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DÉCOUVERTE DE CONSTRUCTIONS ANTÉHISTORIQUES DANS L'ILE DE THÉRASIA

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DÉCOUVERTE DE CONSTRUCTIONS ANTÉHISTORIQUES DANS L'ILE DE THÉRASIAAuthor(s): François LenormantSource: Revue Archéologique, Nouvelle Série, Vol. 14 (Juillet à Décembre 1866), pp. 423-432Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/41743011 .

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DÉCOUVERTE

DE

CONSTRUCTIONS ANTÉHISTORIQUES

DANS L'ILE DE THÉRAS1A

L'histoire physique de Santorin et des autres lies qui enveloppent sa rade, ou plutôt son vaste cratère sous-marin, est écrite en traits ineffaçables sur leurs falaises.

Alors que celte grande chaîne de volcans, qui depuis l'Auvergne et le Vivarais se prolonge le long des Apennins à travers toute l'Eu- rope méridionale et la Méditerranée, brûlait en pleine activité, un cône volcanique sortit des eaux en ces lieux, soulevant sur son flanc méridional un énorme rocher de calcaire métamorphisé qui constitue aujourd'hui le mont Saint-Élie, le plus haut sommet de Santorin. La bouche de ce cône n'était pas au point même où s'exerce aujour- d'hui la poussée principale de l'action volcanique, qui a produit les trois Kammènes et donne encore naissance à l'éruption actuelle : à Santorin comme au Yésuve, elle a changé de place; elle était plus au nord, entre l'île actuelle de Thérasia et l'anse de Mousacha dans l'île de Santorin. Le volcan primitif vomit d'abord des masses consi- dérables de laves et de cendres, dont les couches, en se répandant autour de son orifice, se superposaient régulièrement les unes sur les autres, et il forma ainsi une grande île circulaire, dont la péri- phérie s'élevait en pente douce au-dessus de la mer et montait vers le cratère, constituant une sorte de dôme haut d'environ sept cents mètres. Sa dernière période d'activité fut marquée par une pluie monstrueuse de pierres ponces de toutes grosseurs, qui recouvrit toute la surface de l'île, même les portions de terrain calcaire, d'une couche blanchâtre dont l'épaisseur varie de sept à trente mètres.

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424 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. Mais il est évident qu'à chaque éruption, à chaque poussée nou-

velle des forces souterraines, non-seulement de nouvelles couches de lave venaient se superposer aux couches antérieurement vomies par le cratère, mais la masse même du cône se soulevait à une plus grande hanteur au-dessus des flots. Un jour vint où le relèvement des couches atteignit son maximum d'excès, où le progrès du soulè- vement laissa sous la partie centrale du cône des cavités qui n'étaient plus en rapport avec la masse qu'elles avaient à supporter. Alors un mouvement inévitable de bascule et de déchirement se produisit. Le sommet du cône s'effondra dans une catastrophe subite, entraînant avec lui dans l'abime tout le centre de l'ile, et ne laissant plus, au- tour d'un gouffre de deux mille pieds de profondeur, que des rebords ébréchés, tels qu'on les voit encore aujourd'hui. Du côté de l'orient, et sur les deux tiers presque de la circonférence, s'étend l'Ile princi- pale appelée Théra dans l'antiquité et Santorin aujourd'hui, qui forme un grand croissant; au N.-O. est l'Ile de Thérasia; au S.-O. et entre les deux, l'Ilot d'Aspronisi. En même temps que le centre du cône primitif s'effondrait, la mer se précipita dans l'abtme que laissait cet écroulement et qu'elle remplit désormais.

Ce n'est point là une conjecture téméraire sur les révolutions pri- mitives de l'Ile ; les traces de la catastrophe sont aussi fraîches et aussi visibles sur les flancs du cratère qu'on aurait pu les voir au lendemain du jour où elle se produisit. Que du centre du bassin de la rade de Santorin on regarde avec attention cette déchirure circu- laire, ces falaises de Théra, de Thérasia et d'Aspronisi, dont l'escar- pement perpendiculaire semble une coupe faite à plaisir pour l'in- struction des géologues, et Ton reconnaîtra des deux côtés, dans les flancs déchirés de ces lies, une entière symétrie de couches horizon- tales de diverses couleurs, rouges, grises, verdâtres, noire, jau- nâtres et blanches, où la lave et les rapilli se superposent en alter- nant, et qui se correspondent aux mêmes hauteurs dans un ordre semblable. On ne peut douter, en voyant ainsi à nu ces stratifications régulières, qu'elles n'aient formé une seule tle dans l'origine.

Dans le rapport que j'adressai à Sa Majesté l'Empereur au retour de la mission remplie par ses ordres à Santorin durant le printemps de cette année, rapport que j'ai eu l'honneur de lire en communi- cation à l'Académie des inscriptions et belles-lettres et qui vient de paraître dans ses Comptes rendus, je croyais pouvoir conclure de mes observations que c'était seulement après l'effondrement du centre de l'ancien cône que l'homme était venu en habiter les débris. Bory de Saint-Vincent et M. Ch. Benoit, aujourd'hui doyen de la Faculté des

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lettres à Nancy, avaient soutenu l'opinion contraire. Je les combattais en m'appuyant sur le fait de l'absence absolue de découvertes bien constatées de toute trace de l'homme et de son industrie sous la couche de tuf ponceux produite par les dernières éruptions du grand volcan primitif. Des trouvailles récentes sont venues me donner tort et démentir ma théorie. Ce sont elles queje tiens à faire con- naître moi-même le premier aux lecteurs de la Bevue archéologique, car le devoir de tout savant, lorsque des faits nouveaux lui font voir qu'il s'était trompé sur un point, est de le confesser hautement et de proclamer avant tout la vérité.

Les journaux grecs ont annoncé dernièrement qu'à la pointe méri- dionale de l'île de Thérasia des ouvriers occupés à extraire la pouz- zolane blanche ou tuf ponceux avaient trouvé, à une profondeur de vingt mètres, sous la couche compacte de celte matière, une con- struction carrée en morceaux de lave où l'on ne pouvait méconnaître un ouvrage de l'homme. M. Christomannos, professeur de chimie à l'Université d'Athènes, qui se trouvait à Santorin pour suivre les phénomènes de l'éruption volcanique, considérait, disait-on, cette construction comme une maison remontant aux âges antéhistoriques et ensevelie sous le§ déjections du volcan primitif. Le savant docteur Decigallas, de Santorin, pensait au contraire qu'il ne s'agissait que d'un tombeau creusé et maçonné très-postérieurement dans la couche du tuf ponceux. En présence de ces données contradictoires et que la distance ne permettait pas de véri'fier de visu, le seul parti sage était de suspendre son jugement en attendant des informations plus précises et plus étendues.

Aujourd'hui le doute n'est plus permis, et nous savons à quoi nous en tenir d'une manière positive sur les constructions découvertes à l'extrémité méridionale de Thérasia. M. le docteur Nomicos, de San- torin, y a fait des fouilles régulières, et M. ¡le docteur Decigallas, avec son obligeance habituelle, a bien voulu m'envoyer, le 30 sep- tembre, son exposé manuscrit, accompagné d'un plan des construc- tions et d'une coupe du sol à l'endroit où. la trouvaille a été faite.

Yoici cette coupe, ďou il résulte clairement que le renseignement fourni d'abord sur l'existence d'une épaisseur de vingt mètres de tuf ponceux vierge au-dessus des maçonneries était inexact. La plus grande partie de cette épaisseur de vingt mètres est formée par une sorte de butte de pouzzolane remuée et amoncelée par quelque cause accidentelle à une époque récente (A). C'est à la base de ce monti- cule que l'on rencontre une mince couche d'humus (B) renfermant des fragments de poterie hellénique, qui indique d'une manière posi-

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426 REVUE ARCHEOLOGIQUE. tive la superficie du sol aux âges historiques de l'antiquité. Au- dessous de cette couche d'humus commence le banc de tuf ponceux compact et vierge (C) dans lequel, à deux mètres cinquante centi- mètres de profondeur, a été rencontré le sommet des murailles et ont été perdes les galeries souterraines des fouilles de M. No- micos (D).

Voici maintenant la traduction de l'exposé de ce dernier. Le plan qui l'accompagnait et l'explique est reproduit à la page 428.

« Le carré de murailles primitivement découvert (A) est divisé par « un mur longitudinal en deux parties d'inégale grandeur, l'une à « l'est (G) et l'autre à l'ouest (B). La division orientale est à son tour « divisée en deux pièces (D et E) par une murailie transversale. La « pièce D, située au midi, a quatre mètres sur trois; la pièce E, quatre « mètres sur deux et demi. Nous avons d'abord tenté de dégager par « l'extérieur la muraille orientale de ces deux pièces afin d'en me- cí surer la hauteur et de voir si elle présentait quelques ouvertures ; « mais la crainte d'un éboulement de la masse de tuf ponceux qui « surplombait au-dessus de nos tètes nous a fait renoncer à cette a entreprise. Alors nous avons abordé le déblaiement intérieur des « deux pièces en question.

« Le tuf ponceux, devenu très-compacte et d'une extraction difficile, « les remplissait entièrement. On y trouvait mêlés des morceaux de « lave noire irréguliers, portant sur une de leurs faces une sorte « d'enduit d'argile et paraissant provenir d'un mur écroulé. Nous « rencontrions aussi des fragments de grandes poutres de bois car- et bonisées d'une telle dimension que l'on pouvait à peine les enve- lopper avec les deux mains. Ces fragments portaient les traces « d'un enduit d'argile. Leur position indiquait clairement que « c'étaient les débris d'un toit effondré sous le poids des matières « vomies par le volcan.

« La paroi intérieure des murailles se courbe légèrement au som- « met et est revêtue d'un enduit de chaux. Quant aux pierres de la

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« maçonnerie, elles sont liées entre elles par de l'argile pure, mêlée « de paille hachée, sans emploi de chaux ni de pouzzolane.

« Arrivés à une profondeur de deux mètres dans la pièce D, nous « avons trouvé à l'angle du mur de refend un amas considérable « d'orge carbonisé et de méteil, dont le poids était de plusieurs ocques. « La même chose s'est rencontré dans la pièce E, également le long « du mur de refend. Plus profondément, en descendant à trois mè- « tres, nous avons rencontré dans la pièce D, prés du mur de refend « un vase de terre blanchâtre décoré de zônes brunes, d'une capa- ci cité de dix litres environ, demeuré intact au milieu du tuf poncéux ' « dans lequel il était comme incrusté. Malheureusement, les ouvriers « l'ont brisé en l'extrayant. Ce vase contenait une matière carbonisée « à l'état pâteux, qui paraissait avoir été une bouillie de grains. A la « même profondeur de trois mètres, dans la pièce E, nous avons « trouvé les fragments d'un grand nombre de vases de la même « espèce qui paraissaient avoir été écrasés, à la place même où ils « se trouvaient rangés originairement, par le poids des matières « volcaniques. » Je place sous les yeux de l'Académie un de ces fragments de po-

terie, qui m'a été envoyé par M. le docteur Decigallas. Il se rapproche tout à fait du type le plus ancien et le plus grossier des célèbres vases archaïques de Théra (1).

Je reprends maintenant le récit de M. Nomicos. « Nos fouilles se sont ensuite por-

ti tées dans la division orientale de la « construction. Près du mur occidental « nous avons rencontré, au milieu « du tuf poncèux qui en remplissait « également l'intérieur, un fragment « de tuyau en terre cuite jaunâtre, dé- « coré d'ornements de couleur blan- « che, d'une palme de long ; puis deux « autres fragments de tuyaux analo- « gues en terre rouge, sans orne- « ments. Un de ces derniers contenait « un petit vase de terre blanchâtre à « décors bruns, en forme d'œnochoé, « vase conservé dans un état d'inté- « grité parfaite et dont je vous envoie « le dessin.

(1) J'ai offert, depuis, ce fragment au Musée du Louvre.

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428 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. « Nous n'avons pu fouiller que la portion nord de cette vaste

« pièce, rencontrant à chaque coup de pioche les débris des poutres « carbonisées de la toiture. A trois mètres et demi de profondeur « s'est trouvé un vase gigantesque, de près de cent litres de capacité, « brisé, mais en place et rempli d'orge carbonisée. Il était accom- « pagné de nombreux fragments de vases de formes diverses, mais « de dimensions beaucoup plus petites.

« Une porte percée dans la muraille occidentale (F) donne accès « dans une dernière pièce (6), au sol plus bas, car on y descend par « trois marches. Nous n'en avons pu déblayer qu'une petite partie. « L'angle N.-O. de celte pièce est arrondi, et tout auprès on voit dans « la muraille du côté de l'occident une fenêtre dont le chambranle « supérieur s'est écroulé (H). Dans la partie que nous en avons « fouillée, les restes carbonisés des poutres du toit se sont offerts à nous « de même que dans les autres pièces de la maison; et, à environ trois « mètres et demi de profondeur, nous avons rencontré de nombreux « fragments de grands vases en terre blanchâtre à décors bruns.

« Voulant ensuite voir ce qui pouvait se trouver en dehors de la « construction primitivement découverte, nous avons suivi une mu- ti raille d'enceinte extérieure (I) qui forme, d'abord pendant qua- « torze mètres, le prolongement en ligne assez irrégulière du mur « nord de la maison, puis tourne, en suivant une ligne flexueuse, « vers le S.-O., où, à dix-huit mètres de distance de l'angle, nos « recherches se sont arrêtées à une porte avec des degrés descendant « de l'extérieur à l'intérieur (K). L'angle N.-E. de cette enceinte est « occupé par un puits circulaire en maçonnerie (L), que nous avons « fouillé jusqu'à la profondeur d'un mètre et où nous avons trouvé, « au milieu du tuf ponceux qui le remplissait, de nombreux frag- « ments de vases de grandes dimensions.

«Enfin, à vingt-quatre mètres de distance de cette enceinte exté-

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DÉCOUVERTE DE CONSTRUCTIONS ANTÉHISTORIQUES. 429 « rieure, vers l'est, nous avons découvert une autre construction « carrée (M), aux angles arrondis, dont , l'intérieur contenait, au- « dessous des débris des poutres du toit, une très-grande quantité de « paille carbonisée et des vases à décors bruns fragmentés, dont l'un « contenait une matière blanchâtre qui semble avoir été à l'origine « du fromage mou.

a C'est là que se sont arrêtés nos travaux, qui ont occupé treize « ouvriers pendant trois journées entières. »

Lorsque M. Decigallas m'envoyait cet exposé de M. Nomicos, il n'avait point encore visité lui-même les découvertes de Thérasia. Depuis, les fouilles ont été continuées et ont amenée le déblaiement complet de l'habitation trouvée sous le tuf ponceux. M. Decigallas a assisté personnellement à cette dernière partie des fouilles, et, le 15 octobre, il a bien voulu m'écrire à ce sujet une nouvelle lettre, dans laquelle il consigne ses principales observations. Cette nouvelle lettre contient des renseignements de la plus grande importance, ainsi que le lecteur va pouvoir en juger.

< Les édifices fouillés sont assis sur le banc de lave scoriacée que « l'on rencontre immédiatement au-dessous du tuf ponceux et qui a « été vomi par une éruption plus ancienne.

« A vingt-quatre mètres de distance de la grande construction se « trouve une plus petite (1), composée d'une seule pièce. Sa forme « est celle d'un parallélogramme irrégulier dont les angles sont plus « ou moins arrondis, particularité qui se retrouve également dans « l'autre édifice et qui diffère tout à fait des formes régulières des « constructions helléniques, même les plus grossières. Le mode de « construction n'est pas moins éloigné des usages de l'époque grec- « que; les pierres sont liées entre elles par de l'argile pure sans « emploi de chaux, mêlée à des matières végétales, paille hachée et « algues marines; entre les pierres, on trouve dans les murailles « des poutres placées de distance en distance et dans différentes « directions, qui forment comme la carcasse de l'édifice. D'autres « poutres, dont les restes se trouvent carbonisés au fond des diffé- < rentes chambres, en soutenaient la toiture, qui était d'ailleurs « recouverte de terre argileuse et d'un lit de pierres, comme c'est « encore aujourd'hui l'usage dans la plupart des îles de l'Archipel.

« Il est à ¡remarquer que dans aucune de ces pièces de bois on « ne trouve la moindre trace de clous; on n'a d'ailleurs découvert

(1) C'est celle que la lettre M désigne dans potre plan.

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430 REVUE ARCHÉOLOGIQUE. < non plus aucun objet quelconque en métal, tandis qu'on a trouvé < une pointe de lance et une sorte de scie ou de couteau dentelé en < pierres de natures différentes.

< Nous avons trouvé une grande quantité de vases de terre cuite, < de différentes dimensions. Plusieurs étaient remplis de matières < végétales carbonisées, dont quelques-unes conservent encore leur « forme : on y reconnaît l'orge, le méteil, les pois chiches, la semence < de coriandre, l'anis. Enfin, nous avons eu le bonheur de trouver « dans le fond d'une chambre les restes d'un squelette de quadru- f pède, celui peut-être d'un chien, et, dans une autre chambre, les < restes d'un squelette humain; malheureusement, nous ne possédons < de la tête que la mâchoire inférieure, qn peu mutilée, et quelques « fragments des os plats. Il reste également quelques fragments du « bassin. Il est aisé de reconnaître qu'ils appartenaient à un homme « de moyenne taille, de quarante à quarante-cinq ans. »

En lisant ces relations, qui ne laissent rien à désirer sous le rapport de la précision et de la clarté, on ne saurait plus conserver le moindre doute sur la nature des constructions qui viennent d'être découvertes dans l'ile de Thérasia. Ce sont incontestablement des habitations des premiers habitants de l'ile, alors qu'elle formait une seule montagne volcanique, ensevelies subitement, comme les maisons de Pompéi, sous la pluie des projections vomies par le grand cratère central dans la formidable éruption qui produisit la couche de tuf ponceux et qui précéda l'écroulement de la majeure partie du cône originaire, si elle ne l'accompagna pas et ne donna pas lieu elle-même à cet écroulement. L'homme habitait donc déjà l'i/e ronde (Srpo^Xyi) ou Vile belle (KaXMroi), noms primitifs de Théra, antérieurement à ce cataclysme.

Mais à quelle antiquité ne devons-nous pas forcément faire remonter les habitations ainsi découvertes sous les bancs de pouzzo- lane de Thérasia ! Les souvenirs historiques de Théra sont très-

précis pour des époques extrêmement anciennes. Ils remontent

jusqu'à l'occupation de l'Ile par les colons Phéniciens, dont nous savons même la date positive, 1415 ans avant Jésus-Christ (1). Or, ces souvenirs ne renferment aucune trace d'un cataclysme tel que l'effondrement du cône central, qui certainement n'y aurait point passé inaperçu. Ce cataclysme, auquel les habitations récemment fouillées sont nécessairement antérieures, doit donc être considéré

(1) Syncell. p. 299. - Cramer, Anecd. grœc . Paris . t. II, d. 190. - Barhebracus, Chronic . syriac. p. 16.

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comme ayant lui-même précédé la venue des Chananéens, c'est-à-dire l'an 1415 avant notre ère. Et en effet, je l'ai fait voir dans mon rap- port à l'Empereur, les vestiges assez nombreux de l'occupation phé- nicienne, scarabées, statuettes d'Astarté en marbre ou en terre cuite, etc., qui ne sont pas rares à Santorin, se trouvent toujours à la surface du banc de tuf ponceux sous lequel ont été ensevelies ces habitations. Les tombeaux du cap Couloumbos, tombeaux incon- testablement chananéens, puisqu'ils offrent exactement la même disposition que ceux des nécropoles de la Phénicie et que toutes leurs mesures sont réglées sur la coudée phénicienne, les tombeaux du cap Couloumbos, dis-je, sont creusés dans le même banc de tuf pon- ceux. D'où la conclusion forcée que les colons de Chanaan, en abordant à Théra ou Callislé, trouvèrent cette île exactement dans l'état où nous la voyons aujourd'hui.

La conséquence inévitable de ces remarques est de faire regarder les habitations dont les ruines viennent d'être découvertes à la pointe méridionale de l'île de Thérasia comme antérieures au xve siècle avant notre ère et comme appartenant aux âges antéhistoriques. Ce sont sans contredit les plus anciens vestiges de l'humanité primitive qui aient encore été découverts sur le sol de la Grèce, à part quel- ques armes de pierre en bien petit hombre, auxquelles on ne saurait assigner une époque, même approximative.

Mais ces découvertes de Thérasia, si elles nous reportent aux âges antéhistoriques, ne nous mettent pas en présence de purs sauvages, comme les premiers habitants de notre Gaule dont l'existence a laissé des vestiges dans les cavernes. Elles révèlent, au contraire, une population déjà parvenue à un certain degré de culture, bien qu'encore à l'âge de pierre et ne se servant pas de métaux : ayant une industrie céramique, des demeures fixes et régulièrement con- struites, des troupeaux, des champs cultivés en orge et en blé. Cet état de demi-civilisation est, du reste, celui où les sculptures du palais de Médinet-Abou nous montrent les populations pélasgiques des îles de l'Archipel, déjà pourvues d'une marine, lors de leur grande guerre avec l'Égypte sous le règne de Ramsés III, chef de la XX' dynastie (1), c'est à-dire antérieurement à l'essor des naviga- tions phéniciennes.

En présence des lumières que nous fournissent ces pages monu- mentales de la terre des Pharaons, on ne s lurait douter qu'il n'y ait

(1) De Rougé, Notice sur quelques textes égyptiens rapportés par M. Greene. Rapport sur la mission accomplie en Egypte , p. 18 et suiv.

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432 REVUE ABCHÉOLOGIQUE.

eu, avant la thalassocratie chananéenne, un premier élan de culture et même de développement maritime chez les nations de race pé- lasgique, développement qu'arrêta bientôt la suprématie navale et commerciale des Phéniciens. C'est à cet âge de la vie des premières populations de la Grèce que doivent être bien évidemment rap- portées les légendes des Argonautes. Or, il ne faut pas l'oublier, toutes ces légendes n'ont pas exclusivement trait à la navigation vers Colchos. Il en est précisément qui se rapportent à Théra (1) et à l'île voisine d'Anaphé (2).

François Lenormant.

(1) Schol. ad Pindar. Pyth. 1Y, v. 15. (2) Apollodor. I, 9, 26. - Conon. Narrat. 49. - Apollon. Rhod. IV, v. 1700. -

Orph. Argonaut . v. 1350.

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