14
Dégradation anaérobie des hydrocarbures Objectifs : Montrer l’importance de la diversité du métabolisme anaérobie Donner des exemples de dégradation de substances considérées récalcitrantes en anaérobiose Pré-requis Paramètres physico-chimiques influençant la croissance bactérienne http://www.sou.edu/biology/courses/bi214/lect7.htm Métabolismes anaérobies http://www.bact.wisc.edu/Microtextbook/modules.php? op=modload&name=Sections&file=index&req=viewarticle&artid=56&page =1 Variations d’énergie libre http://www.bact.wisc.edu/Microtextbook/modules.php? op=modload&name=Sections&file=index&req=viewarticle&artid=7&page= 1 Définition des hydrocarbures

Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Objectifs :

Montrer l’importance de la diversité du métabolisme anaérobie

Donner des exemples de dégradation de substances considérées récalcitrantes en anaérobiose

Pré-requis

Paramètres physico-chimiques influençant la croissance bactérienne

  http://www.sou.edu/biology/courses/bi214/lect7.htm

Métabolismes anaérobies

 http://www.bact.wisc.edu/Microtextbook/modules.php?

op=modload&name=Sections&file=index&req=viewarticle&artid=56&page=1

Variations d’énergie libre

http://www.bact.wisc.edu/Microtextbook/modules.php?

op=modload&name=Sections&file=index&req=viewarticle&artid=7&page=1

Définition des hydrocarbures

http://www.wordiq.com/definition/Hydrocarbon

Dégradation anaérobie des hydrocarbures

1. Introduction

Les environnements anoxiques sont répandus dans la nature. En effet, de tels environnements

sont fréquents dans les sédiments et les eaux, et même dans les sols bien aérés où des micro-

niches anaérobies sont présentes. Les conditions anaérobies apparaissent dans les biotopes

naturels lorsque la consommation d’oxygène par les microorganismes est supérieur à sa

Page 2: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

diffusion. Dans un sédiment par exemple l’oxygène n’est souvent présent que dans les premiers

millimètres (cf. figure 1).

Figure 1 : Gradient d’oxygène et de sulfure, et potentiel redox dans un tapis microbien

d’un sédiment

Dans les environnements anoxiques la biodégradation de la matière organique est effectuée par

des mécanismes métaboliques différents de la respiration aérobie, à savoir fermentations et

respirations anaérobies. La répartition des respirations anaérobies est liée à la disponibilité des

accepteurs d’électrons et à la compétition entre microorganismes pour ces accepteurs d’électrons.

Les principaux accepteurs finaux d’électrons sont, par ordre de préférence en fonction de la

thermodynamique, le nitrate, le manganèse, le fer, le sulfate, et le dioxyde de carbone.

Les hydrocarbures constituent un exemple de matière organique, et peuvent être présents dans

des environnements anoxiques. L’origine de ces hydrocarbures peut être biogène (les alcènes et

monoterpènes sont par exemple des hydrocarbures biogènes) ou pétrolière. Des pollutions

importantes par les hydrocarbures des environnements naturels sont liées au transport et au

stockage du pétrole et des produits dérivés.

Exemple de la pollution d’un aquifère suite à une fuite d’un conteneur et localisation des

différents métabolismes qui peuvent intervenir dans la dégradation des hydrocarbures (cf. figure

2).

Suite à une consommation rapide de l’oxygène liée à l’apport d’hydrocarbures au niveau du site

pollué, des conditions anoxiques apparaissent qui favorisent la dégradation anaérobie des

hydrocarbures. Dans ces conditions différents métabolismes anaérobies se succèdent. Cette

séquence est la conséquence de l’épuisement progressif des différents accepteurs finaux

d’électrons.

Figure 2 : Répartition des hydrocarbures aromatiques suite à une pollution par un

conteneur de station essence. La pollution se propage horizontalement avec le courant

d’eau de l’aquifère et verticalement dans le sol pour les composés volatils. La

biorémédiation peut être suivie notamment par la répartition des activités microbiennes.

Page 3: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Quelles sont nos connaissances sur le devenir des hydrocarbures dans les

environnements anoxiques ?

 

2. La biodégradation des hydrocarbures aliphatiques et aromatiques en absence

d’oxygène

L’oxydation des hydrocarbures en absence d’oxygène a été sujet à controverse jusqu’à

récemment. Ce n’est que depuis la fin des années 80 que des travaux ont démontré que diverses

bactéries anaérobies sont capables de se développer avec des hydrocarbures comme source de

carbone et d’énergie, c’est-à-dire de dégrader des hydrocarbures. La démonstration de la

dégradation des hydrocarbures a été apportée au cours de l’étude de cultures d’enrichissement ou

de cultures pures de bactéries.

2.1. Mise en évidence d’une dégradation d’hydrocarbures en conditions

anoxiques

La mise en évidence de la dégradation d’un hydrocarbure peut être effectuée indirectement en

dosant un produit bactérien en présence et en absence de l’hydrocarbure.

Exemples de cultures d’enrichissement réalisées en conditions de sulfato-réduction et en

conditions de méthanogenèse.

Exemple 1 : en conditions de sulfato-réduction

 

Figure 3 : Suivi de la production de sulfure par une culture d’enrichissement incubée à

l’abris de la lumière dans un milieu contenant 5 mM de sulfate et un hydrocarbure (1-

octadecène) comme seule source de carbone.

Page 4: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Cercles pleins : essais avec hydrocarbure, cercles blanc : témoins sans hydrocarbure. La flèche

indique une addition de sulfate dans les essais et témoins.

Au cours de cette expérience (figure 3), l’utilisation d’un milieu réduit contenant du sulfate

favorise le développement des bactéries sulfato-réductrices.

Les résultats présentés (figure 3) montrent que la production de sulfure est liée à la présence de

l’hydrocarbure. Ainsi, la dégradation de l’hydrocarbure est soit directement liée à l’activité des

bactéries sulfato-réductrices, soit à l’activité d’une communauté bactérienne qui fournit des

nutriments aux bactéries sulfato-réductrices.

Exemple 2 : en conditions de méthanogenèse

Figure 4 : Suivi de la production de gaz dans des cultures d’enrichissement (54 ml

culture/100 ml récipient) établies en conditions de méthanogenèse et incubées à l’abris de la

lumière.

Cercles pleins : essais avec hydrocarbure (1-octadecène), cercles blanc : témoins sans

hydrocarbure.

Les conditions de méthanogenèse sont caractérisées par l’absence d’accepteur final d’électrons

autre que le carbonate dans un milieu de culture réduit.

Le suivi de la production de gaz dans les cultures d’enrichissement est présenté dans la figure 4.

L’analyse des gaz produits révèle la présence de méthane et de CO2. Cette production de gaz est

liée à la présence de l’hydrocarbure. Dans cette expérience, la méthanogenèse stimulée par la

présence de l’hydrocarbure témoigne de la dégradation de ce substrat.

2.2. Dégradation des hydrocarbures par des cultures d’enrichissement ou des

souches pures de bactéries

Page 5: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Les expériences précédentes mettent en évidence une dégradation d’hydrocarbures en absence

d’oxygène. Il est cependant nécessaire de démontrer que l’hydrocarbure est réellement dégradé.

Cette démonstration peut être effectuée par des dosages de l’hydrocarbure, du donneur et de

l’accepteur d’électrons, au début et en fin d’incubation d’une culture d’enrichissement ou d’une

culture d’une souche bactérienne. Les résultats expérimentaux sont ensuite confrontés à

l’équation théorique de l’oxydation de l’hydrocarbure qui peut être calculée (bilan énergétique ne

tenant pas compte de la biomasse formée).

Exemple pour l’oxydation du toluène (C7H8) :

en conditions de dénitrification : C7H8 + 7.2 NO3- + 0.2 H+ --> 7 HCO3

- + 3.6 N2+ 0.6 H2O

en conditions de sulfato-réduction : C7H8 + 4.5 SO42- + 3 H2O --> 7 HCO3

- + 4.5 HS- + 2.5 H+

L’utilisation d’un hydrocarbure marqué radioactivement permet de confirmer la dégradation.

La dégradation d’hydrocarbures en absence d’oxygène a pu être ainsi démontrée avec des

cultures d’enrichissement et des cultures pures de bactéries. Les microorganismes impliqués ont

des types trophiques très divers (cf. figure 5). L’essentiel des travaux concerne la dégradation en

conditions de dénitrification et de sulfato-réduction. Un travail relativement récent (1999)

démontre la dégradation du toluène par une souche pure de bactéries phototrophes

anoxygéniques. Cette souche, Blastochloris sulfoviridis ToP1, utilise le toluène en absence

d’oxygène avec la lumière comme source d’énergie (le toluène représente le donneur

d’électrons). Par ailleurs plusieurs travaux ont démontré la dégradation d’hydrocarbures en

conditions de méthanogenèse. Les bactéries méthanogènes sont incapables d’oxyder des

molécules complexes, ainsi l’oxydation de ces hydrocarbures impliquerait un transfert inter-

espèces d’électrons appelé syntrophie. Dans une telle syntrophie, une souche bactérienne oxyde

l’hydrocarbure avec par exemple production d’hydrogène. Cet hydrogène doit alors être

impérativement consommé par une souche de bactéries méthanogènes pour que la réaction soit

rentable sur le plan énergétique.

  Qu'est ce que la syntrophie ? Voir The Prokaryotes

Page 6: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Les souches bactériennes connues pour leur capacité à dégrader des hydrocarbures sont peu

nombreuses (tableau 1). Ces souches dégradent soit des hydrocarbures aliphatiques soit des

hydrocarbures aromatiques. Le spectre d’hydrocarbures dégradés par chaque souche est très

restreint. En revanche les hydrocarbures connus pour être dégradés sont très nombreux (cf.

tableau 2).

Figure 5 : Les différentes possibilités pour l’utilisation des hydrocarbures.

Les organismes chimiotrophes oxydent une fraction de l’hydrocarbure pour la production

d’énergie et une fraction pour la production de biomasse. Les flèches en forme d’éclair

représentent l’étape d’activation de l’hydrocarbure. Cette étape est bien connue dans le cas des

microorganismes chimiotrophes aérobies lesquels attaquent l’hydrocarbure par fixation

d’oxygène.

Tableau 1 : Souches bactériennes anaérobies capables d’utiliser des hydrocarbures comme

source de carbone

Tableau 2 : Hydrocarbures biodégradés en absence d’oxygène

3. Mécanismes de biodégradation anaérobie des hydrocarbures

En présence d’oxygène, les microorganismes convertissent l’hydrocarbure, molécule apolaire, en

une molécule polaire en introduisant dans la chaîne carbonée une fonction hydroxyle suite à une

réaction d’oxygénation (figure 5). En absence d’oxygène d’autres stratégies de dégradation de

l’hydrocarbure sont utilisées.

3.1. Les réactions initiales de l’oxydation d’hydrocarbures en absence d’oxygène

Page 7: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Jusqu’à présent quatre mécanismes d’activation d’hydrocarbures en absence d’oxygène ont été

mis en évidence (figure 6). L’addition de fumarate semble être la stratégie la plus commune. En

effet, cette stratégie est utilisée par des bactéries dénitrifiantes et sulfato-réductrices pour

l’attaque de quelques hydrocarbures monoaromatiques, polyaromatiques et également

d’hydrocarbures aliphatiques linéaires et alicycliques (figure 6a-e). La carboxylation, autre

mécanisme d’activation, a été mise en évidence chez les bactéries sulfato-réductrices dans le cas

de l’attaque d’hydrocarbures polyaromatiques et d’un hydrocarbure aliphatique linéaire,

l’hexadécane (figure 6f-h). La deshydrogénation a été démontrée dans le cas de souches de

bactéries dénitrifiantes dégradant l’éthylbenzène et le propylbenzène (figure 6i). Récemment (en

2002), un quatrième mécanisme d’activation qui consiste en une hydratation a été mis en

évidence chez une souche dénitrifiante oxydant le squalène, un alcène ramifié biogène (figure

6j).

Un même hydrocarbure peut donc être oxydé de différentes manières en fonction des bactéries

impliquées.

Figure 6 : Réactions initiales de dégradation d’hydrocarbures.

(a – e), mécanisme d’activation par réaction radicalaire de l’hydrocarbure avec le fumarate, pour

former des succinates substitués ;

(f – h), étape initiale de dégradation caractérisée par une carboxylation ; (i) déshydrogénation et

(j) hydratation comme premières étapes d’oxydation en anaérobiose.

3.2. La voie de dégradation des alcanes

L’hypothèse historique concernant la dégradation des alcanes en absence d’oxygène est la

suivante : l’alcane est réduit en alcène, puis la double liaison ainsi introduite est hydratée avec

formation d’un alcool. L’alcool est ensuite oxydé en aldéhyde puis en acide gras, lequel est

dégradé par bêta-oxydation.

Cette hypothèse a été remise en question en 1998. Des études réalisées avec quelques souches

pures de bactéries anaérobies ont en effet montré que les alcènes ne sont pas des intermédiaires

de la dégradation des alcanes. Par la suite, l’étape initiale d’attaque des alcanes a été élucidée.

Page 8: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

Une carboxylation (addition de CO2) sur un carbone en position 3 (C3) de l’alcane représente

cette étape initiale pour une souche bactérienne alors que pour d’autres souches, il s’agirait d’une

addition de fumarate. En résumé, en absence d’oxygène, des voies différentes d’attaque des

alcanes sont utilisées (carboxylation ou addition de fumarate) en fonction des bactéries

impliquées. Les voies peuvent être différentes même pour des souches bactériennes

phylogénétiquement proches.

Pour information : un exemple de voie proposée pour la dégradation des alcanes par une souche

de bactéries sulfato-réductrices, Desulfatibacillum aliphaticivorans CV2803 (figure 7).

Pour la souche CV2803, la réaction initiale de l’attaque de l’alcane est une addition de fumarate.

L’alkylsuccinate formé subit un réarrangement et une décarboxylation d’où l’obtention d’un

acide gras ramifié avec un groupement méthyle en C4. Ce dernier est transformé par bêta-

oxydation en acide gras ramifié avec un groupement méthyle en position C2. Cet acide gras

méthylé en C2 subit une séquence de bêta-oxydation pour former un acide gras linéaire avec

vraisemblablement régénération du fumarate, l’acide gras linéaire étant complètement oxydé par

bêta-oxydation.

Figure 7 : Voie proposée de dégradation des n-alcanes en absence d’oxygène par la souche

CV2803

4. Applications : biorémédiation des hydrocarbures dans les environnements

naturels anoxiques

4.1. Evaluation des potentialités de biorémédiation d’un environnement anoxique

La connaissance du métabolisme des hydrocarbures permet de mettre en évidence la présence

directe ou indirecte de bactéries capables de dégrader des hydrocarbures in situ.

La benzylsuccinate synthase, enzyme responsable de l’attaque anaérobie du toluène et des

xylènes (par addition de fumarate) a été caractérisée et le gène correspondant a été identifié en

1998 (gène bssA). La mise en évidence de ce gène catabolique in situ permet de conclure à la

présence de bactéries capables de dégrader des hydrocarbures. Actuellement, c’est le seul gène

Page 9: Dégradation anaérobie des hydrocarbures

fonctionnel permettant de cibler quelques bactéries dégradant les hydrocarbures en anaérobiose,

bactéries possèdant le gène catabolique de la benzylsuccinate synthase.

Les possibilités de biorémédiation peuvent être évaluées par une seconde stratégie qui consiste à

mettre en évidence dans les milieux naturels les métabolites de la dégradation d’hydrocarbures.

Une étude récente (2002), effectuée sur 6 aquifères contaminés montre la présence

d’alkylsuccinates et d’alkylbenzylsuccinates, indicateurs de la dégradation d’alcanes et des TEX

(toluène, ethylbenzène, xylènes) respectivement. De plus, d’autres acides comme l’acide 2

naphtoïque, intermédiaire de la dégradation du naphtalène par carboxylation, a pu être mis en

évidence dans cette même étude.

4.2. Biorémédiation dans les aquifères

 La biorémédiation in situ d’un environnement peut être favorisée par biostimulation. Dans les

aquifères par exemple, les accepteurs finaux d’électrons sont souvent limitant et les activités

microbiennes peuvent être stimulées par injection d’accepteurs d’électrons comme l’oxygène, le

nitrate ou le sulfate. Une injection d’oxygène est coûteuse et peu efficace en raison de la faible

solubilité de l’oxygène dans l’eau. Des injections d’accepteurs finaux d’électrons plus solubles

comme le nitrate et le sulfate ont été testées. Des études montrent que l’injection simultanée de

nitrate et de sulfate est plus efficace qu’une injection d’un seul accepteur d’électrons. Par ce

biais, d’une part le pool d’accepteurs finaux d’électrons est considérablement augmenté, sans

dépasser le seuil raisonnable d’introduction de chacun de ces produits dans un aquifère, et,

d’autre part, des communautés microbiennes différentes sont stimulées ce qui laisse présager une

meilleure dégradation. En effet, il a été montré, par exemple, que l’ajout de sulfate dans un

aquifère favorise la dégradation des xylènes parmi les hydrocarbures mono-aromatiques, et que

le nitrate favorise celle de l’éthylbenzène.