26
DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN DU XVII° A NOS JOURS LE HEROS DANS L’EPREUVE Lectures analytiques : o Victor Hugo, Les Misérables (1862), p.398 o Stendhal, La Chartreuse de Parme (1839), p.392 o Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit (1932) (polycopié) Lectures cursives : o André Malraux, La Condition Humaine (1933), p.416 o Camus, La Peste (1947) (polycopié) o Le Clézio, Désert (1980) (polycopié) Lecture intégrale : o Arnaud Cathrine, Les Yeux secs OE n°2 : LE THEATRE LA LEÇON, Eugène Ionesco Lectures analytiques : LA n°1 : la scène d’exposition : début jusqu’à : LE PROFESSEUR: Alors, si vous voulez bien me permettre, mes excuses, je vous dirais qu’il faut se mettre au travail. Nous n’avons guère de temps à perdre. LA n°2 : La leçon de mathématiques : de LE PROFESSEUR: Arrêtez-vous, Mademoiselle. Quel nombre est plus grand? Trois ou quatre? Jusqu’à : L’ÉLÈVE: Tant pis! LA n°3 : leçon de philologie : de LE PROFESSEUR (avec autorité): Silence! Que veut dire cela? Jusqu’à : LE PROFESSEUR: Ça n’a pas d’importance. Nous n’allons pas nous arrêter pour si peu de chose. Continuons ... LA n°4 : le dénouement : de

DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

DESCRIPTIF BAC BLANC1STMG

OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN DU XVII° A NOS JOURS

LE HEROS DANS L’EPREUVE

Lectures analytiques :o Victor Hugo, Les Misérables (1862), p.398o Stendhal, La Chartreuse de Parme (1839), p.392o Louis Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit (1932) (polycopié)

Lectures cursives :o André Malraux, La Condition Humaine (1933), p.416o Camus, La Peste (1947) (polycopié)o Le Clézio, Désert (1980) (polycopié)

Lecture intégrale :

o Arnaud Cathrine, Les Yeux secs

OE n°2 : LE THEATRE

LA LEÇON, Eugène Ionesco

Lectures analytiques :LA n°1 : la scène d’exposition : début jusqu’à :LE PROFESSEUR: Alors, si vous voulez bien me permettre, mes excuses, je vous dirais qu’il faut se mettre au travail. Nous n’avons guère de temps à perdre.

LA n°2 : La leçon de mathématiques : deLE PROFESSEUR: Arrêtez-vous, Mademoiselle. Quel nombre est plus grand? Trois ou quatre?Jusqu’à : L’ÉLÈVE: Tant pis!

LA n°3 : leçon de philologie : deLE PROFESSEUR (avec autorité): Silence! Que veut dire cela?Jusqu’à : LE PROFESSEUR: Ça n’a pas d’importance. Nous n’allons pas nous arrêter pour si peu de chose. Continuons ...

LA n°4 : le dénouement : de

Page 2: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

LE PROFESSEUR (tremblotant): Ce n’est pas moi ... Ce n’est pas moi ... Marie ... Non ... je vous assure ce n’est pas moi, ma petite Marie ...Jusqu’à la fin

OE n° 3 : LA QUESTION DE L’HOMME DANS LES GENRES DE L’ARGUMENTATION, DU XVI° SIECLE A NOS JOURS

LA FIGURE DU MONSTRE

LECTURES ANALYTIQUES :

VICTOR HUGO, L’Homme qui rit

Voltaire, Candide : le nègre de Surinam

LECTURES CURSIVES :Extraits :

Victor HUGO, Notre Dame de Paris

Mary SHELLEY, Frankenstein ou Le Prométhée moderne

LECTURE DE L’IMAGE : Les monstres dans la mythologie Quelques monstres dans la peinture Les monstres dans la littérature et le cinéma

Page 3: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN DU XVII° A NOS JOURSLE HEROS DANS L’EPREUVE

Lecture analytique : LES MISERABLES, Hugo

Avec le personnage de Jean Valjean, Hugo reprend l'une des figures majeures du romanpopulaire, celle du forçat évadé. L'insurrection populaire de 1832 vient d'éclater à Paris,Marius est blessé sur une barricade. Malgré la jalousie qu'il éprouve à l'égard de ce dernier(aimé de Cosette, fille de Jean Valjean), Jean Valjean l'arrache aux griffes de l'armée en ledescendant dans les égouts de Paris. Cheminant dans la boue et la nuit, il emporte sur sesépaules le corps du jeune homme. L'ancien bagnard franchit ainsi une nouvelle étape dansl'expiation.

Il était perdu.À la rigueur, en revenant un peu sur ses pas, en s'engageant dans le couloir des Filles-

du-Calvaire, à la condition de ne pas hésiter à la patte d'oie souterraine du carrefour Boucherat, en prenant le corridor Saint-Louis, puis, à gauche, le boyau Saint-Gilles, puis en tournant à droite et en évitant la galerie Saint-Sébastien, il eût pu gagner l'égout Amelot, et de là, pourvu qu'il ne s'égarât point dans l'espèce d'F qui est sous la Bastille, atteindre l'issue sur la Seine près de l'Arsenal. Mais, pour cela, il eût fallu connaître à fond, et dans toutes ses ramifications et dans toutes ses percées, l'énorme madrépore(1) de l'égout. Or, nous devons y insister, il ne savait rien de cette voirie effrayante où il cheminait; et, si on lui eût demandé dans quoi il était, il eût répondu: dans de la nuit.Son instinct le servit bien. Descendre, c'était en effet le salut possible.Il laissa à sa droite les deux couloirs qui se ramifient en forme de griffe sous la rue Laffitte et la rue Saint-Georges et le long corridor bifurqué de la chaussée d'Antin.Un peu au-delà d'un affluent qui était vraisemblablement le branchement de la Madeleine, il fit halte. Il était très las. Un soupirail assez large, probablement le regard de la rue d'Anjou,donnait une lumière presque vive. Jean Valjean, avec la douceur de mouvements qu'aurait un frère pour son frère blessé, déposa Marius sur la banquette de l'égout. La face sanglante de Marius apparut sous la lueur blanche du soupirail comme au fond d'une tombe. Il avait les yeux fermés, les cheveux appliqués aux tempes comme des pinceaux séchés dans de la couleur rouge, les mains pendantes et mortes, les membres froids, du sang coagulé au coin des lèvres. Un caillot de sang s'était amassé dans le nœud de la cravate; la chemise entrait dans les plaies, le drap de l'habit frottait les coupures béantes de la chair vive. Jean Valjean,écartant du bout des doigts les vêtements, lui posa la main sur la poitrine; le cœur battait encore. Jean Valjean déchira sa chemise, banda les plaies le mieux qu'il put et arrêta le sang qui coulait; puis, se penchant dans ce demi-jour sur Marius toujours sans connaissance et presque sans souffle, il le regarda avec une inexprimable haine.

(1) corail des mers chaudes

Page 4: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture analytique : STENDHAL, LA CHARTREUSE DE PARMEDans ce roman à la fois romantique, historique et réaliste, Stendhal relate

l'apprentissage du monde par un jeune aristocrate italien Fabrice del Dongo. Au début du roman, Fabrice, qui a alors seize ans et qui est un fervent admirateur de Napoléon, a rejoint à Waterloo les troupes de l'Empereur.

L’escorte s’arrêta ; Fabrice qui ne faisait pas assez d’attention à son devoir de soldat, galopait toujours en regardant un malheureux blessé.— Veux-tu bien t’arrêter, blanc-bec ! lui cria le maréchal des logis.Fabrice s’aperçut qu’il était à vingt pas sur la droite en avant des généraux, et précisément du côté où ils regardaient avec leurs lorgnettes. En revenant se ranger à la queue des autres hussards (1) restés à quelques pas en arrière, il vit le plus gros de ces généraux qui parlait à son voisin, général aussi ; d’un air d’autorité et presque de réprimande, il jurait. Fabrice ne put retenir sa curiosité ; et, malgré le conseil de ne point parler, à lui donné par son amie la geôlière(2), il arrangea une petite phrase bien française, bien correcte, et dit à son voisin :— Quel est-il ce général qui gourmande(3) son voisin ?— Pardi, c’est le maréchal !— Quel maréchal ?— Le maréchal Ney(4), bêta ! Ah çà ! où as-tu servi jusqu’ici ?

Fabrice, quoique fort susceptible, ne songea point à se fâcher de l’injure ; il contemplait, perdu dans une admiration enfantine, ce fameux prince de la Moskova, le brave des braves.

Tout à coup on partit au grand galop. Quelques instants après, Fabrice vit, à vingt pas en avant, une terre labourée qui était remuée d’une façon singulière. Le fond des sillons était plein d’eau, et la terre fort humide qui formait la crête de ces sillons, volait en petits fragments noirs lancés à trois ou quatre pieds de haut. Fabrice remarqua en passant cet effet singulier ; puis sa pensée se remit à songer à la gloire du maréchal. Il entendit un cri sec auprès de lui : c’étaient deux hussards qui tombaient atteints par des boulets ; et, lorsqu’il les regarda, ils étaient déjà à vingt pas de l’escorte. Ce qui lui sembla horrible, ce futun cheval tout sanglant qui se débattait sur la terre labourée, en engageant ses pieds dans ses propres entrailles il voulait suivre les autres : le sang coulait dans la boue."Ah ! m’y voilà donc enfin au feu ! se dit-il. J’ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire." A ce moment, l’escorte allait ventre à terre, et notre héros comprit que c’étaient des boulets qui faisaient voler la terre de toutes parts. Il avait beau regarder du côté d’où venaient les boulets, il voyait la fumée blanche de la batterie(5) à une distance énorme, et, au milieu du ronflement égal et continu produit par les coups de canon, il lui semblait entendre des décharges beaucoup plus voisines ; il n’y comprenait rien du tout.

(1) soldats de la cavalerie napoléonienne(2) Fabrice, pris pour un ennemi, avait été arrêté par les Français et s'était enfui grâce à la

femme du geôlier.(3) Réprimande(4) prince de la Moskova et maréchal de France sous l'Empire, pair de France sous Louis

XVIII, se ralliant de nouveau à Napoléon 1° au moment des Cent Jours et de la bataille de Waterloo.(5) Unité d'artillerie

Page 5: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture analytique : CELINE, VOYAGE AU BOUT DE LA NUITBardamu, le personnage-narrateur du roman, s'est engagé dans l'armée française, lors de la

Première Guerre Mondiale, et se retrouve au front. Alors qu'il accompagne un colonel, un messager arrive.

Nos Allemands accroupis au fin bout de la route venaient justement de changer d’instrument. C’est à la mitrailleuse qu’ils poursuivaient à présent leurs sottises ; ils en craquaient comme de gros paquets d’allumettes et tout autour de nous venaient voler des essaims de balles rageuses, pointilleuses comme des guêpes.

L’homme arriva tout de même à sortir de sa bouche quelque chose d’articulé.- Le maréchal des logis Barousse vient d’être tué, mon colonel, qu’il dit tout d’un trait.- Et alors ?- Il a été tué en allant chercher le fourgon à pain sur la route des Etrapes, mon colonel !- Et alors ?- Il a été éclaté par un obus !- Et alors, nom de Dieu !- Et voilà ! Mon colonel...- C’est tout ?- Oui, c’est tout, mon colonel.- Et le pain ? demanda le colonel.

Ce fut la fin de ce dialogue parce que je me souviens bien qu’il a eu le temps de dire tout juste :« Et le pain ? ». Et puis ce fut tout. Après ça, rien que du feu et puis du bruit avec. Mais alors un de ces bruits comme on ne croirait jamais qu’il en existe. On en a eu tellement plein les yeux, les oreilles, le nez, la bouche, tout de suite, du bruit, que je croyais bien que c’était fini, que j’étais devenu du feu et du bruit moi-même.

J’ai quitté ces lieux sans insister. Et puis non, le feu est parti, le bruit est resté longtemps dans ma tête, et puis les bras et les

jambes qui tremblaient comme si quelqu’un vous les secouait de par-derrière. Ils avaient l’air de me quitter, et puis ils me sont restés quand même mes membres. Dans la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps, l’odeur pointue de la poudre et du soufre nous restait comme pour tuer les punaises et les puces de la terre entière.

Tout de suite après ça, j’ai pensé au maréchal des logis Barousse qui venait d’éclater comme l’autre nous l’avait appris. C’était une bonne nouvelle. Tant mieux l que je pensais tout de suite ainsi : « C’est une bien grande charogne en moins dans le régiment ! » Il avait voulu me faire passer au Conseil (1) pour une boîte de conserve. « Chacun sa guerre ! » que je me dis. De ce côté-là, faut en convenir, de temps en temps, elle avait l’air de servir à quelque chose la guerre ! J’en connaissais bien encore trois ou quatre dans le régiment, de sacrés ordures que j’aurais aidés bien volontiers à trouverun obus comme Barousse.

Quant au colonel, lui, je ne lui voulais pas de mal. Lui pourtant aussi il était mort. Je ne le vis plus, tout d’abord. C’est qu’il avait été déporté sur le talus, allongé sur le flanc par l’explosion et projeté jusque dans les bras du cavalier à pied, le messager, fini lui aussi. Ils s’embrassaient tous les deux pour le moment et pour toujours, mais le cavalier n’avait plus sa tête, rien qu’une ouverture au-dessus du cou, avec du sang dedans qui mijotait en glouglous comme de la confiture dans la marmite. Le colonel avait son ventre ouvert, il en faisait une sale grimace. Ça avait dû lui faire du mal ce coup-làau moment où c’était arrivé. Tant pis pour lui ! S’il était parti dès les premières balles, ça ne lui serait pas arrivé.

(1) Conseil disciplinaire qui jugeait très sévèrement les soldats indisciplinés ou déserteurs.

Page 6: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture cursive : ANDRE MALRAUX, LA CONDITION HUMAINE

Imprégnés des idéaux révolutionnaires de Malraux, les personnages de la Condition humaine tentent de donner un sens à la vie, face à l'absurdité du monde. L'insurrection communiste de Shanghai de mars 1927, visant à libérer la ville de la domination étrangère, vient d'être réprimée dans le sang par le leader nationaliste Tchang Kaï-chek. Katow, l'un des chefs révolutionnaires, a été capturé. Il attend la mort avec ses compagnons, une mort particulièrement atroce, puisqu'ils doivent être jetés vivants dans la chaudière d'une locomotive.

"Malgré la rumeur, malgré tous ces hommes qui avaient combattu comme lui, Katow était seul, seul entre le corps de son ami mort et ses deux compagnons épouvantés, seul entre ce mur et ce sifflet (1) perdu dans la nuit. Mais un homme pouvait être plus fort que cette solitude et même, peut-être, que ce sifflet atroce : la peur luttait en lui contre la plus terrible tentation de sa vie. Il ouvrit à son tour la boucle de sa ceinture (2). Enfin :

- Hé, là, dit-il à voix très basse. Souen, pose ta main sur ma poitrine, et prends dès que je la toucherai : je vais vous donner mon cyanure (3). Il n'y en a absolument que pour deux. Il avait rénoncéà tout sauf à dire qu'il n'y en avait que pour deux. Couché sur le côté, il brisa le cyanure en deux. Les gardes masquaient la lumière, qui les entourait d'une auréole trouble ; mais n'allaient-ils pas bouger ? Impossible de voir quoi que ce fût ; ce don de plus que sa vie, Katow le faisait à cette main chaude qui reposait sur lui, pas même à des corps. Elle se crispa comme un animal, se sépara de lui aussitôt. Il attendit, tout le corps tendu. Et soudain, il entendit l'une des deux voix : "C'est perdu. Tombé."

Voix à peine altérée par l'angoisse, comme si une telle catastrophe n'eût pas été possible, comme si tout eût dû s'arranger. Pour Katow aussi, c'était impossible. Une colère sans limites montait en lui mais retombait, combattue par cette impossibilité. Et pourtant ! Avoir donné cela pour que cet idiot le perdît !

- Quand ? demanda-t-il. - Avant mon corps. Pas pu tenir quand Souen l'a passé : je suis blessé àla main. - Il a fait tomber les deux, dit Souen.

Sans doute cherchaient-ils entre eux. Ils cherchèrent ensuite entre Katow et Souen, sur qui l'autre était probablement presque couché, car Katow, sans rien voir, sentait près de lui la masse des deux corps. Il cherchait lui aussi, s'efforçant de vaincre sa nervosité, de poser sa main à plat, de dix centimètres en dix centimètres, partout où il pouvait atteindre. Leurs mains frôlèrent la sienne. Et tout à coup une des deux la prit, la serra, la conserva.

- Même si nous ne retrouvons rien... dit une des voix. Katow lui aussi, serrait la main, à la limite des larmes, pris par cette pauvre fraternité sans

visage, presque sans voix (tous les chuchotements se ressemblent) qui lui était donnée dans cette obscurité contre le plus grand don qu'il eût jamais fait, et qui était peut-être fait en vain. Bien que Souen continuât à chercher, les deux mains restaient unies. L'étreinte devint soudain crispation :

- Voilà. Ô résurrection !...

(1) le sifflet de la chaudière de la locomotive(2) à l'intérieur de laquelle se trouve la capsule de cyanure

(3) celui de Kyo, l'autre dirigeant de l'insurrection

Page 7: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture cursive : LA PESTE, CAMUS

La Peste est la chronique d'une lutte : celle des habitants d'Oran confrontés à la peste qui ravage la ville. Devant ce fléau, chacun éprouve le sentiment de la fragilité et de l'absurdité de l'existence. C'est ainsi que le docteur Rieux, le héros du roman, continue de lutter contre une maladie qui le dépasse.

- Quand je suis entré dans ce métier, je l’ai fait abstraitement, en quelque sorte, parce que j’en avais besoin, parce que c’était une situation comme les autres, une de celles que les jeunes gens se proposent. Peut-être aussi parce que c’était particulièrement difficile pour un fils d’ouvrier comme moi. Et puis il a fallu voir mourir. Savez-vous qu’il y a des gens qui refusent de mourir ? Avez-vous jamais entendu une femme crier : « Jamais ! » au moment de mourir ? Moi, oui. Et je me suis aperçu alors que je ne pouvais pas m’y habituer. J’étais jeune et mon dégoût croyait s’adresser à l’ordre même du monde. Depuis, je suis devenu plus modeste. Simplement, je ne suis toujours pas habitué à voir mourir. Je ne sais rien de plus. Mais après tout… Rieux se tut et se rassit. Il se sentait la bouche sèche. - Après tout ? dit doucement Tarrou. - Après tout…, reprit le docteur, et il hésita encore, regardant Tarrou avec attention, c’est une chose qu’un homme comme vous peut comprendre, n’est-ce pas, mais puisque l’ordre de monde est réglé par la mort, peut-être vaut-il mieux pour Dieu qu’on ne croie pas en lui et qu’on lutte de toutes ses forces contre la mort, sans lever les yeux vers le ciel où il se tait. - Oui, approuva Tarrou, je peux comprendre. Mais vos victoires seront toujours provisoires, voilà tout. Rieux parut s’assombrir. - Toujours, je le sais. Ce n’est pas une raison pour cesser de lutter. - Non, ce n’est pas une raison. Mais j’imagine alors ce que doit être cette peste pour vous. - Oui, dit Rieux. Une interminable défaite.

Tarrou fixa un moment le docteur, puis il se leva et marche lourdement vers la porte. Et Rieux le suivit. Il le rejoignait déjà quand Tarrou qui semblait regarder ses pieds lui dit :

– Qui vous a appris tout cela, docteur ?

La réponse vint immédiatement :

– La misère.

Page 8: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture cursive : LE CLEZIO, Désert

L’héroïne de Désert, Lalla, est émigrée à Marseille, où elle est employée comme femme de ménage dans un petit hôtel. Descendante des « hommes bleus » du désert, la jeune fille est avide de lumière, d'espace et de liberté

Dans les couloirs sombres de l'hôtel, sur le linoléum (1) couleur lie-de-vin (2), et devantles portes tachées, elle est une silhouette à peine visible, grise et noire, pareille à un tas de chiffons. Les seuls qui la connaissent ici, ce sont les patrons de l'hôtel, et le veilleur de nuit qui reste jusqu'au matin, un Algérien grand et très maigre, avec un visage dur et de beaux yeux verts comme ceux de Naman le pêcheur. Lui salue toujours Lalla, en français, et il lui dit quelques mots gentils ; comme il parle toujours très cérémonieusement avec sa voix grave, lalla lui répond avec un sourire. Il est peut-être le seul ici qui se soit aperçu que Lalla est une jeune fille, le suel qui ait vu sous l'ombre de ses chiffons son beau visage couleur de cuivre etses yeux pelins de lumière. Pour les autres, c'est comme si elle n'existait pas.

Quand elle a fini son travail à l'hôtel Sainte-Blanche, le soleil est encore haut dans le ciel. Alors Lalla descend la grande avenue, vers la mer. A ce moment-là, elle ne pense plus à rien d'autre, comme si elle avait tout oublié. Dans l'avenue, sur les trottoirs, la foule se presse toujours, toujours vers l'inconnu. Il y a des hommes aux lunettes qui miroitent, qui se hâtent à grandes enjambées, il y a des pauvres vêtus de costumes élimés, qui vont en sens inverse, les yeux aux aguets comme des renards. Il y a des groupes de jeunes filles habillées avec des vêtements collants, qui marchent en faisant claquer leurs talons, comme ceci : kra-kab, kra-kab, kra-kab. Les autos, les motos, les cyclos, les camions, les autocars vont à toute vitesse, vers la mer, ou vers le haut de la ville, tous chargés d'hommes et de femmes aux visages identiques. Lalla marche sur le trottoir, elle voit tout cela, ces mouvements, ces formes, ces éclats de lumière, et tout cela entre en elle et fait un tourbillon. Elle a faim, son corps est fatigué par le travail de l'hôtel, mais portant elle a envie de marcher encore, pour voir davantage de lumière, pour chasser toute l'ombre qui est restée au fond d'elle. Le vent glacé de l'hiver souffle par rafales le long de l'avenue, soulève les poussières et les vieilles feuilles de journaux. Lalla ferme à demi les yeux, elle avance, un peu penchée en avant, commeautrefois dans le désert, vers la source de lumière, là-bas, au bout de l'avenue.

Quand elle arrive au port, elle sent une sorte d'ivresse en elle, et elle titube au bord du trottoir. Ici le vent tourbillonne en liberté, chasse devant lui l'eau du port, fait claquer les agrès (3) des bateaux. La lumière vient d'encore plus loin, au-delà de l'horizon, tout à fait au sud, et Lalla marche le long des quais, vers la mer.

Jean-Marie Gustave Le Clézio, Désert

(1) linoléum : revêtement de sol en matière synthétique(2) lie-de-vin : rouge sang(3) agrès : ensemble des cordages

Page 9: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

– OE n°2 : LE THEATRE

– LA LEÇON, Eugène IonescoLA LEÇON, Eugène IonescoPersonnages LE PROFESSEUR (50 à 60ans)LA JEUNE ÉLÈVE (18 ans)LA BONNE (45 à 50 ans)

Lecture analytique n°1 : la scène d’exposition

Au lever du rideau, la scène est vide, elle le restera assez longtemps. Puis on entend la sonnette de la porte d’entrée. On entend la voix deLA BONNE (en coulisse): Oui. Tout de suite.précédant la Bonne elle-même, qui, après avoir descendu, en courant, des marches, apparaît. Elle est forte; elle a de 45 à 50 ans, rougeaude. La Bonne entre en coup de vent, fait claquer derrière elle la porte de droite, s’essuie les mains sur son tablier, tout en courant vers la porte de gauche, cependant qu’on entend un deuxième coup de sonnette.Patience. J’arrive.Elle ouvre la porte. Apparaît la jeune élève, âgée de 18 ans. Tablier gris, petit col blanc, serviette sous le bras.Bonjour, Mademoiselle.L’ÉLÈVE: Bonjour, Madame. Le Professeur est à la maison?LA BONNE: C’est pour la leçon?L’ÉLÈVE: Oui, Madame.LA BONNE: Il vous attend. Asseyez-vous un instant, je vais le prévenir.L’ÉLÈVE: Merci, Madame.Elle s’assied près de la table, face au public; à sa gauche, la porte d’entrée; elle tournele dos à l’autre porte par laquelle, toujours se dépêchant, sort la Bonne, qui appelle:LA BONNE: Monsieur, descendez, s’il vous plaît. Votre élève est arrivée.Voix duPROFESSEUR (plutôt fluette): Merci. Je descends ... dans deux minutes ...La Bonne est sortie; l’Élève, tirant sous elle ses jambes, sa serviette sur ses genoux, attend, gentiment; un petit regard ou deux dans la pièce, sur les meubles, au plafond aussi; puis elle tire de saserviette un cahier, qu’elle feuillette, puis s’arrête plus longtemps sur une page, comme pour répéter la leçon, comme pour jeter un dernier coup d’œil sur ses devoirs. Elle a l’air d’une fille polie, bien élevée, mais bien vivante, gaie, dynamique; un sourire frais sur les lèvres; au cours du drame qui va se jouer, elle ralentira progressivement le rythme vif de ses mouvements, de son allure, elle devra se refouler; de gaie et souriante, elle deviendra progressivement triste, morose; très vivante au début, elle sera de plus en plus fatiguée, somnolente; vers la fin du drame sa figure devra exprimer nettement une dépression nerveuse; sa façon de parler s’en ressentira, sa langue se fera pâteuse, les mots reviendront difficilement dans sa mémoire et sortiront, tout aussi difficilement, de sa bouche; elle aura l’air vaguement paralysée, début d’aphasie; volontaire au début, jusqu’à en paraître agressive,elle se fera de plus en plus passive, jusqu’à ne plus être qu’un objet mou et inerte, semblantinanimée, entre les mains du Professeur si bien que lorsque celui-ci en sera arrivé à accomplir le gestefinal, l’Élève ne réagira plus; insensibilisée, elle n’aura plus de réflexes; seuls ses yeux, dans une

Page 10: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

figure immobile, exprimeront un étonnement et une frayeur indicibles; le passage d’un comportement à l’autre devra se faire, bien entendu, insensiblement.LE PROFESSEUR entre. Il porte une longue blouse noire de maître d’école, pantalons et souliers noirs,faux col blanc, cravate noire. Excessivement poli, très timide, voix assourdie par la timidité, très correct, très professeur. Il se frotte tout le temps les mains; de temps à autre, une lueur lubrique dans les yeux, vite réprimée.Au cours du drame, sa timidité disparaîtra progressivement, insensiblement; les lueurs lubriques de ses yeux finiront par devenir une flamme dévorante, ininterrompue; le Professeur deviendra de plus en plus sûr de lui, nerveux, agressif, dominateur, jusqu’à se jouer comme il lui plaira de son élève, devenue, entre ses mains, une pauvre chose.Evidemment la voix du Professeur devra elle aussi devenir de plus en plus forte, et, à la fin, extrêmement puissante et éclatante, tandis que la voix de l’Élève se fera presque inaudible.Dans les premières scènes, le Professeur bégaiera, très légèrement, peut-être.LE PROFESSEUR: Bonjour, Mademoiselle ... C’est vous, c’est bien vous, n’est-ce pas, la nouvelle élève?L’ÉLÈVE se retourne vivement, l’air très dégagée, jeune fille du monde; elle se lève,s’avance vers Le Professeur, lui tend la main.L’ÉLÈVE: Oui, Monsieur. Bonjour, Monsieur. Vous voyez, je suis venue à l’heure. Je n’ai pas voulu être en retard.LE PROFESSEUR: C’est bien, Mademoiselle. Merci, mais il ne fallait pas vous presser. Je ne sais comment m’excuser de vous avoir fait attendre. Je finissais justement ... n’est-ce pas, de ... je m’excuse. Vous m’excuserez ...L’ÉLÈVE: Il ne faut pas, Monsieur. Il n’y a aucun mal, Monsieur.LE PROFESSEUR: Mes excuses ... Vous avez eu de la peine à trouver la maison?L’ÉLÈVE: Du tout ... Pas du tout. Et puis j’ai demandé. Tout le monde vous connaît ici.LE PROFESSEUR: Il y a trente ans que j’habite la ville. Vous n’y êtes pas depuis longtemps! Comment la trouvez-vous?L’ÉLÈVE: Elle ne me déplaît nullement. C’est une jolie ville, agréable, un joli parc, un pensionnat, un évêque, de beaux magasins, des rues, des avenues ...LE PROFESSEUR: C’est vrai, Mademoiselle. Pourtant j’aimerais autant vivre autre part. A Paris, ou au moins à Bordeaux.L’ÉLÈVE: Vous aimez Bordeaux?LE PROFESSEUR: Je ne sais pas. Je ne connais pas.L’ÉLÈVE: Alors vous connaissez Paris?LE PROFESSEUR: Non plus, Mademoiselle, mais, si vous me le permettez, pourriez-vous me dire, Paris,c’est le chef-lieu de ...Mademoiselle?L’ÉLÈVE: (cherche un instant, puis, heureuse de savoir) Paris, c’est le chef-lieu de ... la France?LE PROFESSEUR: Mais oui, Mademoiselle, bravo, mais c’est très bien, c’est parfait.Mes félicitations. Vous connaissez votre géographie nationale sur le bout des ongles. Vos chefs-lieux.L’ÉLÈVE: Oh! je ne les connais pas tous encore, Monsieur, ce n’est pas si facile que ça, j’ai du mal à les apprendre.LE PROFESSEUR: Oh, ça viendra ... Du courage ... Mademoiselle ... Je m’excuse ... de la patience ... doucement, doucement ... Vous verrez, ça viendra ... Il fait beau aujourd’hui ... ou plutôt pas tellement ... Oh! si quand même. Enfin, il ne fait pas trop mauvais, c’est le principal ... Euh ... euh ... Il ne pleut pas, il ne neige pas non plus.L’ÉLÈVE: Ce serait bien étonnant, car nous sommes en été.LE PROFESSEUR: Je m’excuse, Mademoiselle, j’allais vous le dire ... mais vous apprendrez que l’on peut s’attendre à tout.L’ÉLÈVE: Évidemment, Monsieur.

Page 11: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

LE PROFESSEUR: Nous ne pouvons être sûrs de rien, Mademoiselle, en ce monde.L’ÉLÈVE: La neige tombe l’hiver. L’hiver, c’est une des quatre saisons. Les trois autres sont euh le prin ...LE PROFESSEUR: Oui?L’ÉLÈVE: ... temps, et puis l’été et euh ...LE PROFESSEUR: Ça commence comme automobile, Mademoiselle.L’ÉLÈVE: Ah, oui, l’automne ...LE PROFESSEUR: C’est bien cela, Mademoiselle, très bien répondu, c’est parfait. Je suis convaincu que vous serez une bonne élève. Vous ferez des progrès. Vous êtes intelligente, vous me paraissez instruite, bonne mémoire.L’ÉLÈVE: Je connais mes saisons, n’est-ce pas, Monsieur?LE PROFESSEUR: Mais oui, Mademoiselle ... ou presque. Mais ça viendra. De toute façon, c’est déjà bien. Vous arriverez à les connaître, toutes vos saisons, les yeux fermés. Comme moi.L’ÉLÈVE: C’est difficile.LE PROFESSEUR: Oh, non. Il suffit d’un petit effort, de la bonne volonté, Mademoiselle.Vous verrez. Ça viendra, soyez-en sûre.L’ÉLÈVE: Oh, je voudrais bien, Monsieur. J’ai une telle soif de m’instruire. Mes parents aussi désirent que j’approfondisse mes connaissances. Ils veulent que je me spécialise. Ils pensent qu’une simple culture générale, même si elle est solide, ne suffit plus, à notre époque.LE PROFESSEUR: Vos parents, Mademoiselle, ont parfaitement raison. Vous devez pousser vos études. Je m’excuse de vous le dire, mais c’est une chose nécessaire. La vie contemporaine est devenue très complexe.L’ÉLÈVE: Et tellement compliquée ... Mes parents sont assez fortunés, j’ai de la chance. Ils pourront m’aider à travailler, à faire des études très supérieures.LE PROFESSEUR: Et vous voudriez vous présenter ...L’ÉLÈVE: Le plus tôt possible, au premier concours de doctorat. C’est dans trois semaines.LE PROFESSEUR: Vous avez déjà votre baccalauréat, si vous me permettez de vous poser la question.L’ÉLÈVE: Oui, Monsieur, j’ai mon bachot sciences, et mon bachot lettres.LE PROFESSEUR: Oh, mais vous êtes très avancée, même trop avancée pour votre âge. Et quel doctorat voulez-vous passer? Sciences matérielles ou philosophie normale?L’ÉLÈVE: Mes parents voudraient bien, si vous croyez que cela est possible en si peu de temps, ils voudraient bien que je passe mon doctorat total.LE PROFESSEUR: Le doctorat total? ... Vous avez beaucoup de courage, Mademoiselle,je vous félicite sincèrement. Nous tâcherons, Mademoiselle, de faire de notre mieux. D’ailleurs, vous êtes déjà assez savante. A un si jeune âge.L’ÉLÈVE: Oh, Monsieur.LE PROFESSEUR: Alors, si vous voulez bien me permettre, mes excuses, je vous dirais qu’il faut se mettre au travail. Nous n’avons guère de temps à perdre.

Page 12: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture analytique n°2 : LA LEÇON DE MATHEMATIQUES

LE PROFESSEUR: Arrêtez-vous, Mademoiselle. Quel nombre est plus grand? Trois ou quatre?L’ÉLÈVE: Euh ... trois ou quatre? Quel est le plus grand? Le plus grand de trois ou quatre? Dans quel sens le plus grand?LE PROFESSEUR: Il y a des nombres plus petits et d’autres plus grands. Dans les nombres plus grandsil y a plus d’unités que dans les petits.L’ÉLÈVE: ... Que dans les petits nombres?LE PROFESSEUR: A moins que les petits aient des unités plus petites. Si elles sont toutes petites, il se peut qu’il y ait plus d’unités dans les petits nombres que dans les grands ... s’il s’agit d’autres unités ...L’ÉLÈVE: Dans ce cas, les petits nombres peuvent être plus grands que les grands nombres?LE PROFESSEUR: Laissons cela. Ça nous mènerait beaucoup trop loin: sachez seulement qu’il n’y a pas que des nombres ... il y a aussi des grandeurs, des sommes, il y a des groupes, il y a des tas, des tas dechoses telles que les prunes, les wagons, les oies, les pépins, etc. Supposons simplement, pour faciliternotre travail, que nous n’avons que des nombres égaux, les plus grands seront ceux qui auront le plus d’unités égales.L’ÉLÈVE: Celui qui en aura le plus sera le plus grand? Ah, je comprends, Monsieur, vous identifiez la qualité à la quantité.LE PROFESSEUR: Cela est trop théorique, Mademoiselle, trop théorique. Vous n’avez pas à vous inquiéter de cela. Prenons notre exemple et raisonnons sur ce cas précis. Laissons pour plus tard les conclusions générales. Nous avons le nombre quatre et le nombre trois, avec chacun un nombre toujours égal d’unités; quel nombre sera le plus grand, le nombre plus petit ou le nombre plus grand?L’ÉLÈVE: Excusez-moi, Monsieur ... Qu’entendez-vous par le nombre le plus grand? Est-ce celui qui estmoins petit que l’autre?LE PROFESSEUR: C’est ça, Mademoiselle, parfait. Vous m’avez très bien compris.L’ÉLÈVE: Alors, c’est quatre.LE PROFESSEUR: Qu’est-ce qu’il est, le quatre? Plus grand ou plus petit que trois?L’ÉLÈVE: Plus petit ... non, plus grand.LE PROFESSEUR: Excellente réponse. Combien d’unités avez-vous de trois à quatre? ... ou de quatre à trois, si vous préférez?L’ÉLÈVE: Il n’y a pas d’unités, Monsieur, entre trois et quatre. Quatre vient tout de suite après trois; il n’y a rien du tout entre trois et quatre!LE PROFESSEUR: Je me suis mal fait comprendre. C’est sans doute ma faute. Je n’ai pas été assez clair.L’ÉLÈVE: Non, Monsieur, la faute est mienne.LE PROFESSEUR: Tenez. Voici trois allumettes. En voici encore une, ça fait quatre. Regardez bien, vous en avez quatre, j’en retire une, combien vous en reste-t-il?On ne voit pas les allumettes, ni aucun des objets, d’ailleurs, dont il est question; le Professeur se lèvera de table, écrira sur un tableau inexistant avec une craie inexistante, etc.L’ÉLÈVE: Cinq. Si trois et un font quatre, quatre et un font cinq.LE PROFESSEUR: Ce n’est pas ça. Ce n’est pas ça du tout. Vous avez toujours tendance à additionner. Mais il faut aussi soustraire. Il ne faut pas uniquement intégrer. Il faut aussi désintégrer. C’est ça la vie. C’est ça la philosophie. C’est ça la science. C’est ça le progrès, la civilisation.L’ÉLÈVE: Oui, Monsieur.LE PROFESSEUR: Revenons à nos allumettes. J’en ai donc quatre. Vous voyez, elles sont bien quatre. J’en retire une, il n’en reste plus que ...

Page 13: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

L’ÉLÈVE: Je ne sais pas, Monsieur.LE PROFESSEUR: Voyons, réfléchissez. Ce n’est pas facile, je l’admets. Pourtant, vous êtes assez cultivée pour pouvoir faire l’effort intellectuel demandé et parvenir à comprendre. Alors?L’ÉLÈVE: Je n’y arrive pas, Monsieur. Je ne sais pas, Monsieur.LE PROFESSEUR: Prenons des exemples plus simples. Si vous aviez eu deux nez, et je vous en aurais arraché un ... combien vous en resterait-il maintenant?L’ÉLÈVE: Aucun.LE PROFESSEUR: Comment aucun?L’ÉLÈVE: Oui, c’est justement parce que vous n’en avez arraché aucun, que j’en ai un maintenant. Si vous l’aviez arraché, je ne l’aurais plus.LE PROFESSEUR: Vous n’avez pas compris mon exemple. Supposez que vous n’avez qu’une seule oreille.L’ÉLÈVE: Oui, après?LE PROFESSEUR: Je vous en ajoute une, combien en auriez-vous?L’ÉLÈVE: Deux.LE PROFESSEUR: Bon. Je vous en ajoute encore une. Combien en auriez-vous?L’ÉLÈVE: Trois oreilles.LE PROFESSEUR: J’en enlève une ... il vous reste ... combien d’oreilles?L’ÉLÈVE: Deux.LE PROFESSEUR: Bon. J’en enlève encore une, combien vous en reste-t-il?L’ÉLÈVE: Deux.LE PROFESSEUR: Non. Vous en avez deux, j’en prends une, je vous en mange une, combien vous en reste-t-il?L’ÉLÈVE: Deux.LE PROFESSEUR: J’en mange une ... une.L’ÉLÈVE: Deux.LE PROFESSEUR: Une.L’ÉLÈVE: Deux.LE PROFESSEUR: Une!L’ÉLÈVE: Deux!LE PROFESSEUR: Une!!!L’ÉLÈVE: Deux!!!LE PROFESSEUR: Une!!!L’ÉLÈVE: Deux!!!LE PROFESSEUR: Une!!!L’ÉLÈVE: Deux!!!LE PROFESSEUR: Non. Non. Ce n’est pas ça. L’exemple n’est pas ... n’est pas convaincant.Écoutez-moi.L’ÉLÈVE: Oui, Monsieur.LE PROFESSEUR: Vous avez... vous avez ... vous avez ...L’ÉLÈVE: Dix doigts!...LE PROFESSEUR: Si vous voulez. Parfait. Bon. Vous avez donc dix doigts.L’ÉLÈVE: Oui, Monsieur.LE PROFESSEUR: Combien en auriez-vous, si vous en aviez cinq?L’ÉLÈVE: Dix, Monsieur.LE PROFESSEUR: Ce n’est pas ça!L’ÉLÈVE: Si, Monsieur.LE PROFESSEUR: Je vous dis que non!L’ÉLÈVE: Vous venez de me dire que j’en ai dix...

Page 14: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

LE PROFESSEUR: Je vous ai dit aussi, tout de suite après, que vous en aviez cinq!L’ÉLÈVE: Je n’en ai pas cinq, j’en ai dix!LE PROFESSEUR: Procédons autrement ... Limitons-nous aux nombres de un à cinq, pour la soustraction ... Attendez, Mademoiselle, vous allez voir. Je vais vous faire comprendre.Le Professeur se met à écrire à un tableau noir imaginaire. Il l’approche de l’Élève,qui se retourne pour regarder.Voyez, Mademoiselle ...Il fait semblant de dessiner, au tableau noir, un bâton97; il fait semblant d’écrire au-dessous le chiffre 1, puis deux bâtons, sous lesquels il fait le chiffre 2, puis en dessous le chiffre 3, puis quatre bâtons au-dessous desquels il fait le chiffre 4.Vous voyez ...L’ÉLÈVE: Oui, Monsieur.LE PROFESSEUR: Ce sont des bâtons, Mademoiselle, des bâtons. Ici, c’est un bâton; là ce sont deux bâtons; là, trois bâtons, puis quatre bâtons, puis cinq bâtons. Un bâton, deux bâtons, trois bâtons, quatre et cinq bâtons, ce sont des nombres. Quand on compte des bâtons, chaque bâton est une unité, Mademoiselle ... Qu’est-ce que je viens de dire?L’ÉLÈVE: « Une unité, Mademoiselle! Qu’est-ce que je viens de dire? »LE PROFESSEUR: Ou des chiffres! ou des nombres! Un, deux, trois, quatre, cinq, ce sont des éléments de la numération, Mademoiselle.L’ÉLÈVE (hésitante): Oui, Monsieur. Des éléments, des chiffres, qui sont des bâtons, des unités et desnombres ...LE PROFESSEUR: A la fois ... C’est-à-dire, en définitive, toute l’arithmétique elle même est là.L’ÉLÈVE: Oui, Monsieur. Bien, Monsieur. Merci, Monsieur.LE PROFESSEUR: Alors, comptez, si vous voulez, en vous servant de ces éléments ... additionnez et soustrayez ...L’ÉLÈVE (comme pour imprimer dans sa mémoire): Les bâtons sont bien des chiffres et les nombres, des unités?LE PROFESSEUR: Hum ... si l’on peut dire. Et alors?L’ÉLÈVE: On peut soustraire deux unités de trois unités, mais peut-on soustraire deux deux de trois trois? et deux chiffres de quatre nombres? et trois nombres d’une unité?LE PROFESSEUR: Non, Mademoiselle.L’ÉLÈVE: Pourquoi, Monsieur?LE PROFESSEUR: Parce que, Mademoiselle.L’ÉLÈVE: Parce que quoi, Monsieur? Puisque les uns sont bien les autres?LE PROFESSEUR: Il en est ainsi, Mademoiselle. Ça ne s’explique pas. Ça se comprend par un raisonnement mathématique intérieur. On l’a ou on ne l’a pas.L’ÉLÈVE: Tant pis!

Page 15: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture analytique n°3 :LA LEÇON DE PHILOLOGIE

LE PROFESSEUR (avec autorité): Silence! Que veut dire cela?L’ÉLÈVE: Pardon, Monsieur.Lentement, elle remet ses mains sur la table.LE PROFESSEUR: Silence!Il se lève, se promène dans la chambre, les mains derrière le dos; de temps en temps, ils’arrête, au milieu de la pièce ou auprès de l’Élève, et appuie ses paroles d’un geste dela main; il pérore, sans trop charger ; l’Élève le suit du regard et a, parfois, certainedifficulté à le suivre car elle doit beaucoup tourner la tête; une ou deux fois, pas plus,elle se retourne complètement.Ainsi donc, Mademoiselle, l’espagnol est bien la langue mère d’où sont nées toutesles langues néo-espagnoles, dont l’espagnol, le latin, l’italien, notre français, le portugais,le roumain, le sarde ou sardanapale, l’espagnol et le néo-espagnol - et aussi,pour certains de ses aspects, le turc lui-même plus rapproché cependant du grec,ce qui est tout à fait logique, étant donné que la Turquie est voisine de la Grèce et laGrèce plus près de la Turquie que vous et moi: ceci n’est qu’une illustration de plusd’une loi linguistique très importante selon laquelle géographie et philologie sontsœurs jumelles ... Vous pouvez prendre note, Mademoiselle.L’ÉLÈVE (d’une voix éteinte): Oui, Monsieur.LE PROFESSEUR: Ce qui distingue les langues néo-espagnoles entre elles et leursidiomes des autres groupes linguistiques, tels que le groupe des langues autrichienneset néo-autrichiennes ou habsbourgiques, aussi bien que des groupes espérantiste,helvétique, monégasque, suisse, andorrien, basque, pelote, aussi bien encoreque des groupes des langues diplomatique et technique - ce qui les distingue, dis-je,c’est leur ressemblance frappante qui fait qu’on a bien du mal à les distinguerl’une de l’autre - je parle des langues néo-espagnoles entre elles, que l’on arrive àdistinguer, cependant, grâce à leurs caractères distinctifs, preuves absolument indiscutablesde l’extraordinaire ressemblance, qui rend indiscutable leur communautéd’origine, et qui, en même temps, les différencie profondément - par le maintiendes traits distinctifs dont je viens de parler.L’ÉLÈVE: Oooh! oouuii, Monsieur!LE PROFESSEUR: Mais ne nous attardons pas dans les généralités ...L’ÉLÈVE (regrettant, séduite): Oh, Monsieur ...LE PROFESSEUR: Cela a l’air de vous intéresser. Tant mieux, tant mieux.L’ÉLÈVE: Oh, oui, Monsieur ...LE PROFESSEUR: Ne vous inquiétez pas, Mademoiselle. Nous y reviendrons plustard ... à moins que ce ne soit plus du tout. Qui pourrait le dire?L’ÉLÈVE (enchantée, malgré tout): Oh, oui, Monsieur.LE PROFESSEUR: Toute langue, Mademoiselle, sachez-le, souvenez-vous-en jusqu’àl’heure de votre mort ...L’ÉLÈVE: Oh! oui, Monsieur, jusqu’à l’heure de ma mort ... Oui, Monsieur.

Page 16: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

LE PROFESSEUR: ... et ceci est encore un principe fondamental, toute langue n’est ensomme qu’un langage, ce qui implique nécessairement qu’elle se compose desons, ou ...L’ÉLÈVE: Phonèmes ...LE PROFESSEUR: J’allais vous le dire. N’étalez donc pas votre savoir. Écoutez,plutôt.L’ÉLÈVE: Bien, Monsieur. Oui, Monsieur.LE PROFESSEUR: Les sons, Mademoiselle, doivent être saisis au vol par les ailespour qu’ils ne tombent pas dans les oreilles des sourds. Par conséquent, lorsquevous vous décidez d’articuler, il est recommandé, dans la mesure du possible, delever très haut le cou et le menton, de vous élever sur la pointe des pieds, tenez,ainsi, vous voyez ...L’ÉLÈVE: Oui, Monsieur.LE PROFESSEUR: Taisez-vous. Restez assise, n’interrompez pas ... Et d’émettreles sons très haut et de toute la force de vos poumons associée à celle de vos cordesvocales. Comme ceci: regardez: « Papillon », « Eurêka », « Trafalgar », « papi,papa». De cette façon, les sons remplis d’un air chaud plus léger que l’air environnantvoltigeront, voltigeront sans plus risquer de tomber dans les oreilles dessourds qui sont les véritables gouffres, les tombeaux des sonorités. Si vous émettezplusieurs sons à une vitesse accélérée, ceux-ci s’agripperont les uns aux autresautomatiquement, constituant ainsi des syllabes, des mots, à la rigueur des phrases,c’est-à-dire des groupements plus ou moins importants, des assemblages purementirrationnels de sons, dénués de tout sens, mais justement pour cela capablesde se maintenir sans danger à une altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent lesmots chargés de signification, alourdis par leur sens, qui finissent toujours parsuccomber, s’écrouler ...L’ÉLÈVE: ... dans les oreilles des sourds.LE PROFESSEUR: C’est ça, mais n’interrompez pas ... et dans la pire confusion ... Oupar crever150 comme des ballons. Ainsi donc, Mademoiselle ... (L’Élève a soudainl’air de souffrir.) Qu’avez vous donc?L’ÉLÈVE: J’ai mal aux dents, Monsieur.LE PROFESSEUR: Ça n’a pas d’importance. Nous n’allons pas nous arrêter pour sipeu de chose. Continuons ...

Page 17: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture analytique n°4 : LE DENOUEMENT

LE PROFESSEUR (tremblotant): Ce n’est pas moi ... Ce n’est pas moi ... Marie ...Non ... je vous assure ce n’est pas moi, ma petite Marie ...LA BONNE: Mais qui donc? Qui donc alors? Moi?LE PROFESSEUR: Je ne sais pas ... peut-être ...LA BONNE: Ou le chat?LE PROFESSEUR: C’est possible ... Je ne sais pas ...LA BONNE: Et c’est la quarantième fois, aujourd’hui! ... Et tous les jours c’est lamême chose! Tous les jours! Vous n’avez pas honte, à votre âge ... mais vousallez vous rendre malade! Il ne vous restera plus d’élèves. Ça sera bien fait.LE PROFESSEUR (irrité): Ce n’est pas ma faute! Elle ne voulait pas apprendre! Elleétait désobéissante. C’était une mauvaise élève! Elle ne voulait pas apprendre!LA BONNE: Menteur! ...LE PROFESSEUR (s’approche sournoisement de la Bonne, le couteau derrière son dos):Ça ne vous regarde pas!Il essaie de lui donner un formidable coup de couteau; la Bonne lui saisit le poignet auvol, le lui tord; le Professeur laisse tomber par terre son arme.... Pardon!La Bonne gifle, par deux fois, avec bruit et force, le Professeur qui tombe sur leplancher, sur son derrière; il pleurniche.LA BONNE: Petit assassin! Salaud! Petit dégoûtant! Vous vouliez me faire ça àmoi? Je ne suis pas une de vos élèves, moi!Elle le relève par le collet, ramasse la calotte qu’elle lui met sur la tête; il a peurd’être encore giflé et se protège du coude comme les enfants.Mettez ce couteau à sa place, allez! (Le Professeur va le mettre dans le tiroir du buffet,revient.) Et je vous avais bien averti, pourtant, tout à l’heure encore:l’arithmétique mène à la philologie, et la philologie mène au crime ...LE PROFESSEUR: Vous aviez dit: «au pire»!LA BONNE: C’est pareil.LE PROFESSEUR: J’avais mal compris. Je croyais que «Pire» c’est une ville et quevous vouliez dire que la philologie menait à la ville de Pire ...LA BONNE: Menteur! Vieux renard! Un savant comme vous ne se méprend pas surle sens des mots. Faut pas me la faire.LE PROFESSEUR (sanglote): Je n’ai pas fait exprès de la tuer!LA BONNE: Au moins, vous le regrettez?LE PROFESSEUR: Oh, oui, Marie, je vous le jure!LABONNE: Vous me faites pitié, tenez! Ah! vous êtes un brave garçon quand même!On va tâcher d’arranger ça. Mais ne recommencez pas ... Ça peut vous donner unemaladie de coeur ...LE PROFESSEUR: Oui, Marie! Qu’est-ce qu’on va faire, alors?LA BONNE: On va l’enterrer ... en même temps que les trente-neuf autres ... ça va

Page 18: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

faire quarante cercueils ... On va appeler les pompes funèbres et mon amoureux,le curé Auguste ... On va commander des couronnes...LE PROFESSEUR: Oui, Marie, merci bien.LA BONNE: Au fait. Ce n’est même pas la peine d’appeler Auguste, puisque vousmêmevous êtes un peu curé à vos heures, si on en croit la rumeur publique.LE PROFESSEUR: Pas trop chères, tout de même, les couronnes. Elle n’a pas payé saleçon.LA BONNE: Ne vous inquiétez pas ... Couvrez-la au moins avec son tablier, elle estindécente. Et puis on va l’emporter ...LE PROFESSEUR: Oui, Marie, oui. (Il la couvre.) On risque de se faire pincer ...avecquarante cercueils ... Vous vous imaginez ... Les gens seront étonnés. Si on nousdemande ce qu’il y a dedans?LA BONNE: Ne vous faites donc pas tant de soucis. On dira qu’ils sont vides.D’ailleurs, les gens ne demanderont rien, ils sont habitués.LE PROFESSEUR: Quand même.LA BONNE (Elle sort un brassard portant un insigne): Tenez, si vous avez peur,mettez ceci, vous n’aurez plus rien à craindre. (Elle lui attache le brassard autour dubras.) C’est politique.LE PROFESSEUR: Merci, ma petite Marie; comme ça, je suis tranquille ... Vous êtesune bonne fille, Marie ... bien dévouée ...LA BONNE: Ça va. Allez-y, Monsieur. Ça y est?LE PROFESSEUR: Oui, ma petite Marie.La Bonne et le Professeur prennent le corps de la jeune fille, l’une par les épaules,l’autre par les jambes, et se dirigent vers la porte de droite.Attention. Ne lui faites pas de mal.Ils sortent.Scène vide, pendant quelques instants. On entend sonner à la porte de gauche.Voix deLA BONNE: Tout de suite, j’arrive!Elle apparaît tout comme au début, va vers la porte. Deuxième coup de sonnette.LA BONNE (à part): Elle est bien pressée, celle-là! (Fort.) Patience! (Elle va vers laporte de gauche, l’ouvre.) Bonjour, Mademoiselle! Vous êtes la nouvelle élève?Vous êtes venue pour la leçon? Le Professeur vous attend. Je vais lui annoncer votrearrivée. Il descend tout de suite! Entrez donc, entrez, Mademoiselle!Rideau

Page 19: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

OBJET D’ETUDE N°3 : LA QUESTION DE L’HOMME DANS LES GENRES DE L’ARGUMENTATION, DU XVI° SIECLE A NOS JOURSL’HUMANITE EN QUESTION : L’HOMME ET SON AUTREOù sont les frontières de l’humanité ? qu’est-ce qui appartient à notre humanité et qu’est-ce qui est inhumain

LA FIGURE DU MONSTRE

Lecture de l'image :

LES MONSTRES DANS LA MYTHOLOGIE

– La chimère Gorgone, la Méduse

– L’Hydre Le Minotaure

Page 20: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

– Polyphème le Cyclope Python

– Œdipe et le Sphinx

– QUELQUES MONSTRES DANS LA PEINTURE

– La Parabole des Aveugles, Bruegel Estropiés et Mendiants,– (1568) Jérôme Bosch (1463-1516)–

Page 21: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

– La Tentation de Saint-Antoine, Matthias Grünewald :– Monstre présentant les symptômes de la maladie de l'ergot de seigle, dite « feu de

Saint Antoine » soignée au couvent des antonins destinataire du retablec. 1512–1515, huile sur bois, Musée d'Unterlinden, Colmar

– LES MONSTRES DANS LA LITTERATURE ET LE CINEMA MODERNES

– Christopher Lee, dans le film Le cauchemar de – Dracula, d’après le roman de Bram Stoker le loup-garou– (publié en 1897)–

Page 22: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

– Charles Laughton dans le rôle de Quasimodo Vingt mille lieues sous les mers, Jules Verne– d’après Notre Dame de Paris de Victor Hugo–

– Christopher Lee, dans le rôle de Frankenstein, King Kong : Il fait sa première apparition (Frankenstein s’est échappé), d’après le roman de dans un film de 1933 réalisé par Merian C. MaryShelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne Cooper et Ernest B. Schoesack

– ( 1818)––

Alien, Ridley Scott (1979)

Page 23: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

Lecture analytique: VICTOR HUGO, L’Homme qui rit

La nature avait été prodigue de ses bienfaits envers Gwynplaine. Elle lui avait donné unebouche s’ouvrant jusqu’aux oreilles, des oreilles se repliant jusque sur les yeux, un nezinforme fait pour l’oscillation des lunettes de grimacier, et un visage qu’on ne pouvaitregarder sans rire. Nous venons de le dire, la nature avait comblé Gwynplaine de ses dons.Mais était-ce la nature ?

Ne l’avait-on pas aidée ?

Deux yeux pareils à des jours de souffrance, un hiatus pour bouche, une protubérancecamuse avec deux trous qui étaient les narines, pour face un écrasement, et tout cela ayantpour résultante le rire, il est certain que la nature ne produit pas toute seule de tels chefs-d’œuvre.

Selon toute apparence, d’industrieux manieurs d’enfants avaient travaillé cette figure. Ilsemblait évident qu’une science mystérieuse, probablement occulte, qui était à la chirurgie ceque l’alchimie est à la chimie, avait ciselé cette chair, à coup sûr dans le très bas âge, etcréé, avec préméditation, ce visage. Cette science, habile aux sections, aux obtusions et auxligatures, avait fendu la bouche, débridé les lèvres, dénudé les gencives, distendu les oreilles,décloisonné les cartilages, désordonné les sourcils et les joues, élargi le muscle zygomatique,estompé les coutures et les cicatrices, ramené la peau sur les lésions, tout en maintenant laface à l’état béant, et de cette sculpture puissante et profonde était sorti ce masque,Gwynplaine.

On ne naît pas ainsi.

Quoi qu’il en fût, Gwynplaine était admirablement réussi.

Page 24: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

– Lecture cursive : Victor HUGO, Notre Dame de Paris

– La scène se passe à la fin du Moyen Âge. Pour se divertir, le peuple de Paris décide de procéder à l'élection du " pape des fous ", un concours de grimaces.C'était une merveilleuse grimace, en effet, que celle qui rayonnait en ce moment au trou de la rosace. Après toutes les figures pentagones, hexagones et hétéroclites qui s'étaient succédé àcette lucarne sans réaliser cet idéal du grotesque qui s'était construit dans les imaginations exaltées par l'orgie, il ne fallait rien moins pour enlever les suffrages, que la grimace sublime qui venait d'éblouir l'assemblée. Maître Coppenole lui-même applaudit ; et Clopin Trouillefou, qui avait concouru, et Dieu sait quelle intensité de laideur son visage pouvait atteindre, s'avoua vaincu. Nous ferons de même. Nous n'essaierons pas de donner au lecteur une idée de ce nez tétraèdre (1), de cette bouche en fer à cheval, de ce petit oeil gauche obstrué d'un sourcil roux en broussailles tandis que l'œil droit disparaissait entièrement sous une énorme verrue, de ces dents désordonnées, ébréchées çà et là,, comme les créneaux d'une forteresse, de cette lèvre calleuse sur laquelle une de ces dents empiétait comme la défense d'un éléphant, de ce menton fourchu, et surtout de la physionomie répandue sur tout cela, de ce mélange de malice, d'étonnement et de tristesse. Qu'on rêve, si l'on peut, cet ensemble.L'acclamation fut unanime. On se précipita vers la chapelle. On en fit sortir en triomphe le bienheureux pape des fous. Mais c'est alors que la surprise et l'admiration furent à leur comble. La grimace était son visage.Ou plutôt toute sa personne était une grimace. Une grosse tête hérissée de cheveux roux ; entre les deux épaules une bosse énorme dont le contre-coup se faisait sentir par-devant un système de cuisses et de jambes si étrangement fourvoyées qu'elles ne pouvaient se toucher que par les genoux, et, vues de face, ressemblaient à deux croissants de faucilles qui se rejoignent par la poignée ; de larges pieds, des mains monstrueuses ; et, avec toute cette difformité, je ne sais quelle allure redoutable de vigueur, d'agilité et de courage ; étrange exception à la règle éternelle qui veut que la force, comme la beauté, résulte de l'harmonie. Telétait le pape que les fous venaient de se donner.On eût dit un géant brisé et mal ressoudé.Quand cette espèce de cyclope parut sur le seuil de la chapelle, immobile, trapu, et presque aussi large que haut, carré par la base, comme dit un grand homme, à son surtout (2) mi-parti (3) rouge et violet, semé de campaniles (4) d'argent ' et surtout à la perfection de sa laideur, la populace le reconnut sur-lechamp, et s'écria d'une voix:- C'est Quasimodo, le sonneur de cloches ! c'est Quasimodo, le bossu deNotre-Dame! Quasimodo le borgne! Quasimodo le bancal ! Noël ! Noël (5)On voit que le pauvre diable avait des surnoms à choisir.- Gare les femmes grosses (6) ! criaient les écoliers.- Ou qui ont envie de l'être, reprenait Joannes.Les femmes en effet se cachaient le visage.- Oh! le vilain singe, disait l'une.- Aussi méchant que laid, reprenait une autre.- C'est le diable, ajoutait une troisième.

– "Quasimodo", Victor HUGO, Notre-Dame de Paris, Livre 1, chapitre V, Editions Gallimard Folio,1831.

– (1) tétraèdre : à quatre faces.(2) surtout: manteau.(3) mi-parti : partagé en deux.

(4) campaniles: petites cloches.(5) Noël : cri de joie.(6) grosses: enceintes.

Page 25: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

– Lecture cursive : Mary SHELLEY, Frankenstein ou Le Prométhée moderne

– A la fin du roman, la créature monstrueuse, œuvre du Docteur Frankenstein, s'adresse au narrateur, après avoir commis une série de meurtres.

" Je ne demande pas de compassion pour ma misère. Jamais personne ne m'accordera sa sympathie. Quand je l'ai recherchée pour la première fois, je tenais à partager avec autrui l'amour de la vertu ainsi que les sentiments de bonheur et d'affection qui habitaient mon être. Maintenant que cette vertu n'est plus qu'une ombre, que le bonheur et l'affection ont fait place à un désespoir amer et détestable, que me reste-t-il pour susciter la sympathie ? Je me contenterai de souffrir dans la solitude aussi longtemps que se prolongera mon calvaire ; je sais qu'à ma mort l'horreur et l'opprobre (1) entacheront ma mémoire. Autrefois, mon imagination caressait des rêves de vertu, de gloire et de joie. Autrefois, j'espérais follement rencontrer des êtres qui, oubliant ma laideur, m'aimeraient pour les qualités dont je savais faire montre. Je me nourrissais de pensées élevées d'honneur et de dévouement. Hélas, le crime m'a désormais rabaissé à un rang inférieur à celui de l'animal le plus vil. Il n'existe pas de crime, pas de haine, pas de cruauté, pas de misère qui se puisse comparer à la mienne. Quand je songe à la liste effrayante de mes péchés, je ne puis croire que je fus bien cette créature dont l'esprit était rempli de visions sublimes et transcendantes de la beauté et de la majesté de la bonté. Mais ainsi va la vie, l'ange déchu devient un démon malfaisant. Pourtant, cet ennemi de Dieu et des hommes, lui-même, avait des amis et des compagnons dans sa désolation ; hélas, je suis seul.Vous (2), qui appelez Frankenstein (3) votre ami, paraissez avoir connaissance de mes crimes etde mes malheurs. Mais aussi détaillé que fût son récit, il n'a pu évoquer les heures et les mois de misère que j'ai endurés, consumé de passions impuissantes. Car tandis que je détruisais ses espoirs, je ne satisfaisais pas mes désirs propres. lis ne cessèrent à aucun moment de me torturer ; j'aspirais toujours à connaître l'amour et l'amitié, et on ne m'opposait que le mépris.N'y avait-il pas là quelque injustice ? ".

– l’opprobre : la honte, le déshonneur– vous = le narrateur, R. Walton– Victor Frankenstein, le savant–

Frankenstein, Mary SHELLEY, Frankenstein ou Le Prométhée moderne, dernier chapitre, Editions Gallimard Folio Plus, Traduit de l'anglais par Paul Couturiau.

Page 26: DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN ...lyceeduruy.fr/francais/files/2014/04/descriptif-1STMG.pdf · DESCRIPTIF BAC BLANC 1STMG OE n°1 : LE PERSONNAGE DE ROMAN

– Lecture analytique :Voltaire, Candide

– En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus quela moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais- tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? -- J'attends mon maître, M.Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. -- Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? -- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclavede nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. " Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.