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2 0 2 . 2 97HO Association Française des Volontaires du Progrès Des hommes pour faire jaillir l'eau La promotion des artisans puisatiers en Afrique Bernard Collignon

Des hommes pour faire jaillir l'eau · 2014. 3. 7. · partie des services publics les plus in-fluents en milieu rural : l'OFEDES au Niger, le SNAPE en Guinée, ... mouvoir des opérateurs

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202 .2 97HO

Association Française des Volontaires du Progrès

Des hommes pour faire jaillir l'eauLa promotion des artisans puisatiers en Afrique

Bernard Collignon

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Des hommespour faire jaillir l'eau

La promotion artisans puisatiersen Afrique

Bernard CollignonHYDRO CONSEIL

Des milliers de points d'eau ont été creusés au Sahel durant ces vingtdernières années. Les Africains mourraient-ils donc de soif auparavant ?Non, bien entendu. Pendant des millénaires, leur alimentation en eau a étégarantie par le travail d'artisans puisatiers performants.

Mais alors, pourquoi les programmes dits "de développement" ont-ils oubliéces artisans, au point de confier la construction de simples puits à desentreprises publiques ou étrangères ?

A l'heure du désengagement de l'Etat et de la décentralisation, il est urgentde renverser la vapeur et de réhabiliter l'importance des petites entreprisesdu secteur hydraulique en Afrique. C'est une orientation de plus en plus fortedu Ministère de la Coopération et des ONG françaises, dans la perspectived'un développement centré d'avantage sur les demandes et les potentialitésdes opérateurs locaux.

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Sommaire

L'HYDRAULIQUE VILLAGEOISE,UN BILAN EN DEMI-TEINTE

BEAUCOUP DE POINTS D'EAU,MAIS PEU D'ENTREPRISES DYNAMIQUES

1. Les succès de l'hydraulique villageoise

2. La mise à l'écart des artisans traditionnels

3. L'effondrement des entreprises publiques

4. Les lacunes des actions de développementdéterminées par l'offre de servicesplutôt que par l'analyse de la demande

5. Des programmes trop centrés sur les infrastructures,et pas assez sur les acteurs

ET POURTANT DES ENTREPRISES PRIVEES EXISTENTMAIS ELLES SE HEURTENT A DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS

6. Quelques exemples d'entreprises privées du secteur hydraulique

7. L'accès aux marchés publics d'État est "verrouillé"

8. Le marché de l'aide est très irrégulier

9. Les relations difficiles entre les services de l'Etat et le secteur privé

10. Le marché local est encore convalescent

11. Les structures sociales traditionnelles ne sont pas toujours bien adaptées au déve-loppement des entreprises privées modernes

QUE FAIRE ?

12. Travailler avec des entreprises locales, permet d'augmenter l'impact économiquedes projets d'hydraulique villageoise

13. Améliorer les procédures de marchés publics

14. Promouvoir la maîtrise d'ouvrage locale

15. Engager une politique cohérente d'appui aux entreprises privées

16. Confier l'ensemble de la filière maintenance des pompes à des opérateurs privés

17. Ne pas sacrifier le service public

QUELQUES INFORMATIONS PRATIQUES

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L'hydrauliqueV I I I v l yf Vgl' Vp: I ^p ^SÊ: 5

un bilan endemi-te in te

Beaucoup de pointsd'eau, mais peu

d'entreprisesdynamiques

1. Les succès del'hydraulique villageoise

Au cours des trois dernières décennies,les programmes de développement dansle secteur de l'alimentation en eau enmilieu rural ont été centrés sur la créationde points d'eau modernes, délivrant uneeau de bonne qualité. Cette approche aété particulièrement développée durantla DIEPA, la Décennie Internationale del'Eau Potable et de l'Assainissementprononcée par les Nations Unies (1980-1990).

Les techniques qui ont été mises au pointdurant cette période ( baptisées "hydrau-lique villageoise" ) se sont révélées per-formantes. 100 000 points d'eau moder-nes ont ainsi été créés en Afrique del'Ouest, probablement plus que ce quiavait jamais été réalisé auparavant danscette région. L'aide française a été parti-culièrement efficace dans ce domaine.Le Fonds d'Aide à la Coopération (FAC)et la Caisse Française de Développe-ment (CFD) ont financé des dizaines de

milliers de points d'eau entre 1970 et1995. Les ONG ne sont pas restéessur la touche. Plusieurs d'entre elles,comme l'AFVP ou Eau Vive, ont orga-nisé la construction de plusieurs mil-liers de points d'eau villageois.

Le bilan que l'on peut dresser en 1996est flatteur. Plusieurs dizaines de mil-lions de personnes ont vu leur alimen-tation en eau s'améliorer, c'est-à-direque les habitants des zones ruralesont eu accès à une eau de meilleurequalité, plus près de chez eux. Cela aeu un impact décisif sur la santé publi-que (des centaines de milliers de dé-cès liés aux maladies diarrhéiques ontainsi été évités). Ces points d'eauconstruits au coeur des villages ontaussi permis une économie de tempsprécieuse pour les femmes et les fillet-tes ( un temps épargné qui peut alorsêtre consacré à d'autres activités so-ciales ou économiques ).

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Les canons de l'hydraulique villageoise

Au cours de la DIEP A, de très nombreux programmes d'hydrauliquerurale ont été lancés et les évaluations successives qui en ont étéfaites ont conduit à retenir finalement quelques standards techni-ques et méthodologiques dont tous les projets actuels s'inspirent :

- on prévoit un point d'eau moderne pour 250 habitants (puits ouforage) ;

- on installe ce point d'eau le plus près possible des habitationspour inciter la population à l'utiliser;

- l'exhaure à la pompe est préférée à l'exhaure manuelle, pourmieux garantir la qualité de l'eau ;

- le coût d'investissement doit rester limité, pour pouvoir alimen-ter des milliers de villages ; par exemple, on s'efforce demaintenir le coût des forages sous la barre de 60 000 FF parpoint d'eau, soit 250 FF par usager (c'est un coût inférieur à celuide l'hydraulique urbaine par exemple) ;

- les pompes doivent absolument être gérées par la communautébénéficiaire, ce qui entraîne d'intenses campagnes de sensibi-lisation et de formation ;

- les femmes jouent un rôle central dans la gestion domestique del'eau et elles doivent avoir un rôle central dans sa gestionvillageoise ;

- la réparation des pompes manuelles relève du petit artisanat ; unréparateur moyen assurera la maintenance d'un parc de 10 à 30pompes. ; ce n'est pas un bénévole, mais un professionnelreconnu par les villages.

Sur un plan purement technique, les années 70 ont été marquées parplusieurs progrès décisifs qui ont permis de multiplier les pointsdans les zones réputées difficiles pour la dureté de leur sous-sol:

- l'implantation des forages est guidée par la recherche de fractu-res visibles sur les photos aériennes ;

- les forages sont réalisés au marteau fond de trou, à un rythmequi peut atteindre 15 forages par mois ;

- on utilise divers modèles de pompes à motricité humaine, quidoivent respecter des critères précis de résistance à l'usure età la corrosion et de facilité d'entretien à l'échelle locale (pompesdites "VLOM");

- leurs charges récurrentes sont imitées ( de l'ordre de 500 FF parpompe et par an ) .

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2. La mise à l'écart desartisans traditionnels

Après la période coloniale, et particuliè-rement durant la DIEPA, les bailleurs defonds ont encouragé le développementde structures "modernes", capables deréaliser rapidement les milliers de pointsd'eau souhaités. En Afrique franco-phone, on a surtout fait appel à desentreprises publiques réalisant des tra-vaux en régie, dont la forme la pluscommune est la "brigade de l'hydrauli-que", un service technique rattaché auministère chargé de l'hydraulique ou dudéveloppement rural.

Il s'agissait alors pour les bailleurs defonds de "muscler" les appareils d'État,dans l'optique d'un développement ruralencadré, planifié et conduit par l'Etat.Parmi ces structures, certaines ont faitpartie des services publics les plus in-fluents en milieu rural : l'OFEDES auNiger, le SNAPE en Guinée, la Directionde l'Hydraulique au Sénégal et en Mau-ritanie,

Ces structures d'État ont alors drainéune part importante des budgets inves-tis dans le monde rural. Mais ces entre-prises ne créaient qu'une très faiblevaleur ajoutée locale. L'essentiel dumatériel et des matériaux étaient impor-tés, les techniciens et ingénieurs expa-triés mobilisaient une part très impor-tante de la masse salariale.

Pour compléter les actions de ces entre-prises publiques, les bailleurs de fondsont généralement misé sur des entrepri-ses étrangères, dont la compétencetechnique et les performances répon-daient à leurs attentes en terme de vi-tesse de réalisation et de standard dequalité.

Le "marché" de l'hydraulique villageoisea été ainsi pratiquement concentré entre

les entreprises nationales publiques etles entreprises privées étrangères.

Mais ce marché était-il totalement nou-veau ? N'existait-il auparavant aucuninvestissement dans ce domaine ? Non,bien entendu. De tout temps, les com-munautés villageoises africaines ont dûrésoudre des problèmes d'approvision-nement en eau, particulièrement sensi-bles dans les régions sahéliennes etsahariennes. Elles faisaient alors appelà des artisans locaux (puisatiers etmaçons) souvent fort compétents. Ceux-ci avaient déjà réalisé, bien avant laDIEPA, plusieurs centaines de milliersde puits, dont plusieurs milliers dépas-sent la profondeur impressionnante de50 m.

Ces artisans avaient le double avantaged'assurer un service de proximité, qui"colle" bien à la demande villageoise, etde travailler à l'intérieur des circuitséconomiques locaux, sans finance-ments extérieurs. La politique d'investis-sement menée durant la DIEPA les apourtant tenus complètement à l'écart.

Cette attitude ne relève pas d'une politi-que volontariste, mais elle a été systé-matique. En effet, le principal souci, com-mun aux bailleurs de fonds et aux jeunesadministrations publiques, était de pro-mouvoir des opérateurs performantspour la construction des points d'eaumodernes. A la même époque, on ad'ailleurs développé des brigades detravaux routiers, de génie rural,Comme le secteur privé moderne étaitencore embryonnaire, les programmesd'investissement public avaient du mal às'appuyer dessus et il semblait légitimede privilégier des structures publiques.Les ONG n'ont finalement pas agit diffé-remment, en encourageant la constitu-tion de brigades de puisatiers, totale-ment indépendantes du marché localdes puisatiers traditionnels.

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Cette politique systématique a permisde construire rapidement de nombreuxouvrages, mais elle a eu une consé-quence grave : empêcher le développe-ment des petites entreprises du secteurBTP, hydraulique,... en les écartant duprincipal marché : celui des ouvragesfinancés par les États et les bailleurs defonds étrangers

En pratique, les petits artisans de cesecteur ( parfois performants, commeles puisatiers qui creusaient des puits de50 à 100 m de profondeur au Sahel ) ontplutôt eu tendance à disparaître.

3. L'effondrement desentreprises publiques

Depuis une dizaine d'années, certainesentreprises publiques du secteur hydrau-lique s'effondrent, dès que les États ( etles bailleurs de fonds) cessent de lessubventionner. Elles ont de trop lourdescharges de structures et elles se révè-lent incapables de répondre avec sou-plesse et efficacité à la demande, qu'ils'agisse de celle des populations (quirecherchent un service souple, peu coû-teux, de proximité ) ou de celle desbailleurs de fonds (qui recherchent desopérateurs locaux ayant une totale auto-nomie technique et qui assument eux-mêmes les risques financiers de leurdémarche d'entreprise).

Certaines entreprises publiques, commele SNAPE en Guinée, parviennent quandmême à tenir le choc, grâce à un autofi-nancement assez large, établi sur labase des commandes de travaux, plutôtque sur des subventions. Cette situationintroduit nécessairement un comporte-ment plus dynamique et plus sensible àla demande

Durant la même période, il faut recon-naître qu'une part très importante des

marchés de l'aide ont aussi été "accapa-rés" par des entreprises et des fabri-cants européens, ce qui n'a guère favo-risé les transferts de compétences versles opérateurs locaux (encore que cer-taines entreprises du Nord aient joué lejeu, en participant au développement defiliales locales plus ou moins autono-mes).

On assiste actuellement à une remiseen cause de cette démarche du "ToutÉtat" dans le cadre des politiques d'ajus-tement structurel. Cette évolution estprincipalement guidée par des raisonsbudgétaires ( États endettés, balancecommerciale déficitaire,...), mais elle ades conséquences très intéressantessur les politiques de développementlocal : promotion d'opérateurs locaux,d'entreprises privées,..

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4. Les lacunes des actions de développementdéterminées par l'offre de services plutôt que parl'analyse de la demande

Un des traits dominants de ces politi-ques de développement, c'est le faitqu'elles soient déterminées avant toutpar l'offre de service et non par la de-mande. On propose aux usagers despoints d'eau dits "modernes" ou une eauréputée "de bonne qualité". Les critèresdéterminant les programmes sont défi-nis par comparaison avec ceux qui ontcours dans les pays développés, loin dela réalité africaine.

Cette détermination "par le haut" desobjectifs des projets, cette centralisationexcessive des décisions, est particuliè-rement sensible chez les bailleurs defonds multinationaux (grosses adminis-trations à évolution lente). La mêmedémarche se retrouve chez les petitsbailleurs comme les ONG, même cellesdes pays du Sud, dont les cadres afri-cains, formés dans les Universités euro-péennes, sont tout entiers tendus versdes objectifs de développement calquéssur ceux des pays plus riches.

Ces politiques sont relativement peuorientées par la demande : les popula-tions utilisatrices du point d'eau ont peud'influence sur la façon dont vont êtreinvesties des sommes qui représententpourtant de 90 à 95 % du total des inves-tissements collectifs réalisés sur place.Le village ne peut réellement exercerses responsabilités de maître d'ouvrageque pour les travaux qu'il finance direc-tement lui-même et qui ne représententque quelques pour-cent des investisse-ments : amélioration d'une école, dés-enclavement du village en améliorant lapiste ou le gué,....

Comme toute politique déterminée parl'offre, l'hydraulique villageoise a finit unjour par se retrouver en porte à faux avecla demande. Dans le domaine qui nousoccupe, cela conduit à une proportionimportante d'ouvrages mal entretenus,parce que les villageois refusent deprendre en charge la maintenance d'in-frastructures qu'ils n'ont pas comman-dées et qui ne répondent pas toujoursexactement à leurs besoins.

Exemples :- des pompes manuelles de faible

capacité ont parfois été installéesdans des régions d'élevage, bienque leur débit ne couvre pas lademande des éleveurs ;

- des pompes motorisées ont étéinstallées dans les zones forestièresoù les points d'eau gratuits sontnombreux ;

- ces ouvrages mal adaptés à la de-mande sont alors boudés par lesusagers et des taux de dysfonction-nement de 50 % ne sont pas excep-tionnels dans certaines régions.

Dans le domaine de la maintenance despompes manuelles, on a tout d'abord

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promu des structures publiques centra-lisées. Celles-ci se sont révélées trèsmal adaptées à la demande. En effet,ces pompes exigent des interventionsrelativement fréquentes (plusieurs foispar an), mais de faible coût (il s'agitgénéralement de remplacer un joint ouun clapet qui vaut quelques dizaines defrancs français). De plus, dans les payssahéliens, les pompes sont disperséessur des étendues très vastes.

Quand le service est assuré par uneadministration centrale (comme on en afait la malheureuse expérience en Côted'Ivoire ), les simples coûts de déplace-ment dépassent alors très largement lecoût des réparations elles-mêmes. Deplus, les brigades de maintenance mi-ses en place par l'administration ont descharges fixes (personnel locaux, amor-tissement des véhicules 4 x 4,...) insup-portables pour les usagers.

5. Des programmes tropcentrés sur lesinfrastructures, et pasassez sur les acteurs

On a vu ci-dessus que le bilan de l'hy-draulique villageoise était très flatteur àplusieurs points de vue :

- 100 000 points d'eau nouveaux,- lafournitured'une eau de meilleure

qualité bactériologique,- une moindre charge de travail pour

aller chercher l'eau.Mais ce bilan est nettement moins bonen termes de développement des ac-teurs locaux. Si tous les financementsinternationaux tarissaient rapidement(une hypothèse qui n'est malheureuse-ment pas à exclure) les opérateurspublics mis en place dans le cadre desgrands programmes nationaux risquentde s'effondrer, car il s'agit de structuresdéficitaires qui ne tiennent qu'à coup desubventions successives.

Les seuls opérateurs qui semblent pou-voir résister à un tarissement de l'aideinternationale sont ceux qui ont déjàtravaillé en conditions économiquesréelles, c'est-à-dire dans le privé. Mal-heureusement, ils sont mal connus desadministrations et des bailleurs de fonds,qui ne savent pas trop comment traiteravec eux. Cette ignorance est bien tra-duite par l'expression délicieuse de"secteur informel", alors que ce secteurreprésente finalement la majeure partiede la valeur ajoutée locale.

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entreprisesprivées existi rit

Elles se heurtentà de nombreuses

difficultés

II existe des entreprises locales techni-quement performants dans le domainede l'hydraulique villageoise : celles quiconstruisent des puits maraîchers ouqui réparent les pompes manuelles, etqui assurent ces prestations pour uncoût largement inférieur à celui quepeuvent offrir les entreprises publiques.Même pour la construction de puitsmodernes en béton armé, de petitesentreprises privées se sont dévelop-pées et parviennent à soutenir la con-currence des entreprises subvention-nées.

Les entreprises du secteur privé sonttrès diverses. On peut difficilementcomparer l'artisan qui répare 20 pom-pes manuelles chaque année ( avec unchiffre d'affaires qui ne dépasse pas1000 FRF ) et l'entreprise de forages( dont le chiffre d'affaires peut atteindre10 millions de FRF).

En 1994, Thierry Debris (AFVP) a réali-sé une étude approfondie d'entreprisesvariées du secteur hydraulique dans lespays du Sahel, dans le cadre d'une

6. Quelques exemplesd'entreprises privées

du secteur hydraulique

commande passée à l'AFVP par le Mi-nistère de la Coopération. Après ana-lyse de l'ensemble de leurs activités, ilpropose de les regrouper en trois caté-gories (voir tableau ci-dessous), selonleur chiffre d'affaires. Cette classifica-tion n'est pas arbitraire, car la taille duchiffre d'affaires est directement liée àd'autres caractéristiques importantes deces entreprises :

- l'effectif du personnel et sa gestionplus ou moins formalisée ;

- le niveau de technicité (particulière-ment l'équipement motorisé) ;

- la capacité de production (nombrede chantiers simultanés, ou nom-bre de chantiers annuels) ;

- les performances techniques (ca-pacité d'intervention dans des zo-nes particulièrement difficiles d'ac-cès, dans des roches dures ou ins-tables, fiabilité des ouvrages réali-sés,...) ;

- les performances institutionnelles(capacité à associer les maîtresd'oeuvre villageois aux travaux).

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MICRO

ENTREPRISES

Personnel

Ac!i\/ité

irvesusserrâru (FF;

Otites affales ¡!-Fi

Production

Ftayon dacïicn

Artisans plongeurs

Gouré - Niger

1

curage de puis

300

120à50C

33 13 puriâ

-

Artisans réparateurs

Yatenga-Burkina

-

réparateurs pompes

1000

110 à 2000

3 a 40 interventions

20 km

Puisatiers trad.

Guidimakha

3à5

construct-puisards

1000 à 2 000

10000 a 15000

25 à 35 metres

.S) Km

Artisan AMANI

Guéné-Bénin

5

construction puits

3 000 hors moy depict

22 500

150 mètres linéaires

50 kr-

PETITES

ENTREPRISES

Personnel

Activité

Investissement (FF)

Chiffre affaires (FF)

Production

Rayon d'action

Entr. NDOYE

Véllngara-Sénégal

6à10

construction puits

120 000

120000

100 à 200 m linéaires

100 km

Entr. MASSAWA

Konobougou-Mali

8

construction puits

390 000

600 000

250 à 300 m linéaires

150 km

Entr. DIARRA

Bamako-Mali

30 à 40

construction puits

140000

300 à 600 000

100à300in

Entr. DJIBOUGOU

Ouagadougou

25

construction puits

100 000 i locations

500 à 700 m linéaires

250 km

MOYENNE

ENTREPRISE

Personnel

Activîé

Investissement (FFi

Crjiffrc- a;faires iFri

Production

Rayon d'action

FORAG SA

Cotonou-Bénin

14

forages

3 500000

1200 m íinéaiíe/mois

tout le pays

Extrait <*? "Entrepreneurs puisatiers du Sahet.T.Debris et B.CcHignon. Ed. AFVP : MinCoop'

7. L'accès aux marchéspublics d'État est"verrouillé"

Les procédures de marché public sontpratiquement fermées aux petites entre-prises locales (les marchés sont tropgros, les décaissements trop lents, l'ad-ministration pose des exigences denantissements difficiles à remplir, lesretenues de garantie sont trop longues).En fait, ces procédures ont été conçuesà partir de modèles européens, pourgarantir le bon déroulement de gros mar-

chés publics internationaux. Elles sontmal adaptées aux entreprises locales,qui travaillent pratiquement sans "para-chute" bancaire.

Un autre facteur limitant est constituépar la concurrence déloyale des entre-prises publiques aux opérateurs privés,qui freine le développement d'un sec-teur concurrentiel dynamique. Cetteconcurrence est biaisée, parce que cesentreprises, bien qu'elles soient encoresubventionnées (matériel offert par unbailleur, personnel payé par l'Etat, bâti-ments hérités de l'administration), parti

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cipent quand même à des appels d'of-fres internationaux, captant ainsi desmarchés essentiels pour le développe-ment d'un secteur privé dynamique etperformant.

De plus, quand une entreprise publiquesoumissionne à un marché de l'Etat,l'administration se retrouve dans undouble rôle très malsain. Elle joue à lafois le rôle d'entreprise (car les cadresdes entreprises publiques sont des fonc-tionnaires) et celui de maître d'ouvrage(et à ce titre, elle contrôle les devis et lestravaux présentés par ses concurrents).Pour éliminer cette concurrence, lesservices techniques de l'Etat ont natu-rellement tendance à refuser la récep-tion des travaux réalisés par les entrepri-ses privées. Les refus de réceptionabusifs sont très fréquents. Ils entraî-nent de grosses difficultés pour les en-treprises (dont les factures ne sont passoldées) et pour les collectivités locales(qui ne peuvent pas prendre officielle-ment possession des ouvrages).

Les bailleurs de fonds portent égale-ment une certaine responsabilité dans lefaible développement des entrepriseslocales. Ils résistent mal au lobbyingintense de la part des fabricants et desentreprises de leur propre pays, qui lespoussent à écarter les entreprises loca-les de certains marchés où elles pour-raient se révéler très compétitives(comme les chantiers de construction depuits, de petites adductions ou de réser-voirs).

Enfin, la mise à l'écart des entreprisesartisanales est aussi liée à des raisonssociologiques. Il existe des liens privilé-giés entre les ingénieurs qui travaillentpour les bailleurs de fonds, les bureauxd'études et l'administration, car ils ontles mêmes cursus professionnels etpassent assez facilement d'un statut àl'autre. Par contre, les artisans locauxsont beaucoup plus proches des be-soins et des intérêts des usagers quidoivent être alimentés en eau.

8. Le marché de l'aide esttrès irrégulier

Le marché de l'hydraulique villageoiseest assez aléatoire, ce qui met de nom-breuses entreprises locales en difficulté.En effet, le marché de l'aide internatio-nale varie rapidement d'une année àl'autre, en fonction des choix politiquesdes pays donateurs ou de simples impé-ratifs financiers de leurs agences dedéveloppement. Les entreprises de fo-rage locales ont du mal à s'adapter àcette conjoncture très fluctuante. Lesentreprises internationales ont plus depossibilité d'amortir ces fluctuations, entravaillant sur de nombreux pays simul-tanément.

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9. Les relations difficilesentre les services de l'Etatet le secteur privé

Dans la plupart des pays du Sahel, ilexiste un intéressant cadre de politiquenationale de soutien aux artisans et auxentreprises privées. Ces politiques pré-voient généralement des codes d'inves-tissement favorables aux artisans etP.M.E. en milieu rural. Mais ce codereste une coquille vide tant que les arti-sans restent à la merci de l'administra-tion ( parfois indélicate ), sans protectionjuridique et sans services performantsd'appui aux entrepreneurs.

10. Le marché local estencore convalescent

On pense souvent que le marché localdes ouvrages hydrauliques est peudéveloppé, parce les communautés vil-lageoises sont trop pauvres pour pou-voir financer leur point d'eau. Ce juge-ment doit être nuancé et surtout replacédans une perspective historique. Aprèstout, pendant des siècles, ces commu-nautés sont bien parvenues à financer laconstruction des puits dont elles avaientbesoin. Pourquoi cette capacité localede maîtrise d'ouvrage a-t-elle été anes-thésiée ?

Les programmes nationaux d'hydrauli-que villageoise ont généralement étégérés de manière très centralisée, tou-tes les décisions importantes étant pri-ses à la capitale, sans consulter lescollectivités locales et les associationsvillageoises.

Cela a entraîné une forte déresponsabi-lisation des usagers, qui ne sont plusjamais mis en position de maîtres d'ou-vrage et qui n'ont donc aucune relationcontractuelle avec les entreprises quiréalisent les travaux. Petit à petit s'est

installée l'idée que le point d'eau est uneaffaire du gouvernement, et que lesusagers n'ont pas à participer à sonfinancement. Ceci explique d'ailleurs ledépérissement progressif des micro-en-treprises de puisatiers. Pourquoi un vil-lage leur passerait-il commande d'unpuits traditionnel, alors que le député dusecteur a promis de faire financer unpuits moderne par l'Etat ?

Avec le retrait de l'Etat, le marché localreprend de l'importance. Ce phénomèneest déjà sensible depuis plusieurs an-nées dans le domaine de la constructiondes écoles, car les associations de pa-rents d'élèves sont de plus en plus sou-vent amenées à prendre en charge desinvestissements qui avaient été couvertspar l'Etat pendant 20 ans.

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11. Les structures socialestraditionnelles ne sont pastoujours bien adaptées audéveloppement desentreprises privéesmodernes

II importe aussi de tenir compte descauses internes aux sociétés africaines,qui freinent le développement d'entre-prises privées performantes, qui pour-raient accéder au marché international.On connaît bien les difficultés des entre-preneurs locaux à réinvestir leurs béné-fices dans du matériel, car la trésoreriedisponible est rapidement absorbée parles dépenses liées aux obligation desolidarité sociale au sein de la familleélargie.

Ces entreprises éprouvent aussi desdifficultés à garder leurs cadres les pluscompétents, car les entrepreneurs re-chignent à payer des salaires équiva-lents à ceux qui sont offerts à l'étrangerou dans les projets financés par lesbailleurs de fonds et les ONG étrangè-res (dont les grilles salariales sont ba-sées sur des normes internationales).

Enfin, ces entrepreneurs adoptent sou-vent une attitude très prudente à l'égarddes marchés publics et tendent à resteraussi longtemps que possible dans lesecteur informel. Selon l'adage bienconnu "pour vivre heureux, vivons ca-chés", de nombreux entrepreneurs pré-fèrent rester à l'écart des marchés pu-blics, car ils estiment que ces marchéssont sources de conflits et de tensionsavec des fonctionnaires parfois âpres augain.

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faire ?

12. Travailler avec desentreprises locales, permetd'augmenter l'impactéconomique des projetsd'hydraulique villageoise

Faire appel à des entreprises artisanaleslocales à un impact important en termesde créations d'emplois, de retombéeséconomiques et de formation des ca-dres. C'est pourquoi on a toujours intérêtà les préférer à des entreprises publi-ques ou étrangères, même si ces derniè-res peuvent se prévaloir de meilleuresréférences. Bien entendu, cela impliquede mettre en place des procédures desuivi et de contrôle des travaux, afin degarantir la qualité des ouvrages cons-truits.

13. Améliorer lesprocédures de marchéspublics

L'amélioration du contexte institutionnel,juridique et financier dans lequel évo-luent les petites entreprises africainesmériterait aussi une grande attention.Cela ne se fera pas en un jour, mais il estnécessaire que la fiscalité soit mieuxadaptée et plus équitable afin qu'elle soitacceptée par les entreprises. La législa-tion du travail gagnerait aussi à être plusproche des pratiques réelles et non des

rêves de quelques fonctionnaires, carles règles actuelles conduisent à rejeterdans le secteur "informel" 90 % destravailleurs. Enfin, la volonté "prédatrice"de certains fonctionnaires devrait êtrebridée par le développement de l'Etat dedroit et de tribunaux permettant desrecours contre les abus de pouvoir.

La législation des marchés publics de-vrait aussi évoluer, à l'exemple de ce quis'est déjà fait dans certains pays duSahel, afin de mieux s'adapter aux con-traintes des petites entreprises :

- fractionner les marchés publics, afinde définir des lots dont la taille soitcompatible avec la capacité d'inter-vention des opérateurs locaux, sansles obliger à constituer des groupe-ments de circonstance, instables etsources de conflit entre les sous-traitants ;

- limiter les exigences en termes decaution, de nantissement ou deretenue de garantie ;

- réduire les délais de réception défi-nitive ;

- fusionner les micro-marchés de lacoopération décentralisée, afin deconstituer des lots suffisants pourmobiliser une petite entreprise lo-cale ( ce travail devrait être facilitépar l'existence de réseaux commeCUF et pS Eau ).

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COUT MOYEN DES OUVRAGES LES PLUS COURANTSET RETOMBEES ECONOMIQUES LOCALES

PUISARD PUITSEN BRIQUES

PUITS MODERNECUVELE

FORAGE avecPOMPE MAIN

Les coûts totaux sont en caractères droits

La part des retombées locales est indiquée en italiques

FORAGE avecGROUPE ELECTR

MATERIAUX

POMPE

MAIN D'OEUVRE

ENTRETIEN MATERIEL

AMORTISSEMENT MATERIEI

LOGISTIQUE

CONDUITE ENTREPRISE

OF

OF

500 F500 F

0F

20 F20 F

50 F20 F

0F

2 500 F500 F

0F

1400 F1 400 F

300 F300 F

400 F1 000 F

1 000 F500 F

1 000 F1000 F

12 000 F2 000 F

0F

12 000 F12 000 F

4 000 F500 F

6 000 F1 000 F

5 000 F3 000 F

6 000 F6 000 F

10 000 F1 000 F

6 000 F

3 000 F1500 F

10 000 F500 F

15 000 F

8 000 F3 000 F

15 000 F

15 000 F1000 F

50 000 F

5 000 F3 000 F

15 000 F500 F

25 000 F

10 000 F3 000 F

25 000 F

COUT TOTAL (FRF) | 570 F 6 600 F \ 45 000 F |67 000F | 145 000 F

dont retombées locales 540 F 4 700 F 24 500 F 6 000 F% du coût total 95% 71% 54% 9%

Caractéristiques des ouvrages que l'on compare

PUISARD puits non maçonné, de 10 m de profondeur dont 1 m d'eaudiamètre : 100 cm ; pas de margelle ; creusement à la mainfaible hauteur d'eau ne demandant pas de pompe

PUITS ENBRIQUES

puits maçonné en briques, 10 m de profondeur, 2 m d'eau ;diamètre:120 cm ; margelle ; creusement a la mainexhaure pendant la mise en eau à la main

PUITSMODERNECUVELE

puits cuvelé en béton, avec buses havées. 20 m dont 5 m d'eaudiamètre: 180 cm ; margelle, trottoir, rigole ;creusement à la main et au marteau piqueur ;exhaure pendant la mise en eau à la pompe pneumatique

FORAGE etPOMPEMANUELLE

forage de 50 m creusé au marteau fond-de-trou, tube en PVCet équipé d'une pompe manuellediamètre : 15 cm ; trottoir et protection

FORAGE etGROUPE

forage de 50 m creusé au marteau fond-de-trou, tube en PVCet équipé d'une pompe électrique et d'un groupe électrogènediamètre : 20 cm ; trottoir et protection ; cabine de pompage

7500 F5%

Nombre d'usagers alimentésProduction d'eau (m3/jour)Durée de vie de l'ouvraqe(ans)

250,510

1002

20

2505

50

2505

20

10002030

Coût par m3 (FRF/m3)° amortissement° entretien0 total

Coût par usager (FRF)

0,310,00

0,31

22,8

0,450,09

0,54

66

0,490,10

0,59

180

1,840,84

2,68

268

0,661,57

2,23

145

Extrait de "Entrepreneurs puisatiers du Sahel,T.Debris et B.Collignon. Ed. AFVP/MinCoop"

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14. Promouvoir la maîtrised'ouvrage locale

Les entreprises privées du secteur hy-draulique ne pourront se développerdurablement que si le marché localdevient lui-même plus porteur et mieuxstructuré. Les efforts à faire en termesde soutien aux entreprises sont doncindissociables de ceux à faire pour lapromotion des maîtres d'ouvrages locaux(collectivités locales, associations d'u-sagers).

15. Engager une politiquecohérente d'appui auxentreprises privées

Les projets d'hydraulique villageoise ontlongtemps gardé une attitude un peufrileuse à l'égard de l'entreprise privée.Maintenant que les entreprises publi-ques s'étiolent, il est grand temps d'en-

gager une politique de soutien cohé-rente au secteur privé.

Toute identification de projet d'hydrauli-que villageoise devrait donc comporterun inventaire et une évaluation des en-treprises existantes, ainsi que des pro-positions d'appui méthodologique : for-mation technique, formation à la ges-tion, appui dans les relations avec lesbanques ou l'administration,...

Il faudra aussi inciter les banques com-merciales à développer des produitsfinanciers mieux adaptés aux besoins etaux disponibilités des entreprises ( dé-velopper les possibilités de crédit gagésur les commandes publiques, rémuné-rer les comptes à terme à des taux réelspositifs,....).

Les ONG proches du terrain, commel'AFVP, peuvent jouer un rôle intéres-sant de promotion des entreprises loca-les auprès des bailleurs de fonds et de

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l'administration, afin de crédibiliser pro-gressivement les plus performantesd'entre elles. Cette promotion peut pas-ser par des outils comme "l'Annuairedes professionnels de l'eau", préparépar le PS-Eau, qui pourrait être amélioréen décentralisant sa mise à jour périodi-que. A moyen terme, on cherchera àfaire certifier les capacités des entrepri-ses intéressantes, en suivant l'exempledes projets de type AGETIP (agencesde maîtrise d'ouvrage déléguée misesen place avec le soutien de la BanqueMondiale).

La protection juridique accordée auxentreprises artisanales devrait aussi êtrerenforcée. En effet, dès qu'une entre-prise formalise son activité, elle devientvulnérable aux pressions de certainsagents indélicats de l'administration.C'est ce qui explique la réticence denombreux artisans à passer dans lesecteur économique formel, alors qu'ilspourraient bénéficier des statuts trèsfavorables que la plupart des pays ontadopté pour les petites entreprises quis'installent en milieu rural : simplificationadministrative, large défiscalisation,...

Les projets d'hydraulique rurale sontsouventtentés de pousser l'initiative plusloin, en créant de toutes pièces de nou-velles entreprises, directement adap-tées aux besoins du projet. Cette démar-che est artificielle, car elle conduit àcréer une entreprise taillée sur mesureen fonction du projet, sans tenir comptede l'environnement économique.

Il est plus sain de réaliser d'abord uneétude du marché avant de lancer denouvelles entreprises ou de pousser desentreprises existantes à de lourds in-vestissement. Un projet porte une lourderesponsabilité quand il incite une entre-prise à s'encombrer d'immobilisationsqu'elle aura du mal à rentabiliser par lasuite.

Dans ce domaine, les ONG et les Villes

jumelées doivent être particulièrementvigilantes, car certaines d'entre elles ontcontribué à mettre sur pied des entrepri-ses nouvelles non viables, car liées à unmarché trop local (dans le cadre d'unprojet) et non concurrentielles par rap-port à des entreprises artisanales quiavaient déjà plusieurs années d'expé-rience. En particulier, il est dangereux etcontre-productif de vouloirconstituer unenouvelle entreprise à l'occasion de cha-que projet de construction de puits etc'est montrer bien peu de soucis pour laviabilité des entreprises déjà existantes.

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Puits ou forage ?

C'est un vieux débat dans le milieu du développement. Le forage est plus vite faitet son eau est mieux protégée de la pollution. Mais le puits correspond mieux auxbesoins des villageois car l'exhaure manuelle est plus commode et plus efficace.

Ce débat "puits ou forage" devient vraiment crucial quand on se préoccupe de lapromotion d'entreprises locales. Quelle est l'origine des entreprises qui creusentles puits et les forages en Afrique ? Quelle est leur contribution aux économieslocales ?

Existe-t-il des entreprises locales de forage ?

Les conditions de travail dans les campagnes africaines sont très rudes pour lematériel motorisé. La chaleur, la poussière, le mauvais état des pistes, tout tend àlimiter la durée de vie des machines. L'absence de diéselistes et de piècesdétachées rendent difficile l'entretien des moteurs. Enfin, les conditions de vieassez peu confortables dans les villages font fuir vers la ville les quelques cadrestechniques nationaux qui pourraient conduire un chantier de forage. Tout celaconcourt à rendre aléatoire la viabilité des entreprises africaines de forage. Ce n 'estdonc pas un hasard si, en Afrique, la majorité des forages sont encore réalisés pardes entreprises étrangères ( ou leurs représentants locaux ) , travaillant pour desbailleurs de fonds internationaux. Par contraste, la majorité des puits sont construitspar des entreprises locales, car le matériel à gérer est beaucoup moins important.La solution "puits" est donc incomparablement mieux appropriée actuellementpar les PME africaines que la solution forage.

Les retombées économiques locales

Un programme d'hydraulique villageoise représente un engagement financierénorme à l'échelle de la région qu'il touche. A raison de un point d'eau (45 à 67000 FRF) par 500 habitants, un tel programme représente l'équivalent de 10 à 20% du produit annuel brut de la région. Il est donc important que ces travaux aientun maximum de retombées économiques locales, sous forme de salaires etd'achat de matériaux. De ce point de vue, la solution puits est plus intéressan-te que la solution forage. 40 à 60 % du coût du programme reviennent ainsi à larégion touchée, contre 5 à 10% dans le cas des forages. Alors qu'un programmede puits mobilise en majorité des ressources humaines et des matériaux locaux,une campagne de forage se traduira par beaucoup d'importations.

Faut-il arrêter de faire des forages ?

On aura compris qu'il est plus facile de promouvoir des puisatiers que desforeurs. Mais n 'en déduisons pas qu 'il ne faut plus faire de forages, d'autant plusque ceux-ci ont l'avantage de fournir une eau d'excellente qualité. Les foragesont bien leur place en Afrique, dans les régions de socle dur, où les puisatiersont du mal à travailler. Ailleurs, là où il est possible de creuser des puits, il vautmieux faire appel aux artisans locaux : les puisatiers.

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16. Confier ¡'ensemble de lafilière maintenance despompes à des opérateursprivés

La maintenance des pompes manuellespeut être réalisée à faible coût ( del'ordre de quelques centaines de francsfrançais par pompe et par an ), pourautant que l'on la confie à des artisanslocaux qui n'ont que peu de charges destructures et qui peuvent se déplacer enutilisant une moto ou un taxi-brousse.

C'est dans cette direction que s'orien-tent tous les projets financés par laCoopération Française depuis quelquesannées. Dans des pays comme la Gui-née, cette politique a abouti à d'excel-lents taux de bon fonctionnement despompes manuelles.

17. Ne pas sacrifier leservice public

Dans un contexte international de priva-tisation "tous azimuts", il faut bien pren-dre garde à ne pas "jeter le bébé avecl'eau du bain". Les services techniquesqui ont la responsabilité de l'hydrauli-

que rurale en Afrique de l'Ouest em-ploient de nombreux cadres qualifiés etexpérimentés et ils sont riches de l'expé-rience des grands programmes d'hy-draulique villageoise des années 80.

Si l'on veut préserver les ressources eneau ou garantir un standard de qualitéminimal, l'Etat doit absolument resterun partenaire central en matière d'hy-draulique villageoise. Les projets finan-cés par ailleurs devraient en tenir comp-te en passant commande aux organis-mes publics de prestations rémunéréesdans les domaines suivants :

- le contrôle de qualité (car les maî-tres d'ouvrages locaux sont désar-més face aux entreprises privées) ;

- la gestion de la ressource en eau(un rôle capital pour les aquifèresd'importance régionale dans desrégions à forte demande en eau:bassin sénégalo-mauritanien, bas-sin côtier bénino-togolais,...) ;

- la standardisation des équipementsd'exhaure et d'adduction;

- la formations des artisans répara-teurs et des gestionnaires de comi-tés de l'eau.

••••••^mm

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QUELQUES ADRESSES UTILES

Des entreprises du secteur hydraulique

BENINFORAG S.A. - BP 494 - Cotonou (forages)ENERDAS - BP 8155 - Cotonou ( équipements solaires)AMANI Djado - Guene - Borgou - Bénin (artisan puisatier)

BURKINA FASOCOFOMAYA - BP 24 - Ouahigouya (forages manuels, puits)Entreprise DJIBOUGOU Issa - BP 3844 - Ouagadougou (puits)

MALISALLOUM MASSAWA - Konobougou (puits)DIARRA - BP 2724 - Bamako (puits)

MAURITANIECoopérative MYAH - Selibaby (puits)BTI - Nouakchott (Adductions et pompage solaire)PHY - BP 1189 - Nouakchott (520 41) (Bureau d'études)

NIGERAssociation hydraulique de Mayahi, Maradi (puits)Association Aman Iman (puits)

SENEGALGIE de puisatiers de Tambacounda (puits)Entreprise MANDOYE, Vélingara (puits)Entreprise DIOUF, Koussanar (puits)

Le réseau spécialisé

pS-Eau - 213, rue La Fayette - 75010 - Paris (01 40 05 61 23)

Des ONG spécialisées

AFVP - BP 207 - 91311 - Montlhéry cédex ( 01 69 01 10 95 )EAU VIVE -12, rue Rochembeau-75008 -Paris ( 48 78 30 33 )GRDR - 20, rue Voltaire - 93100 - Montreuil ( 01 48 57 75 80 )GRET - 213, rue Lafayette - 75010 - Paris ( 01 40 05 61 61 )

Des bailleurs de fonds

Minist. Coopération- rue Monsieur- 75007- Paris (47 83 10 10)CFD - 35, rue Boissy d'Anglas - 75379 - Paris ( 40 06 31 31 )SEDIF -185, rue de Bercy - 75579 - Paris ( 01 43 45 30 65 )

Pour en savoir plus...

Cette plaquette a été préparée pour le Ministère de la Coopération et l'AFVP par BernardCollignon (HYDRO CONSEIL).

Elle s'inspire largement des travaux de capitalisation menés en 1993 et 1994 par l'AFVP,sur financement du Ministère de la Coopération. Un livre synthétise les résultats de cestravaux : Entrepreneurs puisatiers du Sahel, parThierry DEBRIS et Bernard COLLIGNON.Disponible à l'AFVP, au prix de 90 FRF.