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FACTEURS DE LA PERFORMANCE VALIDATION D ' UN SYSTEME D ' ENTRAÎNEMENT EN MUSCULATION PAR J. SIMON, H. JULLIEN Quelle fiabilité accorder aux méthodes d'entraîné- ment modernes en musculation ? Des ouvrages de vulgarisa- tion nous assurent des résultats rapides et significatifs. Ont-ils toutefois un caractère scientifique ? La méthode pause/repos peut-elle avoir un intérêt pour les sportifs dans une perspective de prépara- tion physique ? L'étude de la lit- térature (L 2, 3, 4, 5) montre un cloisonnement restrictif quant aux systèmes utilisés en muscula- tion. Souvent à des fins de perfor- mance (athlétisme, cyclisme, natation, sports collectifs, etc.), ces principes semblent s'auto- suffire. Toutes les recherches réalisées jusqu'ici concluent à deux prin- cipes de développement de la force maximale, définie par la charge maximale soulevée une fois (l RM): - travail de coordination inter- musculaire avec une intensité égale à 90-95 % de 1 RM ; - travail de prise de masse muscu- laire avec une intensité allant de 70 à 85 % de 1 RM. Mike Ment- zer, adepte des méthodes lourdes des années 1970-80. actuellement entraîneur aux USA. a tenté de varier son entraînement et certifie avoir des gains surprenants grâce à une méthode : le système pause/repos (encadré 1 ) qui fit sa première apparition dans le magazine Muscle Builder au début des années 1950. Les powerlifters se jetèrent avide- ment sur ce système qui dévelop- pait soi-disant force et volume musculaires. Ce système d'entraînement semble coupler la prise de masse corporelle et le gain de force maximale en respectant deux principes : - le développement de la force grâce aux intensités élevées d'en- traînement ; - l'hypertrophie musculaire, pro- voquée par l'accumulation de la fatigue durant les séries cumulées et le recrutement d'un nombre maximal de fibres musculaires. 1. Principe de la méthode pause/repos (selon M. Mentzer, 1979) Intensité : 95-100 % de 1 RM. Durée de cycle : 4 à 6 semai- nes. Volume d'entraînement : 1 à 3 séries par muscle. Nombre de répétitions par série : 4 à 5 maximum. Récupération entre les répéti- tions : 10 à 15 secondes. Récupération entre les séries : 1 min 30. Récupération entre les séan- ces : 1 semaine entre chaque entraînement du même muscle. 1. Épreuve de force maximale ; fin de mouvement du curl à la barre droite. EPS N" 294 - MARS-AVRIL 2002 33 Revue EP.S n°294 Mars-Avril 2002 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé

D'ENTRAÎNEMEN T EN MUSCULATION

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FACTEURS DE LA PERFORMANCE

VALIDATION D'UN SYSTEME D'ENTRAÎNEMENT EN MUSCULATION

PAR J. SIMON, H. JULLIEN

Quelle fiabilité

accorder aux

méthodes d'entraîné-

ment modernes en

musculat ion ? Des

ouvrages de vulgarisa­

tion nous assurent des

résultats rapides et

significatifs. Ont-ils

toutefois un caractère

scientifique ?

La méthode pause/repos peut-elle avoir un intérêt pour les sportifs dans une perspective de prépara­tion physique ? L'étude de la lit­térature (L 2, 3, 4, 5) montre un cloisonnement restrictif quant aux systèmes utilisés en muscula­tion. Souvent à des fins de perfor­mance (a th lé t i sme , cyc l i sme , natation, sports collectifs, etc.), ces principes semblent s 'auto-suffire.

Toutes les recherches réalisées jusqu'ici concluent à deux prin­cipes de déve loppement de la force maximale, définie par la charge maximale soulevée une fois (l R M ) : - travail de coordination inter­muscula i re avec une intensité égale à 90-95 % de 1 RM ; - travail de prise de masse muscu­laire avec une intensité allant de 70 à 85 % de 1 RM. Mike Ment-zer, adepte des méthodes lourdes

des années 1970-80. actuellement entraîneur aux USA. a tenté de varier son entraînement et certifie avoir des gains surprenants grâce à une mé t h o d e : le sy s t ème pause/repos (encadré 1 ) qui fit sa p r e m i è r e appar i t ion dans le magaz ine Muscle Builder au début des années 1950. Les powerlifters se je tèrent avide­ment sur ce système qui dévelop­pait soi-disant force et volume musculaires.

Ce sys t ème d ' e n t r a î n e m e n t semble coupler la prise de masse corpore l le et le gain de force maximale en respec tan t deux principes : - le développement de la force grâce aux intensités élevées d'en­traînement ; - l'hypertrophie musculaire, pro­voquée par l'accumulation de la fatigue durant les séries cumulées et le recrutement d 'un nombre maximal de fibres musculaires.

1. Principe de la méthode pause/repos (selon M. Mentzer, 1979)

Intensité : 95-100 % de 1 RM. Durée de cycle : 4 à 6 semai­nes. Volume d'entraînement : 1 à 3 séries par muscle. Nombre de répétitions par série : 4 à 5 maximum.

Récupération entre les répéti­tions : 10 à 15 secondes. Récupération entre les séries : 1 min 30.

Récupération entre les séan­ces : 1 semaine entre chaque entraînement du même muscle.

1. Épreuve de force maximale ; fin de mouvement du curl à la barre droite.

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De plus, le volume de travail peu important (environ 20 minutes par séance) laisse du temps libre pour l'athlète. Mentzer avertit les futurs utilisa­teurs de sa méthode sur l ' exi ­gence d 'un niveau d 'en t ra îne­ment é levé et c o m m e il le mentionne, seuls les bons doivent l'essayer. Cet ave r t i s semen t induit deux modalités incontour­nables : - l ' intensi té de l 'entra înement demande un niveau d'expérience suffisamment élevé pour éviter les blessures : - la validation du système pause/ repos, en comparaison avec les résultats annoncés par Mentzer ne pourra se faire qu 'avec des sujets ayant au moins deux à trois ans de pratique régulière d'entraî­nement à la musculation. Ces deux r e c o m m a n d a t i o n s émises par l ' a u t e u r de ce t te méthode nous ont amené dans notre étude à choisir de façon très précise nos sujets.

HYPOTHÈSES D 'ÉTUDE

Mentzer a présenté et proposé sa mé thode aux p ra t i c i ens de maniè re empi r ique sans q u ' à aucun moment il ne la passe au crible de la véracité scientifique. Afin d'envisager une étude sur cette méthode, nous sommes par­tis de ces résultats empiriques et avons ressorti de cette méthode trois points d'étude. • Un entraînement efficace per­met un développement équilibré des deux qualités force et vitesse (fig. 1 ). La méthode pause/repos demande un travail isocinétique lent à charges très lourdes. La v i tesse n ' e s t pas déve loppée

durant le cycle. Une des deux qualités est donc occultée. Théo­riquement, la puissance ne peut donc pas être développée effica­cement en système pause/repos. • Une des caractéristiques qui fit perdre au système pause/repos sa notoriété fut la prise de tissu adi­peux (6), conséquent d'une faible dépense ca lor ique durant les séances . Les powerl i f ters ont donc abandonné cette méthode. En contrepartie, Mentzer annonce un gain notable de masse muscu­laire en quatre semaines. Cepen­dant, les travaux effectués jusqu'à présent démontrent que la masse musculaire se développe pour une intensité de 70 à 80 % de 1 RM, intensité optimale pour réaliser 6 à 12 répétitions jusqu ' à provo­quer la fatigue. L'intensité de 95-100 % de 1 RM n'est-elle pas trop importante pour stimuler l'hyper­trophie ? Le faible volume de tra­vail est-il suffisant pour provo­quer fat igue muscu la i r e et développement hypertrophique ?

• Pour le gain de la force maxi­male M. Mentzer, annonce un gain moyen de 66,66 % dans tous les exercices, ce qui correspond pour un athlète soulevant 200 kg au squat un gain de 133,32 kg et une performance au bout de 4 à 6 semaines égale à 333,32 kg ! Ces gains paraissent impression­nants pour un athlète de niveau conf i rmé ; commen t peut- i l atteindre un tel gain en si peu de temps '? À la lecture de ces remarques, un cer ta in nombre d ' h y p o t h è s e s vont sous-tendre le travail de vali­dité de cette méthode que nous avons entrepris (encadré 2). L'en­semble de ces hypothèses doit nous éclairer sur l'originalité et la validité probable de la méthode pause/repos dans son principe de développement musculaire. La validation de celle-ci ouvrirait de nouvelles voies pour le milieu de la préparation physique ou l'en­traînement sportif de haut niveau.

EXPÉRIMENTATION

Choix des sujets

16 sujets sportifs confirmés, gar­çons et filles, formèrent 2 groupes de 8 athlètes.

Le groupe témoin a t ravai l lé sur des m é t h o d e s c l a s s iques (10 x 10, méthode bulgare). L'en­semble des athlètes était âgé de 23 ans ± 2.8 ans. Leur taille était de 1 m 74 ± 0,1 m pour 71 kg 95 ± 14,95 kg. Tous pratiquaient la musculation depuis 3,6 années ± 1,4 année.

Le groupe expérimental a tra­vaillé en pause/repos. L'ensemble des athlètes était âgé de 24 ans ± 5 ans. Leur taille était de 1 m 77 ± 0,1 m p o u r 74 ,1 1 kg ± 14.08 kg. Tous pratiquaient la musculation depuis 3,25 années ± 0.71 année.

Tous les sujets devaient avoir un passé en musculation pour éviter que les débuts d 'un athlète ne faussent les résultats (progrès rapides dus à une inadaptation à la muscu la t ion) . La nature et l'objectif de l 'étude avaient été expliqués avant la participation à l 'expérimentation. L'ensemble des a th lè t e s avai t donné son accord et paraissait curieux de vérifier les hypothèses.

Matériel et tests

Tests anthropométriques La mesure des plis cutanés per­met d 'évaluer la masse grasse totale corporelle. Elle est réalisée avec une pince de type Harpen-den afin d'estimer le pourcentage

de masse grasse (encadré 3). Les tes ts é ta ien t réa l i sés sur une moyenne de trois mesures . La mesure des plis cutanés permet de différencier la prise de niasse grasse et la pr i se de masse maigre. Les mensurations sont prises à l'aide d'un mètre ruban (longueur 2 m) et d'un pied à coulisse aux différentes régions anatomiques suivantes : c i rconférences de l'aisselle, du biceps, du coude, de l'avant-bras, de la cuisse (circon­férence maximale), milieu de la cuisse, des mollets (circonférence maximale), le tour de taille et le tour de hanche mais également la longueur du bras et de la jambe. Au niveau des mensu ra t i ons osseuses, nous avons mesuré les circonférences sous-rotulienne de la chevi l le (c i rconfé rence

3. Test de mesure de la masse grasse

Les régions de mesure des plis cutanés les plus fréquemment utilisés sont : - le milieu de la face postérieure du bras (pli tricipital), - le milieu de la face antérieure du bras, le bras reposant sur la cuisse (pli bicipital), - juste au-dessus de la crête iliaque sur la ligne axillaire moyenne (pli supra-iliaque), - juste sous l 'omoplate à un angle de 45° avec la verticale (pli sous-scapulaire). Les valeurs des plis cu tanés sont exprimées en millimètres (7). La saisie du pli cutané est ferme entre le pouce et l'index en excluant le tissu musculaire. Les mâchoires de la pince doi­vent toujours exercer une ten­sion de 10 g/mm 2 (10 kPa). Il est usuel de faire la somme des quatre plis qui, par l'intermé­diaire d 'une table, évalue le pourcentage de masse grasse.

2. Hypothèses de départ

H y p o t h è s e 1 : a n a l y s e d e s effets de la mé thode p a u s e / repos en force maximale. Questionnement : des athlètes confirmés peuvent-ils progresser de 66.66 % durant une période de 4 à 6 semaines ?

H y p o t h è s e 2 : a n a l y s e d e s effets de l'entraînement pause/ repos sur le volume musculaire et le taux adipeux. Questionnement : le système pause/repos peut-il stimuler la croissance musculaire avec une in tensi té aus s i é l evée et un volume total de travail si faible, et

ce, s ans engendrer la prise de masse grasse ?

Hypothèse 3 : analyse des effets de la méthode pause/repos sur la puissance musculaire. Questionnement : le travail unique de la force maximale peut-il permettre un gain de puis­sance sans le coupler avec un travail de vitesse ?

Hypothèse 4 : comparaison de l'efficacité du pause/repos avec des méthodes classiques (groupe témoin). Questionnement : le système pause/repos est-il plus efficace qu'une méthode traditionnelle ?

Fig. 1 - La puissance correspond au rapport force/vitesse. Elle est maximale pour des valeurs de l'ordre de 35% du maximum des deux qualités physiques (Pradet, 1996).

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minimale) , sus-styloïdienne et aussi le diamètre intercondylien du coude et du genou. Pour les m e s u r e s de masse to t a l e , les sujets e'taient pese's sur une balance digitale de compétition. L 'ensemble des données a été traité sur ordinateur grâce aux logiciels Anthropo et Bodyfit 1.1.

Tests de force maximale La salle de musculation présen­tait des bar res o l y m p i q u e s (20 kg), des barres de 12 kg pour les tests de développé-couché et de curl à la barre (barres droites). Les poids étaient étalonnés sur 25 kg, 20, 15, 10, 5, 2,5 kg, 2, 1,250 kg, 1,5 kg. L'ensemble des tests utilisait :

- des mach ine s avec pou l i e s métalliques pour le leg curl, - une machine à traction dos, - une presse à 45°. - des bancs olympiques pour le développé-couché. • Le curl à la barre mesurait la force des fléchisseurs du bras sur I RM. Le critère de réussite était de toucher la poi t r ine avec la barre droite. Le mouvement s'ef­fectuai t dépar t b ras t endus (180°). doigts placés aux empla­cements prévus par les barres. Le dos était bloqué contre le mur pour év i te r les bascu le s en arrière. • Le leg curl mesurait la force des ischio-jambiers sur 1 RM. Les mains étaient bloquées durant tout le mouvement. Le test était validé lorsque l 'angle ischios/ mollets est égal à 90°. • La presse à 45° mesurait la force développée par les quadriceps (ischios secondaires). Le départ se faisait sur une angulation mol-lets/ischios de 60°. Le test était validé lorsque les jambes étaient étendues à 180°. Les mains res­taient b loquées durant tout le mouvement. Ce test individuali­sait la participation des quadri­ceps. contrairement au squat qui fait intervenir l 'ensemble de la musculature. • Le développé-couché mesurait la force sur 1 RM des pectoraux (triceps secondaires). Le départ se faisait b ras t endus à 180°. mains fixes aux emplacements prévus sur la barre olympique. L'athlète descendait la barre et touchait la poitrine sans rebond. La remontée se faisait bras tendus sans aide extérieure. • Le tirage clavicules sollicitait essentiellement le grand dorsal. Le départ se faisait bras tendus, mains à largeur d'épaule +10 cm. La barre devait toucher la poitrine sans balancement en arrière. Tous les tests de force maximale

étaient précédés d'un échauffe-ment cardio-vasculaire et ventila-toire (6 min. d'ergocycle). d'éti-r e m e n t s et de 2 séries de 20 répétitions à 40 % et 50 % de 1 RM. La r écupé ra t ion en t re chaque mesure var ia i t en t re 2 min 30 et 3 minutes (temps suf­fisant pour une récupération de force maximale).

Analyse de la puissance Elle était réalisée sur deux séries de tests. • Une sur tapis de Bosco (8). Pour chaque saut (trois sauts diffé­r en t s ) , les sujets avaient une démonstration et un saut d'essai (compréhension suffisante sans effet d'apprentissage qui pourrait fausser les résultats de l'étude). Les tes ts é ta ient réa l i sés aux m ê m e s j o u r s et heures de la semaine dans la première série comme dans la seconde. Les tests n'étaient précédés d'aucune acti­vité physique préalable. La suc­cession des tests s'effectuait de sorte que l 'épreuve la plus fati­gante soit p lacée à la fin. Le temps de récupération entre les sauts correspondait au temps de pas sage des au t res a th l è t e s . L'ordre de passage des athlètes entre les tests était randomisé.

• Une qui mesurait la puissance mécanique maximale d 'un ath­lète sur un tirage sur rameur digi­tal à tirage central (puissance en wa t t s ) , avec r é s i s t ance à air réglable par un volet latéral.

MÉTHODE

Deux séries de tests sont effec­tuées : avant et après un cycle d'entraînement. Les tests s'éche­lonnent sur quinze jours. Chaque athlète avait cinq semaines d'en­traînement entre les deux séries de tests (durée correspondant à un c o m p r o m i s en t re les 4 à 6 semaines prévues par Mentzer).

Programme d'entraînement du groupe expérimental

Les athlètes poursuivaient trois entraînements par semaine à rai­son d'un entraînement par muscle et par semaine respec tan t les p r inc ipes de la mé thode pause/repos. • Une séance où étaient sollicités les pectoraux avec deux séries de développés-couches et une série d'écartés : - les dorsaux avec deux séries de tirages clavicules (en pronation) et une série de tirages horizon­taux à la poulie basse ; - les trapèzes avec deux séries d ' é l é v a t i o n s avec une bar re droite.

• Une séance qui développait : - les quadriceps avec deux séries à la presse à 45° et une série de leg extension : - les ischio-jambiers avec deux séries de leg curl ; - les mollets avec deux séries de Hack squat jambes tendues couplé avec une série d'élévations debout. • Une séance qui comprenait : - les de l to ïdes avec une série d'élévations arrière (« l'oiseau ») et une série d'élévations alterna­tives latérales avec haltères ; - les biceps avec deux séries de curl à la barre droite ; - les triceps avec une série de dips au banc avec jambes surélevées et charges couplées avec une série de développés-couches en prises serrées. Des conseils avaient été prescrits aux athlètes : - un échauffement général cardio-vasculaire et ventilatoire à l'ergo-cycle (6 à 7 minutes environ), - un échauffement spécif ique (rachis, épaules).

- un échauffement aux exercices avec 2 x 20 répétitions à 40-50 % de 1 RM. l 'obligation de boire avant d 'avoir soif (100-200 ml tous les 1/4 d'heure), - des étirements en fin de séance, une douche de récupération.

Statistiques

Pour c o m p a r e r les va r i ab les concernant la force maximale, la pu i s s ance m é c a n i q u e des m e m b r e s i n f é r i e u r s et les m e s u r e s a n t h r o p o m é t r i q u e s obtenues pour les deux groupes avant et après l ' en t ra înement , nous avons utilisé une analyse de variance à deux facteurs (fac­teur 1 « entraînement », avant et après ; fac teur 2 « g roupe », expérimental et témoin). L'analyse de variance a été faite en randomisation totale. Pour les comparaisons, nous nous sommes servis de la variable inter facteur 1.2 ; le degré de significa-tivité a été fixé à p < 0.05.

2. Épreuve de force maximale ; le leg curl (ischio-jambiers).

3. Epreuve de force maximale ; la presse à 45° .

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RÉSULTATS

Au niveau du tissu adipeux Avec un pourcentage de masse grasse moyen passant de 15.01 ± 3.40 % à 14.31 ± 3.05 % et de 14.94 ± 3 . 1 8 % à 13.10+ 2 .85% respectivement pour les groupes expér imenta l et t émoin , nous notons une perte, par rapport au niveau initial de trois fois supé­rieure chez les témoins compara­tivement aux sujets pause/repos avec une ba i sse de 11.13 ± 14.19 % contre une baisse de 3.82 ± 14.85 % (fig. 2) . Les résultats apparaissent non signifi­catifs car p = 0.62.

Au niveau du volume musculaire Nous ob t enons des ga ins de masse muscu la i r e quas imen t deux fois supér ieurs pour les membres supér i eu r s chez les sujets pause/repos comparative­ment au groupe témoin, avec un gain de 0.53 ± 0.72 kg contre 0.26 ± 0.49 kg soit 3.86 ± 5 . 1 6 % de muscle en plus contre + 1.96 ± 3.59 % et presque quatre fois supér i eu r s pour les m e m b r e s inférieurs, avec + 0.32 ± 0.40 kg contre + 0.24 ± 0.84 kg soit 3.07 ± 4 .56 % de musc le en p lus contre + 0.73 ± 6.06 % (fig. 3). L'ajout des gains musculaires inférieurs et supérieurs corres­ponden t à un gain total de + 0.850 kg pour le groupe pause/ repos en cinq semaines. La diffé­rence est non significative tant au niveau des membres supérieurs avec p = 0.98 qu'au niveau des membres inférieurs (p = 0.96).

Au niveau de la puissance mus­culaire • En détente verticale au squat jump (fig. 4), nous obtenons une perte de 0.31 ± 2.95 cm pour les sujets pause/repos contre un gain de + 1.18 ± 2.55 cm pour les témoins (résultats non significa­tifs, p = 0.91).

• Pour les tests de rebound jump en puissance mécanique développée par les extenseurs des membres inférieurs (moyenne sur les cinq sauts) les résultats montrent que les deux groupes obtiennent une baisse de puissance avec -1.04 ± 2.11 watts et -0.018 ± 3.13 watts respectivement pour les groupes pause/repos et témoin (fig. 5). Le groupe pause/repos a donc une perte quasiment dix fois supérieure au groupe témoin (résultats non significatifs, p = 0.81). • En pic de puissance au rameur (fig. 6), les résultats attribuent une progression deux fois supé­rieure pour le groupe témoin avec un pas sage en moyenne de 573.37 à 609.12 watts soit une progression de + 3 5 . 7 5 ± 66.49 watts contre une moyenne passant de 669.25 à 689.50 watts, soit 20.25 ± 36.18 watts pour les sujets pause/repos (résultats non significatifs, p = 0.92).

Au niveau de la force maximale Pour les membres supérieurs (fig. 7), les résultats obtenus ne montrent pas de différence signi­ficative entre les deux groupes. Les moyennes observées après cinq semaines sont quasi simi­laires : en tirage clavicule (+ 4.19 ± 3 . 5 5 kg contre + 5 . 5 0 ± 5.88 kg), au développé couché (+ 3.69 ± 1.94 kg contre + 1.19 ± 1.98 kg) et au curl à la barre droite (+ 0.75 ± 2.89 kg contre + 0.56+ 1.70 kg). Pour les membres inférieurs (fig. 8), les moyennes observées montrent des gains bien supérieurs pour les sujets pause/repos par rap­port au groupe témoin avec + 35.15±25.36kgcontre + 8.91 ± 12.98 kg à la presse 45°. Les gains au leg curl confirment cette diffé­rence avec en pause/ repos + 3.42 ±3.21 kg contre + 1.81 ± 12.27 kg pour le groupe témoin (résultats non significatifs, p > 0.05).

DISCUSSION

Au niveau du tissu adipeux

Nous notons une perte trois fois supérieure chez les témoins com­parativement aux sujets pause/ repos. Cette différence peut s'ex­pliquer par la faible dépense calo­rique engendrée par l 'entraîne­ment pause/repos par rapport aux méthodes classiques. Cependant, la « non significativité » montre que l'on ne peut pas expliquer la perte de masse grasse avec la méthode pause/repos. Pour les deux groupes, le changement de saison (hiver à printemps) et les changements alimentaires qui en découlent peuvent être une autre explication.

Au niveau du volume musculaire

Les sujets pause/repos comme les témoins augmentent leur volume musculaire. Les athlètes de notre é tude couplen t ainsi pr ise de masse muscu la i re et per te de masse adipeuse. Or, ce constat est souvent jugé impossible par les spécialistes de musculation : il est pratiquement impossible d'augmenter sa masse muscu­laire une première fois sans aug­menter ses réserves de graisse. C'est pourquoi, la plupart des champions se font d'abord gros­sir en prenant aussi du gras, pour ensuite éliminer la graisse en essayant de garder les muscles (9). Les gains de volume muscu­laire sont quasiment du double chez les sujets expérimentaux c o m p a r a t i v e m e n t au g roupe témoin pour les membres supé­rieurs et presque quatre fois plus élevés pour les membres infé­rieurs. Les gains de volume mus­culaire aux membres supérieurs ajoutés à ceux des membres infé­rieurs correspondent à un gain de + 0.850 kg en cinq semaines. Ces résultats correspondent en cinq mois à un gain de 3.4 kg soit

environ 8 kg en un an. Les gains sont donc intéressants dans une perspective de prise de masse cul-tu r i s te . M. Mentzer , dans un ar t ic le de Muscle & Fitness (1995) sur la hau te in tens i té affirme qu'un individu ayant une muscu la tu re au -dessus de la moyenne ne peut espérer gagner plus de 4.5 kg de muscle par an. Nos résultats sont meilleurs que ceux prescrits par Mentzer.

Au niveau de la puissance mus­culaire

Pour la détente verticale, il y a perte de puissance mécanique. Ce phénomène peut s'expliquer par un en t ra înement basé sur des mouvements très lents, isociné­tiques à charges lourdes. Le fac­teur vitesse n 'es t pas travaillé pendant ce cycle. Or la puissance se développe avec un équilibre des deux qualités, force et puis­sance (cf. fig. 1). En squat jump, les résultats sont en accord avec une recherche pré­cédente de Bosco et coll (1979) où ceux-c i compara ien t deux groupes d'athlètes dont un tra­vaillant la force seule avait aussi connu une ba i sse de dé ten te (1.67 %).

Pour les extenseurs des jambes, les deux groupes obtiennent une baisse avec -3.97 ± 7.18 % en moyenne pour le groupe expéri­mental et - 0.42 ± 10.84 % pour le témoin. Compara t ivement , la perte des sujets pause/repos est presque 10 fois supérieure à celle des témoins. Pour le pic de puis­sance au rameur, les résultats attri­buent une progression deux fois supérieure pour le groupe témoin avec + 6.41 ± 10.25 % pour les sujets pause/repos contre + 2.98 ± 5.55 % pour les témoins. Comme pour les tests de Bosco, la perte peut s'expliquer par un entraîne­ment excluant le travail de vitesse et basé uniquement sur la force.

Fig. 2 - Comparaison de révolution du taux adipeux.

Fig. 3 - Comparaison des gains de volume musculaire.

Fig. 4 - Comparaison des gains de détente (cm).

Fig. 5 - Perte de puissance mécanique des muscles extenseurs de la jambe au rebound jump (5 sauts consécutifs).

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L'ensemble des tests de puissance montre une perte chez les sujets pause/repos, significative d 'un déséquilibre entre les deux quali­tés de force et de vitesse, cette dernière étant occultée durant le cycle. Cependant, la non signifi-cativité des résultats peut s'expli­quer par les difficultés rencon­trées par les athlètes durant les sauts de Bosco. Le fait de mainte­nir les mains sur les hanches, posa problème à certains d'entre eux. habitués au Sergeant-test. Mais l'individualisation de la contribu­tion des extenseurs des membres inférieurs rendaient nécessaire cette forme de test. L'utilisation des segments libres aurait faussé les données, en augmentant les performances.

Au niveau de la force maximale

Les fa ibles ga ins o b t e n u s en pause/repos aux membres supé­rieurs peuvent s'expliquer par la fatigue musculaire (5) ; certains muscles tels que les biceps et tri­ceps i n t e rv i ennen t lors des séances de dorsaux et pectoraux. Le fait de travailler ces muscles deux fois peut altérer la récupéra­t ion , ce qui exp l ique ra i t les faibles résu l ta t s ob t enus aux muscles supérieurs. Autre facteur

expliquant ces résultats, la « sai­son ». notre étude s'est réalisée en mars/avril. En liaison avec les sécrétions hormonales (testosté-rone notamment) , ces mois ne sont pas les mois les plus intéres­sants pour développer la force (10) . Or, on ne connaî t pas la période durant laquelle M. Ment-zer a réalisé son cycle pause/repos. Les moyennes observées en force m a x i m a l e sont b ien loin des 66.66 % annoncés par Mentzer. Ce qui va à rencontre des gains qu ' i l prévoyait . En outre, une étude comparative confirme que de tels résultats ne sont jamais atteints (11).

Enfin, en c o m p a r a i s o n avec d'autres méthodes (10), les gains de force maximale que nous obte­nons en pause/repos sont infé­rieurs : + 18.31 % lorsque les gains théoriques en une semaine sont de + 4.60 % soit + 23 % en 5 semaines pour les quadriceps. + 10.93 % pour les ischios tandis que les gains théoriques sont de + 4 .40 % en 1 s ema ine soit + 22.40 % en 5 semaines . Les gains au développé-couché sont de + 5,05 % alors que les gains théoriques en 10 semaines sont de 23 %, soit 1 1.5 % en 5 semaines (12).

CONCLUSION

Le principe de pause/repos, de par son intensité ne peut être uti­lisé que pour des athlètes d 'un niveau suffisamment élevé. Cela limite donc les populations sus­cep t ib l e s de p r a t i que r ce t te m é t h o d e . L ' e n t r a î n e m e n t en pause / repos de par son faible volume de travail par séance, laisse plus de temps libre aux ath­lètes. Mais en contrepartie, ceux-ci sortent souvent de la salle en ayant l'impression de n'avoir rien fait (faible dépense énergétique). L'intensité très élevée ne permet pas de pratiquer d'autres séances d'entraînement de type athlétique (pliométrie) ou sollicitant inten­sément les muscles et articula­tions car la récupération que la méthode pause/repos demande est trop importante. En outre, des charges lourdes exercées sur les athlètes ne permettront pas de réaliser cette méthode trop sou­vent et surtout sur des cycles très longs. En effet, les r isques de blessure sont plus importants à charge lourde.

Au niveau des p e r f o r m a n c e s

l 'analyse statist ique démontre que les résultats empiriques de Men tze r ne sont pas va l ides , notamment les 66.66 % de gains en force maximale. Si la méthode pause/repos permet sans doute de développer la force maximale, ses gains sont bien moindres que ceux prédits par Mentzer et elle n 'es t pas plus efficace qu 'une méthode traditionnelle. La méthode pause/repos est cer­t a inemen t plus un moyen de varier l ' en t ra înement ( impor­tance sur la motivation) lorsque l'athlète ne veut pas tomber dans la « routine ». Elle peut être un « déc l ic » avant un cyc le de masse de type 10 x 10 par exemple.

Johnny Simon Professeur EPS,

Spécialité musculation, Collège G. Philipe, Froissy (60).

Hugues Jullien Maître de conférences.

Faculté des sciences du sport, Amiens,

Laboratoire psychophysiologie du sport

et préparation physique.

Références bibliographiques

(1) Cornetti (G.). Les méthodes modernes de musculation -tome 1 : données théo­riques. Presse de l'université de Bour­gogne. Dijon, 1989. (2) Manno (R.). Les bases de l'entraîne­ment sportif, éd. Revue ERS, (pp. 91-94). 1989. (3) Platonov (V.N.), L'entraînement spor­tif: théories et méthodologie, éd. Revue EPS (pp. 124-126)- 1984. (4) Pradet (M.), La préparation physique. Coll. entraînement, éd. INSEP (pp. 121-131), 1996. (5) Vrijens (J.), « Basis voor verandvoord trainen », Publicatiefonds voor Lichame-lijke Opvoeding Gent. Belgié, 1988. (6) Weider (J.), Article de la revue Flex n" 2, mars-avril 1995. (7) Womersley et Dumin (J.V.). « A com­paraison of skinfold method with exend of overweight and various weight relation­

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Fig. 6 - Comparaison des gains de puissance au test rameur.

Fig. 7 - Comparaison des gains de performance en force maximale : membres supérieurs.

Fig. 8 - Comparaison des gains de performance en force maximale : membres inférieurs.

4. Épreuve de force maximale ; développé-couché avec parade en cas d'échec.

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