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211 Dépistage des dysplasies et cancers coliques dans les MICI Définir la population à surveiller : quels sont les facteurs de risque de cancer colorectal dans les MICI ? Un certain nombre de facteurs de risque ont été identifiés (Tableau I), certains propres à la RCH, d’autres par- tagés par la RCH et la MC. Etendue de la maladie Dans la RCH, le CCR survient essen- tiellement chez les malades ayant une colite étendue ou un antécédent de co- lite dépassant l’angle gauche. Lorsque la colite ne dépasse pas l’angle gauche, le risque de CCR est faible (RR : 2,8 en cas de colite gauche versus 14,8 en cas de pancolite), très faible lorsque l’at- teinte est limitée au recto-sigmoïde (RR : 1,7), et pratiquement nul en cas de proctite [13]. Durée et âge de début de la maladie Avant 8 à 10 ans d’évolution, ce risque n’est pas plus élevé que dans la popu- lation générale [3, 11, 14, 15]. Ce n’est qu’après qu’il augmente d’environ 0,5 à 1 % par an. Les patients dont la ma- ladie débute tôt dans la vie ont un risque plus élevé de développer un J.M. REIMUND (Caen) Tirés à part : Jean-Marie Reimund, Département d’Hépato-Gastro-Entérologie et Nutrition, Centre Hospitalier Universitaire de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen Cedex. Introduction Un à deux pour cent des cancers co- lorectaux (CCR) observés dans la po- pulation générale compliquent une ma- ladie inflammatoire chronique de l’intestin [MICI : rectocolite hémorra- gique (RCH) et maladie de Crohn (MC)]. Il est actuellement admis que ce risque est globalement 2,5 à 5,6 fois plus im- portant chez les malades ayant une MICI, comparés à la population géné- rale appariée pour l’âge [1-3]. La recherche de la dysplasie est au cœur du dépistage du cancer colorectal dans les MICI. Comme pour le CCR sporadique, le CCR compliquant les MICI survient à partir de lésions épithéliales dysplasiques, unanimement considérées comme pré- cancéreuses, même si leur potentiel propre à évoluer vers un CCR reste par- fois difficile à prédire, en particulier pour les dysplasies de bas grade (DBG) [4-7]. Le diagnostic de dysplasie repose sur l’identification en microscopie op- tique après coloration à l’hématoxy- line-éosine, de modifications archi- tecturales et d’anomalies cytologiques particulières [8]. En fonction de leurs caractéristiques, de leur association et de leur intensité, on distingue essen- tiellement les DBG de celles de haut grade (DHG) [8], en muqueuse plane ou en muqueuse surélevée, dont la si- gnification en terme de pronostic et donc de prise en charge thérapeutique diffère nettement [4-9] (Figure 1). Quelle est la fréquence de la dysplasie et du cancer colorectal au cours des MICI ? Si l’incidence de la dysplasie dans les MICI est mal connue, le risque de dé- velopper un CCR a fait l’objet de nom- breux travaux [1-3, 10]. Chez les ma- lades ayant ou ayant eu une RCH étendue (pancolite ou RCH dépassant l’angle colique gauche) une méta-ana- lyse récente a estimé le risque de CCR à 2 % après 10 ans d’évolution de la maladie, 8 % à 20 ans et 18 % à 30 ans [11]. Dans la MC, le risque relatif (RR) de CCR varie de 0,89 à 3,4 [3]. Dans l’étude de population incluant le plus grand nombre de malades [1], le RR global pour la MC était de 2,5 et aug- mentait jusqu’à 5,6 lorsque n’étaient considérés que les malades ayant une atteinte colique isolée. Ce travail, ainsi par exemple que celui de Gillen et al. [12] rapportant un RR augmentant de 3,4 à 18,2 chez les malades présentant une MC colique étendue, ancienne et n’ayant jamais été opérés du côlon, montrent que comme dans la RCH, cer- tains facteurs propres à la maladie (an- cienneté, type et extension de l’atteinte, etc.) influencent le risque de développer un CCR dans la MC.

Dépistage des dysplasies et cancers coliques dans les … · 2014-06-24 · Supplémentation en folates (+) ... du dépistage coloscopique des dys-plasies et des CCR dans les MICI

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Dépistage des dysplasieset cancers coliquesdans les MICI

Définir la populationà surveiller : quels sontles facteurs de risquede cancer colorectaldans les MICI ?

Un certain nombre de facteurs derisque ont été identifiés (Tableau I),certains propres à la RCH, d’autres par-tagés par la RCH et la MC.

Etendue de la maladie

Dans la RCH, le CCR survient essen-tiellement chez les malades ayant unecolite étendue ou un antécédent de co-lite dépassant l’angle gauche. Lorsquela colite ne dépasse pas l’angle gauche,le risque de CCR est faible (RR : 2,8 encas de colite gauche versus 14,8 en casde pancolite), très faible lorsque l’at-teinte est limitée au recto-sigmoïde(RR : 1,7), et pratiquement nul en casde proctite [13].

Durée et âge de débutde la maladie

Avant 8 à 10 ans d’évolution, ce risquen’est pas plus élevé que dans la popu-lation générale [3, 11, 14, 15]. Ce n’estqu’après qu’il augmente d’environ 0,5à 1 % par an. Les patients dont la ma-ladie débute tôt dans la vie ont unrisque plus élevé de développer un

J.M. REIMUND (Caen)

Tirés à part : Jean-Marie Reimund, Département d’Hépato-Gastro-Entérologie et Nutrition,Centre Hospitalier Universitaire de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen Cedex.

Introduction

Un à deux pour cent des cancers co-lorectaux (CCR) observés dans la po-pulation générale compliquent une ma-ladie inflammatoire chronique del’intestin [MICI : rectocolite hémorra-gique (RCH) et maladie de Crohn (MC)].Il est actuellement admis que ce risqueest globalement 2,5 à 5,6 fois plus im-portant chez les malades ayant uneMICI, comparés à la population géné-rale appariée pour l’âge [1-3].La recherche de la dysplasie est aucœur du dépistage du cancer colorectaldans les MICI.Comme pour le CCR sporadique, le CCRcompliquant les MICI survient à partirde lésions épithéliales dysplasiques,unanimement considérées comme pré-cancéreuses, même si leur potentielpropre à évoluer vers un CCR reste par-fois difficile à prédire, en particulierpour les dysplasies de bas grade (DBG)[4-7]. Le diagnostic de dysplasie reposesur l’identification en microscopie op-tique après coloration à l’hématoxy-line-éosine, de modifications archi-tecturales et d’anomalies cytologiquesparticulières [8]. En fonction de leurscaractéristiques, de leur association etde leur intensité, on distingue essen-tiellement les DBG de celles de hautgrade (DHG) [8], en muqueuse planeou en muqueuse surélevée, dont la si-gnification en terme de pronostic etdonc de prise en charge thérapeutiquediffère nettement [4-9] (Figure 1).

Quelle est la fréquencede la dysplasieet du cancer colorectalau cours des MICI ?

Si l’incidence de la dysplasie dans lesMICI est mal connue, le risque de dé-velopper un CCR a fait l’objet de nom-breux travaux [1-3, 10]. Chez les ma-lades ayant ou ayant eu une RCHétendue (pancolite ou RCH dépassantl’angle colique gauche) une méta-ana-lyse récente a estimé le risque de CCRà 2 % après 10 ans d’évolution de lamaladie, 8 % à 20 ans et 18 % à 30 ans[11]. Dans la MC, le risque relatif (RR)de CCR varie de 0,89 à 3,4 [3]. Dansl’étude de population incluant le plusgrand nombre de malades [1], le RRglobal pour la MC était de 2,5 et aug-mentait jusqu’à 5,6 lorsque n’étaientconsidérés que les malades ayant uneatteinte colique isolée. Ce travail, ainsipar exemple que celui de Gillen et al.[12] rapportant un RR augmentant de3,4 à 18,2 chez les malades présentantune MC colique étendue, ancienne etn’ayant jamais été opérés du côlon,montrent que comme dans la RCH, cer-tains facteurs propres à la maladie (an-cienneté, type et extension de l’atteinte,etc.) influencent le risque de développerun CCR dans la MC.

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part, et inhibent la mort cellulaire pro-grammée (ou apoptose, qui constituel’un des mécanismes d’élimination descellules néoplasiques) d’autre part. Ilapparaît ainsi que le TNF-α et l’inter-féron (IFN)-γ, l’interleukine (IL)-4 etl’IL-13 par exemple, pourraient modi-fier soit le degré de glycosylation dumucus, soit l’expression de certains ré-cepteurs membranaires au pôle apicaldes cellules épithéliales coliques. Cesanomalies rendraient les colonocytesplus sensibles à certaines lectines intra-luminales, favorisant ainsi la prolifé-ration épithéliale. Ces cytokines acti-veraient également le métabolisme del’acide arachidonique en augmentantl’expression et/ou l’activité des cy-cloxygénases (en particulier de leurforme inductible COX-2) et de la 5-li-poxygénase [17]. Il en résulterait unediminution du pool d’acide arachido-nique non estérifié responsable d’unediminution de l’apoptose, elle-mêmefavorable à la tumorogenèse [18].Jusqu’ici, un seul travail clinique rap-porte une relation entre risque de CCRet inflammation dans la RCH [19] mon-trant dans une étude rétrospective quela sévérité de l’inflammation évaluéesur des critères endoscopiques ou his-tologiques augmente significativementle risque de CCR (de 2,5 et 5,1 respec-tivement). Ces données confortent l’uti-lisation de traitements non seulementpour contrôler les symptômes cliniquesmais également pour diminuer l’in-tensité des lésions inflammatoires in-testinales endoscopiques et/ou histo-logiques avec pour objectif de réduirele risque de CCR dans les MICI. Ces ré-sultats constituent également une baserationnelle pour évaluer l’intérêt po-tentiel d’une chimioprévention du CCR(au moins dans la RCH, aucun travailn’étant disponible pour l’instant dansla MC).

Influence du traitement

Quelques travaux résumés par Eaden[20], Lim et Hanauer [21], et Itzkowitzet Harpaz [15] indiquent qu’un traite-ment par les dérivées salicylés – sul-fasalazine ou dérivés 5-aminosalicylés(5-ASA) – pourrait diminuer le risquede CCR dans la RCH. Ceci est en par-ticulier le cas d’une étude cas-contrôlepubliée récemment par Eaden et al.

TABLEAU IPrincipaux facteurs de risque de cancer colorectal au cours de la RCH1

Facteur de risque Importance relative Risque relatif

Extension de la colite ++++ 14,8Durée de la maladie ++++ 5 à 19Association avec une CSP2 +++ 9 à 18Age de début de la maladie ++ 20 (< 30 ans)Antécédents familiaux de CCR3 + 2 à 26Présence de sténoses ++Traitement par dérivés salicylés + (protecteur) Supplémentation en folates (+) (protecteur)Sévérité de l’inflammation (+)Présence d’une iléite de reflux ?

1 Certains facteurs n’ont pas été traités dans le texte, leur importance étant pour l’instant considérée commemarginale.

2 CSP : cholangite sclérosante primitive.3 CCR : cancer colorectal.

ou

Faux Vrai

Dysplasie de haut grade

Dysplasie de bas grade

Dysplasie incertaine

Absence de dysplasie

Muqueuse plane

Lésion polypoïde

Muqueuse plane

Proctocolectomie avec anastomose iléo-anale

Résection complète Pas de dysplasie ailleurs

Nouvelle coloscopie à 3 ou 6 mois

Dysplasie Pas de dysplasie

Nouvelle coloscopie

à 1 an

Nouvelle coloscopie

à 1 ou 2 ans

Figure 1. - Arbre décisionnel après une coloscopie de surveillance chez un maladeprésentant une RCH [d’après Itzkowitz, réf. 15].

CCR. Ceci est vrai pour la RCH où lerisque de CCR après 35 années d’évo-lution a été évalué par Ekbom et al.[13] à 40 % chez les malades chez les-quels le diagnostic était posé avantl’âge de 15 ans alors qu’il n’était quede 25 % pour ceux âgés de 15 à 39 ansau moment du diagnostic, mais aussipour la MC où le RR de CCR chez lesmalades ayant une colite isolée pas-sait de 5,6 à 20,9 chez ceux âgés demoins de 30 ans au moment du dia-gnostic [1]. Le rôle propre de l’âge dedébut de la maladie reste cependantcontroversé : la plupart des auteursconsidèrent que l’augmentation d’in-

cidence chez les malades ayant déve-loppé une MICI tôt dans la vie est vrai-semblablement, au moins en partie,une conséquence de la plus longuedurée d’évolution de la maladie.

Sévérité de l’inflammation

Le rôle de l’inflammation reste discuté.Il n’en est pas moins que certains mé-diateurs inflammatoires produits enexcès dans les MICI participent pro-bablement au développement du CCR[16]. Ceci est en particulier le cas pourcertaines cytokines qui favorisent laprolifération cellulaire épithéliale d’une

de dépistage en phase quiescente dela maladie pour éviter autant que pos-sible toute confusion avec des lésionsrégénératives de la muqueuse [8, 36].Quand des anomalies muqueuses sontvisibles, elles se présentent habituel-lement sous la forme de plages dis-crètement décolorées ou, à l’inverse,de plaques érythémateuses planes ouà peine surélevées qui peuvent en im-poser pour de simples lésions cicatri-cielles. La muqueuse peut égalementapparaître un peu épaissie, prendre unaspect granuleux ou présenter de finesnodularités, et parfois, à l’examenminutieux, apparaître discrètementvilleuse [35]. Ces anomalies sont ré-parties de façon aléatoire, souvent enmosaïque, et peuvent ainsi être assezfacilement méconnues.

Certaines modifications récentes destechniques endoscopiques ont été pro-posées pour améliorer les performancesdu dépistage coloscopique des dys-plasies et des CCR dans les MICI. Il enest ainsi des méthodes de coloration(chromoendoscopie) utilisant le bleude méthylène [37, 38] ou l’indigocarmin [39, 40]. Dans un travail pros-pectif randomisé et contrôlé récent,Kiesslich et al. [38] ont exploré 165patients ayant une RCH depuis plus de8 ans. Chez la moitié d’entre eux lacoloscopie incluait un marquage del’ensemble du cadre colique au bleude méthylène (0,1 %) combiné à uneexploration utilisant un endoscopegrossissant. A côté des biopsies systé-matiques réalisées en muqueuse planed’apparence macroscopique normalemême après coloration, les auteurs ontégalement fait des biopsies sur toutesles zones où la coloration était irré-gulière. Trente-quatre lésions dyspla-siques (confirmation histologique) ontété diagnostiquées chez les 84 maladesayant eu une chromoendoscopie contre10 chez les 81 patients ayant eu unexamen conventionnel (p < 0,03) [38].Une coloration par vaporisation d’in-digo carmin a également été proposéepar certaines équipes. Ce colorantpermet de rehausser les irrégularitésmêmes minimes de la muqueuse co-lique. Dans une étude ouverte, Mat-sumoto et al. [39] rapportent les ré-sultats de la coloration à l’indigocarmin (0,2 %) réalisée chez 57 ma-lades ayant une RCH et ayant eu une

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[22], qui montrait chez 102 maladesayant une RCH qu’une prise régulièrede dérivés 5-ASA diminuait le risquede CCR de 75 %, voire de 81 % lorsquela prise de 5-ASA comme facteur « pro-tecteur » était ajustée pour les autresvariables étudiées. Les mécanismesd’action proposés pour expliquer ceteffet préventif potentiel ont fait l’objetd’une revue générale récente [23].Certaines études ont remis en questionl’intérêt du 5-ASA dans la préventionde la survenue d’un CCR au cours desMICI. Ceci est en particulier le cas d’uneétude rétrospective publiée en 2003par Bernstein et al. [24]. Cependant,comme le soulignent Desreumaux etRomano [25], plusieurs biais peuventexpliquer l’absence d’effet préventifdu 5-ASA dans ce travail, parmi les-quels son manque de puissance (25malades seulement ont été inclus :14 MC et 11 RCH), la durée limitée dela prise de 5-ASA avant le diagnosticde CCR, et l’absence de prise en consi-dération pour l’analyse de l’effet pré-ventif éventuel, des dysplasies (DBGet DHG) alors même qu’elles consti-tuent les lésions précancéreuses desCCR dans les MICI. A ce stade, l’ana-lyse de l’ensemble des données dispo-nibles suggère donc que le 5-ASA aprobablement la capacité de réduire lerisque de CCR dans les MICI, même sides études supplémentaires sont né-cessaires pour répondre définitivementà cette question et pour mieux com-prendre comment il participe aucontrôle de la prolifération et de la dif-férenciation des cellules épithélialesdans les MICI [25].

Antécédents familiauxde cancer colorectal

Un antécédent familial de CCR aug-mente le risque de survenue de CCRdans la RCH [26, 27] et dans la MC[27]. A l’inverse, le fait d’avoir un pa-rent du 1er degré ayant une MICIn’augmente pas le risque de CCR chezles apparentés sains [28].

Présence d’une iléite de reflux

Heuschen et al. ont suggéré que la pré-sence d’une iléite de reflux était unfacteur de risque indépendant de sur-venue d’un CCR dans la RCH [29]. Ces

résultats n’ont cependant pas été re-trouvés récemment dans une étude cas-contrôle publiée par Rutter et al. [30].

Association à une cholangitesclérosante primitive

Un certain nombre d’études indiquentque les 2 à 5 % de malades ayant unecholangite sclérosante primitive (CSP)associée à une RCH ont un risque plusélevé de CCR [31-33]. Par exemple,dans une étude cas-contrôle, Broomeet al. [32] observent un risque cumuléde CCR au cours de la RCH de 9 %après 10 ans d’évolution de la maladiechez les malades ayant une RCH et uneCSP associées, de 21 % après 20 anset de 50 % après 25 ans, comparé à2 %, 5 % et 10 % respectivement chezdes malades ayant une RCH sans CSP.Ce risque persiste même après trans-plantation hépatique pour la CSP [34].

Dépistage du CCRau cours des MICI [9]

Comment identifierune dysplasie au coursd’une coloscopie ?

La recherche de la dysplasie repose surla pratique de biopsies multiples aucours des coloscopies de surveillance.Les biopsies sont réalisées sur toute lé-sion surélevée mais également engrand nombre en muqueuse plane toutle long du cadre colique, d’autant plusque la très grande majorité des dys-plasies diagnostiquées le sont en mu-queuse plane [35].

DYSPLASIE EN MUQUEUSE PLANE

La dysplasie en muqueuse plane esttrès difficile à reconnaître à l’endo-scopie. Le plus souvent, aucune ano-malie macroscopique ne peut être dé-tectée. La seule anomalie parfois visibleest une légère distorsion des vaisseauxde la muqueuse, comparée à la nor-male. Lorsqu’il existe des modificationsvisibles, celles-ci sont souvent dis-crètes. C’est en particulier pour cetteraison (mais aussi pour ne pas com-pliquer inutilement l’interprétationanatomopathologique) qu’il est re-commandé de réaliser les coloscopies

plusieurs polypes le plus souvent ses-siles, dont la taille peut varier de 5 mmà plusieurs centimètres [35, 38]. Dansce dernier cas, l’opérateur doit s’ef-forcer de rechercher ceux qui sont aty-piques, larges, durs ou ulcérés et lesbiopsier spécifiquement.

Toutes les lésions surélevées ou poly-poïdes ne sont cependant pas desDALMs et il est parfois difficile de lesdistinguer des pseudo polypes inflam-matoires ou d’adénomes coliques spo-radiques qui peuvent se développertout autant chez les malades ayant uneMICI que dans la population générale.Certains pseudo polypes inflamma-toires ne peuvent ainsi être définiti-vement distingués des DALMs qu’aprèsque l’analyse histologique a formelle-ment éliminé l’existence d’une dys-plasie. Le diagnostic différentiel estencore plus difficile lorsqu’il existe undoute entre DALM et adénome colique[8]. Certains auteurs ont proposé deconsidérer les lésions polypoïdes avecdysplasie comme étant des DALMschez les malades de moins de 40 ans,et plutôt comme des adénomes spora-diques (encore appelés ALMs pourAdenoma-Like Masses par certains au-teurs) chez les patients plus âgés [48].Une telle attitude est cependant diffi-cile à justifier, encore moins à recom-mander, compte tenu de l’importancedu risque de CCR associé, chez les ma-lades ayant une DALM qui aurait étéabusivement considérée comme unadénome sporadique. D’autres auteursont essayé d’identifier des caractéris-tiques cliniques, endoscopiques et/ouanatomopathologiques (incluant desanalyses moléculaires), sans toutefoispouvoir définitivement résoudre cettequestion [48, 49]. Peut-être les nou-velles techniques d’endoscopie per-mettront t-elles d’améliorer nos capa-cités à distinguer ces différents typesde lésions.

CAS PARTICULIER DES STÉNOSES

Certains travaux montrent que la fré-quence des dysplasies augmente àproximité des sténoses [30, 50] avecune probabilité de trouver un cancer10 fois plus élevée lorsqu’il existe unesténose colique (six fois plus élevée encas de MC, 30 fois plus élevée dans laRCH où le cancer est trouvé dans 20 %à 40 % des sténoses, surtout si elles

sont ulcérées), ceci d’autant plus quela sténose apparaît tardivement, est lo-calisée sous l’angle colique gauche, etdevient symptomatique [50]. Dans cessituations, un brossage et des biopsiesmultiples doivent être réalisées à proxi-mité et dans la sténose.

Stratégie de surveillance

Ces différents éléments ont conduit àproposer une stratégie de dépistage duCCR, d’abord chez les malades ayantune RCH, puis, par extension, chezceux ayant une MC. Compte tenu desfacteurs de risque, cette surveillanceconcerne essentiellement les maladesayant une atteinte colique étendue au-delà de l’angle colique gauche, chezlesquels la maladie a commencé tôtdans la vie et dure depuis plus de 8-10 ans (cf. supra).

Elle consiste à rechercher systémati-quement et minutieusement, selon uncalendrier bien défini, une dysplasiesur des biopsies endoscopiques [51,52]. La coloscopie doit être totale, réa-lisée en période de quiescence de lamaladie, en particulier afin de ne pasconfondre à l’examen histologique deslésions dysplasiques avec des lésionsrégénératives. Des biopsies (2 à 5 selonles auteurs, couvrant les 4 quadrants)doivent être réalisées tous les 10 cmen muqueuse macroscopiquement nor-male, ainsi que sur toute irrégularité dela muqueuse : modification de la co-loration, plaque surélevée ou lésionpolypoïde. Pour ces dernières, certainsauteurs préconisent une polypectomiedont l’intérêt thérapeutique sera discutéplus loin [52-54]. La probabilité de dé-tecter une dysplasie augmente bien en-tendu avec le nombre de biopsies réa-lisées. En revanche, la morbidité et lecoût de l’examen augmentent propor-tionnellement.

Le rythme de la surveillance varie selonles auteurs : une coloscopie tous lesans ou tous les deux ans pour certains,une coloscopie tous les 3 ans après10 ans d’évolution de la maladie, puistous les 2 ans après 20 ans d’évolu-tion et enfin un examen annuel après30 ans d’évolution pour d’autres [55].Chez les malades ayant une CSP as-sociée, compte tenu de l’augmentationde l’incidence du CCR dans cette

ou plusieurs coloscopies de surveillanceentre 1995 et 2002 (117 examens autotal). La chromoendoscopie à l’indigocarmin était plus sensible (85,7 %versus 38,1 %) et tout aussi spécifique(88,5 % versus 90,6 %) que la colo-scopie conventionnelle [39]. La valeurprédictive négative était comparablepour les deux techniques (respective-ment 99,6 % et 98,2 %) mais la valeurprédictive positive restait très faibledans les deux cas même si elle étaitsupérieure après coloration (16,5 %versus 9,8 %) [39]. En utilisant la mêmetechnique, Rutter et al. confirment l’in-térêt des techniques de chromoendo-scopie pour le diagnostic des lésionsdysplasiques coliques planes chez lesmalades ayant une MICI [40]. Il restemaintenant à déterminer quelle mé-thode de « coloration » doit être pré-férée, en terme de rendement dia-gnostique, de facilité de réalisation etde reproductibilité inter- et intra-ob-servateurs, et enfin sur le plan coût/efficacité [41].

D’autres techniques ont été proposéescomme la coloration au crésyl violetou au cristal violet, l’endoscopie defluorescence utilisant l’acide 5-ami-nolévulinique (5-ALA) ou encore l’uti-lisation du laser confocal. Leur éva-luation est en cours et les donnéesactuelles les concernant, résuméesailleurs [9, 42, 43].

DYSPLASIE EN MUQUEUSE SURÉLEVÉE

A partir des années 1980, un certainnombre de travaux ont insisté sur l’im-portance de la découverte de lésionssurélevées appelées DALMs (pour Dys-plasia-Associated Lesions or Masses)comme indicateur majeur du risque deCCR chez les malades ayant une RCHévoluant depuis plus de 8 à 10 ans [4,44-46]. Ces lésions peuvent se pré-senter sous la formes : a) de plaquessurélevées de surface irrégulière com-prenant parfois des zones discrètementnodulaires mal délimitées ; b) de lé-sions polypoïdes ou nodulaires uniques,le plus souvent sessiles, beaucoup plusrarement pédiculées [44-47], mates desurface ou ayant une muqueuse légè-rement inflammatoire, et grossière-ment circonscrite lorsque la lésion estsessile ; ou encore c) comme un re-groupement habituellement dans unemême zone de la muqueuse colique de

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situation clinique particulière [55], laplupart des auteurs proposent une sur-veillance coloscopique annuelle à partirdu moment où le diagnostic de CSP aété posé.

Cette stratégie est cependant souventdifficile à réaliser parce que contrai-gnante pour le malade, coûteuse etprésentant une morbidité non nulle,autant d’éléments réduisant sa pra-tique ainsi que son observance à longterme. L’idéal serait bien sûr de pou-voir disposer d’autres marqueurs derisque de dégénérescence néoplasique,d’accès plus simple, permettant de li-miter encore davantage le nombre demalades concernés par la surveillanceendoscopique. Une piste intéressanteest représentée par les travaux récentsmontrant que la recherche de mar-queurs moléculaires dans les sellespourrait à l’avenir éventuellement per-mettre une « pré-sélection » des ma-lades à haut risque de présenter unCCR [56, 57].

Conduite à tenirsur le plan thérapeutique :les recommandationsfrançaises [51, 52]

Que faire lorsqu’on découvre une dys-plasie ? Plusieurs cas de figure sontpossibles (Figure 1) et nous rapportonsici les conclusions des recommanda-tions de pratiques cliniques publiéesrécemment [51] :

– « Compte tenu de la difficulté et desconséquences de ce diagnostic, toutedysplasie, qu’elle soit de bas grade,de haut grade ou incertaine, doit êtreconfirmée par un second anatomo-pathologiste (grade C) ».

– « La découverte d’une dysplasie dehaut grade sur une muqueuse co-lique plane, confirmée par un se-cond pathologiste, doit conduire àpratiquer une coloproctectomie(grade C) » avec idéalement anasto-mose iléo-anale et mucosectomie,compte tenu du risque élevé de CCRsynchrone sur le restant du côlon[51, 52].

– « La conduite à tenir en cas de dé-couverte d’une dysplasie de bas gradesur une muqueuse plane, aprèsconfirmation par un second patho-logiste, reste controversée, certains

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préconisant une proctocolectomie,d’autres une surveillance endosco-pique rapprochée. Aucune recom-mandation ne peut être proposée »[5, 7, 15]. Jusqu’à récemment, l’at-titude la plus communément ré-pandue était de refaire une colo-scopie avec biopsies multiples 6 moisplus tard. Certains travaux récentsincitent cependant de plus en plusd’équipes à considérer la proctoco-lectomie comme l’attitude la pluslogique, et par voie de conséquencecelle qui devrait être suivie, cecid’autant plus : a) que la dysplasieconstitue sans équivoque une lésionprécancéreuse ; b) qu’un cancer estdécouvert sur la pièce de colectomiechez 19 % des malades chez lesquelsune DBG était trouvée sur des biop-sies systématiques [4] ; c) que dansun tiers des cas, la DBG est la seuleanomalie histologique découvertesur la pièce de colectomie de ma-lades opérés d’un CCR [58] ; d) quela séquence DBG/DHG/CCR n’est pastoujours observée [5], et surtout ;e) que dans la plupart des études,30 à 70 % des DBG, qu’elles soientuni- ou mulitifocales, évoluent dansles 5 ans vers une DHG, une DALMou un CCR [5, 7, 58-61] (même sidans deux autres études, ce pour-centage est nettement moins im-portant [6, 62].

– « La découverte d’une dysplasie in-certaine sur une muqueuse coliqueplane doit conduire, après confir-mation par un second pathologiste,à une surveillance endoscopique rap-prochée (grade C), par exemple après6 mois ».

– « Après polypectomie, ou à défautbiopsies, en cas de constatationd’une dysplasie sur une lésion sur-élevée pédiculée ou sessile siégeantdans une zone non atteinte macro-scopiquement et histologiquementpar la colite, la lésion doit être consi-dérée comme un adénome spora-dique ne nécessitant que la sur-veillance habituelle à ce type delésion (grade C) ». Si la lésion n’apas été enlevée, il faut bien entendula réséquer en totalité.

– « Lorsqu’une lésion polypoïde siègedans une zone atteinte ou préala-blement atteinte par la colite, et si

elle ressemble à un polype spora-dique, une polypectomie est suffi-sante à condition que la lésion soitun simple adénome et ait été enlevéetotalement ou puisse l’être ultérieu-rement, qu’il n’y ait pas de dysplasieà sa base, ni d’autres zones dyspla-siques dans le côlon, que ce dernierpuisse être surveillé facilement etpour certains, que le malade soit âgéde plus de 40 ans (grade C) ».

– « Si la lésion dysplasique ne res-semble pas à un polype adénomateuxbanal et si de la dysplasie est trouvéeégalement au pourtour de la lésionou à distance sur le côlon, la lésiondoit être considérée comme une dys-plasie associée à une lésion ou masse(DALM). Elle nécessite alors, aprèsconfirmation par un second patho-logiste, la réalisation d’une proc-tectomie (grade C) ».

– Si les biopsies sont négatives la sur-veillance seule est de mise.

Résultats de la surveillance

L’analyse des résultats de la sur-veillance est difficile, en particuliercompte tenu, des impératifs méthodo-logiques de ces études nécessitant l’in-clusion d’un nombre important de ma-lade et un suivi prolongé (15 à 20 ans),des difficultés à maintenir la com-pliance des malades au programmed’étude, des potentiels refus de colec-tomie par des malades chez lesquelsune DBG ou une DHG ont été trou-vées, et surtout de l’impossibilité, pourdes raisons éthiques, de faire des étudescontrôlées comportant un groupe demalades n’ayant pas de surveillancecoloscopique.

Malgré des résultats contradictoires,certains travaux permettent d’espérerune diminution de la mortalité parCCR chez les malades ayant unesurveillance régulière. Ceci est parexemple suggéré dans un travail ré-trospectif de Choi et al. [63] montrantque la surveillance permet, dans leursérie, de détecter un CCR à un stadeprécoce chez 80 % des malades contre41 % chez des RCH n’ayant pas étésurveillés. Dans cette étude, la morta-lité des deux groupes à 5 ans après lediagnostic de CCR était égalementsignificativement meilleure dans le

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groupe surveillé (77 % versus 36 %,p < 0,03). D’autres études ont trouvédes résultats globalement comparables[64-66].

Coût/bénéficede la surveillance

L’évaluation du rapport coût/bénéficeest également difficile du fait de l’ab-sence d’étude contrôlée, de la varia-bilité des données entre les étudesdisponibles, et comme évoqué au para-graphe précédent du fait des limitesdans l’appréciation des résultats desstratégies de surveillance. Plusieursauteurs [67-69] rapportent une éva-luation du coût de la surveillance :celui-ci ne semble pas supérieur à celuide la surveillance des œsophages deBarrett ni à celui du dépistage du CCRdans la population générale par unecoloscopie totale tous les 5 ans [70].

Conclusion

Le risque de développer un CCR dansle cours évolutif d’une RCH ou d’uneMC est significativement augmenté,tout particulièrement chez les maladesayant ou ayant eu une colite étendueet une maladie évoluant depuis plusde 8 à 10 ans. De nombreux auteurs re-commandent de ce fait, une sur-veillance endoscopique dont l’objectifessentiel est, à côté de la recherche delésions macroscopiques, celle de lé-sions microscopiques précancéreusessur des biopsies étagées réalisées demanière systématique, les dysplasies.En attendant de disposer d’outils dedépistage moins contraignants, pluséconomiques et au moins aussi effi-caces que la surveillance endoscopique,la fréquence de la progression de ladysplasie de bas ou de haut grade versun cancer et la présence régulière delésions plus évoluées sur les pièces decolectomie que l’anomalie ayantconduit au geste chirurgical chez lesmalades ayant une MICI, semble doncjustifier les stratégies de dépistage sys-tématique proposées par la plupart desexperts, sous réserve de veiller à cequ’elles soient réalisées de manièreadéquate.

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218

• • • • • • • •

Cancer colique associé aux MICIFréquence dans la MC

• Risque relatif (RR) global�2,5 (1) à 3,4 (2)

• RR dans une population « cible »�formes coliques isolées : 5,6 (1)

�MC colique étendue, ancienne,n’ayant jamais été opérée : 18,2 (2)

(1) Ekbom A et al. Lancet 1990;336:357(2) Gillen CD et al. Gut 1994;35:651

Cancer colique et MICI

• Lésions « précancéreuses » ?

• Groupe à risque ?

OUIles dysplasies

OUI

Principaux facteurs de risque

++++++++++++++

+++ (protecteur)

(+) (protecteur)(+)+

Importancerelative

14,85 à 199 à 18

20 (< 30 ans)2 à 26

Extension de la coliteDurée de la maladieCSP associéeAge de début de la RCHATCD familial de CCRPrésence d’une sténose5-ASA : prise prolongéeSuppl. en folatesSévérité de l’inflammationIléite de reflux

Risquerelatif

Facteur de risque

Comment identifier une dysplasieau cours d’une coloscopie ?

• Aspect endoscopique :� lésions planes (les plus fréquentes : 95 %)� plus rarement elles sont surélevées

appelées DALMs pour Dysplasia-Associated Lesions or Masses

219

• • • • • • • •

Dysplasies et cancer coliquedans les MICI

• Dysplasie de haut grade (DHG) :� Sur DALM : 43 % de cancers coliques

sur la pièce opératoire (1)

� En muqueuse plane : 42 % à 67 % (1,2)

• Dysplasie de bas grade (DBG) :� Sur DALM : 43 % de cancers coliques (1)

� En muqueuse plane : 29 % à 54 % (1-3)

(1) Bernstein CN et al . Lancet 1994;343:71(2) Connell WR et al . Gastroenterology 1994;107:934(3) Ullman T et al. Am J Gastroenterol 2002;97:922

Dysplasie en muqueuse plane• Muqueuse d’aspect normal :

� discrète distorsion des vaisseaux� biopsies étagées multiples

• il faut entre 33 et 65 biopsies pour être sûrde détecter le grade le plus élevé de dysplasie

• Techniques de coloration• Modifications visibles

Rubin CE et al. Gastroenterology 1992;103:1611

• Autres améliorations techniques

Dysplasie en muqueuse plane• Muqueuse d’aspect normal :

� biopsies étagées multiples (tous les 10 cm)� réalisées en période de quiescence

de la maladie� 2 à 5 biopsies tous les 10 cm

Rubin PH et al . Gastroenterology 1992;103:1611� peut-être davantage au niveau

du côlon distalChoi PM. Gastroenterology 1993;104:666

Dysplasie en muqueuse plane• Muqueuse d’aspect normal

• Techniques de coloration

• Modifications visibles :� plages décolorées� plaques érythémateuses planes

ou à peines surélevées� Muqueuse un peu épaissie,

aspect granuleux ou fines nodulations

• Autres améliorations techniques

220

• • • • • • • •

Limites de l’endoscopie

• Préparation optimale du côlon• Expertise de l’opérateur• Durée de l’examen• Accepter de ne pas avoir détecté

une dysplasie en muqueuse plane

Dysplasie en muqueuse plane• Muqueuse d’aspect normal

• Techniques de coloration :� bleu de méthylène 0,1 % (1)

� indigo carmin 0,2% (2,3)

� endoscopie de fluorescence aprèsadministration d’acide 5-aminolévulinique (4)

• Modifications visibles

(1) Kiesslich R et al. Gastroenterology 2003;124:880(2) Matsumoto T et al. Am J Gastroenterol 2003;98:1827(3) Rutter MD et al. Gut 2004;53:256(4) Messmann H et al. Gut 2003;52:1003

Endoscopie de fluorescenceaprès administration de 5-ALA

Messmann H et al. Gut 2003;52:1003

Dysplasie en muqueuse plane

• Muqueuse d’aspect normal

• Techniques de coloration• Modifications visibles

(1) Kiesslich R et al. Gastroenterology 2003;124:880(2) Kiesslich R et al. Gastroenterology 2004;127:706

• Autres améliorations techniques� endoscope grossissant (1)

� laser confocal (2)

Dysplasie : DALM

• Plaque surélevée de surface irrégulière avec des zones nodulaires

• Lésion polypoïde ou nodulaire unique,le plus souvent sessile

• Regroupement de plusieurs polypesdans une même zone du côlon

Conclusions• Le risque de cancer colique est significativement

augmenté dans les MICI� ayant ou ayant eu une atteinte colique « étendue »� avec une maladie évoluant depuis plus de 8 – 10 ans� et éventuellement certains autres facteurs de risque

• Sa prévention repose sur le dépistage endoscopique� systématique et selon une procédure « standardisée »� aidé idéalement de techniques endoscopiques complémentaires

(en particulier les techniques de coloration)

• Des progrès sont nécessaires (et semblent possibles) pour mieux sélectionner les malades à risque