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R EVUE M USICALE de Suisse Romande fondée en 1948 La Revue Musicale de Suisse Romande a le plaisir de mettre à votre disposition ces documents tirés de ses archives. Aidez-nous à poursuivre notre belle aventure : abonnez-vous ! > www.rmsr.ch/abo.htm Chaque trimestre, des articles de fond, des chroniques d’actualités, des recensions de disques et de livres vous feront découvrir de nouveaux horizons musicaux. Nos dernières années de publication sont diffusées exclusivement sous forme imprimée, par abonnement ou par commande au numéro ; elles ne sont pas disponibles en ligne. Visitez notre site : www.rmsr.ch © Revue Musciale de Suisse Romande Toute utilisation commerciale du contenu du présent document est interdite (sauf autorisation écrite préalable de la Revue Musicale de Suisse Romande). Toute citation doit être accompagnée de la référence complète (titre de la revue, auteur et titre de l’article, année, numéro, page).

de Suisse Romande · sement. Prenons un seul exemple : parmi les premiers, Cortot et Lipatti ont gravé en disques inoubliables les 14 Valses de Chopin. Depuis, d'au tres enregistrements

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  • R e v u e Mu s i c a l ed e S u i s s e R o m a n d e fondée en 1948

    La Revue Musicale de Suisse Romande a le plaisir de mettre à votre disposition ces documents tirés de ses archives.

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    N° 1 Printemps 1976

    29" année

    Prochain numéro : Eté 1976

    Numéro double traitant de la pédagogie musicale

    Henri Cornaz, case postale 157, 1401 Yverdon, ~ 024121 23 27.

    Secrétaire de rédaction : Jean-Jacques Eigeldinger, Marnière 73, 2068 Hauterive, ~ 038 133 32 36.

    Editorial

    Hommage à Henri Gagnebin Le compositeur

    SOMMAIRE:

    Une monodie inédite d'H. G. Quelques souvenirs sur H. G. Réminiscences parisiennes

    Deux élèves suisses de Chopin

    t Isabelle Nef Echos et nouvelles du monde musical

    Chronique valaisanne

    Regards sur le blues

    Courrier des lecteurs

    Une lettre inédite de Georges Migot à Aloys Fornerod

    Fonds musical Emile-Robert Blanchet

    Réflexions et aphorismes

    Courrier suisse du disque

    Notre couverture :

    J.-J. Eigeldinger 2

    B. Reichel 4 A. Hunziker 5 J. Viret 8 A.Dommel-Diény 10 F. Demierre 11

    J.-J. Eigeldinger 12

    E. Muller-Moor 26 27

    N. Lagger 28 J .-C. Arnaudon 29

    30 J. Viret 31 J. Burdet 33 Ernst Lévy 33

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    Chopin, premier médaillon (bronze) par Antoine Bovy, 1837.

    REVUE MUSICALE DE SUISSE ROMANDE, SOCmTn COOPERATIVE. Conseil d'adminis-tration : Bernard Schulé, Genève, pr~sident ; André Nicolet, Morges, secrétaire ; Henri Cornnz, Yverdon, caissier ; Aline Baruchet-Demierrc, Sion ; Daniel Buffat, Lucens ; Pierre Kaelin, Fri-bourg ; Jeanne Martha 1er-Vuillcumier, Ln Chaux-de-Fonds ; François Page, Fribourg ; Paul Piguet, Lausanne ; Constantin Regamcy, Lausanne.

    Abonnement annuel, 5 numéros: Suisse, sous bande Fr. 21.-, Europe: Fr. s. 23.- ; autres continents : Fr. s. 30.-. Vente au numéro : Fr. s. 5.50. CCP 10- 159 91 Lausanne.

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  • Editorial La tyrannie des r Nous .vivons u'! temps de ~ecensement fiévreux où notre héritage cultu-el se v mt . explore mms ~u~sL exploité avec un acharnement forcené. Le

    mon1e ,occzdent?l - Amerzttu~ et Japon compris - devient tout à coup parer[ a une gzgantesque bzblwthèque, doublée d'une usine formidable. ~an~ la p~en-_zi~re, les éru~its répertorient fonds et acquisitions récentes; es mtermedtatres commumquent le fichier aux directeurs d'usine lesquels

    s'empa~ent des biens bz.ventoriés pour en faire l'usage que leur im~ose leur pr~fe~swn... et la conJoncture économique. Ce catalogue du patrimoine a:ttstzque participe d'un double mouvement. Notre époque, en mal de créa-~~~n, cherche u_ne explication et une compensation à sa difficulté dans 1, etude exhausLLve du passé, proche ou lointain. L'angoisse devant une eventuelle f~n de civilisation nous pousse à recenser tout uniment ce que nos devan~ters nous_ ont légué. Mais en même temps, notre société de co~sommallon explozte commercialement et socialement ce sentiment d'an-gozsse, rendant quasi obligatoire l'achat d'objets (radios disques télévisions etc.~ et la présence à des manifestations culturelles ( ;xpositio/-zs, concerts: fe~tzvals, ~~c.), ceci à la faveur de circonstances sociologiques et écono-mtques qu tl est hors de propos d'aborder ici.

    1-insi depuis une ou deux décennies, on ne se contente plus de cen-tenatres ou autres occasions marquantes pour célébrer hommes et œuvres par des expositions, rétrospectives, conférences, festivals et autres. Toutes les dates et tous les sujets deviennent prétextes à des manifestations de ce genre. Non seulement on «fête» le 125e anniversaire de la naissance de celui-ci ou le 30e, ~e la mort de celui-là mais, exploitant les fluctuations de la mode, on dedze toute une exposition à commémorer tel musée secon-daire _(Le Musée ?.u ~~xembourg en 1874) ou telle école picturale ( « Les Pompters »)dont l mteret n'est plus qu'historique.

    En musique le phénomène se traduit de la manière la plus patente dans l'actuelle mode des « Intégrales ». Le marché du disque en constitue le symbole tangible : on voit déferler d'innombrables versions des mêmes œuvres enfermées dans des sillons ou des cassettes et rivalisant, non pas tellement sur le plan de l'exécution que sur celui du nombre de pages inédites ou de variantes non enregistrées. Il n'est pas jusqu'à la vogue (par ailleurs très utile) des repiquages qui n'obéisse à cet appétit de recen-sement. Prenons un seul exemple : parmi les premiers, Cortot et Lipatti ont gravé en disques inoubliables les 14 Valses de Chopin. Depuis, d'au-tres enregistrements en présentent 17 et tout récemment vient de sortir une Intégrale des 19 Valses, «réalisée dans l'ordre de composition» (sic!). Comment cela se fait-il et que s'est-il donc passé ? Cortot et Lipatti en jouent 14 parce que tel en est le nombre dans les éditions dont ils se sont servis. Depuis, des musicologues (nous en sommes) ont découvert des pages inédites et les ont publiées dans des revues plus ou moins spécia-lisées,· des éditeurs de musique s'en sont ensuite emparés pour les ajou-ter pro~:ressivement à celles qui figuraient dans les précédentes éditions. 2

    lnté~·es~és, les pianistes chopéniens les ont déchiffrées et, non contents d'en ojfnr 1 w_1e nu l'autre en his, les ont enregistrées pour complaire à une l~nne qUJ, sous le prétexte de satisfaire au goût de la majorité, est en 1 occurrence responsable de sa formation ou de sa déformation. Soit dit au,passag_e, les 5 Valses « inédites» apportent certes une connaissance sup-plemenfa~re aux a_mat~urs passfonnés de Chopin (nous en sommes aussi); elles n ajoutent nen a sa gl01re et ne modifient nullement le sentiment global ~ac~ ~ s~n. ,œuvre. I.ci, comme dans nombre de cas similaires, il y a eu excP.s lllJUSttfœ - artistiquement parlant - dans la diffusion: c'est un abus de confiance, d'autant plus regrettable que Chopin n'est plus là pour protester. Ceci dit, il arrive que telle ou telle Intégrale révèle une œuvre inconnue d'importance. On l'a compris ce que nous visons ici c'est l'inédit à tout prix en vue de l'Intégrale. Celle-ci en outre travaille coti/re la sélection naturelle opérée par le temps en matière d'art · toute

    • d ' ~uvre,. meme es plus g~a~1s génies, n'est pas automatiquement destinée a survzvre dans la postente. Ce n'est pas le moindre inconvénient des Intégrales que de juxtaposer des compositions immortelles des œuvres hien élaborées et des esquisses ou pièces non abouties. un' chef-d'œuvre s'impose tout seul; il n'a pas besoin de repoussoir.

    Mais il y a plus grave. Des disques et cassettes, la mode des Intégrales s';s_t éten~u~, au conce:t, à l'événement musical vécu en direct. Si plusieurs recttals dedtes aux SUltes de Bach pour violon, aux 32 Sonates de Beet-hoven se défendent parfaitement, la saturation et la contrainte gagnent forcément l'auditeur dans des cycles de concerts consacrés par exemple aux If! Concerti pour orgue de Haendel ou même aux 27 Concertos pour ~~~no de Mozart. E~ quel est l'~nt~rprète capable de se sentir également à 1 mse dans chacun d eux? Ausst bten Clara Haskil, authentique mozartien-ne, avait-elle décliné l'invitation d'une firme à en enregistrer l'Intégrale 1 On est d'ailleurs peiné et consterné de voir combien d'exécutants de premier plan se prP.tent actuellement à ce jeu, au mépris de la conscience artis-tique et, finalement, du public. Si, pour l'auditew, une Intégrale présente un danger de nivellement, par définition elle supprime la liberté de choix chez l'exécutant, contraint de jouer tout un pan de production,· il sera donc forcément inégal, et ce qui devrait être interprétation (donc recréation sur la base, entre autres, d'affinités électives) tend à se muer en exécution. Outre le format personnel, c'est la rencontre spécifique de l'interprète et de l'œuvre qui rend inoubliables Toscanini conduisant le Requiem de Verdi, Furlwaengler dirigeant telle Symphonie de Beethoven; Casals jouant les Suites de Bach ou R ostropovitch le Concerto de Dvorak; Landowska re-créant Scarlatti, Benedetti-Michelangeli jouant les Images de Debussy, Rubinstein déclamant un Nocturne de Chopin. Le plus grand instrumen-tiste ou chanteur du monde pourra bien dominer toute la production de plusieurs compositeurs, mais non l'interpréter intégralement.

    Lorsque la satiété aura entraîné une désaffection et un dégoût com-plets, ~:ageons donc que les marchands solderont au rabais leurs Intégrales et que les imprésarios avisés y auront renoncé. Les chefs-d' œuvre artis-tiques sont des monuments : le temps peut avoir prise sur eux, non la mode.

    Jean-Jacques Eigeldinger

    3

  • Hommage ' a

    Henri Gagnebin à l'occasion de son 90e anniversaire

    LETT R E O UVERTE AU MUSIC I EN

    Mon cher Gagnebin,

    Vo!r~ !'ie a été infiniment riche, pleine d'événements: vous avez déployé les act~vttes les plus v~r~ées, vous avez été chargé de responsabilités et vous ave~ eté ,s~uvent obltge de prendre des décisions graves qui vous enga-gement seneusement. Que, malgré tout cela, vous ayiez trouvé le ?"'oyen de consacrer tant de te':nps et de forces à la composition, c'est un m~racle 1 Vous avez su vqus retLrer et vous isoler du monde extérieur pour trouver le silence, la solitude intérieure sans lesquels il n'y a pas de création artis-tique possihle. Il vous a fallu pour cela beaucoup de courage et de ténacité. Comment arracher au temps qui passe les heures précieuses pendant les-quelles vous construisiez symphonies, oratorios, cantates! Seuls ceux qui ont affronté de pareilles tâches peuvent deviner de quel don de soi et de quelle somme de travail elles sont nourries. Mais si je cite les grandes œuvres, je n'oublie pas vos nombreuses pages de musique de chambre et la collection impressionnante des Psaumes pour orgue, œuvres qui con-tiennent le meilleur de votre cœur. Vous avez su garder votre indépen-dance, vous êtes resté fidèle à vous-rnême, à cette « volonté supérieure» dont vous parlez dans votre livre de souvenirs. Cette attitude est sans doute la seule valable: grâce à elle, votre œuvre constitue un vivant témoi-gnage de foi et d'authenticité.

    Bernard Reichel 4

    Le compositeur Présentation et interview par André Hunziker

    Evadé de l'univers franckiste et d'indyste de la Schola Cantorum, encore qu'il en ait été fortement imprégné, assistant en spectateur passionné à la révolution musicale schonbergienne, Henri Gagnebin a ura it pu être attiré par l'art de Stravinsky qui ne demandait qu'à propager ses idées, fort mouvantes alors. Ou par celui de Debussy, fascinant et exaltant tout à la fois. Ou par ceux de Mahler et de Bruckner qu'il découvrait lors de son séjour de Berlin. Ou finalement par celui de Wagner - qui éclipsait tout, même Mozart - avec Tristan, Les Maîtres et la Tétralogie ... « L'ac-cord mystérieux de Tristan, le long mi bémol de l'Or du Rhin, les cuivres joyeux des Maîtres faisaient tout oublier. »

    Or le compositeur genevois a choisi une voie plus personnelle, plus difficile, se situant à la fo is dans la ligne des mélodies âpres, fières et austères des psaumes huguenots et dans celle, mystique, de Vincent d'Indy, mais flirtant avec un poly-tonalisme discret.

    «La musique creuse le ciel » disait Baudelaire qui ajoutait aussi «L'inspiration vient toujours quand l'homme le veut, mais elle ne s'en va pas quand il le veut. »

    Voire, car cette inspiration souvent rebelle, récompense de l'exercice quotidien, se rit des meilleures intentions et des labeurs scolaires. Ainsi Henri Gagnebin découvrant Don Giovanni ou L a Flûte révisa rapidement les jugements que lui incul-quaient ses maîtres. II crut avoir trouvé des affinités électives dans l'Ariane de Paul D ukas dont il admirait l'orchestration somptueuse. li finira par fonder un langage original dont la nouveauté ne sera jamais un but en soi, mais qui t raduira la néces-sité d'un art à la fois sévère ct authentique.

    ••• L'entretien avec Henri Gagnebin : une entreprise fascinante. J 'ai noté les silen-

    ces, les interrogations. J'ai écrit l'incxprim~~le. J 'ni fixé_ l ~s vertiges: . Entreprise insensée dont on mesure msement les perils cl les hmttes. On ne résume

    pas en deux pages près d'un siècle d'histoire de la musique.

    A. H. Votre frère Elie, le géologue, fut le «lecteur » prestigi_e!tx de l'Hist~ire du Soldat. Cela vous a·t-il permis de faire partie du cercle des famtllers de Stravms/..:y?

    H. G. _ Je m'en suis bien gardé .• !e craign?is trop 1~ ~obilité de la pensée dl! créateur du Sacre et celle de son esthettque mustcale. Je 1 at natur~llement rencc;mtre plus tard. Mais ù cette époque, il tentait, !?a; tou~ les moyens, ,d'tmposer des td~es que sa rapide évolution rend~it cadu~u~s s!tot qu énoncées. Il .~ ~n reste pas mom_s que j'étais au Sacre, à la premtère de 1 H1St01re. du Solda! ct que J at entend~ ?e ~OSSIgnol. J 'avais conscience que ces œuvres ouvratent une e~c nouvelle dans 1 ~~~ltre de la musique. Mieux, j'ai éprouvé. à leur ~on tact, le sen~!mcnt d'un choc VtVtftant et elles m'ont obligé à réviser les notwns acqutses à 1 école d mdyste.

    A. H. - Quel fut votre premier succès important ? H. G. _ Mon premier Quafllor à cordes, composé dans les années 1916-17, pré-

    senté à la Fête des Musiciens suisses de 1919 à Ber tboud par le Quatuor de Zurich, après 'des péripéties incroyables, me valut un véritable succès d'enthousiasme. La presse fut très favorable et l'AMS me l'acheta pour Fr. 300.-, somme importante à l'époque, afin de le publier dans l'Edition Nationale Suisse. C'était un grand hon-neur. C'était presque la gloire !

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  • A. H. - Et votre œuvre marquant un tournant décisif dans votre esthétique musicale?

    H. G. - Je suis devenu suspect de bolchévisme musical avec ma Pastorale pour flûte, clarinette, basson et harpe (1921). Elle eut le privilège d'encourir à la fois les foudres de mes camarades - dont Chaix et Fornerod - et d'être refusée par le jury de la Fête des Musiciens suisses de Genève en 1923. Elle débute sur des accords de harpe auxquels se joignent successivement les parties de clarinette, de flûte et de basson. Le premier mouvement conclut dans une atmosphère étrange sur des glis-sandi de harpe. Le thème suivant pourrait rappeler l'orage de la Pastorale de Beet-hoven ; il se termine, après différentes phrases expressives, dans un climat modéré e~ souriant. Rien, en cette œuvre simple, ne semblait mériter cette opprobre « où le b1en a perdu sa récompense et le mal sa hideur». De fait elle plut infiniment à Ansermet qui la mit régulièrement aux programmes de l'OSR, en dépit de son carac-tère de musique de chambre. Elle a en outre été interprétée à la Nationale par Pierre Jamet et par les meilleurs souffleurs français.

    Mon cas s'aggrava considérablement avec ma Sonate pour violoncelle et piano (1922) dédiée à Henry Buenzod. J'avais eu l'audace d'introduire quelques passages polytonaux. Par exemple, dans le Final, le violoncelle est écrit en fa et la partie de piano en si bémol mineur.

    (Extrait de la Sonate en la, Editions Maurice Senart.)

    .II n'y av~it là rien de très méchant. Du reste, elle est au répertoire des violon· celhstes. Croirez-vous que l'on me reprocha en plus d 'avoir tantôt fait du Franck, tantôt du Brahms. Comprenne qui pourra ?

    Il est évident que mon abandon de certains principes de composition enseignés par d 'Indy, comme l'ordre tonal strict, n'était pas concerté pour me mettre à l'avant-garde et provenait d'un élan naturel, auquel je mis toute ma ferveur.

    A. H.- N'avez-vous pas composé à l'époque deux Quatuors à cordes? H. G. - C'est vrai: Je deuxième terminé en 1924, sorte de fantaisie à quatre

    parties, est d'un seul tenant. Il a été joué un peu partout en Suisse, à Lyon et à. la Nationale, dont j'étais membre. 11 ne m'a pas valu le succès d'estime du premier. Quant au troisième, achevé en 1927 sa forme est particulière, même inattendue. Je l'ai appelé le quatuor des « S ». '

    A.H.- ... ? H. G. - Je l'avais dédié au Quatuor Romand (formé de Wallons d'He!vétie)

    dont les patronymes comprenaient tous un ou deux « S ». C'était un quatuor QUI pou-vait prendre l'uniforme de l'Armée du Salut.

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    A. H. - Sans doute, la comparaison s'arrête-t-elle là 1

    H. G. - Evidemment. Le premier mouvement est une sorte de Concerto Grosso où les tutti font place successivement aux soli des quatre instruments. Le deuxième mouvement Intermezzo ressemble à une Ballade avec des alternances de 3/4 et 2/4 ct avec de~ effets sur la touche mélodie mélancolique où la musique prend son envol. Le troisième mouvement e~t un Scherzo assez fantâsque avec un fugato bâti sur le thème principal. Quant à l'Adagio conclusif, il donne à nouveau la parole !1 chaque instrument. Il se termine avec des sourdines, dans le calme, passant mys-térieu?' de l'âme.

    A. H. - Je sais que le disque enregistré par le Quatuor de ,Oe'!ève, sur I'~nitiative dP. l'Institut Jurassien (Concert Hall, SMS 2954), est une reussrte. A cet egard, François Courvoisier m'a dit tout le plaisir qu'il a cu à _inte~préter ~·œuvre, en dépit de sa réel/P. difficulté d'exécution. Il lui trouve un espnt pnmesautœr, b_eaucouP.. de charme, surtout dans l'lnterm~zo et même parfois, le climat du Jardin Féenque de Maurice Ravel.

    H. G. - Après m'avoir attribué son G~and Prix en . 1961, l'I_nstitut Jurassie_n avait déjà édité, en 1973, un excellent enregtstremcnt de ma quatnème Symphome - dite la « Brève» - (Armida Ju 132).

    A. H. - Et vos œuvres vocales ? H . G. - Impossible de tout citer: cela va du Madrigal a~ g~and Oratorio. P~r

    exemple, mon Saint François d'Assise (1933) m'a coûté q~?tre. a ~mq ans de trava~l. C'est mon œuvre la plus importante, tant par tout cc que J y .m mis que par .sa .?~ee et, pourquoi ne pas le dire, par son originalité et sa. rela!tv~ au,dace. Mms J atme beaucoup mon Requiem des Vanités du Monde, où Je decns des 1935, de façon prémonitoire, tous les malheurs de la guerre.

    Le texte m'avait été proposé par Jules Baillod. Fortement influencé par l'esthé-tique et la technique littéraire de Péguy il se prêtait mal, ~vec ses .nombreuses répétitions et son incohérence, à la composition musicale. Le poet~ me la!s~a « arran-ger» les paroles et l'œuvre sortit, presque d'une traite,. à Pans, en JUillet 1938! dans la maison montmartroise que m'avait prêtée le flOtJste Marcel Moyse, à QUI j'ai dédié mon Trio pour flOte, violon et piano.

    En exergue, une complainte de l'organiste de Notre-D~e de Ni~e~ d~ Jules Laforgue que je lisais avec passion: «Je déchaînerai ce Requtem que J'at frut pour la mort de la terre » donne le ton de cette grande fresque.

    La première partie, c'est le Paradis perdu : j'y ai introduit un thème, véritable leitmotiv de l'œuvre, illustration de la mort douce et consolante.

    La deuxième partie décrit les malheurs dont est P'-!nie l'humanité pour avoir méconnu Dieu et sa charité. A la vision d'Esaie succede celle ~e 19: chute des grands de cc monde - préfiguration de la fin tragique de . certau~s di~tateurs, -débouchant sur l'oraison dominicale présentée dans un climat ltturg_Ique d un,e grande ferveur. Et l'on arrive tout naturellement à la vision d~ Paradts retrouve. Le thème de la mort, trois fois répété, fait place à un pas~age brillant. an~onçant la résurrection avec fanfares de cuivres et chœurs po.Iyp!lOntques. Faut-tl aJouter q~.e cet oratorio, relativement simple à préparer, connaît beaucoup de succès et qu Il est une de mes partitions les plus goOtées.

    A. H. - Sa création ... ? H. G. - La première eut lieu au studio de Radio-Genève! avec Violette An~ré

    ossi, Paul Sandoz, le chœur de la Société Symphoniq':e ~répare _par Albert Paychere, J'OSR sous la direction de Samuel Baud-Bovy. Deputs, tl a f!ltt le. tour. du monde. Tout de même, je dois citer deux créations dont je me souv1en~ru tOUJOUrs : celle de Londres, sous la direction d'Edmond Appia, avec les mervetlleu:-: c~œurs de la BBC. Puis celle donnée au Conservatoire Royal de Liège, sous la dtrecho? de "f,_er-nand Quinet, en mars 1947. Je me retrouvais dans la salle de concert ou, à 1 age de cinq ans, j'avais connu la révélation de la musique ...

    7

  • Une monodie inédite d'Henri Gagnebin par Jacques Viret

    Andantino (J. &4)

    fte1= '1 1 J i7J J Qrttt] J E r F pJ ~ f ~

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    ~f~?f:J~-~J~~F§j~J~J~II ~J~~êJ~ii .Répétition à volonté p -

    Carillon pour le carillon de Chantemerle à l'église de Pully-Rosiaz. '

    Çette ptece est extraite d'une suite de trots morceaux similaires (mais les deux autres sont polyphoniques) composés en oct~bre 1971 par Henri Gagnebin à l'in-tentton des dix-neuf cloches du carillon de Chantemerle (église de Pully-Rosiaz dans la banlieue lausannoise) et intitulé~ T;~is petits c_a~illolis. Nous ne pouvons restster. au platstr. d'en donner une analyse s~mmatre, tant tl est vrai que la maî-tnse de la pensée se manifeste le mieux au travers des créations les plus simples et qu'à ce titre notre analyse se veut un hommage au musicien que nous hono-rons ...

    Malgré sa brièveté notre monodie laisse en effet apparaître une structure subtile-ment élaborée: on pense à un mécanisme d'horlogerie où les rouages s.'emboîtent à la perfection, chacun concourant à la bonne marche de l'ensemble. Dix mesu-res, en tout et pour tout, mais quel art dans la mise en place de chaque note ! qn re~arquera d'abord le caractère assez d~scontm~, fragmenté, de la trame mélo-dtqu~, decomposable en une succession d~ ftgures sonores qui toutes découlent dt,rectement des deux motifs exposés au debut. L

  • Quelques souvenirs sur Henri Gagnebin

    par Amy Dommel-Diény

    Lointaines années fastes... 1908, celle où Henri Gagnebin entrait à la Schola C~n~orum de Paris; 1911, celle où je l'y SUIVIS de près. Venant de Lausanne et ayant déjà de beaux états de service dans 1~. mu~i9ue, en Suisse, en Allemagne, il s 1.nscnv1t , au cours de composition de Vmcent d Indy à Paris, dans l'école où nous allions faire un début de connais-~ance, et que depuis nous appelons tou-JOurs l'un et l'autre « notre chère Scho-la ». Oral ou écrit, son témoignage sur ces an!lées d'études est un hymne de recon-n.als~ance envers le grand maître qui pré-sidait alors aux destinées de la vieille maison de la rue Saint-Jacques. On lira d.ans le livre passionnant qu'il vient d~ s1gner pour ses 90 ans 1, les souvenirs de sa longue vie, tout illuminée par l'amour du bel ouvrage, et une totale copsécration à sa tâche d'éducateur ct de compositeur . J'ai connu par ses proches les grand~ h~nes et les réussites exemplaires de cette v1e . consacrée au service de la musique. Ma1s quelques souvenirs bien précis me restent de l'époque où nous étions tous deux, et en même temps, élèves de la ~c~ola des grandes années. Notre maître e.ta1t alors da~s sa plus belle forme, artis-t!que , et phys1quc. Sa haute stature si dis-tJngu_ee, sa ferme .autorité autant que sa boat~, sa grande mtelligence ornée d'un savo1r encyclopédique en imposaient à t~ut~ cette jeunesse enthousiaste qui gra-VItait autour de lui.

    Henri Gagnebin en était au cinquième cours de composition lorsque j'entrai au premier. Lui et sa classe sortaient à 5 heures du Grand Salon, au moment où nous - les jeunes - y entrions. Dès avant l'heure, notre groupe attendait son t?u~; et c'était à qui de nous guetterait, 1 œ1l collé au fameux petit trou de la grande porte (q,ui existe toujours), l'heu-reux moment ou l'on apercevrait le maî-tre se lever pour partir entre les deux cou~s, partitions sous le bras, et gagner un mstant par le bel escalier de fer forgé son modeste bureau du premier étage pendant qu'en bas une équipe succédait 10

    à i'autre. Un autre souvenir : mes sta-tions enchantées dans ce même escalier. En son milieu, une porte ballante donnan accès à la salle de concert où trônait le superbe Cavaillé-Coll. Que de baltes sur ces marches, à l'écoute discrète des le-çons de Vierne, de Decaux dont Gagne-bio fut l'élève. Par cette fente bienheu-reuse apparaissaient maîtres et élèves courbés sur leurs claviers, tandis que Bach, Franck ou Widor vous happaient au passage ...

    Je n'ai pas eu de cours communs avec Henri Gagnebin et ses camarades. Ceux-ci étaient nos aînés, fort respectés ; mais chaque semaine nous nous croisions ; et telle était dans cette maison la bonne fra-ternité qui se respirait en ses murs, qu'un beau jour, quelques camarades et moi-même (on nous appelait « les quatre», in-séparables : Jeanne Barbillion, Rosette Ehrmann, Suzanne Mottu et moi) nous prîmes notre courage à deux maJDs et abordâmes l'un des grands aînés, Gagne-hia justement, pour lui demander un ser-vice : nous prêter son concours dans une série de séances musicales que nous vou-lions offrir à la Maison des Etudiants. Séances « éducatives », bien sûr - nous ne doutions de rien ! - avec concerts et introductions parlées. C 'est pour ces der-nières que notre science toute fraîche nous semblait un peu balbutiante ; nous souhaitions une voix mâle et avertie pour nous soutenir. Henri Gagnebin nous pa-rut être l'homme. Il accepta. Nous étions sauvées ! Ce fut mon tout premier con-tact personnel avec lui. Malheureusement, en plein 1916, la guerre ct diverses cir-constances firent que cet ami de la .t' ran-ce fut obligé de regagner la Suisse, où l'appelaient de futures grandes tâches.

    Mais je ne perdis pas sa trace pour autant, d'abord parce que sa notoriété dans le monde musical dépassa très vit~ les frontières de son petit pays ; et aussi parce que j'eus la chance un peu plu.s tard d'entrer en relations de grande ami-tié avec des membres de sa famille. Grâ-ce à eux, je le rencontrai de nouveau à

    Neuchâtel, à Genève. Nous évoquâmes ensemble « le bon vieux temps », et j'eus la joie de constater par moi-même le grand souvenir qu 'il gardait comme moi de notre bonne Schola. Et puis, comme jadis, je repris un jour mon courage à deux mains pour lui demander encore une fois une faveur... de taille : une préface pour un des volumes de mon « Harmonie vivante », Contrepoint et harmonie 1 li me l'accorda de la meilleure grâce. C'est ain-si que mes élèves, lecteurs et amis peu-vent aujourd'hui trouver dans cc livre la lrat.:t! ù 'une des qualités majeures d 'Henri Gagnebin - le bon sens - celle aussi de la parfaite connaissance de ce qu' il a appelé «son beau souci »!, Cette préface est une profession de foi. J'aime à y re-trouver aussi le charme qui lui appartient

    en propre d'un humour qui ne le quitte jamais. Car, je le demande, dans quel li-vre, en principe imbu de technique s'il sc nomme méthode de contrepoint, trouve-rait-on un préfacier qui parle sans rire « d'enchaîner des accords aussi raides que la Tour Eiffel » !

    Il est vrai qu'en authentiques disciples, lui comme moi, du maître qui inscrivait au fronton de son Cours de composition : « L'Art est un moyen de vie », nous n'avons jamais envisagé qu'on pût ériger dignement un enseignement musical où ln Musique ne fût pas première servie, et avec le sourire.

    1 Org11e, musette et bo11rdon. Neucb:itcl, L:1 BOtconnièrc, 1976.

    ! M11sique mon bea11 souci. Neuch5.tel, L:1 Baconnière, t 968.

    Réminiscences parisiennes par François Demierre

    En 1912 j'entrai, comme élève, à l'Ins-titution Nationale des Jeunes Aveugles à Paris pour y parfaire mes études musica-les. Albert Harniscb, qui fut mon maître à Lausanne, m'avait mis en rapport avec Henri Gagnebin qui, depuis quelques an-nées, poursuivait ses études à la Schola Cantorum. Ce dernier voulut bien accep-ter de mc servir de correspondant pen-dant mon séjour parisien. Avec l'assenti-ment de ma famille, il pouvait me faire sortir le dimanche. J'ai toujours gardé une vive reconnaissance à Henri Gagne-bio pour la gentillesse et la constance avec lesquelles il s'est occupé de moi. Pour quelques heures, une fois par mois environ, il me permettait de prendre un bain d'air parisien et me libérait de la discipline assez stricte de l'internat.

    Henri Gagnebin était organiste du tem-ple de la Rédemption, rue Chauchat. Après son service du dimanche matin, il venait me chercher boulevard des Invali-des ct m'amenait déjeuner chez sn maî-tresse de pension qui habitait rue Notre-Dame-des-Champs. Cette vieille dame, aussi aimable que distinguée, avait quel-ques pensionnaires étudiants et son fils, attaché au Journal des Débats et corres-pondant parisien du Journal de Genève, animait avec les jeunes gens des conver-sations fort intéressantes. J'ai gardé de ces rencontres un souvenir très vivant. L'après-midi, nous allions, Henri Gagne-

    bin et moi, tantôt à la tribune de Notre-Dame écouter Louis Vierne dont Gagne-bio était l'élève à la Schola ou à Sainte-Clotilde entendre improviser Tournemire ou encore au concert Colonne, où j'en-tendis pour la première fois la symphonie de Franck et, lors d'un autre concert, Les Béatiwdes du même auteur. Ces diman-ches après-midi étaient pour moi des heu-res de détente dans la vie laborieuse que je menais à l'Institution des Jeu!les Aveu-gles ct j 'en ai gardé toute ma v1e un sou-venir très lumineux.

    Pendant la guerre de 14-18 nous nous retrouvâmes en Suisse, Gagnebin orga-niste de Saint-Jean à Lausanne et moi, fixé à Vevey, attendant le poste d'orga-niste de Saint-Martin qui devait m'être confié en 1919. En 1925, l'Association des organistes protestants romands était créée et nous fûmes tous deux élus au comité. Ensemble, nous avons participé à la mise sur pied du Psautier romand de 1937 et tout au long des pourparlers, par-fois difficiles j'ai pu admirer le jugement éclairé la fe;meté dans ses opinions et la probité. artistique dont Henri Gagnebin fit preuve.

    Merci, Henri Gagnebin, pour votre ami-tié et pour l'exemple que vous avez été pour moi. Je suis heureux de pouvoir vous apporter ici un hommage d'admira-tion et de gratitude.

    11

  • Deux élèves suisses de Chopin

    Daniel Heussler et Bovy-Lysberg par Jean-Jacques Eigeldinger

    A Paris Chopin, qui avait renoncé assez tôt à la carrière de virtuose, consacrait à l'enseignement la plus grande partie des mois d'hiver et de prin-temps. On sait aujourd'hui avec quelle conviction, quelle exigence, quelle patience il s'adonnait à sa vocation de pédagogue. Ses nombreux élèves se rec~utaien! princip~leme?! parmi l'aristocra~ie parisienne et polonaise en exil mats venatent ausst de 1 etranger tout expres pour travailler avec lui. Selon ~~s catégories ~ctuelles (elles étaient moins cloisonnées à l'époque), ses elev~s se r~parttssent e~ deux groupes : '!ne large majorité de dilettantes doues, culttvant la mustque sans songer a en faire un métier - le rang soci_al s'y op~osant, p_ou~ les, femmes_,singulièrement - et quelques pro-fesst?nn~ls _qu1 se _d~stmaten~ a la carnere de soliste ou de pédagogue dans u~e mstttutton ?~ftctelle. Or. tl se t~ouve que les deux plus importantes villes sutsses de tradttton humamste, Baie et Genève ont chacune donné nais-sance à un musicie~ all,é à Pa~is s_e perfectio~ner auprès de Chopin et appartenant, le premter a la categone des « amateurs >> le second à celle des « professionnels ». '

    Issu d'u~e vi,eille fami~l: ?âloise, _Daniel Heussler-Thumeysen {181~-187~) est ftls d un propr!etrure _de filature de coton, exploitation qu'tl d~vatt reprendre p_a_r la ~mte. Mats _la musique occupe une place prépon-derante. dans ce rruheu ou ~Ile, c~mstttue une authentique tradition. Le père de Dante! Heussler a contnbue a la fondation de la Schweizeriscfle Musik-gesellschaft et fait partie du comité d'organisation des concerts à Bâle. Son fils, ~e joua p~s un moindre rôle dans la vie musicale publique, en tant que pr~stdent 9mnze ans durant (1846-1860) de la Konzertgesellschaft de la vllle. Mats la rencontre avec Chopin est bien antérieure. Dans les années 1834-35, Daniel Heussler prête régulièrement son concours de pia-niste aux académies musicales privées où patriciens et universitaires bâlois se réunissent à tour de rôle les uns chez les autres. On n 'y fait que d'excel-lente musique, et Daniel Heussler y joue entre autres un duo et un trio de Moscheles. Or le désir le hante de gagner Paris - alors capitale euro-péenne de la musique - et de travailler avec un grand pianiste. La pro-gression de ce désir et l'image grandissante de Chopin transparaissent net-tement dans les brèves notices du Journal qu'il tient. Voici reproduits inté-gralement pour la première fois les fragments qui ont trait au maître polo-nais 1:

    Fait connaissance d'1m nouveau compositeur: Chopin. Bizarre et difficile. (14 janvier 1835)

    12

    Chose significative, le mouvement de cette réaction première, smvte d'un enoouement progressif, se retrouve identique dans le Tagebuch de Moschel~s 2! Le 12 juin 1835, Liszt et Mme d'Agoult sont de passage à Bâle, incognito. Heussler les renc~mtre pourtant chez le mar~hand de mu-sique Knopp. Liszt se met au ptan_? chez le marc:band. ~ms, des cordes ayant sauté, chez Daniel ; tr~sporte par tant de vtrtuostt~ transce~dante, ce dernier s'exclame : « Je JOUe affreusement mal. Jamats quelqu un de son niveau ne me donnera de leçons. » Mais l'idée de Paris poursuit son chemin:

    Grande joie aujoud'lwi: [Hje) Ronimus B. m'~! envoyé d_e Paris la Gazette ffi;l;lSÏ~ cale ainsi que plusieur~ morce~u.~ im~ressan!s de H.'!fer, Chop,_n, Sclw1!ke, etc. Je n 1ra1 pas déjeûner à la mmson mms Je devorerm ces pwces en gu1se de d10er.

    (12 octobre 1835)

    Ma vraie vie n'est qu'cl Paris; je suis inquiet de sav~ir si un gra~1d maître-;- Lisz~, Chopin, Kalkbrenner - "!e donnera des .leçons. That 1s the questiOn for me. Je Ils l'intéressante Gazette musicale de Schlesmger. (14 octobre 1835)

    Décidément, le choix semble se porter sur Chopin :

    Mauvaise nouvelle: Chopin, auprès de qui je voulais prendre des leçons à Paris, est attendu à Leipzig. (21 octobre 1835)

    Déçu par cette nouvelle, Daniel n'en renonce pas pour autant à son projet qui se fait plus lancinant :

    La musique me comble toujours plus, d'auta_nt J?[us ?~te Je che~che à me dépas:/r dans l'exécution. Quels espoirs je fonde sur Pans, s Il m etait poss1ble de prendre es leçons chez 1111 grand maître! (28 octobre 1835)

    E t Chopl·n est rentré d'Allemagne et les événements se pré-

    ntre- emps, · d 1 bill · · "l' Heussler à Paris le ?7 novembre. Pns ans e tour on

    ctpttent : vot a - r on Journal pendant de la ca itale, il interrompt - hélas pour ,no~s. - s . . 1 d

    , pd , . ur Mais à peine revenu a Baie, neuf mots plus tard, il a uree u seJo . écrit avec nostalgie :

    . · d mon souvenir. Après toutes sortes de difficultés ~t Tout cont1m~e à ~Ivre ans e Chopin l'idéal de mon cœur, me donnat

    d'inconvénients, ~e ~ws P1~rv~f!' ài cft 1:~it strict ; 11 début et je ne pouvais r~e~1 faire des leçons. Jamms Je. ne 0~1 'era ·1 s le ons magnifiques, lorsque devant 11101 zl don-à sa convenance., Mms ~n~mtc, quel e 11.~1 y a de plus divin jaillissait sous ses mains 1 nait libre cours a son geme et que ce q (17 août 1836)

    d l' a d'impressions inoubliables et définitives, cette _Baignant . ans ru~e l'année 1836. Ici comme dans tant d'autres cas,

    notice est ausst la seu e. l'enseignement du ~aître apportait une révélation tout se passe comme St A • , , "t d 1

    · t · d"ct"ble pour pouvoir etre constgne par ecn, ans e trop mtense e m 1 • d" · 1 d Ch · ' • ··1 e'tait vécu Et de fmt, aucun tsctp e e opm na temps meme qu t · · · · ·f 1 · ' · . , J al de ses leçons (il est stgmftcatJ que es souvemrs ecnts latsse un ourn

    13

  • Page du journal autographe de Daniel Hcussler en date du 17 août 1836 (coll. part., Bâle).

    par les él~ves de L~szt aillent plus loin que les divers Journaux tenus pen-dant ou JUSte apres ses leçons). Moyennant les coutumières difficultés d'accès auprès du ~aî~re, le jeun_e bâlois aura donc bénéficié de son ensei-gneme~t _pendant SIX a s~pt_ mo1s au p~u~ -:- Chopin étant à Marienbad le 28 JUtllet 1836. Jusqu ICI, aucun specialiste n'a cité Daniel Heussler-~~'!rneysen , nom d'autant plus précieux que ]es élèves de Chopin iden-tifies entre 1832 et 1838 sont plutôt rares.

    . Célèbre, _le second élève suisse de Chopin n'est autre que le pia-D:Iste-composlteur ~h~rlcs-Samuel _Bo.vy Çl 821-1873), dit Bovy-Lysberg a, fils v du fameux. medailleur gcnev~1.s, e!abli à Paris, Jean-François-Antoine Bo y. En dépit de rechercb~s reiterees, nous n'avons retrouvé jusqu'ici au~un . docum_en,t contempo~am de. Bovy-Lysberg attestant formellement qu Il a1t !ravrulle _ave

    4c Chopm. Cuneusement, les lettres inédites de Bovy-

    Lysberg, a sa famille (comi_)Ortant, ~ne lacune pratiquement complète pour les _annees, 1835 à 1848, SOit la pen~de où le jeune musicien demeurait à Pa~1s a~pres ?e ses yarents) ne ~enyonnent Je nom du compositeur polo-n~JS 9u .a, trOJs repns~s : deux fOJs a propos d'une ultime effigie de Cho-pm reahsee par ~torne Bovy en 1850-51, une fois au sujet de la Berceuse (cf. plus ba~). N1 la Corre~pondance de Chopin ni celle de G. Sand, ni les lettres de Ltszt et, Mme ? Agoul! - ,toutes personnes dans le cercle des-que1les_les BovyA pere et fils ont evolue - ne font mention du compositeur genevoJs. De meme la Revue et gazette musicale de Paris est muette sur les. activités du je~ne pianiste, compositeur et pédagogue pour la période qu~ couvre son se~our dans l~ capitale française. Les témoignages écrits qm donnent Chopm pour mmtre de. L~s~~rg étant tous postérieurs à la mor_t , de ce derme;, le doute pouv.att, legttlmement s'installer quant à la réahte de cet enseignement ; et cect d autant plus qu'il était de bon ton du vivant de Chopin, de se faire passer pour son élève. Au courant d~ ce genre de bruit, le maître répliquait alors avec un détachement teinté 14

    d'humour: « Je ne le connais pas, je ne lui ai jamais donné de leçons. Mais si cela peut être utile à ce mi-séreux, laissez-le en paix. Qu' il reste mon élève ! » s

    Les rares biographes de Chopin à mentionner Bovy-Lysberg comme son élève s'appuient tous sur NiecksG qui, lui, cite Marmontel 7• Ce der-nier, passant pour avoir enseigné la composition à Lysberg et générale-ment bien informé quant à Chopin, est digne de foi. Mais la source la plus importante (et qui a échappé aux plus attentifs biographes de Cho-pin) consiste en un long article nécro-logique consacré à Bovy-Lysberg ct paru dans Le Ménestrel s. Voici la reproduction du passage qui nous intéresse:

    Bovy-Lysberg jeune. Huile attribuée à L. V. Lavoine (coll. part., Genève. Photo Boul-Boissonnas).

    Présenté à Frédérick Chopin et entendu par lui, il [Lysberg] recevait aussitôt l'offre de venir prendre le matin les leçons de cet illustre maître, offre faite à titre de faveur déjà justifiée, et acceptée avec ravissement. C'était l'époque oii Chopin commençait à ressentir ces cruelles souffrances physiques et morales qui firent du reste de ses jours comme u11 lent et poétique martyre. Quel regret (éprouve de n'avoir pas con-servé 1111 souvenir plus présent des détails, que me donna souvent notre cher Lysberg, sur les rapports qui s'étaient établis alors entre l'hôte de la Cité d'Orléans et le jeune initié de son choix! Il avait été là à 1111 rude et salutaire appremissage de la vie artis-tique. Chopin, aigri par la maladie, exigea d'autant plus de Lysberg qu'il trouvait e11 lui une mine plus riche, et qu'il pressentait une affinité de talent dont il se montrait parfois naïvement étonné. Mais aussi quel aiguillon, quel puissam encouragement, dans le moindre signe d'approbation, dans le moindre mot arraché au maître, qui l'écoutait de loin, cloué sur son lit. Comme toutes les particularités de ces séances d'initiation matinale s'étaient gravées dans la mémoire de Lysberg en traits ineffaçables 1 Elles ont eu sur la forme de s011 talent une profonde influence.

    Vers le même temps, Liszt ayalll e11 occasion de rencontrer et d'entendre le jeune élève favori de Chopin, lui témoign~it. ~ ~~Tl tour une grande es!i'!1e, et le n_1ettai! à même de jouir de son commerce pnvllegte et de prendre ses preczeux consetls. C est ainsi que Lys berg fut amené à lui P_résenter, 1111, jou; le, m~nu~crit, d'une _Bar_car?lle, travaillée à son intention et dont Ltszt, a pres 1 avotr decl11ffree, c est-à-dtre JOUee à première vue avec sa fougueuse perfection, se montra si satisfait qu'elle lui fut dédiée, et, sur-le-champ, éditée par Richault. Elle porte le n• 7 de l'œuvre.

    L'auteur de ces souvenirs, Charles Read 9, était intimement lié avec notre compositeur ; il lui rendit maintes fois visite l'été au château de Dardagny (GE), alors qu'à Paris il maintenait un contact régulier avec les parents de Lysberg. Voilà qui investit son té?lo!gna&e d'un poids suffi-sant pour dissiper un doute éventuel quant a 1 enseignement reçu chez Chopin. Par ailleu~s, dan~ la corr~spondance ~dressé~ -~ ses parents, le compositeur gene~~ts mentionne. anucalement, v01~e faiUlherement les noms de deux illustres eleves de Cbopm : Georges Mathias (lettre s.l.n.d. ; 1850 ?)

    15

  • et, à quatre, reprises, Mme Rubio (18 juillet 1850; Noël 1862; 30 janvier 1863 ; ~5 fevner ~863). C'est chez Chopin sans doute que Bovy-Lysberg au.ra fa!t 1~ conna1_ssance de ces deux pianistes : le jeune et brillant Ma-tillas. n avait ?onne que quelques concerts avant 1848, tandis que Mme Rub10, ne fa1s~nt pas proprement carrière, était peu connue hors du cercl~ ?e Chopm dont elle fut l'asssitante vers 1846 et jusqu'en 1849. La dedicac~ des Deux Nocturnes op. 29 (Paris, Lemoine, vers 1850) de Lysberg «a Madame ':er~ Rubio née de Kologrivoff » peut s'interpréter comme un hommage mduect du condisciple à la mémoire du maître récemment disparu.

    , Venons-en maintenant au contenu du texte de Read. Plusieurs don-nees .en ~ont pa~faitement. recoupées par d'autres sources : on sait que Chopm n acceptait pas f~~Jlemen~ ?~ nouveaux élèves - il fallait parfois ruser pour vamcr.e sa reh~ence m1tJale. On sait qu'en règle générale ses ~eçons commençaient relativement tôt dans la matinée et se succédaient JU~q~'en début .d'après-midi. La passion, le soin et l'exigence qu'il met-tait a s~n ense1gneme?t sont ~argement attestés par ailleurs. Par contre, J7s allus10ns ?e Read a la sante de Chopin et à l' un de ses domiciles pari-Siens sont lom de concorder avec la période unanimement désignée par les commentateurs de Bovy-Lysberg pour être celle de ses débuts chez le maître. On lit partout que l'adolescent a commencé de travailler avec Ch~pin en 1~36,, o~ ~ême 1835. Or à ces dates, le compositeur polonais, quo1que fragile, eta1t b1en portant ; ce n'est qu'à partir de l'hiver à Major-que et du printemps suivant (1839) que sa santé s'est vue gravement altérée une première fois. D'autre part, Chopin s'est installé Cour d'Or-léans dans les derniers jours de sep-tembre 1842. Enfin, Georges Ma-thias a commencé de travailler sous sa direction en 1839 Qusqu'en 1844) et Mme Rubio en 1842. Il y a peu de chances, on l'a vu, pour que Lys-berg les ait rencontrés avant ces da-tes. Si les déclarations de Read au sujet d 'un Chopin «aigri par la ma-ladie» et du « maître qui l'écoutait, cloué sur son li t>> sont à mettre sur le compte d'une plume qui anticipe sur les années 1847-49, en revanche la phrase qui affirme: «C'était l'épo-que où Chopin commençait à ressen-tir ces cruelles souffrances physiques et morales» éveille des résonances chronologiques plus précises. Soit qu'elle concerne l'automne 1839 (re-

    • .. ...... rth.tr. . •

    ~.,..,_ -#~T &.ll!ltOINJ1,~ .. ,_.., .....

    tour à Paris après Nohant et la crise Page de titre des six Caprices op 18 de Majorque; mais Chopin réside dédiés par Bovy-Lysberg à Chopin. · 16

    alors rue Tronchet), soit qu'elle s'applique plus vraisemblablement au prin-temps 1844 (nouvelle détérioration de la santé et ébranlement psychique de Chopin à la mort de son père). Dans cette dernière période, il était installé Cour d'Orléans, et Lysberg pouvait y rencontrer tant Mathias que Mme Rubio. On soulignera que les Six Caprices op. 18 dédiés par le Genevois « A Fr. Chopin » sont de peu postérieurs à cette date, puisqu'ils ont paru en juillet 1845 (Lemoine).

    De deux choses l'une. Ou la notice de Read est entachée de graves interférences chronologiques et n'a de valeur que relative : dans ce cas elle ne permet pas de situer précisément les débuts de Lysberg chez Cho-pin - toutefois on peut inférer de la dédicace de l'op. 18 que vers 1844-1845 le musicien suisse était en relation avec le compositeur polonais, chez qui il aurait pu débuter plus tôt. Ou l'on fait confiance à la mémoire de Read (qui était historien !), et ses souvenirs bien circonstanciés tiennent en échec la date de 1835-36. Nous penchons pour cette seconde attitude en raison des faits suivants. Mentionnant les conseils reçus de Liszt « vers le même temps >> où Bovy-Lysberg étudiait chez Chopin, Read rapporte l'en-thousiasme du maître hongrois pour la Barcarolle op. 7 à lui dédiée et «sur-le-champ éditée par Richault >>. Or cette œuvre, effectivement publiée chez Richault, est sortie en novembre 1843, en même temps que Six Etudes de salon op. 14 offertes « à Madame la Comtesse d'Agoult» 10• Du moment que l'op. 18 dédié à Chopin est postérieur d'un an et demi, il y a de fortes présomptions pour que les conseils dispensés par Liszt à Lysberg aient précédé l'enseignement de Chopin. Connaissant le froid qui, dès avant le voyage de Majorque, s'était installé entre les couples Chopin -G. Sand et Liszt - Mme d'Agoult, on voit mal Bovy-Lysberg dédier coup sur coup deux compositions à Liszt et à son égérie dans le temps même où il travaillait avec Chopin ! C'est en 1842 au plus tard qu'il convient de situer les leçons chez Liszt ; celui-ci n'a pratiquement pas séjourné à Paris l'année suivante, et les travaux de gravure pour neuf partitions (les op. 7-15) 11 coûtent de longs mois de travail.

    Sur ces questions chronologiques, nos c~mclusions ne s'accordent_ donc pas avec J'opinion reçue selon laquelle _le Jeune B.o~-Lysberg auratt t~availlé d'abord avec Chopin puis avec Ltszt, et ceci des 1836. Un demter mot touchant cette date. En aucun cas elle ne peut s'appUquer à L iszt, qui résidait alors à Genève ; quant à sa présense à Par~s l'hiver. de 1836-1837, on sait qu'elle était m~tivéc par la, pre~ccupati?n d?mman~e ?e vaincre un « rival » momentane, Thalber~, ecr~se lors dune ~~ute P,t~lStique demeurée célèbre. Voilà qui devatt suffisamment mobthser ! e~ergie de Liszt pour qu' il ne puisse guère cons~crer de temps à un p1aruste en herbe. M ais, objectera-t-on encore, , Antom_e Bovy q~~ g~ave ~n 1837 sa première médaille de Chopin 12 n aura-t-tl pa~ satsl 1 occasiOn ~es séances de pose pour intcr.ven!r e? fave_u~ ~e SOl~ ft~~?, Dans ce cas, nen de moins certain qu'il y att reuSSI. Arnve a Pans 1 ete de 1835, Charles Bovy - alors âgé de _qu?torze ans ~t demi - Y co~me.nce sur ~e tard son apprentissage de pta?l.ste professionnel, sous la dtrectiOn astre1gn~te de certain sir Ebner. Votcl dans quels termes - et orthographe - pttto-resques il en rend compte à son père :

    17

  • P'!ur ~ir Ebner, .voi~à je s~is come/Il ! ,le pren.ds deux leçons par mois, une tous les fJ.~'.nz.e JOUrs, ~t, lm-meme.m assur~ que c est sufftsant avec les leçons de Mlle Sophie [répetttrtce]. !" otla comme tl. me /att t~avltiller: il me donne par exemple toutes les gammes, en stxte, les cro~nallques, les llerces, enfin une grande quantité de choses de ce ge~ re P'!ur la leçon swvallte .. Mlle So~hie .me fait faire cela et je travaille passable-ment , e~tfm lll verras que cela !ra. Il ma dtt, Mr Chose: point de morceaux, je vais vo11s te!'" pendant q.uelq11e~ mots su~ les exercices pour vos doigts, et ensuite les mor-ceaux trOnt leur tr~"!· J!nfm '!le .vot/à con~ent co1?Jme un bossu: je fais précisément

    . ces choses que tu destrats que Je ftsse, ces dtables d exercices pour délier mes socissons.

    et cinq semaines plus tard : (Paris, 25 aofit 1835)

    , Mes, doigts étaient si dodus que j'a~ais P_eur qu'ils se rouillem, et ils solll pas mal degr~ubes. C~s !eço~~ E?ner tous l~s qwnze JOUrs, sacrebleu, j'en viens de prendre une, et hten. on dtratt qutl n y ,a pas 2 JOurs que voilà l'autre qui arrive. Je trouve qu'elles sont bten assez rapprochees.

    (Paris, 30 septembre 1835)

    . Même mo~ennant cette appli_cation soutenue pendant plusieurs mois, Il est peu vraisemblable que le Jeune Charles ait été à même de suivre l'enseignement de Chopin dès 1836. C'est là une raison supplémentaire de reculer l'époque de ces leçons.

    .Chopin a exercé une. ~fluenc~ profonde sur Lysberg, pianiste et com-positeur. Selon une tradition tOUJOurs vivante chez les descendants de ce dernier, «. Ch op~ jusqu'à . ses d~rniers moments demandait que Bovy-Ly~berg ~nenne _JOUer du ptano declarant qu'il était, parmi ses élèves, le ~,eilleur u~terpre!e de ses ~uvres. » 13 D~n.s les récitals qu'il donne régu-heremen~ a Geneve à parttr ~~ 1850, rec1tnls consacrés presque exclusi-vement a ses pr?pres. comp_os1ttons, des exceptions notables sont fai tes en faveur de Chopm. lc1 ~t la, Lysberg joue une Etude, une Polonaise, un Nocturne. et Valse!, m~1s surtout 1~ B:rceuse. Sa prédilection pour cette page subhme e,st hee a des souvenus mtenses qu'il évoque poétiquement dans une lettre a ses parents :

    , ":ous devez avoir déjà .du lilas. C'~st ç~ qui me ravaude le plus, odeur et vue, ces~ u:croyab_le ce que le lilas me capttve. J y vois tant de gentilles choses _ toutes les !oltes numques se111e1~t cette bonne_, '!d~u~. Il me rappelle aussi Attris (?) qui a pour mot 1111 charma_m s_ouvemr parce que! etat~ Jeune lorsque j'y allais; la Berceuse surtolll (celle. de Cltopu! bten el! tendu) '!"e fa tt touJOitrs voir et sentir des grappes de lilas blanc et, votr des petits chen11.ns sables bordés de toutes sortes de délicieuses verdures cou-pees de sermga et de ltlas, le tout emperlé d'une fraîche pluie de printemps.

    (Dardagny, 10 avril 1869)

    D élicates réminiscences, bien proches de Proust et de ses futures asso-ciations involontaires ! . Qu~ Bovy-:"Lysberg interprète Chopin ,o~ ses propres œuvres, c'est tou-JOurs 1 express10n naturelle, le charme penetrant la délicatesse et la sou-plesse du toucher que relèvent les critiques contemporains :

    Le piano prend sous ses mains une souplesse extraordinaire dont il n'abuse point comme tant d'at~tres, pour étonner f!f'r des t~urs de force, 11;ais qu'il emploie ave~ beaucoup d'art a rendre de la mamere la mteux sentie des mélodies touchantes et simples, dont les accents vont à l'âme.

    (Journal de Genève, 8 mars 1850) 18

    M . Lysberg toue/te le clavier avec une telle délicatesse qu'il semble que les sons tombent de ses doigts, ta lit il met d'habileté à dissimuler le toucher lui-même.

    (Revue de Genève, 4 mars 1853) Ses doigts de fée d'otl s'échappe/li, pétillants comme un bouquet d'étincelles élec-

    triques, ou misselants comme les mille gouttelettes d'une cascade, les gammes vives et perlées, les notes capricieuses et argemines, suspendirem et charmèrent l'assemblée.

    (Revue de Genève, 18 mars 1858)

    Au-delà des conventions de langage alors en usage, les rencontres sont frappantes entre l'expression des chroniqueurs genevois et les termes dont plusieurs contemporains (musiciens et littérateurs célèbres, élèves ou simples critiques) se sont servis pour décrire le jeu de Chopin. On songe entre autres à cette phrase d'une élève : « La moindre note avait la sono-rité argentine d'une clochette. Ses doigts semblaient n'être que chair et muscles, et leur élasticité lui permettait des effets tout à fait extraordi-naires » ou encore à la comparaison de Moscheles : « ses doigts glis-sent comme des sylphes sur les touches », enfin à l'exclamation de cette dame demandant à l'issue d'un concert quel était « le secret de Chopin pour que les gammes fussent si coulées sur le piano ».

    L'abondante production de Bovy-Lysberg est presque entièrement dédiée à son instrument 14, comme c'est le cas chez maints pianistes-compositeurs du siècle dernier. Ce n'est pas ici le lieu d'en détailler les caractéristiques ; nous nous bornerons à quelques considérations descriptives et à dégager les influences subies (celle de Chopin plus particulièrement), ceci pour les principales œuvres de la période parisienne, comprises entre les op. 1 et 30. Ainsi qu'il arrive souvent chez les épigones, Lysberg n'évolue pas sensi-blement : ayant trouvé un « style » dès l'op. 7 et suivants (1843), il ne modifiera guère ni ne renouvellera sa manière dans les trois décennies à venir. Tout au plus les compositions postérieures à 1850 se font-elles plus diffuses et moins soignées sur le plan de la rédaction ; dès lors, Bovy-Lysberg sacrifie abondamment aux exigences de la mode : paraphra-ses d'opéras, musique à programme, morceaux de salon et de genre(« mor-ceaux d'éditeurs » disait-il !) parés de titres et d'épigraphes. Au reste ce goût pour les indications littéraires se manifeste dès ses premières publi-cations. Ainsi le pittoresque helvétique est-il sollicité dans les Valses op. 1 baptisées Le~ Suisses~es (en raisol? de leur recour~ ~ l'~rt folklorique du Jodef) ains1 que dans les Quadnlles op. 4 et s. mtitules .Le, Lac .de Brie17tz et Le Lac Léman - œuvrettes sans prétentiOn et qm n ont nen à voir avec les Armées de Pèlerinage 1 de Liszt... Outre les Valses op. 6, 8 9 et 19 qui obéissent à cette même mode, les deux Nocturnes op. 24 s~ voient respectivement dénommés Mélancolie et Tristesse. Sur ce point, Bovy-Lysberg est donc en complète opposition avec l'esthétique de Cho-pin, dont on connaît l'aversion pour les titres et interprétations littéraires de sa musique.

    Parmi les quelque trente compositions de la période parisienne, la Barcarolle op. 7 et l'Etude de la main gauche seule op. 20 sont sans doute les plus originales tant dans leur substance musicale que sur le plan de la facture pianistique. On imagine bien l'enthousiasme de Liszt devant l'op. 7 (berceuse plus encore que barcarolle) qui tire si heureusement parti

    19

  • des ressources du piano romantique : chant intérieur confié au pouce, décuplement des plans sonores grâce à de grands croisements de mains, reprise du chant à l'aigu résonnant au sommet de larges et délicates appog-giatures, le tout dans l'harmonieuse plénitude de la bémol. Quant à l'Etude op. 20, elle est autant une vaste méditation qu'un exercice de déplace-ment et d'extension en souplesse, exploitant avec une habileté consommée les divers registres du clavier et les innombrables nuances de timbre qu'un pouce libre est capable de produire. Il n'existe pas beaucoup d'études de ~ai!l gauche aussi expressives et ingénieuses dans toute la littérature pia-mstJque.

    En grande majorité, les œuvres comprises entre l'op. 7 et 30 repré-sentent une synthèse stylistique des apports de Mendelssohn Liszt et Chopin (Schumann étant alors pratiquement inconnu en France).' Les Trois Ror:zances sans. paro~es, op. 27 symb?lisen! bi~n ce triple patronage. Non moi?J 9ue le titre ge~eral, la condUite melodtque, le soutien harmonique et 1 ecnture des numeros 1 (Regrets) et 3 (A v eu) soulionent l'influence d~ Mend~lssohn. Le genre et ~e contenu musical du numé:'o 2 (Invocation) latsset;tt etr~ngement pressentir --:,sous une forme plus simple et dans des ,?tmensiOns rest~emtes ,--:- la ptece _d~ Liszt qui portera Je même titre en tete des Harmomes poet1ques et religœuses. Par contre l'écriture de ce numéro 2 évoqu_e nettement ~e profil de l'Etude op. 25/7 'de Chopin, tout comme_ tell~ pen ode. ?u nu,m;ro 3 semble issue du Prélude op. 28/15 (1re page) 1". Dune mamere generale, Bovy-Lysberg doit à Mendelssohn non seulement I,e g~nre des. Liede'.' ohne. Worte (cf. op. 3, 1.5, 27, 30), mais un contour melodtque qut fleunt gracieusement à mi-chemin entre le chant po~ulai_re allemand e! le l?enre, de salon, ainsi qu'une harmonie claire, a 1 abn des modulatiOns Imprevues ou trop audacieuses. En revanche l'écriture pianistique de Lysb~rg ~s~ souvent plus riche, plus ingénieuse q~e celle de M~ndelssohn. C est ICI que se marquent les influences de Ltszt et de Chopm, grands novateurs en la matière. Outre les introductions importantes dont il ~ime. à I_Jréface! maintes compositions, et ces passages a cadenza ou quast recttatlvo qUI peuvent déboucher sur de véritables s~ctions rha~sodiques, c'est à LiJzt que Bovy-Lysberg emprunte l'utilisa-bon du clavte,r ~ans toute ~on etendue ~les octaves supérieures singuliè-rement), une. ecnture vo}o~t~ers symph~mque, telles figures de trilles, tré-~olos, battenes, note~ ;epetees, tels tratts en octaves ou ces accords four-ms et largement arpeges, sans compter la mélodie intérieure confiée aux pouces.

    Beaucoup plus accusée, l'influence de Chopin s'exerce à des niveaux variés. On ~a perçoit autant dans une pré,dil~ction marquée pour certains genres mus~cau~. q,u_~ dans des typ~s, d'ecr~tu~e pianistique caractérisés, dans le ~hot?' dehbete ?~ telles tonalites. ausst bten que dans maintes tour-nures melodtque_s. Rémmtscences et plagm5s _en constituent la marque extrê-me ; par endroits, Bovy-Lysberg est alle Jusqu'à assimiler ce climat de nostalgie lancinante qui fait le_ fond du ~al polonais (cf. Romance sans pa;oles op. 15/1). Avant tou!, Il ~aut attr~buer à l'emprise de Chopin un som remarquable dans, la re~actt~n, must.cale,, soin que notre Genevois perdra quelque peu apres avOir qUitte Pans. C est sous l'impulsion d'œu-20

    \ 1

    vres transcendantes du maître polonais que Lysberg cultive des genres tels que Valses brillantes ou de salon (op. 6, 8, 9, 22), Etudes (op. 14) dont l'argument tedmique est inséparable d'une idée poétique, Nocturnes élé-giaques groupés en trilogie (op. 10), puis par paires (op. 24 et 29), comme chez son modèle - à cette différence près que Bovy-Lysberg tend essen-tiellement à des compositions monothématiques tirant vers la romance, alors que Chopin écrit en majorité des Nocturnes du type A-B-A'. Après 1850, outre une Ballade, verront le jour une Polonaise, une Mazurka de village, une Tarentelle et un Boléro, toutes danses traitées par Chopin. Mais c'est surtout dans son pianisme, tel que l'écriture le révèle, que Lysberg est le plus tributaire de son maître. Le même goût pour les tonalités fortement bémolisées (sol bémol, ré bémol, si bémol mineur, la bémol, fa nùneur), dicté par la commodité pianistique, apparaît comme un fruit indéniable de l'enseignement de Chopin, dont on connaît bien la prédilection pour les touches noires. Les Nocturnes surtout impriment des traces évidentes chez Lysberg qui a capté avec un mimétisme étonnant l'ample cantilène sur-plombant la basse disposée soit en larges arpèges ondoyants soit en accords répétés ou changeant de position au-dessus de la note grave. On retrouve jusque dans d 'infimes détails le « rubato rythmique » (G. Belotti) noté par Chopin, ainsi que cette ornementation, ces diminutions de la ligne mélodique dérobées (après Hummel et Field) à l'art du bel canto: ports de voix, portamenti, appoggiatures ou accords appoggiaturés avant la note principale, remplissage de grands intervalles expressifs à l'aide de successions semi-chromatiques. Entre autres exemples, ces broderies mélo-diques offrent une puissante analogie avec des formules qui figurent chez Chopin:

    LYS8E'~

  • Le Nocturne op. 10/2 de Lysberg consiste en un pur démarquage du célèbre op. 9/2. Même mesure, même tonalité, écriture et climat presque identiques :

    _ii f.t rnt,,#,jf, ..

    ~-

    ___ .._ .. -- .... -=----· -~ o.fiUII/IJ\11. - - -

    Il * . • *.luL::....-1. •* ., .. ---*• e) --~ --== - . l ~:-= - ,.!! --· ~- : ~--. , •• •.•. ,. * .. ..,..,.,. .., ~ ..... , .. --;1-~*:i*· ... ,..,J-; _ ._il!)~ ., . .. ., .-~

    hl: }.,.,/,

    jJ~M~·~· t~~~~~~~~~

    l 'tv/: :ft

    Il n'est pas jusqu'à la sous-dominante altérée en fin de mesure 4 qui ne figure chez Chopin. L'ornementation est quasi superposable, notamment les gruppetti et dérivés en notes pleines, les ports de voix et terminaisons de trilles indiqués en petites notes. Mais Chopin est infiniment plus subtil dans ses chatoiements harmoniques Le Caprice op. 18/3, qui affecte un caractère de Nocturne, est inspiré par la section médiane de l'op. 9/1 et le tissu ar~chnéen de 1~ ~erce~se c;omme de l'Anda_nte spianato (3e page et conclus•on) ; de celm-ct dénve egalement Je dessm obstiné de basse dans la R êverie op. 36/2 et l'Etude op. 14/3, où viennent en outre se combiner Je « deux contre trois » de l'Etude posthume NO 3 et des tournures mélo-dico-harmoniques de l'Etude op. 25/1 - plus reconnaissables encore dans le Caprice op. 18/5, 2e partie. S'ouvrant sur une citation mélodique de l'op. 32/2, Je Nocturne op. 29/2 emprunte plus loin son régime d'écriture au Prélude 28/15 (1re section). Maintes réminiscences du Prélude op. 28/17 flottent dans la partie centrale des Nocturnes op. 10/1 et 24/2 ainsi que du Caprice op. 18/6. Enfin, le modèle transparent étant le Prélude op. 28/3 c'est l'Etude op. 14/4 qui présente le plagiat le plus flagrant: ' 22

    j (~~~~~~~~

    Pr.tl:

    Dans les deux cas, on a affaire à un caprice-étude monothématique commandé par l'obstination d'une formule giratoire de main gauche que surmonte un chant en valeurs longues, harmonisé en doubles et triples no-tes. Cependant la formule de main gauche, qui débute et se termine de même chez les deux compositeurs, est d'une exécution plus aisée chez Lysberg, tant à cause de la tonalité que par son dessin en escaliers évitant les péril-Jeux degrés conjoints de Chopin. Si la mélodie de Lysberg fait aussi usage du rythme doublement pointé, eJle n'a pas le bondissement caractéristi-que du modèle où la double-croche précède régulièrement un premier temps. Enfin Lysberg s'englue dans une forme fermée a_-a'-a, l_à ~ù Cho-pin s'en évade précisém~nt, sauvegardant _un cachet d'_unprovi~a~op. ~ confrontation des deux pieces montre combien, pour habilement unite qu il soit Chopin reste inimitable. A l'ombre d'une page où souffle une complète libe~té d'invention et de forme, Lysberg produit une Etude industrieuse mais sans grand relief.

    A travers ces premières œuvres, Bovy-Lysberg appar~t donc comme un épigone. Le terme n'a rien de péjoratif, que nous sachiOJ?-S ; Schumann n'écrivait-il pas à Clara : « II mc semble parf

  • NOTES

    1 Deux de ces six fragments on t été publiés pour la première fois dans la brochure de H:tns Peter SCHANZLIN, Bascls private Musikpflege tm 19. jabrlmndert ; Basci, Hclbing & Lichtcn-hahn, 1961, p. 19. J'exprime ici ma vive gra titude au pos.ses.scur de l'autogr;~.phc qui :1 bien voulu me le confier ct contrôler ma transcr iption. Voici ces six fragments dans le texte original :

    den 14ten Januar [1835]. Bckanmschaft mit cincm neuen Componiscen : Chopin, bizarr und schwcr.

    den 12ten October 1835. Eine grosse Frcudc wurdc mir heutc : [Hic]Ronimus B. schickte mir aus Paris die gazctce

    musicale, und mehrere interessante Musikstücke von Hüler. Chopin, Schuoke ;~.d=. Ich werde nich t zum Mittagessen n;~.ch Hausc gehen, sondern diessclben en guise de dîner verschlingen.

    den 14ten October 1835. . !ch lebe nur in Paris ; mich kümmcrt ob ein grosser Meister Liszt. Chopin, Kalkbrenner mir

    w1rd Stunden geben. That is the question for mc ! Ic:h lese Schlesingers interessante Ç:llcttc mus=c.

    den 21 ten Octobcr 1835. Bosc Nachricht : Chopin, bei dcm ich m Paris Stundcn nehmcn wolltc, wird in Leipz ig

    crwattct.

    den 28tcn Octobcr 1835. Die Musik, je mcl1r ich tüchtigcs zu lcistcn suchc, erfüllt mich immcr mchr. Welche H off-

    nungcn sctzc ich nuf Paris, wcnn cs mir moglich warc bei eincm grosscn Meistcr Stundcn zu nehmen.

    1836, BASEL den 17 August 1836

    ln mcincr Erinncrung lcbt alles fort. Nach allerlcy Mühen und Unannehmlichkeitcn bracht ich's dah in, dass Chopin, d:u Ideal mcincs Herzens, mir Stundcn gab. Nic vcrgcss ich's. Streng war cr anf:tng< und nich ts konnt ich ihm recht machen. Aber nachhcr -o welche hcrrlichc Stun-dcn, ais cr vor mir die Quelle seines Genies aufthat und untcr scincn Handcn das Gotd ichstc hervor sprudelte !

    ! Aus Moscheles' Leben. Leipzig, 1872-73, 2 vol.; 1, p. 271, 294; II, p. 39.

    • 3 Nom d'emprunt sous lequel il a publié toutes ses œuvres dès l'op. 1. Les premières sont

    s1gn,éc~ ~harles B. _de Lysberg, mo~ifié p~r. l;t suite ~n Ch. Bovy-Lysberg ou Ch. B. Lysbcrg. A 1 '!ngme, ce dcm1-pseudonyme était desnne a préve.n1r toute confusion avec son père et surtout à. évJter de porter o~brage à la renommée de celui-ci au cas où les premiers essais du compo-Siteur ne rencontreraient pas la faveur du public et des c.ritiques. Contrairement à une opinion e~co~c répandu~, Lysberg n',est pas, issu , de la contractio':' de Liszt ct Thalbcrg ; il est aujour-d hu1 péremptoJtcmcnt étab!J que c est la le nom d'un v11lage du Jura Liesberg (près Lnufon) où Charles Bovy avait séjourné à plusieurs reprises. ' '

    Parmi plusieurs articles et études sur Bovy-Lysberg on citera : BAUD-BOVY (Samuel), Un aimable musicien. Charles-Samuel Bovy-Lysberg. Etude manus-

    crite (1927) conservée à la Bibliothèque du Conservatoire de Genève (Ac 23JI). KLING (Henri) , Bovy-Lysberg. Sa v ie et ses œuvres. Conférence manuscri te déposée à la

    Bibli_othèque d_u Conservatoire de Genève ( Ae 36!). Un condensé de cc texte a paru sous le mre : • Solhouctten n:tmhaftcr gcnfer Mus1ker. Charles Bovy-Lysbcrg • dans la Scbweizcrische Musikzeit:mg 32/18, 1892, pp. 167-168.

    LONG (Pauline), • Charles Samuel Bovy-Lysberg • , in Scbweizerisches jabrbuch für Mllsik-wisscnscha/t 3, 1928, pp. 140-154.

    READ (Charles), • Charles Dovy-Lysbcrg •, in Le Ménestrel 39/51, 1873, pp. 405-406. Cc texte est intégralement reproduit sous le même titre en tête du premier cahier des Ocll-vres post/mmes de Dovy-Lysberg. Paris, H cugcl [ 1874).

    TAPPOLET (Claude), La vie musicale à Genève a11 dix-ne11v ième siècle. Genève, 1972, pp. 57-63.

    4 Copie en est déposée à la Bibliothèque publique et univcrma1re de Genève (Arc bives Daud-Dovy 168/8). Je tiens à remercier ici M. Philippe Monnier, conservateur du Département des manuscrits, de m'en avoir ouvert l'accès. D'importants fragments de lettres inédites de Lys-

    24

    berg ct de journaux tenus par des membres de s:t famille, transcrits par Samuel Baud-Bovy, s?nt déposés ?. la Bibliothèque du Conservatoire d~ Genève (Ac 1794). , M. Jacques Horn cf fer n b1cn voulu m'en faciliter la consultation. Ma gr:mtudc va également ~ MM. Sa".'uel Baud-Bovr et Arnold Rcnaud-Dovy, pour les renseignements qu'ils m'ont commumqués au SUJet de leur ancctre.

    s Cité par Ludwik BRONARSKI, • Les élèves de Chopin •, Annales Chopin 6, 1965, p. 12.

    G Frederick Chopin as a Man ami Musician. London, 1902 (3• éd.), Il, pp. 176 et 179.

    Les pianistes célèbres. P:~ris, 1878, p. 7.

    s Il s'agit de l'article de Read cité en note 3. Lysberg en également donné pou1r ~lève d_e

    Cho in dans une brève annonce né.crologique p:1ruc dans a. Rroue. et g_azette m:mca e . ~ Pans 40/ S: 1873, p. 63 ; ct dans le s11pplémem de Pougin à la B:ograplne :mwerselle des m:mcum de Fétis, Paris, 1881, II, p. 138.

    g H d 1 f · (1819 1898) Spécialiste de l 'histoire ct de la littérature réfor-omme e ettres rança1s • · . l'h" · d p · f mée au XVI" siècle, il est l'un des fondateurs de b ~O~Iét~ de d •s

    1t0lre

    1u d roLt'eEsta n_t

    1tsm.e

    1 ra~-

    . 0 'd" · d d'A b"pné de la Satire Memppee ct u ouma c stol e, 1 avait ça1s. utrc ses c mons c u 1o • ' , 8 d p r 1 1 co positeur projeté à la demande de Lysberg le livret d'un opera, emar a zssy, auquc e rn finit par renoncer.

    10 A l'instar de Chopin qui a respectivement dédié à Li~zt ct Mme d'f'-go~lt ses Etudes op 10 (1833) et 25 (1837) En agissant de m~mc, Lysbcrg tdenaJt s~ns do;rc ~ f;ure :ronéfèv~s~ ses. relat ions nfin de favori~er son introduction dans le gran monoc ou e s amrcr cs

    11 L 7 15 s d'un coup chez Richault en novembre-décembre 1843, sur la cs op. - sont paru recommandation de Liszt vraisemblablement.

    · éd 'Il · eut un succès considérable et dans lequel les familiers 12 Outre cc prcm1cr rn 31 on Q,UI d s meilleures effigies Antoine Bovy en a exé-

    de Chopin sc so'!t accordés :\ rcconname une e ~e Voir :\ ce sujet M. IDZIKOWSKI - B. E. cu té pour le mo1ns q~attc autres c\ 1~f c.t 185i ~ Autour de Frédéric Chopin, N° spécial 229 SYDOW, • Les portrattS d~ Frydery 1~P~~ ;J0-!31. Les auteurs qui datent deux médailles ~e de La Re~.;ue '?''wcale, Pam, 1955, pP· \ ettre inédite d'Antoine Bovy 3 son fils : • Une repnse 1847 cnv1~on •gnorcn~ ce pas~agc dune une médaille pour me raccroch~r à quelque c~ose mc du portra•t de Chopm tl ont JC. bou Grasse l randcs dames, ça me fait nrc, dks >v ut btcn far-lance dans les comtesse_s, les pnnccsses et

    1 csS g_ • (Paris 5 mars 1850).

    ces, et puis elles m'en dJSent de bonnes sur a uJSse. •

    h f i que Lysberg n'était pas présent aux der-13 Arnold Renaud-Bovy. 0!1 o ~ervera tout~~ns attesté Genève-Paris en 1849, Lysberg n'n nicrs moments de Chopin. A motns ddun loy:~çe r i•Anglcterre le 19 avril 1848 ; lui-m(me plus revu Chopin depuis 1~ dép~rt e ce u1-c1 pou • quitte définitivement Paris fm ma1 1848. .

    0 piano (plusieurs œuvres pour quatre mams 14 Bovy-Lysberg a laissé quelque 15 °~· pour . 1 Ile . un trio; un quatuor à cordes . N · td' t pour p1ano ct v•o once , . La F"ll ct deux p1anos) ; un octume mc 1 l h s . enfin un opéra-com1que, 1 e (perdu) • quelques mélodies avec piano Ct que ques. c. ~ur ' perdue, excepté pour l'Ouverture du CarÙlo1meur (librettiste inconnu), dont la paruuon est dont il a fait une réduction pour piano.

    IS A partir d'ici, les itn liqucs désignent . les ~uvrcs de Lysberg et les caractères ordinaires celles de Chopin, afin de prévenir toute confus1on.

    EN BREF

    Un anniversaire à Lausanne L e le chœur de cette insti-Pour fêter les 75 ans de l'Ecole Normale dderci~~ans~~s la direction de Robert

    tution donna un concert remarqué le 14 mnrschambre' de Lausanne. Au progremme, Mermoud, en collaboration avec ~·Orchde'sAt r~hde Honegger d'après le drame de René Le Roi David, psaume symphomque r ur • Morax.

    Les Amis du Conservatoire de Lausanne d J Balt'ssat parler de la musique • . 1 19 ars pour enten re ean Ils se sont reums e m v· de 1977 De nombreuses séquences enre-qu'il compose pour la Fête des 1gneron~ • ·

    gistrées ont illustré cet exposé du plus haut tntéret. 25

  • j t ISABELLE NEF 1

    Isabelle Nef et son mari le Dr Arnold Naef.

    La musique tout entière - et notre pays en particulier - ont perdu au début de cette année, une personnalité excep-tionnelle : la grande claveciniste Isabelle Nef nous a en effet quittés le 2 janvier dans sa quatre-vingtième année, en pleine gloire ; une gloire conquise au gré d'une vie à laquelle n'auront été épargnés ni les difficultés, ni les deuils, mais que l'amour de la musique et le plus haut idéal artis-tique auront illuminée, on peut le dire, jusqu'à sa dernière heure.

    Isabelle Nef était, au plein sens du terme, une « grande dame». Dans son art, autant que dans les relations hu-maines, elle manifesta ce caractère altier, chevaleresque, généreux aussi, mais fier et conscient de sa force avec une pointe d'autoritarisme que j'adorais et que d'au-cuns attribuaient à une petite «giclée de sang Bonaparte». Sa mère était Corse en effet et le beau portrait qu'a fait d'Isabelle Théodore Strawinsky laisse apparaître avec délicatesse et discernement ce côté énergique de notre ultime « napoléoniste >> .

    Chère Isabelle ! qui me disait à la fin de l'été passé : «Ne trouves-tu pas que nous nous sommes vus trop rarement depuis si longtemps que nous nous con-naissons?»

    Depuis sa mort récente, si subite, je repense souvent, très souvent à ces mots et à cette amitié sans aucune ombre qui nous lia durant quarante-cinq ·ans.

    C'est en effet en 1930 que j'ai fait la connaissance de cette jeune et belle artiste

    26

    qui, après des débuts romantiques - elle avait remporté le prix Schumann créé à Genève par Robert Bory - se jetait corps et âme dans le mouvement déclenché par Wanda Landowska en faveur de la reva-lorisation du clavecin.

    Enthousiasmé par l'audacieuse entre-prise de la grande artiste polonaise, Manuel de Falla introduisit le clavecin dans l'orchestre moderne du Retablo de Maese Pedro d'après Cervantès. Wanda Landowska lui en témoigna sa reconnais-sance en lui passant commande du Con-certo per clavicenba/o qu'elle ne joua guère mais dont, à la simple lecture, je tombai follement enthousiaste et qu'Isa-belle Nef devait donner avec des musi-ciens de l'O.S.R. en première audition à Genève, sous la direction d'Ansermet. . J'eus le «culot» de lui écrire quelques

    hgnes où transparaissait peut-être un peu plus que de l'admiration pour cet exploit. 11 en naquit une amitié très grande et t~ès profonde, créatrice de liens très pré-Cieux avec ses proches, le cher docteur Arnold Naef dont le décès devait la sur-prendre brusquement en pleine tournée aux antipodes, en Australie, l'écrivain Matthias Morkard, André Schaeffner, Francis Poulenc... Qui n'ai-je rencontré dans ces accueillants logis de Port-Choi-seul, Malagny et enfin Bossy où le bon Arnold sut à chaque fois créer, avec un goîlt exquis, le cadre approprié à celui d'Isabelle et de son style de vie tout à la fois aristocratique et bon vivant, aussi im-

    périale dans son salon, vêtue de sa plus belle robe qu'à la cuisine donnant des ordres ...

    Revenue veuve d'Australie, Isabelle ne se laissa nullement aller au goût du mal-heur.

    Bossy, cette belle demeure que son mari avait « bichonnée» dans un esprit qui ressemble si bien à leurs goûts communs et à sa propre sensibilité éprise de style dans le « modus vivendi » ne pouvait sub-sister sur un mode d'égoïste repliement. Autant sa maîtrise s'affirmait par sa car-rière personnelle, de plus en plus inter-nationale, ses enregistrements de plus en plus nombreux et appréciés, sa curiosité pour un instrument comme le piano-forte où réapparut son juvénile roman-

    tisme, autant tint-elle à faire de cette demeure un foyer vivant de la musique. Plus d'un artiste, jeune ou moins jeune, n'oublieront jamais cette dimension d'es-prit qu'Isabelle Nef dépensa sa vie durant tant au service des êtres que de la mu-sique.

    Créatrice d'une véritable école gene-voise de clavecin, elle a su par sa rayon-nante personnalité, inciter en outre des compositeurs tels que Frank Martin et Gian-Francesco Malipiero à contribuer à la résurrection ou plutôt à l'actualisa-tion de l'instrument remis à la lumière par Wanda Landowska dont elle fut la disciple la plus intelligente, la plus per-sonnelle et la plus efficacement active.

    Edouard Mul/er-Moor

    ECHOS ET NOUVELLES DU MONDE MUSICAL

    Le « Musikkreis Feldkirch» et la radio autrichienne ont invité Je Chœur de la Radin .wi.çse romande, sous la direction d'André Charlet, à donner, le 13 mars, un concert lors du deuxième symposium de Feldkirch sur la musique chorale con-temporaine. En dehors d'œuvres de De-bussy, Ravel et Scbœnberg, des composi-tions de Norbert Moret, Jean Perrin, Ber-nard Sclwlé, Heinrich Sutermeister et Raffae/e d'A /essandro furent présentées aux auditeurs autrichiens.

    Le 16 janvier 1976 s'est tenue à Lau-sanne une réunion des groupes romands de la Société Suisse de Pédagogie Musi-cale. Y assistaient des représentants des cantons de Vaud, Neuchâtel, Valais et Genève.

    Monsieur René Gerber présidait la séance, comme il avait présidé, depuis sa fondation en 1969, la commission de coor-dination des groupes romands de la SSPM. Il a été souligné l'importance que pouvait avoir une action unitaire de la minorité romande face aux problèmes nationaux.

    Le problème essentiel, qui englobe tous les autres, paraît être actuellement celui de la place de l'enseignement musical par rapport à l'enseignement général. Ce point sera à l'ordre du jour de la prochaine séance du 5 mars.

    Le compositeur Will Eisenmann vient de fêter, à Lucerne, son septantième an-niversaire. Ancien élève de Paul Dukas et de Charles Kœchlin, il s'est vu attribuer en 1936 à Vienne le prix Emii-Hertzka pour son opéra Der Konig der dwzkeln Kammer d'après Tagore. Eisenmann a su rester à l'écart des tendances à la mode. Son style très personnel est polyphonique et souvent polytol_lal. Ses nombreuses compositions abordent tous les genres, de l'opéra jusqu'aux œuvres pour piano ou orgue.

    L'ensemble vocal Alauda de Genève, dirigé par Jean-Louis Rebut, revient d'un séjour en Israël où il a rep~ésenté .la Suisse à la rencontre chorale mternatiO-nale de Bethléem 1975, ainsi qu'au festi-vale de chœurs de Jérusalem le 25 dé-cembre 1975.

    Gagnebin et Reichel ét~ient au pro; gramme de ces concerts qut ont remporte un très vif succès.

    Le Lyceum de Suisse organise le 26• Concours national féminin de musique pour piano et flîlte. Il aura lieu à Berne du 28 au 31 octobre 1976. Conditions et bulletins d'inscription peuvent être obte-nus au Secrétariat de la Commission musicale du Lyceum, Wanderstrasse 121, 4054 Bâle.

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  • CHRONIQUE VALAISANNE Un certain public

    En Valais, comme partout ai lleurs sans doute, les organisateurs de soirées musi-cales rencontrent d'énormes difficultés à remplir les salles de concert. Les spectacles pourtant sont bien organisés, éclectiques à souhait, abordant tous les genres et toutes les formes. A chaque concert, le pro-gramme lui-même est habilement pensé pour satisfaire aussi bien les spécialistes que les profanes. Mais rien n'y fait : les auditeurs, toujours les mêmes, diminuent de plus en plus !

    Quand on sait que chaque commune compte pour le moins une chorale, une ou deux fanfares, et autres formations musicales (orchestre champêtre, quatuor vocal, etc.), et que dans la seule ville de Sion, petite capitale, il y a - pour ne citer qu'un exemple - plus de vingt so-ciétés musicales différentes, il y a de quoi se poser certaines questions.

    11 est trop simple de justifier ce manque d'intérêt en accusant la télévision, le sport ou même, précisément, l'activité de ces sociétés. Le concert est un loisir, un loisir culturel dont nous n'avons pas à répéter ici tous les bienfaits.

    Je crois qu'il vaut mieux expliquer ce phénomène par cette « spécialisation » que s'impose le chanteur et le musicien valaisan. Un concert « classique» pour le membre d'une fanfare? Pensez-vous, se dit-on, ce gars n'a rien à apprendre de la Pastorale. Comme le chanteur ne reti-rera rien de la Sonate au clair de lune! Les noces de Figaro ne sauraient intéres-ser le chœur mixte de la paroisse, et Szidon ne peut pas passionner l'harmonie municipale ! Comme il est vrai aussi que le jazzfan montre de la réticence à l'égard du concert spirituel. Et l'amateur de « grande » musique n'oserait pas s'abaisser à aller au spectacle des «Frères Jacques» ou de l'« O ld School Band» ... Quant au « Quatuor Tarrago », quelles personnes autres que les guitaristes eux-mêmes va-t-il attirer?

    Ce cloisonnement entre les genres vide les salles. Pire, il démontre on ne peut mieux les limites trop étroites des con-naissances musicales de nos musiciens et chanteurs. Il faudrait éduquer les jeunes, nous dit-on. Et l'école est, une fois de plus, au banc des accusés. Pour expliquer le

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    ~ide ?es salles de co~cert, je préfère quant a mo1 poser les questiOns un peu différem-ment: - où sont les maîtres de chant, les pro-

    fesseurs spécialisés ? - où sont les élèves des écoles de mu-

    sique, des conservatoires ? que font les directeurs de musique et les chefs de chœur pour conseiller à leurs musiciens et chanteurs tel ou tel concert ?

    - où sont tous ceux qui, à longueur d 'année, se prétendent «connaisseurs»?

    - où sont tous ceux qui a ffirment sans cesse qu'on n'organise rien en Va lais?

    - où sont les Valaisans que l'on ren-contre aux concerts hors canton mais jamais en Valais?

    Si je puis formuler un vœu cc serait d~nc celui-ci : qu'on fasse l'effort néces-S~Ir~ pour briser les barrières aujourd'hui ~~ ng1des entre la musique populaire le Jazz et la musique « classique» ! Et que tus ceux qui, en amateurs ou en profes-siOnnels, ont . quelque lien avec la musique sachent prof1ter de toute bonne musique. Nous devons bien cela a ux organisateurs de soirées musicales ! N. Lagger

    La collaborallon

    L' isolement est sans conteste l'un des problèmes fondamentaux auquel le chef de chœur doit constamment faire face. D~ formation musicale souvent élémen-taire, presque toujours à la tête de chœurs a~ateurs sans grandes possibilités tcch-n.'ques, travai llant davantage par enthou-siasme que par souci fin ancier le chef de chœur, s'il ne refuse pas d'endosser seul de lourdes responsabilités souffre souvent de cet isolement, de c,; manque de contact non avec ses chantres, mais avec ses collègues, avec les musiciens professionnels, peut-être aussi avec le monde musical en général.

    Un. premier remède efficace lui a été fourn1 quand, sus l 'i~pulsion de quelques personnes ausst génercuses que dyna mi-ques, l'Association Valaisanne des C hefs de Chœur (A V CC) fut formée. Dès lors de précieux échanges furent possibles, notamment au cours de sympathiques we~k.-e_nd de t~avail placés sous la respon-sablbte de pedagogues et de musiciens

    professionnels. Très rapidement l'A VCC se lia d'amitié avec l'Association Vau-doise des Directeurs de Chant. A VDC et A VCC, lors de réunions communes, favorisaient dès lors des échanges plus étendus.

    Lors des dernières journées de travail en commun au col des Mosses, les deux associations débattaient notamment d'un thème important : la collaboration entre les chefs de chœurs et les musiciens pro-fessionnels.

    Il est bien clair que ce souci de colla-boration avec le « haut » est dicté par les honnêtes intentions du chef de chœur qui voudrait, inlassablement, parfaire sa for-mation - serait-ce en autodidacte -pour, à son tour, pouvoir assurer à son chœur un sûr progrès technique ct artis-

    tique. Aux musiciens professionnels, aux compositeurs, aux pédagogues spécialisés qui savent combien « ingrate » est la tâche du chef de chœur, celui-ci exprime sa reconnaissance. En même temps qu'il lui demande beaucoup de compréhension, il sollicite une plus grande et plus régu-lière collaboration.

    Et, dans l'esprit de cette collaboration, nous ne doutons pas que la Revue musi-cale de Suisse romande pourra apporter sa contribution. Je me fais l'interprète des membres de I'AVCC en demandant à la Revue aide et assistance au chef de chœur, sous forme d'articles de fond diversifiés ct accessibles au profane, de conseils et de suggestions si nécessaires au bon travail de ceux auxquels nous devons que le Valais chante encore. N. Lagger

    Regards sur le blues en 19 7 5 par Jean-Claude Amaudon

    Près de vingt ans se sont écoulés depuis que l'E urope a découvert le blues. Une visite impromptue de Leadbelly à Paris, en 1949, constitue un signe avant-coureur de « revival ». Au cours des premières années cinquante, Josh White, Lonnie Johnson puis Big Bill Broonzy effectuent leur premier voyage sur le vieux continent. Ils conquièrent un auditoire encore forte-ment hanté par un folklorisme de mauvais aloi, et la critique de l'époque vante le style « profondément rural » de Big Bill. Bévue considérable que seule l' ignorance excuse. En 1952, Lonnie ose se produire avec une guitare électrique à Londres, et cette même critique crie au scandale. A la fin de cette décennie, un vaste mouve-ment d'intérêt en faveur du blues apparaît dans les pays anglo-saxons, qui vient éclairer une connaissance extrêmement imprécise d'un demi-siècle de musique négro-américaine. Progressivement, les idées reçues et les préjugés s'effacent, le blues est enfin reçu comme un art authen-tique par un large public.

    Nous sommes parvenus aujourd'hui non point à faire le tour de l'histoire du blues - le pourra-t-on jamais ? - mais à ana-lyser avec une meilleure approche sa pro-

    fondeur, sa diversité et ses mutations. n subsiste encore de nombreux épisodes à défricher, de multiples artistes à localiser, bien des énigmes à dénouer. Cependant, il convient de saluer à leur juste valeur les efforts inlassables de tous les cher-cheurs grâce auxquels le voile a été levé sur une épopée musicale passionnante. Il faudrait des pages entières pour les citer tous. Nous nous contenterons de reteni r ceux dont le