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Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans une chambre mortuaire, une expérience atypique ? Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003 ARTICLE IN PRESS Modele + MEDPAL-442; No. of Pages 8 Médecine palliative Soins de support Accompagnement Éthique (2014) xxx, xxx—xxx Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com EXPÉRIENCES PARTAGÉES Des externes dans une chambre mortuaire, une expérience atypique ? Medical students in a mortuary: An innovative educational experience? Géraldine Texier ,1 , Vincent Morel Équipe mobile de soins palliatifs, Hôtel-Dieu, CHU Pontchaillou, 2, rue de l’Hôtel-Dieu, 35000 Rennes, France Rec ¸u le 9 juillet 2013 ; rec ¸u sous la forme révisée le 20 novembre 2013; accepté le 11 ecembre 2013 MOTS CLÉS Visite ; Chambre mortuaire ; Étudiant en médecine ; Pédagogie médicale ; Soins palliatifs ; Mort Résumé L’équipe mobile de soins palliatifs du centre hospitalier universitaire de Rennes a tenté une expérience pédagogique innovante. En effet, elle a proposé aux étudiants hospita- liers en médecine une visite de la chambre mortuaire de l’hôpital. L’objectif principal de cette visite était d’apporter aux étudiants un enseignement pratique répondant à leurs questions sur les rôles et missions de cette structure, le cadre administratif encadrant le décès et sur la préparation à l’accompagnement des familles. L’hypothèse préalable à cette visite est que les étudiants sont plus réceptifs à un enseignement pratique décalé du lieu habituel des cours, plutôt qu’un enseignement théorique réalisé par exemple en amphithéâtre sur cette théma- tique. Cette hypothèse de départ semble se vérifier. De plus, ce travail permet de mettre en évidence une sensibilisation précoce des étudiants à la question de la mort, donc à la question de la finitude des patients ou des limites de la médecine. Cet élément semble trouver une pleine justification à la fois dans l’enseignement théorique des études médicales centré sur la toute-puissance des soins curatifs mais aussi face à une société qui se débat contre la mort et sa réalité. © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (G. Texier). 1 Photo. http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003 1636-6522/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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Page 1: Des externes dans une chambre mortuaire, une expérience atypique ?

ARTICLE IN PRESSModele +MEDPAL-442; No. of Pages 8

Médecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014) xxx, xxx—xxx

Disponible en ligne sur

ScienceDirectwww.sciencedirect.com

EXPÉRIENCES PARTAGÉES

Des externes dans une chambre mortuaire,une expérience atypique ?

Medical students in a mortuary: An innovative educationalexperience?

Géraldine Texier ∗,1, Vincent Morel

Équipe mobile de soins palliatifs, Hôtel-Dieu, CHU Pontchaillou, 2, rue de l’Hôtel-Dieu,35000 Rennes, France

Recu le 9 juillet 2013 ; recu sous la forme révisée le 20 novembre 2013; accepté le 11 decembre2013

MOTS CLÉSVisite ;Chambre mortuaire ;Étudiant enmédecine ;Pédagogie médicale ;Soins palliatifs ;Mort

Résumé L’équipe mobile de soins palliatifs du centre hospitalier universitaire de Rennes atenté une expérience pédagogique innovante. En effet, elle a proposé aux étudiants hospita-liers en médecine une visite de la chambre mortuaire de l’hôpital. L’objectif principal de cettevisite était d’apporter aux étudiants un enseignement pratique répondant à leurs questionssur les rôles et missions de cette structure, le cadre administratif encadrant le décès et surla préparation à l’accompagnement des familles. L’hypothèse préalable à cette visite est queles étudiants sont plus réceptifs à un enseignement pratique décalé du lieu habituel des cours,plutôt qu’un enseignement théorique réalisé par exemple en amphithéâtre sur cette théma-tique. Cette hypothèse de départ semble se vérifier. De plus, ce travail permet de mettre enévidence une sensibilisation précoce des étudiants à la question de la mort, donc à la questionde la finitude des patients ou des limites de la médecine. Cet élément semble trouver unepleine justification à la fois dans l’enseignement théorique des études médicales centré sur latoute-puissance des soins curatifs mais aussi face à une société qui se débat contre la mort et

sa réalité.© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans une chambre mortuaire, une expérience atypique ? Médecinepalliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (G. Texier).

1 Photo.

http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.0031636-6522/© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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2 G. Texier, V. Morel

KEYWORDSVisit;Mortuary;Medical student;Medical education;Palliative care;Death

Summary The mobile palliative care team of the centre hospitalier universitaire de Rennestried an innovative educational experience. Indeed, it offers hospital medical students a tourof the hospital mortuary. The main objective of this visit is to provide students with a practicaleducation answering their questions on the roles and tasks of this structure, the administra-tive framework surrounding death, and the preparation for family support. The assumptionunderlying this experience is that students are more receptive to teaching practice in realenvironment rather than theoretical teaching on the topic (e.g., lectures in an amphitheatre).This assumption seems to be true. In addition, this work allows to highlight early student awa-reness to the issue of death, and thereby the issue of finiteness of human life or the limits ofmedicine. This element seems to find a full justification in both the theoretical medical studiesfocused on the omnipotence of curative care but also in a society struggling against death andits reality.© 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ieu reculé de l’hôpital, parfois situé à côté de la déchet-erie ou de la blanchisserie, inconnu des visiteurs et deslans de la structure, la chambre mortuaire reste pourtantrésente au sein de toutes structures hospitalières. Ce lieumprunt d’une ambiance particulière n’est pas anodin, ilccueille les patients décédés dans l’établissement et lesrend en charge [1].

La chambre mortuaire (amphithéâtre, dépositoire,orgue) est un lieu bien distinct de la chambre funéraire

funérarium), lieu de même fonction mais s’inscrivant dansne structure privée ou communale [2].

Au décours de ces interventions, les soignants (médicauxt paramédicaux) de l’équipe mobile d’accompagnement ete soins palliatifs du centre hospitalier universitaire (CHU)e Rennes ont été, de nombreuses fois, interpellés par lestudiants en médecine à propos de ces questions :Où part le patient quand il est décédé ?Qu’est-ce qu’on lui fait ensuite ?Comment cela se passe-t-il pour les familles ?

Une réflexion d’équipe a ainsi émergé, avec l’idée deroposer aux étudiants une visite de la chambre mortuaire.

L’objectif principal de cette visite estd’apporter aux étudiants un enseignement

pratique répondant à leurs questions :• sur les rôles et missions de cette structure ;• sur le cadre administratif encadrant le décès ;• sur la préparation à l’accompagnement des

familles.

L’hypothèse préalable à cette visite est que les étudiantsont plus réceptifs (sur ces thématiques) à un enseigne-ent pratique décalé du lieu habituel des cours plutôt qu’un

Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans unepalliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2

nseignement théorique réalisé par exemple en amphi-héâtre, c’est ce que ce travail essayait de vérifier. De plus,’équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs aensé au démarrage de ce projet tenter une expérience

édagogique innovante d’autant qu’aucun autre CHU derance (après contact avec l’agent responsable de serviceortuaire) n’évoquait l’existence de visites régulières de

e lieu à destiné des étudiants en médecine hospitaliers.Par ailleurs, l’ensemble de l’équipe mobile d’accom-

agnement et de soins palliatifs semble persuadée d’unbjectif secondaire à cette visite : sensibiliser les étudiants

la question de la mort. Cet objectif n’avait été que peunalysé dans ce travail et pourrait faire l’objet d’un travailomplémentaire.

atériel et méthode

éalisation d’une enquête

fin de répondre à l’hypothèse posée par l’équipe mobile’accompagnement et de soins palliatifs : « les étudiantsont plus réceptifs à un enseignement pratique décalé duieu habituel des cours plutôt qu’un enseignement théoriqueéalisé par exemple en amphithéâtre sur les thématiquesncadrant le décès et le défunt », il a été proposé une visitee la chambre mortuaire avec une évaluation de la qualitéédagogique de celle-ci grâce à la réalisation d’un ques-ionnaire. Ainsi les points d’enseignements suivants avaiententé d’être vérifié :

rôles et missions de cette structure ;cadre administratif encadrant le décès ;préparation à l’accompagnement des familles.

Ce questionnaire avait été élaboré dès le début de’année 2012. Il a été travaillé en réunion interprofession-elle au sein de l’équipe mobile d’accompagnement et deoins palliatifs, selon la technique du « Brainstorming ». Lesdées les plus pertinentes ont été inscrites sur un paperoard et retravaillées ensuite pour définir des questionsrécises. Il se composait de trois parties :

chambre mortuaire, une expérience atypique ? Médecine014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003

la partie 1, intitulée « Mieux se connaître », explorait lescaractéristiques démographiques des étudiants assistantà la visite et analysait comment l’externe a été informéde cette visite ; elle comportait cinq questions ;

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Des externes dans une chambre mortuaire, une expérience

• la partie 2, constituée de cinq questions et intitulée« Avant la visite », cherchait à identifier :◦ les connaissances générales des étudiants vis-à-vis des

rôles et missions des chambres mortuaires et/ou funé-rarium,

◦ si l’étudiant avait vécu l’expérience d’un patientdécédé ;

• la partie 3, intitulée « Après la visite », tentait de vérifierles apprentissages immédiats de l’étudiant vis-à-vis desrôles et missions de cette structure et d’analyser si ceux-ci pouvaient être mis en contexte ; elle comportait neufquestions ;

• enfin, une dernière question sollicitait l’avis de l’étudiantsur cette visite.

Toutes les questions étaient des questions ouvertes,afin de faire ressortir spontanément un maximum d’infor-mations. En effet, il apparaissait pertinent pour l’équipede proposer ce type de questions ouvertes demandant uneargumentation développée sous forme d’une justificationpermanente.

Modalités de la visite

Après un contact téléphonique entre l’agent de service res-ponsable de la chambre mortuaire et l’un des médecinsréférents de l’équipe mobile d’accompagnement et de soinspalliatifs, le projet de visite a pu voir le jour (novembre2011). C’était ainsi que tous les 3 mois, il a été convenude programmer une visite en présence de cet agent et del’un des soignants de l’équipe mobile d’accompagnementet de soins palliatifs. Cette visite a été organisée avantle début des stages hospitaliers des étudiants et pour unedurée d’environ 2 heures. La visite se déroulait toujours sen-siblement de la facon suivante :• accueil des étudiants ;• présentations des démarches administratives en cas de

décès ;• visite d’une chambre d’exposition des corps ;• visite de la salle d’autopsie et définition du cadre légal

l’encadrant ;• visite d’une chambre de conservation des corps ;• visite d’une chambre de préparation des corps avec expli-

cations données sur la toilette mortuaire et illustrationsde quelques rites en fonction des religions des patients.

Population cible

La visite a été proposée aux externes de cinquième etsixième années de médecine et plus particulièrement àceux effectuant leur stage en hématologie clinique. Eneffet, les externes effectuant un stage en hématologie cli-nique de 3 mois passaient une semaine avec l’équipe mobiled’accompagnement et de soins palliatifs. La visite pouvaitcependant intervenir avant le passage de l’étudiant en soinspalliatifs.

Analyse des questionnaires

Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans unepalliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2

Arbitrairement, l’analyse des questionnaires a été effectuéeaprès quatre visites consécutives à la chambre sur l’année2012 (bien que les visites se poursuivent).

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PRESSique ? 3

L’ensemble des questionnaires avait fait l’objet de deuxnalyses succinctes :une analyse manuelle croisée ou analyse des champs lexi-caux ;une analyse quantitative afin de dénombrer la propor-tion d’étudiants ayant pu affirmer telles ou telles idées(analyse simple par pourcentages).

Cette analyse manuelle croisée était une analyse deshématiques discutées selon une méthode dite socioan-hropologique. Elle impliquait une procédure inductive,lle-même divisée en deux étapes.

Une première étape consistait à interpréter chaque ques-ion de manière indépendante (analyse verticale), afin d’enaisir le sens général. Cette étape se scindait elle-même enifférents temps :un temps d’identification plus fin en « unités de significa-tions » permettant de saisir les processus interprétatifsà l’œuvre ; il s’agissait alors de diviser le contenu en« unités de significations » afin de mettre en lumière, lorsd’un autre temps, le sens sous-jacent de ce que le ques-tionné avait voulu exprimer ;un temps de regroupement de ces « unités de significa-tions » en des thèmes centraux permettant d’obtenir unedescription organisée des items de sens.

Cette analyse verticale était ensuite complétée par uneeconde étape d’analyse, dite plus « horizontale », qui met-ait en relation l’ensemble des questions réalisées. Cetteomparaison permettait de dégager les éléments qui fontens de manière commune ou bien qui différaient de faconlus spécifique [3].

Cette technique d’analyse socioanthropologique était àapprocher des techniques utilisées lors des analyses qua-itatives d’entretiens semi-dirigés. En effet, il apparaissaitue la complexité des réponses obtenues relevait de cesechniques d’analyse du discours [4].

ésultats

énéralités

uatre visites avaient été retenues pour l’analyse, ce quieprésentait 30 questionnaires. L’analyse des thématiqueséalisées sur les questionnaires retrouvait une saturation desonnées dès le cinquième questionnaire [5—7].

ieux se connaître

rente questionnaires ont été complétés. Vingt-cinq étu-iants seulement avaient rempli la partie « Mieux seonnaître » : 15 femmes et 10 hommes ; 18 étaient en cin-uième année et six étaient en sixième année de médecine,n n’avait pas précisé son niveau.

Vingt-quatre étudiants assistant à la visite étaient entage en hématologie, une personne venait quant à elleu service de gynécologie-pédiatrie. L’ensemble des per-onnes interrogées reconnaissaient qu’il avait été facile

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e se libérer de leur stage hospitalier pour venir effec-uer la visite. Ils avaient été informés de son existenceors de l’accueil fait en hématologie (accueil conjointhef de service d’hématologie et chef de service l’équipe

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obile d’accompagnement et de soins palliatifs) (22 fois).n étudiant considérait cette visite comme étant une visitebligatoire. Une personne était informée par un mail suite àn cours. Une autre, celle issue du service de gynécologie-édiatrie, avait eu connaissance par un ami et elle étaitenue sur la base du volontariat car elle y avait trouvé unntérêt particulier.

vant la visite

es motivations exprimées par les étudiants avant la visitetaient les suivantes.

Ces derniers avaient « envie de voir comment ca seasse », ils souhaitaient mieux appréhender le fonctionne-ent et la structure de la chambre mortuaire, pour « mettreu réel dans ce que l’on imagine ». Ils portaient une atten-ion particulière à cerner le lieu en lui-même (dispositiones pièces, taille des locaux. . .), mais aussi au sein de’établissement. Ils s’attachaient à vouloir connaître lesoraires d’ouverture. En effet, ces derniers avaient notionue les patients décédés dans l’hôpital quittaient leur ser-ice pour se rendre à la chambre mortuaire (« c’est un lieu deransfert », « c’est un lieu de transition »), mais ils ignoraiente qui s’y passe en termes :

de soins portés au corps du défunt ;de démarches administratives nécessaires pour que « lecorps arrive à la chambre » ;d’attentions portées à la famille ;de personnels y travaillant.

Ils précisaient que la connaissance du « comment ca seasse » leur permettrait ainsi « d’être capable d’expliquerux familles, répondre aux questions », ce qui était illustréar la phrase suivante « connaître ce qui s’y fait me permet-ra de répondre aux questions des familles et donc d’être unlément pratique dans une démarche d’accompagnement ».

Nos étudiants ont utilisé plusieurs termes pour définir lahambre mortuaire. C’était un lieu de « transition » entre’hôpital et un autre site : lieu de l’inhumation, la créma-ion précédée parfois par un passage au domicile ou autreubstitut de vie (12 fois). C’était un lieu « d’exposition »es corps permettant ainsi le « recueillement des familles »16 fois). La chambre mortuaire était aussi définie comme unieu « d’entrepôt », « de stockage » des morts dans l’hôpital,t les morts « y reposent » (8 fois). Une fonction parfois de

préparation des corps » (7 fois) était citée par nos étudiantsour définir la chambre mortuaire. D’autres mettaient envant qu’il s’agissait du lieu des greffes (1 fois) et des autop-ies (2 fois). Trois étudiants cependant n’ont pas donné deéfinition de la chambre mortuaire.

Dix-huit des étudiants sondés ne faisaient pas de diffé-ence entre chambre mortuaire et funérarium, quatre nee prononcaient pas. Parmi les huit étudiants faisant uneifférence, les différences suivantes étaient énoncées :la chambre funéraire était le lieu d’exposition des corpspar opposition à la chambre mortuaire lieu de préparationdes corps (2 fois) ;

Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans unepalliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2

le funérarium était le lieu où sont « incinérés les morts »,aucun ne parlait de crématorium (3 fois) ;la chambre mortuaire était encore pour deux des sondésle lieu des « funérailles ».

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PRESSG. Texier, V. Morel

Seul, un étudiant apportait la bonne réponse et précisaitue la chambre mortuaire était hospitalière par opposition àa chambre funéraire qui était du domaine privé ou commu-ale.

Le rôle des structures mortuaires était défini par nos étu-iants comme :un rôle de « préparation et de conservation des corps »après la mort (19 fois) ;un rôle « d’accompagnement des familles » ayant perduun proche dans le centre hospitalier (15 fois) ;un rôle dans la réalisation des actes « d’autopsies »(2 fois) ;un rôle de « relais entre l’hôpital et l’organisation desobsèques » (2 fois) ;un rôle dans l’amorce du « travail de deuil » (2 fois) ;un rôle dans les « prélèvements d’organes » en vues « desgreffes » (1 fois).

Quatre étudiants n’ont pas cité de rôle pour ces struc-ures.

Parmi notre panel, nous notons que 21 étudiants avaientté confrontés au décès de leur patient lors d’un stage, maisucun des étudiants confrontés à au moins un décès n’avaitté impliqué lors de celui-ci dans les discussions avec laamille, les démarches administratives inhérentes à la mortans un service hospitalier ou informé d’un transfert vers lahambre mortuaire du corps du patient.

près la visite

our l’ensemble des étudiants ayant profité de cette visite,ette dernière avait permis de répondre à leurs attentes etuestions. Des commentaires qualitatifs étaient égalementssociés à cet élément : « très clairement », « très bien »,

j’aurais dû prendre des notes ». . .

Les éléments de réponses spontanées mis en avanttaient les suivants :la prise en charge du corps après la mort (18 fois), certainsinsistaient aussi sur le respect des rites funéraires ;les rôles et missions précises d’une chambre mortuaire(12 fois) ;l’accompagnement des familles (10 fois) ;les autopsies médicolégales (4 fois) ;la différence entre chambre mortuaire et funéraire(4 fois) ;les démarches administratives (3 fois) ;le cadre légal entourant le décès (3 fois) ;les prélèvements de tissus (2 fois).

Vingt-cinq des étudiants reconnaissaient qu’ils se sen-aient plus aptes à prendre en charge un patient décédéans leur service. Vingt-deux d’entre eux estimaient êtreapables de remplir le certificat de décès, et d’affiner s’iltait nécessaire de cocher sur celui-ci la case obstacle médi-olégal (4 fois) ou de discuter la nécessité d’une autopsieédicolégale (3 fois). D’ailleurs, certains évoquaient la pré-

ence d’un « kit décès » dans les services, kit regroupant’ensemble des documents administratifs à remplir (2 fois).reize étudiants estimaient pouvoir expliquer à leurs col-

chambre mortuaire, une expérience atypique ? Médecine014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003

ègues ou aux familles en quoi consistaient les soins portésu corps (soins de conservation, intervention de thanato-racteur, retrait de matériel. . .). Deux étudiants parlaientgalement d’une plus grande aptitude à accompagner les

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familles suite aux explications données au décours de cettevisite.

Vingt-six étudiants estimaient qu’ils seraient plus aptesà échanger avec la famille des démarches liées à un décèsgrâce à deux éléments :• la connaissance des démarches administratives et rôles/

missions de la chambre mortuaire (21 fois) ;• la connaissance des locaux et personnels y travaillant

(6 fois).

Cependant, quatre étudiants estimaient que leur capa-cité à échanger avec la famille sur ces démarches ne seraitpas modifiée. Une étudiante posait le propos suivant : « jene me sens pas apte à le faire », un étudiant parlait « demanque d’expérience », un autre évoquait « le contact dif-ficile avec les familles » et l’une encore « cela reste difficilede parler de la mort ».

Seize étudiants à l’issue de cette visite pensaient êtreen capacité d’échanger avec les familles au sujet de la mortd’un patient, ils énoncaient les aides suivantes : connais-sance des démarches (5 fois), connaissance des locaux etdu personnel (4 fois), connaissance du respect des rituels(1 fois), familiarisation avec la mort (1 fois).

Néanmoins, 13 étudiants reconnaissaient être en incapa-cité à échanger avec la famille de la mort. Ils citaient lesarguments suivants pour justifier de cette incapacité :• un manque d’expérience personnelle et professionnelle :

« j’ai besoin de plus d’expérience professionnelle et per-sonnelle » (9 fois) ;

• une difficulté à parler de la mort : « c’est difficile pour moide devoir parler de la mort » (6 fois), mais « il le faudrabien » (1 fois) ;

• un manque de groupe de paroles ou de mise en situation(2 fois) ;

• parfois « la peur de créer de l’angoisse » était égalementavancée (1 fois).

Une étudiante évoquait également que « ce n’est pas monrôle que de parler de la mort ».

L’ensemble des étudiants sondés par ce questionnairepensait que cette visite leur servirait dans leur pratiquequotidienne future. Seize étudiants notaient une amélio-ration de leur connaissance des démarches administrativeslors d’un décès ainsi que les rôles, missions d’une chambremortuaire : « je pense que je saurais faire les démarchesadministratives quand je serais interne ». Huit d’entre euxestimaient qu’ils seraient aptes à permettre une prise encharge individualisée du patient de son vivant ou décédé,ainsi que d’entretenir un lien étroit avec la famille. Laphrase suivante « je saurais ainsi prendre en charge lafamille quand je serais interne » avait été citée 9 fois. Pourd’autres, l’argument « d’une démystification » de la mort,du décès avait été également été cité (7 fois). Quatre étu-diants relevaient aussi l’importance de la connaissance dulieu et des personnels pour contribuer à cette démystifica-tion.

Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans unepalliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2

À l’unanimité les externes conseillaient cettevisite à un collègue. Les commentaires

qualitatifs suivants avaient été associés à cetteidée : « vivement », « évidemment », « bien sûr »,

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« c’est un complément de formationindispensable ». . .

Certains étudiants recommandaient même que « cetteormation soit obligatoire », ou bien d’autres demandaient

« pouvoir assister à une toilette mortuaire », ou propo-aient d’adjoindre « un quiz en temps réel » pour tester lesonnaissances, ou insistaient sur « la nécessité de la prise deotes ».

En revanche, deux étudiants proposaient une informationréalable sur la possibilité de voir des morts lors de cetteisite.

iscussion

nalyse de la méthodologie : forces

ette visite à l’initiative des soignants de l’équipe mobile’accompagnement et de soins palliatifs suite aux question-ements des étudiants rencontrés lors de nos interventionsrend une place importante actuellement sur le CHU deennes. En effet, depuis son lancement en novembre011, de plus en plus d’externes et pas seulement ceux’hématologie (déjà un externe issu de la gynécologie dansotre panel) assistent à cette visite, ce qui semble montrern engouement fort pour ce type d’enseignement pratique.

Les soignants de l’équipe mobile d’accompagnement ete soins palliatifs de Rennes sont très impliqués dans leursissions de formation. Or, ce rôle de formation est définians les circulaires régissant les missions des acteurs deanté en soins palliatifs. Ce rôle est aussi peut-être plusacile à appréhender par ces soignants d’équipe mobile,abiles dans le travail quotidien de compagnonnage auprèses étudiants. Cet investissement fort de nos soignants et’intérêt porté par l’agent de service responsable de lahambre mortuaire peut expliquer la naissance de ce projet.l est important de souligner que l’enseignement proposéors du temps de visite dépasse le cadre des soins pallia-ifs et concerne tous les médecins et soignants. Cependant,’enseignement des ces éléments n’est que peu abordé (lorsu module 6), il a donc paru licite pour les soignants de’équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs dee saisir de celui-ci. Rappelons, également d’une manièrelus large, que l’enseignement contenu dans ce moduleécessite une approche préventive sur le deuil patholo-ique et l’accompagnement des familles, points qui sontci abordés lors de la visite. De plus, d’une manière plusarge nous n’avons pas retrouvé en France (enquête télépho-ique) d’autre CHU où les externes pouvaient venir visitera chambre mortuaire.

Par ailleurs, une analyse bibliographique à partir de dif-érents moteurs de recherche (PubMed, Google Scholar,rudit) n’a pas retrouvé de données sur une telle expé-ience.

C’est donc la conjonction de ces différents éléments quious a poussés à un effort de formalisation autour de cettexpérience d’où l’écriture de cet article.

chambre mortuaire, une expérience atypique ? Médecine014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003

nalyse de la méthodologie : faiblesses

e questionnaire est proposé à l’ensemble des étudiantsssistant à la visite et les différentes parties, « Mieux se

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onnaître », « Avant la visite », « Après la visite », ont dis-ribué à mesure de la progression de la visite. Certainstudiants n’ont pas répondu à l’ensemble des questions.’hypothèse principale que nous avons est celle du manquee temps. En effet, le rendez-vous est organisé avant lestages hospitaliers, tôt le matin (il peut y avoir des retarda-aires et des étudiants pressés, selon les lieux des terrainse stage).

Il est important aussi de noter que le contenu de laisite a pu être légèrement différent, selon les groupes’étudiants (en fonction des questions posées), mais aussielon les personnes de l’équipe accompagnant. Ainsi, leséponses au questionnaire ont pu différer selon les visitest les groupes.

Le traitement même des données peut aussi être criti-uable. En effet, le regroupement des thématiques lexicalesyant été réalisé par les mêmes personnes que celles ayantarticipées à l’élaboration du questionnaire.

Nous rappelons ainsi que notre travail n’offre que desendances et les résultats restent bien entendus à nuancer.

nalyse des résultats

ieux se connaîtrees femmes sont surreprésentées dans notre travail :,5 femmes pour un homme. Cette surreprésentation existeès le premier cycle des études médicales et se maintientans la population médicale active [8].

Les visites ont concerné que des étudiants de deuxièmeycle (externes). Nous avions pourtant proposé aux internesétudiants de troisième cycle) de se joindre au groupe, maisous imaginons que les contraintes de service ne leur ont pasermis de se libérer. Cependant, étant données les retom-ées positives énoncées par les externes lors des visites,arder à l’esprit de saisir les internes est pertinent. C’estonc peut-être à nous de nous adapter pour leur permettre’y assister, mais aussi d’être inventifs pour créer un besoint une envie autour de cette proposition. En revanche, lestudiants nous ont signalé que pour eux se libérer a étéacile. Ils étaient issus du service d’hématologie. D’ailleursls ont été informés de l’existence de ces visites dès leurccueil dans le service.

À Rennes, tous les externes effectuant un stage en héma-ologie clinique passent une semaine comme stagiaires avec’équipe mobile d’accompagnement et de soins palliatifs.e stage d’hématologie clinique est proposé aux étudiantsospitaliers lors des cinquième et/ou sixième années deédecine, ce qui explique cette représentation chez nos

tudiants interrogés.Un lien étroit existe donc entre le service d’hématologie

linique et l’équipe mobile d’accompagnement et de soinsalliatifs, ce qui nous permet de pouvoir proposer ce rendez-ous sans créer de difficulté. Il pourrait être intéressant’étendre cette visite aux autres services ayant un lientroit avec notre équipe (unité d’accueil posturgences,

Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans unepalliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2

neumologie, gériatrie, etc.).En outre, comme souligné précédemment, l’engouement

btenu par cette visite permet aussi de constater la pré-ence d’étudiants volontaires (effet bouche à oreilles).

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PRESSG. Texier, V. Morel

vant et après la visite

Les motivations exprimées par les étudiantsassistant aux visites sont pleinement

superposables aux points d’enseignements queles soignants de l’équipe mobile

d’accompagnement et de soins palliatifsvoulaient voir abordés (répondants aux

interrogations des étudiants) :• cerner les rôles et missions de cette structure ;• cerner le cadre administratif encadrant le

décès ;• accompagner les familles.

La question sur les motivations de nos étudiants montreue ces derniers notent un lien direct entre les connaissan-es qu’ils vont acquérir et leurs capacités à pouvoir échangervec le patient et sa famille. En effet, il est fréquent danses services hospitaliers de croiser ces futurs médecins, ilsangent les dossiers des patients, rédigent les premièresbservations médicales, issues de leurs rencontres avec lesatients, ils assistent à la « grande » visite des chefs. . . Ilsont souvent discrets, ils sont parfois oubliés des internes etédecins hospitaliers. Ils sont pourtant déjà bien concernés

présents au lit du patient tous les jours), soucieux de faireien, d’apprendre, d’échanger, d’accompagner et c’est danse soucis de communication au patient et à la famille que’illustrent ces qualités. Ils confient être à l’aise avec leadre administratif entourant le décès. Spontanément ilsvoquent le rôle capital du certificat de décès et son bonemplissage, guidant ainsi la suite de la prise en charge. Lesotions d’obstacle médicolégal et d’autopsie médicolégalent été ainsi de nombreuses fois citées et reprises.

En outre, quelles que soient leurs spécialités, tous cestudiants seront confrontés au décès d’un de leurs patients.’ailleurs, certains l’ont déjà été et ils ont tous été exclus de

a prise en charge du défunt. Pourtant, ils seront les méde-ins de demain, les accompagner maintenant ne pourra queeur être profitable.

L’analyse des deux temps du questionnaire « avant »t « après la visite » met en évidence que les étudiantsnt bénéficié d’acquisitions, bien qu’ils avaient auparavanténéficié d’un enseignement théorique sur ce sujet (en pre-ier cycle ou lors du module 6 de deuxième cycle des étudesédicales).

L’hypothèse de ce travail semble donc sevérifier : un enseignement informel semble plus

profitable aux étudiants sur ce sujet.

Ainsi, pour aller plus loin, au-delà de ce compagnonnagee sont eux qui pourront, grâce aux acquisitions faites lors deette visite, aider l’interne ou son sénior à être plus à l’aise.ous pourrions aussi élargir ce travail par une recherche deype « recherche—action » et vérifier si les acquisitions faites

chambre mortuaire, une expérience atypique ? Médecine014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003

ersistent dans le temps.Dans son article, Eoche définit la chambre mortuaire

omme un « espace où se vivent des situations de vulné-abilité, de désespoir, mais aussi de sérénité et de calme.

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Des externes dans une chambre mortuaire, une expérience

Les familles doivent y rencontrer un accompagnement, uneécoute et une attention constante et rassurante du person-nel » [9]. Ces éléments de définition sont retrouvés dans lediscours de nos étudiants lorsqu’ils évoquent la notion de« lieu de recueillement des familles ».

La notion de lieu « d’accueil », « d’exposition », « de tran-sition » des corps est souvent citée. Ces termes rejoignent ladéfinition de la circulaire DH-AF de janvier 1999 définissantla chambre mortuaire, dite parfois morgue, amphithéâtreou dépositoire, comme le lieu destiné à recevoir avantl’inhumation ou la crémation, le corps des personnes décé-dées. Nos sondés ne connaissent pas pour la majorité dedifférence entre chambre mortuaire et funéraire. Pourtant,cette même circulaire décrit la distinction entre la chambremortuaire et la chambre funéraire lieu privé ou communald’hébergement des corps dans l’attente d’une inhumationou crémation [10].

En ce qui concerne les rôles supposés de ces structures,les réponses des étudiants sont cohérentes.

Nous pouvons cependant nous étonner d’un certainmanque de culture générale de la part de quelques étudiantsdéfinissant :• le funérarium comme le lieu où sont incinérés les corps,

peut-être pouvons-nous imaginer pour les externes que« funérarium » sonne comme le mot « fumée » ;

• la chambre mortuaire comme le lieu où sont organiséesles funérailles.

Ne faut-il pas corréler ce manque de culture généralea une problématique sociétale : parler de la mort et del’après-mort reste actuellement difficile ?

Pourtant, 70 % de nos étudiants sondés ont été confron-tés au décès de l’un ou de plusieurs de leurs patients. Ilspeuvent donc être directement impliqués dans la prise encharge du corps du défunt et dans l’accompagnement desfamilles. Nous n’avons pas interrogé nos étudiants sur leurvécu personnel vis-à-vis de la mort. Mais il paraît quandmême licite de penser qu’ils y sont confrontés. Cette visitede la chambre mortuaire n’est-elle pas alors aussi un moyend’aller plus loin et de tenter de briser certains tabous ?

Perspectives

Pour l’ensemble des étudiants ayant bénéficié de la visite, leretour est positif. En effet, celle-ci répond à leurs attenteset questions.

Bien au-delà de notre objectif d’enquête, il semble quece travail offre de nouvelles perspectives. En effet, nos étu-diants nous confient :• qu’ils se sentent ainsi de meilleurs soignants, plus aptes

à gérer les détails pratiques lorsqu’ils seront confrontésà un décès et donc plus aptes à investir un temps dedialogue et d’échanger avec la famille ;

• qu’ils sont rassurés à l’idée de connaître le lieu, la dispo-sition de la chambre et les personnes qui y travaillent ; ilssoulignent que cette connaissance permet de démystifierla mort en général ;

• qu’ils apprécient cette visite, la recommanderaient à unami ou la verraient même comme obligatoire.

Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans unepalliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2

En outre, ce travail offre une perspective pédagogiquenouvelle et pertinente. En effet, tout au long du cursusdes études médicales, et particulièrement au décours des

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remier et deuxième cycles, les enseignements proposésux étudiants sont principalement théoriques à l’exceptiones cours de sémiologie ou des stages hospitaliers (ditsoncrets) durant l’externat au lit du malade. Ce modèle’enseignement « pratique » interactif en immersion estonc original. L’originalité de ce mode pédagogique semblevoir suscité un bon engouement chez les étudiants comme’illustre les propos : « vivement », « évidemment », nousouvons ainsi imaginer que des étudiants intéressés, atten-ifs, « séduits » soient plus concentrés et tirent donc un plusrand bénéfice en termes d’apprentissage.

Certains étudiants restent cependant sur la réserve, c’est difficile pour moi de parler de la mort », mais « ile faudra bien ». Ce propos peut sans doute illustrer uneodification sociétale. Le tabou de la mort reste importantans notre culture et même à l’hôpital, lieu fréquent desécès. Pour aller au-delà de cela, une sensibilisation précocees étudiants en médecine paraît importante et pourquoias grâce à cette visite. . . C’est peut-être là, avec recul’impact secondaire de ce travail. Nous avons pu tous en dis-uter ou y penser en ensemble, l’équipe en était persuadée.ous avons tenu cependant à ne pas afficher cet objectif enroposant la visite et pourtant c’est cet élément non négli-eable qui sort de ce travail d’enquête. Il pourrait donc êtrexploré par un travail complémentaire.

Et ce d’autant qu’il faut souligner qu’aucun commen-aire négatif n’a été exprimé par les étudiants suite à cetteroposition. Il semble donc que la confrontation à la mortci proposée ne soit pas apparue comme dérangeante ouiolente. Les étudiants parlent même d’une continuité desoins.

Par ailleurs, la confrontation des étudiants à la mort, àa finitude du patient, vient aussi illustrer une dimensionifférente de la médecine. Dans les années 2000, la réformees études médicales a modifié l’organisation du premier eteuxième cycles. L’enseignement se trouve alors structurén trois grands axes :un premier axe intitulé « module transdisciplinaire » ;un deuxième axe nommé « maladies et grands syn-dromes » ;un troisième axe désigné « orientation diagnostiquedevant » [11].

Cet enseignement médical en premier et deuxième cyclesst un enseignement centré sur la médecine curative, seulseux modules de formation sur 11 dans l’axe de formation

module transdisciplinaire » peuvent être amenés à traitere la notion de prise en charge palliative, prise en chargeorsque l’on ne peut plus guérir :

le module 5 « vieillissement » ;le module 6 « douleur, soins palliatifs et accompagne-ment ».

Le module 6 qui traite principalement des questions dea fin de vie et des limites de la « puissance curative » de laédecine est trop peu souvent traité dans les différentes

acultés francaises. Le nombre d’heures d’enseignementans ces modules est également confié à la discrétion

chambre mortuaire, une expérience atypique ? Médecine014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003

e l’université de rattachement des étudiants. Une étudeécente de l’Observatoire national de la fin de vie montreu’en moyenne les facultés francaises effectuent de 2 à 20 h’enseignements sur ces questions [12].

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Cette visite, de par cette confrontation à lamort, vient donc proposer un enseignementdifférent sur cette dimension des soins dits

palliatifs et cela d’autant plus qu’elle s’intègredans un stage de sensibilisation aux soins

palliatifs d’une semaine, au sein de l’équipemobile d’accompagnement et de soins palliatifs.

Dans son rapport, le professeur Sicard souligne l’impor-ance de la formation et d’une formation précoce. Il évoquene nécessité de refonte en profondeur de l’enseignementes études médicales afin « que les attitudes curatives neonfisquent pas la totalité de l’enseignement ». Il proposeinsi de :rendre obligatoire un enseignement de soins palliatifs quiaborde en profondeur les différentes situations cliniques ;développer la formation au bon usage des thérapeutiquesmédicamenteuses ;susciter un enseignement continu et universitaire sur ceque l’on entend par « obstination déraisonnable » ;apporter une formation aux étudiants basée sur l’exi-gence des relations humaines dans les situations de finde vie ;rendre obligatoire pour tous les médecins concernés parla maladie grave un stage en soins palliatifs [13].

Le rapport récent du Comité consultatif national’éthique (juillet 2013) confirme ce propos [14].

onclusion

’expérience de l’équipe mobile d’accompagnement et deoins palliatifs de Rennes « des externes en visite à lahambre mortuaire » semble être une expérience pertinentet pédagogique bien qu’étant atypique. En effet, les étu-iants approfondissent leurs connaissances. Ils pensent êtren capacité d’utiliser ces connaissances pour développeres compétences pratiques les rendant plus aptes à gérere décès de leur patient.

En outre, par ce travail il semble exister unesensibilisation des plus jeunes à la question de lamort. Cet élément trouve ainsi pleinement unejustification dans notre société, notre médecinequi parfois repoussent imaginairement la mort

et sa réalité.

Pour citer cet article : Texier G, Morel V. Des externes dans unepalliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

PRESSG. Texier, V. Morel

éférences

[1] Genyk I [thèse d’architecture] Les espaces de la mort àl’hôpital, entre réinvention et persistance. Saint-Denis: uni-versité Paris VIII; 2005.

[2] Association francaise d’information funéraire. Transfert d’uncorps hors d’un établissement (hôpital, clinique, maison deretraite, hospice). Transport avant mise en cercueil. Informa-tion et mise en garde [document sur Internet]. Paris: Associa-tion francaise d’information funéraire. www.afif.asso.fr/

[3] Gauthier B. Recherche sociale, de la problématique à la col-lecte de données. 4e ed Québec: Presse de l’université deQuébec; 2003.

[4] Brugidou M. La combinaison des inférences statistiques, linguis-tiques et sociologiques dans l’analyse d’une question ouverte.J Soc Fr Stat 2001;142:105—20.

[5] Dusmesnil H, Serre BS, Regi JC, Leopold Y, Verger P. Professionalburn-out of general practitioners in urban areas: prevalenceand determinants. Sante Publique 2009;21:355—64.

[6] Morse JM. The significance of saturation. Qual Health Res1995;5:147—9.

[7] Glaser BG, Strauss AL. The discovery of grounded theory: stra-tegies for qualitative research. Chicago, IL: Aldine; 1967.

[8] Legmann M. Atlas national de la démographie médicale enFrance. Situation au premier janvier 2010. Paris: Conseil natio-nal de l’Ordre des médecins; 2010 [167 pages].

[9] Eoche D. Les bonnes pratiques en chambre mortuaire. Soins2007;721:30—3.

10] Circulaire DH/AF 1 no 99-18 du 14 janvier 1999, relative auxchambres mortuaires des établissements de santé. www.sante.gouv.fr/adm/dagpb/bo/1999/99-04/a0040252.htm

11] Arrêté du ministère de l’Enseignement supérieur et de laRecherche du 02/05/2007, relatif à la réforme de la deuxièmepartie des études médicales, dans sa partie préambule, publiéau JO le 10/05/2007, NOR MENS0753287A.

12] Observatoire national de la fin de vie. Module forma-tion et recherche. Formation des professionnels de santé[chapitre 11]. In: Observatoire national de la fin de vie,editor. Rapport 2011 « Fin de vie : un premier état deslieux ». Paris: Observatoire national de la fin de vie; 2011,https://c44a5eb8-a-62cb3a1a-s-sites.googlegroups.com/site/observatoirenationalfindevie/espace-presse/documentspresse/Chapitre11.pdf?attachauth=ANoY7cqy6ItQPGXvtBRfdudZCen56l4xK28u3ytNWjn2qTQfB4qbRBbnGX7yzLIFn4RhGH5Ml8j6qXIu PbHdERN0nW baHLJi147briy4Cso0S8ubNueNvjNXxdxQq1gaYuf-XvE v1Zu7CxjCzWZY0PYqN68rKQnB0-CFIAYZG17gKvcBhpSrRSy96MwbjMw6oK1erqmSsFEEZyPpuQTX0TWGCnJazwDRPABxAA7fbZ5JlmFZdvhBkxjRcPzOaF2B4PlDvCyeaENt-siDCd3v98HbYeuhcVQ%3D%3D&attredirects=0.

13] Sicard D. Penser solidairement la fin de vie. Rapport à FrancoisHollande, président de la République francaise. Commissionde réflexion sur la fin de vie en France. Paris: ministère desAffaires sociales et de la Santé; 2012 [197 pages].

14] Aubry R, Azoulay M, Beaufils F, Benmakhlouf A, Claeys A,Comte-Sponville A, et al. Avis no 121. Fin de vie, autonomie de

chambre mortuaire, une expérience atypique ? Médecine014), http://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2013.12.003

la personne, volonté à mourir. Paris: Comité consultatif natio-nal d’éthique; 2012 [79 pages] http://www.ccne-ethique.fr/fr/publications/fin-de-vie-autonomie-de-la-personne-volonte-de-mourir