans l’intervalle, en tout cas, l’organisation s’est mise au travail pour structurer et renforcer ses pro-grammes de coopération avec le double objectif de multiplier les appuis aux politiques nationales culturelles et linguistiques des pays du Sud, et de contribuer à un renforcement important de la coopération culturelle internationale.

La langue est le premier vecteur des identités et le combat pour le rayonnement du français doit résolument s’inscrire dans celui de la diversité linguistique. La langue que nous avons en par-tage demeure une grande langue de communica-tion internationale et doit à ce titre accentuer sa présence sur tous les vecteurs qui lui permettent de se déployer sur les cinq continents.

De son ancrage dans les systèmes éducatifs aux médias, en passant par la recherche scientifique, Internet, les nouvelles bibliothèques numériques ou encore le cinéma, la langue française doit va-loriser intensément ses atouts et ses richesses. Je constate à travers mes déplacements dans le monde un vrai désir de français, un attrait sin-cère pour notre langue et ce qu’elle véhicule. Je regrette que les capacités de répondre à cette demande soient encore très insuffisantes. La promotion du français dans la vie internationale est devenue une composante centrale de notre coopération internationale. Ce rapport contient un chapitre entier sur le diagnostic que nous faisons de la situation du français dans les or-ganisations internationales et régionales, ainsi que dans les grandes compétitions sportives. Malgré nos efforts croissants au sein de l’Union européenne, dans les organisations africaines, pour la valorisation du français en Asie, dans le monde olympique, le chemin qui reste à parcou-rir n’est pas aisé et nécessite une implication en-core plus forte de nos états et gouvernements.

Nous nous retrouvons à Bucarest pour ce pre-mier Sommet en Europe centrale et orientale où l’avenir de la Francophonie est des plus promet-teurs, après une période intense, productive, marquée par le mouvement et porteuse de tous les espoirs. Elle nous a donné l’occasion de vi-vre des moments fortement symboliques et de grande émotion. La célébration en 2006 du cen-tième anniversaire de la naissance de Léopold Sédar Senghor, marquée par des milliers de ma-nifestations dans le monde entier, a fait revivre le précieux héritage que ce grand homme nous a légué. Elle nous a montré aussi les progrès que la Francophonie a accomplis depuis l’époque où son inspirateur en avait dessiné l’ambition.

La jeunesse francophone sportive et culturelle en pleine action lors des Jeux de Niamey, l’en-thousiasme du peuple nigérien qui a su tant don-ner pour la réussite de ces Jeux, resteront gra-vés dans nos mémoires. Et puis, tout au long de l’année 2006, le festival francophone en France, pour lequel l’OIF s’est largement mobilisée aux côtés du président de la République française et de son gouvernement, est venu opportunément donner de notre communauté, de ses richesses, de sa diversité, de sa modernité, une image sé-duisante et dynamique.

La Francophonie s’ouvre chaque jour davantage au monde, forte de sa volonté d’œuvrer au servi-ce de toute l’humanité, consciente de ce qu’elle peut apporter aux autres et sachant qu’elle a be-soin des autres pour s’épanouir. C’est avec ces convictions que je me suis efforcé de mener à bien la mission qui m’a été confiée.

Abdou DioufSécrétaire général de la Francophonie