Debutul Provincie Dacia, I. Piso

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The debut of the Dacian Province(RO)

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    LES DBUTS DE LA PROVINCE DE DACIE

    IOAN PISO (CLUJ-NAPOCA)

    Au moment des guerres contre les Daces, ltat romain avait dj depuis longtemps atteint les frontires naturelles1 et, un examen superficiel de la carte, le gonflement au nord du Danube reprsent par la Dacie pourrait paratre curieux2.

    Les fouilles archologiques prouvent que non seulement la cit de Costeti, mais aussi le sanctuaire de Feele Albe, dans limmdiat voisinage de Sarmizegetusa Regia (Grditea Muncelului), ont t ravags par les Romains pendant la premire guerre3. Pourquoi Trajan na-t-il pas profit de cette occasion pour administrer Dcbal un dernier coup? Apparemment parce quil ne voulait quaffaiblir la Dacie et non pas sassumer les cots de sa conqute totale4. On a chang dattitude devant la violation par Dcbale des conditions de paix5, devant les attaques contre les garnisons romaines et devant la capture du commandant en chef de larme doccupation6. Par

    1 Sur la rupture entre la politique externe impriale partir dAuguste et celle de Trajan voir rcemment M. A. Speidel, dans : Traian. Ein Kaiser der Superlative am Beginn einer Umbruchzeit? (d. A. Nnnerich-Asmus), Mainz 2002, 2930. 2 Pourtant, si lon examine de plus prs la frontire naturelle de la province, marque par la chane mon-tagneuse des Carpates, la comparaison faite par A. Alfldi (cite daprs L. Balla, ACD 1011, 19741975, 139 = Studia Dacica. Collected Papers (d. E. Szab), Debrecen 2000, 85) entre la Dacie et ein Wasserkopf auf einem Zwirnhalse apparat plus spirituelle que vraie ; cf. la variante dulcore de J. Bennett, Trajan Optimus Princeps. A Life and Times, London-New York 1997, 165 : amorphous bubble-shaped northern protuberance based upon the Lower Danube and ringed by the Carpathians . 3 H. Daicoviciu, Dacia de la Burebista la cucerirea roman, Cluj 1972, 326 ; H. Daicoviciu, I. Glodariu, I. Piso, AMN 10, 1973, 75 ; cf. A. S. tefan, Les guerres daciques de Domitien et de Trajan. Architecture militaire, topographie, images et histoire, Rome 2005, 595 sqq., 619. Lide de C. H. Opreanu (AMN 35, 1998, 187194) qu la suite de la premire guerre Dcbal aurait perdu toute la Dacie mridionale jusqu la ligne du Mure et aurait conduit la seconde guerre depuis Piatra Craivii (lancienne Apu-lum(?), dont la forteresse mesure 67 x 36 m!) manque de fondement. 4 V. Lica (The Coming of Rome in the Dacian World, Konstanz 2000, 201 sqq.) a en principe raison, malgr la critique de K. Strobel (SCIVA 51/3-4, 2000, 225) ; voir aussi M. A. Speidel, dans : Traian (n. 1) 3334. 5 Les conditions de paix chez Cassius Dio 68, 9, 4-7 ; voir les commentaires rcents de A. S. tefan, Les guerres (n. 3) 645 sqq. 6 Cassius Dio 68, 11, 13 ; 68, 12, 15. Pour une bataille livre sur lemplacement de la future colonie de Sarmizegetusa voir plus bas, p. --.

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    consquent, la Dacie a t conquise pour des raisons politiques et militaires7. Que la victoire a t complte et que les Romains ont occup tout le territoire quils se ont proposs, est prouv par la carrire de C. Caelius Martialis (AE, 1934, 2) : - - - tribunus legionis XIII Geminae, quae tendit in Dacia, in quo tribunatu donis militaribus

    donatus est ab Imperatore Caesare Nerva Traiano Augusto Germanico Dacico et copiarum

    curam adiuvit secunda expeditione, qua universa Dacia devicta est. Le territoire de Dacie une fois occup, les Romains nont pas manqu den exploiter les richesses8.

    quel moment peut-on parler dune province de Dacie? Thoriquement par-lant, ds que les commandants militaires romains ont englob le royaume dace dans leurs plans stratgiques9. Le niveau suivant, plus rel, est celui dun territoire militai-rement occup et constituant le domaine de comptence dun reprsentant de lem-pereur. Cest probablement le cas de Cn. Pinarius Aemilius Cicatricula Pompeius Longinus, qui, en tant que consulaire, aura exerc entre les deux guerres de Trajan un commandement autonome dans le territoire occup. Cest du moins ce qui ressort du texte de Cassius Dio10. Il disposait probablement de deux lgions, la legio IIII Flavia et la legio XIII Gemina11, et dun nombre de troupes auxiliaires, ce qui lui aura valu le titre de legatus Augusti pro praetore dune province de Dacie12. Il sagit ici du domaine de comptence dun commandant militaire et non dune entit territorielle redacta in formam provinciae13. La dernire supposerait lexistence dun limes, lint-rieur duquel le territoire a t transform en ager publicus, dune liste de commu-nauts se trouvant dans divers rapports avec Rome et dun premier recensement14.

    Un nouveau problme vient dtre pos par un diplme militaire de Msie Suprieure, datable des annes 103-10515. Il contient une aile (II Pannoniorum), huit cohortes (I Brittonum , I Britannica c. R., I Hispanorum p. f., I Pannoniorum veterana,

    7 Ctait lopinion constante de C. Daicoviciu ; voir, par exemple, Klio 38, 1960, 177. 8 Pour limportance conomique de la nouvelle province voir F. De Martino, Wirtschaftsgeschichte des alten Rom, Mnchen 1991, 523525 ; sur les causes conomiques des conqutes romaines C. R. Whittaker, Frontires 44 sqq. 9 Csar la Gallia Transalpina avait t attribue en 59 av. J. C. en tant que provincia, (Suet., Iul. 22, 1). Pour la succession des conflits entre Romains et Daces voir V. Lica, The Coming (n. 4) 38 sqq. 10 Cassius Dio 68, 12, 1 : - - - ; Exc. UG 49 (d. Boissevain III 198) : - - - ; Fronto, De bello Parth. 217 (Naber) = 20 (Haines) ; pour la critique des textes voir N. Gostar, AIIA Iai 13, 1976, 55 sqq. 11 N. Gostar, AIIA Iai 13, 1976, 53 sqq. ; K. Strobel, Trajan 203. 12 Voir la discussion chez I. Piso, Fasti I 1-3. 13 Pour la diffrence entre les deux notions voir I. Piso, RRH 12/6, 1973, 1009-1012 = Nordgrenze 32-34 ; C. R. Whittaker, Frontiers 1718 ; pour la notion de province constitue voir encore Th. Mommsen, Rmisches Staatsrecht3 III, Leipzig 1887, 1166. 14 Dun premier recensement en Dacie parle Lactance, De morte persec. 23, 5 ; voir pour cette opration Th. Mommsen, op. cit. (n. 13) II 1091. 15 CIL XVI 54 ; B. Pferdehirt, Rmische Militrdiplome und Entlassungsurkunden in der Sammlung des Rmisch-Germanischen Zentralmuseums I, Mainz 2004, no 13. F. Matei Popescu et O. entea (Dacia 50, 2006, 129 avec. n. 24 ; F. Matei Popescu, Oltenia 16, 2008, 107-109) les datent avec de bons arguments du 12 janvier 105, en les considrant des copies de la mme constitution que CIL XVI 49 et RMD 339. Cela ne change rien ; elles appartiennent toujours la priode entre les deux guerres.

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    I Alpinorum, III Campestris c. R., IIII Cypria c. R., VIII Raetorum c. R.) et les pedites singulares Britanniciani, se trouvant sous lautorit du gouverneur de Msie Sup-rieure, mais que lon va rencontrer aussi dans larme de Dacie partir de 106. Une possible explication serait qu ce moment-l ces troupes ne se trouvaient pas encore au nord du Danube. Si elles sy trouvaient, le territoire occup dpendrait lui aussi de lautorit du gouverneur de Msie Suprieure et dans ce cas lhypothse dun commandement consulaire autonome de Pompeius Longinus svanouirait. Comme les sources suggrent que Longinus tait gnral en chef, la premire solution est pour le moment prfrable16.

    Dun diplme militaire de Porolissum17 nous apprenons le terminus ante quem pour la fin de la seconde guerre dace. Le 11 aot 106 lempereur Trajan, se trouvant dans une localit dace appele Darnithithum18, accordait la cit romaine ante emerita stipendia aux militaires de la cohors I Brittonum Ulpia torquata pia fidelis civium Roma-norum. Le diplme de Porolissum prouve une seule chose : que le 11 aot 106 la guerre tait dj finie. En revanche, dans le mme diplme la province de Dacie et la charge de D. Terentius Scaurianus se rapportent au moment de lmission de la constitution impriale, notamment lanne 11019.

    La lgende DACIA AVGVSTI PROVINCIA de 112114(?) 20 reprsente en principe un terminus ante quem pour la constitution de la province de Dacie21. D. Terentius Scaurianus est attest le 14 octobre 109 en tant que gouverneur de Dacie par le diplme militaire de Ranova (Msie Suprieure)22, mais il avait eu un prd-cesseur dans Iulius Sabinus, dont le mme texte nous dit quil avait licenci les soldats. Combien de temps avant? Difficillement dire, tant donn que le dbut et la fin de sa mission en Dacie23 restent inconnus. On constate dassez grands retards dans lmission des constitutions impriales la suite de grandes guerres, qui menaient

    16 Il resterait tout de mme assez de troupes auxiliaires disponibles pour larme de Longinus, notam-ment celles mentionnes dans le diplme de Msie Suprieure du 8 mai 100 (CIL XVI 46), dont quel-ques-unes seront prsentes dans la future arme de la province de Dacie ; voir Piso, Fasti I 11, n. 8. On peut noter, en passant, lhypothse trs peu probable de C. H. Opreanu (dans : DacAugProv 63-64), selon laquelle Longinus aurait command en Dacie les troupes doccupation en tant que gouverneur de Msie Suprieure, autrement dit que ce consulaire aurait t nomm une seconde fois dans une charge quil avait exerce quelques annes auparavant. 17 AE 1944, 57 = CIL XVI 160 = IDR I/D 1 (Porolissum). 18 Darnithithi est le gnitif locatif de la forme latinise Darnithithum ; cf. K. Strobel (Trajan 217, n. 87 ; Dacia 50, 2006, 109), qui compte avec le toponyme improbable Darnithithi(s). 19 Cette interprtation chez Piso, Fasti I 4, n. 17. 20 P. L. Strack, Untersuchungen zur rmischen Reichsprgung des zweiten Jahrhunderts I. Die Reichs-prgung zur Zeit des Trajan, Stuttgart 1931, 208 ; BMC III 204, no 960. 21 Selon H. Wolff (dans : Handbuch I 618), la province de Dacie aurait t constitue entre la fin de 106 et 112. 22 AE 1990, 860 = M. M. Roxan, RMM I 148 = IDRE II 307 = ILD 10. D. Terentius Scaurianus est attest en Dacie aussi en 110 par le diplme dj mentionn de Porolissum (n. 17), le 17 fvrier 110 par un diplme dcouvert en Pannonie (CIL XVI 57 = IDR I/D 2) et le 2 juillet 110 par un second diplme militaire de Porolissum (AE 1944, 58 = CIL XVI 163 = IDR I/D 3). 23 Voir Piso, Fasti I 1318.

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    Fig. 1. L

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    Tra

    jan.

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    la cration ou la rorganisation dau moins une province. Lexplication en est que certaines units ntaient pas revenues dans leurs garnisons dorigine et que lon ne savait pas exactement sous quelle autorit elles se trouvent. Ces incertitudes pou-vaient persister des mois ou des annes. On peut donc compter avec la prsence de Iulius Sabinus en Dacie seulement dans les premiers mois aprs la guerre, ou, tout aussi bien, jusquen 10824.

    La fondation dune premire communaut de citoyens romains dans le coeur mme de lancien royaume de Dcbale est un acte de propagande avec dimpor-tantes consquences conomiques. Logiquement, la province devrait avoir t consti-tue immdiatement aprs la conqute et le pas suivant aurait d tre la fondation de la colonie. En ralit, les espaces de temps qui sparent ces vnements restent inconnus25. Le fait que la colonie a t fonde sous Scaurianus26 et non sous Sabinus pourrait suggrer que Sabinus se serait trouv la tte de la Dacie sous un rgime doccupation militaire, tandis que Scaurianus laurait remplac au moment de la constitution de la province. Non liquet.

    Il nest pas obligatoire de supposer qu la base de la constitution de la pro-vince de Dacie se soit trouve une lex provinciae. Une telle loi aurait d sadresser en premier lieu des communauts locales viables. Or, comme on va voir plus bas, en Dacie des communauts viables ne natront qu la suite de la colonisation. videm-ment, un problme aussi srieux que la constitution dune province ne pouvait pas tre laiss au hasard. On peut compter avec une suite de mesures prises par lem-pereur et sur tous les plans, en vertu de son imperium proconsulare maius, et dont nous sommes trs mal renseigns.

    Lide que la province a t constitue relativement tt est soutenue par la borne milliaire dAiton, dont on apprend que la route entre Potaissa et Napoca (a Potaissa Napocae), dans le nord de la Dacie, tait termine en 108 par les efforts de la cohors I Flavia Ulpia Hispanorum c. R. eq.27 Ceci suppose que trs vite aprs la fin de la seconde guerre a t construite non seulement la route Lederata Tibiscum Sarmizegetusa Apulum Potaissa Napoca Porolissum (fig. 1), mais aussi la

    24 Voir Piso, Fasti I 12. K. Strobel (Dacia 50, 2006, 109) prolonge le gouvernement de Sabinus jusquen 108. Pour une dure inhabituelle de certains gouvernements aprs la constitution dune province on a lexemple de C. Claudius Severus en Arabie (depuis 105 jusquen 112, voir E. Groag, PIR2 C 1002 ; B. E. Thomasson, Laterculi praesidum I, Gteborg 1984, c. 327) et de Sex. Iulius Severus en Dacie Suprieure (depuis 119 jusquen 127, voir Piso, Fasti I 4246 ; W. Eck, D. MacDonald, A. Pangerl, AMN 3940, 20022003, 4850). 25 La chronologie dEusbe de Csare (Chronicon CCXX, d. R. Helm 194) nest pas trs utile non plus. Il est clair que cet auteur a transfr le premier triomphe sur les Daces de 102 (Voir D. Kienast, Rmi-sche Kaisertabelle, Darmstadt 1990, 122) en 101 et quil a entass en 102 toutes les conqutes de lempe-reur, tandis que lvnement le plus notable de 106 est pour lui la nomination dun nouvel vque dAlexandrie. 26 Voir plus bas, p. --. 27 CIL III 1627.

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    route qui reliait Drobeta Sarmizegetusa par le col Vlcan et celle qui reliait les camps au long du limes nord de la province28.

    On est en gnral daccord que la Dacie de Trajan concide en grandes lignes avec le noyau du royaume de Dcbale29. Selon Eutrope30 et Festus31, le primtre de Dacie aurait mesur 1.000.000 de pas (= 1480 km), une information difficillement utiliser. Il nest pas du tout certain que ces auteurs se rapportent la Dacie de Trajan32 et mme dans ce cas on peut avancer plusieurs solutions, qui dpendent des frontires en Oltnie (Petite Valachie) et en Banat. Les territoires occups au nord du Danube nont pas t organiss dune manire unitaire. On sait, grce au diplme militaire de Palamarca33, que lOltnie dest et le sud-est de la Transylvanie (en fait la valle suprieure de lOlt) appartenaient sous Trajan la Msie Infrieure34. Au domaine de comptence du gouverneur de cette dernire province appartenaient tout aussi bien la Valachie que le sud de la Moldavie. Ici il ne sagit pas de provincialisation, mais tout simplement doccupation militaire.

    La province de Dacie contenait la Transylvanie, lexception de la valle suprieure de lOlt, louest de lOltnie (en tout cas la route Drobeta Bumbeti le col de Vlcan) et le Banat35. Controverse reste lappartenance la province de la partie ouest du Banat, car le territoire louest de la ligne Lederata Berzobis Tibiscum Micia 36 na pas t colonis et manque de fortifications. Les seuls lments srs se trouvent Partiscum (Szeged)37, sur la route qui reliait la Dacie la

    28 Voir la discussion l-dessus chez F. Fodorean, Drumurile din Dacia roman, Cluj-Napoca 2006, 6468 ; rcemment idem, dans : DacAugProv 143146. 29 M. Macrea, Dacia 11, 1967, 126127 ; I. Glodariu, AMN 19, 1982, 34 sqq. 30 Eutropius 8, 2, 2 : Ea provincia (Dacia) decies centena millia passuum in circuitu tenuit. 31 Ruf. Festus 8, 2 : - - - (Dacia), quae in circuitu decies centena millia passuum habuit. 32 Cf. C. Daicoviciu, Istoria Romniei, Bucureti 1960, 351. 33 AE 1962, 264 = IDR I/D 13 = RMM I 39 ; voir en premier lieu B. Gerov, Klio 37, 1959, 196 sqq. = idem, Beitrge zur Geschichte der rmischen Provinzen Moesien und Thrakien. Gesammelte Aufstze, Amster-dam 1980, 41 sqq. 34 B. Gerov, Klio 37, 1959, 200. Pour le systme dfensif de cette zone sous Trajan, trs mal connu, voir rcemment N. Gudea, Gzdac, Drobeta 16, 2006, p. 15 sqq. 35 Voir pour ltendue de la Dacie sous Trajan I. Piso, Fasti I 57, avec la littrature. Sur la base dun texte peu clair de Cassius Dio (68, 10, 3), de quelques dcouvertes montaires et de quelques fibules, C. H. Opreanu (Dacia roman i Barbaricum, Timioara 1998, 4851) soutient que sous Trajan la plaine occidentale appartenait aux Romains jusqu la Tisa (Theiss) et que les zones moins certaines situes louest des Carpates Occidentales se trouvaient probablement intra provinciam . Pour quon lui fasse confiance, C. H. Opreanu aurait d indiquer dans la zone en question au moins une localit colonise par les Romains ou un camp dat de cette priode, or il ny a rien de tel ; voir aussi la critique de L. Zerbini, dans : R. Ardevan, L. Zerbini, La Dacia romana, Soveria Mannelli 2007, 3536. Pour des lments rels de fortifications romaines dans la plaine situe louest des Carpates occidentales voir plus bas, n. 74. 36 Pour la ligne Lederata Tibiscum voir rcemment E. Nemeth, Die Armee im Sdwesten des Rmi-schen Dakien, Timioara 2005, 135 sqq; cf. D. Benea, Apulum 45, 2008, 29 sqq. 37 Voir rcemment sur la situation archologique de Partiscum G. Vrs, dans : The Roman Army in Pannonia (d. Zs. Visy), Pcs 2003, 220221. Normalement, cette station de douane, se trouvant lembouchure du Mure dans la Tisa (Theiss), tait surveille par larme de Dacie. Pour la route au long du Mure un dernier aperu chez E. Nemeth, Die Armee (n. 36) 143144.

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    Pannonie. Il faut tenir compte que louest du Banat tait une zone marcageuse, vise en hiver par les Sarmates, qui y amenaient les troupeaux. Lhypothse la plus probable est que la province proprement dite tait limite par la route Lederata Tibiscum, mais que le contrle sur louest du Banat appartenait au domaine de comptence du gouverneur de Dacie38. Malheureusement, nous ignorons les instruc-tions spciales reues par les gouverneurs de Dacie39.

    La premire garnison lgionnaire de Dacie se composait de deux lgions compltes : la legio XIII Gemina Apulum et la legio IIII Flavia Felix Berzobis40. Apulum se trouve dans la riche valle du Mure (Marosch), qui constituait laxe stra-tgique et conomique de la province. En occupant une position centrale, la legio XIII Gemina pouvait intervenir dans nimporte quelle direction, mais surtout au long de la valle du Mure.

    La legio IIII Flavia Felix surveillait avec la legio VII Claudia de Viminacium louest du Banat et la zone au-del de la Tisa (Theiss). Il ressort de cette disposition des lgions que la Dacie avait la mission stratgique de surveiller, avec la Pannonie Infrieure, la steppe hongroise, tandis que la Msie Infrieure, avec ses trois lgions disposes sur la ligne du Danube et avec ses troupes auxiliaires, contrlait la steppe valaque et les immenses espaces au-del delle41.

    lintrieur de la province on distingue des zones distinctes daction des deux lgions42. Des estampilles de la legio IIII Flavia Felix ont t dcouvertes dans toute une srie de localits, y compris dans sept camps auxiliaires43. Dans le sud de la Transyl-vanie la legio IIII Flavia Felix avait des dtachements Sarmizegetusa Regia, lancien chef-lieu des rois daces, et dans la colonie de Sarmizegetusa, dont les dfenses et les difices publics ont t construits manu militari. En revanche, la zone intrieure daction de la legio XIII Gemina tait la Transylvanie. Des estampilles de la lgion ont t dcouvertes dans de nombreuses localits, parmi lesquelles 10 camps auxiliaires44.

    38 Cette hypothse quilibre chez E. Nemeth, Die Armee (n. 36 ) 186. Dautre part, C. R. Whittaker (Frontiers 7273) a insist juste titre sur la diffrence entre ligne de frontire et zone de frontire ou frange pionnire . Pour la Britannie on a constat quaprs la construction du vallum dHadrien, lagriculture et llevage du btail ont connu au nord de celui-ci un essor significatif, C. R. Whittaker, Frontires 66. 39 Voir sur le contenu gnral des mandata principis F. Millar, The Emperor in the Roman World2, London 1991, 313 sqq ; V. Marotta, Mandata principum, Torino 1991, 62 sqq., 92 sqq., 148 sqq. 40 Selon K. Strobel (Trajan 89) la legio IIII Flavia Felix se serait trouv Berzobis dj depuis le dbut de la premire guerre dace ; voir encore N. Gudea, Limes 2930. Pour les deux lgions voir rcemment I. Piso, dans : Les lgions de Rome sous le Haut-Empire (Actes du Congrs de Lyon 1998, d. Y. Le Bohec, C. Wolff), Lyon 2000, 208 sqq., 220 sqq. = I. Piso, Nordgrenze 406 sqq., 422 sqq., avec toute la littrature. 41 Voir N. Gudea, ANRW II/6, Berlin-New York 1977, 851 sqq. ; idem, Limes *6 sqq. 42 I. Bogdan Ctniciu, Wallachia in the Defensive System of the Roman Empire, 1st 3rd centuries A. D., Alexandria 1997, 122. 43 Voir surtout I. Glodariu, AMN 3, 1966, 429434 ; D. Protase, AMN 4, 1968, 4762. 44 Voir surtout V. Moga, Din istoria militar a Daciei romane. Legiunea XIII Gemina, Cluj-Napoca 1985, 54 sqq.

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    Les estampilles ne prouvent pas toujours la prsence dlments lgionnaires, car elles pouvaient tre transportes dApulum. Cependant, dans le camp auxiliaire de Tihu, dans le nord de la province, on a dcouvert un bloc de construction portant le nom de la legio XIII Gemina45.

    Pendant quelques mois ou quelques annes, en Dacie ont stationn des vexil-lations appartenant des lgions qui avaient particip aux guerres daces. Sarmize-getusa Regia quatre blocs de construction portent les noms de la legio IIII Flavia Felix46, de la legio II Adiutrix pia fidelis47 et de la legio VI Ferrata48. Deux blocs aux capri-cornes, attribus la legio I Adiutrix, portent en ralit le chiffre de la legio IIII Flavia Felix49. la suite de la seconde guerre dace, ces dtachements lgionnaires y ont amnag un camp, en largissant lancienne forteresse dace50.

    La prsence de la legio I Adiutrix en Dacie a t vivement discute51. On connat dans les canabae du camp lgionnaire dApulum des vtrans de cette lgion, parmi lesquels un magistra(n)s primus in canabis52 . Il appartenait la premire paire de magistri des canabae, ce qui nous renvoie toujours au rgne de Trajan. Dterminante pour trancher la question a t la dcouverte dune tuile dApulum portant lestam-pille : leg(ionis) I Ad(iutricis) / leg(ionis) XIII53. Elle atteste sans aucun doute la prsence de militaires de cette lgion non seulement en Dacie, mais prcisment Apulum, o ils fabriquaient des tuiles en commun avec leurs camarades de la legio XIII Gemina. Le camp de cette dernire lgion se trouvait sur le plateau Cetate , dominant le Mure54. Certains collgues ont cru pouvoir localiser le camp de la legio I Adiutrix

    45 AE 1994, 1484 : Vexillat(ionis) leg(ionis) XIII Gem(inae). 46 IDR III/3, 269 b-c. 47 IDR III/3, 268 = AE 1983, 824. 48 IDR III/3, 270 = AE 1983, 825. 49 I. Piso, dans : Dacia felix 281. H. Daicoviciu (dans : Hommages Marcel Renard, Bruxelles 1969, 167169) et C. H. Opreanu (dans : Limes 1999, 572) avaient dj exprim des doutes l-dessus. 50 Al. Diaconescu (AMN 34, 1997, 19 sqq.) et C. H. Opreanu (dans : DacAugProv 5557) ont tort de croire que les blocs de construction portant des noms de lgions, les autels et les fragments de sculp-tures trouvs dans les murs de Sarmizegetusa Regia (Grditea Muncelului) dateraient de lintervalle 102105. Toutes ces pices sont datables partir de 106 et appartiennent au camp que les Romains ont bti en utilisant les blocs de lancienne forteresse dace. Des traces de la garnison () laisse par Trajan en 102 Sarmizegetusa (Cassius Dio 68, 9, 7) font dfaut ; voir I. Glodariu, AMN 2630, 19891993, 2224 ; I. Piso, dans : Les lgions (n. 40) 211213 = Nordgrenze 410412. Rcemment, K. Strobel (Dacia 50, 2006, 111) a fait, en me citant, laffirmation gnante que lide dune forteresse dace Grditea Muncelului serait tributaire des prjugs idologiques, typiques des spcialistes roumains. Non, elle est base sur des fouilles effectues dune manire professionnelle et qui ont rvl le trac initial des murs daces ; voir I. Glodariu, loc. cit. 51 Voir, par exemple, E. Ritterling, RE XII/2 (1925), 13901391 ; R. Syme, Danubian Papers, Bucharest 1971, 9394. 52 CIL III 1008 = ILS 2476 = IDR III/5, 74 ; voir encore CIL III 981 = IDR III/5, 11 ; CIL III 1004 = IDR III/5, 65. 53 IDR III/6, 1. 54 Voir par exemple M. Rusu, AIIA Cluj 22, 1979, 49 ; V. Moga, Legiunea XIII Gemina (n. 44) 2122, 35 sqq. ; N. Gudea, Limes 107108.

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  • Ioan Piso

    306

    2 km sud du camp de Cetate , dans lactuel quartier Parto55, l o sous Marc Aurle natra le municipium Aurelium56. Ils ont tort, dabord parce que la situation archologique sy oppose57, ensuite et surtout parce que depuis Domitien on ne trouve plus en temps de paix deux lgions ct lune de lautre58. Par consquent, on ne peut compter Apulum quavec une vexillation de la legio I Adiutrix et non pas avec la lgion toute entire. Elle aura remplac dans le camp dApulum des effectifs de la legio XIII Gemina, occups ailleurs avec la construction du limes59. Toutes ces vexillations lgionnaires supplmentaires auront t retires au plus tard en 113, lors du dpart des troupes dans lexpdition parthique60.

    Les troupes auxiliaires du temps de Trajan sont contenues dans cinq diplmes militaires (tab. 1). On en compte cinq ailes, vingt-trois cohortes, parmi lesquelles six milliariae, et les pedites singulares Britanniciani, forts de 1000 hommes. On peut ajouter la garde du gouverneur (les equites et les pedites singulares) et les exploratores Germa-niciani, ces derniers ayant leur garnison Ortioara de Sus, dans le voisinage de lancienne capitale dace. Ils auront surveill dj depuis la fin des guerres une zone reste trs sensible61. La liste que je propose62 (tab. 2) prsente quelques diffrences par rapport celle rcemment rdige par P. Holder63.

    55 C. Opreanu, Dacia roman i Barbaricum, Timioara 1998, 42 ; idem, dans : Limes 1999, 574575 ; cf. I. Piso, dans : Les lgions (n. 40) 205, n. 6 = Nordgrenze 402, n. 6. On connat aussi des variantes de cette thorie : selon I. Bogdan Ctniciu (Evolution of the System of Defense Works in Roman Dacia (BAR 116), Oxford 1981, 21), le camp de Cetate aurait abrit les deux lgions, selon D. Benea (dans : Napoca. 1800 de ani de la nceputul vieii urbane (d. D. Protase, D. Brudacu), Cluj-Napoca 1999, 4248), un double camp lgionnaire de Parto aurait appartenu aux deux lgions entre 101/102107/108. Il aurait t construit pour assiger la forteresse dace de Piatra Craivii (qui se trouve pourtant une distance de plus de 20 km). Pour K. Strobel (Dacia 50, 2006, 109110) il ny a pas de doute quau moment de la construction du camp dApulum la legio I Adiutrix se serait trouve ici auprs de la legio XIII Gemina, pour tre ensuite transfre, probablement dans lest de la Transylvanie ; pourquoi justement ici, on ne nous lexplique pas. 56 CIL III 986 = ILS 3848 = IDR III/5, 20. Pour une discussion complte sur les habitations civiles dApulum voir Al. Diaconescu, I. Piso, dans : La politique dilitaire dans les provinces de lEmpire romain, Cluj-Napoca 1993, 67 sqq. 57 On ny a trouv aucun lment se rapportant cette lgion, tandis que les remparts identifis dans cet endroit appartiennent sans aucun doute la ville ; voir Al. Diaconescu, I. Piso, dans : La politique dili-taire (n. 56) 6970. 58 Sutone, Dom. 7, 3 : geminari castra prohibuit. 59 Voir toute la discussion chez I. Piso, dans : Les lgions (n. 40) 205206 = I. Piso, Nordgrenze 402403. 60 K. Strobel, Trajan 86. 61 Voir pour cette troupe N. Gostar, Dacia 23, 1979, 115 ; C. C. Petolescu, Auxilia 131. 62 C. Daicoviciu, Klio 38, 1960, 179. En discussion pourrait entrer aussi bien la cohors I sagittariorum, atteste pour la premire fois sur une base de statue ddie en 165 Marc Aurle, et qui na jamais t mentionne dans un diplme militaire ; voir pour cette troupe C. C. Petolescu, Auxilia 120121. En revanche, il faut exclure la cohors I Antiochiensium, qui sous Trajan a construit en pierre le camp de Dro-beta (AE 1959, 309 = IDR II 14), mais qui napparat que dans les diplmes de Msie Suprieure ; cf. C. C. Petolescu, Auxilia 8283. Le camp a t construit en pierre soit entre les deux guerres, soit partir de 106. Les deux extrmits du pont devaient donc appartenir ce moment-l la Msie Suprieure. 63 P. Holder, Dacia 50, 2006, 145, 158, compte avec six ailes et vingt-six cohortes ; voir encore pour la garnison de Dacie sous Trajan K. Strobel, Trajan 106 sqq. ; C. C. Petolescu, Auxilia 61 sqq. ; F. Matei-Popescu, O. entea, Dacia 50, 2006, 134 sqq. Trs inexacte est la liste des troupes et des garnisons dresse par N. Gudea, Th. Lobscher, Dacia. Eine rmische Provinz zwischen Karpaten und Schwar-zem Meer, Mainz am Rhein 2006, 3738.

  • Les dbuts de la province de Dacie

    307

    LES TROUPES AUXILIAIRES DE LA DACIE SOUS TRAJAN

    ALAE COHORTES

    1. I civium Romanorum (P)

    2. I Aug. Ituraeorum (P)

    3. I Claudia nova (MS)

    4. I Britannica c. R. (P)

    5. II Pannoniorum vet. (MS)

    {I (?) Pannoniorum}

    1. I Brittonum Ulp. torq. c. R. (MS)

    2. I Vindelicorum c. R. p. f. (MS)

    3. I Britannica c. R. (MS)

    4. I Fl. Ulp. Hispanorum (MS)

    5. III Campestris () c. R. (MS)

    6. I Ituraeorum (S?)

    7. I Aug. Ituraeorum sag. (P)

    8. I Montanorum (P)

    9. I Thracum c. R. (MS)

    10. I Cretum sag. (MS)

    11. I Alpinorum (MS)

    12. I Hispanorum p. f. (MS)

    13. I Pannoniorum vet. p. f. (MS)

    14. II Hispanorum (MS)

    15. II Britannorum c. R. p. f. (MS)

    16. II Gallorum Pannonica (?)

    17. II Gallorum Macedonica (MS)

    18. II Flavia Commag. sag. (MS)

    19. IIII Cypria c. R. (MS)

    20. V Lingonum (?)

    21. V Gallorum (MS)

    22. VI Thracum (MS)

    23. VIII Raetorum c. R. (MS)

    Troupes irrgulires

    - pedites singulares Britanniciani () (MS)

    - equites et pedites singulares

    - exploratores Germaniciani (?)

    Table 2.

  • Ioan Piso

    308

    Jai, par exemple, exclu lala I Flavia Commagenorum sagittariorum, dont la prsence dans le diplme RMD III 148 est due une erreur64.

    De Msie Suprieure proviennent deux ailes, dix-huit cohortes et les pedites singulares Britanniciani65, de Pannonie trois ailes et deux cohortes66, de Syrie ou de Cappadoce67 une seule cohorte. Si lon compte aussi la legio IIII Flavia, on peut con-sidrer que du point de vue militaire la Dacie sous Trajan tait une sorte de pro-longement de Msie Suprieure. Dune manire semblable, la Dacie Infrieure sera organise sous Hadrien avec des troupes appartenant la Msie Infrieure68, tandis que lorganisation de la Dacie Porolissensis et de la Dacie Suprieure se fera aussi avec la contribution militaire de la Pannonie Infrieure69. Un simple calcul apporte les troupes de Dacie sous Trajan un effectif denviron 30.000 soldats70.

    Puisquelle disposait dune arme consulaire, la province tait gouverne par un legatus Augusti pro praetore de rang consulaire. La liste des gouverneurs de Dacie sous Trajan est comme suit : Iulius Sabinus 106107/108 ; D. Terentius Scaurianus 107/108110/111 ; Q. Baebius Macer 111?114/115 ; C. Avidius Nigrinus 115?117 ; C. Iulius Quadratus Bassus 117118?71. Le gouverneur sigeait probablement Apulum, mais Sarmizegetusa aura aussi jou un certain rle, surtout dans la juri-diction72. Comme dans le domaine de la juridiction on na pa d administrer, comme en Espagne, des structures territoriales prexistantes, en Dacie on na pas organis des conventus. Il est pourtant supposer que le gouverneur se dplaait priodi-quement dans certaines agglomrations urbaines de la province pour exercer la

    64 En ralit, la II Flavia Commagenorum sagittariorum est une cohorte bien connue (C. C. Petolescu, Auxilia 9799), que lon ne doit pas transformer dans une ala I Flavia Commagenorum. On la confondue dans le diplme avec l(ala) I Augusta Ituraeorum, range par erreur parmi les cohortes. La confusion est due probablement au fait que dans le mme diplme sont contenues deux troupes dIturaei aux noms trs semblables : l(ala) I Augusta Ituraeorum et la (cohors) I Augusta Ituraeorum sagittariorum ; voir I. Piso, Fasti I 1011, n. 6. La liste correcte des trois ailes est : I civium Romanorum, II Flavia Commagenorum sagittaria et II Pannoniorum veterana. Une autre erreur peut tre constate dans RMD IV 225, o une ala I Pannoniorum apparat la place de lala II Pannoniorum. P. Holder compte aussi avec la cohors I Thracum sagittariorum, la cohors IIII Hispanorum et la cohors I Cannanefatium, qui ne seront attestes que plus tard, par des diplmes de la Dacie Suprieure. 65 Une ample analyse rcemment chez F. Matei-Popescu, O. entea, op. cit. (n. 63) 127 sqq. 66 Voir rcemment D. Benea, dans : DacAugProv 2940. 67 Pour la cohors I Ituraeorum voir C. C. Petolescu, Auxilia 115116 ; P. Holder, op. cit. (n. 63) 145 ; I. Piso, F. Marcu, AMN 4344, 20062007 (2008), sous presse. 68 Voir B. Gerov, Klio 37, 1959, 209210 ; C. C. Petolescu, SCIV 23/3, 1971, 414416. 69 Voir P. Holder, dans : Documenting the Roman Army (BCIS Supplement 81), London 2003, 102 sqq., 132133. Sur la collaboration militaire entre la Pannonie Infrieure et la Dacie pendant la crise des annes 117119 voir E. Nemeth, Politische und militrische Beziehungen zwischen Pannonien und Dakien in der Rmerzeit, Cluj-Napoca 2007, 76 sqq., surtout 9798. 70 Chiffre proche de la ralit, avanc par G. Cupcea, F. Marcu, Dacia 50, 2006, 191. 71 I. Piso, dans : Ad fontes! Festschrift fr Gerhard Dobesch zum fnfundsechzigsten Geburtstag (d. H. Heftner, K. Tomaschitz), Wien 2004, 518 ; cf. Fasti I 1029 ; pour les lgats de lgion du temps de Trajan, Fasti I 210217. 72 Voir la discussion chez I. Piso, Fasti I 9.

  • Les dbuts de la province de Dacie

    309

    justice. Les procurateurs financiers du temps de Trajan, dont nous ne connaissons aucun, auront dj eu leur sige Sarmizegetusa.

    On est daccord que le limes de la nouvelle province a t constitu en lignes gnrales sous Trajan73. Il marque les limites de la province proprement-dite, mais lautorit du gouverneur pouvait stendre au-del de lui74. Bien que lon ne dispose pas encore de preuves archologiques irrfutables, il est trs probable que le camp de la legio XIII Gemina ait t construit en pierre dj sous Trajan75. Dans le camp de Berzobis, appartenant la legio IIII Flavia et abandonn en 118/119, les principia ont trois phases : deux en bois et une troisime en pierre. On a constat des difices en pierre aussi dans la praetentura. Pour les fortifications, qui ont t insuffisamment fouilles, on na pas encore la certitude que les lments identifis en terre et en bois ne furent pas, toujours sous Trajan, complts en pierre, qui a disparu pendant lpoque moderne76.

    Lancienne ide de M. Macrea, selon laquelle la construction des camps auxi-liaires en pierre na pas commenc en Dacie avant Antonin le Pieux77, doit tre nuan-ce. Dans les zones les plus menaces, qui se trouvaient aux extrmits du territoire conquis au nord du Danube, la reconstruction en pierre a commenc sous Trajan. Les meilleurs exemples en sont quelques camps trajanens appartenant la Msie Infrieure, comme ceux de Drajna de Sus, de Hoghiz et de Brecu, dont la particu-larit est le ddoublement du mur denceinte, destin renforcer la voie de ronde78. La mme particularit est constater en Dacie Vrdia (Arcidava?), avec toute certitude sous Trajan, car ce camp sera abandonn au dbut du rgne dHadrien79. Le

    73 M. Macrea, ViaaDR 218 sqq. ; rcemment D. Isac, dans : Limes 1999, 152. 74 Il ne sera pas inutile de commenter des dcouvertes trs importantes faites au-del du limes gnralement admis, mais qui risquent dtre mal dates. Cest le mrite de Al. V. Matei et de R. Gindele (dans : DacAugProv 181206) davoir fait des recherches comptentes sur un vallum romain situ 50 km ouest de la ligne du limes (qui suit la chane du massif Mese). Ils lont identifi avec toute certitude dans la zone de Supuru de Sus, ayant coll lui un camp romain, et en ont conclu quil appartiendrait au grand vallum identifi au nord de la rivire Criul Repede par P. Patay (Mora Ferenc Mzeum vknyve 1969/2, 109 sqq.). On a dat ce vallum de lpoque de Trajan. Faute de matriel archologique datable, il est prfrable de croire que ces fortifications aussi avances dans la steppe auraient t construites pendant les guerres marcomannes. Il faudrait peut-tre dater de la mme poque les camps de marche identifis dans la zone de Zalu par Al. V. Matei, H. Pop (dans : DacAugProv 171180). K. Strobel (Dacia 50, 2006, 107108) suppose, dautre part, lexistence de positions avances des Romains dans la steppe du nord-ouest de la Roumanie daujourdhui pendant les crises des annes 107/108 ou 117/118. 75 Rcemment V. Moga, dans : Limes 1999, 463464. 76 Un dernier rapport sur Berzobis chez Al. Flutur, dans : DacAugProv 165168 ; cf. O. Bozu, D. Rancu, Banatica 17, 2005, 159 sqq. 77 M. Macrea, ViaaDR 223. 78 D. Protase, dans : Limes. Akten des XI. Internationalen Limeskongresses (Szkesfehrvr 1976, d. J. Fitz), Budapest 1977, 303320 ; M. Zahariade, T. Dvorski, The Lower Moesian Army in Northern Walla-chia, Bucharest 1997, 17 sqq. 79 E. Nemeth, Limes XIX. Proceedings of the XIXth International Congress of Roman Frontier Studies (Pcs 2002, d. Zs. Visy), Pcs 2005, 689691 ; E. Nemeth, O. Bozu, Banatica 17, 2005, 202206.

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    bloc de construction de Tihu portant le nom de la legio XIII Gemina suggre la con-struction en pierre de ce camp sous Trajan80. L o les fouilles ont t faites avec la sagacit ncessaire, on a rencontr en gnral deux situations : soit un petit camp en terre et en bois (Holz-Erde Mauer), remplac plus tard par un camp plus grand, toujours en terre ou dj en pierre, soit un camp en terre reconstruit plus tard en pierre sur le mme plan81. Dans la premire catgorie se rangent Bologa82, Iliua83, Gilu84 et Tibiscum85, dans la seconde Cei (Samum)86, Buciumi87, Romnai88 et Romita89. De la priode de lorganisation de la province datent probablement aussi les camps de Ctune, de Vrtopu et de Porceni du nord-ouest de lOltnie90.

    La campagne parthique de Trajan et surtout les vnements des annes 117119 vont modifier aussi bien la liste des troupes que leurs garnisons de Dacie. La situation militaire partir dHadrien est infiniment mieux connue que celle du temps de Trajan. Cest pourquoi on court toujours le danger de projeter une situation tardive sur le rgne de Trajan. On a cependant la certitude que la cohors II Flavia Commagenorum occupait ds le dbut le camp de Micia, car elle y a rig une statue Trajan91. Dans la couche appartenant au camp en terre et bois de Gilu on a trouv une estampille de la cohors I Pannoniorum92, dans les couches infrieures du camp de Cei on a trouv des estampilles de la cohors II Britannorum 93, dans les couches infrieures du camp de Buciumi on a trouv lestampille COH I AVG, dans laquelle on pourrait reconnatre la cohors I Augusta Ituraeorum94. Il est tout aussi probable que la cohors I Hispanorum p. f. ait stationn ds le dbut Romnai95. De Banatska

    80 Cf. D. Isac, dans : Limes 1999, 157. 81 Un utile aperu chez D. Isac, dans : Limes 1999, 152 sqq. ; rcemment, pour le rgne de Trajan, F. Marcu, dans : DacAugProv 153164. Pour la liste des camps censs avoir t construits sous Trajan au nord du Danube voir I. Bogdan Ctniciu, AMN 2630, 19891993, 50, fig. 1. 82 N. Gudea, Das Rmergrenzkastell von Bologa-Resculum, Zalu 1997, 1621. 83 D. Protase, C. Gaiu, dans : Limes 1999, 415. 84 D. Isac, Die Kohorten- und Alenkastelle von Gilu, Zalu 1997, 21 sqq., 34 sqq. ; voir encore F. Marcu, dans : DacAugProv 159162. 85 D. Benea, P. Bona, Tibiscum, Bucureti 1989, 32 sqq. ; N. Gudea, Limes *32-*34 ; D. Benea, dans : Limes 1999, 171172, 181. 86 Pour Cei voir D. Isac, The Roman Auxiliary Fort Samum-Ceiu, Cluj-Napoca 2003, 6071 ; idem, dans : Limes 1999, 155156 ; pour Gherla, rcemment, D. Protase, N. Gudea, R. Ardevan, Aus der mili-trischen Geschichte des rmischen Dakien. Das rmische Binnenkastell von Gherla, Timioara 2008, p. 24 sqq. 87 N. Gudea, Das Rmergrenzkastell von Buciumi, Zalu 1997, 19 sqq. 88 D. Tamba, Das Rmergrenzkastell von Romnai-Largiana, Zalu 1997, 15 sqq ; D. Isac, Limes 1999, 157. 89 Al. V. Matei, I. Bajusz, Das Rmergrenzkastell von Romita-Certiae, Zalu 1997, 20 sqq. 90 Voir C. C. Petolescu, Contribuii la istoria Daciei romane, Bucureti 2007, 31. 91 CIL III 1371 = IDR III/3, 51. 92 D. Isac, dans : Limes 1999, 156157. 93 D. Isac, F. Marcu, dans : Limes 1999, 585587. 94 N. Gudea, Bologa (n. 82) 2425. 95 D. Isac, dans : Limes 1999, 157.

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    Palanka sur le Danube provient lestampille AL II P96, aujourdhui disparue, attri-bue lala II Pannoniorum veterana. Pourtant, dans la collection du chteau mdival de Gorneti, situ entre les camps romains de Brncoveneti et de Clugreni, se trouvait lestampille APVE97, que lon pourrait lire a(lae) (II) P(annoniorum) ve(te-ranae), ce qui ouvre la possibilit que cette aile ait stationn sous Trajan dans un de ces deux camps. De Banatska Palanka provient lestampille coh(ortis) II Hisp(a-norum)98 et de Vrac un monument ddi par cette troupe Trajan99. Stara Palanka on a dcouvert lestampille coh(ortis) I Cre(tum)100. Une applique portant le nom de la cohors I Vindelicorum101 indique peut-tre la prsence dans le camp de Vrdia (Arci-dava?) de cette unit. Pour dautres camps, comme ceux de Porolissum, Bologa ou Romita, les identifications sont douteuses102.

    La paix aux frontires de Dacie fut trouble une premire fois en 106-107 par un conflit mineur avec les Iazyges, qui regarda en premier lieu louest du Banat103. En 113 certaines troupes furent retires en vue de la guerre parthique. En tenant compte quune aile et non moins de sept cohortes appartenant la Msie Suprieure ont t envoyes en Orient104, le taux pay par la Dacie ne peut tre de beaucoup infrieur. Nous ne connaissons pas pour le moment des diplmes de Dacie semblables celui cit de Msie Suprieure. On sait seulement quun tribun de la legio XI Claudia a t nomm praefectus vexillation(ibus) eq(uitum) Moesiae Infer(ioris) et Daciae eunti(bus) in expeditione(m) Parthic(am)105. Il commandait 1.000 cavaliers, pro-bablement 500 de chaque province. On a des indices sur une seule troupe, la cohors II Hispanorum, portant en 109 et en 110 le nom de (cohors) II Hispanor(um) et en 154 celui de (cohors) II Hisp(anorum) scutata Cy[ren(aica)]106. Elle aura t envoye dans la guerre parthique et, avant de rentrer en Dacie, aura particip sous le commandement de Q.

    96 CIL III 8074, 5b = IDR III/1, 5. 97 Se trouve dans le muse de Trgu-Mure, inv. 1541. 98 CIL III 8074, 20 = IDR III/1, 7. 99 CIL III 6273 = IDR III/1, 106. 100 IDR III/1, 6. 101 IDR III/1, 110. 102 Selon N. Gudea (Bologa (n. 82) 1621), la cohors I Ulpia Brittonum p. f. torquata c. R. aurait stationn Bologa, avant doccuper le grand camp de Pomet (Porolissum), mais E. Nemeth (dans : DacAugProv 43) fait la remarque que le premier camp de Bologa tait trop petit pour abriter une cohors milliaria. Porolissum linterprtation des estampilles CHS et CHSIJ pose assez de problmes ; voir I. Piso, F. Marcu, AMN 4344, 20062007 (2008), sous presse. Pour Romita, il faut se dcider entre la cohors I Ituraeorum et la cohors VI Thracum ; voir D. Isac, dans : Limes 1999, 157158. 103 Les sources en sont Vita Hadriani 3, 9, Cassius Dio 68, 10, 3 et linscription de Vrac mentionne plus haut (n. 99). Voir pour ce conflit L. Balla, ACD 5, 1969, 111113 = Studia Dacica 3336 ; I. Piso, Fasti I 212213 ; E. Nemeth, Beziehungen (n. 69) 99100. 104 W. Eck, A. Pangerl, Chiron 35, 2005, 5067. 105 CIL VI 32933 ; voir H. Devijver, Prosopographia militiarum equestrium quae fuerunt ab Augusto ad Gallienum II, Leuven 1977, P 5. 106 RMD I 47.

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    Marcius Turbo la rpression contre les Juifs de Cyrenaque107. Que la legio IIII Flavia ait t retire loccasion de la guerre parthique en Msie Suprieure pour compenser labsence de la legio VII Claudia, partie pour lOrient108, nest pas prouv109. Laffai-blissement de la dfense sur le Danube et les informations sur les premiers revers militaires soufferts par les Romains en Orient encouragrent les Iazyges et les Roxo-lans attaquer la Dacie, mais ces derniers vnements appartiennent un autre thme.

    Jusquici ont t abords des aspects plus ou moins formels. Essayons main-tenant de voir de quelle manire la Dacie est devenue part de lEmpire et en quoi elle se distingue des autres provinces danubiennes. Selon une thorie bien connue, ltat romain visait dans une province un nombre de buts prcis : en premier lieu la scurit des frontires, la scurit interne et la possibilit de faire des recrutements110. Sy ajoutent deux lments : tout dabord, la ncessit absolue davoir dans les pro-vinces militaires des structures conomiques et sociales romaines, capables dentre-tenir les troupes. Ensuite, dans les provinces qui disposaient de richesses impor-tantes pour ltat romain, les mmes structures romaines taient vitales pour fournir les entrepreneurs et la main doeuvre qualifie. Une arme de Dacie comptant envi-ron 30.000 hommes et qui avait dfendre un limes trs compliqu ne pouvait pas tre ravitaille depuis le Danube111. Les mines dor des Carpates Occidentales ne pouvaient non plus tre exploites en labsence de communauts de type romain112. Dune manire gnrale, les Romains sadressaient dans ce but des communauts autochtones, qui avaient en revanche le droit de sauto-admninistrer. La condition en tait lexistence dune couche riche, influente et loyale, capable dassumer des respon-sabilits et dassurer les frais de lauto-administration. L o elle nexistait pas, on la crait par colonisation113. Autrement dit, les buts poursuivis par la politique romaine ont t dordre pratique et nont aucun rapport avec les intentions qui lui ont parfois t attribues par certains historiens modernes.

    Cest surtout laffirmation dEutrope (8, 6, 2), Dacia enim diuturno bello Decibali viris fuerat exhausta, qui a suscit des passions114. Les recherches des dernires dizai-

    107 En Cyrnaque sont connues trois inscriptions funraires appartenant des soldats dune cohors Hispanorum: AE 1983, 940941 ; AE 1915, 111 = 1917/1918, 64 = 1983, 942. Le sujet sera dvelopp dans les Fasti provinciae Daciae II (en prparation). 108 D. Benea, Studii i comunicri Caransebe 1979, 224 sqq. 109 I. Piso, Fasti I 89, n. 47. 110 Fr. Vittinghoff, Civitas Romana 66, 253 sqq. 111 Pour les normes problmes poss par le ravitaillement de larme dune province voir C. R. Whittaker, Frontires 53 sqq. ; idem, Frontiers 100 sqq. 112 I. Piso, dans : La naissance de la ville dans lantiquit (d. M. Redd et alii), Paris 2003, 287 = Nordgrenze 491. 113 Fr. Vittinghoff, loc. cit. (n. 110). 114 Les positions de C. Daicoviciu (AISC 3, 19361940, 222 sqq. ; TransAnt 115 sqq.) et de A. Alfldi (Daci e romani in Transilvania, Budapest 1940, 5 sqq. ; Zu den Schicksalen Siebenbrgens im Altertum, Budapest 1944, 1 sqq.) taient irrconciliables sur ce sujet ; cf. une analyse lucide des sources chez D. Ruscu, Provincia Dacia 4855 ; idem, dans : Roman Dacia 7577 ; trop optimiste, au contraire, D. Protase, La continuit daco-romaine (IIe VIe sicles), Cluj-Napoca 2001, 1518.

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    nes dannes prouvent que les Daces nont pas t compltement anantis115. La discussion porte maintenant sur le nombre et la qualit des survivants. Des autoch-tones ont t identifis surtout dans des communauts petites et isoles de la partie mridionale et orientale, peu urbanise, de la Transylvanie116. Une cramique dace pri-mitive a t nanmoins dcouverte dans des camps117 et dans les villas des colons118. Elle suggre de faibles changes conomiques avec de petites communauts autochtones119.

    Les Daces ont laiss des traces archologiques assez faibles dans la partie centrale et occidentale de la province et au long des routes principales, qui reliaient le Danube la valle du Mure et Porolissum. Cest quils avaient t disloqus en premier lieu des zones stratgiques120 et des terres les plus riches, qui allaient tre alloties aux colons121. Ceci sapplique en premier lieu au territoire de la future colo-nie de Sarmizegetusa. Dans la ville mme ont t trouvs dans la premire couche du prtoire du procurateur financier quelques fragments cramiques daces auprs de quelques dizaines de fragments cramiques norico-pannoniens122, mais la proportion de la cramique romaine reprsente ds le dbut prs de 100%. La situation est la mme pour les autres villes de la province. Ce nest qu Napoca quon a trouv dans la premire phase en bois une quantit apprciable de cramique dace, cepen-dant pas plus de 10%123.

    115 Dans lesprit de lancienne cole sont encore les contributions de D. Protase, ANRW II/6, Berlin-New York 1977, 990 sqq. ; Autohtonii n Dacia, Bucureti 1980, 42 sqq. ; La continuit (n. 114), passim ; une opinion quilibre chez H. Wolff, dans : Handbuch I 618619. 116 Voir en premier lieu I. Glodariu, Aezri dacice i daco-romane la Slimnic, Bucureti 1981 ; F. Costea, Dacii din sud-estul Transilvaniei nainte i n timpul stpnirii romane, Braov 2002 ; K. Lockyear, dans : Roman Dacia 3741. Pour trs peu de communauts on peut supposer une continuit de lpoque dace, voir rcemment I. A. Oltean, Dacia. Landscape, Colonisation, Romanistion, New York 2007, 212 ; C. H. Opreanu, EN 18, 2008, 133134. 117 Voir D. Protase, Autohtonii n Dacia, Bucureti 1980, 136154 ; idem, La continuit (n. 114) 6972. Pourtant, la conclusion de D. Protase (Autohtonii 154 ; La continuit 7172), que la majorit de la popu-lation de la zone des camps aurait t autochtone et oblige de travailler pour les militaires est une forte exagration. 118 D. Protase, Autohtonii (n. 115) 154157 ; idem, La continuit (n. 114) 7375 ; D. Popa, Villae, vici, pagi. Aezrile rurale din Dacia roman intracarpatic, Sibiu 2002. Sur ltat, peu satisfaisant, de recherche des vici et des villas de Dacie voir I. A. Oltean, dans : Roman Dacia 143164. Un nouveau rpertoire des villages de Dacie a t rdig par N. Gudea, Aezri rurale n Dacia roman (106275 p. Chr.), Oradea 2008, 73 sqq.), avec une faible connaissance des structures et des institutions (surtout 51 sqq.). 119 Pour les problmes dattribution et de datation de la cramique dace de la province voir en premier lieu O. entea, dans : Familie i societate. Studii de istoria Transilvaniei (d. I. Costea, V. Orga), Cluj-Napoca 1999, 123 sqq., notamment 131132 ; cf. M. Negru, The Native Pottery of Roman Dacia (BAR int. ser. 1097), Oxford 2003, 3739. 120 C. Daicoviciu, dans : Istoria Romniei 1, 1960, 314. 121 J. Trynkowski, AMN 13, 1976, 86 ; H. Daicoviciu, AMN 21, 1984, 90. 122 A. Arde, Thraco-Dacica 12/12, 1991, 137142. 123 Al. Diaconescu, dans : Roman Dacia 118119 ; cf. V. Rusu-Bolinde, Ceramica roman de la Napoca. Contribuii la studiul ceramicii din Dacia roman, Cluj-Napoca 2007, 72 sqq., o lon trouve une prsen-tation gnrale des dbuts de lhabitation romaine. I. Bogdan Ctniciu (dans : Napoca. 1800 de ani (n. 55) 64 sqq.) a tort de croire que la ville romaine se serait dveloppe dune civitas autochtone.

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    Tous les toponymes des villes de Dacie124, lexception de Romula, et la plu-part des toponymes des autres localits sont autochtones125. Il ne faut pas se laisser tromper, car il ny a aucune preuve quune ville, un camp ou une habitation civile lie un camp aurait continu sur la mme place une habitation dace antrieure126.

    La proportion des noms ainsi-dits thraco-daces ne dpasse pas 2%127, mais il faut avertir quun seul porteur dun tel nom, Decebalus Luci de Germisara128, a toutes les chances dtre un Dace. Les autres sont pour la plupart des Thraces recruts au cours du temps dans les troupes de cavalerie de toutes des provinces129. La plaquette dor ddie par Decebalus Luci aux Nymphes de Germisara, nom de localit qui signi-fie en dace eau chaude 130, reste aussi le seul cas probable dinterpretatio Romana des divinits autochtones131.

    La surprise vient dun autre ct. Rcemment, la documentation sur les recrues daces sest enrichie dune manire incroyable grce la dcouverte massive (ou plutt au vol massif) de diplmes militaires et, aussi, la publication dostraka dgypte132. Un dernier et excellent aperu est d D. Dana et F. Matei-Popescu133, qui dune part ont constat un massif recrutement de Daces dans les troupes auxi-liaires existantes, de lautre ont rduit le nombre des units recrutes parmi les Daces trois ou quatre (une aile et deux ou trois cohortes)134. La date du recrutement ou bien le lieu de dcouverte de certains diplmes militaires plaident pour lorigine dune grande partie de ces soldats de Msie Infrieure, o des Daces avaient t

    124 C. Daicoviciu, dans : Istoria Romniei 1, 1960, 367 ; D. Detschew, Die thrakischen Sprachreste, Wien 1957, passim. Ceci est valable aussi pour le nom dApulum, que C. H. Opreanu (dans : Orbis antiquus 652) considre romain ; cf. lavis comptent de D. Detschew, op. cit. 19. 125 Voir plus bas. 126 La continuit dhabitation a t soutenue par C. Daicoviciu (TransAnt 123124) ; un avis contraire chez A. Alfldi (Daci e romani (n. 114) 32) et chez C. H. Opreanu (dans : Orbis antiquus 651) ; cf. N. Gudea, Aezri (n. 118) 53. 127 0,4% Sarmizegetusa (I. Piso, dans : Prosopographie und Sozialgeschichte. Studien zur Methodik und Erkenntnismglichkeit der kaiserlichen Prosopographie (Colloque Kln 1991, d. W. Eck), Kln 1993, 331 = Nordgrenze 224) et 1,8% Apulum (I. Piso, dans : Prosopographie und Sozialgeschichte 333 = Nordgrenze 226) ; cf. I. I. Russu, dans : Lonomastique latine (colloque Paris 1975, d. H.-G. Pflaum, N. Duval), Paris 1977, 23. 128 I. Piso, A. Rusu, RMI 59/1, 1990, 12, no 5 = AE 1992, 1483 ; cf. D. Dana, dans : Orbis antiquus 430431. 129 La mme position en principe chez A. Kernyi, Die Personennamen von Dazien (= Diss. Pann. I/9), Budapest 1941, 136 sqq., nos 1591 sqq., 267 sqq. (avec les utiles correctures de I. I. Russu, AISC 4, 1944, 207) ; A. Alfldi, Siebenbrgen (n. 114) 20 sqq., 52 sqq. Pour le recrutement des Thraces dans les units de cavalerie de lEmpire voir en premier lieu K. Kraft, Zur Rekrutierung der Alen und Kohorten an Rhein und Donau, Berlin 1951, 53 sqq. D. Protase (La continuit (n. 114) 29) soutient tort que les Gto-Daces ne peuvent pas tre distingus des Thraces par leurs noms ; cf. lexcellente tude de D. Dana (dans : Orbis antiquus 436 sqq.) sur les noms thraces et daces de la province de Dacie. 130 Ptol. 3, 8, 4 : ; CIL III 1395 = CLE 864 = IDR III/3, 239 : - - - moenitae propter moenia Germisarae ; voir D. Detschew, Sprachreste (n. 124) 103, 422. 131 S. Nemeti, Sincretismul religios n Dacia roman, Cluj-Napoca 2005, 197198. 132 Sur les ostraka dgypte contenant de noms de militaires daces voir D. Dana, ZPE 143, 2003, 166186 ; D. Dana, F. Matei-Popescu, Dacia 50, 2006, 200201. 133 D. Dana, F. Matei-Popescu, op. cit. (n. 132) 195206. 134 D. Dana, F. Matei-Popescu, op. cit. (n. 132) 205206 ; Cf. D. Protase (La continuit (n. 114) 103106), qui, en accord avec lancienne historiographie, compte 12 troupes recrutes parmi les Daces.

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    coloniss plusieurs reprises135. La possibilit que des Daces aient t recruts aussi dans les territoires nord-danubiens reste pourtant ouverte. Les deux auteurs cits prennent en considration plusieurs occasions : en 101-102 des Daces pouvaient tre recruts parmi ceux qui avaient fait dfection ; en 103-104 dans la rgion nord-danubienne contrle par les Romains, on assiste dj un premier recrutement en bonne et due forme et un des rsultats en serait la cohors I Ulpia Dacorum, envoye en Syrie ; en 106 aurait eu lieu un recrutement massif parmi les prisonniers de guerre ; enfin, un nouveau recrutement partir de 106 aurait diminu le risque dune ven-tuelle rvolte136. mon avis, les occasions les moins appropries pour des recrute-ments parmi les Daces taient les annes partir de 106, car les prisonniers de guerre taient destins lesclavage et leurs familles partagrent en large mesure leur sort137. mon avis, la constitution au plus tard en 104 de la cohors I Ulpia Dacorum138, et le recrutement individuel dautres Daces partir de 102 sont ds une des condi-tions de paix qui aura t impose Dcbale en 102 et sur laquelle les sources conserves se taisent. Jincluerais dans la mme catgorie les Daci compts parmi dautres nationes par Pseudo-Hygine139. ce propos lexemple de M. Valerius Maxi-mianus, qui en 175 exera une charge extraordinaire en tant que praep(ositus) equiti-b(us) gent(ium) Marcomannor(um), Narist(arum), Quad(orum) ad vindictam orientalis

    motus pergentium140, est trs instructif. Dans la campagne contre Avidius Cassius on a utilis des auxiliaires recruts parmi des populations danubiennes avec lesquelles on avait peine conclu une paix cense tre phmre, tout en les mettant sous lauto-rit de lofficier qui avait tu de sa propre main le roi des Naristes. Dune manire semblable, Trajan aura essay, par des recrutements faits en 102-104 parmi les Daces, dune part de combler les lacunes causes un peu partout par le transfert dun grand nombre de troupes sur la ligne du Danube et au-del delle, de lautre daffaiblir la force militaire de ses adversaires141. Ctait la grande et mon avis lunique occasion

    135 Op. cit. (n. 132), surtout 203. 136 Op. cit. (n. 132) 202203. 137 Pour le grand nombre desclaves daces provenus des prisonniers de guerre voir A. Bodor, dans : Napoca. 1800 de ani (n. 55) 5562. 138 En raison du diplme publi par W. Eck, A. Pangerl, Chiron 36, 2006, 221230, no 4. 139 Pseudo-Hygine, De munit. castr. 2930. La datation la plus convaincante de loeuvre de cet auteur reste celle de A. v. Domaszewski dans son dition de Leipzig 1887 (7172), confirme par des arguments supplmentaires apports par M. Lenoir dans son dition de Paris 1979 (111 sqq., surtout 123 et 128133). A. Alfldi (Daci e Romani (n. 114) 32 ; Siebenbrgen (n. 114) 73) avait soutenu daprs W. Ensslin (Klio 31, 1938, 365 sqq.), que les Daces de Pseudo-Hygine auraient t des Daces libres, admis dans lEmpire vers la fin du IIme sicle. 140 AE 1956, 124 (Diana Veteranorum) ; voir pour cette carrire H.-G. Pflaum, Les carrires procurato-riennes questres sous le Haut-Empire romain I, Paris 1960, 476 sqq., no 181 ; I. Piso, Fasti I 224235. 141 On connat au IIIme sicle un assez grand nombre de soldats des troupes de Rome, qui portent le dterminatif nat(ione) Dacus. La dernire liste en fut rdige par C. Ricci, dans : Prosopographica (d. L. Mrozewicz, K. Ilsky), Pozna 1993, 151152, 189190. C. Daicoviciu (TransAnt 113115, n. 1) y a vu une dtermination ethnique, A. Alfldi (Siebenbrgen (n. 114) 73) plutt une dtermination topographique. Les exemples de Norique, Pannonie, Dalmatie, Msie, Macdoine et Thrace (C. Ricci, op. cit. 178 sqq.) soutiennent lopinion dA. Alfldi.

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    de recruter un grand nombre de Daces. La conclusion de ce chapitre est qu la suite de la conqute, il ny a pas lieu de croire que la Dacie soit reste dans la suite un rservoir notable pour le recrutement de soldats parmi les autochtones.

    Le vrai problme de la nouvelle province nest pas labsence des Daces, mais bien de leur lite142. Tout dabord, une structure politique avec des tendances thocra-tiques143 avait peu de respect pour les rgles qui gouvernaient les rapports entre les peuples144 et lexemple le plus clatant en est lpisode de la capture de Pompeius Longinus145. Ensuite, le fait que les Daces pratiquaient, comme dailleurs tous les peuples laube de leur civilisation, des sacrifices humains, est prouv par les fouilles archologiques 146 . Iordanes nous dit explicitement quils sacrifiaient les prisonniers illustres au dieu de la guerre147. Troisimement, les Romains ont dtruit les sanctuaires daces jusquau niveau du sol148, ce qui rappelle la destruction du Temple de Jrusalme. Aucun sanctuaire dace ne fut pargn, aucun ne renatra aprs les guerres de Trajan et aucune des environ 5.000 inscriptions de la province ne fera mention dune divinit dace. Dautre part, les tentatives de dcouvrir des divi-its daces sous une apparence romaine ont eu des rsultats douteux149. Pendant lexistence de la province on se contentera dabstractions ou de fictions telles que Dacia150, Daciae

    142 Cf. D. Protase (La continuit (n. 114) 114 sqq.), qui, en plein accord avec lhistoriographie stalinienne, simagine quen 117118 et pendant les guerres marcomannes les Daces taient encore en tat de dclen-cher des rvoltes contre les Romains. 143 Voir les commentaires de Z. Petre (Practica nemuririi. O lectur critic a izvoarelor greceti referi-toare la gei, Iai 2004, 234 sqq., 261 sqq.) sur la rforme de Dcne ; pour lactuel tat de connaissances sur la religion dace voir rcemment G. Florea, dans : Dacia felix 99105. 144 la base de ces rapports se trouve en premier lieu le foedus, dont le garant tait la divinit (voir, par exemple, G. Wissowa, Religion und Kultus der Rmer, Mnchen 1902, 325, 475476 ; V. Lica, The Coming (n. 4) 25 sqq. 207 sqq. (cf. lutile critique de K. Strobel, SCIVA 51/34, 222223), mais aussi la bona fides, en labsence de laquelle le ius gentium est inimaginable (M. Bretone, Geschichte des rmischen Rechts von den Anfngen bis zu Justinian, Mnchen 1998, 396397). 145 Cassius Dio 68, 12, 15. 146 Voir lexcellente recherche de V. Srbu, Credine i practici funerare, religioase i magice n lumea geto-dacilor, Galai 1993, 3034, 40, 128129. 147 Iordanes, Getica 41 : Quem Martem Gothi [Getae] semper asperrima placavere cultura (nam victimae eius mortes fuere captorum), opinantes bellorum praesulem apte humani sanguinis effusione placandum ; voir H. Daicoviciu, Dacia (n. 3) 325 ; M. Brbulescu, Interferene spirituale n Dacia roman, Cluj-Napoca 2003, 289290. 148 Voir rcemment M. Babe dans : Civilisation grecque et cultures antiques priphriques. Hommage P. Alexandrescu, (d. A. Avram, M. Babe), Bucureti, 2000, 331333 ; D. Ruscu, Provincia Dacia 6063 ; I. Piso, dans : Reallexikon der germanischen Altertumskunde, 26, 2004, 514 ; I. Glodariu, dans : Studia historiae et religionis Daco-romanae in honorem Silvii Sanie (d. L. Mihilescu-Brliba, O. Bounegru), Bucureti, 2006, 115119. Pour une utile discussion sur les notions devocatio et de devotio propos des guerres daces voir G. Florea et P. Pupez, Les dieux tus. La destruction du chef-lieu du Royaume dace, dans le prsent volume. 149 Lide de la prsence dans la province de divinits daces sous une apparence romaine a t dfendue par C. Daicoviciu (TransAnt 124 sqq.) et combattue par A. Alfldi (Daci e romani (n. 114) 33) ; cf. latti-tude sceptique de M. Brbulescu (Interferene, (n. 147) 287) et de S. Nemeti, Sincretismul (n. 131). 150 CIL III 1063 = ILS 3922 = IDR III/5, 184.

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    tres151, Terra Dac(iae)152, Genius Daciarum153 ou Fortuna Daciarum154. On a vit jusquil y a peu de temps, pour des raisons lies une historiographie nationaliste et communiste, de lier tous ces lments ensemble. Le motif en tait que des Daces qui ne se sont pas manifests avec suffisamment de vigueur dans la province navaient aucune chance dtre les uniques anctres des Roumains. La conclusion correcte est que la religion dace, qui avait encourag une rsistance farouche155 et avait exig des sacrifices parmi les prisonniers romains, a t irrvocablement interdite par Trajan. Or, le rapport, commun dans toute lantiquit entre le politique et le sacr, a t particulirement troit dans la socit dace. Ici laristocratie jouait plus quailleurs un double rle : militaire et sacerdotal156. Par consquent, les structures politiques et religieuses daces ne pouvaient pas seffondrer sans entraner dans leur chute laristocratie157.

    Pour le soutien conomique des troupes et pour lexploitation des ressources naturelles au profit du fisc, les Romains avaient besoin dans la nouvelle province de structures de type romain. En Gaule et en dautres provinces des civitates ont t cres sur les structures des anciennes tribus158. Aucune des nombreuses inscriptions de Dacie ne fait mention de civitates autochtones159. Si elles avaient vraiment exist,

    151 CIL III 995 = ILS 3920 = IDR III/5, 43. 152 CIL III 1351 = 7853 = IDR III/3, 102. 153 CIL III 993 = IDR III/5, 41 ; IDR III/5, 723 = AE 2003, 1471. 154 AE 1930, 138 ; 1933, 16 ; IDR III 2, 209 ; voir pour ces divinits N. Gostar, AIIA Iai 2, 1965, 245 ; M. Macrea, ViaaDR 365366. 155 Voir pour cet aspect G. Florea, AMN 2630, 19891993, 37. 156 La source qui donne du support cette thorie est en premier lieu Iordanes, Getica 3940, 7172 ; voir D. Ruscu, dans : Roman Dacia 8182 ; Z. Petre, Practica nemuririi (n. 143) 249 sqq., particulirement 259260 ; G. Florea, StUnivBB-Historia 51/1, 2006, 111. Dautre part, larchologie a permis dtablir certains rapports entre forteresses, sanctuaires et reprsentants de laristocratie ; voir K. Lockyear, dans : Roman Dacia 70 ; G. Florea, op. cit. 78. 157 Trs bien ce propos V. Srbu, Credine (n. 146) 36 : Le fait que les sacrifices humains cessent non seulement dans la province de Dacie, mais aussi chez les Daces libres, ajoute un argument de plus que cette classe sacerdotale patronnait les sacrifices humains et quelle fut dcapite par la puissance romaine ; cf. D. Ruscu, Provincia Dacia 62. 158 Voir pour ces questions H. Wolff, dans : Raumordnung im Rmischen Reich. Zur regionalen Gliede-rung in den gallischen Provinzen, in Rtien, Noricum und Pannonien (d. G. Gottlieb), Mnchen 1989, 16 sqq. ; Fr. Vittinghoff, dans : Handbuch I 197 ; pour le statut juridique voir M. Dondin-Payre, dans : Cits, Municipes, colonies. Le processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut Empire romain (d. M. Dondin-Payre, M.-Th. Raepsaet-Charlier), Paris 1999, 132 sqq. ; pour la situation dans les provinces danubiennes voir rcemment I. Piso, dans : La naissance (n. 112) 285 sqq. = Nord-grenze 487 sqq. 159 Linscription de Hispalis (CIL II 1180 = ILS 1403 = AE 1965 = Dob4 860 = IDRE I 179), dans laquelle un Sex. Iulius Possessor apparat en tant que curator civitatis Romulensium Malvensium, ne constitue pas une preuve que Romula aurait t une civitas au sens propre du mot (H. Wolff, AMN 13, 1976, 113115). Dailleurs, selon toute probabilit, Romula avait acquis le rang de municipe sous Hadrien (R. Ardevan, AMN 21, 1984, 106 ; idem, Viaa municipal n Dacia roman, Timioara 1998, 32). Dans une inscription de Nedinum (CIL III 2266 = Dob4 846 = IDRE II 293) on parle dun dec(urio), augur et pontifex civitatis Paralis(s)ensium provinciae Daciae. Or, ce ne sont que les villes de droit romain ou latin qui avaient des augures et des pontifes (Fr. Vittinghoff, AMN 6, 139, n. 48 ; I. Piso, AMN 38, 2001, 236 = Nordgrenze, 236) ; cf. N. Gudea, D. Tamba, Porolissum. Un complex daco-roman la marginea de nord a Imperiului Roman, Zalu 2001, 12, 8485), qui y voient une phase prmunicipale, selon le modle des provinces celtiques occidentales.

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    leurs dirigeants et leur lite se seraient certainement manifests comme tels. Il faut donc conclure quil ny avait pas de civitates en Dacie160. Lexplication en est que, pour crer des comunauts de type romain sur des bases locales, les Romains avaient besoin dune lite locale et, comme celle-ci nexistait plus, on a apport de lEmpire, jose dire au jour le jour, toutes les structures romaines161. La modalit en a t la colonisation. Eutrope (8, 6, 2) le dit expressment : - - - Traianus victa Dacia ex toto orbe Romano infinitas eo copias hominum transtulerat ad agros et urbes colendas162. Cassius Dio (68, 14, 3) affirme son tour: - - - 163.

    Comme Sarmizegetusa a t la seule ville proprement dite fonde sous Trajan, par les de Cassius Dio il faut comprendre des communauts ayant des degrs infrieurs dautonomie164 . Puisque les communauts de droit latin naissent tout naturellement de civitates autochtones165, on ne peut pas sattendre non plus les trouver en Dacie166. Les nomina de certains descendants de ces communauts, drivs

    160 Ici il faut citer avant tous Fr. Vittinghoff, dans : Studien zur europischen Vor- und Frhgeschichte, Neumnster 1968, 134 = idem, Civitas Romana 92 ; C. Daicoviciu, H. Daicoviciu, Akten des VI. Internationalen Kongresses fr Griechische und Lateinische Epigraphik (= Vestigia 17), Mnchen 1972, 98 ; H. Wolff, AMN 13, 1976, 111112 ; idem, dans : Handbuch I 618 ; R. Ardevan, Viaa municipal (n. 159) 9295). Lexistence en Dacie de civitates peregrinae a t soutenue par I. I. Russu (Etnogeneza romnilor, Bucureti 1981, 182183) et, avec plus de vigueur que darguments valables, par I. Bogdan Ctniciu (Dacia 34, 1990, 223234 ; EN 1, 1991, 5967 ; dans : Rmische Stdte und Festungen an der Donau (d. M. Mirkovi), Beograd 2005, 135144 ; Daci i romani. Aculturaie n Dacia, Cluj-Napoca 2007). Elle confond les communauts mentionnes par Ptolme (3, 8, 3) avec des civitates autochtones ; cf. la recension du dernier ouvrage, dune brutalit inadmissible pour un milieu acadmique, chez C. H. Opreanu, EN 1617, 20062007, 345353 ; pour le passage de Ptolme voir plus bas. 161 C. Daicoviciu (TransAnt 159) expliqua la romanisation intense de la province par des raisons stratgiques (voir aussi Fr. Vittinghoff, Civitas Romana 92), ce qui exprime, peut-tre sans la prcision ncessaire, la mme ide. A. Alfldi (Siebenbrgen (n. 114) 81) ne manqua pas de vigoureusement com-battre la thorie de C. Daicoviciu. Le rapport entre les trois lments la destruction de laristocratie dace, labsence des civitates et la colonisation chez I. Piso, EN 5, 1995, 6970 = Nordgrenze 279280 ; idem, AMN 38, 2001, 236 = Nordgrenze 484 ; idem, dans : La naissance (n. 112) 293294 = Nordgrenze 502503. Quelques collgues plus jeunes ont rapidement embrass ma thorie, ce qui me fait plaisir, mme sils ont systmatiquement oubli de me citer : D. Ruscu, Provincia Dacia 55 ; idem, dans : Roman Dacia 81 ; C. Opreanu, dans : Orbis antiquus 652 ; idem, EN 17, 2008, 136 ; S. Nemeti, dans : DacAugProv 271273 ; idem, StUnivBB-Historia 51/1, 2006, 8790. 162 L. Balla (ACD 1011, 19741975, 140 sqq. = Studia Dacica 86 sqq.) tire de ce passage la conclusion surprenante que Trajan naurait pas envoy en Dacie des vtrans, pour affirmer aussitt quil ny a envoy ni des civils. Le vrai problme est si cette colonisation a t organise ou seulement favorise par ltat. H. Wolff (Handbuch I 621) se montre sceptique lgard de la premire variante. 163 Cf. Aur. Victor 13, 4. 164 Cf. D. Ruscu, Provincia Dacia 66 ; idem, dans : Roman Dacia 83. Lanalogie la plus proche est la grande province de Germanie davant la dfaite de Varus. Cassius Dio (56, 18, 2) parle ici de et de . Waldgirmes, dont la fouille a apport de grandes surprises (S. v. Schnurbein, JRA 16, 2003, 98104), tait une de ces nouvelles localits ; pour les dbuts dune authentique province de Germanie sur le bord droit et gauche du Rhin voir W. Eck, dans ce volume. 165 Voir n. 158. 166 R. Ardevan, dans : Ciudades privilegiadas en el Occidente Romano (d. J. Gonzalez), Sevilla 1999, 295303 ; idem, dans : Acta XII Congressus internationalis epigraphiae Graecae et Latinae, Barcelona 2002, 6166 ; idem, dans : Usus antiquus iuris Romani (d. W. Ernst, E. Jakab), Berlin-Heidelberg-New York 2005, 124.

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    dun nom personnel167, appartiennent, probablement sans exception, des colons provenant des provinces celtiques occidentales168.

    La colonie de Sarmizegetusa, au nom complet Colonia Ulpia Traiana Augusta Dacica Sarmizegetusa, a t fonde comme colonia deducta une distance denviron 30 km de Sarmizegetusa Regia (Grditea Muncelului), dans le pays de Haeg, au croisement des deux voies de communication les plus rapides avec le Danube: la route Drobeta (avec le pont) Bumbeti le col Vlcan la valle de Strei, et la route Dierna le couloir Timi-Cerna Tibiscum les Portes de Fer de Transylvanie la valle de Ru Mare. Aussi, ce nest pas par hasard que lon se trouve mi-distance entre les deux camps lgionnaires de la Dacie Trajane : celui dApulum dans la valle du Mure et celui de Berzobis dans le Banat.

    La discussion sur les origines de la colonie a t longue et est loin dtre close. Les principaux motifs de dispute en sont les nombreuses traces laisses par la legio IIII Flavia169, le trac des murs et le plan de type principia du forum170. Selon la thorie prdominante, la colonie aurait t prcde dun camp lgionnaire, construit soit en 102, soit en 106171. Cette thorie parat avoir t renforce la suite des fouilles effectues par Thomas Lobscher, un archologue recommand par lInstitut Arch-ologique de Cologne et auquel jai confi en 1999 la recherche des lments de forti-fication de la ville. Il sest acquitt en grande vitesse de sa tche, en fouillant deux tranches incomplte travers les murs est et ouest et en dcoupant du reste de la stratigraphie la tour nord-est de la ville. Il na pas eu, par exemple, la curiosit de prolonger les coupes vers lintrieur de la ville, au-del de ce que dans un camp on appelle via sagularis, pour surprendre les rapports entre les lments de fortification et les premires structures en bois. Il na pas non plus essay dexpliquer en quoi des murs construits par des soldats lgionnaires pour un camp se distinguent des murs construits par les mmes soldats pour une ville172. Il nen a pas ressenti le besoin pour la bonne raison quil est venu Sarmizegetusa pour prouver une chose et non pour la rechercher173. Par consquent, ses recherches nont apport les rsultats, dans nimporte quelle direction, que lon attendait.

    167 Voir pour lorigine de ces noms G. Alfldy, Latomus 25/1, 1966, 49 sqq. ; idem, dans : Lonomastique latine (n. 127) 252 sqq. 168 I. Piso, dans : Prosopographie und Sozialgeschichte (n. 127) 321322, 330, 332 = Nordgrenze 215, 223, 225 ; R. Ardevan, dans : Acta XII Congressus (n. 166) 6465 ; idem, dans : Epigraphica III. Politai et Cives (d. G. Nmeth, P. Forisek), Debrecen 2006, p. 117 sqq. 169 I. Piso, dans : Les lgions (n. 40) 208211 = Nordgrenze 406408. 170 R. tienne, I. Piso, Al. Diaconescu, AMN 3940, 20022003, 62, 9799 ; iidem, dans : Forum vetus 44, 8588. 171 Pour lhistoire du problme voir I. Piso, dans : Forum vetus 3739. 172 Pour des fortifications en terre et en bois des villes voir S. Frere, Britannia 15, 1984, 6374. 173 Th. Lobscher, AK 31, 2001, 461474 ; AK 32, 2002, 91100 ; cf. sa dissertation, Die Erforschung der Umwehrung des Legionslagers von Sarmizegetusa, Diss. Kln 1999. La mthode de Th. Lobscher a tout de suite trouv des dfenseurs (N. Gudea, Apulum 42, 2005, 507508, trs violent, et K. Strobel, Dacia 50, 2006, 108).

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    Avant la reprise en 1988 des fouilles dans le forum vetus, jtais personnelle-ment convaincu que la colonie ft prcde dun camp. Dailleurs, les auteurs de la fouille, Robert tienne, Alexandru Diaconescu et moi, nous avons longtemps hsit avant de formuler une conclusion.

    Au croisement du cardo maximus et du decumanus maximus nous avons trouv des structures en bois, couvertes de tuiles portant lestampille de la legio IIII Flavia174. Ces structures ont le plan des principia militaires175, ce qui en thorie laisse ouvertes deux possibilits : celle dun difice dun commandement et celle dun forum en bois du type principia. Lhypothse du camp serait prouve, si autour de ces structures centrales on trouvait des baraques militaires. Au contraire, la thorie civile serait prouve, si autour des mmes structures on trouvait des insulae des premiers colons. Or, grce aux recherches des dernires annes, il semble que les structures en bois trouves au sud et lest du forum en bois, couvertes elles aussi de tuiles de la legio IIII Flavia, aient appartenu plutt des insulae176. Sans compltement carter lhypo-thse du camp177, nous avons donn aux structures centrales en bois une interpr-tation conforme aux rsultats de nos fouilles178 . des certitudes parviendront, esprons-le, nos successeurs.

    Le forum en pierre respecte les anciens axes sacrs, le plan et la position du forum en bois 179 . Un des premiers remplissages utiliss aprs le dbut de la construction des murs en pierre a t une couche (que nous appelons la couche 9), qui contient des traces de bois brl, des monnaies, et beaucoup dobjets de caractre militaire, parmi lesquels des clous de tentes et le support dun vexillum180. Non moins important est ce que cette couche ne contient pas : os, cramique, restes mnagers, tuiles181. La couche 9 ne peut pas tre lie la dmolition des structures en bois, ce qui rsulte clairement de la stratigraphie. Elle a t apporte dailleurs, probable-ment dune petite distance, et ses lments datent davant les structures en bois182. Nous y avons vu les traces dune bataille perdue par les Romains au dbut de lanne 105. Il est impossible de dire si les Daces ont dtruit un camp de tentes ou

    174 R. tienne, I. Piso, Al. Diaconescu, dans : Forum vetus 41 sqq. 175 R. tienne, I. Piso, Al. Diaconescu, dans : Forum vetus, 44 ; pour la littrature 7679. 176 La publication est en prparation. 177 I. Piso, dans : Forum vetus 39. 178 R. tienne, I. Piso, Al. Diaconescu, dans : Forum vetus 41 sqq. Que des forums en bois ont rellement exist, a t prouv par lexceptionnelle dcouverte dun tel difice Waldgirmes, dans la grande pro-vince de Germanie davant la dfaite de Varus ; voir S. v. Schnurbein, op. cit. (n. 164). 179 R. tienne, I. Piso, Al. Diaconescu, dans : Forum vetus 45. 180 Voir une partie de ces pices chez V. Voiian, AMN 34, 1997, 193203 ; R. tienne, I. Piso, Al. Diaco-nescu, AMN 3940, 20022003, 7685. Cf. l'inventaire des objets dcouverts Kalkriese, que lon a identifi sur le champ de bataille de la clades Variana, chez W. Schlter, Germania 70/2, 1992, 315 sqq. ; G. Franzius, dans : Kalkriese. Rmer im Osnabrcker Land (d. W. Schlter), Osnabrck 1993, 111152. 181 R. tienne, I. Piso, Al. Diaconescu, dans : Forum vetus 177. 182 C. H. Opreanu, qui na pas compris cette stratigraphie inverse , avana (dans : DacAugProv 64 sqq.) lhypothse aussi originale quimprobable dune attaque des Iazyges sur Sarmizegetusa en 117.

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    une colonne en marche, qui sera venue du camp de Zvoi, situ louest des Portes de Fer de Transylvanie. Il nous semble, en revanche, peu probable que la couche 9 ait quelque rapport avec les fortifications connues183. La fondation de la colonie sur lendroit dune ancienne dfaite aura t la rponse des Romains ce quils auront interprt comme une preuve clatante de la perfidia Dacica.

    La colonie a t fonde par D. Terentius Scaurianus184, mais, comme on a vu plus haut, il a t prcd la tte de la province par un autre consulaire. Une impor-tante dcouverte a cr lillusion que nous nous soyons approchs dune conclusion sur la date de fondation de la colonie. Linscription fragmentaire trouve devant le ttrapyle qui servait dentre dans le forum nest pourtant pas, comme nous lavions pens, linscription de fondation de la colonie, mais bien une inscription de construction 185 : [Im]p(erator) Ca[es(ar)] Div[i] Ne[r]v[a]e f(ilius) Nerva Trai[anus Opt(imus) Aug(ustus) / Ger]m(anicus) [Dacicus Parthicus p]ontif(ex) max(imus)

    trib(unicia) pot[est(ate) XX ou XXI imp(erator) XIII co(n)s(ul) VI / pater patriae coloniae Ulpiae T]ra[i]anae Dacic(ae) [Sar]miz[egetusae] forum(?) cum(?) ......(?) dedit(?)].

    Tout comme Poetovio186, il ne sagit pas de la fondation de la colonie, mais, probablement, de la ddicace du forum. Cet acte aura t accompli en 116 ou en 117187 et ne nous dit rien sur la date de la fondation.

    Jusqu un certain point Ptolme peut nous tre utile propos de la fonda-tion de la colonie de Sarmizegetusa. Le gographe donne une liste de 44 188, dont cinq portent de noms romains (Ulpianum, Salinae, Praetoria Augusta, Angustia, Aquae)189. Cest un bon argument pour dater les donnes contenues dans cette source

    183 R. tienne, I. Piso, Al. Diaconescu, dans : Forum vetus 69 sqq. ; voir encore I. Piso, EN 6, 1996, 194196 = Nordgrenze 338340 ; idem, dans : Les lgions (n. 40) 208210 = Nordgrenze 406408. 184 I. Piso, dans : Forum vetus 214217, avec toute la littrature ancienne, dont on peut citer CIL III 1443 ; cf. N. Gostar, Apulum 9, 1971, 311313 ; H. Wolff, AMN 13, 1976, 108 ; AE 1972, 465 ; IDR III/2, 1. 185 I. Piso, AMN 4344, 20062007 (2008), sous presse. Javais propos en 1998 (dans : Traiano. Ai confini dellImpero, Milan 1998, 276, no 212 = AE 1998, 1084) la lecture suivante : [Imp(erator)] Ca[es(ar)] Div[i] Ne[r]v[a]e f(ilius) Nerva Trai[a]n[us / Aug(ustus) Germanicus] D[acicus p]ontif(ex) max(imus) trib(unicia) pot(estate) [X.? i]m[p(erator) VI / co(n)s(ul) V p(ater) p(atriae) col(oniam) Ulpiam Trai]ana[m Augusta]m

    Dacic(am) [Sar]miz[egetusam fecit]. Cette lecture et linterprtation comme inscription de fondation de la colonie ont t adoptes par Alexandru Diaconescu et par Robert tienne : I. Piso, Al. Diaconescu, dans: XI Congresso Internazionale de Epigrafia Greca e Latina. Atti (Roma, 1824 settembre 1997), Roma 1999, 126127 ; R. tienne, I. Piso, Al. Diaconescu, AMN 3940, 20022003, 87, n. 35, 89, pl. XIX, Ep. 1. Cest pourtant Al. Diaconescu (EN 1617, 20062007, 95106) qui a rcemment mis en cause le caractre dinscription de fondation. Il a parvint amliorer le texte, tout en laissant chapper quelques erreurs : [Imp(erator)] Ca[es(ar)] Div[i] Ne[r]v[a]e f(ilius) Nerva Trai[a]n[us / Aug(ustus) Germanicus] D[acicus p]ontif(ex) max(imus) trib(unicia) pot(estate) [? i]m[p(erator) VI / co(n)s(ul) V-VI? p(ater) p(atriae) forum

    col(oniae) Ulpiae Trai]anae Dacic(ae) [Sar]miz[egetusae dedit]. 186 Zs. Mrv, dans : Epigraphica I. Sudies on Epigraphy (d. Gyrgy Nmeth et Pter Forisek), Debrecen 2006, 80, 92, pl. I = AE 2000, 1189. 187 Tout comme le monument central de la cour du forum, reprsentant probablement un trophe ; le texte de linscription chez I. Piso, dans : Forum vetus 217219, no 4. 188 Ptol. (3, 8, 4) : - - -. 189 Cf. S. Nemeti, dans : DacAugProv 279.

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    dj du temps de Trajan190. Parmi ces localits on trouve et il ny a pas de doute quil sy agit de lancienne capitale des rois daces. Elle figurait encore sur les itinraires parce quelle tait devenue un camp romain191. En revanche, la colonie de Sarmizegetusa manque. Il ressort de cette lacune que la liste a t proba-blement rdige tout de suite aprs la constitution de la province, mais avant la fon-dation de la colonie. Autrement dit, Sarmizegetusa na pas t fonde immdiatement aprs la constitution de la province. La date exacte de la fondation reste inconnue192.

    La colonie de Sarmizegetusa a t la seule colonia deducta de Dacie et il ny a aucune raison de croire que lon nait pas respect toutes les rgles lies cet acte, y compris lallotissement en due forme. Pourtant, malgr les recherches trs soigneuses par arophotogrammtrie des dernires annes, on na surpris aucune trace de la centuriation193.

    Selon ltat actuel de nos connaissances, Sarmizegetusa les fortifications et les difices publics de premire ncessit ont t construits manu militari, par une vexillation de la legio IIII Flavia194, dtache de Berzobis. Parmi ces difices on compte non seulement les forums successifs en bois et en pierre, mais aussi les deux horrea, qui dlimiteront plus tard le praetorium du procurateur financier195, et la premire phase de lamphithtre196.

    On apprend dUlpien que Sarmizegetusa jouissait du ius Italicum197. Autre-ment dit, ce moment-l tous les colons qui allaient possder le terrain ex iure

    190 Voir la discussion sur la datation chez S. Nemeti, dans : DacAugProv 278 sqq. 191 Voir plus haut, p. -- 192 D. Benea (Din istoria militar a Moesiei Superior i a Daciei. Legiunea a VII-a Claudia i legiunea a IIII-a Flavia, Cluj-Napoca 1983, 156157) prend en considration pour cet vnement l'anne 108, K. Strobel (Dacia 50, 2006, 108), tout en corrigeant lancienne lectur