DÉFISENTRE AMIES

TOME 5 : EléaDE PIERRETTE LAVALLEE

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© 2016 Les Editions Sharon Kenawww.leseditionssharonkena.com

ISBN : 978-2-8191-0003-4

PROLOGUE Assise au bar, une bière à la main, je me posais mille et une questions : fera-t-il beau demain ?

Combien de temps me faudra-t-il avant de passer une nouvelle commande ? Avais-je raison dem’obstiner et d’attendre un hypothétique rendez-vous avec Alexian ?

Parce que, oui, j’en étais là ! Près de douze ans à l’aimer en silence, à vénérer le sol sur lequel ilmarchait et j’en venais à me demander ce que j’avais fait de ma vie à part l’attendre.

Je crois que le fait d’avoir vu Tahys en larmes m’avait fait l’effet d’une gifle. Elle était tombéeamoureuse de mon frère Keylan mais ce dernier avait été créé sur le même modèle qu’Alexian, àsavoir, ils étaient tous deux des séducteurs impénitents, collectionnant les filles comme certains destimbres postes, les utilisant comme des kleenex, usage unique puis poubelle… À croire que cetteannée-là, il y avait une promotion à la maternité…

Depuis ma découverte, j’oscillais entre rage et tristesse. J’avais envie de me rendre chez eux et depiquer une crise royale, de les abreuver de toutes les insultes que je connaissais et d’autres que je meferais un plaisir d’inventer, mais je ne voulais pas heurter la sensibilité de mon amie, exacerbée parla trahison de mon frère. Je n’en revenais toujours pas qu’il ait osé s’en prendre à elle, la fairesouffrir comme il l’avait fait. Son cœur était brisé, je n’avais pas le moindre doute là-dessus, car lemien l’était depuis qu’Alexian s’affichait avec toutes ces filles.

Je ne savais même plus si j’avais envie de relever mon défi, celui qui devait me mettre ensituation coquine avec lui. Quelques mois plus tôt, je ne me serais même pas posé la question. Je levoulais si fort que j’aurais fait n’importe quoi pour l’avoir, mais à présent… J’en avais marre qu’ils’installe tous les soirs en compagnie de Keylan, à une de mes tables, dans mon bar, et ce, avec àchaque fois une nouvelle fille à leurs bras. Il fallait que je le supporte de le voir poser ses lèvres surcelles de la « nouvelle », les laisser glisser le long de sa gorge, la mordiller afin de l’exciter plussûrement encore…

C’est avec un déchirement au cœur que j’étais témoin de son amusement mais surtout de sonintérêt, lorsqu’il les laissait se frotter contre lui, caresser ses hanches, frôler de leurs onglesdémesurés son torse puissant. Quant à moi, j’assistais à toutes ses scènes, hurlant mentalement dejalousie. J’aurais voulu avoir le courage de lui demander : « Pourquoi elle ? Pourquoi pas moi ? ».Mais il lui suffirait d’un regard dans ma direction pour que je puisse y lire que je n’étais pas à songoût.

Je jetai un coup d’œil dans mon reflet et poussai un juron. J’avais été élevée par des parentsgéniaux. Mon père était commissaire de police et ma mère s’était consacrée à nous élever et às’occuper de son foyer. Mais moi, je voulais être comme mon père, alors, lorsqu’il entraînait monfrère, je les suivais. Lorsqu’il l’emmenait pêcher, également. Je passais plus de temps à jouer à laconsole plutôt qu’à la poupée. J’étais bonne au foot, je me défendais au basket, mais j’étais encoremeilleure à la lutte. En fait, il n’y avait rien de féminin chez moi. J’avais un visage quelconque, unesilhouette que je n’aimais pas, que je cachais sous des vêtements trop larges et des cheveux d’un brunterne que j’attachais toujours en queue de cheval. Le maquillage ? Pas pour moi ! Je n’avais pas letemps de toute façon, entre mon footing le matin, le bar à ouvrir et courir toute la journée poursatisfaire mes clients, chaque minute était précieuse.

Je pensai à mes amies et espérai sincèrement que les hommes qu’elles avaient choisis soientréellement amoureux d’elles, qu’ils ne les fassent pas souffrir, car elles méritaient le bonheur… nous

le méritions toutes. Mais Dorian, Noé et Aubin semblaient tenir sincèrement à leurs « femmes ».D’autant plus que Gillian attendait un bébé et Aubin était aux petits soins envers elle.

Je vidai ma bière d’une traite. Il allait falloir que je me remue un peu sinon Fred, mon employé,me fixerait de son beau regard triste qui me ferait culpabiliser. Pourquoi fallait-il qu’il soit gay ? Jeme surpris à sourire mais ce dernier s’effaça bien vite. Alexian et Keylan venaient d’entrer ets’installaient à une table. Je n’avais pas envie de les voir… pas si vite ! Je fis un signe de la main àFred pour qu’il s’en occupe et me réfugiai dans l’arrière-salle qui servait à la fois de réserve et debureau.

Chapitre 1 Les heures s’écoulèrent lentement, mais j’étais enfin parvenue à boucler la quasi-totalité de ma

comptabilité. Je préparai les dossiers et décidai de me rendre chez le comptable. De là, je pousseraiun bout jusqu’à l’entreprise de transport de Gillian. J’avais besoin d’une pause et j’espérais qu’ellesoit partante pour aller manger un morceau en ville.

Je te laisse le bar, Fred, je serai absente quelques heures ! lui annonçai-je en le rejoignant aucomptoir. Je devrais être là vers quinze ou seize heures. C’est moi qui ferai la fermeture ce soir.

Pas de souci, patronne !Je traversai la salle comme si j’avais le diable qui me talonnait mais je ne fus pas assez rapide.

Eh, Ely, on est là ! s’écria Keylan en remuant le bras. Oui et alors ? répondis-je sèchement en me tournant lentement.

Je ne lui avais jamais parlé de cette façon. Il resta un moment stupéfait et fronça les sourcils. C’est que d’habitude tu passes toujours nous saluer et… Et que là, je n’en avais pas envie, le coupai-je en regardant autour de moi. Tiens, c’est bizarre ! Qu’est-ce qui est « bizarre », ?me singea Alexian. L’absence de groupies… Vous êtes venus sans vos pom pom girls aujourd’hui ? Genre je veux un

K, je veux un E… Tu te comportes comme une petite fille capricieuse, énonça calmement Keylan. En tout cas, moi je ne suis pas un salaud ! Bonne journée, les tocards, la gamine vous salue bien !

Je me précipitai à l’extérieur, le cœur battant et la rage tambourinant contre mes tempes. J’étaistoujours dans le même état en quittant le bureau de notre expert-comptable, mais également en merendant dans les bureaux de Grandis’Transport. Je ne frappai même pas en arrivant devant le bureaude mon amie. J’y pénétrai sans férir, en ouvrant la porte d’un geste brusque et… poussai un juronavant de la refermer aussi vite. Bon sang, pourquoi n’étais-je pas aveugle ? À présent, j’auraitoujours ancré dans mon esprit, l’image du fessier nu d’Aubin et la vision de la tête de mon amiepenchée sur son entrejambe.

Alors que j’étais sans aucun doute écarlate, le battant s’ouvrit à nouveau et Aubin apparut.J’aurais voulu être une petite souris et pouvoir me glisser dans un trou…

Salut, Éléa ! Désolé, j’avais oublié de fermer la porte ! me dit-il, l’air sincèrement ennuyé.Alors là, c’était le bouquet. C’était moi qui venais de surgir en terrain conquis dans le bureau de

sa compagne et c’était lui qui s’excusait. Il était vraiment parfait ! Pas de souci, il faut juste que ma vision se rétablisse, rétorquai-je dans un sourire, puis voyant

qu’il semblait plus mal à l’aise que moi, j’en profitai pour en rajouter une couche. Bon sang, Aubin,tu as un cul d’enfer !

Il marmonna de nouvelles excuses, le rouge aux joues, et se précipita dans les couloirs. Quand tu auras fini d’ennuyer mon compagnon peut-être me feras-tu l’honneur de ta présence !

m’invectiva Gillian. Et ta mère ne t’a jamais appris à frapper avant d’entrer dans une pièce ?Je laissai échapper un léger rire et me dirigeai vers Gillian après avoir refermé

consciencieusement derrière moi. Elle se tenait debout, les bras croisés, ses lèvres étaient légèrementenflées et ses cheveux ébouriffés, pourtant, je ne fis aucune réflexion. Le bonheur se lisait sur son

visage et pour moi, c’était le plus important. Je pris place dans un fauteuil et m’y affalai. Gilliansoupira et reprit sa place dans le siège directorial.

Dis-moi ce qui t’amène à cette heure alors que c’est le moment où il y a le plus de monde aubar ? demanda-t-elle sans prendre de gants. Et que t’arrive-t-il pour surgir tel un diable monté surressort comme tu viens de le faire ?

Deux mots : Alexian et Keylan !Elle se contenta de m’observer calmement en croisant les mains devant elle.

Oui, je sais, tu vas me dire que c’est toujours la même rengaine, que je ne sais faire que ça meplaindre et…

Quand ai-je dit ça, Éléa ? me demanda-t-elle. Tu n’as pas besoin de le dire, même moi je sais à quel point je suis pénible avec Alexian, mais

c’est terminé… il s’est passé quelque chose… Oh bon sang, ce secret ne m’appartient pas… Maisdisons que mon frangin s’est comporté comme un gros con avec une fille, qu’il a joué avec sessentiments et…

Tahys, énonça-t-elle en se levant. Il me semblait bien que quelque chose clochait mercredi soir etje n’ai pas été capable de mettre le doigt dessus.

Mon frangin s’est tapé Tahys tout le week-end avant de la laisser seule, le cœur brisé. Et mêmesi elle était consentante, je suis ivre de rage, il n’avait pas le droit !

Tahys est adulte, Éléa, je suis certaine qu’elle a pris cette décision en toute connaissance decause.

Mais elle souffre ! m’insurgeai-je. L’amour fait parfois souffrir… Tu t’es mise à la Fredosophie maintenant ? ne pus-je m’empêcher de persifler. Tahys a le cœur

brisé et ça ne te fait rien ! Alors que veux-tu que nous fassions ? Qu’on aille casser la figure de ton frère ? Lui crever les

pneus de sa bagnole ? Éléa, ne transpose pas l’histoire de Tahys et Keylan avec la tienne et Alexian,ça n’a absolument rien à voir !

Je ne voulais plus l’entendre car elle avait raison. Si j’étais aussi en colère, c’est parce que ladouleur de Tahys était la mienne depuis des années et que le comportement de mon frère était celuid’Alexian.

Je n’aurais pas dû venir, murmurai-je en quittant son bureau. Éléa, attends ! Bon sang, Éléa…

J’arrivai sur le parking à bout de souffle et donnai de furieux coups de pied dans mes roues. Ilfallait que je me calme, que j’arrête de tout prendre tant à cœur. Je remontai dans ma voiture mais aulieu de reprendre la direction du bar, je m’arrêtai sur le parking situé près de la plage. Il pleuvait àprésent mais je m’en moquais. J’avais besoin de prendre une décision et rien de tel qu’une bonneaverse pour remettre mes idées en place.

Deux heures plus tard, je savais ce que j’allais faire. J’allais accepter le défi que Loélia devait melancer, je coucherais avec Alexian et je quitterais la ville pour un moment. J’avais une tante quihabitait à près de mille kilomètres et qui m’assaillait de coups de fil pour que je passe quelques jourslà-bas. C’est ce que je ferais ! De toute façon après ce challenge, plus rien ne me retiendrait ici. Jepourrais toujours rejoindre mes parents pendant leurs vacances. Quant à mon frère, je préférais nepas y penser et pour ce qu’il en était de mon bar, de ma fierté, je le laisserais en gérance à Fred, ils’en occuperait à merveille.

Forte de mes nouvelles résolutions, je me décidai à rentrer.

Chapitre 2 Comme si le destin s’en mêlait, Loélia m’attendait à mon retour au bar. Keylan et Alexian, eux,

étaient aux abonnés absents et j’avoue que j’en étais soulagée. Oh mon Dieu, tu es trempée, s’exclama Loélia en me voyant entrer. Mais d’où viens-tu comme

ça ? J’avais besoin de réfléchir, je suis allée marcher sur la plage. Éléa, il pleut à verse ! Je crois que je m’en suis rendu compte ! ironisai-je. Dis-moi pourquoi tu es là, Loélia, qu’on

puisse en finir ! Il s’agit de ton défi, commença-t-elle. Quoi ? Pas de ballons en forme de pénis, d’arche en bois ? me moquai-je. Je ne crois pas que tu aurais apprécié autant de mise en scène, je me trompe ? Non, tu as raison, avouai-je. Éléa, j’ai beaucoup réfléchi depuis que tu as proposé Alexian comme fantasme, même si on s’y

attendait toutes. À la base, que ce soit Joy ou moi, nous avons fait ça dans le but de prendre du bontemps, de satisfaire nos besoins sexuels, mais ce n’est pas la même chose pour toi car tu en esamoureuse !

Oui, et alors ? Éléa, les filles et moi savons pertinemment que tu es encore vierge, que tu te préservais pour lui,

mais… Mais quoi, Loélia ? C’est ridicule d’être une pucelle de vingt-cinq ans ? Que vous ne comprenez

pas comment je n’ai pas encore sauté le pas surtout tenant un bar dans lequel je rencontre desdizaines de gars chaque week-end qui seraient prêt à me baiser contre un pan de mur ? Eh bien,désolée de ne pas être comme ça, désolée d’être trop attachée à Alexian, même s’il ne le mériteaucunement. Mais les faits sont là, j’ai espéré toutes ces années qu’il me remarque… en vain, et si tuveux savoir, moi aussi je réalise que j’ai été complètement idiote mais ça va changer. Dès que j’auraimis Alexian dans mon lit, ou qu’il m’aura mise dans le sien, c’est selon, je vais reprendre ma vie enmain.

J’étais sincère et je dus être convaincante car Loélia me sourit pour la première fois depuis monarrivée.

D’accord, c’est ce que je voulais entendre. Je ne veux pas te voir souffrir… Je ne te dis pas que mon cœur n’aura pas quelques petites blessures, mais c’est fini pour moi de

me morfondre en rêvant à un hypothétique amour… Douze ans que je l’aime d’un amour à sensunique… Là c’est bon, j’arrive à saturation ! Je l’utiliserai pour gagner ce défi, pour perdre unevirginité que j’aurais dû jeter aux orties depuis longtemps et ensuite je regarderai vers l’avenir.

Alors la première chose à faire, c’est qu’il te remarque. Il faut que tu sois plus féminine, ce seraune partie de ton défi, l’autre, celle pour le selfie… tu t’arranges comme tu veux, tu lui montes le planque tu souhaites, mais il nous faut une photo de lui te regardant faire un striptease et, crois-moi, aucunhomme ne résiste en voyant une belle femme se déhancher et quitter ses vêtements au rythme de lamusique. Alors ça te va ?

J’aurais voulu lui répondre que non mais je ne pus que hocher la tête. Dans quinze jours, unenouvelle vie s’ouvrirait à moi !

Bien, alors il ne te reste plus qu’à faire les boutiques, nous t’y accompagnerons dès demain. Attends, quand tu dis « nous »… Les filles, toi et moi… on va bien s’amuser ! Ouah, super !

*

* * Le lendemain arriva bien trop vite à mon goût, de même que l’heure du rendez-vous. Lorsque les

filles pénétrèrent dans le bar dans un joyeux brouhaha, je ne pus m’empêcher de jeter un coup d’œilvers la table où Keylan et Alexian avaient pris place quelques minutes auparavant. Comme je m’yattendais, le regard de Keylan se ficha directement dans celui de Tahys qui trébucha sur ses talons.Elle était vêtue d’une longue jupe ample et d’un pull en mohair qui mettait en valeur sa joliesilhouette et Keylan ne pouvait en détacher ses yeux. Il la détailla des pieds à la tête et une lueurconcupiscente brilla d’un feu intense.

Allons-y, maugréai-je, en passant devant la table des deux don Juan, certains dans cette salle secomportent comme des chiens devant un os ! Ils bavent !

L’attention de Keylan se déporta sur moi et il fronça les sourcils. Il avait compris que c’était de luidont je parlais car une légère rougeur vint colorer ses pommettes. Je dardai sur lui un regardmenaçant lorsque je surpris les mots d’Alexian.

Attends, tu laisses ta gamine de sœur te parler sur ce ton, moi à ta place…Je me retournai, le sourire aux lèvres, ignorant mon cœur qui tentait de s’échapper de ma poitrine.

Eh, Alex, l’interpellai-je en soulevant mon pull au-dessus de mes seins, tu crois que ce sont lesnibards d’une gamine ? Je crois que tu as besoin d’aller consulter un oculiste !

Un grand silence s’était fait dans la salle. Même mes amies étaient sous le choc. Mais le plusimpayable était la tête d’Alexian qui était resté la bouche ouverte.

Bon sang Ely, fais-moi le plaisir de remballer ton… ta… Tiens, c’est marrant ça, le coupa Tahys, se postant à mes côtés, l’un des plus grands séducteurs

de cette ville qui n’ose pas prononcer le mot sein… nibard…poitrine… nichons… À moins qu’il nete faille une motivation supplémentaire ?

Sur ces mots, elle souleva elle aussi son joli mohair et afficha clairement une poitrine

avantageuse, mise en valeur par un soutien-gorge en dentelle sombre. C’est bon, les filles ! s’exclama Fred en nous poussant vers la sortie. Vous avez gagné la manche

par K.O. Filez à présent sinon, je vais devoir passer la serpillière sous la table…Tahys et moi rabaissâmes nos pulls avant de quitter le bar. Nous avions à peine fait un pas à

l’extérieur qu’une crise de fou rire me saisit. Les filles s’esclaffèrent à leur tour, essuyant mêmequelques larmes.

Eh bien, conclut Gillian au bout d’un moment. On peut dire que vous leur avez cloué le bec. Oui et une fois le relooking d’Éléa terminé, Alexian sera bon à ramasser à la petite cuillère. Et pourquoi on ne ferait pas d’une pierre, deux coups ? dit Loélia se tournant vers Tahys. J’ai

l’impression que notre amie ici présente n’a pas été tout à fait honnête avec nous et que le regard que

lui a lancé Keylan était tout sauf fraternel. Où veux-tu en venir ? demanda Joy en fronçant les sourcils. Vous ne pensez à rien d’illégal,

hein ? Mais non, objecta Loélia en levant les yeux au ciel. C’est juste que Tahys a « le » look

bibliothécaire avec ses longues jupes et ses pulls à col roulé et j’ai décidé qu’un petit relookings’imposait !

Je vis Tahys me lancer une œillade discrète. Je compris qu’elle voulait s’amuser, elle aussi. D’accord, accepta-t-elle. On va faire un malheur !

Chapitre 3

Jamais je n’oserai rentrer dans ce bar vêtue de cette façon, maugréai-je.Gillian et Loélia se marraient comme des petites folles tout en me regardant me trémousser sur des

talons d’une dizaine de centimètres. Joy, elle, avait dû se rendre en urgence au commissariat et je medemandai si mon père et elle m’embarqueraient pour attentat à la pudeur s’ils pouvaient me voir.

J’étais vêtue d’un bustier de style gothique, duquel mes seins menaçaient de s’échapper à toutmoment, d’une mini-jupe noire à volants qui virevoltaient autour de mes cuisses à chacun de mesmouvements et d’une paire de compensées écarlates qui attiraient tout de suite l’attention. Mescheveux étaient relâchés sur mes épaules et étaient passés entre les mains d’un coiffeur qui lesavaient soignés, bichonnés et leur avait coupé les pointes. Puis ce fut au tour de la maquilleused’entrer en scène. Là-dessus, j’avais été formelle, je ne voulais pas avoir l’air d’être peinturlurée.Elle avait juste posé une légère crème sur mon visage, souligné d’un trait de khôl mes yeux avant deles ombrer d’un délicat voile sombre et colorer ma bouche d’une touche de gloss. Et je ne mereconnaissais plus, même si je ne détestais pas la nouvelle Éléa.

Je jetai un coup d’œil vers Tahys qui portait presque la même tenue que moi, si ce n’est que lajupe était un peu plus longue et le décolleté un peu plus plongeant que le mien. Ses talons étaientaussi haut perché mais elle avait une démarche souple, sensuelle et ses hanches roulaient en uneinvite que peu d’hommes auraient été capables de refuser.

Allons-y avant que je ne change d’avis, me pressa Tahys. On va juste entrer dans ton bar,traverser la salle et s’installer au comptoir sur les tabourets. Rien de plus, rien de moins.

C’est bon, les filles, je viens d’aller jeter un coup d’œil discrètement. Nos deux Casanova sontencore là et… roulement de tambour… ils sont seuls ! s’écria Gillian en riant.

Alors que le spectacle commence ! marmonnai-je en poussant la porte.Nous n’avions pas fait deux pas qu’ils nous repérèrent. Alexian donna un coup de coude à Keylan

et ils se rengorgèrent comme deux paons… avant de nous reconnaître. Je vis Alexian déglutir etpasser une main nerveuse sur son front. Quant à moi, je répétais comme un mantra « un pas à la fois »,lorsqu’un homme poussa un cri de surprise et se précipita vers Tahys. Il la saisit dans ses bras en lafaisant tournoyer. Tahys laissa échapper un léger rire et se jeta au cou… d’Amadeus.

Ça fait près d’une heure que je t’attends. Tu es magnifique ! Alors tu as adopté ce stylefinalement ? Les bustiers te vont à merveille !

Merci, et tu sais ce que j’adore dans celui-là et qui est le plus intéressant ? Ce sont toutes cespetites agrafes sous le revers, pas besoin d’Elsie pour m’aider à le retirer et…

Je me raidis en voyant mon frère se lever d’un bond et foncer vers notre petit groupe. Tahys, il faut que je te parle ! Maintenant ! Je suis occupée là pour l’instant, dit-elle en le gratifiant d’un geste désinvolte.

Je perçus un grondement et sus qu’il provenait de Keylan pour l’avoir entendu à de nombreusesreprises, mais pour une fois, ce n’était pas sur moi que sa colère était dirigée. Il se baissa légèrementet… emporta Tahys sur son épaule, comme un sac de pommes de terre. J’allais lui dire ma façon depenser lorsqu’Amadeus tapota mon épaule nue.

Ne vous en mêlez pas, c’est quelque chose qu’ils doivent régler ensemble.

Vous êtes au courant de ce qui se passe ? lui demandai-je, voulant savoir jusqu’où allait sacomplicité avec Tahys.

Non, mais j’ai des yeux pour voir. Tout comme je remarque qu’en ce moment même, l’ami devotre frère vient par ici, poursuivit-il, un sourire au coin des lèvres. Vous servez des cocktailsaphrodisiaques dans ce bar ? Car je ressens… une certaine tension sexuelle dans l’air.

Si seulement c’était aussi facile, répondis-je en riant. Je vous invite à boire un verre, vous aurezl’opportunité de découvrir si nos boissons sont… stimulantes et me parler de ce week-end écourté …

Éléa, tu me suis ! Maintenant ! m’ordonna Alexian en me coupant la parole. Désolé, jeune homme, se mêla Amadeus un brin ironique, mais cette demoiselle vient de

m’inviter à goûter à ses… spécialités et je m’apprêtais à accepter. Vous ? Avec elle ? Je ne crois pas non ! rétorqua l’ami de mon frère sur un ton irascible. Elle

n’en est pas encore à chercher ses amants dans les maisons de retraite. Alexian ! m’écriai-je, choquée. Mais de quel droit te permets-tu de parler ainsi ? Excusez-le,

Amadeus, il a parfois ce genre de réaction lorsqu’il n’a pas pris son traitement contre laschizophrénie.

Amadeus ? ricana-t-il. Ah non, en effet, ce n’est pas dans un hospice qu’elle vous a déniché maisdans une crypte !

Je faillis m’étrangler en l’entendant si vindicatif et poussai un cri de rage lorsqu’il poursuivit sursa lancée.

À présent dis au revoir à Papi Mozart ! s’énerva-t-il en joignant le geste à la parole et en memenant brusquement vers sa table.

Je fis un signe à Amadeus pour lui signaler que tout allait bien. Je le regardai quitter le bar etseulement ensuite me tournai vers mon geôlier.

Mais depuis quand ai-je des comptes à te rendre, Alexian ? m’insurgeai-je en posant mes mainsà plat sur son torse et en le repoussant.

Depuis que tu as perdu tous sens de la retenue en t’habillant comme une prostituée ! Ton frère estcertainement occupé à faire la leçon à ton amie pour t’avoir entraînée dans ce plan et…

Je ne pus me retenir et éclatai de rire. Oh, c’est trop drôle ! m’exclamai-je. Tu crois vraiment qu’il passe un savon à Tahys ? Je vais te

confier un petit secret, chuchotai-je. Je suis certain qu’il pense à autre chose qu’à se prendre la têteavec elle et, qu’en ce moment même, ils prennent un peu de bon temps tous les deux ainsi qu’ils l’ontfait pendant tout le week-end. Alors que dis-tu de ça ?

Je vis à son air ébahi qu’il n’était pas au courant et m’esclaffai de plus belle. Oh, murmurai-je, faussement contrite, ton meilleur ami ne t’a pas dit qu’il avait passé trois jours

et trois nuits chez Tahys avant de l’abandonner comme une vieille chaussette ? Il ne t’a pas dit qu’ill’avait baisée dans tous les sens du terme ?

Non, murmura-t-il en secouant la tête. Non, il ne m’a rien dit ! Alors pose-toi la question de savoir si tu es un si bon ami que ça pour qu’il te cache une chose

qui semble aussi importante à ses yeux, poursuivis-je en enfonçant le clou.Je sentis un léger courant d’air, signe que quelqu’un venait d’entrer et me tournai vers les

nouveaux arrivants. Je me mordis la lèvre pour ne pas rire une nouvelle fois. Tahys et Keylanvenaient de rentrer. Les cheveux de mon frère étaient ébouriffés et le rouge à lèvres de Tahys avaitdébordé sur sa bouche. Quant à mon amie, elle présentait un nouveau suçon à la gorge qu’ellearborait avec fierté. Je sentis Alexian se raidir à mes côtés lorsque Keylan s’approcha.

Je crois que nous devons parler toi et moi ! énonça-t-il froidement. C’était une erreur, mec, ça ne se reproduira pas et…

Mon frère se tut et observa longuement Alexian qui le fixait impassible. … d’accord, on va discuter ! capitula-t-il.

Sur ces mots, ils quittèrent le bar, sans un regard en arrière, me laissant plantée là, au milieu de lasalle. Tahys vint me rejoindre, une lueur brillant dans son regard.

Ah, les hommes ! grondai-je en réalisant qu’elle planait sur son petit nuage.

Chapitre 4 J’avais passé une très mauvaise nuit, réveillée à plusieurs reprises par des cauchemars atroces.

Aussi, lorsque j’arrivai « Au Bonheur des Dames » à six heures pour l’ouverture, je ne m’attendaispas à y trouver Alexian, battant la mesure devant la grille. Il ne prononça pas un mot et moi non plus,mon humeur n’étant pas au beau fixe, pourtant il m’aida à relever le rideau métallique et me suivit àl’intérieur. J’actionnai les interrupteurs et une douce lumière illumina le bar. Toujours dans un silencepesant, je mis en route le percolateur et me dirigeai ensuite vers mon bureau où je branchai la chaînehi-fi. Une musique romantique se déversa des haut-parleurs disséminés dans les coins stratégiquestandis que je remettais les chaises en place. Finalement, n’ayant plus rien à faire, je pris positionderrière le comptoir et servis un café serré à Alexian qui s’était installé sur l’un des tabourets.

Tu vas encore t’habiller longtemps comme ça ! laissa-t-il échapper dans un soupir. Ton frères’inquiète à ton sujet.

Ça m’étonnerait, il a d’autres centres d’intérêt en ce moment! bougonnai-je, et je ne vois pas cequi cloche avec ma tenue.

En effet, je ne comprenais pas pourquoi il venait de me lancer ça au visage, parce qu’avant departir au boulot, en fixant mon reflet dans le miroir, j’avais réalisé pour la première fois que j’étaisassez jolie. Je portais une légère blouse rose, resserrée sous la poitrine par un lien coulissant et dontle décolleté en V mettait en valeur mes seins, sans qu’ils soient sur le point d’être éjectés sur Mars.La jupe que j’avais enfilée s’arrêtait à mi-cuisse. De couleur chocolat, un peu ample, elle mettaitl’accent sur mes jambes joliment galbées et, étonnamment, je ne me sentais pas gênée à l’idée qu’onpuisse les fixer. Quant à mes pieds, ils étaient glissés dans une paire de spartiates de couleur fuchsiaà talons compensés dont les liens s’entrecroisaient sur mes chevilles et avaient l’avantage d’allierconfort et élégance.

Alors… tu me dis ce qui ne va pas dans ces fringues ? rugis-je. Elle te donne l’allure de… de… Si tu prononces encore une fois le mot prostituée, je te jure que je te renverse la cafetière sur la

tête, lui promis-je. Non, j’allais dire que tu ressemblais à une femme, murmura-t-il en frottant ses tempes du bout

des doigts. Au cas où tu ne l’aurais pas remarqué, j’en suis une, abruti ! C’est ce que je réalise, en effet.

Ouah, le scoop ! Alexian venait enfin de percevoir ma féminité que je cachais autrefois sous mestenues confortables, à croire que j’étais asexuée. Avec un peu de chance, dans douze ans, il auraitenfin compris que j’avais une libido existante et prête à être satisfaite.

Heureusement, je fus sortie de mes pensées par mes premiers clients, des habitués qui venaienttous les jours à la même heure, se prendre un petit café vite fait au bar avant de partir travailler. Paulet Alban, eux, ne se firent pas prier pour me complimenter et même… me draguer. C’est avec lesourire aux lèvres que je les regardai partir et que je me tournai vers Alexian. Mais je me figeai enremarquant qu’il ne semblait pas aller bien du tout. Il était pâle et se tenait la tête entre les mains,comme s’il allait avoir un malaise.

Tu vas bien ? lui demandai-je, inquiète. Tu veux du paracétamol, de l’aspirine ?

Ça va, gronda-t-il, je suis juste fatigué. Hier soir, avec ton frère, nous avons parlé un longmoment et ensuite je n’ai pas réussi à fermer l’œil. Je suis debout depuis un moment, la preuve, çafait quatre heures que je me balade dans le quartier.

Tu veux que je te raccompagne et que je te mette au lit ?Je me faisais tellement de souci que je disais n’importe quoi. J’espérais qu’il ne m’avait pas

entendu ou qu’il était trop épuisé pour rebondir. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Il releva latête et m’accorda le premier sourire de la journée.

Imagine que je te prenne au mot ? me taquina-t-il. Tu n’en a qu’un seul à prononcer, soufflai-je.

Il me regarda un moment et secoua la tête mais je ne baissai pas les yeux. La balle était dans moncamp et j’étais bien décidée d’en profiter un peu.

Tu ne m’a pas répondu, insistai-je. As-tu besoin de moi ?Je me penchai vers lui de façon à ce que personne d’autre ne puisse entendre.

J’imagine que tu ne dors pas habillé, n’est-ce pas ? Alors je commencerais par retirer ton tee-shirt, laissant l’espace d’un instant mes mains sur tes flancs, et je suivrais le tracé de tes musclesjusqu’à la ceinture de ton jean. Je retirerais le premier bouton, en prenant soin de ne pas te blesser,pour cette raison, je glisserais le dos de ma main entre ta peau et le tissu de ton jean, puis jebaisserais la fermeture lentement, là aussi pour ne pas risquer d’y coincer ton sexe.

Ély, ça suffit, gronda-t-il d’une voix un peu plus rauque. Non, ce n’est pas fini, car lorsque j’ai décidé de faire quelque chose, je le fais à fond. Où en

étais-je ? Ah oui, ton pantalon flotterait sur tes hanches et je le ferais glisser sur ton fessier, tescuisses… Je me mettrais à genoux pour retirer tes chaussures, tes chaussettes, puis je retireraisl’accordéon de tissus qui se serait formé autour de tes chevilles.

Ély ! gémit-il.Je me rendis compte que j’aimais avoir ce pouvoir sur lui et je m’en délectai intérieurement.

Tu portes des sous-vêtements ? Un boxer ? Un caleçon ? Un simple slip ? Boxer, marmonna-t-il. Je me redresserais alors sur mes talons et remonterais mes doigts doucement le long de tes

jambes, de tes cuisses, continuai-je en léchant mes lèvres, les laissant se faufiler sous l’élastique puisje le baisserais en prenant mon temps avant de l’envoyer rejoindre le reste de tes fringues.

Et ensuite ? Je me lèverais sans mouvement brusque, te prendrais la main et t’entraînerais jusqu’à ton lit. Je

t’aiderais à t’asseoir avant de poser mes paumes sur tes épaules pour t’allonger. Les draps seraientfrais et le contraste avec ton corps bouillant te ferait frissonner. Je remonterais la couette sur tesépaules et tu fermerais les yeux, apaisé. C’est à ce moment-là que je me pencherais vers toi et…

J’en restai là, le fixant intensément. Mon cœur battait vite, trop vite, et je me rendis compte quej’étais excitée de le voir, les yeux étincelants d’un désir qui me sembla égal au mien.

Et quoi ? Continue Ély, me défia-t-il.Mais je me défilai et éclatai de rire.

Je poserais mes lèvres sur ton front avant de te laisser te reposer !Il s’esclaffa à son tour et se leva du tabouret.

C’est un très beau programme, malheureusement, la fin n’est pas réaliste, ironisa-t-il en tournantles talons.

Ah bon et pourquoi ?Il se retourna, resta silencieux un moment. Je crus qu’il ne me répondrait pas mais pourtant, il fit

demi-tour, se pencha vers moi et me fit signe d’approcher en remuant son index. À mon tour, jem’inclinai vers lui.

Si tu m’avais, ne serait-ce que frôlé, si ta main s’était rapprochée un tant soit peu de mon sexe, jene me serais pas laissé entraîner au lit. C’est toi qui te retrouverais au centre de ma couche, lesjambes écartées, et c’est moi qui me positionnerais entre tes cuisses pour te donner du plaisir.

Un hoquet de stupéfaction s’échappa de mes lèvres. Et crois-moi, lorsqu’une femme se trouve dans ma chambre, je n’ai aucune envie de dormir !

Sur ces mots, il quitta mon bar et me laissa là, la langue pendante, le cœur battant si fort que lebruit résonnait jusque dans mes oreilles. J’étais dans un état d’excitation si intense que j’eus peur unmoment, de devoir à mon tour me saisir d’une serpillière pour éponger l’arrière du comptoir. Mais jefus bientôt rappelée à l’ordre par mes clients. Je pris une profonde inspiration, plaquai un sourire surmon visage et les servis, sans qu’ils sachent que pendant ces dix dernières minutes, je venais d’avoirla conversation la plus érotique qui soit, et pas avec n’importe qui… Avec mon fantasme !

Chapitre 5 La petite discussion que nous avions eue avec Alexian avait eu lieu deux jours plus tôt et depuis,

lui comme mon frère était aux abonnés absents. Pas de nouvelles ni de l’un, ni de l’autre, pas mêmeun simple coup de téléphone, c’était comme s’ils avaient disparu de la surface de la Terre. J’en étaisvenue à appeler Tahys pour savoir si Keylan l’avait contactée, mais la réponse était négative. Ellenon plus n’avait aucune idée du pourquoi de leurs silences, même si j’en avais une petite idée.J’aurais parié ma virginité qu’ils étaient tranquillement en train de s’envoyer en l’air et qu’ils avaientperdu toute notion du temps.

Il fallut encore une longue journée avant de voir débarquer mon frère qui s’affala plus qu’il nes’installa sur une banquette dans le fond de la salle. Lorsque j’arrivai à sa hauteur cinq minutes plustard pour prendre sa commande, je m’aperçus qu’il venait de… s’endormir. Un sentiment de colèremais aussi de défaitisme m’envahit à l’idée que j’avais eu raison : ces deux séducteurs avaient denouveau passé du bon temps et à présent ils étaient épuisés. Je me demandai dans quel état se trouvaitAlexian et ce qu’il faisait en ce moment-même. Était-il seul dans l’appartement qu’il partageait avecmon frère ? Une idée vint me titiller. J’avisai alors Brock et Declan, deux camionneurs hypermusclés.

Eh, les gars, je peux vous demander un petit service ? Vous ne pourriez pas déposer mon franginsur le lit de camp dans la réserve, il est HS pour un moment !

Sans plus attendre, ils se saisirent de lui et le déposèrent dans l’arrière-salle sans même queKeylan ne se réveille. Quant à moi, j’avais subtilisé les clés de l’appartement et un sourire s’affichasur mes lèvres.

Fred, je vais m’absenter un moment. En attendant, sers un verre à mes deux sauveurs, c’est lamaison qui régale !

Je me saisis de ma nouvelle veste en cuir, l’enfilai sur ma jupe assortie et partis sans demandermon reste. L’appartement qu’avaient acheté en commun mon frère et Alexian se trouvait à deux ruesdu bar, ce qui expliquait pourquoi ils en avaient fait leur terrain de chasse. J’avais la chance que cedernier soit situé dans un quartier où pullulaient à la fois entreprises, universités et boutiques. De cefait, il ne désemplissait pas, mais c’était un redoutable piège à drague…

J’arrivai devant l’immeuble et pris une profonde inspiration. J’avais un défi à relever pour ensuiteprendre un nouveau départ et j’espérais simplement qu’Alexian soit assez ouvert d’esprit pour mevenir en aide. Je grimpai au dernier étage, là où se trouvait leur logement. Il faut dire que je n’y étaispas venue souvent, de peur de croiser une des filles qu’ils ramenaient mais il est vrai qu’ils avaientfait une bonne affaire. L’appartement était spacieux, lumineux et très bien agencé. Moi-même, je mevoyais bien vivre dans cet endroit. Malheureusement, je devais me contenter de mon studio situé àquelques pâtés de maison du « Bonheur des Dames ».

Ce n’est qu’une fois devant la porte que je me demandai ce que je faisais là, si je devais sonnerpour m’annoncer ou au contraire utiliser la clé que j’avais empruntée à Keylan. Finalement, j’optaipour la deuxième solution. La main légèrement tremblante, je déverrouillai l’accès et pénétrai dans lerepaire des séducteurs. Une musique classique se déversait des haut-parleurs et je fis la grimace…pas du tout mon genre. J’avançai dans le salon où se trouvait une couette abandonnée sur le dossierd’un divan. Je fis encore quelques pas et m’arrêtai devant les chambres, le cœur battant la chamade.

Je savais que la première était celle de Keylan, mais celle qui m’attirait le plus était la seconde dontle battant était entrouvert.

Je peux savoir ce que tu fais ici ?La voix venait de claquer aussi sèchement qu’un coup de fusil. Je me retournai et poussai un cri de

surprise. Alexian venait de sortir de la douche et… whouah ! Il était magnifique, juste vêtu d’uneserviette de toilette judicieusement placée. Il me fixait avec hauteur et je vis sur son visage deprofonds cernes qui ombraient le dessous de ses yeux.

Tu as l’air crevé ! Pas besoin de te demander ce que tu as fait ces derniers jours ! persiflai-je. En effet, ça ne te regarde pas, à l’inverse de ce que tu fais ici ! La violation de domicile est

interdite par la loi ! On ne peut pas parler d’effraction si j’ai les clés pour rentrer ! rétorquai-je en remuant le

trousseau sous son nez.Il me l’arracha d’un geste brusque et le jeta sur un guéridon.

J’attends ! gronda-t-il. Bon, d’accord, j’ai besoin que tu me rendes un petit service, et comme Keylan est arrivé seul au

bar, j’en ai conclu que tu l’étais toi aussi et que je pouvais venir t’en parler ! Et pourquoi ne pas en avoir discuté avec ton frère ? Tu sais qu’il ferait tout pour toi ! Parce que ce n’est pas quelque chose que je peux lui avouer ! Il s’agit du défi entre les filles et

moi et… Alors là, je t’arrête tout de suite, s’écria-t-il en pénétrant dans sa chambre, il est hors de question

que je m’en mêle. Tu ne sais même pas ce que je vais te demander ! m’insurgeai-je en le suivant.

Je regardai, ébahie, la déco. Tout était dans un style ancien : les meubles, le papier peint. Il yavait même dans un angle de la pièce un lampadaire à fleurs et un secrétaire à tiroirs devant lequelétait placée une chaise recouverte de tapisserie.

Tu vas me suivre encore longtemps ? s’énerva Alexian. Tu pourrais au moins me laisserm’habiller !

Pourquoi ? Tu as peur que je sois choquée ?Il me fixa avec une lueur de défi dans le regard mais je ne détournai pas le mien. Au contraire, je

croisai mes bras sur ma poitrine, attendant qu’il me vire de sa chambre à coups de pied aux fesses. Oh putain de…. m’exclamai-je tandis qu’il tira d’un coup sec sur sa serviette.

Je n’en revenais pas qu’il ait osé faire ça. Je rougis violemment et me demandai un instant sij’allais quitter la pièce en courant ou si au contraire j’allais profiter du spectacle. Finalement, jedécidai de rester. Mieux, je m’installai confortablement dans un fauteuil club de cuir sombre, croisailes jambes, lui donnant un aperçu de mes cuisses musclées et attendis la suite.

Les yeux brillants, il enfila un boxer… lentement. Je suivis du regard la remontée du tissu le longde ses mollets, ses genoux, ses cuisses, et poussai un soupir de déception lorsqu’il recouvrit seshanches, me cachant son sexe que je jugeai assez imposant, même si je n’avais aucun critère decomparaison. Alexian ne relâcha pas une seule seconde son attention. Elle était fixée sur moi, épiantla moindre de mes réactions.

Il ne devait pas être déçu, car mes émotions devaient se lire sur mon visage brûlant, sur mapoitrine, dont je sentais les tétons pointer à travers le léger tissu de mon top spaghetti, au tremblementde mes mains, à ma respiration qui s’était accélérée. Je sentis mon entrejambe s’humidifier et espéraine pas laisser de trace en me relevant.

Comme pour me narguer, il caressa son sexe du plat de la main, une fois, deux… je le voyaisgrossir à travers son boxer, y prendre toute la place. Je déglutis nerveusement lorsque sa main glissaentre ses jambes et qu’il soupesa ses testicules comme pour me les présenter.

Cette fois, c’est un gémissement qui s’échappa de mes lèvres. Quant à Alexian, il poussa un juron,sauta dans un jean et m’observa comme s’il venait de me pousser une deuxième tête.

Bon sang, mais qu’est-ce qui m’a pris ? Tu es la sœur de mon meilleur pote, la gamine quin’arrêtait pas de nous prendre comme modèle et de nous courser à travers bois alors qu’on essayaitde te distancer !

La gamine a grandi, Alex, lui répondis-je, et si tu veux en avoir une preuve, tu n’as qu’à accepterde m’aider à relever le défi !

Je ne coucherai pas avec toi ! gronda-t-il en serrant les poings. Je ne trahirai pas Keylan ! Je ne te l’ai pas demandé, figure-toi ! rétorquai-je sans lui laisser voir la douleur sur mon visage.

J’ai juste besoin d’un cobaye ! Poursuis ! m’ordonna-t-il en s’appuyant sur le rebord du bureau. Le défi est que je pose pour un selfie pendant que je ferai un striptease, biaisai-je en omettant le

fait qu’il fallait qu’il soit lui aussi sur la photo. Je suppose que tu as l’habitude d’aller dans ces clubsoù les filles se déshabillent mais ce n’est pas mon cas. Il me faut juste un avis… professionnel afinque, lorsque je le ferai pour le mec à qui j’offrirai ma virginité, il ne puisse pas me résister !

Il se laissa tomber sur la chaise derrière lui et je remarquai qu’il paraissait fatigué, et qu’il nes’était visiblement pas rasé depuis plusieurs jours. Mais pourtant, loin de le désavantager, cetteombre sur ses joues lui donnait une allure de baroudeur qui me faisait trembler de désir.

Tu es vierge ? Mais… mais bon sang, tu as quel âge ? Pour ta gouverne, j’ai vingt-cinq ans et oui, je suis encore intacte. C’est la seule chose que tu as

retenue de ce que je viens de te dire ? Si je comprends bien, arrête-moi si je me trompe, s’écria-t-il, tu veux que je t’observe pendant

que tu feras un striptease, que je te dise si tu es opérationnelle afin que tu puisses te désaper devantun mec que ni ton frère ni moi ne connaissons ni d’Éve ni d’Adam et avec lequel tu envisages det’envoyer en l’air ?

C’est exactement ça, lui confirmai-je, lui cachant le fait qu’il ne faisait qu’un avec l’inconnu enquestion.

Il se leva, marcha de long en large dans sa chambre tout en marmonnant entre ses dents. Tu sais que tu joues avec le feu ? éructa-t-il soudain, les mains posées à plat sur son secrétaire

sans même me regarder. Tu crois franchement qu’un homme peut mater une femme se mettre à poil etlui dire tranquillement « oui, c’est bien mais ralentis sur la seconde partie » ou alors « sois plussensuelle ». Merde, Éléa, ce que tu demandes est tout simplement impossible !

Mais pourquoi ? Parce que je ne suis qu’un homme et je ne pourrai pas me retenir de te sauter dessus d’accord ?

Et ça, il n’en est pas question ! Plutôt me faire moine que de te toucher ! Cette idée te dégoûte tant que ça ? gémis-je, profondément blessée.

Il se retourna dans ma direction et plongea ses prunelles dans les miennes. J’y lus une grandedétermination et une froideur qui me fit lever d’un bond, même si mes jambes tremblaient.

Oui, Éléa !Je quittai la pièce… l’appartement… je venais de me prendre une flèche en plein cœur, j’étais à

l’agonie.

Chapitre 6 Je n’avais jamais connu cette douleur, cette sensation de m’être fait arracher un membre sans

anesthésie. Je retournai au bar en version zombie, totalement déphasée. Je ne prêtai même pasattention à Keylan qui m’invectiva pour lui avoir pris ses clés. Je ne réagis pas non plus lorsque Fredme demanda si tout allait bien. Le rejet que je venais de subir m’avait littéralement coupé les ailes.

Je me servis un verre de whisky bien tassé et m’installai à l’écart dans un coin de la salle. Bienvite un homme me rejoignit. Était-il blond ? Brun ? Ça n’avait pour moi aucune espèce d’importanceparce qu’après deux verres, je m’en moquais royalement. Je n’avais même pas vu que les filless’étaient rassemblées en un conseil de guerre à la table que nous occupions habituellement.Finalement, j’allais jusqu’au comptoir où je les saluai.

Fred, tu feras la fermeture, balbutiai-je. Moi je rentre avec… Jo… Ja… Je ne sais plus… Cesoir, je vais m’envoyer en l’air ! Salut, les filles !

Éléa, tu n’es pas sérieuse, tu ne vas quand même pas faire ça ! s’écria Gillian. Mais qu’est-cequi s’est passé ?

L’affront de trop, le fait que j’en ai marre de me faire rembarrer. Au moins, ce gars là-bas, dis-jeen lui faisant un petit signe de la main, je ne le dégoûte pas !

C’est Alexian, c’est ça ? demanda Tahys en tapotant nerveusement sur son portable. Qui d’autre ? m’exclamai-je en riant. Ne fais pas ça, gronda Loélia, tu vas le regretter demain. Et que devrais-je faire, hein ? m’énervai-je. Agir comme Tahys qui accourt dès que mon frère la

siffle, qui pleure lorsqu’il se retourne, sans même un regard en arrière ? Qui le fixe avec son air dechien battu alors qu’il quitte le bar avec une autre fille et cela sous ses yeux dans le seul but des’envoyer en l’air ?

L’alcool te rend méchante ! hoqueta Tahys en tournant les talons.Je me sentis soudain honteuse d’avoir blessé mon amie mais je haussai les épaules et me dirigeai

vers la sortie, suivie de mon chevalier servant. Il glissa une main autour de ma taille et tenta dem’embrasser dans le cou mais je le repoussai vivement, et n’eus que le temps de me pencher avant derendre dans le caniveau tout l’alcool que je venais d’ingurgiter. Ça ne l’empêcha pas de revenir à lacharge mais l’air froid et le fait d’avoir été malade me fit comprendre que j’étais en train de faire lapire erreur de ma vie !

Non, finalement, je n’en ai plus envie et… Ah non, tu ne m’as pas allumé pour me laisser comme ça et… La fille t’a dit de la laisser alors tu te barres ou je te fracasse contre ce mur !

Je gémis en reconnaissant la voix d’Alexian. Pourquoi était-il là ? N’avait-il pas une blonde ouune brune à baiser ?

En fait, j’étais avec une jolie rouquine, me rétorqua-t-il tandis que je réalisai avoir parlé à voixhaute. Lorsque le téléphone de Keylan a sonné et comme il était occupé, c’est moi qui ai lu lemessage. Mais merde, Éléa, à quoi pensais-tu ?

Je ne vois pas en quoi ça te regarde, soupirai-je. Tu as été suffisamment clair, tu n’éprouves pourmoi que de la répulsion.

Tu ne peux pas brader ainsi ta virginité ! hurla-t-il. Je n’en veux plus, tu comprends ! m’énervai-je à mon tour. Douze ans, douze ans que j’attends

pour te l’offrir et…Je portai mes mains à mes lèvres, comme si ce simple geste pouvait effacer mes derniers mots et

remarquai, effarée, que des larmes s’agglutinaient sous mes paupières. Moi, Éléa Rousseuve, legarçon manqué de la bande, en train de chialer pour un mec ! Pathétique ! Je tournai les talons, prête àfuir. Je ne voulais pas voir la pitié dans son regard, ou encore son petit air suffisant. Un sanglotm’échappa, puis un autre et je me mis à courir.

Éléa ! Éléa !Je ne l’écoutai pas et me dirigeai vers le parc qui se trouvait près de mon appartement. Je me

laissai tomber sur un banc, tremblante de rage et de honte. Je tentai de sécher les larmes qui coulaientsur mes joues mais en vain, la digue était rompue. Je perçus la présence d’Alexian avant qu’il neprenne place à mes côtés. J’allais m’enfuir à nouveau lorsqu’il posa sa main sur ma cuisse.

Attends, Éléa, ne t’en va pas une nouvelle fois ! Sais-tu comment je me sens en ce moment précis ? lui demandai-je en sanglotant. Je suis

humiliée ! Tu m’as repoussée, tu m’as clairement dit que je te dégoûtais, je me suis saoulée parce quetes mots tournaient en rond sous mon crâne. J’ai levé un mec pour me prouver que je pouvais plaire àquelqu’un, que j’étais une fille normale et…

Éléa, tu es normale, soupira-t-il, c’est juste que tu sais comment je suis, je ne veux pas te fairesouffrir, de plus, tu es la sœur de Keylan et je n’ai pas le droit de faire ça, tu comprends ?

Je comprends que j’ai fait tout ça en vain. Ces fringues, cette coiffure, ce maquillage, c’étaituniquement dans le but que tu me remarques ! Mais tu as raison, je ne suis qu’une sotte avec des rêvesde gamine. Tu sais ce que je me suis dit, lorsque j’ai eu ce défi à relever ? Non, bien sûr, comment lepourrais-tu ? crachai-je devant son regard incrédule.

Alors dis-le-moi ! insista-t-il en serrant les poings. C’était quoi le but final ?Je me décidai alors à tout lui avouer n’ayant plus rien à perdre.

Toi, ça a toujours été toi ! lui révélai-je. Je me suis bêtement imaginé qu’en me voyant plusféminine, plus… comme ces pétasses avec lesquelles tu t’envoies en l’air, tu aurais envie de moi, etpeut-être même réalisé que j’étais la femme de ta vie…

Éléa… Complètement idiot, non ? me fustigeai-je. Comment une fille comme moi peut brancher un mec

dans ton genre alors qu’il te suffit de claquer des doigts pour avoir une dizaine de mannequins, etmême plus à tes pieds ?

Éléa… Non, laisse-moi finir ! De toute façon au point où j’en suis, vaut mieux boire la coupe jusqu’à la

lie… Depuis l’âge de quatorze ans, Alex, que je craque sur toi. Pourquoi à ton avis je vous suivaispartout, que je m’incrustais dans vos parties de pêche, vos matchs de foot ? Même ce bar qui est mafierté, c’est à cause de toi, parce qu’un jour, je devais avoir dix-sept ans, tu avais révélé avoir craquésur Madame Ermie qui tenait ce petit bistrot sur la place et que tu trouvais sexy le fait qu’une femmesoit derrière un comptoir. Et il y a eu ce pari… ce fichu défi où l’on devait noter le nom du gars quinous faisait craquer, fantasmer, mouiller nos dessous. Ça ne pouvait être que toi !

Je restai silencieuse un moment, toutes ces révélations m’avaient achevée. Je me relevai et fermailes yeux pour qu’il ne voie pas ma détresse, ma souffrance…

Tu n’as pas à avoir peur que je te harcèle ou quoi que ce soit, lui dis-je d’une voix rauque. Jevais envoyer un message aux filles pour leur dire que j’abandonne, que je déclare forfait pour lechallenge et je m’en irai… loin, dès demain.

Je soulevai les paupières, clignai une nouvelle fois des yeux et me dirigeai vers mon studio. Jen’avais plus la force ni l’envie de courir… je n’étais plus qu’un corps, une coquille vide, j’avaislaissé mon cœur et mon âme dans ce parc.

Je n’avais pas encore atteint le coin de la rue qu’Alexian m’attrapa par le bras et me fit pivoter. Jeme dégageai brusquement et croisai les bras sur ma poitrine. J’avais froid, et j’étais persuadée que lachaleur m’avait désertée à tout jamais.

Toutes les excuses du monde n’effaceront pas la douleur que je t’ai causée, commença-t-il ententant d’accrocher mon regard, mais je sais que ce défi avec tes amies comptait beaucoup pour toialors si tu le veux réellement, je suis prêt à t’accorder un moment pour le striptease.

Tu ne m’as pas comprise, il est trop tard, soupirai-je. Au revoir, Alexian, j’espère que tu serasheureux.

Si tu changes d’avis, je serai à l’appartement demain soir… seul ! Keylan a un rendez-vous àl’extérieur pour le boulot, quant à moi j’étais censé passer la soirée avec mes parents… Éléa, je t’enprie, laisse-moi me faire pardonner, t’aider à marquer des points pour ce pari et…

Je ne l’écoutai plus et l’abandonnai sur le trottoir, alors qu’il tentait vainement de me convaincre,mais quelque chose s’était irrémédiablement brisé en moi et je ne pouvais pas faire comme si rienn’avait changé car au contraire, rien ne serait plus jamais pareil.

Chapitre 7 Ça y est, ma valise était prête. Je n’emportais que mes anciens vêtements, ceux de la véritable

Éléa, les autres avaient été remisés dans un placard ! J’avais averti Fred que je quittais la ville pourquelques semaines, lui demandant si je pouvais lui confier mon bar. J’avais ensuite envoyé unmessage groupé aux filles, leur expliquant que je déclarais forfait et leur signalai que je partais pourun moment et j’en avais rédigé un autre pour Tahys, lui présentant mes excuses, lui expliquant lescirconstances de mon pétage de câble. Ma tante s’était déclarée heureuse de mon arrivée, dans sontrou paumé : deux cents habitants, au fin fond des collines, à l’écart de tout, isolé… ce qui convenaitparfaitement à mon humeur, je n’avais pas envie d’être sociable. En tout cas, pas tout de suite.

Je fixai mon reflet dans le miroir. J’avais encore une chose à faire avant de partir… J’avais penséà ça toute la nuit, puis durant la journée et j’en étais arrivée à la conclusion qu’il fallait que je quittela ville en beauté. Alors j’avais pris ma décision… au risque d’en souffrir encore un peu plus.J’offrirais à Alexian ce striptease en cadeau d’adieu. Ce ne serait pas pour le défi, mais pour lui,pour moi, pour me permettre ensuite de faire une croix sur mon passé. Je jetai un dernier regard surmon studio. J’avais payé le loyer pour les six prochains mois. Ensuite, je verrais…

Il était tard, près de vingt-et-une heures lorsque j’arrivai devant la porte de l’appartementd’Alexian. Je fus prise d’une vague de panique mais au moment où j’allais prendre la fuite, elles’ouvrit.

Je t’ai vue arriver, murmura-t-il en me dévisageant, mais j’avais peur que tu décides au derniermoment de faire demi-tour.

C’est ce que j’allais faire ! avouai-je. Alors c’est vrai, tu t’en vas ?! énonça-t-il en avisant ma valise. Oui ! C’est de ma faute, se plaignit-il en frottant le milieu du front. À cause de moi, te voilà obligée de

quitter la ville, ta famille, tes amis… Ça va… pas la peine de te lamenter pour si peu, tu ne t’apercevras même pas de mon absence,

bougonnai-je. Et je suis aussi responsable que toi de cette situation. Ça m’apprendra de prendre mesrêves pour de la réalité… Bon, tu me fais rentrer, je n’ai pas toute la nuit. Dès que j’en aurai fini, jeprends la route.

Il s’effaça devant moi et pour la première fois, je remarquai qu’il était vêtu de façon décontractée.Il ne portait qu’une simple chemise blanche sur un pantalon sombre… pas de chaussure, pas dechaussettes, il ne s’était pas rasé non plus comme si je ne valais pas la peine qu’on se donne du mal.

On fait ça où ? demandai-je en glissant ma valise dans un coin. Éléa, s’il te plaît, regarde-moi ! Je ne suis venue ici que pour une seule chose, répondis-je en tentant de rester détachée, mettre un

terme à ce rêve impossible, boucler enfin la boucle et repartir de zéro. Merde, tu es amoureuse de moi, ne le nie pas ! s’écria-t-il en voyant la situation lui échapper. Ce n’est pas ce que je fais, j’essaie juste de garder une certaine distance entre nous et t’offrir ce

spectacle comme si j’étais une professionnelle et toi, un simple client.Une lueur brilla dans ses prunelles et je me rendis compte qu’il n’était pas si détaché qu’il voulait

bien le faire croire.

Alors permets-moi de te donner un conseil, dit-il froidement, les effeuilleuses jouent avec leursclients, elles les attisent, les excitent, elles les font fantasmer… En seras-tu capable ? Suis-moi, on vadans ma chambre !

Cette dernière était plongée dans la pénombre… Alexian alluma quelques lampes et bien vite unelumière tamisée vint offrir à la pièce une ambiance un peu plus intime, plus romantique… Je medébarrassai du pardessus que j’avais passé au-dessus de ma tenue et l’entendis retenir son souffle.Celle que j’avais choisie était pratiquement la même que celle qui m’avait valu la douce appellationde « prostituée ». Il se saisit d’une télécommande placée sur son secrétaire, s’affala sur la chaise, lesjambes un peu écartées, et appuya sur la touche lecture.

Je le connaissais par cœur ! Je savais à l’avance qu’il aurait choisi cette chanson et ne fus pasétonnée en réalisant que la décoration de sa chambre et la voix de ce crooner formaient un ensemblerétro qu’on ne se serait pas attendu à trouver chez Alexian mais qui étonnamment lui convenait àmerveille. La voix de Joe Cocker se déversait en un rythme sensuel parfaitement adapté pour monpetit numéro et, sans même m’en rendre compte, mon corps répondit à la musique.

Je commençai à bouger lentement, les yeux fermés, laissant le tempo s’infiltrer dans mes veines.J’ondulai comme un serpent, caressant ma poitrine, mes hanches. Ma jupe frôlait mes cuisses àchaque balancement et je ressentis avec acuité le tissu contre ma peau. Je m’approchai alorsd’Alexian qui s’était légèrement redressé sur son siège, penché légèrement en avant, comme s’il nevoyait pas assez bien. Je me postai à quelques centimètres et, tout en remuant sensuellement, défis lesagrafes de mon bustier un par un… et c’est alors que mon regard plongea dans le sien… Et il n’existaplus rien d’autre que ce moment, que lui et moi. Je le vis bloquer sa respiration avant d’expirerlentement, comme s’il souffrait.

Une fois mon haut totalement ouvert, je l’ôtai entièrement et le lui tendis d’une main, tandis quel’autre jouait avec mes cheveux, glissait dans ma nuque, avant de revenir vers mes seins. Alexian sesaisit de mon haut et le porta à son visage, comme s’il cherchait à y trouver mon odeur. Quant à moi,je suivis du bout des doigts la vallée située entre mes rondeurs tout en remuant en rythme avec lamusique. Toutes mes terminaisons nerveuses s’affolèrent, la chair de poule s’installa et la pointe demes seins se dressa sous le tissu de mon soutien-gorge.

Alexian ne me quittait pas des yeux et je pouvais voir son érection se presser contre la fermeturede son pantalon. Je glissai alors entre ses jambes, me collant presque à son pubis. Je lui saisis lesmains et les posai sur mes hanches, l’obligeant à faire glisser ma jupe le long de mes cuisses. Je lessentais trembler sur ma peau et la légère caresse me fit violemment frissonner. Je n’étais plus vêtueque de mes dessous, perchée sur mes talons de dix centimètres. Je m’approchai encore un peu plus etme penchai vers lui, frôlant son torse de mes seins, laissant mon souffle s’égarer sur son visage, sabouche.

Ses yeux s’étaient assombris de désir mais ce n’était pas suffisant pour moi… Je posai mes mainssur ses épaules et les fis glisser le long de ses pectoraux. J’ouvris un premier bouton de sa chemise,un deuxième, encore un autre tout en me trémoussant contre son sexe de plus en plus dur. J’entendis unléger bruit qui me fit sursauter, je me retournai interdite, une main sous mes cheveux, l’autre à meslèvres… mais il n’y avait rien. Je recommençai à bouger, à agiter mes seins sous son nez. Il respiraitfort, comme s’il devait s’astreindre à garder toute son impassibilité. C’est alors que je retirai monsoutien-gorge… je le maintins quelques secondes avant de le lâcher dans son giron. Je reculai d’unpas, puis d’un autre, caressant ma poitrine tendue, pressant mes tétons qui pointaient vers Alexian.

Il serra les pans de sa chemise entrouverte dans ses poings, comme s’il se retenait de l’arracher.Je réalisai alors que la musique était finie depuis un moment et qu’il me restait un ultime morceau de

tissu à retirer. Je pris une profonde inspiration, plongeai de nouveau mon regard dans le sien etbaissai ma culotte blanche imprimée de fleurs noirs, aussi lentement qu’il l’avait fait la veille pourremettre son boxer.

Et je restai là, immobile, les bras pendant le long du corps, aussi vulnérable dans ma nudité qu’unnouveau-né. Ma longue chevelure battait au creux de mes reins, cachant à Alexian le tatouageensoleillé qui s’y nichait. Mes seins et mon intimité ruisselante étaient offerts à sa vue et je réalisaique j’étais prête à lui donner beaucoup plus s’il le désirait… mais ce n’était pas le cas. Il poussa unjuron, se leva d’un bond, arracha un drap du lit qu’il me jeta au visage avant de quitterprécipitamment la pièce

La boucle était bouclée… je n’avais plus rien à faire là !

Chapitre 8 Je remis mes dessous, abandonnant sur le sol la tenue qui ne m’avait pas porté bonheur et me

dirigeai vers l’entrée de l’appartement. Je tirai ma valise, l’ouvris et dénichai un survêtement et unepaire de baskets. Je m’apprêtais à les mettre lorsque la porte de la salle de bains s’ouvrit sur Alexianqui s’était visiblement rafraîchi le visage.

Bon sang, mais que fais-tu ? gronda-t-il tandis que j’enfilais le pantalon. Ça ne se voit pas, murmurai-je. Je m’habille, j’ai encore de la route à faire. Quant à mes

vêtements… fais-en ce que tu veux !Il fonça vers moi, m’attrapa par le bras et me plaqua contre le battant de la porte.

Tu crois vraiment qu’après ton petit numéro, je vais te laisser partir ? Oui ! Eh bien, tu as tort !

Sur ces mots, il plaqua sa bouche sur la mienne et me gratifia d’un baiser qui n’avait rien detendre ou de doux. On aurait dit qu’il voulait me punir et je sentis les larmes me monter aux yeux.Finalement, je le repoussai violemment.

Arrête, ça suffit, je… je veux m’en aller… je… Mais tu ne peux pas, ne comprends-tu pas ? gémit-il en me caressant la joue, cette fois avec

tendresse. Je t’avais avertie que lorsque nous, les hommes, invitons une femme dans notre chambre,ce n’est pas pour y dormir et qu’un striptease nous fait perdre tout contrôle.

Je laissai échapper un rire amer. Parce que tu l’as perdu ? Vraiment ? Je suis tellement bête ! ironisai-je. Je pensais, moi, qu’un

mec en proie à la passion ne pouvait pas se retenir d’embrasser, de caresser, d’emmener au lit cettefille qui vous fait bander, pas qu’il avait encore assez de sang-froid pour lui jeter un drap au visage.

Éléa, regarde-moi, me supplia-t-il en relevant mon menton de son index. Si tu avais été une autrefemme, je te parle d’une ayant de l’expérience, comme celle qu’on a l’habitude de baiser, ton frère etmoi, je t’aurais plaquée contre le mur et je me serais enfoncé en toi avant que tu n’aies eu le temps decomprendre ce qui t’arrivait. Oui, Éléa ! J’ai dû me forcer à me contrôler, c’est pour ça que je mesuis enfui de cette chambre, parce que tu es vierge et que tu mérites pour ta première fois, beaucoupmieux qu’une baise de soudard.

Que veux-tu dire ? balbutiai-je de peur d’avoir mal compris. Qu’il est temps pour toi de rejoindre mon lit… nue… maintenant ! insista-t-il, et que je vais te

faire l’amour comme tu le mérites, avec respect.Je ne pus prononcer un mot de plus. Il s’empara à nouveau de mes lèvres mais avec beaucoup plus

de tendresse et je me sentis fondre. Moi qui m’étais juré de prendre un nouveau départ, je meretrouvais à gémir contre ses lèvres. Sa langue effleurait la mienne en de douces caresses. Jecapitulai et glissai mes mains autour de sa nuque, jouant avec ses cheveux.

Attends, murmura-t-il en baissant mon pantalon et ma culotte. Je veux te voir comme tu l’étaisdans la chambre, totalement nue.

Tandis qu’il retirait le bas, je dégrafai mon soutien-gorge et l’abandonnai sur le sol. Il nicha sonvisage entre mes seins, les soupesant, les caressant avec dévotion, les pressant dans ses mains fortes

et bronzées.Je gémissais sans discontinuer. Mon corps était hyper sensible, chaque terminaison nerveuse,

chaque veine, chaque parcelle de peau étaient comme connectées à mon sexe. Tout pulsait en moi,tout mon être était tendu vers les mains, la bouche, le membre d’Alexian que je sentais à travers sonpantalon.

Il me prit dans ses bras, m’emmena à nouveau dans sa chambre et me posa délicatement au milieude son lit. Il ne perdit pas de temps pour se déshabiller, il le fit en un tournemain et bientôt je pus medélecter de sa peau nue contre la mienne, du duvet de son torse qui frôlait mes seins. Il pesait sonpoids sur ses avant-bras, mais j’aurais voulu qu’il soit étendu sur moi de tout son long, que je puisseonduler sous lui, presser mes formes contre ses muscles durs. Il dut le comprendre car il inversa nospositions et je me retrouvai au-dessus de lui, mon corps plaqué au sien, et je m’enroulai autour de luicomme une liane, me trémoussant, me frottant à lui. Sa bouche était partout, au creux de mon cou, surma gorge, mes seins. Il tétait mes mamelons, les faisant rouler sous sa langue. Ses mains parcouraientmes hanches avec fièvre, mes fesses…

Il me fit basculer sous lui et s’agenouilla entre mes cuisses. Son regard avide me brûla. Il mecaressa encore, longuement, me faisant crier, gémir… mes jambes s’écartaient pour lui… Il mepénétra de son index, si lentement, que j’accompagnai son mouvement d’un coup de reins en avantpour l’obliger à y aller plus franchement mais il posa une main sur mon ventre.

Doucement, je ne veux pas te blesser. Dis-moi ce que je dois faire, le suppliai-je. Je veux te donner du plaisir moi aussi. Tu m’en procures plus que tu ne saurais imaginer, murmura-t-il en s’emparant de mes lèvres en

un long baiser.Il inséra un second doigt toujours avec autant de précautions, comme si je risquais de me briser.

Je la sens, souffla-t-il en enfonçant ses phalanges plus profondément, ta virginité est juste là…Dis-moi que tu es sûre de toi, dis-moi que tu me veux moi, et pas un autre. Je… je suis clean, je n’aijamais couché avec une fille sans préservatif, le reste ne dépend que de toi, mais… mais je voudraisqu’on le fasse, comme si nous étions ensemble, comme si c’était pour toujours.

Un sanglot s’échappa de ma gorge, le rêve devenait réalité. Nous étions là, tous les deux dans celit, et il était à moi.

C’est toi que je désire, Alexian, murmurai-je. Je t’aime depuis si longtemps, ça ne pouvait êtreque toi…

Il poussa un rugissement et présenta son érection à l’entrée de mon sexe. Je vis des gouttes desueur parsemer son front, son torse et je compris que s’il se retenait, c’était pour moi…

Tu as encore le droit de dire non, chuchota-t-il à mon oreille.Je posai mes pieds à plat sur le matelas, relevai les hanches d’un coup, m’empalant sur son sexe

énorme, dur, et poussai un cri de douleur. Petite sotte, me gronda-t-il en picorant mes lèvres de doux baisers. Je t’avais dit que je ne

voulais pas te blesser. Prends-moi, le suppliai-je, les larmes aux yeux. Attends un peu et… Non, dis-je avec force, je n’ai que trop attendu.

Ces mots lui firent perdre tout contrôle. Il s’enfonça en moi et ses mouvements se firent lancinants,déchirants puis plus frénétiques, désespérés… La douleur n’avait pas disparu mais quelque chose de

plus intense se formait au creux de mon ventre, comme si toutes mes sensations, tous mes sentimentss’étaient agglutinés en une boule nerveuse et lorsqu’elle explosa, je fus persuadée d’être morte.

Chapitre 9 Au petit matin, j’avais fui… Alors qu’il dormait profondément, je m’étais éclipsée sur la pointe

des pieds. Je ne voulais pas lire les regrets dans ses yeux, ni son rejet. Je nous avais évité ça, à tousles deux. J’avais abandonné mes vêtements de stripteaseuse, renfilé ceux qu’il m’avait retirés etj’étais partie sans un mot, sans un bruit. Pourtant, sexuellement, ce fut le pied ! Nous avions refaitl’amour à deux reprises avec plus de fougue la première fois, plus de… désespoir la seconde, commesi nous savions pertinemment que cette fois-là serait la dernière.

Je mettais de l’essence dans le véhicule que j’avais loué lorsque j’entendis un mugissementstrident, des sirènes de police. La voiture, gyrophares allumés, traversa la rue, se glissa entre lesvoitures pour s’arrêter à quelques mètres de la pompe où je me trouvais dans un crissement horrible.Je reconnus tout de suite l’officier qui en descendit et levai les yeux au ciel.

Agent Zainoun, que me vaut ce déplaisir ? J’étais à votre recherche, mademoiselle Rousseuve. Votre frère essaie de vous joindre

désespérément et de ce fait, comme si, en tant que Maghrébine, je n’avais pas d’autre chose à faire,votre père m’a lancée à votre poursuite.

Je sentis une vague de colère m’envahir. Alors vous allez faire demi-tour, rentrer au commissariat et signaler à mon père que je suis

majeure et que j’ai donc toute latitude pour faire ce que je veux. Ensuite à mon frère… Vous ne désirez pas entendre le message que je dois vous communiquer avant de monter sur vos

grands chevaux ? Non ! Eh bien, vous l’aurez quand même donc je cite : « dites à cette tête de mule de ramener ses

fesses fissa à l’hôpital général si elle veut avoir l’occasion de voir Alexian une dernière fois ! » Que… quoi ? balbutiai-je, mais qu’est-ce que ça veut dire ? Je ne comprends pas, lorsque je suis

partie il y a trois heures, Alexian dormait. Lorsque dans notre métier nous avons un tel message à faire passer, ça veut dire que la personne

en question est dans un état critique, ou pire, me renseigna Malika tandis que je m’appuyais contre lavoiture prise d’une faiblesse soudaine.

Je fouillai dans ma poche, en tirai mon portable et le rallumai. J’avais au moins une vingtaine demessages, tous émanant de mon frère et tous le même. « Alexian en réanimation, c’est grave,ramène-toi ici le plus rapidement possible ». S’ensuivait l’adresse d’un centre hospitalier. Je nepouvais pas y croire, c’était une blague pour me faire rentrer, ce n’était pas possible. Je cherchai lenuméro de téléphone sur mon Smartphone et appelai l’hôpital. Quelques minutes plus tard, j’étaissous le choc. Alexian venait bien d’y être admis en urgence.

Je vois que vous n’êtes pas en mesure de conduire, murmura Malika. Montez dans le véhicule, jevais vous y emmener. Vous y serez dans quatre-vingt-dix minutes maxi !

En effet, quatre-vingt-huit longues minutes plus tard, Malika me déposait aux urgences. Tahys, àqui j’avais envoyé un message, m’attendait en faisant le pied de grue.

Ah enfin ! Tu peux me dire ce qui se passe ? s’énerva-t-elle, inquiète.

Je sais seulement qu’Alexian a été amené ici et que Keylan va avoir besoin de toi, balbutiai-je.Tahys… je… j’ai peur.

Viens avec moi, on va tenter de trouver ton frère et avoir plus de détails.Nous entrâmes dans le hall des urgences et Tahys se précipita vers une infirmière. J’étais tellement

choquée que je n’entendis rien de leur conversation. C’est étrange, murmura Tahys en me rejoignant. Elle parle de Keylan et d’Alexian comme s’ils

étaient des habitués. Elle m’a dit : « Je vais avertir Keylan que vous êtes là, il va avoir besoin desoutien ».

Mais qu’est-ce que ça signifie ? marmonnai-je.Je n’eus pas le temps de réfléchir plus à la question. Keylan apparut par une des portes réservées

au personnel. Dès qu’elle vit son visage dévasté, Tahys poussa un cri et se jeta dans les bras de monfrère qui la reçut contre lui, des larmes glissant sur ses joues.

J’étais tétanisée, je n’osais plus bouger. Un couteau en plein cœur m’aurait fait le même effet. Jeparvins quand même à m’approcher à pas lents, repoussant le moment où j’aurais l’impression demourir.

Pas ici, murmura Keylan en secouant la tête. Suivez-moi.Le bras glissé autour de Tahys, il se dirigea vers le sas. Il fit un signe de tête à l’infirmière qui lui

déverrouilla l’accès, un sourire figé sur les lèvres. Je n’en pouvais plus… Ça suffit, Keylan, je t’en prie, le suppliai-je, est-ce qu’il… est-ce qu’il…

Je le vis se raidir mais il ne répondit pas, se contentant de longer un long couloir puis il nous fitentrer dans une pièce.

Nous sommes dans la salle de repos des infirmières. Elles me la laissent utiliser lorsque je viensici, nous renseigna-t-il sans lâcher Tahys une seule seconde.

Keylan, s’il te plaît. Il est encore en vie… pour l’instant, poursuivit-il dans un souffle.

Je sentis l’évanouissement me guetter, tombai sur un siège et… entendis des voix comme dans unbrouillard.

Elle est sous le choc Keylan, tout ira bien ! On va lui donner un léger calmant, ça va aller ! Il faut qu’elle soit consciente pour se rendre au chevet d’Alexian afin qu’elle puisse lui dire au

revoir. En premier lieu, il faut qu’elle reprenne ses esprits.

Une gifle phénoménale me coupa le souffle et me ramena bien malgré moi parmi les vivants. Jeregardai Tahys, à la fois effarée et pourtant reconnaissante.

Merci, Tahys, murmurai-je, j’en avais besoin. À ton service. Tu vas mieux ? Ça ira, il faut que ça aille !

Je pris une profonde inspiration et me tournai vers Keylan. Dis-moi ce qui se passe ! Maintenant ! ordonnai-je. Alexian a une tumeur cérébrale, il… il va mourir, Éléa, je suis désolé.

Je poussai un hurlement de douleur et m’effondrai dans les bras de mon frère.

Chapitre 10 Keylan et Tahys me laissèrent pleurer pendant un long moment. Une fois que j’eus terminé de

tremper le pull de mon frère, je tentai de me reprendre. Raconte-moi tout ! Depuis le début ! Tout a commencé il y a cinq ans. Nous étions deux étudiants modèles, nous savions ce que nous

voulions. Les filles faciles, les sorties entre mecs, l’alcool, la drogue, ce n’était pas pour nous. Notrebut était d’obtenir rapidement nos diplômes parce qu’Alexian et moi étions tombés amoureux et quenous nous projetions déjà dans le futur. Il nous restait à peine un an d’études, nous avions tous lesdeux un job étudiant, nous mettions de l’argent de côté … Nous discutions beaucoup, Alex et moi, etnous avions décidé qu’il était temps pour nous d’inviter nos deux futures femmes à sortir ! Parce que,oui, nous en étions là ! Elles étaient magnifiques, jeunes, belles. Elles venaient juste d’avoir vingtans, et étaient totalement différentes. Celle que j’aimais…

Il s’arrêta un instant et prit la main de Tahys dans la sienne. … désirait devenir bibliothécaire. Elle avait une magnifique chevelure aux reflets roux, portait

toujours de longues jupes, des chemisiers avec de minuscules boutons que je rêvais de retirerlentement afin de découvrir sa silhouette magnifique.

Tahys poussa un hoquet de surprise et fixa Keylan d’un regard plein d’espoir. La femme qu’Alexian voulait dans sa vie était l’une des meilleures amies de celle qui me

plaisait, une véritable peste. Elle jurait comme un charretier, savait pêcher à la mouche, jouait au footcomme une pro et savait étaler un mec en deux coups bien placés.

Oh mon Dieu, soufflai-je. Tu te moques de nous, c’est ça ? Non ! Nous avions décidé de vous draguer pendant les fêtes de Noël, nous avions tout prévu, le

restaurant, le ciné… tout… Que s’est-il passé ? murmura Tahys. Toutes ces années… Alex avait une bourse universitaire, la coupa-t-il en me fixant. Une bourse sportive pour être

plus précis. Un match devait avoir lieu quelques jours avant les vacances et Alex était fébrile, il avaitpeur que tu ne le repousses, que je refuse qu’il sorte avec toi et que je veuille te protéger puisque tuétais ma sœur. Il t’aimait tellement qu’il n’en dormait plus. Il était souvent aux prises avec deterribles migraines, se plaignait que sa vue baissait avant de récriminer contre une trop forteluminosité et à deux reprises il avait eu des malaises. Je me suis moqué de lui en lui disant que s’il serendait malade à l’idée de te demander de sortir avec lui, il valait peut-être mieux pour toi d’avoir unvrai mec…

Mais ce n’était pas ça, n’est-ce pas ? comprit Tahys. Non, lui confirma Keylan.

Il se leva et fourragea dans ses cheveux. Tahys le rejoignit et l’embrassa tendrement. Je ressentisun petit pincement au cœur de les voir si complices mais malgré tout, j’espérais que cette épreuve lesrapprocherait.

Il ne restait qu’un match à jouer et ensuite nous pouvions rentrer et sortir le grand jeu pour vouséblouir. Nos bagages étaient prêts… nous étions prêts… La deuxième mi-temps était bien engagée, l’équipe d’Alexian menait de deux buts, dont un qu’il avait marqué. Un joueur de l’équipe adversevenait de lancer la balle, droit sur Alexian… et … et ce dernier n’a pas bronché. Il est resté

immobile alors qu’il aurait pu facilement la renvoyer d’un coup de tête ou de poitrine… mais il étaitcomme figé et, d’un coup, il est tombé à genoux, puis à plat ventre, la tête sur le terrain… C’étaithorrible, lorsque je l’ai vu étendu comme ça, sans réaction, je l’ai cru mort… ce fut la débandade surle terrain, les joueurs étaient figés, les spectateurs se délectaient du spectacle morbide en chuchotantentre eux. Les médecins sont arrivés, l’ambulance… J’ai foncé aux urgences et j’ai attendulongtemps. Entre-temps, j’ai appelé les parents d’Alexian, mais ils n’ont pas voulu rentrer, ils étaientà une conférence à l’étranger et … c’était la seule chose qui comptait pour eux, il fallait juste que jeles tienne au courant de la suite des événements.

Ils n’en ont jamais rien eu à faire de lui de toute façon, maugréai-je. Il a toujours été seul !Combien de fois est-il resté manger à la maison car il n’y avait personne chez lui ? Je suis dégoûtée.

Finalement un médecin est arrivé, poursuivit Keylan, le Docteur Chanfroix. Il a été très…humain, oui, c’est le mot que je cherchais. Il a demandé à ce que je le suive dans son bureau et là,avec beaucoup de tact, il m’a expliqué qu’Alexian était dans un coma léger dû à une putain de tumeurau cerveau, qu’elle n’était pas très grande et parfaitement opérable. Bien sûr, comme dans touteopération, il y avait des risques... Puis il m’a mené au chevet d’Alexian. C’était comme s’il dormait,il semblait si paisible… Il a repris connaissance un long moment plus tard, à mon grand soulagement.J’avais perdu toute notion du temps. Mais il a fallu lui annoncer la mauvaise nouvelle. Alexian estresté un moment sous le choc et… tout à coup, plusieurs heures plus tard, j’ai lu sur son visage quetout serait différent, qu’il avait tout perdu…

J’ai l’impression qu’il avait pris une décision à laquelle tu ne t’attendais pas ? C’est ça ? luidemanda Tahys.

Oui, il a refusé l’opération. Il a dit qu’il n’en avait rien à faire de vivre ou de mourir que detoute façon, à part moi, il n’avait jamais compté pour personne et qu’à partir de ce jour, il changeraitdu tout au tout. Et c’est ce qu’il a fait…

Et nous ? murmurai-je. Oui, moi aussi je voudrais bien savoir, insista Tahys.

Keylan prit une profonde inspiration, s’installa sur le canapé qui trainait dans un coin de la pièceet attira Tahys sur ses genoux.

J’ai honte de te le dire, mais je t’ai sacrifiée.Tahys poussa un hoquet à la fois de douleur et de stupéfaction. Elle fit un mouvement pour se

relever mais Keylan la maintint fortement contre lui. Laisse-moi t’expliquer, la supplia-t-il. Lorsqu’Alexian a pris la décision de ne pas accepter de

soins, je suis allé en parler avec le docteur Chanfroix. Il m’a expliqué alors ce qui allait se passer :petit à petit, il perdrait la vue, il aurait des malaises, il tomberait dans des phases de coma plus oumoins longues, la fatigue s’installerait et à la fin, les douleurs seraient insupportables, ses membresse paralyseraient… Je ne pouvais pas l’abandonner, il est mon meilleur ami… J’ai tenté de lui enparler, mais il se braquait à chaque fois, alors, j’ai laissé tomber ! Alexian a décidé de quitterl’université et là aussi je l’ai suivi. Avec l’argent qu’on avait mis de côté, on a monté notre boîte dewebdesigner, avec le succès que ça a engendré. Et Alexian a été pris de… frénésie. Il voulait goûterà tout avant de mourir, il accumule les relations parce qu’elles ne sont qu’éphémères, il boit aussipour oublier qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps à vivre, il saute en parachute ou à l’élastiquepour défier la mort…

Que s’est-il passé ce matin, Keylan ?

Il y a quelques jours, tu lui as dit que j’avais passé le week-end avec Tahys. Il sait ce que jeressens pour elle car, même si je l’accompagne dans ses débauches pour veiller sur lui, ce n’est …rien ! Je n’éprouve absolument rien ! Pour moi, ces coups d’un soir, c’est exactement la même choseque lorsqu’on a une démangeaison dans le dos, c’est atroce, on parvient à se gratter et on se sentsoulagé mais elle revient encore plus lancinante… Lorsque je lui ai avoué que je n’avais jamaiscessé de t’aimer, il a soupiré et m’a dit d’arrêter, qu’il savait ce que j’avais sacrifié pour lui maisqu’il fallait que ça cesse. Hier, je lui ai dit que j’avais un rendez-vous d’affaires, mais c’était faux !Je suis allé acheter une bague de fiançailles pour te l’offrir, ma chérie, murmura-t-il en se tournantvers Tahys. Puis j’ai passé la nuit à marcher, me demandant si je faisais le bon choix. Au petit matin,j’étais soulagé d’avoir pris ma décision.

Oh mon Dieu, Keylan. Si tu savais à quel point je t’aime, s’écria Tahys en se jetant à son cou eten l’embrassant fougueusement.

Je t’aime aussi, même si je me sens un peu coupable vis-à-vis d’Alexian. Lorsque je suis rentré,il était debout face à la baie vitrée. Il s’est retourné vers moi et là j’ai ressenti un élan d’espoir, sonvisage était transformé par le bonheur. « Ta sœur est passée, m’a-t-il dit, et nous avons passé la nuitensemble. Je te précise, a-t-il ajouté que je n’ai pas baisé ou couché avec elle, nous avons faitl’amour… » Ses yeux brillaient d’un éclat intense et il a répété une nouvelle fois « nous avons faitl’amour ! ». J’ai levé les yeux au ciel et je suis parti prendre une douche. Lorsque je suis revenu, ilétait allongé au milieu du salon, les yeux grands ouverts. J’ai appelé une ambulance et … nous voilà !

Ça lui arrive souvent ce genre de crise ? m’enquis-je. Les deux premières années, il en a eu à deux ou trois reprises, mais elles se sont intensifiées ces

derniers temps. Je connaissais les signes. Il y a quelques jours, il se sentait mal. Nous sommes restésenfermés dans l’appartement, dans le noir, sans bruit, attendant que sa migraine disparaisse…J’aurais dû l’emmener ici tout de suite ! Le personnel sait quoi faire, ce n’est pas la première fois…

Pourquoi crois-tu qu’il ne s’en sortira pas cette fois ? Il m’a fait promettre de toujours rester à ses côtés, pour ne pas qu’on l’opère ou qu’on lui fasse

ce qu’il appelle un acharnement thérapeutique… Il m’a demandé aussi de… de l’aider à partir sijamais il devenait paralysé !

Quoi ? m’écriai-je. Mais il est fou ! Éléa, c’est sa décision. Oui, ben je vais la lui faire changer, moi, sa décision ! grondai-je, furieuse. Éléa !

La voix de Keylan claqua sèchement, me faisant sursauter. Quoi ? bougonnai-je. Son coma n’a duré que quelques heures, mais… Mais quoi ? Son côté gauche est paralysé de l’épaule au pied ! Il ne veut voir personne, il veut mourir en

paix ! Alors pourquoi m’as-tu appelée ? grondai-je. Parce que malgré tout, j’espère un miracle !

Chapitre 11 Il m’avait fallu un moment de paix et de tranquillité dans la chapelle de l’hôpital pour remettre

mes idées en place. J’étais à présent devant sa chambre et je tremblais de tous mes membres. Je prisune profonde inspiration et y pénétrai sans m’annoncer, pour ne pas lui donner l’occasion de refuserde me voir. Une fois à l’intérieur, je ne fus guère étonnée de voir que son visage était tourné du côtéopposé à la porte. J’avançai de quelques pas, mon cœur battant la chamade. J’avais préparé plein debelles phrases mais de le voir capituler comme ça me mit dans une colère noire.

Espèce de lâche !Il tourna la tête vers moi et je vis une lueur briller dans son regard juste avant qu’elle ne s’éteigne.

Va-t’en, Éléa, je ne veux pas te voir ! Lâche et menteur ! éructai-je. Ça y est ? Tu as fini ? Tu rigoles, je ne fais que commencer ! m’énervai-je. Non, mais tu t’es vu ? Dois-je ajouter

l’égoïsme à tous tes défauts ?Je pris place sur la chaise à ses côtés, lui saisis sa main droite et poussai un profond soupir.

Pourquoi Alex ? Pourquoi ne pas avoir permis à notre couple d’avoir une chance ? Mais regarde-moi, bon sang ! Je ne voulais pas que la femme que j’aimais ait ce souvenir de moi

dans cet état ! Comment aurais-je pu te faire ça, à toi ? Ne crois-tu pas que c’était à moi de faire ce choix ? Tu vois pourquoi je te traitais d’égoïste ?

Parce que tu n’as pensé qu’à toi, à ton petit confort personnel pendant que je mourrais à petit feuchaque seconde que tu passais loin de moi ! Tu te comportes également comme un mufle en laissant lepoids de tes décisions sur les épaules de mon frère, ton meilleur ami ! insistai-je. Que tu ne veuillespas te soigner… soit, c’est ton problème ! Mais que tu veuilles obliger Keylan à t’aider dans unsuicide assisté, alors là je dis non ! Il est ravagé, il s’en veut et culpabilise à l’idée d’avoir pensédemander Tahys en mariage ! Il lui a acheté une bague hier pendant qu’on s’envoyait en l’air, unebague de fiançailles ! Tu crois qu’il voudra encore d’elle lorsqu’il t’aura enterré ? Tu crois qu’ilpourra vivre heureux avec ta mort sur la conscience.

En tout cas, on ne peut pas dire que toi ça te touche ! C’est bien parce que tu es dans ce lit, incapable de bouger, que je ne te giflerai pas, grondai-je

sourdement. Que je me fasse bien comprendre, Alexian. Ça me tue de te voir ainsi, j’ai envie dehurler, de frapper, de vouer tout le monde aux gémonies. Je t’aime tellement que te voir ainsi me brisede l’intérieur et si tu venais à partir… je ne sais pas si j’aurai la force de continuer.

Mais regarde-moi, bon sang, tu crois que ça me plaît d’être comme ça ?!Je le fixai intensément pendant un long moment.

Que ressens-tu pour moi exactement ? Éléa ! On m’a toujours dit que sur son lit de mort, un homme ne pouvait dire que la vérité, alors

j’attends ! Tu veux la vérité, alors la voilà ! Comme Keylan avec Tahys, je suis tombé amoureux de toi au

premier regard. Mais voilà, tu étais jeune, tu avais des choses à découvrir et je voulais être

quelqu’un pour toi ! On s’apprêtait à mener l’assaut contre Tahys et toi lorsque c’est arrivé. Et j’aivoulu mourir tout de suite ! J’étais amoureux, prêt à sauter le pas, et on m’annonçait que je ne m’ensortirais pas. Tu dis que j’ai fait preuve d’égoïsme, je ne pense pas, non ! Je t’ai évité une vie depleurs et de souffrance et tu veux savoir si mes sentiments ont changé ? La réponse est non ! Je suistoujours amoureux de toi, mais je n’ai pas le droit de t’imposer ça ! De m’imposer à toi !

Tu dis que tu ne veux pas me faire de mal ? Mais regarde-moi, Alex, je suis à l’agonie ! Je meurschaque fois un peu plus lorsque tu t’affiches avec ces femmes…

Tu es partie ! murmura-t-il. Ce matin, lorsque je me suis réveillée tu n’étais plus là… Il fallait que je parte, je ne voulais plus te croiser, souriant avec ces filles, les embrassant et plus

si affinités. Cette nuit a été pour moi la révélation… je ne pourrai jamais aimer quelqu’un d’autreaussi fort que je t’aime. Que tu sois là, à mes côtés, que tu sois à une autre ou que tu ne sois plus là,ça ne changera rien… soufflai-je, les sanglots s’étranglant dans ma gorge. S’il te plait, Alexian,accepte l’opération. Si tu m’aimes, fais-le pour moi, pour nous ! Donne-nous une chance !

J’ai peur ! avoua-t-il en laissant couler ses larmes. Et si ça venait à échouer, et si je meréveillais complètement paralysé… Je ne pourrai pas vivre comme ça !

Mais imagine que l’opération fonctionne ? rétorquai-je. Imagine que grâce à ça tu puisses vivre ?Il ferma les yeux et resta ainsi un si long moment que je craignis un moment qu’il n’ait abandonné.

Lorsqu’il souleva les paupières, je me mis à trembler, à la fois de crainte et d’espoir ! D’accord, capitula-t-il, j’accepte de me faire opérer. J’appelle le Docteur Chanfroix avant que je

ne change d’avis.Ce dernier resta dans la chambre un long moment, à expliquer en long et en large le déroulement

de l’opération. Le chirurgien était sûr à quatre-vingts pour cent que l’opération permettrait à Alexiande retrouver l’usage de ses membres à condition que ça se fasse rapidement. Quelques heures plustard, un bloc opératoire était réservé pour le lendemain à la première heure et nous saurions de suitesi c’était un succès ou… un fiasco. Tout le temps que durèrent les examens, je restai à ses côtés, mamain dans la sienne. Lorsque les infirmières posaient sur moi un regard interrogatif, je leur assenaisassez sèchement que j’étais la fiancée d’Alexian et qu’elles feraient mieux de faire leur boulot au lieude le dévisager d’une façon peu professionnelle. Pas une seule fois, il ne me contredit… je ne lequittai pas la nuit non plus, ayant eu l’autorisation de dormir sur place, mais je refusai leur lit decamp et me pelotonnai contre Alexian. Ce fut mon visage qu’il vit avant que les portes menant auxblocs ne se referment sur lui et j’espérais être la première personne qu’il verrait en revenant dans sachambre.

Attendre ainsi fut d’une détresse sans nom, une plongée dans les ténèbres, une épée de Damoclèssuspendue au-dessus de ma tête prête à me tomber dessus. Je ne fus guère surprise de découvrir queTahys avait rameuté les troupes. Joy, Gillian, Loélia, Tahys et moi étions soudées dans la douleur,unies contre le destin. Keylan était blême et Tahys ne le quitta pas d’une semelle. Quant à moi, jemarchais de long en large pendant de longues minutes avant de tomber sur un siège comme en état detorpeur avant de reprendre mes déambulations. À plusieurs reprises, je vis Noé, Aubin ou encoreDorian passer en coup de vent prendre des nouvelles et repartir pour nous laisser entre nous. Au boutde longues heures interminables, le Docteur Chanfroix franchit enfin les portes de la salle d’attenteoù nous étions installés. J’avais si peur que je n’osais pas bouger mais lorsqu’un franc sourires’afficha sur son visage, je repris espoir.

Tout s’est bien passé ! L’opération fut un succès. Je peux d’ores et déjà vous dire qu’Alexian ade nouveau des sensations dans la jambe gauche. Pour l’instant, seul son bras ne répond pas, mais

nous avons bon espoir que tout rentre dans l’ordre. Et maintenant ? murmurai-je. Nous le garderons quelques jours en observation, mais d’ici une dizaine de jours, il devrait être

en forme pour rentrer. Quant à la tumeur, nous l’envoyons en analyse mais d’après l’aspect, je pensequ’elle n’est que bénigne, mais nous aurons les résultats rapidement et je pourrai vous en dire plus àce moment-là !

Sauvé, il était sauvé ! Je me répétais ces mots comme un mantra tandis que Keylan me serraitcontre lui. J’éclatai de rire avant de fondre en larmes… mes nerfs venaient de lâcher !

Chapitre 12 Alexian s’était remis à une vitesse surnaturelle, dixit le chirurgien, si bien qu’il put quitter

l’hôpital au bout d’une semaine. Seul son bras n’avait pas retrouvé toute sa sensibilité, mais un peude kiné et du temps viendraient à bout de ce léger problème.

Oh bon sang, s’exclama-t-il en prenant une profonde bouffée d’oxygène. Sens-moi cet air pur etfrais !

Alex, il fait froid et il pleut à verse, lui répondis-je en souriant. Pour moi, c’est le parfum de la vie… Et des grippes, des gastros, le taquinai-je. Tu sais comment j’ai envie de fêter le fait d’être encore de ce monde ? me demanda-t-il en me

forçant à m’arrêter au milieu du trottoir. En évitant d’attraper la crève par exemple. Allez, monte dans la voiture, je te ramène chez toi ! Tu ne vas pas au « Bonheur des Dames » ? Non, Fred s’en occupe à merveille. J’ai pris quelques jours pour veiller sur toi ! À moins que tu

ne me trouves trop collante et…Il me donna un baiser étourdissant en s’esclaffant.

Éléa, si tu n’avais pas été là, je serais mort ou sur le point de l’être, alors même si tu tetransformes en extra glue, sache que je ne t’en tiendrai pas rigueur.

Je fronçai les sourcils. Tu ne restes pas avec moi par gratitude, j’espère ? Euh… ma bonté ne va pas jusque-là ! se moqua-t-il. Si je suis avec toi maintenant, c’est parce

que je suis enfin libre de t’aimer. Te rends-tu compte ! s’exclama-t-il en riant, cette fichue tumeurétait bénigne, un grain de raisin qui a failli venir à bout d’un grand gaillard comme moi.

Je suis si heureuse pour toi ! murmurai-je ne me pelotonnant dans ses bras. Je veux fêter ça comme il se doit. Ce soir, je te sors le grand jeu. Ciné, restaurant et plus si

affinités.Il s’installa sur le siège passager tandis que je déposais ses affaires à l’arrière. Je pris place au

volant, démarrai le véhicule tout en cherchant une station sur l’autoradio. Oh, ta proposition est très alléchante, énonçai-je, mais j’ai déjà pris des dispositions pour ce

soir.Je le sentis se raidir à mes côtés tandis qu’il se battait avec la ceinture de sécurité.

Je suis désolé, je ne pensais pas que tu avais prévu quelque chose, balbutia-t-il. C’est quej’imaginais qu’on passerait la soirée tous les deux, mais ne change aucun de tes plans pour moi, je…je vais gérer !

Il se tut un moment et je me glissai dans la circulation. Le trajet serait court et j’étais presséed’arriver.

Tu… tu as un rencard ? Avec un homme ? Oui aux deux questions. Je ne peux pas te dire que ça me plaise ou que je ne suis pas en colère, mais je comprends.

Après tout, nous n’avons pas parlé de notre relation, j’ai été bête. J’aurais dû te dire que je voulais

l’exclusivité mais… mais je n’y ai pas pensé et… Espèce d’abruti ! m’exclamai-je. Le médecin t’a conseillé du repos, nous partons ce soir pour

quelques jours au cabanon de mes parents, celui que nous utilisions pour aller à la pêche. Je suispassée chez le traiteur avant de venir et j’ai une tonne de bons petits plats pour toi et moi, et undessert…

J’avais une autre idée, moi, pour le dessert, dit-il d’une voix rauque. Et qui te dit que je n’ai pas eu la même ?

Il se tourna vers moi, interloqué, et un sourire vint fleurir sur ses lèvres. Alors hâtons-nous de rentrer !

Nous prîmes le temps de nous arrêter quelques minutes à l’appartement et je lui donnai un coup demain à faire ses valises.

Tu peux me laisser seul quelques minutes, je voudrais… je ne sais pas prendre un moment pourmoi ou un truc de ce genre…

Je t’attends à la voiture, soufflai-je dans un baiser. Ne sois pas trop long, j’ai hâte d’être aucabanon.

Quelques minutes plus tard, il me rejoignit, détendu. Ça va ? Tu ne souffres pas ? Tu n’as pas besoin d’antidouleurs ? lui demandai-je. Non, je vais bien, je t’assure. Pour la première fois, je me sens… libre.

Il ne nous fallut qu’une petite heure pour rejoindre notre but final. Keylan et Tahys étaient passés

dans la semaine pour aérer, faire un brin de ménage, même si je soupçonnais qu’ils avaient fait bienplus que nettoyer. Je convainquis Alexian de se reposer un peu et quelques minutes plus tard ildormait. Quant à moi, j’en profitai pour laisser couler les larmes que je retenais depuis plusieursjours… larmes de joie, de soulagement, d’amour. Je mis les plats dans le réfrigérateur et m’octroyaiun long bain qui me fit énormément de bien. Il était encore tôt, environ seize heures, mais j’avaisbesoin de me retrouver près d’Alexian, j’avais besoin de lui à mes côtés, en moi… Le docteurChanfroix m’avait donné le feu vert, Alexian ne risquait rien, à part de légers maux de tête. J’avaisdemandé de l’aide aux filles pour qu’elles me choisissent quelques petites pièces en dentelle. C’étaitla première fois pour moi que j’allais enfiler une de ses fanfreluches en mousseline, mais j’avoue queles filles avaient été à la hauteur et je me sentis… sexy ! Je jetai un coup d’œil dans mon reflet et lerésultat final me plut. Le haut était composé d’une nuisette à lacets, dont le bas évasé frôlait mesfesses, le bas était un simple string minimaliste. Je fermai les yeux quelques secondes et lorsque jeles rouvris, Alexian était là derrière moi, uniquement vêtu d’un simple dessous, son regard brillantd’un feu insoutenable. Sans un mot, il s’approcha et m’embrassa la nuque d’un léger baiser.

J’ai envie de toi, murmura-t-il en saisissant mes seins à pleines mains.Je ne pus que gémir en guise de réponse, mon corps se tendant vers lui, comme si Alexian l’avait

apprivoisé. Et il devait l’être en effet. Je me frottai contre lui, nichant mes fesses contre son érectionqui tendait la toile de son boxer, levai un bras pour lui caresser la nuque pendant qu’il mordillait magorge. Alexian avait découvert le laçage qu’il se mit à dénouer, découvrant mes seins petit à petit, lespressant fortement au creux de ses paumes.

Alexian, m’étranglai-je.Il venait de se saisir de mes tétons et les triturait avec force, m’arrachant des cris, des soupirs de

désir. Je n’en peux plus. Je te veux ici, maintenant !

Je m’appuyai contre le lavabo et me cambrai vers lui. Il baissa son boxer, posa le bout de songland contre ma fente ruisselante et d’un coup ajusté, sans férir, il s’enfonça en moi en me maintenantle buste, sa main posée sur une de mes hanches. Nos regards se croisèrent par le biais du miroir etnous jouîmes ainsi, nos deux corps unis dans une étreinte sauvage, désespérée… vivante…

Plusieurs heures plus tard, nous étions allongés dans notre lit, épuisés mais heureux. Dommage que je n’y ai pas pensé, on aurait pu utiliser mon Smartphone, faire une photo et

l’envoyer aux filles. La poche de mon jean, marmonna-t-il les yeux mi-clos.

Je me saisis de son pantalon, le fouillai et en sortis… un tirage couleur… le selfie de monchallenge… moi, me déshabillant sous le regard intense d’Alexian, ses poings serrant sa chemiseimmaculée, moi, en sous-vêtements, une main sous mes cheveux, l’autre à ma bouche fixant l’objectif,mes prunelles reflétant à la fois le désir que je ressentais pour Alexian, mon trouble, ma peur…

Comment ? balbutiai-je. Je voulais un souvenir de nous, m’avoua-t-il en s’étirant. J’avais caché un appareil photo que

j’avais programmé… Je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit aussi bien… Ça me fait penser que jel’ai envoyée aux filles, pour ton défi… nous avons obtenu un délai compte tenu des circonstances etGillian nous attend tous vendredi prochain pour les résultats !

Et tandis qu’il s’endormait, je restai là, à m’extasier sur la photo et en ayant hâte d’être à la fin dela semaine.

ÉPILOGUE Le bar était exceptionnellement fermé ! Officiellement pour fêter la guérison d’Alexian et nous

permettre de nous retrouver tous les dix ; officieusement pour clôturer notre défi. Gillian avaitcommandé un repas exceptionnel auprès du traiteur et les plats nous attendaient, étalés sur lecomptoir. Pour une fois, les cinq couples étaient réunis et tout se passait bien : les garçonss’entendaient à merveille et la salle résonnait de nos rires. Nous nous étions mises d’accord pourouvrir l’enveloppe que Fred nous avait laissée lorsque nous ne serions qu’entre nous, pour ne pasque Dorian Omerry n’apprenne avoir été, ce qu’on peut appeler le dindon de la farce, même s’il avaitgagné une femme géniale grâce à ce challenge.

Je regardai subrepticement mon frère et Tahys qui n’en finissait plus de montrer sa bague defiançailles, de s’extasier sur la pierre, la monture. Keylan était aux anges, le sourire qu’il affichaitperpétuellement sur son visage allait briser le cœur des femmes qui avaient encore l’espoir del’attirer dans leurs filets quelques semaines plus tôt… Mais il était amoureux de Tahys et ça se voyaitcomme le nez au milieu de la figure.

Quant à moi, j’étais sur un nuage. Alexian avait une fois de plus changé de comportement. Exit leséducteur, bonjour l’homme romantique, et je dois dire que ce n’était pas pour me déplaire. Il mecomblait de toutes les manières possibles et j’étais amoureuse comme jamais je ne l’avais été…

Noé était aux petits soins pour Loélia, Aubin servait Gillian comme si elle était une princesse deconte de fées, seul Dorian semblait mal à l’aise lorsque Joy manifestait son amour d’une façon un peutrop directe.

Je voudrais porter un toast, énonça Alexian en se levant. Tout d’abord, merci à vous tous pouravoir organisé cette fête. Je tiens à vous dire que ça me touche énormément. Déjà parce qu’à partKeylan et maintenant Éléa, je n’ai jamais eu personne qui se soucie assez de moi pour me mettre ainsià l’honneur et de me voir accepter parmi vous est un pur bonheur. J’ai enfin l’impression d’avoirtrouvé une famille. J’en profite également pour m’excuser auprès de toi, mon pote, poursuivit-il enlevant son verre à l’attention de Keylan, pour tout ce que je t’ai fait subir ces cinq dernières années.Tu as sacrifié ton amour pour Tahys à cause de ton amitié à mon égard. Sache que je ne l’oublieraijamais et maintenant que vous êtes ensemble, j’espère du fond du cœur que vous serez heureux.

Je le serai, n’ai aucune crainte à ce sujet ! lui répondit mon frère en embrassant Tahys sous lesapplaudissements.

Et il y a également Éléa sans qui je ne serais pas là aujourd’hui.Sur ces mots, il posa sa flûte de champagne sur la table et mit un genou à terre, comme dans les

films à la télé, ce passage dont les célibataires se moquaient car ils savaient que ça ne leur arriveraitjamais. Sauf que ça m’arrivait… à moi, Éléa Rousseuve. Alexian sortit une petite boîte de l’intérieurde sa veste, prit ma main dans la sienne, et me tendit l’écrin à présent ouvert. Je peinais à respirer, jevoyais trouble et réalisai que des larmes voilaient mes pupilles.

Oui, murmurai-je avant de crier en riant… Oh oui, que je le veux !Il me passa la bague au doigt, à l’annulaire gauche. Ça y est, j’étais fiancée. Dès qu’il se releva, je

fonçai vers lui et me suspendis à son cou. Je t’aime Alexian.

Il ne me répondit pas, il n’en avait pas besoin. Il se contenta de me serrer contre lui tandis que lereste du groupe vint nous féliciter, s’extasier sur ma bague.

Si tu le désires, chuchota-t-il au creux de mon oreille, on pourra faire un mariage double. Keylanet Tahy, toi et moi…

Je rêve, murmurai-je, je suis endormie et je vais me réveiller… En parlant de fantasme…

Dès qu’il prononça ces mots, je sus avant même que ça arrive, que nous partions droit à lacatastrophe…

… je voudrais également vous remercier, les filles, pour avoir mis en œuvre ces défis à relever.Sans eux, nous ne serions pas à vos pieds aujourd’hui, alors merci ! Et que le meilleur gagne.

Un silence mortel régna soudain dans la pièce. Joy tenta de se faire toute petite mais le regardglacial de Dorian se fixa sur elle.

C’est quoi, cette histoire de pari ? aboya-t-il sèchement. Oh merde, souffla Alexian, il n’était pas au courant ?

Je fis un signe de la tête en me mordillant la lèvre. Dorian ignorait tout de notre petit jeu et Dieuseul savait comment il allait réagir. Joy prit une profonde inspiration et se lança.

–Quelques semaines avant notre rencontre, nous dinions ici dans ce bar, et nous étions frustréessexuellement. Je ne sais plus laquelle a eu l’idée de lancer ce challenge, mais nous étions toutespartantes.

Continue ! Le but de notre petit jeu était de noter sur un papier le nom du mec qui nous faisait craquer.

Ensuite, chacune de nous en piochions un au hasard pour lancer un défi à celle qui y avait noté leprénom. Puis nous avions quinze jours pour coucher avec le mec en question, tirer un selfie de lamise en scène proposée et l’envoyer aux autres pour validation.

Qu’est-ce qui était en jeu ? Dorian, je t’en prie, le supplia Joy en le voyant se lever. Réponds ! Une… une cagnotte, souffla-t-elle. De l’argent ! cracha-t-il. Tu as bâti notre couple sur du fric ! Je n’en reviens pas ! Et donc si je

comprends bien, il n’y avait aucun sentiment de ta part lorsqu’on a… baisé pour la première fois ! Dorian ! Réponds ! hurla-t-il. Eh, du calme, mec ! le tempéra Aubin en se levant. Tout ça, c’est du passé à présent. Nous

sommes heureux, nous avons des femmes merveilleuses, peu importe pourquoi elles ont fait ça, quelleen était la raison, la cause ou tout ce que tu veux…

Tu étais au courant ? demanda Dorian à Aubin avant de se tourner vers chacun de noscompagnons. Vous l’étiez tous ?

Le silence qui s’en suivit fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase. Dorian se saisit de sa veste etse précipita vers la sortie.

Dorian, où vas-tu ? Je t’en prie, laisse-moi au moins une chance de t’expliquer… Dorian, jet’aime ! s’écria Joy en larmes.

Il se retourna une dernière fois.

La confiance, l’honnêteté, ce sont les seules choses que je t’ai demandées ! De ne jamais mementir…

Il prit une profonde inspiration. Je ne peux pas vivre avec quelqu’un qui n’a aucun sens de l’intégrité. Je… je suis désolé, Joy,

mais je crois que nous deux, ça ne marchera pas…Sur ces mots, il laissa Joy complètement dévastée et quitta le bar. Alexian se tourna vers moi,

penaud. C’est de ma faute ! Je suis désolé, je n’aurais jamais dû… S’il pense ça d’elle, grondai-je, c’est qu’il ne la mérite pas ! Je dois me retenir pour ne pas lui

courir après et lui envoyer une paire de gifles. Je t’aiderai si tu veux, renchérit Tahys. Bon, ça suffit ! Il est temps pour nous de clore ce challenge, énonça Gillian en décachetant une

enveloppe. Fred a déclaré vainqueurs Éléa et Alexian… Vous le méritez tous les deux et vous pourrezainsi en profiter pour prendre quelques vacances ou garder l’argent pour votre voyage de noces !

Tu m’excuses si je ne saute pas de joie, rétorquai-je à mon amie, mais je ne peux pas me réjouiralors que Joy…

En effet, poursuivit Gillian. Cette scène était tout simplement gênante, à la fois pour eux, maisaussi pour nous.

Elle eut une petite lueur malicieuse dans son regard qui disait « revanche »… Joy, quels sont tes sentiments pour cet abruti de Dorian ? Ce n’est pas un abruti, bougonna-t-elle en essuyant ses larmes, j’aurais dû lui dire la vérité, ainsi

que vous l’avez fait avec vos compagnons, je ne peux m’en prendre qu’à moi ! D’accord, et moi, même si je confirme qu’il n’a pas été très futé sur ce coup-là, je suis prête à

parier ma main droite… Euh, l’autre, chérie, s’il te plaît, la taquina Aubin. … ma main gauche donc, corrigea Gillian en passant la langue à son homme, que lui aussi est fou

de toi ! Toi, tu as une idée derrière la tête ! marmonnai-je en levant les yeux au ciel.

Gillian me gratifia d’un clin d’œil complice et reporta son attention sur notre amie. Qu’es-tu prête à faire pour le récupérer ? Tout ! s’écria Joy en se redressant ! Alors c’est parfait ! Prête à … relever un nouveau défi ?

Nous la regardâmes tous effarés avant d’éclater de rire. Même Joy ne put s’en empêcher. J’accepte le défi ! s’esclaffa Joy.

Tandis que tous l’encourageaient, j’emmenai Alexian dans l’arrière-boutique et le gratifiai d’unbaiser langoureux. Il me repoussa doucement et me fixa longuement.

Tu crois qu’elle va y arriver ? me demanda-t-il. Joy ? Avec Gillian qui s’en mêle ? Sans aucun doute ! lui confirmai-je avant de poursuivre en

riant. Je te fais le pari que, d’ici quelques semaines, ils fileront à nouveau le parfait amour… Un nouveau pari ? Est-ce bien raisonnable ? Sans ce défi, nous ne serions pas là, dis-je avec sérieux. TU ne serais pas là… Mais je ne veux

plus penser à ça pour l’instant, je veux fêter dignement nos fiançailles… toi, moi, une bouteille dechampagne, un lit et une nuit de sexe débridé.

Un challenge ? Non, une promesse…

Nous emportâmes un magnum et quittâmes le bar en passant par la sortie de derrière. Je laissaiderrière moi mes amies, leurs compagnons, mon bar, et me surpris à sourire en réalisant qu’il portaitbien son nom, car il avait été le témoin du « Bonheur des Dames » ! Alexian me serra contre lui eteffleura ma tempe d’un doux baiser. Mon fantasme était devenu une réalité !

Couverture réalisée par Feather WenlockCrédits images : 123rf et Depositphotos

N° éditeur : 917089-36540dépôt légal : février 2016