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1
UNIVERSITE PARIS 12 VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
ANNEE 2010 N°
THESE
POUR LE DIPLOME D’ETAT
DE
DOCTEUR EN MEDECINE
ANESTHESIE-REANIMATION CHIRURGICALE
Présentée et Soutenue publiquement le 30 Septembre 2010
par
M. Christophe LEBARD
Né le 10 Décembre 1980 à Champigny sur Marne
DETECTION DE LA NECROSE MYOCARDIQUE
POSTOPERATOIRE EN CHIRURGIE VASCULAIRE
-COMPARAISON DE LA TROPONINE SENSIBLE A LA
TROPONINE STANDARD-
PRESIDENT DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA M. Pr Pierre CORIAT BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE DIRECTEUR DE THESE : M. Dr Yannick LE MANACH Signature du Cachet de la bibliothèque Président de thèse universitaire
2
A M le Professeur Pierre CORIAT
Pour l’honneur que vous me faite en acceptant la présidence de cette thèse,
veuillez recevoir l’expression de ma sincère reconnaissance et de mon profond respect.
Au Docteur Yannick LE MANACH
Pour avoir accepté de diriger cette thèse et pour l’aide qu’il m’a apporté tout au long
de ce travail, pour ses conseils et sa disponibilité.
Au Professeur Jean MANTZ
Pour avoir accepté de jugé de travail. Votre présence au sein de ce jury est un
grand honneur
Au Professeur Gilles MONTALESCOT
Pour l’honneur que vous me faites en acceptant de juger cette thèse
3
A tous mes Maitres d’Internat
Qui m’ont formé avec patience à l’Anesthésie et à la Réanimation, qu’ils
trouvent ici l’expression de ma reconnaissance et de mon respect.
Au Docteur Armelle NICOLAS ROBIN
Au Docteur Michèle BERTRAND
Au Docteur Jean Pierre GOARIN
A M le professeur Christian BRUN-BUISSON
A M le professeur Laurent BROCHARD
Au Dr Jean Michel DEVYS
Au Docteur Morgan LE GUEN
Pour son amitié, sa disponibilité, et la qualité de son enseignement….
qu’il trouve ici l’expression de mon amitié et de ma reconnaissance.
A mes parents
A Anaïs, Sève et Elena
4
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION : ................................................................................... 6
A - Définition de l’événement coronaire post-opératoire. ....................... 10
1 – De la clinique à la biologie : ............................................................................................................................. 10
2 – Les troponines : « Gold Standard ». ................................................................................................................ 12
3 - Généralisation de la règle du 99ème percentile : ............................................................................................ 13
4 – Vers une définition universelle de l’infarctus du myocarde. ........................................................................... 15
5 - Implications Epidémiologiques pour la période post-opératoire. ................................................................... 16
6 – Impact du kit de dosage sur la valeur de Troponine obtenue......................................................................... 19
B - Physiopathologie de la necrose myocardique post-opératoire ......... 21
1. Naissance d’une nouvelle entité nosographique: la nécrose myocardique postopératoire. ........................... 21
2. Physiopathologie de la nécrose myocardique postopératoire. ........................................................................ 22
3 - Chronologie de la nécrose myocardique : ....................................................................................................... 26
C – Valeur diagnostique de la Troponine .............................................. 28
1- Amélioration de sensibilité et faux positifs: ...................................................................................................... 28
Interprétation des faux positifs en médecine : .......................................................................................... 28
Interprétation des faux positifs en postopératoire : .................................................................................. 29
2 - Auto-anticorps de la troponine : limite à l’interprétation de la cinétique de la troponine. ............................ 30
D - Valeur pronostique d’une élévation de troponine post-opératoire. .. 33
E - Impacts cliniques des kits de dosage ultrasensible de troponine. .... 36
F - DETECTION DE LA NECROSE MYOCARDIQUE POSTOPERATOIRE
EN CHIRURGIE VASCULAIRE -COMPARAISON DE LA TROPONINE
ULTRASENSIBLE A LA TROPONINE STANDARD- ............................ 47
METHODES ET PATIENTS : ..................................................................................................................................... 47
5
Recueil des données démographiques : .................................................................................................... 47
Prise en charge péri-opératoire : .......................................................................................................... 48
Prélevements sanguins: ............................................................................................................................. 50
Kits de la troponine utilisés et seuils de détection : .................................................................................. 50
Critère de jugement: .................................................................................................................................. 51
RESULTATS : .......................................................................................................................................................... 51
Caractéristiques des patients: .................................................................................................................... 51
Incidence de la nécrose myocardique postopératoire : ............................................................................ 51
Répartition en trois groupes en fonction des kits de détection: ............................................................... 52
Cinétique d’élévation : ............................................................................................................................... 54
DISCUSSION : ......................................................................................................................................................... 55
CONCLUSION : .................................................................................... 59
REFERENCES: .................................................................................... 60
6
INTRODUCTION :
L'enquête SFAR-INSERM, publiée fin 2003, avait confirmé la place de l'insuffisance
coronaire aiguë dans les pathologies responsables de la morbidité postopératoire en
chirurgie non cardiaque. Les contraintes de la période opératoire déstabilisent la maladie
coronarienne chronique, exposant l'opéré prédisposé à la nécrose myocardique. En fait,
cette complication constitue un continuum de sévérité, car elle recouvre un large spectre
d'atteintes, allant de la nécrose limitée de quelques cellules myocardiques à l'infarctus
étendu, responsable d'un choc cardiogénique.
L’amélioration rapide de la prise en charge médicamenteuse, endovasculaire et
chirurgicale de la coronaropathie chronique a très largement participé à la transformation des
complications cardiaques post-opératoires. L’incidence des évènements cardiaques post-
opératoires majeurs a clairement diminuée. De fait, la morbidité cardiaque post-opératoire
est, aujourd’hui, essentiellement représentée par des nécroses myocardiques de taille
modérée, dont l’impact sur la mortalité à court terme n’est en rien comparable avec celle des
infarctus transmuraux postoperatoires décrits dans les années 70. En fait, la fréquence de
ces complications cardiaques majeures ayant largement diminuée, la mortalité d’origine
cardiaque isolée est naturellement devenue très rare en post-opératoire, y compris en
chirurgie vasculaire comme l’illustre la figure 1.
Cette modification de l’incidence des événements sévères n’est toutefois pas associée à
une diminution de l’incidence des événements cardiaques en post-opératoire. Les
modifications de définitions successives et surtout l’introduction des biomarqueurs dans le
diagnostic sont les principales causes de cette absence de diminution de l’incidence
apparente. Mais au delà des chiffres bruts, il est nécessaire de constater que les
événements cardiaques post-opératoires diagnostiqués actuellement sont globalement
moins sévères que par le passé, car ces nouvelles approches diagnostiques ont permis de
mettre en évidence des événements jusqu'alors invisibles, et donc négligés. De plus le
7
diagnostic d’événements moins sévères a permis une bien meilleure compréhension des
mécanismes physiopathologiques impliqués dans les nécroses myocardiques, et surtout de
comprendre que ces événements cardiaques étaient le plus souvent associés à d’autres
événements favorisants (hémorragie, hypoxémie, infection..). Ces concepts ont aboutit à la
notion de facteur déclenchant sur terrain prédisposé, avec la aussi un continuum
d’événements déclenchant allant du choc hémorragique majeur (susceptible d’induire une
nécrose myocardique chez un sujet sans atteinte coronaire préalable) à des stress mineurs
(déstabilisant des coronaropathies chroniques sévères).
Figure 1 : Diagramme de Venn représentant les associations de
complications post-opératoires sur une cohorte de 2012 patients opérés de
l’aorte abdominale entre 1995 et 2009. La mortalité associée à une cause
cardiaque isolée (en vert) représente 2 patients pour toute la période de
l’étude.
8
Cette notion de facteur déclenchant, qui s’applique donc sur une population totale avec
à un extrême un patient aux coronaires saines et de l’autre un patient porteur d’une
coronaropathie très avancée, suggère largement qu’une valeur de troponine (TnI) ne peut
être sortie de son contexte pour décider de la stratégie thérapeutique à court et à long terme.
La conjonction de ces éléments rend l’étude comparative de cette pathologie difficile
dans le temps, mais aussi entre les centres. Elle est ainsi source de controverses et de
mécompréhensions entre les différents intervenants de la phase péri-opératoire. L’évolution
constante des critères diagnostiques et sa physiopathologie différentielle sont les principaux
facteurs limitant l’extrapolation directe des concepts de cardiologie médicale à la phase péri-
opératoire. Finalement, la stratégie thérapeutique en cas de nécrose myocardique reste
assez peu codifiée, à ce jour. Alors qu’il s’agit d’une pathologie fréquente évaluée à 1% de
l’ensemble des opérés en France, soit plus de 50 000 événements par an (Source PMSI
2009), et qu’elle influe sur le pronostic à long terme des opérés. 1-5
Dans ce contexte, l’enjeu de ce travail de thèse est d’évaluer l’apport d’une nouvelle
génération de biomarqueur cardiaque, la troponine ultrasensible (TnIus), dans le diagnostic
de ces événements cardiaques post-opératoires. Etant plus sensible que les marqueurs
traditionnels, l’utilisation de la TnIus est susceptible de diagnostiquer encore plus
d’événements mineurs. D’autre part la cinétique de détection plus rapide de cette nouvelle
génération de biomarqueur est susceptible de mieux nous informer sur la chronologie des
événements postopératoires. Les deux objectifs de ce travail sont donc une évaluation de la
fréquence et de la cinétique des nécroses myocardiques post-opératoires diagnostiquées
par cette nouvelle génération de biomarqueurs cardiaques, ceci en la comparant à celle
obtenue avec des marqueurs classiques.
Les opérés de chirurgie vasculaire, qui constituent la population d’étude de ce travail, ne
représentent pas la population globale des opérés de chirurgie non cardiaque. L’incidence
de la nécrose myocardique observée dans cette population est particulièrement importante
(10-15%) 4, car ces patients présentent de nombreuses comorbidités et qu’il s’agit d’une
9
chirurgie considérée comme très invasive. Néanmoins, à défaut de refléter la population
globale, elle constitue un modèle pour les autres types de chirurgies, et la comparaison avec
un marqueur classique permet d’obtenir des informations plus facilement extrapolables.
10
A - DEFINITION DE L’EVENEMENT CORONAIRE POST-OPERATOIRE.
De très nombreuses études se sont intéressées à la morbidité cardiaque post-opératoire,
mais la définition de cet événement indésirable est longtemps restée variable d’une étude à l’autre.
En effet, si certaines études se limitaient à la mortalité d’origine cardiaque6 (toujours difficile à
isoler dans le contexte post-opératoire), d’autres incluaient des critères électrocardiographiques 7,8
et/ou enzymatiques 9 (augmentant de manière importante la fréquence de l’événement indésirable
étudié). Ces nuances dans la définition du critère de jugement principal sont, en grande partie,
responsables des différences observées entre certaines études 10-14. De plus, les modifications
successives de la définition de la morbidité cardiaque post-opératoire ont engendrée de
nombreuses polémiques et mécompréhensions, entre les intervenants de la phase péri-opératoire.
1 – De la clinique à la biologie :
Classiquement, le diagnostic d’événement coronaire repose sur une symptomatologie
clinique (douleurs thoraciques par exemple, mais aussi choc cardiogénique) et électrique
(modification du tracé ECG, à type de sus ou sous décalage). Ces éléments diagnostiques
fondamentaux restent capitaux dans le diagnostique des événements survenant en dehors de la
période péri-opératoire, mais il est rapidement apparu que leur stricte application, en
postopératoire, aboutissait à la non détection de nombreux événements d’origine coronaire,
probablement moins sévères, mais suffisamment fréquents et morbides pour que la question de la
définition de la morbidité cardiaque postopératoire suscite de nombreuses discussions. Les signes
classiques sont, en fait, très souvent masqués par une imprégnation postopératoire en antalgique
et par une physiopathologie différentielle. Si bien que la triade classique n’est retrouvée qu’assez
rarement en postopératoire, y compris en chirurgie vasculaire. L’utilisation du terme d’infarctus du
myocarde postopératoire est alors problématique dans la mesure où les signes observés ne
concordent pas avec les signes classiques. De plus, au-delà de la nomenclature d’un événement,
11
il est aussi apparu que le pronostic, les mécanismes physiopathologiques et donc les traitements
n’étaient pas forcément superposables en tous points, bien qu’ils s’agissent de pathologies très
proches.
Le premier mouvement vers une homogénéisation des définitions fut l’introduction des
marqueurs biologiques cardio-spécifiques (les créatinines phosphokinases, puis les troponines).
Ces marqueurs ont permis de diagnostiquer des événements cardiaques jusqu'alors invisibles, car
sans traduction clinique ou électrique15. L’utilisation progressive de ces biomarqueurs cardiaques
durant la période postopératoire a amené à la description d’un groupe de patients, pouvant
représenter jusqu'à 20% des opérés dans certaines chirurgies et présentant un pronostic à long
terme moins bon que les patients ne présentant pas d’élévation de ces biomarqueurs.
Plusieurs biomarqueurs (myoglobine, la CK-MB, la myelopéroxydase, la « heart fatty-
binding protein » et les troponines) ont successivement fait l’objet d’évaluation en postopératoire.
Durant la phase péri-opératoire, la cardiospécificité de la fraction I de la troponine cardiaque 16-18
est particulièrement intéressante car les autres biomarqueurs couramment dosés (myoglobine,
CK-MB) s’élèvent facilement en cas de rhabdomyolyses post-opératoires 19 et sont susceptibles de
générer de nombreux faux positifs. En effet, dans certaines chirurgies majeures (donc
pourvoyeuses d’événements cardiaques postopératoire) la fréquence des rhabdomyolyses
biologiques, indépendamment de tout événement cardiaque dépasse 10%.19
12
2 – Les troponines : « Gold Standard ».
La cardiospécificité, et la facilité de dosage ont rapidement permis à la TnI de s’imposer
comme biomarqueur de référence pour le diagnostique de la nécrose myocardique. Dès 1999, les
sociétés professionnelles recommandent son utilisation comme biomarqueur principal de
l’évaluation des patients suspectés d’infarctus du myocarde20-22. Les caractéristiques de la période
péri-opératoire, et en particulier les interférences potentielles avec les rhabdomyolyses , limitent
l’utilisation des bio-marqueurs cardiaques au dosage quasi-exclusif de la fraction I de la troponine
Cardiaque (TnI) 23.
Figure 2 : Structure de la troponine
Le diagnostic d’insuffisance coronaire postopératoire a donc été grandement facilité par
l’introduction de ces tests biologiques23. Mais, à défaut d’homogénéiser le diagnostic de morbidité
cardiaque postopératoire, les marqueurs biologiques ont au contraire introduit encore plus de
diversité dans la définition. En effet, la valeur au-delà de laquelle le diagnostic de morbidité
cardiaque postopératoire était retenu a fait l’objet de nombreuses controverses. Dans le cas de la
TnI, un seuil à 1,5 ng/mL est souvent retrouvé, en particulier dans les publications en rapport avec
la période post-opératoire24-26. Mais d’autres seuils sont aussi fréquemment retrouvés : 3,1
ng/mL8,23 ; 2,0 ng/mL27 ; 0,5 ng/mL4,25; 0,2 ng/mL4. En fait, cette diversité reflète essentiellement
13
l’évolution des kits de dosage de la TnI au cours du temps. En effet, au milieu des années 1990, le
seuil de détection des kits de dosage de la TnI cardiaque était à 1,5 ng/mL et le 95eme percentile
des valeurs était à 3,1 ng/mL23,28. Le seuil de détection est ensuite progressivement descendu
d’année en année avec les améliorations de la sensibilité des nouveaux kits et en 2009 la plupart
des kits ont un seuil de détection compris entre 0,04 et 0,20 ng/mL.
En 1994, Adams et al. démontrent l’utilité de la cTnI pour la période post-opératoire23, à
cette époque le seuil de 1,5 ng/ml parait logique (c’était le seuil de détection du kit utilisé dans
l’étude), l’utilisation de ces seuils élevés avec des kits plus sensibles ne repose, par contre, sur
aucun argument scientifique. D’autant plus qu’il existe une variabilité importante des mesures d’un
même échantillon de sang d’un kit à l’autre. Ainsi un même échantillon de sang mesuré à 1,8
ng/mL, pourra être à 1,1 ng/ml (ou 2,5 ng/mL) avec un kit d’une autre marque.
Finalement, en admettant que deux études utilisent le même bio-marqueur et le même seuil
diagnostique commun, le critère de jugement ainsi défini ne sera pas équivalent à partir du
moment où les études n’utilisent pas le même kit de dosage. Et ces études pourtant très proches
ne seront pas comparables de manière correcte.
3 - Généralisation de la règle du 99ème percentile :
Le problème de la définition de la morbidité cardiaque post-opératoire n’a en fait été résolu
que récemment. L’amélioration de la qualité des kits de dosage des bio-marqueurs d’une part et la
reconnaissance de l’intérêt de leurs dosages durant la phase post-opératoire d’autre part a permis
de définir la nécrose myocardique post-opératoire. Cette définition utilisée dans les publications de
recherche clinique et épidémiologique, reposent sur un article publié à la fin de l’année 2003. Ce
texte rapporte les principaux éléments issus d’une conférence d’experts réunis dans le cadre de
l’American Heart Association (AHA) et de l’American College of Cardiology (ACC)29. La nécrose
myocardique y est définie par la présence d’un bio-marqueur myocardique positif et/ou d’un
14
diagnostic électrocardiographique. Le diagnostic électrocardiographique positif repose sur la
présence de modifications du tracé de base ou la présence de figures pathologiques usuelles (sus
décalage du segment ST, Ondes Q de nécrose…).
La positivité d’un bio-marqueur myocardique est définie par au moins un dosage excédant
la valeur du 99eme percentile de sa distribution dans une population saine;30 ou par la plus petite
valeur pour laquelle une variation de plus de 10 % est observée par le laboratoire. Ce point précis
résout le problème des seuils diagnostiques différents utilisés d’une étude à l’autre. En effet, avec
cette définition, toute valeur anormale de TnI est une nécrose myocardique post-opératoire. La
normalité étant définie à partir d’une population saine, selon la règle du 99ème percentile, les
résultats sont donc comparables d’un kit de dosage à l’autre. Le diagnostic d’anormalité d’un
même bio marqueur cardiaque est ainsi comparable d’un kit de dosage à l’autre, même si en
valeur absolue ils ne le sont pas forcément. La nécrose myocardique post-opératoire ainsi définie
est donc une entité nosographique dont le diagnostic est comparable d’une étude à l’autre, ce qui
n’est pas le cas de l’infarctus du myocarde post-opératoire définie par un seuil plus élevé de bio
marqueur. Cette nouvelle définition de la nécrose myocardique ne présage pas du mécanisme
lésionnel impliqué mais uniquement des dommages myocardiques en terme de perte cellulaire. Il
s’agit donc d’une nouvelle entité nosographique regroupant une grande variété de lésions de taille
différente, et de mécanismes physiopathologiques différents. Ainsi une nécrose myocardique peut
survenir en dehors de toute coronaropathie (anémie profonde sur coronaires saines, par exemple).
Ce dernier point pose le problème de la conduite à tenir face à l’observation d’une élévation de TnI
post-opératoire. En effet, si la destruction cellulaire est affirmée par le marqueur biologique, le
mécanisme nécessite une démarche diagnostique afin d’entreprendre le traitement adapté à la
situation.
Cette dichotomisation du bio-marqueur a permis l’uniformisation du diagnostic, elle ne doit
toutefois pas faire négliger, dans la pratique clinique, la valeur pronostique de la valeur absolue de
la TnI (pour un même kit de dosage) démontrée en condition médicale 31 et chirurgicale cardiaque
ou non4,26.
15
4 – Vers une définition universelle de l’infarctus du myocarde.
La définition de la nécrose myocardique est donc exclusivement biologique et requiert une
démarche diagnostique pour mettre en place le traitement adapté. Dans le cas de la
coronaropathie liée à des lésions coronaires, cette démarche a été formalisée par l’établissement
d’une définition universelle de l’infarctus du myocarde. Cette définition inclus l’anormalité d’un
biomarqueur (c'est-à-dire une nécrose myocardique) et la présence d’un signe supplémentaire
évocateur d’ischémie coronaire (table 1) Durant la phase post-opératoire, les douleurs
thoraciques sont rares, et le plus souvent associées à des thromboses de gros troncs coronaires.
Les anomalies électriques sont beaucoup plus fréquentes que les signes cliniques, mais ne sont
pas toujours retrouvées lors d’une élévation de TnI. Les investigations fonctionnelles restent
difficilement réalisables durant la phase post-opératoire immédiate, mais lorsqu’elles sont réalisées
dans le cadre de protocoles de recherche clinique, elles retrouvent le plus souvent des anomalies
en cas d’élévation de TnI associé ou non à des modifications ECG.
En pratique, le diagnostic d’infarctus du myocarde est le plus souvent incomplet au moment
où l’élévation de la TnI post-opératoire est observée. Il convient donc d’utiliser le terme de nécrose
myocardique dans ces conditions, et de n’utiliser le terme d’infarctus du myocarde qu’en cas de
confirmation par imagerie. Chaque patient présentant une nécrose myocardique post-opératoire
devrait donc bénéficier d’une imagerie, afin de déterminer si la nécrose myocardique est associée
à une destruction cellulaire individualisable entrant dans le cadre nosographique de l’infarctus du
myocarde. Cette solution est peu compatible avec une pratique quotidienne, et il semble
raisonnable de considérer qu’une nécrose myocardique justifie d’une prise en charge similaire à
celle d’un infarctus du myocarde, à partir du moment où aucun facteur déclenchant majeur n’est
mis en évidence (anémie profonde par exemple). En effet, on peut concevoir que plus le facteur
déclenchant est faible et plus la coronaropathie sous jacente sera sévère.
16
Table 1 : Définition Universelle de l’infarctus du myocarde
L’infarctus du myocarde est défini par la présence de :
1 - Elévation de troponine Ic au-delà du 99ème percentile
2 Associée à un des critères suivants :
- Symptômes cliniques d’ischémie
- Modifications électrocardiographiques
- Mise en évidence d’une perte de viabilité myocardique (
echocardiographie, scintigraphie, imagerie par résonnance
magnétique)
5 - Implications Epidémiologiques pour la période post-opératoire.
Les premières études qui ont recherché une corrélation entre le taux de cTnI post
opératoire et la gravité des complications cardiaques post opératoire, retenaient une valeur seuil
de 1,5 ng/ml comme témoin de la constitution d’une nécrose myocardique ayant un impact
significatif sur la morbidité ou la mortalité post opératoire à court terme 24,26. L’incidence de cet
événement étant peu différente de l’incidence de l’infarctus du myocarde tel que défini par les
critères révisés du WHO32, le seuil fut donc accepté sans redéfinition de la fréquence. Par
extension, un dosage de cTnI post-opératoire supérieur à 1,5 ng/ml était considéré comme un
infarctus du myocarde post-opératoire, indépendamment de la présence de signes cliniques ou
électriques. Cependant, des différences épidémiologiques sont rapidement apparues entre les
deux entités ainsi définies: la chronologie s’est en effet avérée différente4,33, expliquée en partie
par la cinétique des bio-marqueurs, mais aussi par le fait que certains événements anciennement
non identifiés étaient inclus27.
17
L’introduction du concept de nécrose myocardique post opératoire (élévations
enzymatiques associées ou non à d’autres signes) prend donc en compte des lésions d’étendue
limitée non détectés par le passé. Cela doit nous conduire à une redéfinition de la prévalence de la
nécrose myocardique post opératoire. Une étude portant sur 1200 opérés de chirurgie aortique
abdominale retrouve une nécrose myocardique post-opératoire chez 14,3 % de la population 4,25,
alors que seulement 4,3 % des patients présentaient un infarctus du myocarde selon l’ancienne
définition 4. Dans l’article de Kim et al.26, le même changement de définition augmente la
prévalence de la nécrose myocardique de 12.3 % (28/229 patients) à 42,8 % (98/229 patients)
dans une population de patients également opérés de chirurgie vasculaire. Au vu de ces donnés
provenant de deux équipes différentes, on peut estimer que la prévalence des nécroses
myocardiques post-opératoires diagnostiquée par la TnI (définition ACC/AHA 2003) est
approximativement le triple de celle des infarctus du myocarde post-opératoire (définition WHO).
L’utilisation de cette nouvelle définition29, nous amène bien à considérer des nécroses
myocardiques de faibles étendues antérieurement négligées dans les études. Les conséquences
épidémiologiques doivent être prises en compte lors de la comparaison des publications.
Cette première approche néglige l’évolution des kits de dosages de la TnI, or Landesberg
et al. 2 fut le premier à montrer que l’incidence de la nécrose du myocarde post opératoire
augmente avec la diminution du seuil fixé par le kit de détection. Ainsi, dans une cohorte de 447
patients opérés d’une chirurgie non cardiaque l’incidence de la nécrose myocardique passe de
4,2% (TnIc >3,1ng/ml) à 23,9% (TnIc >0,6ng/ml). Cette observation a été confirmé de nombreuses
fois depuis comme par exemple dans une étude portant sur 1150 opérés d’une chirurgie aortique 4
qui retrouve une élévation de la TnI au delà de 0,2 ng/mL chez 17% de la population, alors qu’elle
ne s’élève au dessus de 1,5ng/mL que dans 5% des cas. Par conséquent, l’incidence de la NMPO
est devenue un paramètre qui évolue en fonction de la sensibilité croissante des kits de détection.
Plus la trousse de mesure utilisée est sensible plus l’incidence de la nécrose myocardique est
élevée. Une des questions posées dans ce travail de thèse est donc de savoir dans quelle mesure
18
l’introduction d’une nouvelle génération de kits de dosages ultrasensibles va modifier les donnés
épidémiologiques de base concernant la nécrose myocardique post opératoire.
L’évolution des définitions et des kits de dosages ne sont pas les seules limites à
l’évaluation de l’incidence de la morbidité cardio-vasculaire post-opératoire. En effet, l’introduction
de nouveaux traitements et de nouvelles stratégies de soins a aussi largement modifié l’incidence
de ces complications, comme l’illustre l’évolution de l’incidence des nécroses myocardiques
(définition des seuils standardisés sur la période de l’étude) chez des patients opérés de l’aorte au
cours d’une période de 14 ans, qui montre une réduction de plus de 50% des nécroses
myocardiques. (Figure 3)
Figure 3 : Incidences des NMPO et de la Mortalité postopératoire de 1996 à
2009. NMPO si cTnI > 0,5ng/L. (L’incidence de la nécrose myocardique
postopératoire a diminué de plus de 50% en 14 ans (p< 0,0001). Une nette
diminution de cet évènement suivait l’application des recommandations sur
l’évaluation cardiaque préopératoire publiée fin 1999-début 2000.
19
6 – Impact du kit de dosage sur la valeur de Troponine obtenue.
Les progrès continus de la performance analytique des kits de détection de la TnI 34-
41, rapidement suivis par la diminution des seuils diagnostiques 42,43 en gardant une haute
spécificité cardiaque (par construction), pose la question de l’interprétation des résultats
obtenus par les différents kits. La règle du 99ème percentile permet de régler le problème de
l’interprétation d’une valeur de biomarqueur et plus particulièrement celles de TnI
(classiques ou ultrasensibles), mais elle ne règle pas le problème de la multiplicité des kits
de dosages et de leurs résultats différents. Cette variabilité de la quantification des
concentrations plasmatiques de TnI a été mise en évidence a plusieurs reprise. La table 2
dresse un inventaire non exhaustif des différents kits de dosage de la TnI classique
disponible sur le marché et recensé par Panteghini et al. en 2004 44.
Table 2 : Kits de dosage de la Troponine I (liste non exhaustive)44
.
20
Dans une étude analytique, Panteghini et al. 44 ont comparé les résultats de ces
différents kits sur des échantillons de plasma ayant des concentrations croissantes de TnI.
La table 3 décrit la variabilité des résultats obtenus en fonction du kit utilisé. Ainsi, pour un
même échantillon on observe des variations de valeurs absolues de concentrations
plasmatiques de TnI extrêmement importantes (> 500%). Cette observation limite
grandement toute tentative de standardisation des stratégies de soins en fonction d’une
valeur absolue de TnI (autre que le 99ème percentile de chaque kit). De plus, la
comparabilité des études réalisées à une même période mais avec des kits différents
semble alors encore plus difficile, sans parler d’étude réalisées à des périodes différentes
avec des kits différents. Ainsi, la règle du 99ème percentile est un apport indéniable pour
l’interprétation des résultats de TnI. Mais ce n’est qu’au prix d’une dichotomisation de cette
variable (et donc une perte substantielles d’information) que cette règle permet une
comparaison des études entres elles.
Bayer Beckman Dade Behring
Pool Abbott AxSYM
ACS:180 Centaur Immuno 1 Access Access 2 BioMerieux
Vidas
Byk-Sangtec Liaison
Dimension RxL
Stratus CS
Opus
A <0,3 0,085 0,182 <0,05 0,052 0,051 <0,1 0,019 <0,04 0,047 <0,1
B 0,785 0,151 0,301 <0,05 0,164 0,163 0,14 0,036 0,131 0,212 0,309
C 0,948 0,198 0,368 0,107 0,166 0,165 0,204 0,052 0,149 0,21 0,313
D 1,708 0,383 0,608 0,242 0,293 0,295 0,521 0,076 0,293 0,393 0,538
E 2,088 0,462 0,713 0,37 0,422 0,418 0,742 0,097 0,457 0,614 0,706
G 3,72 1,164 1,558 0,691 0,761 0,747 0,956 0,145 0,788 0,956 1,16
H 8,08 2,673 3,512 1,299 1,793 1,709 1,862 0,36 2,328 2,715 2,784
Table 3 : Mesures de TnI (µg/L) obtenues pour chacun des kits de détection
(colonnes), testés sur des échantillons plasmatiques ayant des
concentrations croissantes de TnI (lignes répertoriées de A à H). D’après
une étude de Panteghini 44Les valeurs absolues obtenues sont très variables
d’un kit à l’autre pour un même échantillon. L’écart est plus important sur les
pools ayant de fortes concentrations de TnI.
21
B - PHYSIOPATHOLOGIE DE LA NECROSE MYOCARDIQUE POST-OPERATOIRE
1. Naissance d’une nouvelle entité nosographique: la nécrose
myocardique postopératoire.
Le dosage plasmatique de la TnI, permet de disposer d’un marqueur hautement
spécifique16-18. Sa positivité définie la nécrose myocardique. Lorsque cette nécrose myocardique
est associée à des signes ischémiques, on parle d’infarctus du myocarde.21 Ce cadre
nosographique sous entend qu’une nécrose myocardique même importante (valeurs absolues très
élevées) peut ne pas être un infarctus du myocarde.
La nécrose myocardique définie par des élévations de biomarqueurs est donc une entité
nosographique floue, amenée à évoluer avec les progrès du dosage des biomarqueurs. Aucune
notion étiologique n’est, ou ne devrait, être contenue dans ce terme puisqu’il ne repose que sur un
dosage biologique. Par contre, son observation doit faire rechercher les mécanismes sous jacents,
car certains de ces mécanismes peuvent bénéficier de thérapeutique particulièrement efficace
(thrombose coronaires et angioplastie per cutanée par exemple). En post-opératoire, la majorité
des nécroses myocardiques sont associées à des nécroses d’étendues limitées4 ne reflétant pas
toujours une atteinte de la macrocirculation mais plutôt des atteintes de la microcirculation, entrant
dans le cadre général de la dysfonction endothéliale. Ces lésions ischémiques minimes ne sont
pas généralement systématisées aux territoires coronariens, bien que leur distributions dans le
myocarde soient souvent orientées par les sténoses coronaires préexistantes (données cliniques
obtenues en IRM post-opératoires non publiées)
L’introduction de biomarqueurs cardiaques ultrasensibles étend cette entité nosographique
à des atteintes mineures, dont la prise en charge reste à déterminer. Néanmoins, le raisonnement
médical n’est finalement que peu modifié, car la survenue d’une nécrose myocardique au décours
d’une période opératoire ne peut être que le témoin d’une mise en faillite des mécanismes de
compensation.
22
2. Physiopathologie de la nécrose myocardique postopératoire.
Durant la phase post-opératoire, on estime que la plupart des nécroses myocardiques
survenant après une chirurgie non cardiaque sont d’origine ischémique, même si les signes
cliniques caractérisant l’infarctus du myocarde ne sont pas toujours retrouvés. Ainsi, la conception
physiopathologique moderne de la nécrose myocardique post-opératoire repose sur une
association non exclusive d’un ou plusieurs mécanismes aboutissant à une mort cellulaire. Ces
mécanismes initialement décrit par Braunwald 45 sont :
THROMBOSE CORONAIRE :
La constitution d’un thrombus sur une plaque préexistante est un mécanisme
directement impliqué dans la forme classique d’infarctus du myocarde avec sus-
décalage du segment ST. Il apparaît comme fréquent dans des conditions
médicales, alors que sa description durant la période post-opératoire est rare,
même si elle reste toujours grave. L’évaluation de l’incidence des événements rares
est méthodologiquement complexe, mais les estimations les plus pessimistes ne
retrouvent pas plus de 0.5% d’événement en post-opératoire de chirurgie vasculaire
majeure. Mais, si les thromboses des gros troncs épicardiques sont rares, les
thromboses de la microcirculation sont beaucoup plus fréquentes et sont à
rapprocher des mécanismes de la dysfonction endothéliale. Les manifestations
clinico-biologiques des thromboses coronaires sont schématisées sur la figure 4.
23
STENOSE CORONAIRE
L’obstruction mécanique progressive fixe représente les sténoses du réseau
coronaire natif (plaque d’athérome) mais aussi les re-sténoses intra-stent, qui
constituent un problème clinique fréquent.
Figure 4 : Différentes localisations possibles des thromboses coronaires et manifestations
électriques, biologiques et radiographiques. Les localisations 1 et 2 correspondent à des
mécanismes symptomatiques (données cliniques et l’électrocardiographiques). La localisation
3 n’est détectée que par la TnI et les autres biomarqueurs cardiaques (créatine kinase MB,
myoglobine….) La détection des nécroses myocardiques minimes dépend de la sensibilité du
kit de dosage de la TnI. La localisation 4 est asymptomatique si la collatérale est la seule à
être lésée.
24
DYSFONCTION ENDOTHELIALE
Ce mécanisme physiopathologique ubiquitaire est impliqué dans de très
nombreuses pathologies vasculaires46. Il regroupe une composante inflammatoire et
une composante spastique. L’obstruction dynamique d’un vaisseau coronaire est
assimilable à une vasoconstriction coronaire ou spasme coronaire. Dans sa forme la
plus intense, cette vasoconstriction est rencontrée au cours de l’angor de
Printzmetal, événement rare car survenant sur des terrains particuliers. Mais des
formes moins caricaturales très fréquentes intéressant les micro-vaisseaux
coronaires sont maintenant bien décrites comme le montre la figure 5
L’inflammation participe à l’instabilité de la plaque athéromateuse en fragilisant la
chape fibreuse, induit un état d’hypercoagulabilité, et diminue la production locale
de NO limitant l’effet vasodilatateur débit dépendant 47,48 caractérisant ainsi la
composante spastique de la dysfonction endothéliale. Le dépistage pré-opératoire9
et d’ajustement thérapeutique péri-opératoire49 sont des axes de recherche actuels.
L’efficacité péri-opératoire des thérapeutiques agissant sur la dysfonction
endothéliale (statines en particulier) sont le témoin de l’importance de ce
mécanisme dans les nécroses myocardiques post-opératoire.
25
Figure 5 : Schématisation des mécanismes physiopathologiques impliquées dans la
dysfonction endothéliale post-opératoire49
DESEQUILIBRE APPORT/BESOIN :
Le déséquilibre entre les apports et les besoins en oxygène cardiaque. Bien que le
plus souvent intriqué dans les mécanismes précédents, peut dans certains cas être
à l’origine de nécrose de manière isolée (anémie profonde sur réseau coronaire
sain). En post-opératoire, il s’agit du facteur déclenchant le plus fréquent. La relation
entre les niveaux d’hémoglobine et la nécrose myocardique est largement
conditionnée par la présence de lésion coronaire et/ou de dysfonction endothéliale,
mais aussi par l’hémoglobinémie pré-opératoire des patients, si bien qu’un seuil
26
global valide pour tous les coronariens semble difficilement concevable, même si le
coté pragmatique de tel seuil n’est probablement pas à négliger.
La nécrose myocardique postopératoire est donc la conséquence, d’un ou de plusieurs de
ces mécanismes, eux-mêmes largement favorisés par les contraintes hémodynamiques 50
(variations tensionnelles, hypotensions artérielles répétées) et métaboliques 51,52 (tachycardie,
anémie, hypoxie…) de la période postopératoire.
3 - CHRONOLOGIE DE LA NECROSE MYOCARDIQUE :
Selon le mécanisme pathologique responsable, la cinétique d’élévation de la TnI sera
différente. Une étude prospective réalisée chez 1100 patients opérés de chirurgie aortique 4, a
permis de distinguer trois profils de nécrose myocardique. (Figure 6)
Le premier profil, (14% des cas) correspond à une nécrose myocardique précoce et
survient principalement entre la 6ème et la 48ème heure postopératoire. La rapidité d’installation
ainsi que les valeurs rapidement élevées de la TnI peuvent être expliquées par la constitution
d’une thrombose aigue le plus souvent sur une sténose pré-existante 15,53.
Le deuxième profil, (21% des cas) représente des nécroses du myocarde plus tardives,
précédées par des valeurs modérément anormales de TnI (entre 0,2 ng/ml et 1 ng/ml).
Dans le troisième profil, (64% des cas) l’élévation de la TnI s’étale sur les 4 jours
postopératoires. La libération de la TnI s’intègre ici dans le continuum de la souffrance
myocardique et est expliquée par des épisodes d’ischémies.
27
0 6 1 2 1 8 2 4 3 0 3 6 4 2 4 8 5 4 6 0 6 6 7 2 7 8 8 40
20
40
60
12
4
6
Heures po sto péra to ires
TROPONINE (µg/ml)
Figure 6 : Evolution des dosages de TnI dans les trois types de nécrose
myocardique post opératoire identifiées d’après le profil biologique du dommage
myocardique post opératoire
1 Nécrose inaugurale, sans prodrome biologique 2 Nécroses myocardiques
tardives précédées par des lésions de dommage myocardique 3 Dommage
myocardique n’aboutissant pas à de la nécrose myocardique
Figure 7 : Pourcentage de conversion aux seuils d’anormalité pour cTnI en fonction des
heures postopératoires dans trois profils physiopathologiques différents. 1: Nécrose
myocardique tardive précédée par des lésions de dommage myocardique 2: Nécrose
myocardique inaugurale, sans prodrome biologique 3: Dommage myocardique
TROPONINE (µg/L)
28
C – VALEUR DIAGNOSTIQUE DE LA TROPONINE
Les progrès techniques réalisés sur les kits de dosages de la TnI ont permis une diminution
progressive des seuils de détection. Les seuils de détection utilisés actuellement correspondent à
des nécroses myocardiques minimes, dont l’impact clinique n’est pas toujours claire et dont le
mécanisme sous jacent n’est pas toujours expliqué par une insuffisance coronaire au sens
classique du terme. La valeur diagnostique des kits de dosage représente la capacité à mettre en
évidence un processus d’origine coronarien lié à la pathologie athérosclérotique. Par faux positifs,
on entend les élévations de TnI qui ne sont pas associées à une pathologie coronarienne
classique. Ce terme de faux positifs peut donc être considéré comme impropre, car
indépendamment du mécanisme la TnI n’est qu’un marqueur de nécrose myocardique, et ne signe
pas son origine ischémique. Néanmoins, les évaluations de la valeur diagnostique repose sur ce
concept.
1- Amélioration de sensibilité et faux positifs:
INTERPRETATION DES FAUX POSITIFS EN MEDECINE :
La détection d’une nécrose myocardique n’équivaut pas à un infarctus du myocarde. La définition
universelle de l’infarctus du myocarde le confirme bien en incluant un faisceau d’argument en
faveur d’un mécanisme ischémique pour caractériser l’infarctus du myocarde. Dans une étude
récente de Keller et al., il est retrouvé une meilleure sensibilité des kits les plus récent pour le
diagnostic d’infarctus du myocarde chez des patients se présentant aux urgences avec une
douleur thoracique 54,55. Cependant cette augmentation de la sensibilité s’accompagne
indéniablement d’une diminution de la spécificité. Cette approche, antérieure à la diffusion de la
définition de l’infarctus du myocarde, confirme la difficulté nosographique rencontrée sur les
formes mineures de syndrome coronarien aigu. En pratique lors d’une douleur thoracique typique,
29
la présence d’une nécrose myocardique est un argument supplémentaire pour le diagnostic
d’infarctus du myocarde, mais ne constitue pas un élément pathognomonique dans la mesure ou
plusieurs affections non coronariennes peuvent être associées à une nécrose myocardique
(Embolie pulmonaire, dissection aortique, pneumopathie infectieuse…). En dehors du contexte
clinique de douleurs thoraciques, qui permet déjà une orientation diagnostique, les nécroses
myocardiques peuvent être associées à d’autres pathologies que l’infarctus du myocarde.
Cette diminution de la spécificité de la TnI pour l’infarctus du myocarde peut être considérée
comme un facteur limitant dans la démarche diagnostique de l’infarctus du myocarde. 43 Ainsi dans
un éditorial de Hollander 56 souligne bien que la diminution de la spécificité est un prix à payer
dans l’obtention d’une meilleure sensibilité. En effet le diagnostic précoce suivi d’une prise en
charge thérapeutique immédiate prime sur les contraintes logistiques d’hospitaliser à tord les
patients n’ayant pas d’infarctus du myocarde.
Mais si la spécificité de la TnI pour l’infarctus du myocarde décroit avec la diminution des seuils de
détection, il est nécessaire de préciser que la TnI n’est qu’un test diagnostique de la nécrose
myocardique, c'est-à-dire une destruction du tissu myocardique sans présager du mécanisme
étiologique. Dans ce cadre, la spécificité de la TnI pour la nécrose myocardique (et non pour
l’infarctus du myocarde) reste de 99% par construction. En utilisant un test pour le diagnostique
d’une pathologie qui ne représente que le sous ensemble le plus grave des pathologies détectées,
l’amélioration des performances de détection des tests ne peut aboutir qu’a une réduction de la
spécificité apparente.
INTERPRETATION DES FAUX POSITIFS EN POSTOPERATOIRE :
En périopératoire de chirurgie non cardiaque, l’observation d’une nécrose myocardique est
le reflet d’un dépassement des mécanismes de régulation du flux coronaire induit par les
événements péri opératoires. Les critères diagnostiques d’infarctus du myocarde n’étant que
rarement retrouvés dans ces conditions particulières, la spécificité apparente de la TnI est
30
mauvaise pour le diagnostique d’infarctus du myocarde. Néanmoins, la nécrose myocardique post-
opératoire est le plus souvent le témoin d’une insuffisance coronaire chronique d’origine
athéromateuse, d’autant plus sévère que le facteur déclenchant est faible.4
Une nécrose myocardique n’est jamais anodine en post-opératoire, car elle est le plus
souvent le marqueur d’un syndrome coronaire aigu ou d’une pathologie intercurrente.
Indépendamment de tout concept de faux positif, l’observation d’une nécrose myocardique impose
une enquête étiologique, qui même si elle n’aboutit que rarement sur une angioplastie en urgence,
permettra l’ajustement des conditions d’équilibre et/ou le diagnostique d’une autre pathologie
relevant d’une prise en charge spécifique (Embolie pulmonaire par exemple).
2 - Auto-anticorps de la troponine : limite à l’interprétation de la cinétique
de la troponine.
L’émergence des kits sensibles et la détection de la TnI aux concentrations basses se sont
accompagnées de la mise en évidence de nouvelles sources d’interférences. 57,58 38. Parmi ces
interférences, la plus importante semble être la présence d’auto-anticorps anti-TnI. La présence
dans le plasma ces d’auto-anticorps dirigés apparait comme fréquente, entre 3 et 6% de la
population générale. Ces anticorps sont communément retrouvés dans une population de sujets
sains et chez les patients hospitalisés59-61. Les mécanismes d’apparition et de persistance de ces
auto-anticorps reste mal décrits, mais il semblerait qu’une réaction auto-immune soit déclenchée
au décours nécrose myocardique, indépendamment de son étiologie.
La portion C terminale stable du fragment moyen de la TnI (acides aminés 30-110) est la
principale cible des kits diagnostiques actuellement commercialisés 62. Cependant, elle est aussi la
région la plus affectée par la fixation réversible de ces auto-anticorps 60. De fait, les auto-anticorps
par leur fixation, interfèrent par un mécanisme compétitif avec les kits de mesure de la TnI dans la
détection des nécroses myocardiques mineures et empêchent la reconnaissance de la TnI libérée
lors d’un syndrome coronarien aigu.
31
Ceci constitue un biais important induisant des faux négatifs, dont la fréquence reste
difficile à évaluer. Une des conséquences en est la limitation et le retard dans la détection des
concentrations basses de la TnI lors d’un évènement coronaire 60. Pour éviter ces biais de mesure,
il existe des kits de détection dont le site de reconnaissance est distinct du site cible de ces auto-
anticorps 63.
D’autre part, la présence d’auto-anticorps pourrait avoir un impact clinique important, en
entrainant une confusion dans le diagnostic d’une nécrose myocardique postopératoire chez ces
patients ayant déjà souffert d’un syndrome coronarien aigu. Une étude prospective récente 64 s’est
intéressée à mesurer l’incidence de la TnI circulante et de ses auto-anticorps au cours d’une
période d’un an, chez 81 patients ayant souffert d’un syndrome coronarien aigu. 4
Parmi les patients ayant des taux circulants de TnI positifs aux 4 prélèvements (N=67),
21% d’entre eux (N=14) avaient également des auto-anticorps dans leur plasma. Dans ce groupe,
64% d’entre eux avait déjà des taux circulants d’auto-anticorps avant le syndrome coronarien aigu
(premier prélèvement à J0 positif) alors que les autres, 36% ont vu apparaitre ces auto-anticorps
au décours du pic d’élévation de la TnI (prélèvement négatif à J0).
32
TnI I (µg/L)
Group A (cTnI+/cTnAAb-) Group B (cTnI+/cTnAAb+)
N=53 N=14
Admission 1.022 (0.263-2.406) 4.842 (0.719-6.636)*
1ère semaine 0.049 (0.015-0.129) 1.179 (0.385-2.886)*
3 mois 0.005 (0.005-0.006) 0.011 (0.005-0.019)*
12 mois 0.005 (0.005-0.007) 0.008 (0.005-0.016)*
* Significant difference (P<0.05) vs group A
Table 4 : D’après l’étude de Petterson 64
. Concentration plasmatique de la TnI au cours de
l’année suivant un infarctus du myocarde dans deux groupes de patients.A : avec auto-anticorps
de la TnI circulant B : sans auto-anticorps. cTnAAb- : autoanticorps de la TnI de type Ig
G cTnI : isogroupe I de la troponine cardiaque. Les patients ayant des concentrations
circulantes de cTnAAb+ avaient des concentrations plasmatiques de TnI significativement plus
élevés que les patients cTnAAb-.
Les patients ayant des concentrations circulantes de cTnAAb+ avaient des concentrations
plasmatiques de TnI significativement plus élevées que les patients cTnAAb- (table 4). De plus
une libération de TnI 30 fois supérieure au prélèvement réalisé à une semaine avait été retrouvé
chez les patients ayant déjà des cTnAAb par rapport aux patients cTnAAb- ce qui suggère que les
anticorps dirigés contre la TnI accélèrent la libération de cTnI et affecte la taille de la nécrose.
Les anticorps dirigés contre la TnI contribuent une source d’interférence dans le diagnostic
de la nécrose myocardique en faisant croire à tord à un processus pathologique aigu
correspondant à une récidive de syndrome coronarien 64.
33
D - VALEUR PRONOSTIQUE D’UNE ELEVATION DE TROPONINE POST-OPERATOIRE.
La TnI est donc un biomarqueur sensible et spécifique, permettant de détecter des
destructions cellulaires myocardiques mineures 65. Plusieurs études réalisées chez des patients
souffrant d’un syndrome coronarien aigu admis en milieu cardiologique, ont confirmé l’intérêt
pronostique du taux de TnI, qui se révèle avec constance d’une grande fiabilité même lorsque la
valeur de TnI n’est que modérément élevée 22,66-68. Cette valeur pronostique persiste chez les
patients ayant des nécroses myocardiques minimes (TnI comprise entre 0,04 et 0,1µg/L), avec un
risque de récidive d’infarctus du myocarde et/ou de mortalité multiplié par deux à court et moyen
terme 69.
En post-opératoire, il est maintenant bien démontré que toute valeur anormale de TnI est
associée à une diminution de l’espérance de vie de l’opéré à court 4,5, moyen 1 et long terme 2.
Néanmoins, si la fiabilité technique de l’identification de ces événements ne pose pas de
problème, la réalité du caractère délétère de ces événements a été l’objet de controverses. La
question de la valeur pronostique d’une élévation de TnI post-opératoire a donc fait l’objet de
plusieurs études. L’évaluation de l’espérance de vie de l’opéré coronarien 6 mois et 2 ans après
une chirurgie générale, en fonction du taux de cTnI post opératoire, a montrée que l’espérance de
vie des opérés est altérée dès que le taux de cTnI post opératoire dépasse le seuil de détection 2,
c'est-à-dire en cas de nécrose myocardique post-opératoire29. Des résultats similaires, montrant
l’association de toutes élévations de la cTnI à un excès de mortalité à court terme, sont retrouvés
après chirurgie vasculaire aortique 4. Dans cette même étude, la durée d’hospitalisation est
également allongée chez les patients présentant une élévation de la cTni post-opératoire 4.
L’intégration des faibles élévations de bio-marqueurs cardio-spécifiques dans la définition
de la morbidité cardiaque post-opératoire semble donc justifiée dans la mesure où elles sont
associées à une surmortalité post-opératoire. Ces observations réalisées en chirurgie majeure,
chez des sujets à haut risque coronaire sont parfaitement superposables avec les observations
faites en réanimation chez des patients coronariens ou non 70-72. La nécessité de prendre en
34
compte toutes valeurs anormales de cTnI, même lorsque l’élévation n’est que modérée, semble
donc justifiée dans le cadre de la période post opératoire.
Ainsi, la relation entre élévation de TnI post-opératoire et pronostic semble claire dans la
littérature. Mais deux interprétations opposées sont possibles: 1/ la destruction cellulaire observée
durant la période post-opératoire est directement responsable d’une diminution du capital
myocardique du patient, qui entraine elle-même la surmortalité à long terme. 2/ L’élévation de TnI
post-opératoire est un marqueur de la coronaropathie pré-existante. Une élévation de TnI
témoigne donc d’une coronaropathie d’autant plus sévère que les facteurs déclenchant (anémie,
tachycardie…) sont faibles.
La première interprétation est susceptible de justifier tous les traitements péri-opératoires
ayant un effet sur la réduction de la masse détruite durant cette période. En effet, dans cette
interprétation c’est l’événement post-opératoire qui conditionne directement la survie du patient à
long terme. Dans la deuxième interprétation, la destruction du capital cellulaire myocardique n’a
que peu d’influence dans la plupart des cas car les volumes détruits durant la phase restent limités
(<1% de la masse myocardique). Par contre, c’est bien la gestion du traitement chronique de cette
coronaropathie, non connue ou insuffisamment traitée, qui modifiera le pronostic du patient à long
terme. Et l’absence de prise en charge adaptée peut aboutir à des limitations de l’espérance de vie
des patients. L’interprétation la plus probable est que dans le cas de nécrose étendue la
destruction du capital myocardique durant la phase péri-opératoire a probablement un effet sur la
survie a long terme, et que dans tous les cas une nécrose myocardique post-opératoire est un
marqueur d’une coronaropathie sous jacente, qui justifie d’une prise en charge spécialisée au long
court.
Par ailleurs, il est admis que la TnI est cardio-spécifique, mais l’observation d’une élévation
de TnI post-opératoire n’est pas toujours synonyme de coronaropathie liée à une athérosclérose.
En effet, plusieurs situations peuvent aboutir à une destruction cellulaire sans atteinte coronaire
athérosclérotique (table 5). Toutefois, l’association d’une coronaropathie sous jacente (connue ou
non) et de l’une de ces affections amplifiera la libération de TnI. Dans ce cas particulier, la
35
nécessité de la mise en place d’un traitement chronique de la coronaropathie reste difficile à
déterminer.
Table 5 : Causes d’élévations de TnI en absence de coronaropathie (liste non exhaustive)
- Contusion myocardique (traumatique ou chirurgicale)
- Insuffisance cardiaque congestive
- Cardiomyopathie hypertrophique
- Tachycardie
- Syndrome de ballonisation apicale
- Embolie pulmonaire
- Hémorragie méningée non traumatique
- Myocardite
- Choc septique
- Choc hémorragique
36
E - IMPACTS CLINIQUES DES KITS DE DOSAGE ULTRASENSIBLE DE TROPONINE.
L’impact clinique apportée par la performance analytique des kits de troponine ultrasensible
sur le diagnostique et le pronostique des infarctus du myocarde a été récemment évaluée par les
études suivantes 34,36,54-56,69,73,74.
A- APPLE, CLINICAL CHEMESTRY, 2008 36
:
Kit utilisé : ADVIA Centaur TnI-Ultra
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,006µg/l 0,04µg/l 0,03µg/l
Cette étude évalue la performance d’un kit de TnIus pour le diagnostic de l’infarctus du
myocarde aux temps précoces sur une population de 371 patients suspects de syndrome
coronarien aigu. Les sensibilités et spécificités déterminées sur les dosages de la TnI effectués
aux différents temps d’arrivées aux urgences, étaient respectivement de 74% (59-85) et 84% (79-
87) à l’admission et de 94%(83-99) et 81%(77-86) entre la 6ème et la 24ème heure. L’aire sous la
courbe ROC établie au prélèvement de l’admission est pour le kit sensible de 0,96 contre 0,86
pour le kit d’ancienne génération (p<0,001).
B- MELANSON, AM J CLIN PATHOL 2007 34:
Kit utilisé : ADVIA Centaur TnI-Ultra
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,006µg/l 0,04µg/l 0,03µg/l
37
Cette étude rétrospective évalue la performance d’un kit ultrasensible de la troponine pour
le diagnostic précoce de l’infarctus du myocarde.
Dans une cohorte de 103 patients se présentant précocement aux urgences pour syndrome
coronarien aigu, le diagnostic de l’infarctus du myocarde est avancé dans 64,1% des cas en
utilisant un kit de TnIus. Cela réduit le retard diagnostique d’environ 9 heures. (Figure 8)
Figure 8 : Temps de conversion de la troponine I mesuré par un kit standard
(carrés) et un kit sensible (diamants) chez des patients présentant un infarctus du
myocarde. D’après Melanson 34
38
C- WILSON, AM HEART J, 2009 73:
Ultra-sensitive troponin I nanoparticle :
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,0002 µglL 0,003 µg/L <0 ,003µg/l
Dans cette étude rétrospective, l’utilisation d’un kit de troponine ultrasensible permet de
faire un diagnostic précoce des infarctus du myocarde sous endocardique. En effet, 96% des 50
patients qui ont un infarctus du myocarde sans élévation du segment ST (N-STEMI) et qui ne sont
pas détectés lors du premier dosage de TnI, le sont avec la TnIus. De plus, les prélèvements
réalisés dans les 2 premières heures qui suivent l’admission détectent 100% de ces patients.
D- REICHLIN, NEJM, 2010 55 :
Kits de détections utilisés :
Abbott-Architect troponin I :
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,01µg/L 0,028µg/L 0,032µg/L
Roche High-Sensitive Troponin T :
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,002µg/L 0,014µg/L <0,014µg/L
Roche Troponin I :
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,1µg/L 0,16µg/L 0,3µg/l
Siemens Troponin I-Ultra :
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,006µg/l 0,04µg/l 0,03µg/l
39
Cette large étude multicentrique prospective, menée par une équipe Suisse a permis
d’évaluer la performance diagnostique de quatre nouveaux kits de troponine ultrasensible sur une
cohorte de 718 patients suspects d’infarctus du myocarde.
La comparaison à un kit de TnI met en évidence la supériorité de l’ensemble des kits de TnIus
pour le diagnostic de l’infarctus du myocarde à partir d’une mesure effectuée sur le premier
prélèvement obtenu à l’arrivée aux urgences. L’aire sous la courbe ROC est comprise entre 0,95
et 0,96 pour les kits de TnIus contre 0,90 pour les kits de TnI. Cette différence est encore plus
marquée lorsque le dosage est prélevé dans les trois premières heures après l’installation de la
douleur thoracique: aire sous la courbe ROC comprise entre 0,92 et 0,94 contre 0,76. (Figure 9)
E- KELLER, NEJM, 2010 54:
Kit utilisé : Siemens Troponin I-Ultra
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,006µg/l 0,04µg/l 0,03µg/l
Une deuxième étude multicentrique, prospective, portant sur un effectif plus important
(N=1818) également publiée en Septembre 2009 dans le New England Journal of Medicine relève
l’impact apporté par un kit de TnIus, par rapport à un kit de TnT dans le diagnostic des infarctus du
myocarde. Les aires sous la courbe ROC obtenues aux seuils diagnostiques sont respectivement
de 0,96 et 0,85. (Figure 10)
En comparant le kit de TnI au kit de TnIus, la sensibilité au seuil diagnostique augmente de 63,7%
à 90,7%, au prix d’une diminution de la spécificité qui passe de 97,2% à 90,2%.
De plus, Keller montre qu’en se basant sur une définition alternative pour le diagnostic de
l’infarctus du myocarde (un dosage effectué par un kit de TnIus au-delà du 99ème percentile
associé à une variation d’au moins 30% de sa valeur dans un délai inférieur à 6 heures), un seul
prélèvement de TnIus effectué à l’admission garde une performance diagnostique élevée et
40
détecte 88% des patients se présentant dans les 6 heures après l’installation de leur douleur
thoracique, 95% entre 6 et 12 heures et 100% au-delà de 12 heures.
Les kits ultrasensibles actuellement commercialisés améliorent la performance
diagnostique pour l’infarctus du myocarde et ce surtout aux temps précoces. Cela permet de
corriger une des limites qui caractérisait les kits standards: celle du retard diagnostic 75-78. Les
recommandations actuelles maintiennent leur définition du seuil diagnostique pour l’infarctus du
myocarde au 99ème percentile 21 et sont favorables à la diminution des seuils diagnostiques comme
une conséquence à l’arrivée des kits de TnIus.
Morrow dans un éditorial sur les articles de Riechlin et Keller 43, précise que la diminution de la
spécificité au prix d’une meilleure sensibilité ne doit pas être considérée comme un facteur limitant.
De fait, elle doit rendre plus vigilant le praticien dans l’interprétation de toute valeur anormale de la
troponine.
41
Figure 9 : Aire sous la courbe ROC pour quatre kits sensibles et un kit standard de
la troponine aux différents temps d’installation de la douleur thoracique chez des
patients constituant un infarctus du myocarde.D’après Reichlin 55
La performance
dans le diagnostic est supérieure pour l’ensemble des quatre kits sensibles et ce
plus marqué aux temps précoces.
42
Figure 10 : Performance pour le diagnostic de l’infarctus du myocarde d’une seule
mesure de la troponine selon différents biomarqueurs : kit sensible de la troponine
I, kit standard de la troponine T, myoglobine, isogroupe MB de la créatine kinase et
créatine kinase. d’après Keller 54
Les 4 graphes représentent des temps
d’installation de la douleur thoracique différents.
Sur la base de la physiopathologie, il n’est pas possible de discriminer de manière fiable
une cause ischémique d’une autre cause par la simple élévation de la TnIus au-dessus du seuil de
détection. En revanche, l’observation d’une variation des ses taux plasmatiques au cours d’un laps
de temps court permet de distinguer les causes chroniques (stabilité des taux plasmatiques de la
troponine), des causes aigues (augmentation ou diminution des valeurs)17,22. Dans ce cas, les
données de l’imagerie par résonnance magnétique peuvent apporter des renseignements utiles 79.
43
F- VENGE, JACC, 2009 74 :
High-Sensitivity Cardiac Troponin I Access Prototype Assay:
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,01µg/l 0,0033µg/l
Cette étude Suédoise rétrospective mesure les caractéristiques analytiques d’un kit de
TnIus et montre que par sa performance analytique, il permet de détecter des concentrations
circulantes de TnIus chez presque tous les sujets qui définissent une population saine. La
distribution de TnIus plasmatique dans cette population a ainsi pu être caractérisée et suit une
courbe de Gauss. (Figure 11)
De plus, cette étude exploite un autre versant de la performance diagnostique apportée par
la TnIus. Ici l’intérêt n’est pas de prouver que ces nouveaux kits permettent de diagnostiquer plus
précocement le diagnostic d’infarctus du myocarde, mais de montrer qu’ils permettent d’exclure de
façon fiable ce diagnostic dans une population de patients suspects de syndrome coronarien aigu.
Un seuil d’exclusion est établit selon une courbe ROC. Une concentration plasmatique de TnIus
mesurée en dessous de 0,0064 µg/L permet d’exclure le diagnostic d’infarctus du myocarde sans
sus-décalage du segment ST avec une valeur prédictive négative de 68,5%. Pour obtenir une
valeur prédictive négative égale à 90 % le seuil doit être égal à 0,0032 µg/L, soit la valeur médiane
de distribution de la troponine dans une population saine.
44
Figure 11 : Profil de distribution des mesures de l’isogroupe I de la
troponine dans une population de sujets sains. d’après Venge 74
G- BONACA, JACC, 2010 69:
TnI-Ultra Siemens :
seuil de détection: 99ème
percentile: CV 10%:
0,006µg/l 0,04µg/l 0,03µg/l
Cette étude récente poursuit les travaux d’Apple 36 et s’intéresse au pronostic à court terme
des élévations minimes de la troponine mesurées grâce à un kit de TnIus dont le 99ème percentile
est égal à 0,04 µg/L dans une cohorte de patients souffrant d’un syndrome coronarien aigu. Les
nécroses myocardiques minimes (TnIus comprise entre 0,04 et 0,1µg/L), détectées par la TnIus
ont un risque deux fois plus grand de récidive d’infarctus du myocarde et/ou de mortalité (critère
combiné) dans les 30 jours supérieur (5.0% vs 2.0% p=0,001). A 12 mois ce risque reste
significatif (6,4% vs 2,4%, p=0 ,005). (Figures 12 et 13)
45
Figure 12 : Représentation des Odds-ratio* ajustés pour la mortalité ainsi que pour
la mortalité ou l’infarctus du myocarde à 30 jours (A) et à 12 mois (B) en fonction
des différents niveaux de troponine I chez des patients ayant un syndrome
coronarien aigu. d’après Bonaca 69
.*Ajustement réalisé avec les éléments du score
de risque TIMI (âge, facteurs de risque de coronaropathie, coronaropathie connue,
traitement par aspirine, crise d’angor récente, infarctus récent)
46
Figure 13 : Estimations Kaplan-Meier du taux de mortalité ou de récidive
d’infarctus du myocarde à 30 jours et 12 mois en fonction des niveaux de
concentrations de troponine I circulante au décours d’un syndrome
coronarien aigu sans sus décalage du segment ST. d’après Bonaca 69
47
F - DETECTION DE LA NECROSE MYOCARDIQUE POSTOPERATOIRE EN
CHIRURGIE VASCULAIRE -COMPARAISON DE LA TROPONINE
ULTRASENSIBLE A LA TROPONINE STANDARD-
L’objectif de cette étude était de comparer deux kits de dosage de l’isoforme I de la
troponine de sensibilités différentes: un kit standard (TnI) utilisé dans la pratique courante et un kit
de nouvelle génération ultrasensible (TnIus). Les objectifs étaient d’évaluer l’incidence des
élévations de TnIus, et de préciser sa cinétique d’élévation dans une population de chirurgie
vasculaire majeure.
METHODES ET PATIENTS :
L’étude a porté sur une population de patients ayant bénéficié d’une chirurgie de l’aorte
abdominale, entre Décembre 2009 et Mars 2010. 51 patients ont été inclus dans cette étude. Les
patients opérés d’une chirurgie combinée, incluant un autre geste chirurgical que celui réalisé sur
l’aorte ont été inclus. Les patients opérés en urgence et ceux pour qui était mis en place une
endoprothèse aortique n’ont pas été inclus. Le protocole de l’étude a reçu l’accord du comité local
de protection des personnes (Comité de Protection des Personnes d’Ile-de-France VI, Groupe
Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris, France). Un consentement écrit était recueilli chez tous les
patients avant la chirurgie après qu’une information orale et écrite leur ait été fournie lors de la
consultation pré-anesthésique.
RECUEIL DES DONNEES DEMOGRAPHIQUES :
Toutes les données cliniques (âge, sexe, facteurs de risque cardio-vasculaire, durée de la
chirurgie, saignement per et postopératoire, reprise chirurgicale….) étaient enregistrées dans le
registre de chirurgie vasculaire de la Pitié-Salpétrière qui est une base de données constituée de
48
manière prospective, décrivant les caractéristiques cliniques et chirurgicales de tous les patients
opérés dans le service de chirurgie vasculaire depuis 1984.
PRISE EN CHARGE PERI-OPERATOIRE :
L’évaluation du risque cardiaque péri-opératoire a été réalisée pour chaque patient selon
les recommandations de l’American Hearth Association / American College of Cardiology
(AHA/ACC) 80. Avant la chirurgie de l’aorte, l’exploration du réseau coronaire était faite selon ces
recommandations: une coronarographie était réalisée chez tout patient présentant une faible
capacité fonctionnelle, une symptomatologie clinique d’insuffisance coronaire ou l’existence d’un
test non invasif positif (Imagerie par Résonnance Magnétique de stress ou Echocardiographie de
stress). Une angioplastie transluminale (ATL) était réalisée si les conditions anatomiques le
permettaient. En cas de lésions non accessibles à une revascularisation par cathétérisme, un
pontage aorto-coronarien était réalisé. Les patients chez qui était réalisée une coronarographie
avec mise en place de stent(s) recevaient un bi-antiagrégation plaquettaire pour une durée de six
semaines.
GESTION PRE-OPERATOIRE
Tous les patients étaient prémédiqués avec 5 mg de midazolam per os, le matin du jour de
la chirurgie. La gestion des principaux traitements à visée cardiovasculaire (bétabloquants,
statines, antiagrégants plaquettaires et inhibiteurs du système rénine-angiotensine) était faite
comme suit :
-Les antiagrégants plaquettaires étaient interrompus 3 jours avant la chirurgie pour
l’Aspégic et 5 jours avant pour le clopidogrel,
-Les inhibiteurs du système rénine angiotensine étaient interrompus la veille,
-Les ß-bloquants n’étaient pas interrompus et administrés le matin de l’intervention,
49
-Les statines n’étaient pas interrompues et administrées le matin de l’intervention.
GESTION PER-OPERATOIRE
Un monitorage per-opératoire standard, incluant un monitorage électrocardiographique
continu du segment ST, un oxymètre de pouls, et une mesure invasive de la pression artérielle
étaient utilisés pour chaque patient.
L’anesthésie générale était induite puis entretenue, de manière classique, par du propofol
et du sufentanyl selon une Anesthésie Intraveineuse à Objectif de Concentration (AIVOC). Un
bolus de 0.5 mg/kg d’atracurium était administré avant l’intubation orotrachéale. Durant
l’intervention et surtout lors des différents temps clés du geste chirurgical sujets à des variations
hémodynamiques (clampage et déclampage de l’aorte et/ou de vaisseaux à destinée viscérale), la
pression artérielle et la fréquence cardiaque étaient maintenues dans une fourchette de 30 % de
variation par rapport à la valeur de base par remplissage vasculaire et/ou par l’utilisation de
vasopresseurs (éphédrine, phényléphrine).
GESTION POST-OPERATOIRE
Tous les patients étaient transférés dans une unité de soins intensifs à la fin de la chirurgie.
Les épisodes hypertensifs étaient traités par bolus intraveineux de nicardipine, ou par titration de
bêtabloquants (propanolol, aténolol) lorsque la fréquence cardiaque excédait 80 pulsations/min.
L’analgésie post-opératoire était essentiellement assurée par une titration de morphine
intraveineuse suivie par des injections sous-cutanées de morphine ou par une administration de
morphine contrôlée par le patient (PCA morphine).
50
PRELEVEMENTS SANGUINS:
Après inclusion, chaque patient avait 13 prélèvements sanguins programmés pour le
dosage de la TnI selon les deux techniques étudiées. Le premier (Hpo), était réalisé avant
l’incision chirurgicale juste après la pose du cathéter artériel radial nécessaire au monitorage per-
opératoire de la pression artérielle. Les autres prélèvements étaient également réalisés sur le
cathéter artériel jusqu’au deuxième jour, puis recueillis par ponction veineuse directe dans la
mesure du possible de façon concomitante aux examens habituels de surveillance post-opératoire
(bilan post-opératoire standard).
Les différents temps de recueil étaient les suivants : Hpo (Pré-Opératoire) H1, H3, H6, H9,
H12, H18, H24, H36, H48, H72, H120 et Hsortie. H0 correspondait à la fin de la chirurgie, au
moment ou le patient arrivait en salle de surveillance post-opératoire. Hsortie correspondait au
prélèvement avant la sortie du service.
KITS DE LA TROPONINE UTILISES ET SEUILS DE DETECTION :
Après 15 minutes de centrifugation à 3500 tours/min à 24°C, le plasma issu des
prélèvements de sang sur tube hépariné était congelé pour conservation à -80°C. Dans un second
temps, chaque échantillon de sang était analysé par les deux kits de détection.
Les caractéristiques analytiques du kit de la TnIus étaient les suivantes : Seuil de détection
correspondant au coefficient de variabilité de 10% égal à 0,006 µg/l, Seuil du 99ème percentile
d’une population saine égal à 0,04 µg/l, Limite de détection minimale égale à 0.04 µg/l.
Les seuils utilisés pour définir une nécrose myocardique postopératoire correspondaient au
99ème percentile d’une population saine de référence pour chacun des kits respectifs, soit pour
cTnI-Se > 0,04 µg/L et pour cTnI-Sd > 0,15 µg/L en l’absence de signes cliniques et de signes
électriques ou échocardiographiques.
51
Les dosages pour la TnIus étaient analysés par l’automate Centaur (Siemens Germany), tandis
que pour la TnI, X-Pand avait été utilisé pour toutes les analyses.
CRITERE DE JUGEMENT:
La nécrose myocardique postopératoire (NMPO), selon la définition actuellement proposée
par l’AHA / ACC était définie par toute élévation de la TnI au dessus du seuil correspondant au
99ème percentile d’une population de référence. Une seule valeur de la TnI au dessus de chacun
des seuils était nécessaire pour établir le diagnostic. La NMPO était considérée comme le critère
de jugement principal de cette étude.
RESULTATS :
CARACTERISTIQUES DES PATIENTS:
Les 51 premiers patients inclus dans l’étude avaient les caractéristiques typiques d’une
population opérée de chirurgie vasculaire. L’âge moyen était de 61 ans et 92% de l’effectif était
des hommes.
INCIDENCE DE LA NECROSE MYOCARDIQUE POSTOPERATOIRE :
L’incidence de la NMPO est représentée par le diagramme de la (figure 14). Mesurée avec
le kit de TnI, elle est égale à 6%. (TnI ≥0,15µg/L). alors qu’avec le kit de TnIus elle est de 47%.
(TnIus ≥0,04µg/L). La NMPO mesurée avec TnIus est significativement plus importante que celle
mesurée par TnI. P< 0.0001.
52
Figure 14: Incidence de la NMPO selon TnI et TnIus
REPARTITION EN TROIS GROUPES EN FONCTION DES KITS DE DETECTION:
La comparaison des résultats obtenus par les différents kits de détection nous permettent
de répartir les patients en trois groupes selon l’importance de leur nécrose myocardique
postopératoire. (Figure 15)
-Dans le groupe A : NMPO importante (TnI + et TnIus +), correspondant au groupe de
patients ayant des valeurs situées au dessus du seuil pour les deux kits utilisés. Ce groupe
représente 6% des patients inclus dans l’étude. Tous les patients ayant une élévation de la TnI
avaient déjà une TnIus élevée. Par conséquent, il n’existe pas de faux négatif pour la TnIus par
rapport à la TnI ce qui fait que la TnIus possède une excellente valeur prédictive négative.
53
-Dans le groupe B: NMPO minime (TnI - et TnIus +), correspondant au groupe de patients
ayant des valeurs au dessus du seuil pour le kit de la TnIus mais en dessous du seuil diagnostique
pour la TnI. Ce groupe représente 41% des patients de l’étude.
-Dans le groupe C: absence de NMPO (TnIus - et TnI-), toutes les valeurs étaient
négatives pour les deux tests utilisés.
Figure 15 : Répartition des patients en fonction de la quantité de la NMPO en comparant les mesures de
TnIus et de TnI.
54
CINETIQUE D’ELEVATION :
Parmi les patients ayant une NMPO selon le kit TnIus, 20% sont déjà au dessus du seuil
diagnostique en postopératoire immédiat (3 premières heures). Pour les autres, la TnI US s’élève
en moyenne à la 24ème heure postopératoire. (Figure 16) Parmi les patients ayant une NMPO
selon le kit standard la TnI s’élève en moyenne à partir de la 36ème heure.
Le diagnostic de la NMPO est plus précoce avec le kit sensible par rapport au kit standard (environ
12 heures).
Figure 16: Délai postopératoire de conversion au seuil diagnostique pour
TnIus ≥0,04 µg/L : ronds et le TnI ≥0,15 µg/L : carrés.
55
DISCUSSION :
Cette étude constitue à notre connaissance la première évaluation de la cinétique de la
troponine ultra-sensible dans un contexte péri-opératoire. Les deux apports principaux de ce
biomarqueur cardiaque ultrasensible sont une détection plus précoce des événements
diagnostiqués par la TnI d’une part, et d’autre part l’individualisation d’une sous population de
patients de gravité intermédiaire caractérisée par une TnI normale et une TnIus élevée.
Si plusieurs études ont permis de mettre en évidence l’intérêt diagnostique et pronostique
de la TnIus dans le cadre du syndrome coronarien aigu survenant en dehors du contexte
chirurgical, il n’existe que très peu de donnés sur l’utilisation périopératoire de ce biomarqueur
ultrasensible. Néanmoins, l’utilisation des biomarqueurs cardiaques en postopératoire n’est en rien
une nouveauté, si bien que l’évolution de l’interprétation de la TnI en postopératoire est très
certainement un élément majeur pour envisager l’interprétation des valeurs de TnIus. En effet, les
écarts de sensibilité observés entre TnI et TnIus ne sont finalement pas très différents de ceux
observés entre les tests de TnI des années 90 et de ceux actuellement utilisés en pratique
courante.
Les concepts les plus récents pour l’interprétation des valeurs de TnI en postopératoire
repose sur la notion d’un continuum de gravité des valeurs de TnI, et sur la faible valeur de la TnI
pour la détermination du mécanisme lésionnel responsable de la destruction cardiomyocytaire.
D’autre part, si la présence de thrombose de gros troncs coronaires a constitué, à un moment, le
mécanisme le plus fréquent des complications coronaires post-opératoires, il apparait que cette
entité est devenue rarissime ( < 0.5% ) en 2010, chez des patients de chirurgie programmée
préparés selon les recommandations de l’ACC/AHA. Ainsi, la plupart des patients présentant une
élévation de TnI en postopératoire présente une atteinte cardiaque relativement modérée, ne
répondant au critère de la définition universelle de l’infarctus du myocarde que dans un cas sur
trois. A ce stade, la mise en parallèle du stress péri-opératoire et de la coronaropathie
préopératoire apparait comme indispensable pour la prise en charge d’un patient. En effet, une
56
faible élévation de TnI au court d’un choc hémorragique majeur chez un sujet jeune ne relève
probablement pas d’une prise en charge coronaire spécifique. A l’inverse une élévation même
faible en postopératoire d’une chirurgie banale est très probablement un marqueur d’une
pathologie coronaire sous jacente avancée, et ceci indépendamment des éventuels facteurs de
risque cardiovasculaire préexistant. L’interprétation d’une valeur de TnI n’est donc pas
indépendante du terrain et du déroulement de la chirurgie, ce qui fait qu’une règle de prise en
charge des patients uniquement basée sur une valeur de TnI post-opératoire semble peu adaptée
à la conception moderne de l’insuffisance coronaire péri-opératoire.
Dans ce cadre l’intérêt du dépistage d’une sous population ayant présentée une nécrose
myocardique encore moins étendue, grâce à un biomarqueur ultra sensible, est une interrogation
légitime. L’étroite barrière entre risque d’événements et événements minimes apparait alors
clairement, ce qui ne fait que renforcer la notion de continuum de lésions myocardiques, toujours
sans présager du mécanisme lésionnel. Dans notre étude une part non négligeable des patients a
présenté une élévation isolée de TnIus. Au regard des études réalisées en dehors de la période
péri-opératoire, nous sommes amenés à penser que le risque à long terme de ces patients est
augmenté. Cette hypothèse étant parfaitement en phase avec les études successives ayant
montrée une association entre le pronostique à long terme et les valeurs toujours plus basses de
tnI (en rapport avec l’évolution progressive des kits de mesures de la TnI). L’évaluation du
pronostique à long terme des patients ayant présentés une élévation post-opératoire de TnIus
constitue la seconde phase de l’étude présentée dans ce travail de thèse. En effet, chacun des
patients inclus sera recontacté un an après la chirurgie pour une évaluation comparative du
devenir des trois catégories de patients défini.
Dans cette étude, les élévations de TnI se sont avérées être toujours précédées par une
élévation de TnIus. Bien que l’effectif ne nous permette pas de conclure de manière définitive sur
ce point, la TnIus semble permettre un diagnostic plus précoce des événements post-opératoires.
Compte tenu des mécanismes physiopathologiques impliqués dans les nécroses myocardiques,
57
l’anticipation du diagnostique et ainsi du traitement est un élément important susceptible de réduire
la morbi-mortalité associé aux NMPO.
L’augmentation de la sensibilité des kits de TnIus permet donc de réduire considérablement
le délai entre l’événement lui-même, et la positivité du test. Ceci permet d’une part une anticipation
diagnostique, mais aussi de montrer que l’événement cardiaque post-opératoire n’est pas
forcément retardé au 2-3ème jour post-opératoire, comme précédemment décrit. En fait, il apparait
dans cette étude que la majorité des événements apparaissent dès les premières heures post-
opératoires. En tenant compte de la latence de la TnIus, nous pouvons donc supposer que ces
événements sont, en fait, contemporains des déséquilibres peropératoires et post opératoires
immédiats. Ces observations sont parfaitement concordantes avec les données
physiopathologiques modernes concernant le nécrose myocardique, car les mécanismes
physiopathologiques impliqués dans la NMPO sont, en règle générale, maximaux à cette période.
Le caractère hypersensible pourrait aussi avoir un intérêt dans le suivi des traitements
entrepris. En effet, la précision obtenue avec la TnIus permet d’avoir un suivi plus fiable de
l’évolution des valeurs absolues chez un même patient. En pratique ce suivi ne pose pas de rééls
problèmes dans le cadre de NMPO étendue, car elles sont associées à de fortes concentrations
de TnI (bien au delà des limites de précision de la TnI), par contre le suivi des NMPO de faible
ampleur est une problématique quotidienne, et le clinicien est souvent confronté à l’interprétation
de faibles variations à la hausse de valeur de TnI, qui sont le plus souvent liées au manque de
précision du test, mais qui peuvent aussi être le témoin d’une aggravation aigüe de la pathologie.
Cette utilisation de la TnIus reste limitée, dans la mesure où les courbes de décroissance de ce
biomarqueur après un événement coronaire unique ne sont pas encore complètement décrites,
même si elles semblent directement superposables à celles de la TnI.
La détection d’une nouvelle sous population (TnIus+/TnI-) pose naturellement la question
du pronostic de ces patients. A ce jour, aucune étude n’a évalué le devenir de ces patients en
post-opératoire. Toutefois, les donnés obtenues en dehors de la phase opératoire sont
probablement en partie extrapolable. Ainsi dans une étude récente, Bonaca et al, 69 a utilisé les
58
kits de TnIus pour évaluer le pronostic à court terme des nécroses myocardiques minimes
nouvellement détectées au décours d’un syndrome coronarien aigu. Cette étude a montré que les
patients ayant des nécroses myocardiques minimes (cTnI-Se comprise entre 0,04 µg/L et 0,1
µg/L), doublait leur risque de récidive d’infarctus du myocarde et/ou de mortalité (critère combiné)
à 30 jours, par rapport aux patients ayant des concentrations de TnIus normales (5.0% vs 2.0%
p=0,001). A 12 mois ce risque restait significatif (6,4% vs 2,4%, p=0 ,005).
La définition de cette nouvelle catégorie implique des évaluations thérapeutiques. En
utilisant des kits de TnI, ces patients ne sont actuellement pas dépistés durant la phase post-
opératoire. L’utilisation de la TnIus permet de les individualiser et il est probable que leur devenir
est moins favorable que les patients qui n’ont pas présenté d’élévations de biomarqueurs.
L’introduction d’un traitement chronique adapté, semble donc être une approche intéressante pour
ces patients, qui finalement peuvent être considérés comme ayant présenté une épreuve d’effort
positive. Mais, là encore le diagnostic étiologique semble primordial afin de traiter les bons
patients, c'est-à-dire les patients présentant les facteurs déclenchant les moins importants.
59
CONCLUSION :
L’utilisation de la TnIus permet de diagnostiquer de manière plus précoce les nécroses
myocardiques post-opératoires. Cette précocité est liée à l’augmentation de la sensibilité, qui
permet de détecter des concentrations beaucoup plus basses de troponine circulante. Cette
ultrasensibilité permet aussi de décrire un nouveau sous groupe de patients, présentant une TnIus
anormale et une TnI normale. Ce groupe s’avère représenter près de la moitié des patients opérés
de chirurgie vasculaire majeure. L’extrapolation des données obtenues en médecine, nous permet
de penser qu’il s’agit d’un groupe présentant un moins bon pronostic à distance. L’identification de
ce groupe de patients au décours d’un acte chirurgical, et donc en milieu hospitalier semble être
une opportunité pour améliorer la prise en charge chronique de ces patients.
60
REFERENCES:
Les references indiquées en GRAS correspondent à des articles de synthèse.
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Perioperative Cardiovascular Evaluation and Care for Noncardiac Surgery: Executive Summary: A Report
of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines
(Writing Committee to Revise the 2002 Guidelines on Perioperative Cardiovascular Evaluation for
Noncardiac Surgery): Developed in Collaboration With the American Society of Echocardiography,
American Society of Nuclear Cardiology, Heart Rhythm Society, Society of Cardiovascular
Anesthesiologists, Society for Cardiovascular Angiography and Interventions, Society for Vascular
Medicine and Biology, and Society for Vascular Surgery. Circulation 2007; 116: 1971-1996
68
RESUME
La nécrose myocardique postopératoire correspondant à une valeur anormale de la
troponine Ic (TnI) survient chez 10 à 15% des patients au décours d’une chirurgie
vasculaire aortique. L’apparition d’un nouveau biomarqueur ultrasensible de la troponine I
(TnIus) pourrait dépister de manière plus précise les NMPO. Cette étude prospective
observationnelle propose de comparer les dosages de TnI et de TnIus durant la période
post-opératoire.
METHODE: L’objectif principal de cette étude a été d’évaluer l’incidence des NMPO selon
le test utilisé (TnI ou TnIus). Douze prélèvements ont été réalisés, à heures fixes, durant la
période post-opératoire pour l’ensemble des 51 patients inclus, opérés d’une chirurgie
vasculaire majeure programmée. Un taux de TnI supérieur à 0,15 μg/L et de TnIus
supérieur à 0,04 μg/L était considéré comme le témoin d’une NMPO.
RESULTATS : 5,6% ont présenté une élévation de la TnI au cours de cette période alors
que 47% ont présenté une élévation de la TnIus (p<0,05). Les élévations de TnI ont
toujours été précédées d’une élévation de la TnIus. La TnI s’élève à partir de la 36 ème
heure alors que la TnIus s’élève dès le postopératoire immédiat (3 premières heures).
CONCLUSION : Comparée à la TnIc, la TnIus permet une détection plus précise et surtout
beaucoup plus précoce des NMPO. L'utilisation de la TnIus permettrait donc une
anticipation de plus de 12 heures de la prise en charge des NMPO.
TITRE
Détection de la nécrose myocardique postopératoire en chirurgie vasculaire
-Comparaison de la troponine ultra sensible à la troponine standard-
MOTS CLES
Nécrose myocardique postopératoire, Troponine I Ultra sensible, Troponine Ic