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REVUE DE PRESSE REVUE DE PRESSE REVUE DE PRESSE Photo et installation PASCAL COLRAT assistante Mélina Faget du 22 mars au 8 avril 2018 > création Tél. 01 43 74 99 61 theatrede laquarium .com MILLE FRANCS DE RÉCOMPENSE de Victor Hugo / mise en scène Kheireddine Lardjam

de Victor Hugo Kheireddine Lardjam€¦ · Les comédiens expriment un plaisir évident à participer à cette chevauchée politique et ... campée par l’exquise Linda Chaïb. sur

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MILLe FRANCs de RÉCOMpeNsede Victor Hugo / mise en scène Kheireddine Lardjam

MILLe FRANCs de RÉCOMpeNse

22 mars > 8 avril 2018

PresseCatherine Guizard pour le Théâtre de l’Aquarium> [email protected] 01 48 40 97 88 & 06 60 43 21 13

texte de Victor Hugo mise en scène Kheireddine Lardjam collaboration artistique Cédric Veschambrescénographie et collaboration artistique Estelle Gautier lumière Victor Arancioson Pascal Brenotcomposition musicale Romaric Bourgeoisvidéo Thibaut Champagnecostumes Florence Jeunetdessinateur Jean-François Rossichorégraphe Bouziane Bouteldja chargée de production Lucile Burtindiffusion Daphnée Martin

avec Maxime Atmami > GlapieuAzeddine Benamara > rousselineRomaric Bourgeois > scabeau, huissier de saisies / Un huissier de tribunal / un huissier d’appartement / masque Linda Chaïb > ÉtiennetteSamuel Churin > Le Major Gedouard & Le Baron De PuencarralÉtienne Durot > edgar MarcAïda Hamri > CyprienneCédric Veschambre > M. De Pontresme

Production > Compagnie el Ajouad. Coproduction > La Comédie, Centre dramatique national de saint-Étienne - L’arc, scène nationale Le Creusot - Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-seine - Théâtre L’Aquarium. Avec le soutien de la DrAC Bourgogne Franche-Comté - région Bourgogne Franche-Comté - Conseil départemental du Val-de-Marne dans le cadre de l’aide à la création - Conseil départemental de saône-et-Loire, l’Adami et la spedidam.

FLORILÈGe de pResseImpossible de s’ennuyer dans cette mise en scène haute en couleurs de Kheireddine Lardjam, le verbe de Victor Hugo souffle sur les différents tableaux de l’histoire pleine de rebondissements rocambolesques, avec une vivacité, une légèreté déconcertante.

Le Monde

Hugo nous apparaît comme un homme de notre temps doté de cette hargne contre un modèle social inacceptable et de cet humour un peu trash qui caractérise la jeune génération d’aujourd’hui.

Arts-chipels.fr

Menée tambour battant par des interprètes dont la ferveur ne cède jamais le pas, cette proposition a tout du feu d’artifice.

La Terrasse

Ça fuse, les couleurs et les mouvements sont rapides et fluides, et certaines scènes sont le fruit d’excellentes idées de mise en scène.

Un fauteuil pour l’orchestre

sur un rythme bouillonnant, le metteur en scène va en effet droit au but et offre des scènes jubilatoires où cette histoire ébouriffante s’avère passionnante et le spectacle drôle, intelligent et surprenant.

Froggy’s delight

Lardjam livre au final un spectacle d’une grande cohérence où le rire, l’intelligence, et la justesse politique sont les ingrédients d’un cocktail Molotov théâtral salvateur.

La Gazette du théâtre

Comment Victor Hugo, à l’âge de 64 ans, exilé dans l’ile de Guernesey, a-t-il pu se muer en feu follet à travers cette pièce d’une modernité stupéfiante qui contraste avec ses œuvres de jeunesse, drapées de pompe et de lyrisme ?etonnamment cette pièce est peu connue du public et Victor Hugo refusa de la faire jouer de son vivant « Mon drame paraitra le jour où la liberté reviendra »Le héros de la pièce est un gueux libertaire, un petit repris de justice qui n’attend plus rien de la société ni de la religion. son désir de liberté lui donne des ailes, n’ayant plus foi qu’en lui-même, il s’érige en défenseur « du faible et de l’orphelin », lorsque suite à une cavale, caché dans le recoin d’un appartement, il assiste aux malheurs d’une famille assiégée par les huissiers.Pour Victor Hugo, il s’agit évidemment de lever le voile sur la puissance de l’argent qui écrase sans états d’âmes ceux qui sont pris aux pièges tendus par des financiers véreux, lesquels se rengorgent d’exister grâce à leur pouvoir sur des faibles, des naïfs, des imbéciles.L’honnêteté ne peut avoir de prise sur la rouerie humaine. Dès lors seul un filou de la trempe de Glapieu peut prétendre à déjouer les manigances de l’arrogant homme d’affaire rousseline.La liberté de ton des personnages, notamment chez Glapieu mais aussi rousseline, est étonnante. Nous sommes même pris d’un doute, l’auteur est-il vraiment Victor Hugo ?sa verve n’a rien à envier au slam d’aujourd’hui. et le metteur en scène Kheireddine Lardjam visiblement séduit laisse éclater sa jubilation.Comment ne pas jubiler de voir un huissier arborer l’apparence, d’un musicien slameur et l’homme d’affaires ridicule avec sa chemise verte couleur perroquet !On se croirait presque dans une comédie musicale, les comédiens n’hésitent pas à clamer haut et fort leurs sentiments. Il est vrai que Victor Hugo est expert en mélodrame mais cette fois ci, il se révèle particulièrement percutant, c’est un véritable exutoire pour les victimes de l’épaisse fumée noire de l’argent roi, le capitalisme financier déjà à l’œuvre au 19ème siècle.Impossible de s’ennuyer dans cette mise en scène haute en couleurs de Kheireddine Lardjam, le verbe de Victor Hugo souffle sur les différents tableaux de l’histoire pleine de rebondissements rocambolesques, avec une vivacité, une légèreté déconcertante.Il y a des tirades de Glapieu que nous voudrions faire nôtres à moins que nous préférions celles de rousseline, également pas piquées des hannetons.Les comédiens expriment un plaisir évident à participer à cette chevauchée politique et sociale totalement débridée mais fort instructive.sous l’’épaisse fumée noire du roi argent, guettez donc l’apparition du libertaire Glapieu, décidément Victor Hugo nous étonnera toujours !

Evelyne Trân8 Février 2018

Affairistes et banquiers, stades suprêmes du brigandKheireddine Lardjam met en scène Mille Francs de récompense, une comédie de Victor Hugo qui brosse un

féroce tableau de la France du second empire. Une satire sociale résolument contemporaine.

Tout commence au pas de course, dans les travées, lorsqu’un jeune brigand bondit, s’esquive, file à l’anglaise, se jouant de la maréchaussée à ses basques. Tout de noir vêtu, le visage dissimulé par une capuche, Glapieu se fond dans la pénombre et, dans sa fuite, se fait philosophe. Ce bandit libertaire, attachant, pose un regard lucide sur la fabrique et la spirale du crime, sur les assignations sociales qui verrouillent à triple tour les portes des marges et vous prennent au piège. Maxime Atmani déplie et scande cette première tirade à la façon de nos poètes urbains, et l’on pourrait la croire écrite pour aujourd’hui. Point de repentir, chez ce chenapan, mais la rage, la conscience de classe et le désir désespéré de redresser un monde qui marche sur la tête. «Je suis si essoufflé que je n’ai pas eu le temps de devenir vertueux. Chien de sort. Ah ! C’est comme ça ! et bien on va voir, la première bonne action que je trouve à faire, je me jette dessus. Ça mettra le bon Dieu dans son tort», promet la canaille. L’échappée de Glapieu finit sous les toits, dans un galetas où il entre par effraction.

Désespoir ! Pour une dette de 4 000 maudits francs... La jeune et belle Cyprienne y veille sur Zucchino, son aïeul endormi. Terrasse par une fièvre délirante, le vieux professeur de musique, ruiné depuis longtemps, ne peut plus dispenser les leçons dont il vivote avec sa fille et sa petite-fille. Glapieu se prend aussitôt de sympathie pour ce ménage aux abois. Cyprienne a tout juste eu le temps de le réprimander pour son intrusion, lorsque surgit, comme un tourbillon, son extravagante mère, Étiennette, campée par l’exquise Linda Chaïb. sur ses talons, une horde de pointilleux huissiers. Désespoir ! Pour une dette de 4000 maudits francs, la famille est dépouillée de tous ses misérables biens et seules quelques lettres d’amour échappent in extremis à la saisie. Coupe afro, lunettes de soleil sur le nez, veste de fourrure blanche sur les épaules, la psychédélique mère célibataire, qui se fait passer pour une veuve, se lamente sur son funeste destin, sur ses amours mortes et ses fortunes évanouies. Paraît alors rousseline, l’agent d’affaires d’un riche banquier. Dans la peau de ce tortueux personnage, l’excellent Azzedine Benamara explore avec gourmandise toutes les nuances de la perfidie et de la perversité. Voilà le marché : l’argentier éponge la dette, sauve la famille de la banqueroute mais, en contrepartie, il épouse Cyprienne, vers laquelle il coule des regards dégoulinant de concupiscence. Éprise d’un modeste employé de banque, edgar Marc, celle-ci reconduit sans appel. Impardonnable affront pour celui qui veut «plaire aux femmes; de gré ou de force». suit une invraisemblable cavalcade, qui mène Glapieu, pour le meilleur et pour le pire, des interlopes tripots où se frottent affairistes et magistrats jusqu’aux coulisses de la finance, où sa ruse lui fait gagner la confiance du baron de Puencarral (samuel Churin), créancier de Zucchino. Victor Hugo écrit Mille Francs de récompense lors de son exil à Guernesey, alors que le Paris du second empire est livré à la curée. C’est le règne des spéculateurs sans scrupule, des hommes d’affaires véreux, des filous en frac noir couvés par Napoléon III. L’écrivain, intraitable opposant, dépeint une société cruelle, inégalitaire, étranglée par l’argent roi. Comme la nôtre... Dans cette mise en scène impertinente, délurée et résolument contemporaine, Kheireddine Lardjam assume sans complexe ce précipité historique et politique : sa compagnie el Ajouad (« les généreux », en mémoire d’une pièce du dramaturge algérien Abdelkader Alloula) joue cette comédie financière à la façon d’un manifeste anticapitaliste de notre temps, portée par des comédiens qui sont le visage de la France d’aujourd’hui. entre les panneaux coulissants qui façonnent un espace scénique aux allures de labyrinthe, la course folle de Glapieu prend au gré des rebondissements, au fil des plans d’inspiration cinématographique, l’allure d’une quête de sens. Kheireddine Lardjam mène cette satire sociale avec humour, férocité et un sens aiguisé de la lutte des classes.

Rosa Moussaoui 19 mars 2018

si Kheireddine Lardjam est plutôt un habitué des écritures contemporaines - passant régulièrement des commandes de textes à des dramaturges, participant de la diffusion d’œuvres d’auteurs contemporains arabes - le metteur en scène se saisit, pour sa nouvelle création, d’un classique. soit Mille francs de récompense, pièce de Victor Hugo dans laquelle une famille est sauvée par un repris de justice désintéressé et bienveillant. Débarquant en ville, Glapieu, toujours en fuite pour un larcin commis lorsqu’il était jeune, tombe par hasard sur Cyprienne. Celle-ci veille son grand-père malade, Zucchimo, tandis que sa mère, etiennette, redoute l’arrivée des huissiers. Le grand-père, sa fille et sa petite-fille sont ruinés, et manipulés par rousseline. Cet homme d’affaires espère par ses roublardises obtenir la main de la jeune Cyprienne, alors que cette dernière aime edgar, un jeune employé de banque - qui le lui rend bien. Ajoutons à cette intrigue des personnages au passé trouble ayant pour diverses raisons changé de nom - Zucchimo (en raison de son passé politique), le riche baron de saint-André de Puencarral (qui se révèlera être le père de Cyprienne), Glapieu (rebaptisé par l’administration Galbieu) - quelques rebondissements et la fable est ficelée. La pièce, écrite par Victor Hugo en 1866 lorsqu’il est en exil à Guernesey, prolonge le thème de la fatalité sociale, notamment abordé dans Les Misérables - terminés quatre années auparavant. Mais Mille francs de récompense est moins un drame empreint de pathétisme qu’une comédie aux accents satiriques, brossant avec mordant le portrait d’une société dominée par l’argent. se saisissant pleinement des différentes facettes du texte - mélodrame, comédie et écrit politique —, Kheireddine Lardjam s’intéresse au prolongement dans notre monde contemporain de la corruption d’une société et de la vénalité des puissants. Au coeur d’une scénographie en mouvement, constituée de panneaux de verres mobiles, les personnages se croisent, s’affrontent, se fuient. Un dispositif qui renvoie à ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, ce qu’on sait et ce qu’on ne sait pas, et qui dit aussi le rythme implacable imposé par les manipulations de rousseline. Accompagnés par Glapieu, personnage à la verve haute, les spectateurs suivent pas à pas l’intrigue. Loin de tout naturalisme ou mise en scène classique du texte, la transposition dans cet univers de secrets s’appuie sur une interprétation explicite. Portés par un même élan et une énergie généreuse, l’équipe d’acteurs saisissants par leur qualité et homogénéité d’interprétation mène tambour battant le récit. Un projet où, comme le rappelle Kheireddine Lardjam, Victor Hugo « met à nu son/notre époque ».

Caroline Chatelet29 mars 2018

Un écrivain romantique en Doc Martens : découvrir le Victor Hugo sarcastique des chemins de l’exilLa mise en scène de Kheireddine Lardjam fait de cette tragicomédie non exempte de misérabilisme une comédie grinçante et déjantée très contemporaine, qu’on déguste avec délectation.

C’est le drame dans la famille Gedouard. Le père est malade, la famille est couverte de dettes, les huissiers sont à la porte. Gedouard, qui se cache sous le pseudonyme de Zucchimo, sa fille Étiennette et sa petite-fille Cyprienne ont été réduits à l’indigence la plus complète par les manigances d’un « conseiller » peu scrupuleux qui convoite la fille de la maison, une fraîche jouvencelle qui, naturellement, lui préfère un jeune homme pauvre mais honnête. Honnête, voire ! car notre amoureux, pour sauver sa belle, n’hésite pas à piquer dans la caisse de son patron, puis de jouer le peu qui lui reste, espérant se refaire. Las ! il ne fait que s’enfoncer et l’avenir semble bouché. Mais voici qu’entre en scène un filou au grand cœur, quelque peu anarchiste sur les bords, un Arlequin au petit pied, un ex voleur repenti que la misère de cette famille émeut et qui se pique de l’aider. Il faut dire que notre homme est partout. Mouche du coche pendue aux basques de chacun, témoin dissimulé des noirceurs qui se tissent, il ne pourra manquer d’intervenir. Pour le pire souvent plus que pour le meilleur car rien de ce qu’il ourdit ne tourne à son avantage… Mais son altruisme, qu’il exerce à ses propres dépens, finira par payer.

Un portrait au vitriol de l’affairisme et du capitalisme naissantOn est dans la trame de la comédie de l’époque classique et du théâtre du XVIIIe siècle, opposant la force ironique et gouailleuse de la « sagesse » populaire aux classes dirigeantes. Mais on est aussi dans le mélodrame à la sans famille car la malchance s’attache aux pas des personnages comme un chancre opiniâtre. On pense à Molière ou à Marivaux, n’était la cible que se fixe l’auteur. Mais ici, plus de noblesse opposée à une bourgeoisie montante, plutôt une classe de bourgeois affairistes et triomphants qui font leur beurre sur le dos du peuple… Le peuple… cet étendard que brandit haut toute la pensée sociale de l’époque. Hugo dépeint avec un humour caustique et une cruauté jubilatoire cette société sans cœur où des prédateurs qui ne reculent devant rien pour obtenir ce qu’ils convoitent font leur lit dans la fragilité des pauvres. « C’est vrai, fait dire Hugo à rousseline, le financier qui a des visées sur la jeune Cyprienne, on a coutume de dire des hommes d’argent et d’affaire : ce sont des gens impassibles, froids, uniquement occupés de bourse, de hausse et de baisse, de spéculations et de calculs, absorbés dans le chiffre, qu’aucune passion humaine n’émeut […] Moi, tout m’émeut ; et j’ai là quelque chose [il montre son cœur] ; un gouffre… ».Un trou sans fond dans lequel s’épanouissent l’égoïsme, la haine et la vengeance. Il y a de la noirceur dans ce portrait sans fard de celui qui se présente comme un sauveur pour la famille alors même qu’il est l’instrument de sa perte. Ici c’est la vie même de ceux qui sont victimes qui est en jeu. Avec une faconde étourdissante – et fascinante – Hugo appuie là où ça fait mal. Le jeune auteur frénético-romantique des années 1830, qui dressait toute la jeunesse contre les « parapluies » de la respectabilité bourgeoise est devenu un homme mûr, républicain convaincu contraint à l’exil par celui qu’il surnomma « Napoléon le petit » et grand défenseur de la cause sociale. Il a écrit les Misérables quelques années auparavant. Manifeste contre l’âpreté des banquiers, dénonciation de ce capitalisme qui va se développant, 1 000 francs de récompense est un plaidoyer pour les valeurs morales que professe l’écrivain : amour, justice et liberté. Un parti pris contemporainLes personnages évoluent dans une sorte de no man’s land fait de panneaux de plastique tantôt translucides pour laisser voir ce qui se passe derrière, tantôt opaques sur lesquels volètent ou se posent des oiseaux, sur lesquels ondulent en ombre chinoise des femmes à tête de serpent, ou qui matérialisent la massivité des coffres-forts. Ils suffisent, en l’absence de tout élément de mobilier, à définir une chambre, à offrir une banquette où conversent les personnages, à matérialiser le lit d’un malade. On est à l’ère de l’électrique, avec micros HF et publicités au néon, même si le père malade qui se fait dans la pièce le porte-parole du credo hugolien d’un monde menacé de disparition, semble par un anachronisme assumé appartenir à un autre âge dans sa robe de chambre chamarrée.

Quand on rit des larmes qui devraient coulerComme d’ordinaire chez Hugo, comédie et drame font bon ménage et on passe sans transition de la compassion que suscitent les personnages, confrontés à des situations dramatiques, aux rires que le trait féroce de l’auteur ne manque pas de souligner. Ici, la mise en scène résolument contemporaine choisit le parti du bouffon. Le jeu, volontairement outré et clownesque, interdit toute identification aux personnages. La mère éplorée qui cherche à protéger son vieux père mais n’hésite cependant pas à vendre sa fille en dépit des dénégations de celle-ci n’a plus de la dignité que sa singerie grotesque. Demi-mondaine, mi-prostituée, provocante, elle promène sa « conscience » sous la forme de billets de banque enfouis dans son soutien-gorge et qui ne cessent de s’en échapper. La jeune fille a les allures un peu punk d’une ado en mal de vivre. Le brigand au grand cœur garde une pointe d’accent maghrébin. Quant à l’huissier chargé de saisir les biens de la famille, il adopte guitare électrique et hard rock pour ponctuer la destruction qu’il opère, aidé par des silhouettes à masque de corbeaux qui s’abattent sur les lieux. et si les acteurs sont, en majorité, « issus de l’immigration » comme on dit aujourd’hui, c’est une manière de plus de revendiquer le droit, d’où qu’on vienne, de s’approprier la culture française quand on la fait sienne.Loin d’apparaître comme une transgression déplacée, cette transformation, qui casse quelque peu la lyrique hugolienne, parfois grandiloquente, donne au texte une actualité qui parle à tous. Hugo ne nous apparaît plus comme le vieillard aux traits bienveillants entouré de ses enfants ou comme le chef de file romantique magnifié par la gravure mais comme un homme de notre temps, doué de ce talent d’ouvrir les plaies invisibles de la société, doté de cette hargne contre un modèle social inacceptable et de cet humour un peu trash qui caractérise la jeune génération d’aujourd’hui.

Sarah Franck23 mars 2018

Le metteur en scène Kheireddine Lardjam crée une version hétéroclite et généreuse de Mille francs de récompense, de Victor Hugo. Bouffées de comédie, de mélodrame, d’éloquence politique : un spectacle qui va à cent à l’heure.

On connait surtout Kheireddine Lardjam pour son engagement en faveur des écritures contemporaines. Le metteur en scène algérien a créé, depuis le début des années 2000, des textes d’Abdelkader Alloula, de Noureddine Aba, de Christophe Martin, de rachid Boudjedra, de Maïssa Bey, de samuel Gallet, de Pauline sales, de Mustapha Benfodil… Aujourd’hui, c’est pourtant d’une pièce du répertoire classique dont s’empare l’artiste, en résidence au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-seine. Une œuvre du XIXème siècle : un drame aux accents comiques et politiques qui dénonce les injustices sociales d’une France soumise à la toute-puissance du monde de la finance. Dans Mille francs de récompense, Victor Hugo présente le naufrage d’une famille dont le destin est placé entre les mains du banquier véreux qui l’a ruinée. Mais Glapieu, un petit voleur de passage, va jouer le justicier au grand cœur.

Menée tambour battant par des interprètes dont la ferveur ne cède jamais le pas, cette proposition a tout du feu d’artifice. Fréquentes adresses au public, envolées de farce, hétérogénéité des effets de mise en scène, outrance de certains traits et certaines expressions… Pas question ici de donner dans la demi-teinte. Une belle générosité ressort de tout cela. essentiellement centrée sur la vitalité des acteurs, cette vision contemporaine de Mille francs de récompense se donne pour principal objectif de faire revivre une fable. et elle revit. sans un passage à vide. Dans une efficacité de chaque instant. Comme le souhaitait Kheireddine Lardjam, plus de 150 ans après son écriture, la pièce d’Hugo s’ouvre à nous. elle résonne « dans et avec le monde d’aujourd’hui ».

Manuel Piolat Soleymat19 février 2018

Glapieu, un petit voleur poursuivi par la police se réfugie par hasard dans la maison de Cyprienne dont la mère et le grand-père sont criblés de dettes et à la merci de rousseline, un banquier qui veut épouser la jeune fille. Glapieu fera son possible pour sauver la famille d’une issue malheureuse. Après le très réussi «Page en construction» la saison dernière, Kheireddine Lardjam revient avec un classique revisité. A la suite des attentats de Paris, il se plonge dans l’oeuvre de Victor Hugo et décide d’adapter «Mille francs de récompense», une de ses dernières pièces écrite en 1866 en exil à Guernesey durant la présidence de Napoléon III.seule pièce sur son époque de l’auteur des «Misérables» et la seule se déroulant en France, elle est une comédie au vitriol sur le monde de la finance. en grand visionnaire, Hugo écrivait là une pièce on ne peut plus actuelle que Kheireddine Lardjam, après en avoir coupé une bonne moitié (mais en respectant l’essence), donne à voir dans toute sa contemporaneité. sur un rythme bouillonnant, le metteur en scène va en effet droit au but et offre des scènes jubilatoires où cette histoire ébouriffante s’avère passionnante et le spectacle drôle, intelligent et surprenant. Il se confirme en outre être très pertinent quand à la transposition de cette comédie du 19ème siècle qui met à mal avec la même acuité le dogme de la finance. Le travail visuel est impressionnant. saluons la scénographie brillante d’estelle Gauthier (des colonnes mobiles en plexiglas qui servent de murs ou de silhouettes d’immeubles et sur lesquelles sont projetés les images vidéo de Thibaud Champagne ou les dessins inquiétants de Jean-François rossi). et bien sûr, les comédiens sont à la fête dans ce feu d’artifice. Maxime Atmani (Glapieu), formidable, mène la danse avec une vraie intelligence de jeu et le sens de la comédie. Azeddine Benamara est un effrayant rousseline. Linda Chaïb fait preuve une nouvelle fois de ses qualités avec une etiennette (la mère) déjantée irrésistible. et Cédric Verschambre est un phénoménal juge- animateur télé.Mais tous sont parfaits. De romaric Bourgeois (l’huissier rock et également compositeur de la musique idoine du spectacle) à Aïda Hamri (Cyprienne) à la belle présence en passant par les impeccables samuel Churin (Le Baron) et etienne Durot (edgar).La pièce se termine sur une scène qui laisse à méditer dans ce qu’elle a de contemporain et donne à cette comédie rocambolesque (et rock’n roll) où chacun essaye de s’en sortir un surcroît de justesse et de modernité.

Kheireddine Lardjam fait avec ce «Mille francs de récompense» une vraie proposition tranchée dans une mise en scène contemporaine accessible à tous, à l’imaginaire nourri par les séries télé (et de nombreuses références à celles-ci), formidable pont pour découvrir l’œuvre de Victor Hugo.

Nicolas Arnstam25 mars 2018

Cette pièce de Victor Hugo est un petit bijou qu’il fallait l’exhumer et c’est ce qu’a fait Kheireddine Lardjam. Tirée de «théâtre en liberté» c’est une sorte de comédie financière et rocambolesque. Dès le début, avec l’arrivée du voleur en sweat à capuche avec un sac à dos, on est pris : cet homme est pouruivi par la police. Il ironise sur le mot voler, l’un «signifiant la liberté, l’autre la prison». Hugo est en forme. et le voleur nous confie ceci : «la première bonne action venue, je la fais, ça mettra le bon Dieu dans son tort». Assez vite, nous voilà au coeur de l’action : une jeune fille sauve la mise au voleur. elle a une mère fofolle, un grand-père malade, endetté. Le méchant est taillé sur mesure, il s’appelle rousseline, personnage trouble qui profiterait bien d’une traite qu’il possède pour épouser sans son accord la pure jeune fille. et des éclats, toujours dans le texte : «etre italien, c’est être aux trois-quarts musicien !» ou, proféré par un banquier : «Le peuple est aveugle, il lui faut un chien.»Tout s’arrangera, bien sûr, mais pas comme on l’imaginait.L’originalité de la pièce c’est qu’elle est hybride : un peu de mélo, un peu de satire sociale, un peu de comédie, le tout sur fond de plaidoyer vibrant pour la justice, toutes les formes de justice. On change souvent de coloration et la mise en scène traduit cela très bien : il y a des envolées lyriques, des passages prononcés de façon ironique, du slam, beaucoup de mouvement. Bref, on ne s’ennuie pas une seconde. Une mention spéciale au décor, modulable, utilisé aussi pour des projections d’oiseaux (une constante) ou bien d’éléments informatiques, pour un casse...mémorable. La distribution est au diapason : Maxime Atmani est Glapieu, le voleur au grand cœur. Azeddine Benamara se régale et nous régale en rousseline...le méchant qu’on aime haïr, comme on disait autrefois. Linda Chaïb et Aïda Hamri forme un duo mère-fille des plus réjouissants : elles s’opposent, s’invectivent, se rabibochent, chacune réussissant, et comment, à tirer son épingle du jeu.souvent, sur scène, il y a un électron libre, un comédien qui transcende véritablement son rôle en y ajoutant excès et folie, pour le plus grand bonheur du spectateur : il s’agit ici de Cédric Veschambre, inénarrable dans le rôle de M. De Pontresme.Un surprise heureuse, donc, que ce spectacle. A recommander sans modération.

Gérard Noël 28 mars 2018

La famille de Cyprienne est sur le point de tout perdre. Les meubles sont saisis, leur vie s’écroule. seule solution pour sortir du gouffre, qu’elle épouse rousseline, infâme financier retors. Le délinquant en cavale Glapieu, témoin de la situation, prend sur lui d’empêcher que la famille ne tombe sous la coupe de rousseline.

C’est une comédie de Victor Hugo, engagée, franche, et aussi méconnue. On se demande d’ailleurs comment elle a pu échapper si longtemps à notre radar. Le texte vaut pour son actualité, sa fraîcheur incroyable. Anticapitaliste et moderne, elle transpire le refus de se laisser faire par des gouvernants clownesques, par des grands messieurs ridicules. Hugo dénonce les faux-semblants des financiers qui gouvernent par en-dessous, sans qu’on les voie, qui travaillent à leur fortune avant celle des administrés.

C’est d’ailleurs sur le côté actuel de la chose que s’attarde la mise en scène de Kheireddine Lardjam. elle déborde d’idées et de rythmes, la projetant dans notre époque, tout en conservant le côté foutraque de l’intrigue d’époque. Ça fuse, les couleurs et les mouvements sont rapides et fluides, et certaines scènes sont le fruit d’excellentes idées de mise en scène. Glapieu lui aussi est un pont entre deux époques, avec le langage d’Hugo mais l’aisance des filous d’aujourd’hui.

souvent, l’excitation ambiante d’une mise en scène, sa fougue, inquiète et risque de s’essouffler. Ici, elle surprend mais est maîtrisée par les comédiens, chaque personnage étant extrêmement dessiné, permettant de ne pas virer au numéro excessif. On oscille entre idées bricolées toutes simples et virtuosités techniques. On passe un excellent moment, très original et sans approximation. Mille francs de récompense à qui aurait fait mieux !

Victoria Fourel 24 mars 2018

Un Victor Hugo politique et loufoque qui jette une parole actuelle sur la société de l’argentLe vertueux Victor Hugo jette dans cette pièce de jolis jets d’acide et d’impertinence pour décrire une société dans laquelle l’argent est devenu pouvoir absolu. Difficile de ne pas faire le parallèle avec notre époque qui, plus d’un siècle et demi plus tard, a parfaitement consommé le poison qui lentement fait crever une démocratie de plus en plus impuissante.

sur scène : un homme d’affaires qui devient député, un banquier, des huissiers, un délinquant en désir d’honnêteté, une fille-mère, sa fille, son futur gendre et toute une flopée de fausses identités, de passés et de fautes effacés, de façades ravalées, de mains pas très propres, de chantages et de liasses de billets en forme de sésames… et puis il y a le très tonitruant rire de Victor Hugo qui retentit à travers toute l’écriture de cette comédie aussi légère que corrosive.Un rire que l’on ressent dans le choix même des personnages et des situations qui flirtent avec l’excès, la caricature puissante, l’incroyable. C’est une ballade indiscrète au cœur de rouages financiers de l’honorabilité qui nous est offerte là. Notre guide ? Un jeune délinquant mal fait pour l’escroquerie et bien décidé à fuir la marginalité pour se construire une vie de travailleur, personnage magnifiquement interprété par Maxime Atmami qui, fuyant la police qui l’a fiché au fer rouge, se retrouve au cœur du drame dans une maison bourgeoise envahie par les huissiers.Par son entremise, les secrets, les manipulations et toute une série de scènes épiques vont s’enchaîner devant ses yeux et les nôtres : une découverte du monde des nantis, des affaires, de la politique et de la justice républicaine qui expose la corruption comme mode d’organisation. Pas un pour sauver l’autre, tant et si bien que la seule âme un peu pure est bel et bien ce jeune délinquant qui a fait ses classes en maison de correction et de redressement.La mise en scène de Kheireddine Lardjam prend le texte d’Hugo à bras le corps et l’emporte dans une danse pleine de gourmandise, de rythme et de fantaisie. Les personnages brillent soit par leurs éclats soit par leurs noirceurs, mais ils sont tous hauts en couleurs, dignes de Feydeau ou de Courteline. La scénographie extrêmement modulable, faites de panneaux mobiles sur lesquels les projections inquiétantes se multiplient à mesure que l’action s’intensifie. Des nuées d’oiseaux de mauvais augures comme une menace sur une société en train de pourrir de l’intérieur.Le tout est dynamique, pertinent, et laisse parler, en contrepoint de la fantaisie éclatante des scènes et des personnages, l’attaque frontale d’Hugo contre une corruption par l’argent qui devient pire que n’importe quelle tyrannie et s’affranchit de toute limite. Un discours qui se lit comme une chronique journalistique de notre époque, sans filtre, copié collé de la force sans âme du libéralisme économique que l’on nomme mondialisation.Linda Chaïb - toujours très belle comédienne - crée ici le personnage de la fille-mère victime des huissiers avec l’énergie et le talent qu’on lui connaît, mais rarement dans ce registre excessif où elle montre encore une fois son art, son invention. Azeddine Benamara, dans un autre grand rôle de la pièce, l’homme d’affaires absolument véreux, totalement sans vergogne, ni morale, est crédible des pieds à la tête, et jusqu’au moindre souffle. L’originale création du rôle de l’huissier tient sur les épaules du musicien romaric Bourgeois (également compositeur des musiques) : guitare et micro HF imposent ses interventions en chansons, rock et rap avec la hauteur et la violence qui incombent à son personnage. Une très belle idée.Tout le reste de la distribution se donnent sur scène au même titre que ceux cités ci-dessus. On sent un véritable enjeu sous l’aspect blagueur, cocasse et parfois farce de la pièce. L’investissement de tous sert le spectacle et permet de découvrir ce texte de Victor Hugo, d’en apprécier l’humour, la verve et l’intelligence.

Bruno Fougniès27 Mars 2018

Kheireddine Lardjam s’est emparé de ce texte de Victor Hugo qui lui semblait résonner très justement avec l’époque actuelle. Écrite entre 1855 et 1870, alors qu’il était exilé à Guernesey et qu’il refusa de voir jouer « tant que la liberté ne serait pas de retour », la pièce se présente comme une comédie pleine de rebondissements. Hugo s’y plaît à condamner l’âpreté des banquiers et à dénoncer une société où règnent les plus grandes inégalités, où l’on condamne les petits voleurs à la tire mais où on laisse s’épanouir dans la richesse des spéculateurs au cœur sec protégés par une justice dont la balance penche plutôt du côté des nantis et qui n’hésitent pas à réduire à la misère des familles ruinées,.Pour échapper aux gendarmes qui le poursuivent, un petit voleur, Glapieu, se réfugie sur les toits de Paris. De l’appartement où il s’est caché, il observe les péripéties de la vie d’une famille qui va être l’objet d’une saisie. Le grand-père est malade, il a laissé une dette dont la mère est incapable de s’acquitter, le créancier se dit prêt à effacer la dette et à faire silence sur d’autres erreurs commises par cette famille à condition que la fille l’épouse. Mais celle-ci a un amoureux, petit employé trop désargenté pour pouvoir l’épouser et n’entend pas être contrainte. Glapieu se voit bien en robin des villes rétablissant la justice et faisant punir l’ignoble rousseline. On sent bien dans ce résumé le mélodrame, mais avec les morceaux de bravoure que l’on aime tant chez Victor Hugo. Kheireddine Lardjam a choisi de rajeunir la pièce par sa mise en scène. Quand la pièce démarre Glapieu arrive du fond de la salle, essoufflé dans sa fuite, petit sac sur le dos et démarre avec un léger accent beur. Cyprienne la fille de la famille qui le découvre ressemble à une jeune punk un peu gothique, avec ses baskets noirs à lacets fuchsia et son collant résille noir. La mère ressemble à une rock star en gilet et pantalon collant blanc, grandes lunettes de soleil et petit sac à main en vernis fuchsia. L’huissier (romaric Bourgeois, aussi auteur de la musique) chante le texte façon rap en s’accompagnant à la guitare. Derrière un écran translucide défilent des hommes, avec des masques de corbeaux, emportant des cartons emplis des objets saisis dans l’appartement des débiteurs. La distribution fait la part belle à des acteurs maghrébins, ce qui est suffisamment rare sur les scènes françaises pour qu’on le remarque. La tchatche de Maxime Atmani convient parfaitement au personnage de Glapieu petit voleur au grand cœur. Aïda Hamri n’hésite pas à faire un doigt d’honneur à celui qui la convoite contre son gré. Linda Chaïb est parfaite en mère submergée par une situation dont elle n’arrive pas à s’extraire. Il nous permet de voir une pièce d’Hugo peu jouée, où les morceaux de bravoure dénonçant les spéculateurs rapaces et sans scrupules font chaud au cœur.

Micheline Rousselet24 mars 2018

L’argent. La maille. L’oseille. Le fric. Les thunes. Le grisbi.Le flouze !en sept mots comme en cent, voici le principal moteur de la pièce trop peu jouée de Victor Hugo, une pièce écrite en exil à Guernesey, alors que Napoléon III règne, grâce notamment aux puissances financières. (Tiens, tiens... quelle modernité de propos, non ?...)La famille de Cyprienne menace d’être saisie pour cause de dettes. Le banquier sans scrupule rousseline aux ordres du pouvoir leur propose un marché infâme, un deal honteux. Mais c’est sans compter avec le héros Glapieu !Le metteur en scène Kheireddine Lardjam a bien compris l’actualité et l’universalité de ce thème de l’argent roi qui corrompt tout et annihile toute humanité.Il en a tiré une adaptation jouissive, souvent hilarante et on ne peut plus actuelle.Ici, Glapieu (repris de justice sous la plume du père Hugo) est un jeune coquin sympathique, passé par l’école d’application de Melun (si si, elle existe...) et le centre pour jeunes délinquants de Poissy. (Pareil...)Dans ce rôle, Maxime Atmani est éblouissant.en « jeune des cités » gouailleur, charmeur, enjôleur, beau parleur, beau faiseur, il est épatant.Il va dans un premier temps être le narrateur de l’histoire, au moyen d’une sorte de slam enjoué et non dénué d’une certaine poésie, avec de vraies formules qui font mouche, des saillies très drôles.Tel un griot des cités, il fait avancer l’action, tisse des liens entre les personnages, établit des passerelles.Une vraie trouvaille dramaturgique.Pour dépoter, ça va dépoter ! Lardjam fait en sorte que sur le plateau se déroule une farce moderne, par moments burlesque, menée tambour battant.La distribution est aux petits oignons.Dirigés très précisément, avec un vrai sens de l’occupation du plateau et des déplacements, tous confèrent à ces deux heures une énergie et une puissance folles.Pas un moment de répit. Ils nous tiennent et ne nous lâchent plus. Ca pulse, ça bouge, on s’attrape, on se frappe, on s’empoigne.Il y a parfois une dimension Comedia Dell’Arte dans tout ça !Azzedine Benamara est un rousseline fourbe, mielleux et sans scrupule à souhait. Il m’a vraiment impressionné. Une très belle interprétation parfois décalée (je n’en dirai pas plus) mais très juste de ce personnage malfaisant.romaric Bourgeois est un huissier à la guitare électrique HF ravageuse. ses riffs musicaux et verbaux sont parfaits.J’ai beaucoup apprécié la partition de Aïda Hamri en Cyprienne. La jeune comédienne ne s’en laisse pas compter et a beaucoup d’abattage et de talent.Tout comme une nouvelle fois etienne Durot. J’aime beaucoup le jeu en finesse de ce comédien que j’ai beaucoup apprécié l’automne dernier dans un Malade imaginaire monté par la compagnie seine-et-marnaise scènes en seine.Le reste de la distribution est à l’avenant et nous procure beaucoup de plaisir.La scénographie de estelle Gautier, qui travaille beaucoup en ce moment, contribue à ce sentiment d’énergie et de force. Le tout est à base d’éléments composés de caisses en bois surmontés de très grands panneaux en plexi sur lesquels sont projetées des video graphiques du plus bel effet.Beaucoup de corbeaux, ainsi qu’au dernier acte des petites loupiotes faisant penser à des racks de serveurs informatiques. (Je ne vous dirai évidemment pas pourquoi...)C’est là aussi une grande réussite visuelle.Les grands auteurs classiques sont faits pour être bousculés, à condition d’en respecter le sens et le propos.Cette adaptation due à Kheireddine Lardjam est sur ce plan-là également exemplaire.Les jeunes de trois classes venus assister à la représentation ont tout à fait assimilé cette dénonciation du pouvoir de l’argent, ainsi que les grands idéaux hugoliens.Au retour de la Cartoucherie, dans la navette, une lycéenne confiait à l’une de ses camarades :« Wouala, à l’oral du bac français, j’vais leur parler de cette pièce que j’ai vue à Vincennes, et de Victor Hugo ».J’ai trouvé que c’était une excellente idée !

Yves Poey28 Mars 2018

L’histoire : Cyprienne et sa famille vont être saisies de tous leurs biens par les huissiers. Leur seule échappatoire serait d’accepter l’infâme marché de rousseline, banquier sans scrupules : il les sauvera à condition que la belle Cyprienne l’épouse… Mais c’est sans compter sur Glapieu, repris de justice en cavale qui s’est réfugié clandestinement dans la maison. Ce robin des rues, Arsène Lupin d’opportunité, réussira-t-il à sauver cette famille des griffes du banquier ?

Hugo, sous le rire et les masques comiques, livre une pièce incendiaire sur la société capitaliste. Un texte écrit en exil à Guernesey en 1866, et qu’il refusera de donner à jouer : «Mon drame paraîtra le jour où la liberté reviendra.» Un rythme et une machine à la Feydeau, dans un creuset que Molière n’aurait pas renié, pour cingler les esprits avec le meilleur fouet : l’ironie dévastatrice. La mise en scène de K Lardjam ne fait qu’un avec cet Hugo là. Le jeu des comédiens, à la fois dans la théâtralité et la vivacité permanente, allume la mèche et entretient l’énergie de l’œuvre. Maxime Atmani (Glapieu) tout d’abord, pétille de rouerie dans une interprétation d’une grande virtuosité. Linda Chaïb (etiennette) aussi précise dans le geste que libre dans sa folie burlesque est purement jubilatoire. Le reste de la distribution, au diapason, est le plus souvent excellente. Cette réussite dans le jeu est permise par l’intelligence du metteur en scène, qui dans tous ses choix fait vibrer le texte que l’on pourrait croire écrit hier. Il n’y a pas ici le second, ou dixième, degrés de certains qui se servent de l’œuvre, forcément datée, pour exprimer leurs idées qu’ils pensent plus modernes, mais qui ne sont souvent que plus quotidiennes. D’autres auraient coupé ce monologue lyrique et passionné sur La Marseillaise, qui peut sembler tomber comme un cheveu sur la soupe, pas K. Lardjam. Il l’assume totalement. et grâce au talent de samuel Churin , en fait une scansion poétique et politique d’une grande puissance. La scénographie, de la déjà remarquée estelle Gautier, enchaîne à un rythme d’enfer les tableaux avec autant d’évidence visuelle que de simplicité plastique. Le recours au bestiaire (masques et projections) fonctionne parfaitement, nous renvoyant tant à celui de La fontaine ou Ben Jonson (Volpone) qu’à celui du clip vidéo d’« Argent trop cher » de Téléphone (Julian Temple).

Lardjam livre au final un spectacle d’une grande cohérence où le rire, l’intelligence, et la justesse politique sont les ingrédients d’un cocktail Molotov théâtral salvateur.

26 mars 2018

Le jeu des mille francs

Glapieu, repris de justice en cavale, se réfugie dans une maison pour échapper aux agents de police. C’est ainsi qu’il assiste à un drame familial. rousseline, financier sans scrupules, saigne aux quatre veines la famille de Cyprienne afin d’obtenir sa main. Un chantage financier de 25 000 francs monté de toutes pièces. Tel un robin des Bois des temps modernes, Glapieu ne pourra pas laisser cette arnaque impunie. Tenons-nous le pour dit : Victor Hugo a écrit des comédies ! Ce n’est pas une surprise pour les hugoliens les plus avisés que l’auteur des Misérables aimait à mêler dans son théâtre drame et comédie. C’est la base même du théâtre romantique qu’il a théorisé. Mais c’est déjà moins connu qu’il ait écrit une pure comédie dont le rythme, les rebondissements et les répliques cinglantes font penser à Feydeau et Labiche. C’est durant son exil à Guernesey qu’il écrit Mille Francs de récompense, une charge féroce envers les milieux financiers qui gangrènent son époque et ruinent jusqu’aux petits bourgeois. Le metteur en scène Kheireddine Lardjam s’empare de ce texte pour en montrer la résonance évidente avec notre monde capitaliste d’aujourd’hui. Comme il est de coutume chez Hugo, le texte est bon. La satire est efficace, les bons mots pleuvent et, bien que le rythme soit parfois handicapé par quelques discours politique trop longs, il ne fait encore aucun doute qu’il s’agit là d’une pièce d’un des monuments de la littérature française. Ce texte est servi par des comédiens impeccables dont on ressent le plaisir de distiller chaque réplique pour en tirer la saveur. Maxime Atmani (Glapieu) et Azeddine Benamara (rousseline) sont les capitaines de cette belle équipe et amène la comédie à son meilleur.

Mille Francs de récompense est une occasion de voir une pièce trop rarement montée malgré son propos fort et terriblement actuel. Il est toujours plaisant de voir de bons comédiens donner le meilleur d’eux-mêmes pour servir un texte aussi bien troussé que celui de Hugo.

Florian Vallaud24 mars 2018

Un hiver glacial à Paris. Pourchassé par la police, Glapieu se réfugie dans un appartement sinistre où vivent un vieil homme ruiné et malade, sa fille et sa petite-fille. Arrive rousseline, agent d’affaires d’un riche banquier. Au nom de son patron, rousseline, accompagné d’huissiers, va faire procéder à la saisie des meubles. Mais il propose un marché aux deux femmes : il renoncera à la saisie en échange de la main de la jeune fille…Quelques années après Les Misérables, Victor Hugo dénonce à nouveau l’injustice et la misère par la voix et le commentaire ironique de Glapieu, voleur, poète et humaniste qui incarne paradoxalement la probité, mélange de Gavroche et de Jean Valjean.Kheireddine Lardjam propose au Théâtre de l’Aquarium une lecture modernisée de cette pièce rarement jouée, tout en respectant la langue hugolienne. sa mise en scène souligne l’étonnante actualité du propos de Victor Hugo qui dénonçait dès 1866 le cynisme et la cruauté du capitalisme financier, les collusions entre pouvoir et finance mais aussi les insupportables inégalités sociales. Kheireddine Lardjam choisit délibérément de s’éloigner du mélodrame et refuse notamment de faire des deux femmes des victimes passives. Dans un décor futuriste, la scénographie d’estelle Gautier et les dessins de Jean-François rossi jouent avec les symboles sur le thème de la transparence, des liens et de la liberté. On soulignera enfin la superbe interprétation de Maxime Atmani, qui réussit à nous rendre si proche le personnage de Glapieu. La pièce résonne comme une ode à la liberté. Victor Hugo est plus que jamais d’actualité.

Ruth Martinez1 avril 2018

Voici une pièce peu jouée de Victor Hugo, dont on a l’habitude de préférer les drames romantiques. Pourquoi donc donner aujourd’hui cette rocambolesque farce très moliéresque qui voit un banquier cynique profiter de l’endettement d’une famille pour en convoiter la jeune fille en mariage ? Le metteur en scène Kheireddine Lardjam y décèle une comédie très actuelle, voire un manifeste anticapitaliste qui dénonce les pouvoirs de l’argent et la division de la société entre riches et pauvres. Le message politique n’est pourtant pas le principal intérêt de ces Mille francs de récompense, qui valent plus par la beauté des sentiments des personnages si humains qu’ils en deviennent touchants. C’est en particulier le cas de l’espiègle Glapieu, sorte de Gavroche devenu adulte mais qui aurait gardé l’effronterie de son caractère, la lucidité de son regard et la soif de justice de son cœur pur.

servis par une scénographie qui s’attache à dynamiser la pièce, les comédiens, qui n’hésitent pas à cabotiner plaisamment, sont bons dans l’ensemble et la pièce se révèle virevoltante et agréable.

Frédéric Manzini6 février 2018

Un manifeste pour le temps présent, tour à tour drôle et glaçant, où Victor Hugo dénonce une société fondée sur les malversations de la finance.

Un hiver glacial et enneigé des années 1820, à Paris. Terrés dans un appartement sinistre, Zucchimo, un vieil homme ruiné, sa fille et sa petite-fille attendent le coup de grâce : la parade des huissiers venant saisir les meubles. Un homme d’affaires et de magouilles, rousseline, dégoulinant de suffisance, connaît la vérité sur cette affaire et a donc le pouvoir de rétablir la dignité de la famille. Las, il préfère les faire chanter pour obtenir de force la main de Cyprienne, la jeune fille, promise à un commis de banque trop fauché pour l’épouser… Au cœur du désespoir, surgit Glapieu, bandit au grand cœur, repris de justice philosophe, monte-en-l’air anarchiste, aux manières sans fard et au langage fleuri… !

Victor Hugo dresse le portrait au vitriol d’une société de l’argent. saisissant de modernité, le texte manie suspense, rebondissements et violente chronique sociale. L’auteur y décrit une société semblable à celle d’aujourd’hui, une société fondée sur les malversations de la finance et en panne d’ascenseur social.

Le Théâtre de l’Aquarium est subventionné par le Ministère de la Culture et de la Communication (Direction Générale de la Création Artistique), avec le soutien de la Ville de Paris et du Conseil régional d’Île-de-France / licences 1033612-1033613-1033614

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