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economie 20 l'économie française d'abord ! La destruction quasi-méthodique des PME et PMI ivoiriennes par les forces pro-Ouattara vise à remettre en selle les patrons hexagonaux L es entrepreneurs ivoiriens doivent- ils, d’ores et déjà, faire le deuil de leur pays et s’en aller investir sous des cieux moins «monopolisés» ? La ques- tion ne saurait être éludée. En effet, depuis l’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara, de nombreux patrons de PME nationaux (Ivoiro-Libanais compris), ont l’impression qu’une sorte de vaste initia- tive visant à remettre en selle le capital- isme français en Côte d’Ivoire menace à la fois leurs intérêts et l’équilibre économique du pays. ADO fait déjà des cadeaux Les pillages per- pétrés par les FRCI ont coûté très cher au secteur privé ivoirien. Jean Louis Billon, président de la Chambre de com- merce et d’indus- trie, a évoqué 400 entreprises en fail- lite et 120 000 em- plois détruits par la «bataille d’Abidjan». Jean Kacou Diagou, «patron des pa- trons», a quant à lui évoqué 30 milliards de pertes dans le seul secteur de la téléphonie. La quasi-to- talité des stations-services de communes comme Yopougon et Cocody ont été soit «occupées» et vidées de leur contenu, soit pillées. Des agences de compagnies de transfert d’argent et des usines ont subi la furia des hommes en armes venus se payer sur le dos de la bête. Les petits patrons broient du noir, les entreprises nationales n’ont aucun espoir. Fragilisées et inquiètes, les banques peinent à refinancer les PME qui ont perdu tout ou partie de leurs stocks ou de leur outil de travail. Dans ce contexte de grande déprime, les patrons français voient la vie en rose. Et pour cause : ils sont bichonnés par leur gouvernement – ce qui est normal – mais aussi par les autorités ivoiriennes, qui leur font divers «cadeaux». Quand les entre- prises françaises voient leurs voitures ou leur matériel volé par les hommes en tenue, les autorités consulaires se met- tent en branle et mettent en branle le gouvernement ivoirien. Très souvent, au final, les objets volés sont restitués. Ce qui n’est absolument pas le cas pour les en- trepreneurs ivoiriens, qui sont rabroués ou soumis à diverses méthodes de brig- andage dans les commissariats. Au point de vue strictement financier, le gouvernement ivoirien se signale par un sens des priorités révélateur. La Lettre du Continent traduit cet état d’esprit partic- ulier. «C’est l’honneur de la France que d’avoir participé à la chute de Laurent Gbagbo (… ) Prenez la part qui vous revient dans le programme d’Alassane Ouattara», a ainsi claironné Aly Coulibaly, ambassadeur de Côte d’Ivoire à Paris, lors d’une rencontre avec les patrons membres du Conseil français des investisseurs en Afrique noire (CIAN). Pour bien montrer que les choix économiques de l’Etat de Côte d’Ivoire relèvent d’abord d’une logique de «ré- compense». De son côté, Charles Diby Koffi est invité à mettre la main à la poche. En donnant six milliards de FCFA aux patrons français à titre de dédom- magements pour les conséquences de no- vembre 2004. De son côté, Bercy doit mettre la même somme sur la table… Les FRCI volent les des « corps habillés » une entreprise française en livre d’autres. Plus stratégique : l’Etat français va fi- nancer ses entreprises en Côte d’Ivoire grâce à un contrat de désendettement développement (C2D). Les impôts de toutes les entreprises vont financer, au titre de la renégociation de la dette bi- latérale, les firmes françaises qui seront chargées de mettre en place un pro- gramme de réhabilitation des infrastruc- tures, déjà préparé tambour battant. Dans le BTP par ex- emple, les Ivoiriens ou les autres acteurs n’ont plus qu’à s’as- socier à des Français ou à disparaître… Paris profite déjà du désordre incroyable créé – de manière volontaire ? – en Côte d’Ivoire. Les FRCI ont- elles pillé les com- missariats, ramassant les uni- formes des «corps habillés» officiels ? Pas grave ! Une société française, du nom de Marck, va se charger de renouveler tout cela. Un «méga-con- trat», assure La Let- tre du Continent. Quand on sait que des entreprises locales ont déjà fourni l’armée en treillis et que les entreprises textiles turques et asiatiques sont bien plus com- pétitives que les firmes occidentales, on est en droit de se poser quelques ques- tions… La destruction quasi-méthodique du tissu des petites moyennes entreprises et petites et moyennes industries ivoiri- ennes servirait-elle à remettre en selle les petits patrons hexagonaux qui ont quitté le pays ces dix dernières années et qui peuvent désormais revenir, sous le para- pluie de la Force Licorne, de l’Agence française de développement et des ban- ques commerciales bleu-blanc-rouge plus que jamais au centre du jeu ? ▉Philippe Brou

DEBOUTCIV N°9 - L ECONOMIE FRANCAISE D ABORD

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gouvernement ivoirien se signale par un sens des priorités révélateur. La Lettre du Continent traduit cet état d’esprit partic- ulier. Fragilisées et inquiètes, les banques peinent à refinancer les PME qui ont perdu tout ou partie de leurs stocks ou de leur outil de travail. magements pour les conséquences de no- vembre 2004. De son côté, Bercy doit mettre la même somme sur la table… Dans ce contexte de grande déprime, les patrons français voient la vie en rose. Et

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economie 20

l'économie française d'abord !

La destruction quasi-méthodique desPME et PMI ivoiriennes par les forcespro-Ouattara vise à remettre en selleles patrons hexagonaux

Les entrepreneurs ivoiriens doivent-ils, d’ores et déjà, faire le deuil deleur pays et s’en aller investir sous

des cieux moins «monopolisés» ? La ques-tion ne saurait être éludée. En effet,depuis l’arrivée au pouvoir d’AlassaneOuattara, de nombreux patrons de PMEnationaux (Ivoiro-Libanais compris), ontl’impression qu’une sorte de vaste initia-tive visant à remettre en selle le capital-isme français en Côte d’Ivoire menace àla fois leurs intérêtset l’équilibreéconomique dupays.

ADO fait déjà descadeauxLes pillages per-pétrés par les FRCIont coûté très cherau secteur privéivoirien. Jean LouisBillon, président dela Chambre de com-merce et d’indus-trie, a évoqué 400entreprises en fail-lite et 120 000 em-plois détruits par la«bataille d’Abidjan».Jean Kacou Diagou,«patron des pa-trons», a quant à luiévoqué 30 milliardsde pertes dans leseul secteur de la téléphonie. La quasi-to-talité des stations-services de communescomme Yopougon et Cocody ont été soit«occupées» et vidées de leur contenu,soit pillées.

Des agences de compagnies de transfertd’argent et des usines ont subi la furia deshommes en armes venus se payer sur ledos de la bête. Les petits patrons broientdu noir, les entreprises nationales n’ontaucun espoir.

Fragilisées et inquiètes, les banquespeinent à refinancer les PME qui ont perdutout ou partie de leurs stocks ou de leuroutil de travail.

Dans ce contexte de grande déprime, lespatrons français voient la vie en rose. Et

pour cause : ils sont bichonnés par leurgouvernement – ce qui est normal – maisaussi par les autorités ivoiriennes, qui leurfont divers «cadeaux». Quand les entre-prises françaises voient leurs voitures ouleur matériel volé par les hommes entenue, les autorités consulaires se met-tent en branle et mettent en branle legouvernement ivoirien. Très souvent, aufinal, les objets volés sont restitués. Ce quin’est absolument pas le cas pour les en-trepreneurs ivoiriens, qui sont rabroués ousoumis à diverses méthodes de brig-andage dans les commissariats.

Au point de vue strictement financier, le

gouvernement ivoirien se signale par unsens des priorités révélateur. La Lettre duContinent traduit cet état d’esprit partic-ulier.

«C’est l’honneur de la France que d’avoirparticipé à la chute de Laurent Gbagbo (…) Prenez la part qui vous revient dans leprogramme d’Alassane Ouattara», a ainsiclaironné Aly Coulibaly, ambassadeur deCôte d’Ivoire à Paris, lors d’une rencontreavec les patrons membres du Conseilfrançais des investisseurs en Afrique noire(CIAN). Pour bien montrer que les choixéconomiques de l’Etat de Côte d’Ivoirerelèvent d’abord d’une logique de «ré-compense». De son côté, Charles DibyKoffi est invité à mettre la main à lapoche. En donnant six milliards de FCFAaux patrons français à titre de dédom-

magements pour les conséquences de no-vembre 2004. De son côté, Bercy doitmettre la même somme sur la table…

Les FRCI volent les des « corps habillés »une entreprise française en livre d’autres.Plus stratégique : l’Etat français va fi-nancer ses entreprises en Côte d’Ivoiregrâce à un contrat de désendettementdéveloppement (C2D). Les impôts detoutes les entreprises vont financer, autitre de la renégociation de la dette bi-latérale, les firmes françaises qui serontchargées de mettre en place un pro-gramme de réhabilitation des infrastruc-tures, déjà préparé tambour battant.

Dans le BTP par ex-emple, les Ivoiriensou les autres acteursn’ont plus qu’à s’as-socier à des Françaisou à disparaître…Paris profite déjà dudésordre incroyablecréé – de manièrevolontaire ? – en Côted’Ivoire. Les FRCI ont-elles pillé les com-m i s s a r i a t s ,ramassant les uni-formes des «corpshabillés» officiels ?Pas grave !

Une sociétéfrançaise, du nom deMarck, va se chargerde renouveler toutcela. Un «méga-con-trat», assure La Let-

tre du Continent. Quand on sait que desentreprises locales ont déjà fourni l’arméeen treillis et que les entreprises textilesturques et asiatiques sont bien plus com-pétitives que les firmes occidentales, onest en droit de se poser quelques ques-tions… La destruction quasi-méthodiquedu tissu des petites moyennes entrepriseset petites et moyennes industries ivoiri-ennes servirait-elle à remettre en selle lespetits patrons hexagonaux qui ont quittéle pays ces dix dernières années et quipeuvent désormais revenir, sous le para-pluie de la Force Licorne, de l’Agencefrançaise de développement et des ban-ques commerciales bleu-blanc-rouge plusque jamais au centre du jeu ?

▉Philippe Brou