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No 4 | Septembre 2012 Des paroles à la Parole Comment les histoires façonnent la vie en Tanzanie

Des paroles àlaParole8 Des paroles et des actes Le dimanche de la mission universelle ... teurs de l’éducation et de la santé. Il n’y a pas une paroisse qui n’ait pas une

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No 4 | Septembre 2012

Des parolesà la ParoleComment les histoires façonnentla vie en Tanzanie

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2 frères en marche 4|2012

Photo de couverture: Missio

Table des matières

4 Tanzanie: une mosaïque géante Un aperçu de l’Eglise catholique

8 Des paroles et des actes Le dimanche de la mission universelle

12 Le florissant monastère des Capucines Au pied du Kilimandjaro

16 Les femmes en Tanzanie En grande partie reconnues égales ...

20 «Parce que tous les gens sont égaux» Rencontre avec des jeunes Tanzaniens

26 La vie des Capucins en Tanzanie Généreux et hospitaliers

30 «On se doit d’en parler aussi aux autres» La culture africaine du dialogue

32 Le pouvoir des mots Une ressortissante d’Afrique noire raconte

36 Les impulsions franciscaines au dialogue interreligieux François d’Assise et le dialogue interreligieux

40 Passerelles dans une société multiculturelle La place des religieux-ses dans notre société

46 Questions tous azimuts Interview avec Elie Foffo Menkem

Les communautés de base:éléments essentiels de l’Egliseen Afrique.

4 12 32Au pied du Kilimandjaro:le paradis des Capucinesde Maua.

Ensemble à l’écoute dela Parole de Dieu:communautés attentives

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Editorial

Chères lectrices, chers lecteurs

«La Parole, un cadeau», tel est le slogan de la prochaine campagnede MISSIO qui nous offre cette année un aperçu de l’échange et dupartage avec l’Eglise qui est en Tanzanie. Deux collaborateurs de cetorganisme, Siegfried Ostermann et Jacques Michel, relatent pour nousleurs expériences de l’année dernière. Ils ont été heureux d’avoir puprofiter de nos Frères missionnaires encore engagés dans ce pays quileur a tant donné, surtout en humanité.

«La Parole, un cadeau» que l’on ne peut garder pour soi car elle estessentielle à la vie. Et ceci d’autant plus quand il s’agit de la Parole de Dieutransmise et donc offerte à autrui, sans grands discours mais par le partagede ce qu’elle représente pour la vie personnelle et communautaire.Le partage de cette Parole au sein des petites communautés chrétiennesdégage un dynamisme qui peut nous stimuler dans la lecture communed’un Evangile, comme cela se pratique dans le diocèse de Lausanne,Genève et Fribourg avec la lecture de l’Evangile de Marc.

Les témoignages de Flaviana et d’autres encore, comme celui des Sœursde Maua nous pressent en quelque sorte à oser parler de notre foi sansgêne et donc à rendre compte de Celui qui nous a choisis, qui que noussoyons, pour révéler sa compassion. Car c’est bien cela que tout hommede toute langue, peuple et nation attend le plus.

La Mission n’est pas dépassée. Elle est devenue une passerelle qui nousdonne de nous rencontrer, de nous considérer comme de la même famille.Nous recevons en fait de cette communion plus que nous pouvions enattendre. Que la lecture de ce numéro consacré à la mission universelleélargisse notre horizon et notre solidarité. La mission n’est pas à voieunique, elle ne va plus simplement du Nord vers le Sud ni du Sud versle Nord mais elle nous vient de partout pour nous vivifier mutuellement.Il n’y a pas de frontière à la mission et à la nouvelle évangélisation.

Fr. Bernard Maillard, rédacteur

MISSIO est une œuvre internationale de partage au bénéfice des diocèses qui sansune aide de notre part ne peuvent assumer la formation de leurs séminaristessans l’œuvre de St-Pierre Apôtre, l’éducation et la santé de l’enfance sans l’œuvrede l’Enfance missionnaire comme aussi les tâches pastorales sans l’œuvre pour l’évangélisation. Ces trois œuvres sont les composantes de MISSIO et sont complémentaires de notre solidarité missionnaire.

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L’appartenance religieuse n’est plusrecensée depuis de nombreusesannées, car la question est consi-dérée comme trop sensible. Cepen-dant l’affiliation au christianisme,à l’islam et aux religions tradition-nelles africaines est évaluée à untiers chacun. Plus récents, les chiffres officieuxsont basés sur environ un quartde catholiques et un peu moins de30% d’autres chrétiens. Un tiers serait donc musulman. Ici, la répar-tition régionale est différente. Pourdes raisons historiques, le nord, larégion côtière et ses îles sont à prédominance musulmane.

Passé colonialLe christianisme est marqué par lepassé colonial. Ainsi, dans le sud,la mission bénédictine bavaroiseavec six ramifications est forte-ment représentée. Les luthériensjouent un rôle particulier du côtéprotestant, ce qui reflète ainsi l’histoire coloniale allemande. Parce que la Tanzanie a été admi-nistrée par les Britanniques après laPremière Guerre mondiale, l’Egliseanglicane du Kenya s’est étenduedans ces contrées. Parmi ceux-cion trouve l’Eglise morave et de plusen plus de groupes très charisma-

tiques comme les pentecôtistesqui ont enregistré un fort affluxdernièrement. Si le travail de 90 ans de missiondes Capucins suisses et des Sœursde Baldegg en Tanzanie est une

«success story», les Capucins à quion a posé la question répondentavec hésitation. La «réussite» quipeut être mesurée en nombre, ilsne la connaissent pas. Mais ilsconstatent avec gratitude que Dieu

a fait multiplier les semences etque leur travail porte du fruit. Lediocèse d’Ifakara appartenait audiocèse de Mahenge, une zone

Tanzanie: une mosaïque géante

Depuis le 14 janvier 2012, la Tanzanie compte 34 diocèses.En 2006, il y en avait seulement 26. Le plus récent, Ifakara,est la résultante de la division du plus important, Mahenge.L’évêque Mgr Melchior Salutaris Libena vient d’Ifakara,où près de 90% de la population est catholique. En moyenneil y a 4600 catholiques pris en charge par un prêtre.En Tanzanie, l’Eglise catholique est attrayante et dynamique. Les Capucins et les

Sœurs de Baldeggconstatent que ce qu’ilsont semé porte du fruit.

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Africains et Européens prennentensemble la même direction.

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pastorale qui avait été confiée auxCapucins suisses.

Créer des paroissesQu’est-ce ce qui caractérise l’Egliseen Tanzanie de nos jours? «La Tan-zanie est énorme, une mosaïque!»,nous explique Fr. William Ngowilors de notre passage à Morogoro.Quelque 130 langues y sont par-lées. Le swahili est la langue offi-cielle. A celle-ci s’ajoute l’anglais,bien sûr. La présence de l’Eglise catho-lique enTanzanie se caractérise parune tendance contraire à la nôtre

qui se caractérise par la créationd’unités pastorales englobant plu-sieurs paroisses. En Tanzanie en revanche, de nouveaux évêchéset de nouvelles paroisses ont étéérigés pour permettre une meil-leure proximité. Ici, la créationd’unités pastorales, là-bas la créa-tion de paroisses et d’évêchés.

Eglise dans le quartierLes petites communautés chré-tiennes – Small Christian Commu-nities – ont été introduites dansles années 1970 en Afrique del’Est comme une priorité pastorale.Cette initiative des évêques est devenue l’épine dorsale de l’Egliselocale. Sans ces groupes de base, lesparoisses ne fonctionneraient pas. Se rassembler autour de la Pa-role de Dieu, prier ensemble, pren-dre soin des personnes âgées etdes malades, tous ces actes ontleur place dans ces communautés.La préparation aux sacrements est

prise en charge par les laïcs – quibénéficient d’une grande confian-ce. Ils sont l’Eglise dans le quartier,celle qui va au-devant du peuple.

Des voix s’élèvent contrela corruption Les évêques de Tanzanie parlentd’une seule voix. Parce que le gou-

vernement est corrompu à tous lesniveaux, les évêques appellent àune pratique responsable du pou-voir. Dans leurs sermons, les prêtresaussi ne mâchent pas leurs motsquand il s’agit de dénoncer la cor-ruption dans leur propre environ-nement. Ce qui est frappant, c’estl’engagement soutenu des sec-

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Les capucins suissessont engagés en Tanzanie

depuis 1921.

Fr. Peter Keller, l’un des rares capucins suissesencore en Tanzanie, avec des Frères de ce pays,

à l’heure de la prière communautaire.

Fr. Eugen Bucher célèbre l’Eucharistie dans une communauté de base.

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Photo: Procure des Missions Olten

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1997. Où en est l’Eglise 15 ans plustard? L’inculturation de l’Eglise estquasiment acquise. Catéchistes,prêtres et religieux sont formésen Tanzanie et les Tanzaniens occu-pent tous les postes clefs. La nou-velle Université catholique Jordan

de Morogoro est un pas de plusqui contribue à donner à l’Eglise unvisage tanzanien.

Le manque de financeL’autonomie financière est une destâches primordiales qui se vérifie àdifférents niveaux et pour ce fairedoit être favorisée par des initia-tives adéquates. Le séminaire deDar es Salaam possède, par exem-

teurs de l’éducation et de la santé.Il n’y a pas une paroisse qui n’aitpas une antenne pour les per-sonnes souffrant du SIDA. Lesécoles catholiques sont parmi lesmeilleures du pays et jouissentd’une bonne réputation.

Le vœu de Fr. Walbert«L’Eglise en Afrique est sur la voiede l’autonomie administrative, de

l’auto-préservation, l’auto-forma-tion. Elle peut vaillamment braverla «Mer Rouge», qui se trouve entre les légendes et l’action, se libérer du poids de l’Eglise mis-sionnaire qui entrave quelquepeu l’Eglise locale». C’est ainsique Fr. Walbert Bühlmann formu-lait ses vœux pour le jubilé des75 ans de présence des Capucinssuisses et Sœurs de Baldegg, en

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Fr. Egfrid Tönz, 87 ans, est encoretrès engagé dans l’animationdes communautés.

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rL’Eglise de Tanzanie n’est plus dépendante des missionnaires étrangers, elle est missionnaire chez elle.

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ple une petite usine de productionde biogaz. Le four à pain est ali-menté avec le gaz. Le séminaire amême reçu une distinction pourcela. L’infrastructure actuelle – égli-ses, presbytères, hôpitaux, centresde santé, crèches, etc., – peut êtreplus ou moins entretenue par sespropres moyens. Pour les rénova-tions, les agrandissements et lesnouvelles constructions qui sontnécessaires en raison du nombrecroissant de fidèles, les moyens financiers manquent et l’aide exté-rieure est indispensable. Sachantque la source de financement enprovenance du Nord va se tarirun jour, on cherche des solutionsd’autofinancement.

Eglises missionnairesLe «poids de l’Eglise missionnaire»diminue peu à peu: les mission-

naires de Tanzanie sont actifs dansd’autres pays africains. Cela changela compréhension de l’Eglise, qui,de par sa nature même, est mis-sionnaire. Une préoccupation a été expri-mée à maintes reprises: la paix religieuse et politique peut êtrepréservée. Il est à craindre queles tendances fondamentalistes islamiques puissent égalements’exporter en Tanzanie et boule-verser le fragile équilibre.

Siegfried Terman

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Les missionnaires deTanzanie sont actifs dansd’autres pays africains.

Devise: «Uhuru na Umoja», en swahili «Liberté et Unité»Langue officielle: le swahiliCapitale: Dodoma, avec plus de 3 millions d’habitants, mais le siège du gouvernementest à Dar es SalaamSuperficie: 945 087 km2

Population: 43,6 millions, 42% (CH: 15,3%) de la population a moins de 14 ansDensité de population: 39 habitants au km2

Moyenne d’âge: près de 19 ans (CH: 41,7)Espérance de vie: 53 ans (CH: 81)Taux de croissance démographique: 1,96% (CH: 0,199%)Taux d’analphabétisme: 22,5% d’hommes, 37,5% de femmes(Sources: Wikipédia et CIA Factbook)

Photo: Adrian Müller

Le temps de la colonie est terminéeet des structures alors nécessaires

sont aujourd’hui vouées à la rouille.

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Chaque année en octobre, mois dela mission universelle, Missio faitdécouvrir l’Eglise d’un pays. CetteEglise invitée se situe en Afrique,

en Asie, en Amérique latine ou enOcéanie. Les catholiques de Suisseapprennent ainsi à mieux connaî-

tre l’Eglise universelle. Cette année,la Tanzanie est à l’honneur.

Echange internationalAvec la collecte de la mission uni-verselle répartie équitablemententre tous les diocèses dans le be-soin, la solidarité se positionne aupremier plan. Chaque année, envi-ron 1100 diocèses peuvent ainsi assurer leurs besoins de base. Latâche de Missio est de permettre«l’échange et le partage».

A l’instar de la construction etde l’entretien du réseau ferroviaire,tout le monde aime avoir un ser-vice cordial et des trains qui arri-vent à l’heure. Mais personne nesonge aux supports que sont lesrails. Missio œuvre à la base et per-met l’échange dans les deux direc-tions. Chaque année, un invité spé-cial est mis en évidence. Cette an-née, c’est la capacité spéciale deschrétiens de Tanzanie dans l’écoutede la Parole de Dieu, particulière-ment perceptible dans l’activitédes Small Christian Communities,

Des paroles et des actes

L’avant­dernier dimanche d’octobre est la journée de la missionuniverselle, la plus grande campagne de solidarité au monde.La collecte de la journée concerne en effet les paroisses dumonde entier. Ce dimanche est cependant bien plus qu’unesimple récolte de fonds.

Cette année, la Tanzanieest l’Eglise­hôtede la campagnede MISSIO.

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Toutes les générations se tournentvers la Parole de Dieu.

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les Petites Communautés Chré-tiennes: elles sont 20000, répartiessur tout le territoire.

Berceau de l’Afrique de l’EstL’Afrique de l’Est est souvent ap- pelée le berceau de l’humanité.Dans les gorges renommées d’Ol-duvai, en Tanzanie, quelques-unsdes plus anciens ossements hu-mains ont été découverts. L’Afrique de l’Est est, en quelquesorte, aussi le berceau des petitescommunautés chrétiennes, mêmesi elles sont beaucoup plus jeunes.Depuis les années 1970, elles sontune priorité dans la pastorale despays d’Afrique orientale. Elles sontà la base de l’élaboration d’unexemple d’Eglise qui s’est propagéau-delà de l’Afrique. En Asie, ce modèle de partage de la Bible aaussi trouvé un terrain fertile:50000 petits groupes se réunissentsur ce modèle en Corée du Sud. Le concept arrive lentement enEurope où on recherche de nou-

velles voies pour l’avenir, dans uneère de grands bouleversements etde changements des valeurs. Le partage de la Parole de Dieuau sein de petites communautéschrétiennes est aujourd’hui unenouvelle manière de faire Eglise.

La parole magnétiseLorsqu’on lui demande quelle estla force des fidèles dans son archi-diocèse d’Arusha, l’évêque Josaphat

Le partage de la Parolede Dieu au sein depetites communautéschrétiennes estaujourd’hui une nouvellemanière de faire Eglise.

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Au cours des siècles, de nombreuxfils de S. François ont proclamé

la Parole de Dieu en Afrique.

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Lebulu – en poste depuis 14 ans –répond sans hésiter: «C’est la soifde la Parole de Dieu. Les gens ontfaim de la Parole de Dieu.» L’église située à côté de l’évêchéétait trop exiguë depuis long-temps. Deux messes chaque di-manche étaient insuffisantes pouraccueillir tous les fidèles. Depuisquelques années, une église plusgrande abrite désormais quatre offices dominicaux bien que la paroisse ait été divisée en trois. Les croyants disent: «Nous vou-lons connaître la Parole de Dieu.Nous voulons comprendre ce quele Christ veut nous dire.» La soif etla faim de la Parole de Dieu attei-gnent souvent une ampleur telleque Mgr Lebulu ne peut l’expliquer.Il le voit comme l’œuvre de Dieu.A partir de ce désir, des initiativesgrandissent. Elle donne aussi uneimpulsion à la construction dupays.

10 à 15 famillesBeaucoup se sentent une vocationet suivent la formation de caté-chistes, deviennent prêtres ou reli-

gieux, envoyés auprès des hom-mes. La Parole peut exercer sonpouvoir, parce que les fidèles se réunissent chaque semaine dansles petites communautés de 10 à15 familles. Les hommes et les femmes, lesenfants et les personnes âgées:tous se rassemblent autour de laParole de Dieu et échangent à partir de là. Pleins de confiance etforts de leurs compétences, ils sontl’Eglise dans le quartier. Les petitescommunautés chrétiennes jouentun rôle dans la médiation desconflits et luttent contre les injus-tices. De nombreux contentieuxpeuvent ainsi être résolus, surtoutdans les couples.

La parole plantée en terreUn signe très simple est visibleau monastère des capucines, à Morogoro. A côté de l’église, unecroix sous forme de Tau est plantée en terre. Elle est entouréepar un cœur. Le charisme deSaint François y est implanté. Maintenant, il porte beaucoup defruits.

Fr. William Ngowi enseigne lessciences bibliques à l’universiténouvellement fondée, à Morogoro.

Il a noté bien des changements survenus autour de l’université.«Quand nous sommes venus ici,il n’y avait rien. Les habitantscroyaient que les mauvais espritserraient en ce lieu.» Grâce à leurprésence, les Capucins ont démon-tré que la peur n’est pas motivantepour le développement et le pro-grès.

Les femmes leadersComment la Parole de Dieu est capable de changer quelque chosedans la société, la direction des Petites Communautés Chrétien-nes en fait la démonstration. «Lamoitié des petites communautéschrétiennes est dirigée par desfemmes», explique Hermann. Il estsecrétaire de la paroisse à Sanya

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En Afrique, les gens sont affamés de la Parole de Dieu.

Les habitantscroyaient que lesmauvais espritserraient en ce lieu.

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Juu. Les femmes sont actives danstoutes les rouages de la commu-nauté: présidente, secrétaire, assis-tante ou trésorière. «Ma femme a été trésorière durant neuf ans», dit Hermann,non sans fierté. Il a lui-même étéélu plusieurs fois responsable desa communauté. Des électionssont organisées tous les trois ans.Qui veut assumer des responsa- bilités à un niveau supérieur doitd’abord acquérir de l’expériencedans une petite communautéchrétienne.

Bon lecteurLa lecture de l’Evangile est l’unedes étapes vitales dans la vie despetites communautés chrétien-nes. En Europe, les participants auxgroupes d’études bibliques lisentparfois un texte dans différentestraductions. En Tanzanie, ce n’est pas si simple. Chaque famille ne peut sepermettre d’acheter une Bible.Mais cela n’a pas d’importance finalement, parce que l’Afrique nedispose pas d’une forte traditionécrite. Le continent a en revanchedéveloppé une riche tradition ora-le. Raison pour laquelle l’écoute estsi importante. Un bon lecteur peut faire res- sortir les émotions des textes bi-bliques. Les gens ont développé lacapacité d’écouter très attentive-ment. Cette audition a remplacé

en quelque sorte la lecture.L’échange sur ce qui est entenduest décisif.

Une invitationL’Exhortation apostolique post sy-nodale Africae Munus, a encouragé«le moment de l’échange communsur la parole de Dieu» (Nr. 151). Tousles groupes religieux sont concer-nés. Cette pratique permet d’enre-gistrer dans ses propres pensées lemessage de Dieu à l’humanité.

Avec la campagne de cette année, dans laquelle les petitescommunautés chrétiennes sontmises en évidence, Missio veut encourager ce partage de la Pa-role de Dieu et de la vie dans nosentités pastorales. Le charisme del’Eglise universelle mis en valeurpar l’Eglise de Tanzanie est une invitation à apprécier un modèleéprouvé et à le pratiquer.

Siegfried Ostermann

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«Par l’inculturation, l’Eglise incarne l’Evangile dans les diverses cultures et, en même temps, elle introduitles peuples avec leurs valeurs dans sa propre communauté; elle leur transmet ses valeurs, en assumantce qu’il y a de bon dans ces cultures et en les renouvelant de l’intérieur. »

Bienheureux Jean-Paul II, Redemptoris missio, 52

L’ardeur missionnaire est le baromètre de notre foi. Une Eglise qui n’évangélise plus est en danger demort. C’est pourquoi on peut se réjouir que le pontificat de Jean-Paul II ait insufflé un nouveau souffle missionnaire dans l’Eglise tout entière.

In Martin Pradère, De toutes les nations faites des disciples.Editions de l’Emmanuel et Editions Paulines, 2006, p. 53

Les missionnaires étrangers ont implanté une Eglise locale qui peutcompter sur les siens, sans exclure qui que ce soit.

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der.» L’accent est mis sur le «nous».L’aspect de la communauté estbeaucoup plus important ici quechez nous en Suisse. Pour que les sœurs puissent demander cette force à Dieu, elles

règlent leurs activités en fonctiondes heures de prière, de la messedu matin et des moments de récréation. Une demi-heure d’ado-ration silencieuse quotidiennefait partie de leur entrainement«d’endurance». «Tous les mois,nous avons une journée de récol-lection», explique Sr Isabelle, «une

journée que nous réservons à Dieuseul. Pour prier et réfléchir sur nosactivités. Chaque année, nous pas-sons aussi huit jours en retraite.Chaque sœur se plie à cet usage.De là nous puisons notre force carnous savons que sans Dieu nousne pouvons rien faire.»

Sanya JuuA Sanya Juu, où se trouve une autrecommunauté des sœurs de Maua,il y a un centre catéchétique re-nommé. Durant deux ans, hommeset femmes y reçoivent une forma-tion pour devenir catéchistes danstoute la Tanzanie. Ce qui ressort

au prime abord, c’est la grande diversité des âges au sein du «Cen-tre catéchétique Emmaüs». Ainsi,Peter, le postier à la retraite, est assis à côté de la jeune Sr Alicedu Kenya qui a été envoyée parsa congrégation pour se con- sacrer plus tard à la catéchèse desjeunes. Au niveau financier, Peter

Mais que font les Capucines enTanzanie? La fondation du couventde Maua par les Sœurs de Gerlis-berg (Lucerne) est bien connue enSuisse alémanique car un ouvragelui a été consacré. Les nombreuses visites en prove-nance de Suisse démontrent à quelpoint les contacts sont suivis entrela Suisse et la Tanzanie. Les voyagesconduisent également les visiteursvers d’autres régions du pays oùles sœurs se sont établies. Mais ladurée du séjour est trop courte etles activités des sœurs trop variéespour pouvoir en donner un aperçucomplet.

Premières impressionsTout pousse, fleurit et prospère:cette brève formule peut résumerà elle seule les premières impres-sions de Maua et des capucines.Mais au delà de ce sentiment, il y abeaucoup de travail collectif et deprières assidues. A la question desavoir où les capucines puisent laforce pour accomplir leurs tâches,

Sr Yolande, la sous-prieure, répondsans hésiter: «Nous recevons notreforce de Dieu. On doit la lui deman-

Le florissant monastère des Capucines

Sr Yolande et Sr Isabelle nous guident à travers le monastèredes Capucines de Maua, au pied du Mont Kilimandjaro. Dès quel’on pénètre dans les jardins, on découvre avec ravissementque tout y est merveilleusement entretenu: les parterres defleurs luxuriantes, les allées soigneusement pavées, puis faisantle tour du monastère et des chambres d’hôtes, on remarquesurtout une très grande propreté. L’attention que portentles Sœurs de Maua à leurs hôtes, est remarquable.

«Nous recevons notreforce de Dieu.On doit la lui demander.»

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Tout pousse autour du monastèredes Capucines de Maua.

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peut se permettre maintenant dedonner quelque chose en retourà l’Eglise en tant que catéchiste. Leservice de catéchiste, qui est fonda-mental pour l’approfondissementde la foi, n’est pas rémunéré dansla plupart des régions. Ou alors lessalaires sont trop modestes pourl’entretien d’une famille. Vient ensuite l’écoute attentivedes questions, critiques et observa-tions: «Pourquoi si peu de genss’intéressent à la vie religieuseen Europe?» demande Sr Alice.«Pourquoi en Europe, seules lespersonnes âgées vont à l’église?Où sont les jeunes?» Peter veut savoir.

Aspirante, candidate,postulante, noviceChez les sœurs de Maua, la duréede la formation humaine et spiri-tuelle est de six ans avant de

pouvoir prononcer ses vœux. Lesjeunes femmes débutent commeaspirantes. Durant cette année,elles apprennent les rudiments dela prière et du travail dans le mo-nastère et durant cette période,elles peuvent décider si elles sou-haitent aller de l’avant ou pas. La formation se poursuit avec lestatut de candidate, durant une

autre année. S’ajoutent ensuitedeux ans en tant que postulantepuis deux autres années commenovice. Durant ces années, elles re-çoivent une bonne éducation reli-gieuse et une formation de degrésecondaire et on peut leur propo-ser une formation d’infirmière oude catéchiste.

Sr Yolande, par exemple, a fré-quenté l’école du petit séminairede Maua dirigé par les capucines.Outre l’école, il y a aussi le travail.Sr Yolande est responsable des sixvaches du monastère qu’elle traitelle-même. Quand il y a une dizainede litres de lait par vache, c’est déjàbeaucoup.

Catéchèse et maison d’hôtesAu total, 52 sœurs sont rattachéesau monastère de Maua, maistoutes n’y vivent et n’y travaillentpas. A Marangu, non loin de Maua,quelques sœurs gèrent un jardind’enfants. Elles sont principale-ment occupées avec la catéchèse.Leur ministère est d’assurer l’édu-cation religieuse aux degrés pri-maire et secondaire. Sept sœursenseignent la catéchèse deux foispar semaine. Elles le font gratuite-ment, bien que le couvent dépendede revenus pour vivre. Un gain stable est en revancheassuré avec leur maison d’hôtes.Un groupe de 29 personnes de Lu-cerne y avait séjourné en octobre2011. Les sœurs mettent le lieu àdisposition pour des retraites et

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Quand il y a dix litresde lait par vache,c’est déjà beaucoup.

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pour d’autres rencontres. Ce centredispose de 44 chambres, indivi-duelles pour la plupart. Mais ilexiste également des chambresaménagées pour les couples.

Femmes: pas d’égalitéQu’en est-il actuellement de l’éga-lité et des droits des femmes?En particulier au sein de l’Eglise?A ce propos, Sr Yolande choisit derépondre en faisant référence au

statut du prêtre: «Le prêtre restele patron. S’il décide de quelquechose, alors cela doit être fait, quece soit correct ou non. Ce n’est pasbien.» La sœur ne voit pas d’optionspour le changement. Dans presquetoute l’Afrique, les femmes ne sontpas traitées de manière égale.«Cette attitude se retrouve aussidans l’Eglise.» Néanmoins l’avenirde la Tanzanie est dans leurs mains«parce que ce sont elles qui travail-lent, qui produisent quelque chose,surtout pour leurs familles».

Une parole de vieJ’ai demandé à Sr Yolande quelleétait sa devise choisie lors desa profession. La réponse jaillit immédiatement, – naturellementen swahili. C’est le cinquième ver-set du psaume 16: «Seigneur, monhéritage et ma part à la coupe, tutiens mon destin.»

C’est la foi en un Dieu qui aideet se soucie des gens. Les sœurs deMaua le démontrent sans relâchedans leurs tâches quotidiennes etdavantage encore dans leurs rires.Au travers de leur travail commecatéchistes ou d’enseignantes ouencore grâce à leurs actions so-

ciales et diaconales elles donnentDieu aux gens, en sachant que lafoi peut prendre profondément racine.

Siegfried Ostermann

Elles donnentDieu aux gens,en sachant que la foipeut s’enracinerprofondément en eux.

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«Le prêtre restele patron.»❯

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Au monastère, le travail ne manquepas et les temps de prière y sont

bien animés.

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Flaviana dirige l’école primaireSaint-Louis à Moshi. Dans l’établis-sement soutenu par la paroisse catholique, 640 enfants sont enca-drés par 24 enseignants. Elle estaussi membre du comité de la Ca-tholic Women Association, l’Associa-tion catholique des femmes de Mo-shi. Flaviana est donc la personne

idéale pour parler du statut desfemmes dans l’Eglise de Tanzanie.

Colonne vertébrale de l’EgliseMissio: Où sont les femmes dansl’Eglise en Tanzanie? Et dans lediocèse de Moshi?Flaviana: A Moshi principalement,elles sont partout présentes, car

elles sont très dynamiques et –pour tout ce qui concerne l’évangé-lisation – elles sont sur la ligne defront. Elles prennent aussi part àde nombreuses autres activités religieuses. Les femmes sont vrai-ment la colonne vertébrale del’Eglise catholique dans le dio-cèse.

Comment s’organisentles femmes pour être l’épinedorsale du diocèse?Il y a au plan national l’Associationdes femmes catholiques (CatholicWomen Association). Elle existe

Les femmes en Tanzanie

Flaviana Msuya est assise dans son petit bureau de l’écoleprimaire Saint­Louis à Moshi. L’espace est plein de livres et decahiers. Tout y est soigné et propre. Elle respire le calme etla sérénité, la preuve d’une vie bien remplie. Elle est mère dequatre enfants et a sept petits­enfants. Son mari est décédé.

16 frères en marche 4|2012

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depuis 40 ans. Nous avons aussifêté cet anniversaire cette année.

Combien de femmes y sont actives?Je n’en ai aucune idée, mais je sup-pose qu’un quart ou voire un tiersdes femmes est impliqué danscette Association.

Comment se manifestela présence des femmesau niveau du diocèse?L’Association des femmes y est pré-sente à tous les degrés. Au niveaunational, nous avons des lieux derencontres et dans les diocèses,des bureaux régionaux. Mais le travail s’effectue réellement dansles paroisses où des groupes sontcréés. Et cela jusque dans les Small

Christian Communities (SCC = pe-tites communautés chrétiennes)où il y a un président ou une prési-dente, vice-présidente, secrétaireet trésorière. Déjà à ce stade, lesfemmes œuvrent ensemble. Il enest ainsi à tous les niveaux,jusqu’au diocèse.

Où sont les hommes?Est ce qu’à la base des SCC onne trouve que des femmes?Dans la majorité des communau-tés on rencontre beaucoup de fem-mes et d’enfants. Les hommes sontplutôt rares.

Où sont les hommes?Je ne sais pas. Nous nous posonsaussi la question.

Est ce que le travail au sein del’Association est bénévole?C’est un travail bénévole que nousfaisons pour les enfants et les

femmes. Surtout aujourd’hui, nousnous trouvons face à la mondialisa-tion avec des défis particuliers. Lajeune génération apprend deschoses très différentes que par lepassé et oublie les bonnes ma-nières. Nous les aidons à garderde bonnes habitudes religieuses ethumaines. Ils sont exposés à tousles changements de la modernitéet nous essayons de transmettreau moins les comportements debase. C’est un grand défi car lemonde est en mutation.

Est ce que votre travail est reconnupar les instances ecclésiales?Elles sont au courant de notre tra-vail et savent aussi le reconnaître.S’il y a quelque chose à faire, les prê-tres nous sollicitent. Les instancesreligieuses sont très conscientes denotre action. Dernièrement, l’Asso-ciation des femmes a organiséune exposition. L’évêque est venu

Un quart ou voire un tiersdes femmes fait partiede cette l’Associationdes femmes catholiques.

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à l’ouverture et y est resté toute lajournée.

Dans les petites communautéschrétiennes de base, les femmesont des rôles de leader au niveaulocal. Est-ce pareil aux échelonsplus élevés? A partir de la base et à divers éche-lons, elles sont cheffes de file dansles paroisses. Elles y ont déjà leurmot à dire et ainsi de suite jusqu’auniveau diocésain. L’ensemble deces communautés est construitsur cette structure. Ici, dans ma pa-roisse de Moshi, il y a trois hommeset deux femmes dans le comitéexécutif.

Vous œuvrez beaucoup pour lesenfants dans la paroisse. Que

faites-vous au sein de l’Associationdes femmes catholiques?Nous nous efforçons de nous re-trouver une fois par semaine pourprier ensemble. Ce sont des occa-sions pour partager les uns avec lesautres. Nous nous réunissons éga-lement une fois par mois sur le plandiocésain, par solidarité. Normale-ment, nous nous rencontrons le di-manche après la messe, nousprions ensemble et discutons denos propres affaires.

L’égalité des droits dans la sociétéQuelle position occupent lesfemmes dans la société enTanzanie?Ici à Moshi, les femmes sont re-connues. Nous avons les mêmeschances de bénéficier d’une éduca-tion que les hommes et, il n’y a aucun clivage. Le salaire est établien fonction de la position; il n’y apas de différence. Je suis convain-cue que les femmes, si elles le ten-

tent, peuvent s’imposer partout oùelles le souhaitent.

Quels sont les défis pour lesfemmes en Tanzanie?Nous aimerions avoir une plusgrande influence politique. Parceque les femmes ont atteint le ni-veau des hommes. Avant, il y avaitplus d’opportunités au niveau dela formation pour les hommes quepour les femmes. Maintenant il y ade plus en plus d’écoles et l’écartentre les hommes et les femmess’est réduit.

Vous êtes donc satisfaite dela situation des femmes dansl’Eglise et la société?Je ne sais pas ce que je pourrais demander de plus. Les femmes

Nous aimerions avoirune plus grandeinfluence politique.

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S’il y a quelque choseà faire, les prêtresnous sollicitent.

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font très bien leur travail. Si unefemme veut quelque chose, ellepeut l’obtenir car les femmes ontles mêmes chances. Les hommesle constatent lentement, mêmedans l’Eglise. Maintenant, ellessont plus organisées et savent cequ’elles veulent. A Moshi, le gou-vernement a fait construire huitécoles pour les filles et seulementune école pour les garçons. C’estcomme le contre-mouvement à ladiscrimination contre les femmesautrefois.

Les hommes sont les chefsQui prend les décisions àla maison?A la maison l’homme prend la plu-part des décisions. Mais dans denombreuses familles, les choix sefont de plus en plus souvent encommun. Dans les villages leshommes restent naturellementles chefs.

En est-il de même dans l’Eglise?Oui, c’est vrai. Mais au niveau de laparoisse, beaucoup de décisionsprises dans le passé par le prêtresont maintenant du ressort desfemmes.

Qui est actif à la directionde la paroisse? En majoritédes hommes ou des femmes?Ce sont des groupes mixtes. Lesprêtres se concentrent davantagesur les sacrements et sont moinspréoccupés par les questions admi-nistratives. Cette mission est assu-mée par les responsables de la pa-roisse.

Est ce que les prêtres l’acceptent?Ils se rendent bien compte que travailler ensemble facilite leur

mission. Si un prêtre doit tout assu-mer seul, il sera très vite fatigué.Raison pour laquelle les gens pren-nent de tels engagements.

Siegfried Ostermann

Les prêtres sont moinspréoccupés par lesquestions administratives.

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Huit heures du matin. Un cheminde terre traverse le village encoresous la grisaille. Une silhouettes’avance dans la brume. Echangede paroles dans nos anglais ap-proximatifs. Jakson, 20 ans, auraitenvie que nous nous parlions pluslonguement. Rendez-vous est pris:

«A 14 h au portail du Séminaireoù nous logeons». 14 h 15, toujours personne. Unejeune fille, Jackline, parle en swahiliau gardien massaï. Grâce à elle et àson téléphone portable, nous re-trouvons Jakson et son ami Paul.Les trois jeunes nous proposent

alors une promenade dans le «vil-lage». Aucune maison n’est visible: laverdure engloutit tout. Mais che-min faisant, nous croisons quel-ques groupes. Des enfants et desadultes portent des branchagessur la tête, qui serviront à faire cuireles repas. Plus loin, une femme, fau-cille à la main, nous hèle. «Pourquoila photographies-tu, s’étonne Jack-line, c’est une folle!» Jackline a 20 ans, comme sesdeux amis. Elle étudie la géogra-phie à Arusha, une ville à 200 kmd’ici. Elle nous demande à brûle-

«Parce que tous les gens sont égaux»

Voyager sur un autre continent et découvrir de magnifiquescontrées, cela peut se faire sans même échanger un mot avecles autochtones. Ce n’est toutefois qu’en engageant un vraidialogue qu’humanité et fraternité peuvent vraiment éclore,dévoilant aussi – crûment – la précarité ou l’inégalité deschances. Et parfois le Divin, tel un arc­en­ciel, s’invite:des paroles échangées à Maua avec trois jeunes Tanzaniens,soudain ont surgi la Parole et la foi.

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pourpoint: «Y a-t-il autant de sidaen Suisse qu’ici?» Nous esquissonsune réponse, puis lui posons d’au-tres questions.

JacklineLe sida te préoccupe?Jackline: Oui, c’est un gros pro-blème dans toute la Tanzanie. J’aiperdu plusieurs amis de mon âge

qui sont morts du sida, à Moshi,Arusha, Dar es Salaam. Et aussi ici àMaua. Pourquoi est-ce si répanduen Tanzanie?

Si tu étais Premier Ministrede Tanzanie, quels changementsferais-tu immédiatement?J’éradiquerais toutes les discrimi-nations qui existent entre hommeset femmes, je donnerais à chacunla possibilité de faire des études;je promulguerais des lois pour protéger l’environnement et pouréliminer la corruption. Je m’efforce-rais de faire reculer la malaria etle sida.

Que souhaites-tu faire dans la vie?Enseignante.

Seras-tu enseignante ici?Oui, bien sûr. Vous savez, la Tanza-nie est un beau pays qui vit dans

la paix. Il n’y a pas de conflitscomme en Somalie, au Rwanda ouau Burundi. Et nous avons tant depaysages splendides et de sitesmagnifiques.

Y a-t-il de bonnes chances detrouver du travail ici à Maua?Non, ici, c’est impossible. Donc, ilfaut partir, à Moshi ou dans d’au-tres régions, aller d’une place àune autre pour trouver une activité,avoir des liens avec des gens.

Quels sont les défis qu’unjeune doit relever ici?Il y en a tellement! La plupart d’entre nous vivent dans une famille pauvre. Et dans les famillespauvres, il n’y a pas de quoi assurerles besoins vitaux. Par exemple,avoir assez de nourriture et tout lereste. Donc, certains jeunes sontcensés s’engager dans des choses

SidaLa Tanzanie est l’un des pays les plustouchés au monde par la pandémie, aggravée par le fait qu’elle est tabouet génère l’exclusion.

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comme la prostitution, dans le volet des choses de ce genre. C’est ceque j’appelle les démons.

Dois-tu lutter contreles démons?C’est ma Petite communauté chré-tienne (PCC) qui m’a appris com-ment chasser les démons. Maisaussi comment vivre en commu-nauté, comment vivre en famille,respecter mes parents, commentprier.

Es-tu engagée depuis longtempsdans une PCC?Jackline: Oui, depuis que je suis néejusqu’à aujourd’hui. C’est très im-portant pour moi et pour notre fa-mille.

JaksonJakson: Moi, si je regarde ma vie, jepeux dire que la PCC m’a sauvé. LaPCC peut aider les gens simples quiont des problèmes comme les attaques personnelles ou les condi-tions de pauvreté. On y apprend lesbons comportements dans la vie.On voit aussi comment des per-sonnes – il y en a beaucoup – viventselon l’Evangile. Et comment re-joindre cette vie-là. Les PCC aidentaussi à parler de Dieu aux autres,à comprendre ce que Dieu veutqu’ils fassent. Sans Dieu, je ne peuxrien faire.

PaulEt toi, Paul, participes-tu aussià une PCC?Paul: Oui, et j’y attache une trèsgrande importance. La PCC m’aideà acquérir une bonne disciplinepour respecter les autres, pour lesaimer, parce que tous les gens sontégaux.

Que veux-tu faire dans la vie, Paul?Je voudrais devenir comédien, dansle cinéma.

Et tu vas suivre des courspour cela?Oui, je voudrais partir pour étudiercela, mais dans ma famille, noussommes pauvres. Il faudraitd’abord que je trouve un travailpour payer mes études.

«Il a bu»Nous sommes montés jusqu’auxconfins du village, avons rejoint larivière. Jakson me demande de leprendre en photo avec Paul, sonami. Instant de quiétude. Jaksonsourit; Paul, non. Son regard merappelle ses paroles: «.. . parce quetous les gens sont égaux». Perdudans un somptueux écrin de na-ture, quelque part dans cette splendide Tanzanie, à parler avectrois jeunes de vingt ans de leurstrès précaires perspectives d’avenir,

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Money, moneySoleil couchant. Notre véhicule fend la campagne sur cette petite route de terre dela région de Rothia. Les champs sont fertiles. Un troupeau de vaches s’extirpe desbroussailles. Vite une photo, voiture en marche! Un jeune berger voit la manœuvre deloin, se met à courir vers nous, criant: «Money, money!» Derrière le mot-passe-partout,à coup sûr ce message: «Si tu photographies mes vaches, Occidental fortuné, tu meprends quelque chose!»

Petites communautésLes Petites communautés chrétiennessont nombreuses, plus de 20000 danstoute la Tanzanie. Voulues par lesévêques tanzaniens dès 1974 commestructure de l’Eglise locale, elles for-ment comme les petites cellules debase de la paroisse. Ce sont de petitsgroupes de 10 à 20 familles qui se réu-nissent une fois par semaine. D’abordlieux d’écoute de la Parole de Dieu,lieux de prière, ils permettent aussi leséchanges fraternels et la solidarité. EnTanzanie, c’est là qu’existe en premierlieu l’Eglise.

Ces deux amis: Jackson et Paul ont 20 ans, comme Jackline.Jackline étudie la géographie à Arusha.

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je me demande: «De quelle égalitéparles-tu, Paul?» La lumière décline. Jackline veutrentrer dans sa famille: «Une fem-me n’est pas en sécurité ici quandla nuit tombe.» Sur le chemin du

retour, un groupe d’hommes. L’undeux, éméché, semble nous invecti-ver, nous les étrangers. Il saisit lebras de Siegfried avec force, profèrequelques mots en swahili avecagressivité. Calmé par ses compa-

gnons, il finit par lâcher le bras,puis s’éloigne. Nous demandons ànos amis le sens de ses propos. Laconiques ils nous disent: «Il a bu».

Jacques Michel

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Foi et richesseSr Alice, jeune religieuse, prend la parole: «Je voudrais comprendre: quelle est la causedu déclin de la foi en Europe et pourquoi les Européens ne s’intéressent-ils pas à la viereligieuse?» Après avoir émis quelques hypothèses, notamment celle de l’abondancedes biens de toutes sortes – quand on a tout, que pourrait-on bien demander à Dieu? –Sr Alice reprend: «A l’époque où la foi était forte en Europe, n’y avait-il pas de richesse?»

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Trouvera-t-il du travail?

«Je ferais des lois pour la protection de l’environnement».

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L’entrée fleurie de la résidence communautaire des Sœurs de Gerlisberg à Maua – comme à Sanya Juu, cent kilomètres plus àl’est – est un petit paradis terrestre.Symphonie de couleurs, jubilationdes espèces florales. Quelques centaines de pas plus loin, l’im-mense jardin potager est lui aussiabondant.

Agronome à 89 ansEt pourtant, même foisonnantes,les eaux sont capricieuses sur cescontreforts du Kilimandjaro! Maispas assez pour tenir tête à Ladis-las, Frère capucin de 89 ans, ingé-nieur agronome de sa formationqui remonte à la nuit des temps. La-dislas fait partie de la communautédu Petit séminaire de Maua. Pard’ingénieux systèmes de canalisa-tions, de digues et d’écluses, il a, ja-dis, apprivoisé les eaux. C’est ainsique le reboisement de la régionest assuré et que le jardin du sémi-naire est aussi somptueux que

celui des sœurs toutes proches, bénéficiant de la même eau. Partout, une abondance defruits, de légumes: oui, une terrea été reconnue, travaillée, renduefertile. Assiduité, acharnement, labeur inlassable de tant de frèreset de sœurs dans ces lieux. Leursmains enfouies dans la bonneterre ont fait de l’eau une confi-dente et de la nature, une amie.

De l’école primaire à l’universitéDe ces racines capucines, tout semble pouvoir émerger commepar enchantement. Car ce qui estvrai pour le jardin l’est aussi pourles êtres: prendre soin des per-sonnes, les aider à faire fleurir ets’épanouir toutes les richesses quisont en elles, de l’école primaire àl’université.

Rencontre dans la cordialitéTiens, celle de Morogoro: elle accueille non seulement 300 étu-diants en théologie, mais forme,dans ses autres facultés, bon nom-bre de Tanzaniens qui feront partiedes élites du pays ou deviendrontenseignants dans le secondaire.Cette université toute neuve vientd’être érigée par 17 congrégationsréunies. Il y a 20 ans, seule l’uned’elles – devinez laquelle! – étaitprésente sur ce terreau, comme ungerme, comme un veilleur. A six heures du matin, deuxhommes du village sont venusnous chercher, nous les deux Euro-péens de Missio. Frère Liberatus,jeune capucin Tanzanien, serein etdisponible, s’est proposé pour nousaccompagner. Nous attendons cemoment depuis le début de notreséjour en Tanzanie, la rencontred’une Small christian community,d’une petite communauté chré-tienne. Nous arrivons devant unemaison au milieu des bananiers.Une trentaine de personnes estrassemblée. Seuls quelques ado-lescents comprennent quelquesbribes d’anglais.

Ce n’est qu’après coup que nousréalisons, que grâce à Fr. Liberatus,nous avons compris ce qui s’est dit,ce qui s’est vécu là; nous avons pucommuniquer avec ces frères etsœurs, vivre la Fraternité et prierensemble. Disponibilité, écoute attentivede l’autre, sérénité, humilité: ces

qualités, nous les avons sentieschez Libératus, mais aussi dans laplupart des échanges avec les ca-pucins et capucines en Tanzanie.L’attachement au Christ est incarnépar le service de l’autre, dans unegrande modestie, qui souvent re-couvre de discrétion une redouta-ble expérience et d’impression-nants «bagages» spirituels et intel-lectuels.

«La paroisse leur appartient»Les capucins suisses, arrivés en1921 dans le pays, ont-ils fait autrechose que d’être d’abord au servicede l’autre? Fr. Eugen Bucher, l’un desrares capucins suisses encore pré-sents en Tanzanie, curé de paroisseà Arusha, nous confie: «C’est leurcommunauté, ce sont eux, les Tan-zaniens, qui doivent décider ce quedoit être leur paroisse. Je ne suislà que pour les y aider.» Abnéga-tion, confiance, paix intérieure ...marques de fabrique? Aujourd’hui, une Province tanza-nienne est née, devenue florissantecomme les jardins de Maua. Fortede plus de deux cents frères, recon-naissante envers les anciens, elleest parfaitement autonome. Etmissionnaire! La Province de Tanza-

La vie des capucins en Tanzanie

Durant trois semaines, le collaborateur romand de Missio enTanzanie a pu apprécier la générosité et l’hospitalité des capu­cines et des capucins, chaque jour et dans des lieux différents.

L’attachement auChrist est incarné parle service de l’autre.

Partout, une abondancede fruits et de légumes.❯

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nie a envoyé ses premiers mission-naires en Afrique du Sud! Et le noviciat déborde.

Jeunes et vieuxIfakara. Office du matin au noviciat.Un synthé stimule doucement lespsalmodies en swahili. Dans la cha-pelle, à part deux femmes aux ha-bits multicolores, une quarantained’hommes de tous les âges. Le plusâgé est le seul blanc: Fr. Peter Keller,depuis 40 ans dans le pays. Le vieuxcapucin suisse, témoin du passé,soutient par sa simple présencel’aujourd’hui de ces jeunes hom-mes se préparant à revêtir l’habitmarron pour la vie. Le plus jeuneest un garçon, venu là commequelques autres de son âge pourun examen d’entrée au petit sémi-naire réputé de Maua. Il est le seul às’être levé pour les Laudes. Un frèreplus âgé, guide sûr et attentif, sepenche fréquemment sur sonépaule et le guide dans le déroule-ment de l’office. Patience, respect

du temps de Dieu, pour celui quideviendra peut-être un jour jeunepousse capucine?

Le bois à l’honneurPlace d’honneur pour le bois danscette chapelle, comme dans tantd’autres lieux capucins, en particu-lier dans les réfectoires. Hommeset femmes de Saint François se délectent de sa rassurante dureté,de ses sombres patines qui ornentde solennité communes prières et silencieuses méditations. Le boisest omniprésent: le frère en

Patience pour celuiqui deviendra un jourjeune pousse capucine.

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éprouve les raideurs jusque dansson lit sans sommier. Bois rude du lit, bois fraternel duréfectoire, mais dans la chapelle, lebois touche au sublime: ô la voûteboisée de l’église de Sanya Juu, sixtine de simplicité, où le célestesemble tissé par les poutres! A laporte latérale de la chapelle du couvent de Morogoro, qui livre à celui qui la passe une quintessencede l’Ancien, puis du Nouveau Testa-ment: cinquante scènes de la Bibley sont immortalisées par des arti-sans virtuoses de la région.

Hôpital à IfakaraL’hôpital d’Ifakara est le cœur d’unlieu d’excellence médicale reconnude l’Afrique subsaharienne: si lesmédecins et le personnel soignantne sont pas capucins, mais bientanzaniens (aidés par des spécia-listes qui viennent régulièrementd’Europe apporter leur aide et leursconnaissances nouvelles), ce n’est

pas sans raison qu’il porte sonnom: San Francis hospital. Leshommes de Saint François, aidésdes sœurs de Baldegg, l’ont fondéen 1927. Pas de salles d’attente ici: lesgens de la région viennent en fouleet attendent en masse dans lescouloirs. Grappes humaines auxcouleurs vestimentaires étince-lantes, dans l’attente de soins dont

ils pourront bénéficier à des tarifspréférentiels. En particulier celleset ceux qui ont été pris au piège duHIV et du SIDA, fléau aussi dévasta-teur qu’il est largement tabou enTanzanie.

Floraison célesteA quelques kilomètres de là, un lieubouleversant, le Centre Bethléemaccueille des dizaines d’enfants et

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de jeunes atteints d’un handicapmental plus ou moins profond.Lieu paisible, surplombé par de trèsgrands arbres, où les enfants peu-vent jouer, apprendre, se former àdes activités manuelles – menuise-rie, travaux de la ferme, poterie, tis-sage – à la hauteur de leurs capaci-tés. Lieu de paix et de communionpaisible: les enfants y sont accueil-lis et aimés comme ils sont.

A Ifakara, les capucins ont créél’hôpital, mais aussi une léproserieet ce centre Bethléem. Mais pour-quoi si peu de bois dans tous ceslieux? – Parce que le bois, pour lescapucins n’est qu’un à-côté. Leurspriorités et faveurs vont à un matériau mille fois plus noble: leplus petit, le plus délaissé, le plussouffrant: icônes, tabernacles de Jésus le Christ. Que voulez-vous!

Les floraisons du ciel comptent davantage que celles de la terre.

Jacques Michel

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Dans mes premières années enTanzanie, il y avait quelque chosed’inhabituel pour moi: on ne doitpas se précipiter immédiatementvers quelqu’un et on ne doit pas importuner les autres avec nospréoccupations.

«Rien dit ...»En Suisse, on dit souvent: «Rien dit,tout dit – qui ne dit mot, consent.»Aussi, à cet égard, les attitudes sonttotalement différentes en Tanza-

nie. Une personne qui ne dit rienet persiste dans son mutisme estsoupçonnée de ne pas être d’accordavec ceux qui s’expriment ou,plus grave, d’avoir quelque chosecontre ceux qui ont leur mot à dire.A ce moment, le plus importantest le fait de s’exprimer plutôt quele contenu du discours. De cette façon, l’interlocuteur qui donneson point de vue a le sentimentd’appartenir à la communauté etde compter à ses yeux.

On se sent comme interpeléLa parole, le discours, l’appel signi-fient beaucoup. Le message ne par-vient que lorsque ceux auxquelsil s’adresse se sentent vraimentcomme interpelés. Peut-être que cela est dû au faitqu’en Tanzanie, la coutume veutque les discours et les réunionscommencent par une litanie des titres plus ou moins importantsde chaque participant. Chacun doitsavoir que l’on est au courant desa présence dans l’assemblée.Naturellement, il s’agit souventaussi d’un regain d’orgueil et deforme de politesse au-delà de lanorme en vigueur dans le pays.Mais il me semble fondamental

«On se doit d’en parler aussi aux autres»

Sans dialogue, il n’y a pas de communauté. Mais la façondont chacun communique varie d’une culture à l’autre.Isidor Peterhans, provincial des Capucins de Tanzanie,puis du Kenya, cite quelques exemples de ses expériences.

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Fr. Isidor Peterhans fut longtemps provincial en Tanzanie et par la suite principal responsable des capucins au Kenyaavant d’assumer la tâche de Recteur de notre collège international, à Rome.

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que l’autorité et la valeur des per-sonnes présentes soient reconnueset acceptées.

Chez le CardinalAu cours de mon premier mandatcomme supérieur en Tanzanie, lestâches et les lieux des activités desFrères avaient été redistribuées.Je me suis rendu chez l’évêque, leCardinal Rugambwa, avec la nou-velle liste dressée par le Conseil del’Ordre. J’estimais que nous avionsfait du bon travail et que nos plansprenaient en compte les besoinsde l’évêque de manière appropriée. Pendant la conversation avecl’évêque, je lui ai donné d’embléenos propositions par écrit. Ellesétaient clairement et délibérémentformulées. L’évêque regarda la listeet dit: «Cela ne fonctionnera paspour nous. On se doit d’en parleraussi avec les autres.» Ce fut pour moi une leçon. Par lasuite, je me suis présenté avec desidées claires chez les évêques, maisplus jamais avec des plans et despropositions formulées par écritdès la première réunion. J’ai res-pecté le «bon ordre» et l’écouteen tout premier lieu. Cela s’est toujours révélé être un chemin couronné de succès pour les butsaspirés.

Le chef doit déciderNaturellement, j’ai fait des expé-riences dans des situations oppo-sées, dans lesquelles on n’attendaitpas des avis mais le mot de la déci-sion. Au cours d’un entretien avec unjeune frère au sujet de son avenirdans l’Ordre, je voulais savoir où ilvoyait des problèmes et la façondont il envisageait de les surmon-

ter; il me dit simplement: «Dites-moi ce que je dois faire.» J’ai fait l’expérience suivante:dans les décisions importantes dela vie, le mot d’un supérieur hiérar-chique, d’un père ou d’une mère,d’un oncle ou d’une tante, d’unfrère aîné ou d’un enseignant estaussi important, sinon peut-êtreplus important que ce que nousmême avions pensé.

L’écoute d’abordPour moi, il en résulte comme expérience durable qu’il est tou-jours «payant» d’être attentif etde le rester. Ou comme le conseilleS. Jacques dans son épitre: «Soisprompt à écouter mais lent à répondre.»

Isidor Peterhans

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Photo: Thomas Egger

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Dans son pays, la parole est sacrée.Elle en fait l’expérience toute jeunedans sa famille, son village et sa paroisse, là où la majorité desgens ne savait ni lire, ni écrire.Ceux-ci pourtant livraient touteune sagesse, celle du savoir-vivreen communauté.

«Le chef de famille»Son père, polygame, lui apprendcomment elle doit s’adresser àceux qui sont autour d’elle. Il estson premier guide. Sa parole est décisive, car il est chef de famille:comme tel, sa parole n’est pas celled’un inconnu, mais d’un hommeresponsable. Son père rassemble

ses enfants pour la prière du soir.Il soupèse bien le comportementde chacun. Ce que le père dit, c’est dit unefois pour toutes, et c’est une réfé-rence, une piste à suivre. Ses actesconfortent sa parole. Les femmesont aussi leur sagesse, celle desmères nourricières. Leurs parolesne tombent pas dans le vide.

«Palabre»La parole n’existe pas en soi. Il fautêtre au moins deux pour qu’elleait tout son sens. Elle est toujoursaccueillie comme un don venantde l’autre, tout particulièrementquand il parle en tant que chef de

famille (ou encore comme déléguéou représentant d’une commu-nauté villageoise, d’un Conseil desAnciens ou d’une communauté paroissiale). «L’ensemble de la vie sociale etfamiliale et aussi paroissiale, estabordé dans ce que nous appelons

la palabre», précise Mme N. La palabre est le lieu du partaged’idées, d’analyses de la situationet des prises de décisions com-munes. Cela n’évoque pas ce que nousentendons en Suisse par la palabre,c’est-à-dire l’affrontement inter-minable des idées. «Il y a bien de

Le pouvoir des mots

Mme N. est originaire d’Afrique subsaharienne et vit en Suisseromande. Elle a accepté de partager son expérience de la parole.

Dans la palabre,on échange les idées maison décide en commun.

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cela dans notre tradition africaine,mais en tout cas, on n’en restepas à l’affrontement d’idées: on recherche avant tout une média-tion, une solution qui soit la meil-leure expression du bien communpour les parties concernées. Bref,la vérité et la justice.»

«Relations familiales»«La parole s’incarne quand elle estvécue et que l’on décèle les senti-ments qui habitent le cœur de celuiqui parle», confie cette femme néedans l’oralité. Oui, la parole incarneune sagesse qui nous est donnéepar autrui, qui nous aide à nous situer. Elle illustre cela par le jeudu langage familier, traduisant lesrelations familiales (au sens de parenté élargie). Est père l’ancien,la personne plus âgée que celle àqui elle s’adresse. Est frère ou sœurcelui ou celle de son âge dans la société ou la famille élargie. Est petit frère ou petite sœur celui oucelle qui est plus jeune. Et ceci dit

tout simplement, dans un langagequi est plus chargé d’autorité et derespect, comme aussi d’affection,que ce que nous pouvons vivre actuellement dans notre sociétéoccidentale.

«On écoute aussi avec le cœur»Mme N., ancienne infirmière, estréellement très attentive à la richesse de tout un chacun qui aune parole à offrir et à accueillir.Elle insiste, en déclarant: «On

Chez nous, le langageest plus chargéd’autorité, de respect,comme aussid’affection.

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Page 34: Des paroles àlaParole8 Des paroles et des actes Le dimanche de la mission universelle ... teurs de l’éducation et de la santé. Il n’y a pas une paroisse qui n’ait pas une

écoute par le cœur et on réfléchitaussi par le cœur.» La parole danssa vie a toujours joué un grand rôle.Elle ne se lasse pas de partagerson expérience, son vécu: cela vade soi. Le vécu engendre une parolequi fait grandir, qui interpelle et quilibère aussi. La parole, c’est avanttout quelqu’un de bien concret; carla parole incarne toute la personneet la situe à sa juste place dans la famille, la société et dans l’Église.

«Aimée de Dieu»Dans sa vie, Mme N. a rencontrédes situations très difficiles qu’ellea assumées avec une confiance absolue en Dieu. Elle le voit commeun Père qui assume notre conditionhumaine en son Fils qui a connul’échec et la souffrance, commetout un chacun. Se savoir aimée parun Dieu qui partage la conditionhumaine, c’est, dit-elle, une forcequi dégage des énergies insoup-çonnées. Ce qu’elle tient à faire découvrir, c’est que la parole diteen toute vérité libère celui ou cellequi la prononce, comme celles etceux qui la reçoivent. Elle a vécu ausein de sa famille des momentsde tensions entre frères et sœursqui s’étaient perdus de vue, parceque les fautes commises avaienttoujours un fort impact familial etsocial. Et c’est toujours elle qui fait lepremier pas, après avoir mûrementréfléchi et prié pour que cette démarche conduise à la réconcilia-tion. Car pour elle, l’amour, c’esttout. Il part du regard, passe parl’écoute et se réalise dans le service,la plus belle expression de la communion fraternelle. De toutefaçon, «mon prochain, c’est Lui, leChrist qui vient à moi».

«L’église est sa maison»Mme N. est attachée à la prière etelle fait de sa vie un cri vers Dieuqui ne peut abandonner sa créa-ture. Dieu ne lui résiste pas. Elleavoue que «l’église, c’est sa mai-son». Elle s’y sent bien, c’est le lieude la rencontre et de l’émerveille-ment, comme aussi du partage etde l’accueil. Si elle puise sa forcedans la participation à l’Eucharis-tie, c’est aussi pour bien vivre samission d’accueil dans son église.A Dieu, elle exprime ce qu’elle attend, mais aussi ce qu’elle doitfaire pour ressembler à Marie,lorsqu’elle est visitée par un angequi lui dit le plan de Dieu surelle. Elle va spontanément à Dieu,comme un enfant se tourne versson Père qui finit toujours parl’exaucer. Elle voit la bonté de Dieuen tout, en toute créature, en tout

paysage, en toute création artis-tique. Elle possède le don de l’émer-veillement.

«La vie est une Parole de Dieu»C’est une âme qui s’émeut de cequ’elle a pu vivre comme joies etcomme peines. Infirmière, elle atoujours voulu être la servante deceux et celles qu’elle a soignés; entre autres, un évêque qu’elleconsidère comme son père. Elle atant appris de cet homme de Dieu,qui attendait la mort comme la venue d’un enfant lui apportant labonne nouvelle de son passageet qui ouvrait sa fenêtre pour qu’ilpuisse entrer sans frapper à laporte. Cette vision de l’attente de larencontre avec son Père a marquéprofondément celle qui s’est dévouée des années durant à lesoutenir dans sa maladie. Pour

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Madame N. a travaillé longtemps comme infirmière dans son pays d’origine.

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elle, «la vie est une Parole de Dieu»ou encore, «la Parole de Dieu, c’esttoute une vie». Il ne suffit pas del’écouter mais il faut y joindre desactes.

«Travail et vacances»Pour conclure, elle me dit: «Le tra-vail, ici ça compte et les vacanceségalement. Mais quelle place ré-servez-vous à Dieu dans la pro-grammation de votre travail et devos loisirs?» Et elle ajoute ce pro-verbe de son pays: «Tu ne vas pastrouver le sel sur place!» Cela veutdire qu’il faut chercher Dieu làoù il est. Le Verbe s’est fait chairet il habite en nous et en nosfrères et sœurs. A nous de nousen émerveiller! Il y a toujours despas à faire, un chemin à parcouriret des haltes à s’accorder.

Bernard Maillard

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St François d’Assise fut un précur-seur du dialogue religieux. Il y a800 ans, il rencontrait le Sultan AlMalik dans un esprit pacifique.Le symposium «Les impulsionsfranciscaines au dialogue interreli-gieux» qui marquait le départ à laretraite du professeur de théologiemorale, Fr. Adrian Holderegger à

l’Université de Fribourg, s’est tenules 4 et 5 mai dernier. Voici quel-ques-unes des conclusions les plusmarquantes:

Chez le Sultan diaboliséLa scène a été montrée des cen-taines de fois: St François se ris-quant sans défense au milieu descombats sanglants entre chrétiens

et musulmans – connus sous lenom de Croisade – dans le camp dusultan Al Malik Al Kamil. Ce dernierétait alors considéré par le papeet la grande majorité de l’églisecomme «Satan» et «bête inhu-maine». Au cours du premier exposé, lecapucin Niklaus Kuster a esquissé

la démarche de St François commeune confrontation de deux ma-nières de faire:• Rencontre au lieu d’hostilité• Dialogue au lieu de combat• Expérience au lieu de préjudice

Parce que le saint d’Assise, dénuéde préjugés, était prêt à tendre lamain au représentant diabolisé

d’une religion autre que la sienne,il a découvert: «Que l’amour deDieu existe en dehors de sa proprereligion.»

François comme objecteurde conscienceLe Pape de l’époque préconisaitles Croisades par tous les moyens,

selon Laurent Gallant. Ce franciscain canadien âgé, dotéd’une grande vitalité, a résuméainsi l’encyclique jusqu’à la 5e

Croisade.

• Le Christ Roi a été chassé de son royaume natal.• Les organismes de bienfaisance encouragent la libération

Les impulsions franciscainesau dialogue interreligieux

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Fr. Leonhardt Lehmann, ofm cap (gauche) en compagnie de Fr. Laurent Gallant, ofm.

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• des milliers de chrétiens qui languissent sous l’esclavage de l’Islam.• Mohammed est un pseudo pro- phète, une «bête»

Tous les croyants qui ne soute-naient pas avec véhémence unetelle propagande, étaient mena-cés de sanctions sévères par lepape. Néanmoins, François, qui a tou-jours été considéré par les conser-vateurs comme un fidèle du pape,serviteur obéissant de l’Eglise, refusa de faire allégeance. Il appelaà des négociations de paix aulieu d’un affrontement sanglant.Gallant l’a ainsi désigné commeun «objecteur de conscience».

Muezzin – AngélusLe capucin Leonhard Lehmann, unexpert de grande renommée del’histoire franciscaine, a évoqué,au cours de la première matinéelors de la troisième conférence,le thème de «François chez le Sultan.» Selon lui, le Saint n’apas rencontré «une bête» mais

un hôte cultivé et un homme profondément religieux. Frère Leonhard Lehmann a rappelé que François, en tant queFondateur de l’ordre, avait inclusà sa règle de vie une autre religion,la mission parmi les «Sarrasins –musulmans – et les autres infi-dèles». Il parle des frères qui viventen harmonie avec ces gens alorsqu’à cette époque, au sein de la société, le discours incitait à lahaine et à l’exclusion. Les mis- sionnaires devaient cohabiter de manière pacifique. Ce qui est sans doute le moinsconnu: inspiré par l’appel du muez-zin, François a exhorté à faire sonner les cloches afin d’inviter àla prière, coutume à partir de

laquelle la prière de l’Angélus aété instaurée. Lehmann a suggéréqu’aujourd’hui, toutes les égliseschrétiennes, les Juifs et les Musul-mans invitent leurs fidèles à priersimultanément.

«Le pain de l’espoir»Personne n’en a voulu à l’arche-vêque de Tanger, au Maroc, d’avoirdépassé son temps de parole. LeFranciscain Santiago Agrelo a pré-senté son diocèse sous la devise:«Une église à la rencontre de l’islam». Voici son analyse: «A mon avis c’est une très belleéglise, mais elle se ressent dumanque de personnel et de lacharge de la vieillesse. Je ne suispas inquiet des lois qui nous inter-

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Amitié plutôt que répressionpab. Le jésuite Michael Sievernich a montré comment les missionnaires franciscains,au début du Mexique moderne, peu après la conquête espagnole, ont tenté de rapprocher les peuples autochtones de la foi chrétienne au moyen de catéchismes,composés de petits dessins (pictogrammes). Il s’en est suivi le catéchisme bilingue,en espagnol et dans la langue autochtone (nahuatl). Les très nombreux catéchismesreflètent une rencontre au titre de l’amitié qui était en contraste avec les mesures répressives adoptées par les conquérants.

Jürgen Neitzert

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disent d’inviter les gens à devenirchrétiens – même si je pense quecette loi est injuste. Je ne regrettepas l’absence de liberté religieuseet la liberté de conscience. Ce quime préoccupe, c’est la crainte quedemain au Maroc il n’y ait pluschrétiens pour partager le pain del’espoir avec les pauvres.»

La voie de l’exempleL’archidiocèse de Tanger recenseseulement 2500 fidèles qui vien-nent de l’étranger et sont disperséssur une superficie de 20000 kilo-mètres carrés. Comme mentionnéprécédemment, l’Eglise ne doit pasprêcher la foi aux musulmans à travers les mots. Pour l’archevêque:«Il est paradoxal que les mêmespersonnes qui nous empêchent dediffuser l’Evangile avec des parolesnous permettent d’évangéliser à

travers le ministère de la charité.»Les œuvres de bienfaisance en faveur des plus pauvres dans la société sont nécessaires au Marocet sont bienvenues. Bien que «lechemin des mots» des Chrétienssoit fermé, il reste la «voie del’exemple vécu».

Antoine de PadoueIl n’y a pas ici d’espace suffisantpour énumérer tous les exposésdu symposium. Nous devons nousborner à quelques brèves notes. Anton Rotzetter s’est exprimésur la mission du franciscain saintAntoine de Padoue. En préambule ila évoqué son rôle dans le dialogueavec le mouvement moyenâgeuxdes «hérétiques» Cathares, appe-lés aussi Albigeois. Le Saint s’est caractérisé par sa congruence, l’accord entre sa parole et son

mode de vie. Avec passion, il a prêché l’Évangile, sans ergotage. Anne-Marie C. Mayer a démon-tré, quant à elle, le rôle de RamonLlull dans le dialogue avec les musulmans. Il a vécu du 13e–14e

siècle à Majorque, qui – commele fait remarquer avec humourla conférencière germanique – «àcette époque-là n’était pas uneîle allemande». Ramon était enavance sur son temps, il a souli-gné l’égalité entre toutes les per-sonnes, en mettant l’accent surle dénominateur commun des religions.

«Dieu a beaucoup de noms»Le théologien allemand Elmar Klinger l’a dit: «Dieu a beaucoupde noms.» Il souligne également lepoint commun de tant de religions,«L’expérience profonde de la vie

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Fr. Adrian Holderegger, ofm cap

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humaine et de l’expérience de laréalité ultime qui les unit.» Une personne remarquabledans le dialogue interreligieuxfut le franciscain marocain JeanMohammed Ben Abd-el-Jalil (décédé en 1979), qui a longtempsvécu à Fribourg. Il était musul-man et converti au christianisme,mais a conservé son nom d’origine Muhammad. Son frère en religion Jürgen Neitzert voit en lui un homme degrand respect pour sa religion d’origine. «Inlassablement FrèreAbd-el-Jalil, le chrétien, s’est inspiréde la spiritualité et de la foi pro-fonde de l’Islam.»

Au CongoDamian Isabell-Laurent nous aconduits en Afrique. Il a dépeint leFranciscain belge Placide Tempelsqui a débuté en 1933 son travailde missionnaire au Congo et a réalisé après une période de onzeans, qu’en raison de l’emprise descolons européens ancrée dans les esprits, il lui était difficile d’attein-dre les gens en profondeur.

Grâce à sa volonté de se présen-ter aux Africains comme être hu-main et non pas en tant que mes-sager de dogmes, il s’est fait des ennemis, à la fois dans l’Eglise etparmi les colons belges.

Lépreux et musulmansFr. Adrian Holderegger, d’Appenzell,fort connu aussi à l’étranger, pourqui le symposium avait été orga-nisé, a souligné, quant à lui, la«contribution franciscaine à uneéthique transculturelle». François s’était distingué parune «pratique radicale de recon-naissance» des parias de son

temps. Parmi eux se trouvaientles lépreux, et – comme souventaujourd’hui dans certains mi-lieux! – les musulmans. Le Saint d’Assise a découvert ladignité inviolable des créaturesnon humaines. Envers eux aussiles hommes ont des obligationsmorales, souligne le conférencier,avec une référence à la «dimen-sion cosmique» du Cantique descréatures.

Walter Ludin

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Cultures mépriséesab. Mariano Delgado, professeur d’histoire ecclésiastique médiévale et moderneà l’Université de Fribourg, s’est penché sur la théologie de la mission et les méthodesde la mission qui ont été appliquées par les franciscains au Mexique. «Ils ont été entraînés par un sens eschatologique, selon lequel les peuples nouvellement découverts devaient être convertis à la foi chrétienne dans la ‹onzièmeheure› du monde, une condition préalable pour le retour du Christ.» Dans l’ensemble, la mission franciscaine au Mexique «fait partie des brillants chapitres de l’histoire ecclésiastique». Les missionnaires ont aussi été des pionniersdans le domaine de l’ethnologie. Parce qu’ils ont voulu autant expérimenter le modede vie que la pensée des Indiens. Ils ont ainsi contribué à la réhabilitation de ces cultures méprisées.

Fr. Niklaus Kuster (droite) en discussion avec Santiago Agrolo, archevêque de Tanger.

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Les religieuses et religieux deSuisse romande, membres de communautés missionnaires, ontabordé cette question lors de leurdernière Assemblée générale, à Notre-Dame de la Route. Le P. Jean-Marc Sierro, Spiritain, nous a donnédes clefs de lecture qui nous aidentà mieux remplir notre rôle, à savoircomment être des passerelles en-tre eux, venant d’ailleurs et nous.

Pas le nombril du mondeNous ne sommes pas le nombril dumonde et nous le savons mais enfait que de mal nous avons à entrerdans une autre approche de la vieet de la mort que la nôtre, pourfaire un exemple! Déjà les Albanaisou les Kosovars nous semblentbien loin de nos manières de voiret d’agir. Et comment accueillons-nous en fait ceux qui viennentd’autres continents? Mais mieuxencore, quel est le rôle des reli-gieux-ses dans notre société et notre Eglise de Suisse? Noussommes appelés à être des ponts.

Et les ponts servent à passer d’uneberge à l’autre, dans le cas présent,d’aller d’une culture à l’autre. Ponts,à cause d’expériences de la convi-vialité vécue dans d’autres milieuxde vie que celui de nos origines.Ce qui compte, c’est d’être des passeurs, non au sens négatif dece terme. Nous sommes passés et

nous aidons à passer, sans aucuneprétention. Nous avons fait le paset accompagnons ceux et cellesqui chez nous ne demandent qu’àmieux comprendre. Que ce soitnos concitoyens ou nos émigrés.

«Tu vois le singe!»Vivre avec, en solidarité avec d’autres ressortissants que ceux denotre culture et de notre religion,nous ouvre sans doute les yeux.Mais entrer dans le système depensée de l’autre est un défi tel quenous n’osons parfois pas nous yaventurer tellement nous sommesdésarçonnés. Un exemple parmid’autres: quand un ressortissantcamerounais nous parle des espritset des totems, nous sommescomme perdus. Je me rappelle unedes premières expériences de cegenre, alors que je me rendais enbrousse pour y célébrer l’Eucharis-tie. A un moment donné, un singetraverse la route et je dis tout de goà la personne qui m’accompagnait:«Tu vois le singe!» Quelle ne fut masurprise quand il me dit tout de goégalement: «Ce n’est pas un singe,c’est un homme.» Je n’ai pas bron-ché, essayant alors de saisir ce quise cachait derrière cette vision deschoses. Il m’a fallu du temps pourréaliser que dans le système depensée, il y avait toute approchedifférente de la mienne mais quise tenait parfaitement comme approche de la réalité dans cecontexte des religions première del’Afrique.

A la longue, il a bien fallu que jeme range à la perception de cetteculture: ce que les gens disent estcohérent dans leur approche de lavie. Tout se tient et il faut bien dutemps pour faire le lien, établir unerelation entre des événements qui

sont interprétés de manière diffé-rente. Les esprits, pour nous, fontpartie du paranormal alors quepour eux, cela est une évidencequi s’impose.

EvidenceOn ne remet pas en question le faitque les esprits se tiennent derrièrela maison à la tombée de la nuit etqu’il ne faut pas s’y rendre. Pourl’Africain, ce n’est pas une croyancemais une évidence. Pour revenir au ras des pâque-rettes, comment expliquer à unAfricain ce qu’est la neige ou à unEuropéen le goût du manioc? Ilmanque pour l’un et pour l’autreune comparaison qui le renvoieà sa perception des choses parcomparaison. Notre schéma debase occidental est le suivant: d’uncôté il y a la tradition et de l’autrela modernité, deux pôles en fait quise déplacent un peu selon commele réglage de nos repères.

Précarité et sécuritéVoilà également deux termes quipeuvent nous aider à comprendrele fonctionnement des sociétés vivant dans la précarité, commeen Afrique, en Asie ou en Amériquelatine ou dans la sécurité, commec’est le cas chez nous. Souvent, on

Passerelles dans une société multiculturelle

Comment s’y retrouver en prenant en compte ceux et cellesqui, venus d’ailleurs, nous côtoient désormais au quotidien?Ils nous interrogent sur notre manière d’appréhender leurprésence et leur sensibilité culturelle et religieuse.

Tout se tient et il fautbien du tempspour faire le lien.

Nous sommes appelésà servir de passerelles.❯

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pense que les Africains doivent entrer dans notre vision des chosespour se donner les moyens de sortirde la précarité. Dans une société vivant dans laprécarité, l’homme n’a pas droit àl’erreur sinon sa survie est en péril.

Oser du nouveau, c’est risqué et onne peut se le permettre car ce donton est sûr, c’est ce que les ancêtres,les anciens nous ont légué. Enquelque sorte, tu feras comme tonpère. Ce qui est primordial, c’est des’assurer la nourriture et avoir desenfants grâce aux femmes venantde l’extérieur de son lignage pours’assurer une prise en charge aumoment de la vieillesse. Il fautbien avoir des enfants qui puissents’occuper des parents car tant

d’enfants meurent à la naissanceou dans les premières années deleur vie. Ce qui est important, ce sont lesrelations interpersonnelles qui permettent à chacun de se situer,d’être reconnu socialement. C’estpourquoi la réussite de la fête pourles morts est plus importante quele budget à disposition. Cela, sou-vent, nous ne le comprenons pas.On se demande pourquoi tant dépenser pour des défunts! Tandisque chez nous, ce qui compte c’estla profession, le métier, une retraitequi permette de vivre dignement.Nous recherchons le maximumd’efficacité, de rentabilité et la rapidité d’exécution des tâches.Donc nous avons surtout des repères quantitatifs et qualitatifs.

Comparaison ajustéeDans nos sociétés patriarcales,il y a cinquante ans, disons quenous fonctionnons un peu encore

comme cela. Et je m’étonnais, il y aquelques années encore, que tantde gens me disaient, à la fin d’unéchange sur la situation sociale del’Afrique: «Mais c’est comme cheznous autrefois.» Ils comparaientet je ne comprenais pas très bience genre de réflexion, au premierabord, car l’Afrique à mes yeux setrouvait encore bien au-delà decette comparaison. Mais en fait,leur comparaison était ajustée à laperception de leur vécu. Dans une société qui est baséesur la sécurité pour tous, commec’est notre cas, c’est la collectivitéqui assure la prise en charge despersonnes et l’initiative person-nelle devient une vertu. On pour-rait dire «Tu feras mieux que tonpère» ou encore «tu feras autre-ment que ton père». C’est le gagede la réussite personnelle qui parti-cipe par le biais des impôts à cetteassurance-vie que représente notresociété.

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Dans une société vivantdans la précarité,l’homme n’a pas droità l’erreur

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Valeurs à évangéliserDans un système, quel qu’il soit, il ya des valeurs à évangéliser. Quand ily a une belle solidarité à l’intérieurd’un clan, d’une tribu, d’un lignage,l’Evangile l’ouvre sur les autres, surceux dont on se fait le prochain etqui connaissent aussi les consé-quences de la précarité. Dans notresociété occidentale, les liens de famille ont tendance à se distendre

et les problèmes se résolvent sou-vent devant la justice. C’est non lacoutume mais le droit qui règle lesproblèmes. Alors que «l’étranger» fait partiedésormais de notre univers, lerôle des missionnaires et de tant d’autres qui ont une expérienceconcrète de l’altérité, de la multicul-

turalité est de servir de passerellesnon pas en gommant les questionset les problèmes rencontrés maisen les prenant en compte et en prenant en compte tout d’abordla dignité de tout être humainquelles que soient son origine etsa religion. Ce que nous devonschercher, de part et d’autre, c’estprendre conscience de son modede penser et agir.

Rencontre et dialogueC’est dans la rencontre et le dia-logue que nous découvrons toutela richesse de notre propre milieu,de notre propre culture, ce qui neveut pas dire que nous cédons devant l’autre mais que l’autrenous donne de prendre consciencede ce que nous sommes. Cela esten quelque sorte le cadeau quenous offre celui qui pour nous estd’abord un étranger mais qui va devenir un frère ou une sœur enhumanité. Et nous pouvons nous

émerveiller de tout ce qui estvécu entre ressortissants venusd’ailleurs et nous autres, Suisses.Que de rencontres, de fêtes com-munes s’inscrivent dans nos agen-das, preuve que l’interculturalitéou la multiculturalité nous huma-nise toujours plus.

Bernard Maillard

Dans un système,quel qu’il soit,il y a des valeursà évangéliser.

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Photo: Bernard Maillard

Cher frère blanc

Quand je suis né, j’étais noir

Quand je grandissais, j’étais noir,

Quand je me tiens au soleil, je suis noir,

Quand je suis malade, je suis noir

Quand je meurs, je suis noir.

Toi, par contre, homme blanc,

Quand tu es né, tu étais rosé,

Quand tu grandissais, tu étais blanc

Quand il fait froid, tu es bleu,

Quand tu as peur, tu es vert,

Quand tu es malade, tu es jaune,

Quand tu vas mourir, tu seras gris.

Lequel de nous deux

Est de couleur?

De la tradition orale africaine

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frères en marche 4 | 2012 | SeptembreISSN 1661-2523

Revue missionnairedes Capucins suisses

RédactionBernard Maillard, Rédacteur, FribourgE-Mail: [email protected]

Nadine Crausaz, Le Grand-Saconnex GECollaboratrice de la RédactionE-Mail: [email protected]

AdministrationProcure des MissionsC.P. 3741701 FribourgTél. 026 347 23 70Fax 026 347 23 67C.C.P. 17-2250-7E-Mail:[email protected]

La procure est ouvertemardi et jeudi après-midi, de 14 h à 17 h.Les autres jours, le répondeur enregistre vos appels.

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cains l’ont déjà souvent formulé:les gens du Nord sont très senti-mentaux avant Noël, ils prient etparlent de la lumière dans l’obscu-rité, ils ont des larmes aux yeux,quand ils enflamment une bougiependant une soirée de l’Avent. Oùdemeure la grande sobriété de re-nommée mondiale des Germano-phones?

FEM 2012/5 va au delà des diffé-rentes traditions et célébrationsde la Fête de Noël. Comment les familles de migrants catholiquesfêtent Noël en Arabie? Le Coranconnait aussi l’histoire chrétiennede Noël – beaucoup de chrétiensne remarquent même pas quandon leur récite l’histoire de Noël extraite du Coran.

Pour la théologie et la spiritualitéfranciscaines l’incarnation de Dieuest l’un des grands enjeux, non desmoindres; Saint François en per-sonne avait laissé rejouer la scènede Noël pendant l’office religieux.

Une fête aux mille visagesNoël global

D’un air moqueur, Juan prend uneallumette et allume une bougie del’Avent avec un regard amusé surles Suisses présents. Il n’y a pas be-soin de mots, car les Latino Améri-

Prochain numéro frères en marche 5/2012

Adieu à Karl Rüde

Durant des décennies, Karl Rüdea assumé la tâche de graphistepour «Frères en marche» etnotre calendrier missionnaire.Il est décédé, le 18 août, dans sa98e année. Non seulement notrerédaction mais également laProcure des Missions d’Oltenlui sont très reconnaissantes deson engagement sans faille etdu savoir qu’il nous a transmispar son sens critique sur nos publications, tant au niveau ducontenu que du matériel photographique mis à disposition.Il a permis la mue de notre revue à plus d’une reprise car il tenaità ce que nous soyons de plus en plus performants sur le marchédes revues missionnaires.Cher Karl, nous te remercions pour ton engagement indéfectiblejusqu’à un âge avancé (c’est à 90 ans en effet qu’il a quitté safonction de graphiste). Et nous t’exprimons notre gratitude pourta précieuse amitié.Un portrait plus détaillé paraîtra dans notre prochain numéro.

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Page 46: Des paroles àlaParole8 Des paroles et des actes Le dimanche de la mission universelle ... teurs de l’éducation et de la santé. Il n’y a pas une paroisse qui n’ait pas une

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Nom de famille et prénomFoffo Menkem, Elie

Année de naissance1981

DomicileYaoundé, Cameroun

ProfessionDoctorant Université de Yaoundé I,Géologie-Geoservices (50%)

Plat préféréCouscous maïs à la sauce gombo

Boisson préféréeJus naturel d’ananas fait maison

Eglise ou chapelle préféréeParoisse Universitaire St FrançoisXavier, Yaoundé

Lieu préféréParc National de Waza-Nord,Cameroun

Film préféréIntouchables

Livre préféréJean-Jacques Rousseau,«Les rêveries du promeneursolitaire»

Quelle est votre devise personnelle?«Car rien n’est impossible à Dieu»Luc 1:37

Qu’est-ce qui vous touchechez Jésus?Objet de mépris, abandonné deshommes, homme de douleur,familier de la souffrance, commequelqu’un devant qui on se voilela face, méprisé, nous n'en faisionsaucun cas.Or ce sont nos souffrances qu’ilportait et nos douleurs dont ilétait chargé. Et nous, nous leconsidérions comme puni,frappé par Dieu et humilié.Mais lui, il a été transpercé à causede nos crimes, écrasé à cause denos fautes. Le châtiment qui nousrend la paix est sur lui, et dansses blessures nous trouvons laguérison. Isaïe 53, 3–5. Jésus aaccepté de sauver le monde auprix de sa vie.

Prière du chapelet ou méditation?Méditation

Musique instrumentale ou chant?Musique instrumentale

Liturgie silencieuse ouparticipative?Participative

Questions tous azimuts L’un ou l’autre? Questions de fond

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Qu’est-ce qui vous touche chezFrançois d’Assise?C’est dans la prière qu’il trouvatoute sa force pour aimer et pouraider les autres.

Quel est votre sainte préféréeou saint préféré?Sainte Marie, la mère duSauveur

Quelle est la personne vivanteque vous aimeriez voir canoniseraprès sa mort?Leymah Gbowee. C’est unemilitante libérienne pacifistequi a contribué à mettre fin auxguerres civiles qui ont ravagéson pays jusqu’à 2003.

Quelle est la phrase dans la Biblequi vous parle le plus?Proverbes 17.17 «L’ami aime entoute circonstance et dans lemalheur il se montre un frère.»

Y a-il un récit non biblique quivous inspire?SOUFFLES, auteur: Bigaro DiopEcoute plus souventLes choses que les êtresLa voix du feu s’entend

Notre Père

Notre Père, qui est aux Cieux,Que ton nom soit sanctifié,Que ton règne vienne,Que ta volonté soit faiteSur la terre comme au ciel.Donne-nous aujourd’hui notrepain de ce jour,Pardonne-nous nos offensesComme nous pardonnons aussià ceux qui nous ont offensés,Et ne nous soumets pas à latentation,Mais délivre-nous du mal.Car c’est à toi qu’appartiennentLe règne, la puissance Et la gloire pour les sièclesdes siècles(Amen.)

Prière préférée

Entend la voix de l’eauEcoute dans le ventLe buisson en sanglots:C’est le souffle des ancêtres.

Ceux qui sont morts ne sontjamais partis,Ils sont dans l’ombre qui s’éclaireEt dans l’ombre qui s'épaissit,Les morts ne sont pas sous la terreIls sont dans l’arbre qui frémitIls sont dans le bois qui gémitIls sont dans l’eau qui couleIls sont dans l’eau qui dort,Ils sont dans la cave, ils sont dansla fouleLes morts ne sont pas morts ...

Qu’aimez-vous particulièrement?Voyager et découvrir la nature,également de nouvelles cultureset façons de vivre.

Que ne voulez-vous pas du tout?Nous ne choisissons pas toujoursce que nous voulons ...

Quelle fut la meilleure décisionde votre vie?Aller faire mes études universitai-res loin de mes parents etdécouvrir les joies de l’aventure.

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Frères en marche, revue franciscaine avec ouverture sur le monde

Photo: Missio