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Rana Ben Azzouna Ridha Hamdane Décret du 15 juin 1888, premier décret réglementant l'exercice de la pharmacie en Tunisie, et évolution de la législation pharmaceutique avant et après l'indépendance In: Revue d'histoire de la pharmacie, 94e année, N. 352, 2006. pp. 479-496. Citer ce document / Cite this document : Ben Azzouna Rana, Hamdane Ridha. Décret du 15 juin 1888, premier décret réglementant l'exercice de la pharmacie en Tunisie, et évolution de la législation pharmaceutique avant et après l'indépendance. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 94e année, N. 352, 2006. pp. 479-496. doi : 10.3406/pharm.2006.6054 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_2006_num_94_352_6054

Décret du 15 juin 1888, premier décret réglementant l'exercice de la pharmacie en Tunisie, et évolution de la législation pharmaceutique avant et après l'indépendance

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Rana Ben AzzounaRidha Hamdane

Décret du 15 juin 1888, premier décret réglementant l'exercicede la pharmacie en Tunisie, et évolution de la législationpharmaceutique avant et après l'indépendanceIn: Revue d'histoire de la pharmacie, 94e année, N. 352, 2006. pp. 479-496.

Citer ce document / Cite this document :

Ben Azzouna Rana, Hamdane Ridha. Décret du 15 juin 1888, premier décret réglementant l'exercice de la pharmacie enTunisie, et évolution de la législation pharmaceutique avant et après l'indépendance. In: Revue d'histoire de la pharmacie, 94eannée, N. 352, 2006. pp. 479-496.

doi : 10.3406/pharm.2006.6054

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_2006_num_94_352_6054

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RésuméEn 1881, le Protectorat français est établi sur la Tunisie dont l'indépendance ne sera officiellementdéclarée que le 20 mars 1956. Dans cet article, nous décrivons le contenu du décret du 15 juin 1888,premier texte légiférant l'exercice de la pharmacie en Tunisie. L'institution de ce décret, véritable textefondateur, n'a cependant pas mis fin à l'exercice illégal de la profession dans la Régence. Ceci pourraits'expliquer par les quelques insuffisances du texte, l'incapacité du législateur à appliquer la loi,l'ignorance et l'inadvertance des diplomates ou encore le « régime des capitulations » qui, en bloquantl'inspection pharmaceutique, donnait libre cours à tous les contrevenants. Une telle situation a conduit àla promulgation, au fil des années, d'un ensemble de textes de lois qui ont permis progressivement unemeilleure organisation de la profession pharmaceutique dans la Régence. Le progrès ainsi connu par lalégislation pharmaceutique tout au long du Protectorat français s'est poursuivi après l'indépendance dela Tunisie. En témoigne la loi 73-55 du 3 août 1973 actuellement en vigueur.

AbstractThe decree of June 15th, 1888, the first text that legislates the pharmacy practice in Tunisia and theprogress of the pharmaceutical legislation before and after the independence - In 1881, the Frenchprotectorate is established in Tunisia whose independence will not be officially declared before March20th, 1956. This article presents the content of the decree of June 15th, 1888, the first text thatlegislates pharmacy practice in Tunisia. The publication of this decree, a real fundamental text, did notput an end to the illegal practice of pharmacy in the Regency, which could be explained by the fewshortcomings of the text, the legislator's inability to implement the law, the ignorance and theinadvertency of the diplomats, and also the "regime of the surrenders" (le régime des capitulations)which, by preventing the pharmaceutical inspection, gave free rein to all the offenders. This situation ledin the course of time to the promulgation of a number of laws which progressively allowed a betterorganization of the pharmaceutical profession in the Regency. The progress made by thepharmaceutical legislation throughout the French protectorate continued after the independence ofTunisia as is attested by the law number 73-55 of August 3rd, 1973 which is still in use at present.

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Décret du 15 juin 1888, premier décret

réglementant l'exercice de

la pharmacie en Tunisie, et évolution

de la législation pharmaceutique

avant et après l'indépendance

par Rana Ben Azzouna * et Ridha Hamdane **

Au début du XIXe siècle, la Tunisie souffrait d'une pénurie de médecins et de personnel médical. L'empirisme occupait une place privilégiée au sein de la population, favorisé surtout par son ignorance. L'exercice de la médec

ine et de la pharmacie, non encore individualisés, n'obéissait à aucune règle. En 1881, à l'instauration du protectorat, la Tunisie comptait deux millions

d'habitants tunisiens dont 45 000 israélites, une colonie italienne de 1 1 206 âmes, une autre peu nombreuse d' Anglo-maltais, de Grecs et une colonie de 300 Français l.

Pour un total d'environ 2 012 000 habitants, il n'y avait dans toute la Régence que huit pharmacies :

- six étaient dirigées par des Européens, Chabert, le seul français installé déjà depuis 1867, Santi-Xuereb, Baldocci, Mascaro, Nahmias et G. Bassotti ;

- deux appartenaient à des tunisiens de confession israélite, Zeïtoun et Allai1-2.

Faute de textes légiférant la profession pharmaceutique, la situation n'a guère changé entre 1881 et 1888. La liberté d'exercer la pharmacie, comme celle de la médecine n'avait pas disparu. N'importe qui pouvait s'adonner à de tels métiers, le diplôme n'étant alors pas exigé 2' 3.

* 31 rue Azzouz Errebaï, impasse 6, El Manar 2, Tunis 2092, Tunisie. Courriel : [email protected]

** Faculté de pharmacie Monastir, Tunisie. Courriel : [email protected]

REVUE D'HISTOIRE DE LA PHARMACIE, LIV, N° 352, 4e TRIM. 2006, 479-496.

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Ce n'est qu'en 1888, c'est-à-dire sept ans après l'instauration du protectorat français en Tunisie, que Ali Pacha Bey, possesseur du royaume de Tunis de 1882 à 1902, a signé le premier décret beylical organisant la profession pharmaceutique, en date du 15 juin 1888, (6 Chaoual 1305 de l'an Hégire). Ce décret a été promulgué et mis en exécution par le ministre plénipotentiaire, résident général de la République française, J. Massicault 4. Il a été publié au Journal Officiel tunisien n° 28 du jeudi 12 juillet 1888. Ce décret offre de véritables garanties aux personnes exerçant la pharmacie dans la Régence 5.

Dans son article premier, le décret de 1888 institue, l'obligation, pour toute personne s'adonnant à l'exercice de la profession pharmaceutique, d'avoir un titre officiel valable dans le pays où il lui a été concédé 3.

L'article 2 précise la procédure à suivre par le pharmacien pour l'acquisition ou la création d'une officine. Il doit, entre autres, déclarer son officine et remettre son diplôme afin qu'il soit vérifié par le Secrétariat général du gouvernement Tunisien 5. Ce qui empêcherait l'installation des personnes n'ayant pas de diplôme. En effet, une amende de 16 à 200 francs a été prévue au cas où ces formalités auraient été omises.

L'article 3 oblige le pharmacien venant de changer de résidence à enregistrer son titre par le Contrôleur Civil de la nouvelle circonscription. « L'omission de cette formalité constitue une contravention passible d'une amende de cinq à quinze francs. »

L'article 4 stipule que « les noms des pharmaciens pourvus d'un titre conférant le droit à l'exercice seront portés au commencement de chaque année à la connaissance du public par voie du Journal Officiel tunisien ».

L'article 7 exige l'exercice personnel de la profession, interdit au pharmacien de tenir plus d'une pharmacie et d'effectuer au sein de son officine un autre genre de commerce. « Toute contravention sera passible d'une amende de seize à deux cents francs. »

L'article 8 constitue une garantie pour la famille du pharmacien après son décès. En effet, il offre à celle-ci la possibilité de maintenir ouverte l'officine du défunt une année après sa mort.

L'article 9 interdit l'exercice simultané de la pharmacie et de la médecine aux personnes pourvues des deux diplômes sous peine d'une amende de 50 à 200 francs.

L'article 10 stipule que « toute entente ou association entre un pharmacien et un médecin dans le but d'exploiter une officine est prohibée » sous peine d'une amende de cinquante à deux cents francs 5.

L'article 11 est une garantie pour les patients. En effet, seules les substances simples ou les spécialités passées dans l'usage courant et non dangereuses même à dose élevée peuvent être délivrées librement par le pharmacien sur la demande de l'acquéreur.

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Quant aux médicaments dangereux, leur délivrance doit être faite obligatoirement sur prescription médicale sous peine d'une amende de 50 à 200 francs. L'ordonnance doit être transcrite sur un registre « ad hoc », l'ordonnancier actuel, sous peine d'une amende de 1 à 15 francs.

« Pour les substances toxiques employées dans les arts et l'industrie, le pharmacien doit, sous peine d'une amende de cinquante à deux cents francs, exiger un permis de l'autorité locale. Il doit en outre, sous peine d'une amende de un à quinze francs, tenir un registre spécial sur lequel il inscrira la date du permis, le nom et la demeure de l'acheteur, et la nature de la substance avec sa quantité. Ce registre doit être côté et paraphé par l'autorité administrative, il doit toujours être tenu à jour et présenté à toute réquisition de l'autorité. »

L'article 12 parle des droguistes qui peuvent vendre des substances toxiques en se conformant aux mêmes prescriptions imposées aux pharmaciens ; cependant ils ne peuvent en aucun cas vendre ces substances au poids médicinal sous peine d'être poursuivis pour exercice illégal de la médecine 5. Ce poids médicinal correspondrait aux doses d'exonération actuelles.

L'article 13 prévoit des amendes d'importance croissante selon que la personne qui vend les médicaments est « non munie d'un titre valable » : 50 à 200 francs, ou « que l'exercice illégal est accompagné d'une usurpation de titre » : 100 à 1000 francs, ou en cas de récidive du délit. Dans ce dernier cas l'amende sera double et un emprisonnement n'excédant pas trois mois peut être infligé.

L'article 16 prévoit l'inspection de tout établissement vendant des drogues ou des médicaments moyennant une commission composée de deux médecins, deux pharmaciens et un officier de police 5.

Tous ces articles témoignent de la qualité de ce premier texte de loi en tant que texte véritablement fondateur. En effet, il instaure une véritable lutte contre la liberté d'exercice de la pharmacie. D'une part, en exigeant un titre officiel valable, empêchant ainsi l'installation des personnes n'ayant pas de diplôme, d'autre part, par la publication au JOT de la liste des pharmaciens autorisés à exercer. Ainsi, toute personne prétendant être pharmacien, et s' autorisant l'exploitation d'une pharmacie, sans pour autant être possesseur d'un diplôme valable et dont le nom ne figurant pas dans cette liste, peut faire l'objet de réclamation et de plainte.

Le décret de 1888 introduit par ailleurs quelques règles d'éthique professionnelle et de déontologie en exigeant l'exercice personnel de la profession et en prohibant toute entente ou association entre pharmacien et médecin.

Il garantit aussi la séparation entre l'art médical et pharmaceutique en interdisant la propharmacie aux médecins, c'est-à-dire la fabrication et la vente des médicaments par ces derniers.

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Enfin, l'institution par ce décret d'une commission d'inspection permettrait une lutte effective contre toute sorte de contravention.

Outre les garanties offertes par ce décret, certains articles témoignent aussi du souci du législateur à assurer la disponibilité du médicament sur tout le territoire de la Régence. C'est le cas de l'article 5 qui prévoit pour les localités dépourvues de pharmaciens et de médecins la possibilité de la vente des médicaments par une ou plusieurs personnes domiciliées dans cette localité, suite à une demande adressée au contrôleur civil et transmise au Secrétariat général du gouvernement tunisien.

L'article 6 garantit la sécurité des patients en limitant la vente par ces personnes aux seuls médicaments d'usage courant et figurant sur une liste 5.

La situation n'a cependant pas changé après la publication de ce décret. Elle s'est maintenue, pour réglementée qu'elle était, aussi lamentable qu'avant sa promulgation. Paul Luciani, en Tunisie depuis 1894 et par ailleurs premier pharmacien inspecteur de la Régence en 1914, dans son article « Brève histoire de la pharmacie en Tunisie », corrobore ce qui est dit précédemment en écrivant que « l'exercice de la pharmacie, bien que réglementé par le décret de 1888 était presque complètement entre les mains de trafiquants sans scrupules ».

Ce décret n'a en fait jamais été mis en application. Il demeura « lettre morte » 6.

Qu'est ce qui a pu empêcher l'application de ce décret et pourquoi la situation ne s'est-elle pas améliorée ?

Le décret du 15 juin 1888 montre en fait quelques insuffisances qui offrent aux contrevenants une sorte d'immunité les mettant à l'abri de la justice et les encourageant à commettre toute sorte d'infraction en toute impunité 7.

En voici quelques exemples. La liste énoncée à l'article 6, ayant pour objectif de limiter la vente des médi

caments par des non pharmaciens à quelques produits d'usage courant et « qui sera publiée ultérieurement » 5, « n'a jamais été publiée ni même élaborée » 7. Donc, des personnes n'ayant aucun rapport avec la profession peuvent vendre tous les médicaments qu'ils veulent, qu'ils soient d'usage courant ou même toxiques.

C'est ainsi que des dépôts de médicaments, créés dans des localités dépourvues de pharmacien ou de médecin, sont devenus de véritables pharmacies dans lesquelles on vendait même des stupéfiants 2.

L'article 8 prévoit qu'en cas de décès d'un pharmacien, la gestion de son officine peut être assurée, pendant un an, par un pharmacien ou un élève en pharmacie ayant au moins cinq ans de stage et reconnu capable par une commission spéciale 5. Or, en Tunisie, il n'y avait pas d'élève en pharmacie répondant à de telles exigences et la commission évoquée par ce décret n'a pas été constituée.

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L'article 11 interdit de dispenser des substances toxiques sans prescription médicale. Or, les personnes autorisées à ne délivrer que les substances d'usage courant, en référence à une liste, peuvent, tout comme les pharmaciens diplômés, vendre les substances toxiques sans pour autant être sanctionnées dans leurs pratiques, étant donné qu'aucune liste de ces substances toxiques n'a été élaborée.

Le phénomène des « prête-noms » est l'une des figures de l'exercice illégal de la profession dans la Régence, dont l'existence et surtout la persistance résultent de quelques insuffisances réglementaires au sein du décret du 15 juin 1888. En effet, il n'est stipulé nulle part dans ce décret que le pharmacien gérant l'officine doit être son propriétaire. On voyait dans la Régence, des docteurs proposant une entente ou association à un pharmacien 7. D'ailleurs, en 1894, c'est-à- dire six ans après la publication du décret organisant la profession pharmaceutique, le médecin municipal de Sfax, ayant conseillé à Paul Luciani de s'installer dans la région, lui avait proposé d'exploiter une pharmacie en association 6.

Même au cas où le pharmacien serait venu à refuser une telle association, le médecin n'avait qu'à recruter un autre sans emploi contre un salaire mensuel. Il ne lui restait alors qu'à empocher les bénéfices 7.

D'autres médecins, désireux d'exploiter une officine et ne pouvant le faire, n'ayant pas le bon diplôme, s'entendaient avec un pharmacien « prête-nom », généralement un « farmacisti », c'est-à-dire titulaire du « diplomino », diplôme italien de second degré, curieusement valable en Tunisie à ce moment-là et pas en Italie, pour qu'il présente la demande d'exploitation de l'officine en son nom. Une fois l'autorisation obtenue, il ne restait plus au médecin qu'à fonder son officine au nom de celui-ci. C'est ainsi qu'à l'époque, l'un de ces médecins créa presque simultanément trois officines, avec trois prête-noms différents qui étaient tous des « farmacisti » 2.

Les insuffisances du texte législatif ne constituent pas les seules causes de l'exercice illégal de la profession. En effet, des articles, bien que complets et parfaits, n'ont cependant pas été respectés.

L'article 7 stipule « qu'aucun commerce autre que celui des drogues, des médicaments ou tout objet se rattachant à l'art de guérir ou à l'hygiène ne peut être fait dans l'officine » 5. Or, dans le temps, on voyait au sein des officines toutes sortes de commerce, tels que ceux des liqueurs, vins, articles d'épicerie 7, prêt de bijoux 2. Il y en a même qui vendaient des fusils 6.

L'article 9, comme on l'a déjà vu, interdit l'exercice simultané de la pharmacie et de la médecine, même aux personnes pourvues des deux diplômes 5. Malgré cela, on voyait des médecins possédant les deux diplômes, ou ne possédant que celui de médecin, se livrer à l'exercice simultané de la médecine et de la pharmacie.

Malgré un article 10 empêchant toute entente ou association entre un pharmacien et un médecin dans le but d'exploiter une officine, les médecins étrangers,

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presque en totalité, ont souvent une pharmacie attitrée dans laquelle ils donnaient leurs consultations. Bien évidemment, le malade consultant sur place se trouvait moralement forcé de prendre ses médicaments dans la même officine où il venait de consulter.

Sans parler des médecins qui forçaient leurs patients à prendre leurs médicaments dans une pharmacie et pas dans une autre. Ils employaient pour ce faire des domestiques chargés d'accompagner le malade avec son ordonnance dans une pharmacie où ce dernier se trouvait dans l'obligation d'acheter les remèdes qui lui avaient été prescrits 7.

De telles infractions ne pouvaient que perdurer car elles demeuraient impunies et, de ce fait, étaient le témoin de l'incapacité qu'avait le législateur à appliquer la loi. Cette incapacité se confirme par les mesures transitoires de ce décret (article 17 et suivants) qui ne constituent, tout comme cette loi, qu'une parade, dissimulant par ailleurs certains conflits d'intérêts. Ainsi l'article 17 relatant ces mesures transitoires tolère, par dérogation aux dispositions du décret de 1888, l'exercice de la profession par certains individus à savoir :

1) les « personnes qui possèdent une officine depuis cinq ans au moins. Chaque année d'étude ou de stage régulier tiendra lieu d'une année d'exercice ;

2) les indigènes pourvus d'un ordre beylical ; 3) les indigènes exerçant dans les localités ou tribus où il n'y a pas de phar

macien possédant un titre qui donne droit à l'exercice » 5. Le deuxième alinéa de cet article 17 favorise même l'existence des pharmac

iens dits « tolérés ». Jules Bouquet, docteur en pharmacie et second pharmacien inspecteur de la Régence en 1935 après Paul Luciani, les définit de la sorte : « Son Altesse le Bey pouvait accorder à un individu sans diplôme, vague commis ou préparateur dans quelque officine ou droguerie, l'autorisation d'exercer la pharmacie et d'installer une officine. » Ces pharmaciens tolérés avaient des connaissances professionnelles des plus restreintes 2.

Malgré de telles dérogations, les mesures transitoires de ce décret imposent quelques restrictions à ces personnes tolérées. En effet, l'article 20 leur interdit de « prendre un titre pouvant faire croire à la possession d'un diplôme donnant droit à l'exercice. Toute contravention est passible d'une amende de cinquante à cinq cents francs sans préjudice du retrait de la tolérance ». De plus, ces personnes ne peuvent pas être appelées comme experts devant les tribunaux (Art. 21).

En dehors des insuffisances du décret de 1888, les pratiques illégales de la profession dans la Régence, après la promulgation de celui-ci, peut s'expliquer surtout par le fait que les personnes chargées de faire respecter la réglementation ont tendance parfois à fermer les yeux et à laisser le champ libre à divers abus 7. Reprenons, à titre d'exemple, une histoire à propos des « prête-noms » que Paul Luciani a relaté dans son article « Brève histoire de la pharmacie en Tunisie » :

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« Un sieur W, conformément à l'article 2 du décret, fait une déclaration écrite d'installation d'une pharmacie au Contrôleur Civil de la circonscription dans laquelle il veut s'établir. Il dépose en même temps son diplôme entre les mains du Contrôleur Civil. Le diplôme reconnu valable, l'autorisation lui est accordée. La pharmacie est ouverte et, chose remarquable, elle est gérée par un sieur M, non pharmacien. Quelques temps après l'ouverture de cette officine, le sieur M et le sieur W passent devant le contrôleur, qui a reçu la déclaration d'ouverture de ce dernier, un contrat constatant que le sieur W n'est que le prête-nom du sieur M qui est le seul propriétaire de la pharmacie et la gère. Le Contrôleur Civil, faisant fonction de notaire dans le cas, loin de signaler l'illégalité, enregistre l'acte, encaisse le montant de cet enregistrement, dont une part lui revient, et comme Ponce-Pilate se lave les mains du reste 6. »

L'inadvertance et l'ignorance des diplomates français, signataires d'accords avec l'Italie, constituent une troisième cause pouvant expliquer le défaut d'application du décret de 1888 et la stagnation de la situation déplorable de la profession dans la Régence.

En effet, en dehors du véritable diplôme de pharmacien, conférant à son titulaire le titre de « docteur en pharmacie et chimie », il était délivré en Italie une deuxième catégorie de diplôme de valeur moindre ; il s'agissait, comme nous l'avons vu, du diplôme de « farmacisti », connu sous l'appellation de « diplo- mino ». Il était accordé à des préparateurs en pharmacie ayant acquis une certaine expérience suite à un certain nombre d'années consécutives de travail dans l'officine d'un pharmacien diplômé. Ce titre permettait à son possesseur de remplacer le pharmacien diplômé en cas d'absence.

Bien que ne permettant pas aux « farmacisti » d'ouvrir en leur nom une pharmacie en Italie, ce « diplomino » était considéré comme valable en Tunisie. Un tel manque de vigilance de la part des responsables entraîna l'envahissement du pays par les « farmacisti » et encouragea les médecins, surtout italiens, à ouvrir leurs propres officines en faisant appel à ces « farmacistes » comme « pseudopropriétaires » ou encore « prête-noms » 2.

Une autre cause fondamentale qui a empêché la mise en application du décret du 15 juin 1888, est la constitution tunisienne, connue sous le nom de « Pacte fondamental », accordant aux étrangers les mêmes droits commerciaux qu'aux Tunisiens. Cette mesure a été maintenue par la constitution du 26 avril 1861 dans ses articles 105 à 114 ; ainsi le « Régime des Capitulations », donnant aux étrangers le droit de refuser l'accès à leurs magasins aux membres d'une commission de pharmaciens en vue de les inspecter, rendait plus difficile l'instauration des règles prévues par le décret de 1888 2'6. Ce « régime des capitulations » empê-

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chait même de juger ces étrangers par les tribunaux de la Tunisie, et seul leur Consul pouvait le faire 6.

Nous reprenons ici l'article 16 du décret du 15 juin 1888 pour montrer l'un des méfaits du « Régime des Capitulations ». Cet article stipule qu'« une commission spéciale composée de deux médecins et de deux pharmaciens, assistée d'un officier de police est chargée de visiter au moins une fois par an les établissements susceptibles de vendre des drogues ou des médicaments. Cette commission signalera à l'Autorité les contraventions aux dispositions du présent décret » 5.

À cause du « Régime des capitulations », cette commission n'a jamais été formée et n'a de ce fait jamais pu fonctionner malgré les démarches faites par M. Chabert, pharmacien et président de la Chambre de commerce de Tunis auprès des autorités, pour mettre en application le décret de 1888 6.

De toutes les causes précitées qui auraient empêché l'application du décret de 1888, à savoir ses insuffisances, l'incapacité du législateur à appliquer la loi, l'ignorance et l'inadvertance des diplomates, la corruption des responsables et enfin « le Régime des Capitulations », c'est cette dernière essentiellement qui semble la plus importante, car elle empêchait l'instauration d'une inspection pharmaceutique. En effet, tous les décrets aussi parfaits et irréprochables qu'ils puissent être, n'auraient pas le moindre intérêt en l'absence d'une structure qui en superviserait et contrôlerait sa mise en application. En conséquence, la commission d'inspection n'ayant pas été formée, les pratiques illégales de toutes sortes, compérage entre médecins et pharmaciens, cabinets de consultation médicale attenant à la pharmacie, prête-nom, etc. demeuraient alors impunies, ce qui favorisait leur persistance dans le temps 6.

Une telle situation a conduit à l'apparition d'abord du décret du 27 janvier 1897, sur les fraudes et les falsifications, signé par Ali Pacha Bey 8, possesseur du Royaume de Tunis de 1882 à 1902 9, puis à la publication du décret du 7 novembre 1903 (17 Chaabane 1321), sur la validité des diplômes. Ce décret, signé par Mohamed El Hadi Pacha Bey 10, possesseur du Royaume de Tunis de 1902 à 1906 9, limite l'exercice des professions de santé aux « médecins, chirurgiens, sages-femmes, pharmaciens, dentistes et vétérinaires, pourvus de diplôme délivré par les États avec lesquels nous avons des traités » 10. C'est la première fois depuis la réglementation de l'exercice de la pharmacie qu'un « diplôme d'État » est exigé. En effet, en 1888, on parlait seulement de « titre » 4.

Malgré les décrets de 1897 et de 1903, cela ne mettait pas un terme aux infractions et aux délits commis.

Cet état de choses interpellait Paul Luciani, qui trouvait que la meilleure façon pour anéantir l'empirisme et le charlatanisme du domaine de l'art pharmaceutique et médical était d'instaurer une inspection des pharmacies 7. Selon lui, « l'inspection des pharmacies est une institution nécessaire, servant de frein salu-

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taire à la négligence et à la mauvaise foi, qui donne à la santé publique les garanties les plus sérieuses » 7.

L'Association générale des pharmaciens de Tunisie fut alors formée et le comité directeur élu. Il fut présidé par Paul Luciani 6. Cette association fut à l'origine d'un important texte de loi, le décret du 31 mars 1913 (23 rabia-ethani 1331), signé par Mohamed Ennacer Pacha Bey, possesseur du Royaume de Tunis, et par Alapetite, ministre plénipotentiaire, résident général de la République française. Il fut publié au JOT n° 28 du samedi 5 avril 1913 n.

Ce décret instaure dans son article 13 une inspection pharmaceutique et précise son organisation. Il prévoit dans son article 16 la formation d'une « commission consultative », dite de pharmacie, chargée entre autres de donner son avis sur toutes les questions intéressant l'exercice de la pharmacie en Tunisie, notamment la création des officines. En effet, l'article 3 stipule que « lorsque après examen des pièces fournies par le pharmacien, la demande méritera d'être prise en considération, la concession de l'autorisation sera faite selon les besoins de l'assistance pharmaceutique et après avis favorable d'une commission appelée commission de pharmacie chargée de fixer les vacances et les créations » u.

Avant la promulgation de ce décret, cet article fit l'objet de protestation de l'ambassadeur d'Italie. En effet, sa mise en application mettrait fin à la liberté fixée par la constitution de 1861 qui accordait aux étrangers les mêmes droits commerciaux qu'aux Tunisiens et qui leur offrait de plus, dans le cadre du régime des capitulations, le droit de refuser l'entrée de leur magasin aux membres de cette commission pharmaceutique 6.

La commission médico-pharmaceutique ainsi prévue par le décret du 31 mars 1913, fut formée par l'arrêté du 26 avril de la même année, signé par M. Blanc alors secrétaire général du gouvernement tunisien et publié dans le JOT n° 36 du samedi 3 mai 1913 12.

Aussi, le décret de 1913 exige dans son article 4 que le pharmacien soit propriétaire de la pharmacie dans laquelle il exerce. Ceci combattrait l'existence des « prête-noms » et empêcherait qu'un pharmacien se serve du nom d'un confrère ayant une meilleure réputation pour s'attirer beaucoup de clientèles. Jules Bouquet-Bryon raconte qu'en 1913, « le nom d'un pharmacien français, décédé depuis plus de trois ans, brillait encore, exclusivement sur les enseignes, étiquettes et factures, etc., de trois pharmacies de la Régence » 13.

Par son article 8, le même décret vient réglementer les conditions de pratique de la propharmacie par les médecins ou les vétérinaires, et instaurer les conditions d'établissement d'un dépôt de médicaments, amoindrissant de la sorte les insuffisances du décret de 1888 qui offrait à ces praticiens un champ libre pour commettre toute sorte d'abus en toute sécurité.

Quant à l'article 7, il réglemente pour la première fois l'exercice de la gros- sisterie et de la fabrication des médicaments dans la Régence n.

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Ce décret ne tarda pas à être modifié et complété par un autre préparé par la commission des pharmacies. Il s'agit du décret du 14 mars 1914 (18 rabia-ethani 1332), signé par Mohamed Ennacer Pacha Bey, possesseur du Royaume de Tunis, et visé par André Dobler, ministre plénipotentiaire, délégué de la Résidence générale de la République française, et publié au n° 22 du JOT du mercredi 18 mars 1914 14.

Deux arrêtés furent également publiés la même année, l'un énumérant les substances pouvant être librement délivrées par les pharmaciens 15 , l'autre fixant la liste des substances toxiques ne pouvant être délivrées que sur ordonnance 14.

Le décret de 1913, complété par celui de 1914 fut un premier pas dans une lutte acharnée contre les officines illégales. Mais sans inspection, de telles situations étaient difficiles à prouver 2.

Ce fut alors l'arrêté du 16 avril 1914 signé par le général de division, Premier ministre de Son Altesse le Bey, commandeur de la Légion d'honneur, Youssef Djaït, et publié au JOT n° 34 du mercredi 29 avril 1914 qui vint créer l'inspection des pharmacies, déjà prévue par l'article 13 du décret du 31 mars 1913 15. Le titre fut attribué en premier à M. Paul Luciani, et ce en 1914. Mais il fut aussitôt mobilisé et rien ne fut fait tout au long de la Première Guerre mondiale pour réglementer l'exercice de la pharmacie dans la Régence. Ce n'est qu'en 1919 qu'il fut rendu à la vie civile et reprit ses fonctions 6.

Entre 1918 et 1939, d'autres textes de loi réglementant la profession pharmaceutique ont vu le jour. Le premier étant le décret du 12 avril 1921 (3 chaabane 1339), signé par Mohamed Ennacer Pacha Bey, possesseur du Royaume de Tunis et visé par Lucien Saint, ministre plénipotentiaire, résident général de la République française à Tunis. La principale nouveauté apportée par ce décret est son article 16 réglementant pour la première fois les stupéfiants comme une catégorie à part de substances toxiques 16.

Ce décret mit aussi fin à la délivrance d'autorisation d'entrepôts de spécialités pharmaceutiques à des personnes non pourvues du diplôme de pharmacien 16.

Six ans plus tard, un nouveau décret organisant la profession pharmaceutique fut publié au JOT n° 43 du samedi 28 mai 1927. Il s'agit du décret du 10 mars 1927 (6 ramadan 1345) signé par Mohamed El-Habib Pacha Bey, possesseur du Royaume de Tunis et visé par Lucien Saint, résident général de la République française. On retrouve, comme pour le décret de 1921 une réglementation concernant l'importation, l'achat, la vente, la détention et l'usage des substances vénéneuses 17, mais c'est la première fois que le législateur classe ces substances en trois tableaux : A, B et C. On retrouve même, annexée à ce décret, une liste énumérant l'ensemble de ces substances 4.

Il exige également l'exercice personnel de la grossisterie, déjà instauré pour les officinaux depuis le décret de 1888 17.

Un décret fort intéressant fut publié par la suite dans le JOT n° 22 du mardi 17 mars 1936. Il s'agit du décret du 16 mars 1936 (23 Dhou Al Hajja 1354), signé

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par Ahmed Pacha-Bey, possesseur du Royaume de Tunis et promulgué par Peyrouton, résident général de la République française à Tunis.

Dans son titre premier relatif aux conditions d'exercice de la profession, il exige, pour l'obtention du droit d'exercer la pharmacie dans la Régence, en plus des 25 ans accomplis, d'avoir une licence de la Direction de l'Intérieur, obtenue sur concours. « Ce concours a lieu au mois de novembre de chaque année. » Et pour pouvoir être candidat au concours des pharmaciens, le législateur a imposé des exigences scientifiques, éthiques et matérielles 18.

C'est le premier décret exigeant un plan des lieux et parlant de retrait de la licence pour faute professionnelle grave.

Le titre II constitue également une grande nouveauté dans le domaine de la législation pharmaceutique. Il vient en fait concrétiser le principe de limitation du nombre de pharmacies, préalablement énoncé dans les décrets antérieurs par « l'attribution de l'autorisation selon les besoins de l'assistance pharmaceutique des populations » l7.

Pour limiter le nombre de pharmacies, le législateur a considéré deux axes. D'abord restreindre le nombre de créations des officines, en imposant deux contraintes, à savoir le numerus clausus et la distance minimale entre deux pharmacies, puis supprimer les pharmacies en surnombre, suite « à une fermeture volontaire, à un retrait définitif d'autorisation ou au décès du titulaire... » 18.

D'autres décrets furent publiés plus tard. Citons en particulier celui du 24 janvier 1938, fait à Paris et qui donne au résident général « la qualité pour agréer par voie d'arrêté, les titulaires d'officines où le stage pharmaceutique peut être effectué » 19. C'est aussi en 1938 que fut créée « la Pharmacie centrale des Hôpitaux de Tunisie », par arrêté du directeur de l'Assistance et de la Santé publiques, en date du 27 juin 20.

En 1939, furent publiés des textes sur le contrôle et la vente de certains médicaments toxiques et stupéfiants 21.

L' Association générale des pharmaciens de Tunisie et surtout la Commission de pharmacie, créée depuis 1913, ont ainsi joué un rôle fondamental dans l'organisation de la profession pharmaceutique dans la Régence, en contribuant à la promulgation de tous ces textes de loi.

La nette décroissance au cours du temps du nombre des pharmaciens tolérés qui ont fini par disparaître avant 1939 pourrait être le témoin de l'efficacité de la législation pharmaceutique tunisienne instaurée au fil des années.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, l'occupation étrangère de la Régence a entraîné quelques troubles de la vie administrative 22. Quelques rares textes de loi, furent cependant publiés. Tout d'abord, le décret du 4 juin 1940, complétant celui du 30 juillet 1939 relatif à l'exercice de la pharmacie en Tunisie, signé par Ahmed Pacha Bey, possesseur du Royaume de Tunis et promulgué par E. Carteron, ministre plénipotentiaire délégué à la Résidence générale 23.

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Puis, en 1942, un décret beylical sur la publicité médicale et pharmaceutique et le contrôle des spécialités pharmaceutiques fut publié au Journal officiel tunisien n° 2 du samedi 3 janvier 1942, signé par Ahmed Pacha Bey, possesseur du Royaume de Tunis, et promulgué par l'amiral Esteva, résident général de France à Tunis, Grand Croix de la Légion d'honneur 24.

Vers la fin de la Deuxième Guerre mondiale, la défaite de l'Allemagne et de ses alliés, notamment l'Italie, a fait que les Italiens désertèrent le pays. Déjà en 1944, on attendait une fermeture très problématique des officines italiennes, ce qui se réalisa en 1945 22. On passa de 153 pharmaciens exerçant en Tunisie en 1939 à seulement 111 pharmaciens en 1946 22,25.

Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le premier texte de loi relatif à l'exercice de la pharmacie dans la Régence fut le décret du 10 juillet 1947, signé par Mohamed Lamine Pacha Bey, le dernier Bey de la dynastie Husseinite, et promulgué par le résident général de France à Tunis, Jean Mons. Il fut publié au JOT n° 57 du 15 juillet 1947 426. Il reprend les articles des décrets précédents en apportant quelques nouveautés. La nationalité française (citée en premier lieu) 4 ou tunisienne est désormais obligatoire pour pouvoir exercer la pharmacie dans la Régence.

Seul le diplôme d'État français permet à son titulaire d'exercer dans la Régence. Les autres diplômes ne sont plus valables. Ce diplôme d'État sera vérifié par « la Commission de vérification des titres ». C'est la première fois qu'on parle d'une telle commission. Il faut en plus être inscrit au tableau de l'Ordre des pharmaciens, organisme institué par le présent décret. Ce dernier précise notamment le rôle et les attributions de cet Ordre et classe les pharmaciens selon leurs activités en trois collèges, celui des officinaux, celui des fabricants et des grossistes, et celui des hospitaliers et des biologistes 26. C'est en fait sous l'initiative du Syndicat pharmaceutique de Tunisie que l'Ordre des pharmaciens prit naissance. Créé depuis 1933, le syndicat a contribué à l'évolution de la réglementation et de la pharmacie grâce aux différents décrets envisagés et aux diverses activités qu'il exerçait 22.

Malgré le décret de 1947 et ceux qui l'ont précédé, la propharmacie n'a jamais cessé d'exister. Des professionnels de la santé, vétérinaires et médecins notamment, continuaient de vendre des médicaments en toute illégalité 22.

La pratique, par les pharmaciens, de rabais illégaux sur les prix des médicaments, a conduit en 1951 à l'instauration de « la Nationale Réglementation en Tunisie ». Et à partir du 1er janvier 1952, date officielle de son entrée en vigueur, des sanctions étaient prévues pour les pharmaciens qui ne respectaient pas les prix. Cette commission n'a pu remédier à la pratique illégale et immorale du rabais dans la Régence. En effet, la situation de la pharmacie ne changea guère en 1953. Elle demeura aussi alarmante qu'avant l'instauration de la Nationale Réglementation.

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À l'indépendance, le 20 mars 1956, le pays souffrait d'un état de sous-développement global touchant tous les secteurs d'activité.

La situation en matière de pharmacie et de médicaments ne faisait pas l'exception. En effet le système pharmaceutique hérité du Protectorat était caractérisé par un approvisionnement anarchique du marché et par des ruptures de stocks fréquentes en produits souvent indispensables à la santé publique. Cela s'expliquerait en grande partie par le fait que l'importation était assurée dans certains cas par les grossistes-répartiteurs ou par les pharmaciens eux-mêmes, quand les fabricants ne possédaient pas de représentants 27,28.

Le gouvernement de la jeune République tunisienne a visé de ce fait le développement et la promotion de la santé publique.

La « tunisification » de tous les secteurs d'activité constituait la base de sa politique. Tous les postes étaient désormais réservés aux nationaux. Le Conseil de l'Ordre des pharmaciens, constitué par une majorité de Français, fut dissous par le décret de août 1957 et remplacé par une commission provisoire de tunisiens 28 ; le Syndicat pharmaceutique, en 1957, devint le Syndicat national des pharmaciens de Tunisie avec de nouveaux statuts. Aussi, une monnaie nationale fut créée. Le dinar tunisien fut de ce fait décroché du franc français 29.

La tunisification et la création d'une monnaie nationale ont modifié les conditions d'exercice de la profession pharmaceutique en Tunisie. La situation était plutôt défavorable, ce qui amena les représentants-importateurs à transférer leurs capitaux à l'étranger et à quitter le pays. Cela entraîna rapidement un exode de pharmaciens et le pays se trouva en pénurie de personnels du médicament 27. On est passé de 262 pharmaciens en 1956 20, à 180 en 1957 22,25. C'est ainsi que plusieurs localités furent du jour au lendemain dépourvues de médicaments.

Il fallait donc remédier de toute urgence à cette situation, l'accessibilité des populations au médicament sur tout le territoire tunisien étant un élément indispensable à la promotion de l'état sanitaire général.

L'État se pencha sur la réorganisation de la Pharmacie centrale des Hôpitaux 27, qui devint pour longtemps l'unique fabricant des médicaments en Tunisie 20. Ce fut alors la publication de deux décrets, tous les deux en date du 31 mars 1956 et signés par le Premier ministre de l'époque, Tahar Ben Ammar. Le premier portant réorganisation de la Pharmacie centrale des Hôpitaux de Tunisie et le second fixant la loi des cadres du personnel dudit établissement 30.

Un arrêté en date du 3 1 mars 1956 portant règlement intérieur de la Pharmacie centrale des Hôpitaux de Tunisie fut aussi publié dans le même Journal officiel, celui du 31 mars 1956 31.

La Pharmacie centrale des Hôpitaux a vu ses statuts changer dans le cadre des lois n° 58-28 et n° 58-29 du 10 mars 1958 modifiant les décrets du 31 mars 1956, publiés au JORT (Journal officiel de la République tunisienne) du 11-14 mars 1958. Elle changea ainsi de nom et devint la Pharmacie centrale tunisienne

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(PCT), établissement public doté de la personnalité civile et de l'autonomie financière 32.

Outre la réorganisation de la Pharmacie centrale des Hôpitaux, une politique de décentralisation fut adoptée et un arrêté du ministre de la Santé publique, alors Mahmoud Materi, du 12 mars 1957, suspendant d'une façon temporaire la création des pharmacies de détail dans les grandes villes, fut publié au JORT du 2 avril 1957 33.

Le 19 novembre de la même année, fut publié au Journal officiel n° 34 l'arrêté du secrétaire d'État à la Santé publique, alors Ahmed Ben Salah, portant création d'agences pharmaceutiques rurales. Celles-ci étaient budgétairement rattachées à la Pharmacie centrale 34.

Il fallait aussi trouver une solution aux pharmacies abandonnées par leurs titulaires français dans la banlieue de Tunis. Les populations de ces localités se sont en effet plaintes de l'absence de pharmacies et de l'indisponibilité du médicament. Comme solution, en 1964, ces officines furent ouvertes sur demande expresse du secrétaire d'État à la Santé publique. Elles prirent le nom d'« agences pharmaceutiques du Conseil de l'Ordre ». Contrairement aux agences de la Pharmacie centrale, qui étaient gérées par de simples vendeurs, celles-ci étaient tenues par des préparateurs placés sous la responsabilité de pharmaciens officinaux. Elles pouvaient, comme pour les agences de la PCT, être acquises par les jeunes pharmaciens 22.

Le premier texte relatif à l'exercice et à l'organisation des professions pharmaceutiques en Tunisie depuis son indépendance fut publié au JORT n° 14 du vendredi 18-mardi 22 mars 1960 (20-24 Ramadan 1379). Il s'agit du décret-loi n° 60-12 du 16 mars 1960 (18 Ramadan 1379) signé par Habib Bourguiba, président de la République tunisienne 35. Il reprend les dispositions du décret du 10 juillet 1947, en y apportant quelques nouveautés.

C'est aussi dans le cadre de la nationalisation et de la tunisification que ce décret a été promulgué et mis en application. Le but était de réserver l'exercice de la profession aux seuls titulaires de la nationalité tunisienne 28. En effet, pour obtenir une licence d'exploitation d'une entreprise pharmaceutique, il faut être de nationalité tunisienne depuis au moins cinq ans, sauf dérogation exceptionnelle accordée par le secrétaire d'État à la Santé publique et aux Affaires sociales 35.

De telles dérogations ont été accordées aux étrangers, dans des domaines autres que l'officine, tels que les fonctions dans le secteur hospitalier ou la gérance de sociétés de grossiste, surtout juste après l'Indépendance, à cause de la pénurie de diplômés tunisiens, pour répondre aux besoins du pays en matière de santé publique.

La distance minimale de 200 mètres entre deux officines, obligatoire dans le décret de 1947, doit être respectée en principe dans celui de 1960. En effet, cette distance peut être réduite dans les artères réputées commerçantes, après avis d'une commission composée d'un représentant du Conseil de l'Ordre, d'un

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représentant du secrétariat d'État à la Santé publique et aux Affaires sociales et d'un représentant de la municipalité de la ville 35.

Cette disposition a ouvert la porte à tous les abus. En effet, on n'avait pas défini de paramètres susceptibles d'être adoptés pour juger avec exactitude du caractère commerçant ou non d'une artère. On s'est entendu qu'une artère est considérée commerçante si elle abrite en son sein beaucoup de commerces et est la source d'une grande activité. L'histoire a montré qu'un tel jugement dépendait de « l'humeur » des membres de la Commission ou plutôt de leurs intérêts personnels 29. C'est ainsi que, par le truchement de relations personnelles, des dérogations flagrantes au principe des 200 mètres entre deux officines ont été accordées à certains 4.

Une année plus tard, une loi relative à l'inspection des pharmacies et autres entreprises pharmaceutiques fut publiée au JORT n° 22 du vendredi 2-mardi 6 juin 1961. Il s'agit de la loi n° 61-15 du 31 mai 1961, signée par Habib Bourguiba, président de la République tunisienne 36.

La même année fut promulgué le décret-loi n° 61-2 du 16 janvier 1961 qui donna à la PCT le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. Une telle réforme a permis d'assurer un approvisionnement efficace du marché tunisien en assainissant les méthodes d'importation et de distribution des produits pharmaceutiques. Ce fut ainsi une étape franchie dans la création d'une industrie pharmaceutique nationale 25. Celle-ci a connu un véritable démarrage en 1962 27, avec le lancement des premières fabrications et l'organisation du laboratoire de contrôle dans ses différentes sections 37.

La production nationale de médicaments a commencé à être importante à partir de 1964. Elle s'est intéressée en premier lieu au secteur hospitalier 38. Elle entrait dans le cadre de la politique nationale de lutte contre les grandes maladies endémiques 37.

En 1969, une loi portant réglementation des substances vénéneuses fut promulguée. Il s'agit de la loi n° 69-54 du 26 juillet 1969, signée par Habib Bourguiba, président de la République tunisienne. Elle fut publiée au JORT du 5 août 1969 39.

Le décret-loi n° 60-12 du 16 mars 1960 fut abrogé par la loi n° 73-55 du 3 août 1973, publiée au JORT n° 30 du vendredi 10-mardi 14 août 1973 et actuellement en vigueur en Tunisie. Elle a apporté beaucoup de nouveautés qui ont concerné essentiellement le secteur officinal. Elle a mis fin à la création de nouvelles pharmacies de sociétés, a supprimé la propharmacie pour les médecins et l'a réglementée pour les vétérinaires 40.

Cette loi a supprimé aussi la notion d'artères commerçantes instaurée par l'article 27 de la loi de 1960. Cependant, l'obligation des 200 mètres entre deux officines ne fut pas établie. En effet, la loi 73-55 mentionne seulement que cette distance doit être respectée autant que possible. Cette distance ne sera définitivement obligatoire qu'en 1992.

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Cette même loi, dans son article 17, autorise pour la première fois, la pratique des injections et des vaccinations au sein d'une officine par les pharmaciens ou leurs préparateurs.

Elle supprime l'âge des 25 ans révolus donnant la possibilité aux jeunes diplômés d'ouvrir immédiatement leur officine. Et elle regroupe tous les pharmaciens, quelles que soient leurs activités, en un seul collège 40.

Le code de déontologie actuellement en vigueur en Tunisie fut publié au JORT n° 78 du mardi 25 novembre 1975. C'est le décret n° 75-835 du 14 novembre 1975, signé par le président de la République tunisienne, Habib Bourguiba 41.

Le code de déontologie, bien que précieux en ce temps où il y avait le vide total en matière de déontologie, n'a concerné en fait que le secteur officinal.

Ainsi, la législation pharmaceutique en Tunisie a connu un énorme progrès depuis le décret du 15 juin 1888, véritable texte fondateur qui n'a cependant été mis en application que partiellement, jusqu'à la loi organique du 3 août 1973 actuellement en vigueur.

BIBLIOGRAPHIE

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3. F. Lovy, « Notes sur la vie médicale à Tunis avant l'occupation », La Tunisie Médicale, 1913, n° 5, p. 207-217.

4. R. Jazi, « 1888-1988 : Cent ans de législation pharmaceutique en Tunisie. Réflexions sur l'avenir », Essaydali, 1983, n° 31, p. 5-11.

5. Décret du 15 juin 1888 organisant la profession pharmaceutique, Journal officiel tunisien, jeudi 12 juillet 1888, n° 28.

6. P. Luciani, « Brève histoire de la pharmacie en Tunisie », in Ouvrez cette porte de l'Islam, ouvrage réalisé en Tunisie pour le compte du Syndicat pharmaceutique de Tunisie le 31 octobre 1948, sur les Presses de La Rapide.

7. P. Luciani, La Réglementation de la pharmacie en Tunisie, Sfax, Imprimerie de la Dépêche, 1899, disponible à la Bibliothèque nationale de Tunisie, brochure 1044 Br.

8. Décret du 27 janvier 1897 sur les fraudes et les falsifications, Journal officiel tunisien, samedi 30 janvier 1897

9. P. Lambert, Protectorat français - Régence de Tunis (Nos corps élus), 1913. 10. Décret du 7 novembre 1903 sur la validité des diplômes, Journal officiel tunisien, mercredi 11 novembre 1903, n° 90.

1 1. Décret du 31 mars 1913 réglementant l'exercice de la pharmacie, Journal officiel tunisien, samedi 5 avril 1913, n° 28.

12. Arrêté du 26 avril 1912 fixant les membres de la commission de pharmacie, Journal officiel tunisien, samedi 3 mai 1913, n° 36.

13. J. Bouquet-Bryon, « Autour d'un décret », La Tunisie médicale, avril 1913, n° 4, p. 123-125.

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14. Décret du 14 mars 1914 réglementant l'exercice de la pharmacie, Journal officiel tunisien, mercredi 18 mars 1914, n° 22.

15. Arrêté du 16 avril 1914 sur l'inspection pharmaceutique, Journal officiel tunisien, mercredi 29 avril 1914, n° 34.

16. Décret du 12 avril 1921 réglementant l'exercice de la pharmacie, Journal officiel tunisien, mercredi 20 avril 1921, n° 32.

17. Décret du 10 mars 1927 réglementant l'exercice de la pharmacie, Journal officiel tunisien, samedi 28 mai 1927, n° 43.

18. Décret du 16 mars 1936 réglementant l'exercice de la pharmacie, Journal officiel tunisien, mardi 17 mars 1936, n° 22.

19. Décret du 24 janvier 1938 sur le stage en pharmacie, Journal officiel tunisien, mardi 1er mars 1938.

20. M.M. Zmerli, « Histoire de la pharmacie en Tunisie », Tunis, Essaydali de Tunisie, 1999.

21. H. Sirguey, « La pharmacie tunisienne », in Médecine et médecins de Tunisie de 1902 à 1952, Société des sciences médicales de Tunisie, 1952, p. 261-264.

22. Procès verbaux du Syndicat pharmaceutique de Tunisie. Archives du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens de Tunisie.

23. Décret du 4 juin 1940 complémentant le décret du 30 juillet 1939 relatif à l'exercice de la pharmacie en Tunisie, Journal officiel tunisien, mardi 18 juin 1940, n° 73.

24. Décret du 1er janvier 1942 relatif à la publicité médicale et pharmaceutique et au contrôle des spécialités pharmaceutiques, Journal officiel tunisien, samedi 3 janvier 1942, n° 2.

25. M.M. Zitouna, La Médecine en Tunisie 1881-1994, SIMPACT, sd. 26. Décret du 10 juillet 1947 réglementant l'exercice de la profession de pharmacien, Journal

officiel tunisien, 15 juillet 1947. 27. A. Stambouli, « L'industrie pharmaceutique en Tunisie, son passé, son présent et son ave

nir », Le Pharmacien du Maghreb, juin 1982. Spécial n° 1, p. 12-17. 28. M. El Fekih, « Pharmacie et médicaments. La Politique tunisienne : évolution et législa

tion. 1956-1990 », Essaydali, mars 1991, n° 39, p. 5-10. 29. R. Jazi, Enregistrement effectué dans sa pharmacie d'officine le mercredi 13 juillet 2005

et le samedi 16 juillet 2005. 30. Décret du 31 mars 1956 portant réorganisation de la Pharmacie centrale des Hôpitaux de

Tunisie et décret du 31 mars 1956, fixant la loi des cadres du personnel de la Pharmacie centrale des Hôpitaux de Tunisie, Journal officiel tunisien, 31 mars 1956.

31. Arrêté du ministre de la Santé publique du 31 mars 1956 portant règlement intérieur de la Pharmacie centrale des Hôpitaux de Tunisie, Journal officiel tunisien, 31 mars 1956.

32. Loi n° 58-28 du 10 mars 1958 portant réorganisation de la Pharmacie centrale tunisienne, Journal officiel de la République tunisienne, 11-14 mars 1958.

33. Arrêté du ministre de la Santé publique du 12 mars 1957 instituant les créations de pharmacies de détail, Journal officiel tunisien, 2 avril 1957.

34. Arrêté du Secrétaire d'État à la Santé publique du 16 novembre 1957 portant création d'agences pharmaceutiques rurales, Journal officiel de la République tunisienne, 19 novembre 1957.

35. Décret-loi n° 60-12 du 16 mars 1960 relatif à l'exercice et à l'organisation des professions pharmaceutiques en Tunisie, Journal officiel de la République tunisienne, vendredi 18-mardi 22 mars 1960, n° 14.

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36. Loi n° 61-15 du 31 mai 1961 relative à l'inspection des pharmacies et autres entreprises pharmaceutiques, Journal officiel de la République tunisienne, 2-6 juin 1961.

37. M. El Fekih, « L'industrie pharmaceutique en Tunisie », Essaydali, décembre 1988, n° 30, p. 26-30.

38. « Entretien avec le Dr. Ali Stambouli, PDG de la Pharmacie centrale de Tunisie. Rencontres », Le Pharmacien du Maghreb, février 1982, n° 1, p. 29-31.

39. Loi n° 69-54 du 26 juillet 1969 portant réglementation des substances vénéneuses, Journal officiel de la République tunisienne, 5 août 1969.

40. Loi n° 73-55 du 3 août 1973 organisant les professions pharmaceutiques, Journal officiel de la République tunisienne, vendredi 10-mardi 14 août 1973, n° 30.

41. Décret n° 75-835 du 14 novembre 1975 portant Code de déontologie pharmaceutique, Journal officiel de la République tunisienne, 25 novembre 1975.

Résumé

Décret du 15 juin 1888, premier décret réglementant l'exercice de la pharmacie en Tunisie, et évolution de la législation pharmaceutique avant et après l'indépendance En 1881, le Protectorat français est établi sur la Tunisie dont l'indépendance ne sera officiellement déclarée que le 20 mars 1956. Dans cet article, nous décrivons le contenu du décret du 15 juin 1888, premier texte légiférant l'exercice de la pharmacie en Tunisie. L'institution de ce décret, véritable texte fondateur, n'a cependant pas mis fin à l'exercice illégal de la profession dans la Régence. Ceci pourrait s'expliquer par les quelques insuffisances du texte, l'incapacité du législateur à appliquer la loi, l'ignorance et l'inadvertance des diplomates ou encore le « régime des capitulations » qui, en bloquant l'inspection pharmaceutique, donnait libre cours à tous les contrevenants. Une telle situation a conduit à la promulgation, au fil des années, d'un ensemble de textes de lois qui ont permis progressivement une meilleure organisation de la profession pharmaceutique dans la Régence. Le progrès ainsi connu par la législation pharmaceutique tout au long du Protectorat français s'est poursuivi après l'indépendance de la Tunisie. En témoigne la loi 73-55 du 3 août 1973 actuellement en vigueur.

Summary

The decree of June 15th, 1888, the first text that legislates the pharmacy practice in Tunisia and the progress of the pharmaceutical legislation before and after the independence - In 1881, the French protectorate is established in Tunisia whose independence will not be officially declared before March 20th, 1956. This article presents the content of the decree of June 15th, 1888, the first text that legislates pharmacy practice in Tunisia. The publication of this decree, a real fundamental text, did not put an end to the illegal practice of pharmacy in the Regency, which could be explained by the few shortcomings of the text, the legislator's inability to implement the law, the ignorance and the inadvertency of the diplomats, and also the "regime of the surrenders" (le régime des capitulations) which, by preventing the pharmaceutical inspection, gave free rein to all the offenders. This situation led in the course of time to the promulgation of a number of laws which progressively allowed a better organization of the pharmaceutical profession in the Regency. The progress made by the pharmaceutical legislation throughout the French protectorate continued after the independence of Tunisia as is attested by the law number 73-55 of August 3rd, 1973 which is still in use at present.

Mots-clés

Tunisie, décret du 15 juin 1888, régence de Tunis, réglementation pharmaceutique.