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Trop sport /pages 3-12 Le chat des Bains /page 16 Les dessous des Bains /pages 24-25 Des artistes aux fourneaux /page 26 « Deux mouvements de bras en expulsion d’air continue puis une inspiration rapide et puissante dans le troisième. Valse lente. Juste à fleur d’eau. » /pages 11-12 Dessin Maya Guidi Le journal de l’AUBP · Association d’usagers des Bains des Pâquis · www.bainsdespaquis.ch numéro 7 · été 2012 · CHF 2.– JOURNAL DES BAINS

«Deux mouvements de bras en expulsion d'air continue puis une

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Trop sport/pages 3-12

Le chat des Bains/page 16

Les dessous des Bains/pages 24-25

Des artistes aux fourneaux/page 26

«Deux mouvements de bras en expulsion d’air continue puis une inspirationrapide et puissante dans le troisième. Valse lente. Juste à fleur d’eau.» /pages 11-12

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May

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Le journal de l’AUBP · Association d’usagers des Bains des Pâquis · www.bainsdespaquis.ch numéro 7 · été 2012 · CHF 2.–

JOURNAL DES BAINS

Journal des Bains 7 · été 20122 COURRIER

ÉDITO

Sport d’équipe

Nager, ramer, surfer, plonger.Voilà qui nous ramène au cœurde l’actualité. Il était temps quele Journal des Bains se mette àparler sport. Bien sûr, ici nulle

grande messe compétitive, nul stadepropre à accueillir des foules en délire etpartisanes. A leur image, les Bains flottentsur la vague du sport de proximité, desjoies familiales et du plaisir.

On nous l’a assez répété dernièrement,les Romands sont les Grecs de la Suisse.Cela dit comme une insulte, comme ondit le chien ou l’esclave de quelqu’un.

C’est pourtant dans cette lointaineAntiquité et en Grèce que l’on inventa,avec un sérieux qui vaut tous les plansd’austérité actuels, les Jeux olympiques,pour ne parler que de sport. Mieux pour-tant qu’aujourd’hui, les compétitions ras-semblaient aussi les arts du théâtre, de lamusique et de la poésie. Epreuves quin’étaient pas suivies avec moins d’atten-tion que les courses, les luttes ou les lan-cers de javelot ou de disque.

Près de 40 000 mots français trouventleur origine dans la langue grecque, sanscompter nombre de concepts philoso-phiques et politiques. Jusqu’à l’idée d’unesprit sain dans un corps sain, rapportéepar Juvenal, mais évoquée déjà bien long-temps avant lui par Aristote.

On voit donc que les patrons de l’Eu -rope bien portante n’ont pas grand mérite.C’est peut-être de ne pas être suffisam-ment dignes de recevoir une couronne delauriers, ou manquer de fair-play, qu’ilss’imposent par la force. Lacrimosa dies illa.Dies irae.

Ainsi donc, si les Romands devaientêtre les Grecs de la Suisse, il ne fait aucundoute que les Bains des Pâquis seraient lesGrecs de la Romandie, heureux et fiers del’être. Eux qui offrent une vision ludiquedu sport, une idée vraie de la détente sanslutte et de l’abandon du corps dans desgestes purificateurs, eux qui réveillentchaque matin, l’été venu, la ville en dou-ceur, en musique et en poésie.

La revanche ne fait partie d’aucune denos disciplines. S’il y a ailleurs des jou-teurs férus de l’insulte, des bretteurs pro-fessionnels de l’estocade injurieuse, nousnous souvenons que le sport est rassem-bleur et le moment aussi, paradoxale-ment, des trêves guerrières.

C’est dans cet esprit que les Bains onttoujours vécu. Entre l’accueil chaleureuxet la tolérance, entre la générosité bonneenfant et la simplicité, recevant toutes lesdifférences avec le même bonheur et qui,un instant, nous font tous jouer dans lamême équipe.

Que vivent donc les Bains et vive lesport !

La rédaction

J’avais promis (Journal des Bains, nu -méro 6, page 8) de donner plus de selet de crédibilité à l’histoire de la flottede guerre genevoise. Il est impossiblede fournir ici tous les détails de notrein vincible armada dont on savait qu’elleavait pris une part décisive à la prise duchâteau de Chillon.

Contentons-nous d’un bref rappeld’un singulier passage de la Genève his ‐torique et archéologique de Galiffe quisavait puiser aux bonnes sources :

«En 1612, écrit-il, on fit des frégatesdoublée de fer, à l’épreuve du canon, & deux ans après de petits vasseauxgarnis de lames d’acier si tranchantes,qu’elles coupaient, dit-on les chaînestendues sous l’eau (M.G., IV, 315 ss.). A ce propos, notre collègue, Mr le Consul

des Etats-Unis d’Amérique à Genève,nous a fait observer que ce n’était doncpas à son pays que revenait le mérited’avoir le premier fait usage de vais-seaux blindés, et cela dès le commen-cement du XVIIe siècle, deux siècles etdemi avant la guerre civile d’Amé rique.

La frégate de 1672, nommée le Soleil,était peinte de flammes jusque dansses rames.

La frégate de 1678 était décorée desculpture de Jean Durand représentantl’écu de Genève, des trophées d’armeset des hommes sauvages. On retrouvela barque sur quantité de plats d’étain.

Le dernier amiral de la Navigationfut un certain James Fazy, en 1849.

Armand Brulhart

La flotte de guerre genevoise

Madame la rédactrice responsable,Messieurs les membres du comité derédaction, j’ai été mis en cause, je diraismême mis à mal dans le numéro 6 duJournal des Bains par Monsieur SergeArnauld. Ce rédacteur qui me paraîtplutôt devoir porter le titre de faiseura le droit de douter personnellementde mes capacités dans la pratique de ladivination. Cependant, je conjectureque s’il dénigre mes «prétendus jeuxavec l’au-delà des apparences», selonson appréciation, c’est parce qu’il s’estreconnu dans l’évolution de son om -brageux caractère, tel que l’a décrit lerecours aux quatre éléments inscritsdans mon observation zodiacale. Sonrapprochement condescendant avecmon art cache un besoin de consonancequi prend prétexte du statut fragile dessavoirs pour faire de ses connaissancesun toboggan sur lequel devraient glis-ser naturellement les miennes. Non!Monsieur l’instructeur autoproclamé,ma science n’a rien à voir avec l’intuition,l’imagination et la source. Elle relève

d’une inspiration dont j’ignore l’origineet d’une expiration par ce foisonnementd’expressions que la langue françaisecultive, en effet. Toutefois, ces expres-sions ne sont pas recherchées super -ficiellement par moi comme les finsd’un amusement passager ; elles sontchoisies pour leurs qualités pittoresqueset servent de truchement spontané auxrévélations commandées par l’inspira-tion. Cette charge grossière de votrecollaborateur, Madame la rédactriceresponsable, Messieurs les membres ducomité de rédaction, m’a fait perdre laspontanéité de ce que j’estime être monmaigre don et elle a rompu le contactimprévisible que je noue avec le sur -naturel. Dès lors, je renonce avec ungrand regret à vous offrir à l’avenir mescontributions et je forme mes souhaitsles plus vifs pour que mon remplaçantreçoive l’approbation méritée du rédac-teur qui s’est acharné contre moi. Salu -tations et considération.

Ennemond Neausarde

Le devin des Bains se rebiffe

Dessin Maya Guidi

Journal des Bains

Quai du Mont‐Blanc 30 ∙ 1201 Genève

journal‐des‐[email protected]!

3Journal des Bains 7 · été 2012 TROP SPORT<

PHILIPPE CONSTANTIN

Je n’aime pas le sport. Aristote défi-nissait l’homme comme un «zoonpolitikon». A-t-on jamais vu un ani-mal faire du sport? L’animal est unlecteur. Il lit des odeurs le jour et

rêve ses lectures le sommeil venu.L’homme aussi est un lecteur, car c’est

l’unique lieu de sa liberté. Les mots seuls luidonnent vie et, l’ayant fait quitter la nage primitive, lui permettent d’y retourner.

Je regarde le lac. Je pense au mot liberté. Je retrouve, lové au fond de ce mot l’antiquedieu romain Liber, le Bacchus heureux, dieusauvage, ami du vin et de la fécondité, dieuqui meurt et renaît au fil des saisons. Je re -trouve aussi dans ce mot la racine liber, cettepellicule vivante entre l’écorce de l’arbre et lebois, et sur laquelle, autrefois, on écrivait.

A l’opposé de la liberté il y a le rapt. Lacaptation d’une proie. Le sport capture l’ac-teur et le spectateur dans un viol public. L’in -timité et la pudeur deviennent communes.

Je m’étends sous un platane, dans un filetd’ombre qui tisse autour de moi des maillesde lumières. J’entends crier des enfants quijouent et je m’invente des embarcations, parjeu, par goût des mots.

Je me souviens du mot corbillard, si lu -gubre pour la plupart. Pourtant, je découvredans le feuillage des platanes un coche d’eauà fond plat, remontant la Seine entre Paris etCorbeil, transportant nourrissons et marchan-dises. Ces Corbeillards qui, au moment de lagrande peste, donnèrent leur nom à tous lesvéhicules mortuaires.

Je regarde mon ventre et je pense au filmde Peter Greenaway Le Ventre de l’architecte.Qui mieux que lui aura su transcrire l’angoissequi m’étreint et me ballonne. Courir, nager,surfer. Serait-ce donc là la solution contre laphotocopieuse de Greenaway et son architecte?

Il y a ainsi une lente végétalisation de monêtre, une subtile minéralisation. Est-il si étrangeque le calme et le bonheur me viennent enjardinant plus qu’en courant le long d’unepiste qui me ramènera inéluctablement aupoint de départ?

Car c’est bien de cela dont il s’agit finale-ment. Le sport ne construit rien, n’a aucunefinalité ni aucun don à offrir. Il avorte perpé-tuellement de son inutile récurrence.

J’ai acheté il y a quelques années une pairede baskets. Il était temps. Trop d’excès, tropde fumée, trop d’inactivité. L’embonpoint en -robe ma pensée, mon tempo, ma danse avecles mots. Je regarde sous mon bureau ces deuxétrangères noires et rouges au sigle et au nomgrecs de la divinité de la victoire. Niké. Je n’aijamais eu l’envie ni la volonté de les chausser,me réfugiant derrière l’excuse banale du tempsqui passe et qui manque.

Pierre Desproges, pour paraphraser la tropfameuse et insoutenable phrase du généralaméricain Sheridan, «un bon Indien est unIndien mort», faisait dire à Pierre de Coubertindans l’un de ses réquisitoires, «un bon sportifest un sportif mort». Je n’irai pas si loin, biensûr. Leur besoin de dépassement perpétuel,leur souffrance à gagner sur leurs limites etleurs adversaires est déjà une peine suffisantepour eux, sinon une punition.

Mon livre a glissé. J’aime cette somnolencequi m’isole. Le monde extérieur se traduit enjouets et en personnages de papier. La voile

d’un hydroptère traverse le ciel, effleurant àpeine la surface liquide, haut perchée sur sesergots. Je m’amuse à redéfinir des espaces devision en clignant des yeux ou en choisissantdes portions de paysage avec mes doigts. C’estl’invention de la photographie, du cinéma. A travers ce cadre passe un coureur. Je voisson mollet frôler l’air et perturber l’ordonnan-cement des ombres du feuillage, je sens sonsouffle, vite passé, j’entends son cœur, aurythme des foulées, qui disparaît et se noie.

Et puis, il y a la sueur bien sûr. Toute cettetranspiration, ces sudations âcres, ces nuéeshumides et salées, comme une tentative pourimiter ou retrouver la nage originelle.

La bise souffle et il fait presque froid. Je merends compte une fois encore qu’étrangementce n’est jamais la main qui tient le livre qui esttransie et qui s’ankylose. Toujours l’autre, queje garde pourtant cachée au fond d’une poche.Les mots sont le feu de la vie et sont richesd’inconnu.

Je songe au mot «amiral». L’un des raresde la langue française à tenir son article aprèssa racine. «El emir al bar». L’émir de la mer.Dont le premier article et la mer ont disparu.

Non, je n’aime pas le sport. L’amiral m’yfait penser. J’ai longtemps cru que le sport ne pouvait exister qu’avec le fameux fair‐playdes Anglais, inventeurs du mot. Mais il n’enest rien, le sportif est une bête furieuse, infi-dèle, habitée de désirs de meurtres.

C’est un guerrier. Ce n’est pas de jeu donton parle, mais de l’essence même de l’hommequi comme un chat tient son bonheur dans laproie prisonnière entre ses crocs. Et je neparle pas de la drogue, des hallucinogènesanabolisants, de l’argent qui n’a plus de sensni de valeur.

Le sport est l’opium des analphabètes. Laviolence leur motivation. Les contrats et lesparis leur sang. Les femmes des poupées deharem. Toutes choses qui éveillent chez moiun sentiment de révolte et d’injustice.

J’ai pourtant longtemps cherché dans uncoup de coin bien botté la poésie ou la marqued’un dieu, sinon de Dieu lui-même. Mais je n’yai rien vu. Nous sommes depuis devenus d’ano-nymes amis dans une indifférence débonnaire.

Je ne vois que les dieux du stade, les foulesmenaçantes, les mauvais coups, le souvenirde Jeunesses en troupeaux rangés, marchanttoutes du même pas, le talon des bottes écra-sant sur leur passage la vie, la liberté et lesmots comme un bulldozer. Là où les sportifssont des maîtres de guerre, le spectateur estun mouton qui arase la raison et rend l’hu-manité plus basse.

J’imagine volontiers que le sport commenceavec Platon et ses péripatéticiens, pour s’arrê-ter à Rousseau et ses promenades en solitaire.Il n’y a pas de compétition à flâner et à penser,pas de combat, pas de gloire, pas de nationsurtout, ni de couleur à défendre.

La terre n’est à personne et les fruits à toutle monde, écrivait justement Rousseau. Etrangevérité pour ceux qui cherchent la couronnede laurier, la coupe ou la médaille à rangerdans leur chambre bientôt poussiéreuse.

Quelque part sur la plage, j’entends les crisd’enfants qui jouent. Ils font leur apprentissagede la vie, des querelles, de la politique. Commedes bêtes ils se reniflent, se sentent, se décou-vrent. Les mots naissent qui les font venir aumonde, qui les sociabilisent. Le sommeil venu,ils revivent leurs jeux, les renomment dansdes rêves sans vainqueur, même si la plupart,bientôt, céderont à cette folie sans grandeur.

Le lecteur assoupiIl y a eu un temps où je nageais. Un temps d’avant la naissance, obscur, liquide. Un temps de solitude, sans langage ni communication.

Photographie Laurent Guiraud /Tribune de Genève

Journal des Bains 7 · été 20124 TROP SPORT <

ARMAND BRULHART

Quel chemin parcouru depuis 1828,date à laquelle les lexicographesont traqué ce mot anglais dans le vocabulaire français ! Avec sesquatre consonnes et sa voyelleunique en cul de poule, le mot et

la chose ont conquis la planète terre. Sportsigni fiait alors «amusement» et, si je puis mepermet tre, ne vous égarez pas dans l’étymo -logie, vous pourriez découvrir que le verbe«déporter» – ancien «desporter» – a signifié«s’amuser».

Les Anglais voulaient-ils donner un sens àla vie des prolétaires de Liverpool? La sancti-fication du dimanche, l’extraordinaire multi-plication des temples ne suffisaient-ils pas àressourcer les corps et les âmes? Après douzeà quinze heures de travail quotidien, ne serait-il pas convenable d’accorder à la classe labo-rieuse un peu d’amusement, de sport? LesRomains l’avaient compris. Et les Grecs medirez-vous? Mais là, je m’égare. La rédactiondu Journal des Bains avait spécifié un survolhistorique rapide du sport à Genève et plusparticulièrement des sports liés à l’eau.

Rien n’est simple dans la recherche desorigines, sutout si l’on convient, avec les dic-tionnaires du XIXe siècle, que les sports em -brassent des «disciplines» aussi variées que«la chasse, la pêche, les courses, la natation,la navigation, le tir à l’arc, le tir au pistolet età la carabine, le canotage, la gymnastique, laboxe, le bâton, la canne, la lutte, le jeu depaume, le cricket, l’équitation, le patinage».

Vous avez bien lu. Pas un mot à conson-nance anglaise, mis à part le cricket, alors quele «déferlement» des sports dans la « languede Shakespeare» envahissait l’Europe, à la findu XIXe siècle, obligeant les Français à s’ac-commoder du mot football en 1890 dans la«langue de Racine». Genève étant la plus an -glophile des villes du Continent, devait-elleêtre à l’avant-garde du sport? La question estencore en suspens. Le premier match de foot-ball aurait été joué à la fin mars 1816 dans lesfossés des fortifications de Genève entre lesAnglais d’Eton et une équipe d’Irlandais em -menée par un certain Burke, futur comte deMayo1. Un demi-siècle plus tard, on pouvait liredans le Journal de Genève : «Une partie du noblejeu de football (ballon) a été jouée hier sur laPlaine de Plainpalais par 11 joueurs an glaishabitant Genève contre 11 de leurs compatrioteshabitant Lausanne. Durée 1 h et demie.» Le

Aimez-vous le sport? La question semble totalement incongrue puisque c’est le sport qui vous aime et qui veut faire de vous des sportifs à tout prix. Vous ne pouvez que difficilement échapper aux ventouses de la pieuvre, selon l’expression dessinée par Exem. La preuve: ce numéro consacré aux sports, pour ne pas dire aux dieux du stade.

journaliste concluait d’une manière énigma-tique: «Nous souhaitons que ce beau jeu, quijadis était fort en honneur chez nous, se géné-ralise de nouveau au milieu de nos adoles-cents»2. Qui se souvient encore que le ServetteFootball-Club fut fondé le 20 mars 1890?

Après cette digression, il serait bon dedémêler l’échevau compliqué des sports oudes «amusements», juste pour le plaisir. Lesplus anciennes «disciplines», la chasse et lapêche, ne figurent plus au tableau des sportsdu XXe siècle et le baron de Coubertin a pensé,à juste titre, qu’ils ne pouvaient sérieusements’illustrer dans un stade, malgré leur traditionancestrale3.

A Genève, l’opposition entre les exercicessur terre et sur l’eau que l’on observe sur lapeinture de La Pêche miraculeuse, de 1444, fontpartie d’une géographie urbaine. Sur terre sefont les exercices de tir, comme l’arbalète etl’arc au Pré-L’Evêque, ceci jusqu’en 1900, datede la démolition de l’hôtel du Jeu de l’Arc, quia laissé son nom à une rue. Trop dangereux,les tirs des armes à feu, l’arquebuse et surtoutle petit canon appelé «couleuvrine» ont étéreculés en aval de la ville en un lieu baptisé

pour la circonstance Coulouvrenière. Ces com-pagnies de «sportifs», appelés «Les Enfants deGenève», furent dirigés par un certain Tacon,dont dérive le nom de la place de la Taconnerie.Ce dernier fut remplacé par le capitaine Phili -bert Berthelier, mort pour la liberté sur l’ac-tuelle place Berthelier, devant la Tour de l’Ile.Nul doute que la Coulouvrenière fut le lieuprivilégié des sportifs amateurs et profession-nels, avec leur stand de tir qui accueillit en1828 le premier tir fédéral et ses quelques 600participants. Voilà pour les sports de terre quiont fait grands bruits dans notre République.

Quant aux exercices lacustres, ils avaientpour centre de ralliement le port et la placedu Molard, du moins jusqu’en 1677, date àlaquelle les navigateurs et leur «amiral» seréunirent aux Pâquis. Ils y construisirent, en1723, l’hôtel de la Navigation, démoli en 1920.Un stand de tir se trouvait le long de l’actuellerue du Léman, comme nous le montre unelithographie publiée en faveur des victimes del’incendie des Pâquis de 1829 et sur laquelle sedresse non seulement le mur des cibles maisaussi le mytérieux «piquet du Maure», ciblelacustre unique à documenter. Au milieu duXIXe siècle, la Société de la Navigation s’unitsans bruit à celle de l’Arquebuse, ne laissantque son nom à une place formant dès lors lecentre des Pâquis.

Tous ces «sports», me direz-vous, sententun peu la poudre et le militaire, et vous n’au-rez pas tort. Mais il faut voir dans ces mani-festations toutes les vertus qui sont exigées denos «sportifs»: l’entraînement, la combativité,l’émulation, le dépassement, et, pour le public,le suspens, les applaudissements, les paris et le sacre du vainqueur. Le vainqueur étaitnommé «roi» et si vous demandez à visiter la salle «royale» de l’hôtel de l’Arquebuse,qui se trouve à l’angle des bien nommées rue du Stand et rue des Rois, vous y verrez plus de vingt portraits des as du tir en costumed’époque.

Bref, vous aurez retenu dans l’énuméra-tion du Grand Larousse du XIXe siècle que lesexercices de tir étaient en bonne place et quedes disciplines primaires des cours d’école,soit la lutte, la boxe, le bâton et la canne, seulesles deux premières ont acquis une certaine

noblesse, malgré le vieux proverbe «jeux demains, jeux de vilains». La vraie noblesse, celledu cheval et de l’équitation, fut introduite àGenève dans la jeunesse de Louis XIV par un flambeur venu de Bavière nommé HenriNeubaur, grand écuyer en sa maison de laCorraterie. Une vue du Manège de 1668 vousmontre que ce «sport» était strictement ré -servé aux hommes militairement vêtus, maisqu’il attirait «moult» spectateurs des deuxsexes. Les exercices de galop (un mot d’ori-gine allemande, croit-on!) avaient certaine-ment lieu sur la Plaine de Plainpalais, le vasteterrain des militaires, des fêtes et des sportsdéjà cité. C’est là, en bordure du Mail que futinstallé le temple du jeu de boules à la fin duXVIIIe siècle, tandis le cricket à la genevoise se confondait avec le croquet, jeu consistant àfaire passer des boules de bois sous des ar -ceaux de fer.

Jean-Jacques Rousseau, encore lui, nesemble pas avoir goûté d’autre sport que lessports utiles, comme la nage dont il sera ques-tion plus loin, à moins que l’on considère utilela marche, le bilboquet et le jeu d’échecs, fortprisés du grand homme. Il aurait pu nousconfesser quelques mots sur les deux «insti-tutions» intra muros que furent «les jeux depaumes» à Genève, celui des Rues-Basses,situé à l’actuelle rue du Port, ancienne rue duCoq d’Inde ou du Jeu de Paume et celui deSaint-Gervais, allée du Jeu de Paume condui-sant sur l’actuelle place Grenus. On dit pour-tant que Caton alla au jeu de paume pour seconsoler de sa défaite au consulat de Rome etque la Révolution française a détruit ce jeuque les Grecs appelaient sphéristique !

Après avoir laissé de côté l’escrime, fort utilepour les duels et un peu mieux connue desarchives, avançons à pas mesurés dans les alléesde la gymnastique, sport introduit à Genèvepar un autre Bavarois, du nom de Rosenberg,en 1823, avec un succès immédiat et dans lesfossés de Saint-Antoine. Il y aurait beaucoupà dire sur cette discipline qui conduisit à ladestruction de la chapelle Sainte-Catherine en1862, mais à la construction de nombreusessalles d’un type spécial annexées aux écoles.La conjonction entre sport et éducation se litclairement dans un guide de Genève en anglaisLa Fête fédérale de gymnastique sur la plaine de Plainpalais, 1925.

La traversée de Genève à la nage, 1931. Cette traditionnelle épreuve a été disputée le 12 juillet par 31 nageurs appartenant à cinq clubs. La distance à parcourir était d’environ 1500 mètres. Ernest Boulenaz (X), des Tritons genevois, se classa premier en 13’48’’. (Photo Geiselhard)

5Journal des Bains 7 · été 2012

publié par Robert Harvey en 1899: Genevaguide, its sports and intellectuel resources.

Il nous reste à sonder les quatre sports enrapport avec l’eau: la natation, le canotage, lanavigation et le patinage. Propagé par laHollande où les pasteurs genevois ont souventexercé leur ministère, le patinage se pratiquaitdans les fossés des fortifications, à la porte deNeuve, si l’on en croit le dessin que Jean DuBoissignait vers 1830. Le mot français apparaît en1829, alors que celui de patinoire en 1921, pres -que dix ans après le fameux Skating‐Ring qui faisait vibrer l’ancien Palais des Expositionsd’avant la Première Guerre mondiale! Glissonsmaintenant sur l’eau et la nage qui sait marierl’écrevisse au papillon, la grenouille et le dau-phin. De même que Léonard de Vinci s’estinspiré des oiseaux et des chauve-souris pourrêver le ciel, la communauté des nageurs, sousl’effet d’une spécialisation envahissante, a frag-menté les mouvements des animaux marinspour aller toujours plus vite et rejoindre letrès fameux livre des records, qui n’arrive pasà suivre le rythme du temps. Cette progres-sion peut être divisée en deux périodes: l’âgedu bois et l’âge du béton. Le bois fut en effet

le matériau de base de l’apprentissage de lanage pendant des siècles, et le béton celui dudurcissement de la musculature des nageurs etde l’hypertrophie de nos champions modernesdepuis les années 1930. A Genève s’ouvrait enhiver 1931 l’exposition «Architecture et sport»,préparant les inaugurations de Genève-Plageet des Bains des Pâquis de 1932. Il fallait unlieu, ce fut le palais Eynard, future mairie deGenève, le lieu de tous les sports réunis, l’héri-tage de la Grèce et des retrouvailles d’Olympie,rien moins! L’événement n’attira pas les foules,mais les architectes à l’origine de l’expositionprirent soin désormais d’inclure le sport àl’urbanisme. Il y avait là matière à couler dubéton pour accueillir les foules acclamant lesdieux du stade.

Ainsi, nos hebdomadaires illustrés romandsprirent un tournant notable en 1931-1932 enconsacrant chaque semaine une page de photographies aux différents sports. L’un desphotographes spécialisés en sports nautiquesavait un nom prédestiné: Wassermann! Quidit mieux? Sports d’hiver et sports d’été sedégagèrent peu à peu, prenant en marchel’évolution des Jeux olympiques d’hiver, créés

à Chamonix en 1924, bien après les Jeux olym-piques d’Athènes de 1896. La marche du sportallait bon train, mêlant aussi le retour des dis-ciplines du tir au fur et à mesure que s’appro-chait l’heure fatidique de la Seconde Guerremondiale. Déjà se distinguait parmi les photo-graphies un sport dominant: le football. Maissans que l’on puisse affirmer que les tirs meur-triers des joueurs avaient un lien quelconqueavec les esprits bellicistes. La guerre n’arrêta pasle sport, comme en témoigne le match Suisse-Allemagne, remporté à Berne par 2 à 1 !!!

L’histoire du sport reste à faire en notreRépublique, mais la télévision a introduit lesport assis, de loin le plus en vogue, et la mon-dialisation a brouillé les saisons. Il n’est pasfaux de dire que le sport est une pieuvre qui peutvous plonger dans les ventouses d’un fauteuil.

1 Baily’s Magazine, avril 1868.2 Journal de Genève, 22 janvier 1869.3 Le baron de Coubertin (1863-1937), réfugié avec

la baronne au Clos-Belmont, fut interviewé par JeanMarteau en 1936: «Je reconnais que l’olympisme a étébienfaisant en permettant au sport de se développer etde donner du pain à de pauvres gens qui, si on ne lespayait pour sauter des haies ou lancer des boulets,mourraient de faim.»

L’Echo illustré, 1941. Le match Suisse-Allemagne à Berne. 2-1 pour la Suisse!

1. Meeting de canots-automobiles à Genève, 1938. A bord de son fameux «Oiseau bleu», le major Campbell, recordman du monde, allume une cigarette. (Photo Bolomey) – 2. Le championnat de l’Hélice à Genève, 1934.3. Championnat suisse de waterpolo, 1935. Le Cercle des nageurs bat le Club de natation. (Photo Wassermann) – 4. La descente du Rhône de la SNG, 1933. Un canoë passe sous le pont de l’Ile. (Photo Wassermann) –5. Le départ des patineurs, 1932. – 6. Héliothérapie et gymnastique respiratoire à Leysin, 1932. C’est le meilleur moyen d’élargir et de muscler le thorax de l’enfant.

Journal des Bains 7 · été 20126 TROP SPORT <

JEAN-CLAUDE FERRIER

Quatorze juin 1948. La cloche del’école de Sécheron sonne 16 heures.Avec des copains, je me précipitedehors direction du parc MonRepos et de la Perle du Lac. Nousallons assister à un événement, le

départ du «Latécoère 631», hydravion à l’en-vergure proche du futur «Boeing 747». L’ap pa -reil se met en position et accélère. Puis s’arrêtepour revenir à proximité de la Nautique.

L’hydravion avait amerri deux jours plustôt au large du quai de Cologny, qui était noirde monde. En provenance de l’étang deBiscarosse, dans les Landes, il était arrivé parle Fort-L’Ecluse, avait survolé Verbois et le pontdu Mont-Blanc et avait soulevé des gerbesd’eau en se posant. Il s’était ancré au large de laNautique et des Mouettes genevoises avaientembarqué les passagers.

Assurant des liaisons avec les Antilles, leLatécoère disparut corps et biens dans l’Atlan -tique moins de deux mois plus tard, semant laconsternation à Genève.

Autre événement en remontant dans letemps: en 1933, la Pan American Airways (PAA)charge Charles Lindbergh, auteur de la pre-mière traversée aérienne de l’Atlantique en1927, de parcourir les rives de plusieurs océansà la recherche d’escales commerciales. Voya -geant avec son épouse qui gère les communi-cations radio, il a pris du retard dans les paysnordiques. Une traversée sur l’Atlantique nordn’est plus possible, il rentrera par la Gambieet le Brésil. L’escale de Genève n’était pas pré-vue et on improvise une somptueuse récep-tion à la Nautique. Une belle brochette depersonnalités envahit la SNG en ce jour denovembre. L’hydravion se pose face au quaide Cologny, il est ensuite guidé au large de la Nautique, où il est ancré.

Quand Charles Lindbergh ancrait son hydravion à la NautiqueGenève se souvient aussi de la présence du «Latécoère» géant en 1948, qui disparaîtra moins de deux mois plus tard dans l’Atlantique.

Lindbergh, dont l’épouse parle français, estreçu avec tous les honneurs, il séjourne à l’hôtel des Bergues et visite Genève et la sallede l’Alabama. Il repart le 11 novembre, décolleen trente-cinq secondes, fait un virage et re -vient saluer les spectateurs qui agitent cha-peaux et mouchoirs. Ce voyage fut fructueuxet rapporta d’énormes bénéfices à la PAA.

Remontons le temps jusqu’en 1912-1913.Genève, pour être dans le coup, organise deuxmeetings d’hydravions, avec de nombreuxbaptêmes de l’air. Un journaliste de la Tribune

de Genève est à bord, le célèbre Eugène Trollux.Les quais sont bondés, on a même construitdes tribunes devant l’hôtel National, le futurPalais Wilson. Le passager d’un hydravion estmême passé à la flotte. Il est sain et sauf.

La dernière présence d’un hydravion àGenève date du 4 octobre 2006 à l’occasiondu Salon de la locomotion ancienne, GenevaClassics. Il s’agit d’un «Catalina», bimoteur àailes hautes construit en 1943 par CanadianVickers à Cartierville, au Québec. Il est basé àDuxford, en Grande-Bretagne, comme d’autres

appareils anciens. On a la chance de le voir seposer au large de la Nautique depuis la Nep -tune. Le Catalina, construit dès 1935 à plus de4000 exemplaires, a été présent sur tous lesthéâtres d’opération durant la Guerre mon-diale. Après le conflit, le Canada l’a utilisé pourdes relevés géographiques dans le Grand Nord.L’équipage, se posant sur des lacs, en a souventprofité pour s’adonner à la pêche à la ligne…

Le site www.pionnair-ge.ch, qui est la bible de l’aviation genevoise, fournit d’autres détails.

Hydravion Dornier «Wal» d’Ad Astra Aero, avec deux moteurs Hispano-Suiza de 1100 cv, 8-10 places, 140 km/h, 4750 kg, à Genève en novembre 1919 (Calendrier Swissair 1990)

Le Latécoère 631 vient d’atterrir dans la rade, un canot le guide vers son mouillage à la Nautique.

7Journal des Bains 7 · été 2012

FRÉDÉRIC FAVRE

Ami-chemin entre le rêve d’Icare etle miracle de marcher sur l’eau réa-lisé il y a deux mille ans par un cer-tain jeune homme de Nazareth, il y a le vélo-aquatique! Encore plus

fort que Jésus qui s’était contenté de ses piedspour fouler l’élément liquide, ses drôles desuccesseurs ont enfourché un cadre en guisede petit miracle, et se sont mis en tête depédaler sur l’eau!

Tous les mordus de vélo que je connais (etj’en connais un rayon) ont, un jour de désœu-vrement ou un autre, dessiné un vélo aqua-tique sur un coin de table. Nombreux sontceux qui ont esquissé des plans, moins nom-breux ceux qui les ont effectivement mis àexécution… heureusement oserons-nous dire.

Mais attention, des vélos aquatiques, il yen a de toutes les couleurs et de toutes sortes :de la pure bricole au délire d’ingénierie futu-

riste, du simple péclôt posé sur quatre barils,façon radeau de la méduse monoplace, àl’embarcation amphibie dernier cri, toutes lesvariantes sont possibles.

Pour ce qui est de la propulsion, deuxécoles s’affrontent depuis la nuit des temps:d’un côté la simple roue à aube en prolonge-ment des rayons, façon pédalo individuel, del’autre, l’hélice sous-marine entraînée par unarbre à came ou autre forme de propulsion.

Dernier modèle en date, une nouvelle écolevient de faire son apparition: il s’agit d’unvélo aliscaf doté d’un hydrofoil, dessiné parun ingénieur allemand, le water bird. Sonmouvement imite harmonieusement les ondu-lations d’un dauphin, mais attention il fautmaintenir une certaine vitesse de pousséeverticale répétée, sinon on coule. Y a plus ras-surant comme embarcation… plus sûr aussi.

Il faudrait pourtant que je trouve moyende réaliser ce vieux rêve d’enfant: accoster auxBains à vélo en toute sérénité.

Bonne flottaison à vous!

Dans la catégorie des sports aquatiques, il y a les grands classiques que sont nager, plonger, ramer ou encore naviguer. Mais on pouvaitcompter sur l’imagination débordante de l’homo sapiens sapienspour ne pas s’arrêter en si bon chemin.

Le 17 novembre 1927, René Savard franchissait victorieusement la Manche à bord de la «Nautilette Austral».«He victoriously cycles across the Channel», comme dirent les Anglois un peu marris. Septante ans plus tard,juché sur la même monture, Mayu accomplissait triomphalement la traversée du port de Rolle.© Musée du Léman/Michel Pernet

Le vél-eau!

La tendance est au SUPLe SUP? C’est le sport en vogue sur le Léman. Comme son noml’in dique, le «Stand Up Paddle» se pratique debout, pieds nus sur une planche longue et large. La propulsion se fait à l’aided’une grande pagaie. Et c’est parti pour une balade planante et libre sur les eaux…

Depuis que ce sport est arrivé sousnos latitudes, il progresse à touteallure. Les gens adorent, pour au -tant qu’ils aiment l’eau. Au boutdu lac, de nombreux lieux propo-

sent initiation, cours ou location de matérielpour ramer debout: l’école de planche à voilesTropical, au Centre nautique, celle de Force 5,au Vengeron. Et puis le Reposoir, sur la com-mune de Chambésy.

C’est là que Gaël Vuillemin, gardien de laplage, a ouvert en juin 2011 le seul centreréservé exclusivement à la pratique du SUP àGenève. La clientèle qui vient là est très va -riée, de 6 à plus de 70 ans, et rassemble desgens de toutes conditions sociales.

A entendre son responsable et instruc-teur, ce nouveau sport est plein d’atouts etbon pour le moral. «Tu travailles la tête et lecorps. Le fait de se tenir debout sur l’eau te

pousse à être concentré sur toi-même. Après,tu te sens juste bien!» Tel est le secret duSUP. Mais il y a plus encore. «Tu te retrouvesfacilement au milieu du lac par tes propresmoyens, sans polluer, sans gêner qui que cesoit. Et puis c’est physique, bien sûr. Tout lecorps travaille pour maintenir l’équilibre, etcela te procure de bonnes sensations.»

Tellement bonnes, d’ailleurs, que certainsamateurs pratiquent yoga ou fitness sur cesplanches de 3 à 4 mètres de long. A l’opposé,les plus sportifs se risquent avec elles sur desrivières ou des mers agitées. Il existe des cham-pionnats du monde de SUP et il est questionque ce sport devienne bientôt discipline olym-pique. En attendant, ces rameurs debout se ren-dent aux Aubes musicales en glissant silencieu-sement sur l’eau. Et c’est tellement beau à voir!

F.Ny.www.supgeneve.ch

Photographie Laurent Guiraud /Tribune de Genève

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9Journal des Bains 7 · été 2012

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11Journal des Bains 7 · été 2012 TROP SPORT <

J’aime nager dans le bonheurdu lac. Je m’y mets en mai,quand l’eau est encore sous les 15 degrés. C’est le momentoù l’on peut vivre la premièredes expériences initiatiques lacustres. Où l’on peut traverser le premier des murs de l’eau.

GÉRALD HERRMANN

Car on n’entre pas dans un liquide àmoins de 15 degrés comme on yentre à 20 degrés, en ahouhaha-houhahitant au passage fatidiquedu sexe. A 13, 14, 15, c’est l’ascèse.

On se jette à l’eau comme on saute d’un plon-geoir, pour prendre ses peurs au dépourvu.Surprise. Ça n’est pas insupportable. Mais lefroid rend l’eau dure, compacte. Son miroir sefait écran au point qu’on hésite à passer la têtede l’autre côté. Par ce froid, le passage critique,c’est la visière, juste au-dessus du nez. Dèsqu’on franchit ce Rubicon, un garrot vous en -serre le crâne, le décalotte, le jivarotte. On nes’habitue pas à cette douleur, on attend sadisparition. Compter pour cela quelques mi -nutes et y aller mollo. Faire d’abord quelquesmouvements de brasse, puis de brasse coulée,en immergeant la tête partiellement et furti-vement, pour adoucir la sensation avant depouvoir crawler correctement.

J’entends déjà l’objection: pourquoi crawlerà tout prix et ne pas plutôt nager la brassedans ces conditions?

Pour une raison philosophique. Car le crawln’est pas un geste, c’est une Unter welt an schau ‐ung. Ce n’est pas une nage, c’est LA nage.

Voyez la brasse: avec elle, on regarde auloin devant soi, côté terre. L’œil reste à quai.On brasse aussi du regard, mais seulement au-dessus de l’eau. Au-dessous, on ferme plutôtles yeux, même avec des lunettes de natation.On est donc condamné à rester en surface, onne se mouille pas vraiment. Voir pour s’enconvaincre ces poules sèches qui lâchementpréservent leur coiffure d’un bonnet contrel’outrage du fluide. En brasse, on n’est jamaisdans le bain. Et la seule question métaphy-sique consiste à savoir s’il faut nager avec labarbe au-dessus ou au-dessous de l’eau.

Tout au contraire, en crawl, on regarde versle bas, vers la vie du fond. Une brève prised’air et le monde du haut n’apparaît plus quecomme un flash subliminal. Ici, l’expiration sefait sous l’eau. Avec les yeux. On jouit de laflore lacustre et des poissons. On est de dans.Deux mouvements de bras en expulsion d’aircontinue puis une inspiration rapide et puis-sante dans le troisième. Valse lente. Juste à fleurd’eau. Exactement le niveau et le rythme quisiéent à l’introspection.

C’est quelques minutes après avoir traverséle miroir de l’eau que l’on arrive au deuxièmemur, celui du froid. Si le premier était psy-chologique et tenait de la volonté, le secondest physiologique. C’est le moment où lecorps, qui est un peu con, prend d’un coup lespiqûres du froid pour des grésillements dechaleur. Un sentiment de bien-être physiqueet mental vous envahit alors. La multiplicationdes picotements brûlants finit par durcir lapeau. On se retrouve caparaçonné, invulné-rable, tel Siegfried lors de son bain de dragon.Douce euphorie. Ah si les baigneurs de soleilsur la rive, là-bas, connaissaient cette formede bronzage…

Cet instant de grâce pourtant s’estompeaprès quelques minutes et se voit progressive-ment remplacé par une forme d’insensibilitéaux conditions extérieures. Le premier symp-

Rêveries d’un nageur solitaire

tôme d’engourdissement? On n’est plus alorsdans la victoire sur les éléments, on est de -venu indifférent à ceux-ci. Inatteignable. Unesensation physiquement neutre mais psycho-logiquement délicieuse. Que seuls peuventtroubler quelques menus incidents.

Par exemple un nuage qui vient assombrirle ciel. Notre esprit est ainsi fait qu’il confondalors obscurité et froid et se remet à grelotter.

Ou pire: un banc d’eau mal brassée à 10 de -grés. Car les vraies tortures, ce ne sont jamaisle froid ou le chaud, ce sont les débuts et leschangements. Combien de fois n’a-t-on pasentendu le refrain: «quand on entre, elle estfroide, mais après elle est bonne». En fait,quelle que soit la température, dès qu’il y aaccoutumance, l’eau se fait bonne. Le corpsfinit toujours par réguler son thermostat pourautant que les données extérieures soientconstantes. Il en va d’ailleurs de même pourl’esprit, qui souvent préfère la jouissance del’habitude à l’insécurité de la nouveauté. Ehbien, dans l’eau, toute température homogènedans l’espace et la durée est délicieuse dès quele corps s’est adapté. Il y retrouve non le confortde la chaleur, mais la quiétude du liquideamniotique.

C’est au moment de l’accoutumance qu’in -tervient le vrai danger. Attention à ne pas sevautrer trop longtemps dans l’ivresse de latoute-puissance. Il faut vite regagner le bord.Même s’il nous en coûte. Sinon la punitionarrivera plus tard, sur terre. Quand on reprendpied sur les galets instables. L’oreille interneest alors comme bouchée, rendant l’équilibreprécaire et la marche difficile. Le corps désha-bitué à la pesanteur. Les pieds sont engour-dis, insensibilisés par le retrait du sang. Lesdoigts sont jaunes et les ongles violets. Lesjambes vacillent.

Voici deux ans, de retour après trente mi -nutes dans l’eau froide, je me suis fait admo-nester par un sauveteur des Bains des Pâquis

qui m’a asséné la règle de la «minute-degré»(par exemple, pas plus de dix minutes à dixdegrés). Imparable, surtout quand la mâchoireest bloquée par le froid et l’esprit anesthésié.

Après commencent les tremblements. Lesclaquements de dents. Longtemps. Et vousassistez impuissant au combat intérieur entreles forces du Chaud et celles du Froid…

Masochiste, moi? Pas du tout. Dans cesmoments, je ne regarde jamais la taille demon sexe.

En été, quand la température lacustre estplus clémente, la nage se fera peut-être moinsstoïque, mais plus sereine. Seul avec le bruitdes bulles du nez qui éclate dans les oreilles,on contemple les fonds, plein de soi et un peumyope, à cause de la condensation sur leslunettes. Ceux des Bains des Pâquis sont douxet apaisants, avec leur flore hospitalière, leurstanches, leurs perches et leur capitaine bro-chet. Le courant peigne les plantes aquatiques,la lumière les appelle. Elles surgissent desprofondeurs comme si elles avaient besoin derespirer l’air. Parfois l’eau est un peu trouble,on est alors tout entier plongé dans une bou-teille d’écoline vert tendre. Parfois encore,quand on nage en direction du soleil, on seretrouve inondé dans un magma de lumière,comme si l’on était accompagné par sonpropre nimbe.

Arrive le moment du passage du troisièmemur, le moment psychanalytique, celui où lespensées surgissent comme les bulles. Elles nes’envolent pas, elles remontent et éclatent à lasurface, à hauteur de cerveau. Car dans l’eau,l’idée ne s’élève pas, elle s’allège. Elle perd sonpoids. Penser n’est plus peser, c’est errer, sediluer. Pensée bouchon, ballottée par le cou-rant, entre le dessus et le dessous, le conscientet l’inconscient. Cela ne va jamais très loin.On n’est pas dans la philosophie ici, mais dansla psychologie. Sous l’eau, on ne refait pas lemonde, on se refait. On ne réfléchit pas vrai-

ment, tout se fait sans volonté ni effort. Onpense, simplement. Ou plutôt, ça pense. Çapense à quoi? A ce qu’on pense quand on nepense pas. Aux événements du quotidien. Auxproblèmes du moment…

A noter ce paradoxe de l’eau qui rejaillitsur notre esprit : si on y est plus léger, on vamoins vite, puisqu’on y progresse couché. Lepoids de l’eau est perpendiculaire à la gravitéterrestre. Tout y est décalé de 90 degrés (pourbien crawler, m’a dit une fois un maître na -geur, faire comme si on se hissait sur un murhorizontal).

Cette spécificité de l’eau se reflète sur lecerveau immergé: les pensées qui dans l’air sebousculent, se combattent et s’annulent, sesuivent dans l’eau comme le collier de bullesremontant à la surface. L’esprit y est égalementplus calme, plus lent. Si difficiles à ordonnerdans l’air, les idées peuvent enfin se dérouleret s’épanouir sur un plan plat, comme dansun livre.

A partir du moment où le rythme esttrouvé, la machine avance d’elle même, sansqu’on n’y prenne plus garde. C’est l’instant oùla pensée se libère, elle n’est plus requise parun corps désormais branché sur mode auto-matique, elle peut s’occuper d’elle-même,comme si le mouvement du corps était l’em-brayeur du mouvement de la pensée. La plon-gée se fait alors approfondissement.

Ce n’est pas le propre de la natation qued’activer l’esprit. Rousseau a décrit cet état enparlant de la marche, reconnaissant le bon-heur de la pensée en mouvement et identi-fiant avant l’heure les bienfaits de la sécrétionpar nos glandes de substances endorphines.Tous les joggeurs connaissent cela également.Dans la nage pourtant, c’est différent. La masseaqueuse est enveloppante. Trop pour que lapensée se libère et s’envole. Elle reste près denous, nous entoure et nous remplit de nous-mêmes. Dans un bain de soi. Pensée meuble,

Photographie Yves Nardini

Journal des Bains 7 · été 201212

oléagineuse, liquide mais pas aérienne, ellene s’éloigne jamais très loin de nous. Penséehorizontale. On y médite dans une positionproche de celle de la psychanalyse. Comme sil’essence de la pensée couchée était de seconcentrer sur soi, quand la pensée deboutvise l’Autre ou la Métaphysique.

Mais peut-être qu’au lieu de parler de pen-sée en milieu liquide, il faudrait parler depensée lacustre. C’est qu’on n’a pas les mêmesidées, ni les mêmes humeurs en milieulacustre qu’en milieu marin. En effet si le lacreprésente l’équilibre parfait entre l’hommeet la nature, le liquide, le solide et l’aérien, ilen va différemment de la mer avec sa dimen-sion cosmique.

Dans la mer, notre moi est obéré par laconscience de sa fragilité et de sa petitesse,notre esprit fasciné par le grand Tout, notrerespiration recouverte par la respiration duMonde. Dans le lac, en revanche, il y a placepour l’humain. J’ai longtemps cru, particuliè-rement au retour de voyages d’été à la mer,que le lac n’était qu’eau morte. Il suffit cepen-dant de s’y plonger pour se rendre comptequ’elle a sa vie et son rythme propres quientrent en résonance avec ceux de l’homme.En fait, le lac fonctionne comme le cerveauhumain. Pas de mouvement extérieur, tout sepasse dedans. Rien de violent, de brusque,que de l’imperceptible. Des changements delumière, de température, d’humeur. Dans lamer, l’homme s’amuse ou s’oublie : il se perd.Dans le lac, il se retrouve, car le lac est fait à sa mesure. C’est son jardin.

Pour s’en convaincre, il suffit de relire lecinquième livre des Rêveries du promeneursolitaire. Ce n’est pas un hasard si le lac est levéritable héros du XVIIIe siècle, celui desLumières, de la tolérance et de la tempérance.C’est un espace qui balance entre nature etculture, un lieu pas vraiment colonisé, maistoujours circonscrit par l’homme, quand lamer, au contraire, l’encercle. Une force pasvraiment domptée, mais presque toujourspacifique et amicale. Dans la mythologiesuisse, quand il s’agite, ce n’est que pour per-mettre à Guil laume Tell de semer ses poursui-vants. Acteur préromantique, le lac n’écrasepas l’homme, il le repose. On s’y hydrocuteparfois, on s’y noie, on s’y refroidit, commedans la Nouvelle Héloïse. Mais seulement si

l’on n’a pas respecté ses règles. Il n’a pas ladimension ar bitraire de la mer. Les tanchesplacides y broutent l’algue. Le brochet inciteau respect plus qu’à la peur et les dents de lamer ont une gueule de puce de canard.

Et puis même si on y est presque seul dansl’eau, la ville n’est jamais loin. Nager dans le lacest une façon d’être solitaire sans être seul.Dans une équidistance parfaite entre voisinageet recul par rapport aux humains. Voilà pour-quoi la pensée y est aussi apaisée. Ni trop lourde,ni trop légère, ni trop chiche, ni trop profuse.

Ce en quoi elle se distingue également dela rivière, avec ses noirs tourbillons, son cou-rant comminatoire, son onde épaisse. Et sur-tout de la piscine, avec son eau acratopège,ses couloirs et ses sens de nage, ses fonds car-relés et ses nageurs toujours vécus commedes concurrents. La piscine, lieu de l’Autre,espace de la compétition. Où l’on s’époumoneà suivre un plus musclé, un plus fringant, unplus jeune ou pire encore, UNE plus musclée.Ou pire encore, une MOINS musclée. La pis-cine où l’on ne se laisse jamais aller. D’ail leurs,même quand on est seul, on est dans l’ascèse,le halètement, le body-building, dans unelogique de l’objectif et plus du tout dans lajouissance du présent.

Sauf, c’est vrai, quand on a l’heur de nagerderrière l’entrejambe d’une brasseuse aux pul-sations de méduse. Révéla tion mystique dudessous des jupes des filles et passionnantesobservations de la dynamique des fluides surl’ondulation des chairs cuissières en fonctionde leur âge, de leur volume et de leur texture.Mais je m’égare…

Bref, si la mer nous nie par sa grandeur, sila rivière nous infantilise par son courant, si lapiscine nous aliène, notre seul vrai ami, c’estle lac. Avec son art de l’entre-deux, sa sciencede la demi-teinte, et sa gamme de couleurs si rassurantes : tilleul, verveine, menthe….

Revenons à nos murs. Je viens d’évoquer letroisième mur de l’eau, celui du subconscient.Sautons-le, promenons-nous à l’intérieur etnous nous retrouverons tout naturellement àarpenter un nouveau mur, celui du temps.

C’est un lieu commun que de rappeler laparenté de la baignade avec les conditionsfœtales. Mais une partie de notre bonheurtient bien à ce retour: je nage, donc jeune âge.Particulièrement dans la chaleur pisseuse des

eaux d’été. Pas étonnant d’ailleurs de consta-ter ses effets régénérants sur notre orga-nisme. Ni de voir tous ces gens âgés l’utilisercomme un élixir de jouvence.

Ce que l’on voit moins, c’est que ce retourtemporel vers le moi primordial est le pen-dant d’une autre régression, celle qui conduitau moi essentiel. Car dans le lac, on ne ren-contre pas Dieu ou l’absolu. On ne découvreque le secret de son propre plaisir à y être. Lavérité des sens que l’on ne peut goûter quedans l’équilibre entre plaisir et conscience.Une plénitude augmentée de la conscience dela plénitude. Un bonheur qui se contemple.Ce qui est habituellement antithétique setrouve ici réconcilié par l’état de rêveil propreà la pensée aquatique. Ou plutôt d’éveil rêvé.Pas une pensée délirante, mais une idée quise rapproche de soi. Dans une concentrationvers ce point primal où l’on se défait de touteépithète. On n’est plus beau, fort ou bête… Onest bien. On est. JE SUIS. Voire Je. Puisqu’onse dépouille de l’ego et de l’épithète. Et JEjouis du pur bonheur d’exister. N’être plusque dans la pure sensation de soi. Si prochedu rien. Et pourtant si loin. Perfection dusimple. Loin du mystique. On est dans leyoga… La religion ici ne relie qu’à soi. Pas defusion avec le grand Tout. On nage dans leTout, mais on est UN. Dans cette essence quiprécède l’existence. Dans cette osmose entrele psychique et le physiologique. Tellementvivant. Seulement vivant. Juste pas mort.

Quoique. Et là, tant pis pour le ridicule, je dois

avouer qu’il m’est même arrivé de franchir cetultime mur. En au moins deux occasions.

L’an passé, lors de nage de printemps,quand le froid avait désensibilisé mon corpset que le soleil m’aveuglait complètement,privé de toute perception, je me suis mis alorsà paniquer avec la sensation vertigineuse dene plus exister.

A l’inverse, lors de journées d’été, quandl’eau était boueuse et opaque, que le soleilirradiait l’onde et dissolvait le monde, que lamatière devenait lumière, j’ai entrevu le fa -meux moment, vous savez, quand on s’envoledans un rayon blanc…

Mort? Renaissance? Extase!Le lac, au début, c’est froid; à la fin, on est

soi.

Les voixde l’eau

ANTONY HEQUET

Je parle le langage du feuet mes penséess’élèvent en fuméeje parle le langage du feuet tout ce qui me pèses’élève tournoie disparaîtje donne au feules blessures de mon âmeje donne au feules troubles de mes espritsje donne au feula douleur et la rageje donne au feule désespoir qui pétrifiecar tout ce qui m’affligele feu s’en nourritcar tout ce qui m’affligele feu s’en réjouit

j’écoute les voix de l’eauet mes pensées se dissolvent dans l’ondej’écoute les voix de l’eauet tout ce qui me brûles’apaise tourbillonne s’adoucitje donne à l’eaules scories de mon âmeje donne à l’eaules débris de mes rêvesje donne à l’eaumes larmes de selje donne à l’eaules sanglots de mon corpsmeurtricar tout ce qui m’affligel’eau le purifiecar tout ce qui m’affligel’eau s’en rit

Je porte dans mon cœurle feu du cielchaleur, allégresse, folieje porte dans mon cœurun silence de mortun trop plein de vieet tout ce qui déborde en mois’écoule dans l’ondeet tout ce qui déborde en moiporte l’harmonie

écoute les voix de l’eauque nos penséesse dissolvent dans l’ondeécoute le chant de l’eauque tout ce qui nous brûles’épanche dans le feu de la vie.

www.mund.fr

Photographie Yves Nardini

13Journal des Bains 7 · été 2012 AUX BAINS

SYLVAIN THÉVOZ

Il vient là tous les midis. Il aime les oi -seaux, partager son pain avec les moi-neaux, les mouettes, il aime. Il émietteson temps libre au plus proche de l’eau,et le peuple des plumeux vient lui rendre

hommage. Ce lieu, avancée de la ville sur l’eau,l’aimante et le fait sourire. Il adore voir passerles gens, ceux qui prennent des cafés, qui neprennent rien, viennent là pour la compagnie,simplement. Ils tournent un moment autourdes tables avant de trouver le meilleur lieu pours’asseoir. La tête un peu baissée ils avancentcomme vont les chats, flairant une ombre, cher -chant la meilleure place, celle qui est libre ouchargée de lumière.

Les gens qui ont encore du temps, s’enapprocher.

Maintenant, les bûches empilées au réduitrappellent la nature, la sciure et l’azur. Elleschauffent le sauna des Bains, où des corpsviennent se détendre; vite nus, se faire masser,avant de courir sur le béton gelé pour se jeterau lac, en dérapant sur les marches renduesglissantes par le gel. Puis ils retournent se fairecuire par les vapeurs chargées d’eucalyptus.Les bienheureux.

Le bain des Pâquis n’est pas un non-lieu telque ceux décrits par Marc Augé. Les non-lieux,pour Augé, ce sont des lieux de transitions, detransferts. Espace anonyme mais nécessitantune identification préalable afin de pouvoir laperdre (aéroport) et impliquant un prix de pas -sage (le péage autoroutier). Ainsi l’échangeurs’opposerait au carrefour (où l’on se rencontreencore), le transit à la résidence. Ici, on pour-rait dire que les Bains des Pâquis s’opposent àceux de Lavey, où la durée de séjour est limitéeet tout dépassement du temps sur-taxable.

Des Bains, il en aime les fréquentations.Carrefour où se croisent diverses strates so -ciales. Les banquiers, bobos, bohèmes, cravatesau cou, col mao, guitares en bandoulières, mal -lettes au poignet ; ils se croisent, petit peuplede l’eau, se jettent des coups d’œil en coin.

Il y a les vaillant-e-s qui, été comme hiver,se jettent décidé-e-s dans le lac. Les pratiquantsde taï-chi que l’on peut apercevoir, à l’aube,esquisser des mouvements déliés comme unlent rituel face au jet d’eau. Quand revientl’été: place aux tribus. Celles dont les places sontconnues de longue date, tacitement réservées,selon des marques distinctives : tatouages,peaux tannées, boucles de fer et d’argent aunombril, au nez. Ces signes distinctifs indi-quent les limites des territoires de chaqueclan sur son corps, de chaque corps sur le sol.

Les joueurs de cartes? Une autre caste. Ilsse rassemblent aux Bains, y partagent despropos entendus: «pique-double, je chibre»,termes éculés et pourtant irremplaçablescomme le «tu tires ou tu pointes» du joueurde pétanque. Pendant ce temps, un trompet-tiste lance quelques notes au bout de la jetéegrise sous le parasol d’un arbre plongeantracines dans l’eau au travers de la pierre.

Le soir : fondues au champagne pour toutle monde. C’est la seule note luxueuse dans unenvironnement brut et minimal, plus prochedu bal musette ou d’une salle des fêtes quedes salons du Ritz ou du Hilton. Ce n’est pasle patron qui régale, même si l’ambiance est àla bonne franquette. Les places situées prèsdes fourneaux sont chères. Il faut réserver.

Le printemps revenu, finis les bûches et lefromage cuit, l’espace se découvre et se méta-morphose en solarium réservé aux dames.

Les saisons, aux Bains des Pâquis, sont biendistinguées. Pourtant, elles se mêlent dansl’imaginaire tant le lieu: eau, ciel, béton, de -meure immuable; les corps, dénudés, constantsdans leur recherche de l’horizontalité. Larotonde? L’œil d’un tigre.

Marchersur l’eau

Aux Bains, on parle français, comme toutesles langues. Le seul lieu où le silence est derigueur c’est, l’hiver, dans la salle de repos dela sauna. Véritable sanctuaire où la solennitédu lieu rappelle celle d’une église. Sauf qu’ici,les corps sont nus. Il n’y a nulle croix visible,hors celle que forment les bras des hédonistesqui se prélassent sur les châlits de bois. Etl’encens… sueur des corps. Nulle prière, hor-mis celles des lèvres fatiguées souhaitant queces moments ne se terminent jamais «encore,encore, encore», yeux voilés vers le ciel, arrê-tés à répétition par les lambris des plafonds.

Maltraités par les vitesses de la cité et lesmanques de sommeil, soumis à diverses veilleset vigilances, les corps viennent quêter là repos

et réparation. S’allonger, se dénuder, contem-pler. Aux Bains, le regard est essentiel. Lesgens se regardent, les yeux se croisent.

Espace multiple où les familles, les jeuneset les anciens se retrouvent, les Bains desPâquis sont un des derniers lieux de la ville oùtoutes les classes sociales se côtoient encoreet cohabitent.

Les cabines où se changer donnent le sen-timent d’être embarqué sur un paquebot pourune longue croisière. Ils se transforment unefois par année en espace d’exposition pour lesartistes du lieu. Le voyage alors est encore plusradical. Les couleurs recomposent l’espace.

Le petit pont voûté qui sépare les Bains dela ville et la relie signifie beaucoup. C’est

comme quitter un monde pour en rejoindreun autre, le temps d’une respiration, plongéedans les eaux du lac qui viennent de la mon-tagne et vont à la mer. En le franchissant, on serappelle alors que tout est transitoire et que l’onest de passage ici. La nuit tombe, les dernièresserviettes allongées sur le sol chaud rappellent,comme des drapeaux tombés à terre, qu’il estl’heure de retourner à la ville ; rejoindre lagrande foule de ceux qui arpentent le bitume,ne marchent plus sur l’eau.

1 Marc Augé, Non‐Lieux. Introduction à une anthro po ‐logie de la surmodernité, Ed. du Seuil, Paris, 1992.

Dessin Daniel Suter

Journal des Bains 7 · été 201214

SERGE ARNAULD

Il n’était pas besoin de s’écarter beaucoupdu débarcadère, à Saint‐Honorat (îles deLérins) où nous allions de préférence, pourtrouver, à l’abri du ressac, des criquesprofondes que l’érosion du roc divisait en

multiples bassins. Là, coquil lages, algues, ma ‐drépores déployaient leurs splendeurs avec unemagnificence orientale. Le premier coup d’œilétait un ravissement; mais le passant n’avaitrien vu, qui s’en tenait à ce premier regard:pour peu que je demeurasse immobile, penchécomme Narcisse au‐dessus de la surface deseaux, j’admirais lentement ressortir de milletrous, de mille anfractuosités du roc tout ceque mon approche avait fait fuir. Tout se met‐tait à respirer, à palpiter ; le roc même semblaitprendre vie et ce qu’on croyait inerte com ‐mençait timidement à se mouvoir ; des êtrestranslucides, bizarres, aux allures fantasquessurgissaient d’entre le lacis des algues; l’eau sepeuplait ; le sable clair qui tapissait le fond, parplaces, s’agitait, et tout au bout de tubes ternes,qu’on eût pris pour de vieilles tiges de jonc, onvoyait une frêle corolle craintive encore unpeu, par petits soubresauts s’épanouir.1

C’est l’attraction des profondeurs qui estadmirée dans cet extrait du livre d’André GideSi le grain ne meurt. Je suis tombé sur ce pas-sage par hasard, en rentrant chez moi aprèsavoir apprécié une paella chez Costa le Carou -geois. Le plat de riz safrané qui enfouit les dé -lices espérées : poissons, viandes, co quil lageset crustacés, légumes… nous connaissons l’ar-rangement, sentez-vous l’odeur de l’Espagne?Silence, on mange!

La copieuse assiette imitait le Môle, elleétait brûlante comme la marmite de la mèreRoyaume. Après cette lecture, j’ai pensé que lacuisine étrangère nous invite à goûter des plai-sirs littéraires disparus, cette effusion genevoisede jadis gardée par ses poètes.

Une paella et une observation du fond de lamer depuis le débarcadère? Qu’est-ce que celaévoque en vous? Avez-vous observé le fretindu haut des dernières marches du Goléron?Ces petits poissons serviront d’appâts pour lespêcheurs, non pour les cuisiniers locaux et lesgourmands, car l’espèce est protégée, je crois.On sert la petite friture en France voisine, surles bords du lac Léman.

Avons-nous vécu de tels rapproche-ments? Un livre est appelé par unplat et cette rencontre renvoie àson tour à d’autres associations.Regarder le Rhône en sortant de la

rue de la Monnaie et entendre la Moldau: res-sentir le rythme ternaire de la musique deSmetana en rapport avec l’élément aquatiquequi fuit. Percevoir l’Amour en voyant desamoureux de la première lune s’embrasser lesyeux fermés à la plage. Admirer la Maternitéen aidant une maman à déplacer son enfantet sa poussette sur l’escalier bordant laRotonde.

De quoi est-il question dans cette préten-due ascension physique vers une métaphy-sique «de charbonnier», vraie comme une foiqui s’impose sans s’expliciter?

Avant d’être pour moi un exercice quirecherche l’endurance et la limite lorsque jem’enfonce puérilement dans la baignoire dela salle de bains et compte les secondes, tandisque je suis sous l’eau; lorsque sottement, pourles praticiens avisés, je «tiens le coup» de longues

MadeleinesgenevoisesLes écrivains vantent parfois sans l’avoir pratiqué le sport favori de certains nageurs munis de bonbonnes, parés de lourdes ceinturesserrant leurs combinaisons sombres, cétacés humains que nousobservons dans la saison froide, aux Pâquis ou à Hermance.

minutes dans le sauna des Pâquis avant de mejeter dans le lac glacé; lorsqu’en nageant jetouche les radeaux et longe les balises commeun amateur de circuits programmés…

Avant ces exploits relatifs, surgit uneconfrontation, non pas entre ce que je puismodestement et la compétition ouverte parun concurrent, non pas entre ce que j’entre-prends et la représentation de l’activité spor-tive au match ou à la télévision, mais avec lanature première du sport : LE JEU.

Que me proposent ces petits efforts? Ilssont aimantés par le jeu comme viennent d’êtrementionnées l’attraction de l’amour et l’émo-tion de la maternité.

Deux exemples me traversent l’es-prit en vue d’illustrer cette effu-sion genevoise de jadis, gardéepar ses poètes, ce goût du jeu. Lepremier se rapporte à la plongée

et aux mystères (d’autres fonds).Philippe Monnier dans Le Livre de Blaise

en est le porte-parole charmant:Chez Mermilliod, sur le radeau du grand

fond, nous étions assis Lavanchy et moi côte à côte, les jambes pendantes, le dos au soleil, lecoude au genou, le front dans la main.

Autour s’étendait le bleu.– Ecoute, me dit Lavanchy, je veux te dire

un grand secret. Tu me promets de ne pas lerépéter?

– Oui.– Parole?– Parole.– Fais la croix.Je mis mes deux index en croix.– Crache par terre !– Je crachai dans l’eau.– Lève la main!– Je levai la main.– Dis : «J’y jure!»Je dis : « J’y jure!»Lavanchy s’arrêta, réfléchit une minute, et

il reprit en baissant la voix :– Hé bien, mon vieux, mon tombeau…2 tu

sais?– Oui.– Où il y a les noms de tous ceux de la

classe?...– Oui.– Et les noms des maîtres?...– Oui.– Et mon nom à moi?– Oui.– En ronde?...– Oui.– Et le jour, et le mois, et l’année, et le ther‐

momètre, et le baromètre, tout comme c’estdans le journal?

– Oui. Accouche.– Hé bien, mon vieux, dans mon tombeau…

mais tu me promets au moins de ne pas yredire… Juré, c’est juré?

– Juré, c’est juré.– Pas de bêtise, tu sais?– N’aie crainte, Lavanchy.– Sûr?– Sûr.– Hé bien, mon vieux, dans mon tombeau…

j’ai aussi inscrit le nom de ma bonne.– …– A l’encre sympathique.Alors s’étant dressé dans la lumière, Lavan ‐

chy unit les mains, poussa le cri : «Thiaahou!mon fond!» et plongea.

Un peu plus loin, je le vis réapparaître, lescheveux collés aux tempes, l’épaule en avant.2

Ça commence avec l’eauLa vie qui est en toi

Regarde l’eauDans un verre Dans l’océan d’un verre Comme dans une glace

Mille et mille miroirs brisésDe toutes les tailles, Aucun n’est droit

Mille étincelles froidesFeu d’artifice de lumièreMilliards de queues de comètes Des étoiles de bengale Mouvantes, jaillissantes,

[filantes, fuyantes Instable, éphémères, se

[redéfinissant à chaque instantEtincelles du forgeron Qui s’éparpillent comme

[des enfantsToujours t’échapperont

Leur somme forme [une gigantesque lame

Un rasoir tranchant, l’horizon

Briser la lame, Briser la ligne Entrer dans l’eauS’engloutir, se fondre Se mélanger, se diluer

N’être qu’un grumeau Un petit morceau à la dérive

Elle t’accueille en elle Elle te fait de la place Elle s’ouvre pour toi Elle te porte Elle te régénère

Elle te prend tout entier Comme tu es Elle te purifie et te lave Mais elle est glaciale Même quand elle est chaude Une sensation de métal Du mercure mais en plus léger Mille particules mortelles Prêtes à t’étouffer Au premier faux pas

La noyade est toujours làElle te prend dans ses bras et

[ne te lâche plus jamais Elle te veut tout pour elle Elle t’attire mais ce n’est pas

[ton élément Elle est son propre élément

Elle est indifférente Que tu sois là ou pas elle reste

[couchée làElle est son propre aliment Tu lui es superflu

Mais si tu prends place en elle, Tu devras avoir la force

[d’en sortir Résister au chant du silence Du grand silence

Le second exemple révèle une fraî-cheur d’âme associée au sportcomme distraction, comme libertéd’un instant de détente, commeinnocence dominicale.

Il est tiré d’un passage de Gaspard Vallette,extrait de ses Croquis genevois (Villégiatures)4.

C’était la fin joyeuse et bruyante de cedimanche genevois.

Des bateaux chargés de peuple sifflaientdans le port, avant de se ranger lentement àflanc des débarcadères. Des familles en descen‐daient, portant de gros bouquets de narcisses,poussant des bicyclettes ou des chars d’enfants,achevant d’une voix un peu éraillée le refrainpatriotique ou le chant d’école entonné enentrant en rade. Des fanfares rentraient en ville,sonnant des marches guerrières, bannières dé ‐ployées et couronnées de branches fleuries etde bouquets campagnards. Des bandes d’alpi‐nistes, sac au dos, alpenstock à la main, frap‐paient l’asphalte du rythme un peu las de leurssouliers ferrés. Des marchands de journauxhurlaient le supplément «qui vient de paraître»et le «résultat complet des élections». Des cen‐taines de promeneurs endimanchés et de pro‐meneuses en robes blanches venaient humersur les quais, après cette après‐midi étouffante,la fraicheur toute relative de la soirée. La pleinelune barrait la rade d’une colonne d’argent brisée.4

A chaque passage d’un bateau blanc, nonloin du haut plongeoir et du grand fond, unpincement du souvenir saisit le cœur du bai-gneur sensible comme Jean-Jacques et s’en va,plus pressé encore qu’il n’est apparu; ce cœursemble alors fragile comme une merveille ausucre.

Cette nostalgie invite à l’aveu final. Ce nesont là que morceaux de madeleines gene-voises. Ces gourmandises vous sont tendues àl’heure du goûter. Si les gâteaux sont trop secs,trempez-les dans votre thé, la pratique estrecommandée dans la haute ville.

1 André Gide, Si le grain ne meurt, Le Club françaisdu Livre, 1953, p. 103.

2 Le tombeau est un trou creusé dans un banc parLavanchy qui le bouche après y avoir déposé les petitssecrets de sa vie de collégien. Il est écrit à la page 67 del’édition du Livre de Blaise, datée de 1925: «…Lavanchya creusé un très joli tombeau dans le banc. Il y a tra-vaillé au moins quinze jours. Dedans il a mis unefeuille de parchemin où il a inscrit : 1) le nom du prin-cipal, 2) le nom des maîtres avec leurs sobriquets, 3) lenom de tous les élèves de la classe, 4) son âge, sonnom et son prénom à lui Lavanchy (en ronde), 5) l’an-née, le mois, le jour, la température et la direction desvents. Il a bouché son tombeau de ciment et il l’a passéà l’encre. Aujourd’hui, on n’y voit rien. Mais chacun saitoù est le tombeau de Lavanchy et personne n’y touche.Son père est conseiller municipal aux Eaux-Vives.

3 Philippe Monnier, Le Livre de Blaise (Où Blaise etLavanchy sont nus sur un radeau), Jullien, Genève1904, page 168 de l’édition de 1925 (Neuvième mille).

4 Gaspard Vallette, Croquis genevois (Villé giatures),Jullien, Genève 1912, page 177.

NagerFRÉDÉRIC FAVRE

15Journal des Bains 7 · été 2012 BAINS D’ICI

Plus encore que le bain, la douchefroide a la cote: portée aux nuespar des médecins aussi respectablesque barbus, elle fait, dit-on, desmiracles. Ce ne sont pas moins de

quarante maladies – hystérie, anémie, goitre,syphilis, diabète, stérilité, etc. – que prétendguérir le docteur Glatz, l’énergique directeurde l’établissement nouvellement créé au bordde l’Arve. Il s’est formé à Paris, chez le célèbreCharcot ; ses publications, sa réputation, luiassurent une clientèle nombreuse, envoyée àChampel par des médecins du monde entier.Guy de Maupassant aura beau le qualifier de«charlatan le plus prétentieux et le plus ex -ploiteur que j’ai vu de ma vie», Glatz est uneautorité ; il a, d’une certaine façon, la maîtrisede l’eau.

Une eau capricieuse d’ailleurs, ce que nelaisse pas supposer son cours actuel. L’Arveest au XIXe siècle une rivière torrentueuse,qui s’écarte fréquemment de son lit pour ron-ger les rives, emporter des terres, inonder lescaves et les cultures maraîchères. Dans seseaux limoneuses et glacées, les noyades sontfréquentes : pas une année sans que de ma -cabres découvertes ne fassent apparaître descorps à la dérive, stoppés dans leur course parles roues des moulins ou les branches d’arbresimmergées. A ces eaux funestes, l’établissementde Champel oppose la cure bienfaisante. Cesublime renversement durera un demi-siècle,jusqu’à ce que l’on se détourne des rives pourexploiter d’autres gisements. Les lieux, cepen-dant, ne cesseront au XXe siècle d’attirer hôpi-taux, cliniques et cabinets privés, comme siune mémoire exerçait encore souterrainementses effets.

Le cœur de Champel-les-Bains est un«palais de douches», établi en bordure derivière. L’eau de l’Arve, dont la vertu principaleest de franchir en dix-huit heures la distanceentre le Mont-Blanc et la Jonction, est pompéeau bas de la colline de Beau-Séjour puis pro-pulsée dans la tuyauterie de l’établissement. Dece vaste bâtiment dont il ne reste plus rien au -jourd’hui, on peut dire queles entrailles sont plus im -portantes que l’enveloppe.Preuve en est la notoriétéacquise par le plombierHenri Henny, dont le noma occulté celui de l’archi-tecte. Si Glatz est un maîtredoucheur, Henny est le roide la plomberie: son pa pierà lettre vante ses réalisa-tions les plus prestigieuses:d’Evian-les-Bains à Baden,en passant par Loèche-les-Bains et Rheinfelden, lescircuits les plus complexes,les douches les plus sophis-tiquées (horizontales, mo -biles, en pluie, en jet pleinou en jet brisé) sortent deson atelier de la rue Plan -tamour. A l’époque, il fautde la technique pour atti-rer du monde, car si l’eaude l’Arve avait suffi, lesberges auraient offert assezd’accès pour satisfaire unepopulation de baigneurs.Ainsi, pour pouvoir exer-cer ses effets, l’eau doitdécanter, circuler, prendre

Champel-les-Bains: les beaux jours de l’hydrothérapie

1874. Située à quinze minutes de Genève, la station de Champel-les-Bains ouvre ses portes à grands renforts de publicité. Son créneau? L'hydrothérapie : la santé par l'aspersion, ou l'immersion.

Récemment paru, un livre fait le portrait de cettestation balnéaire insoupçonnée. Il met en lumièredes constructeurs enthousiastes, des médecinsconvaincus, des établissements hôteliers et unlotissement pavillonnaire. Croisant l’histoire del’architecture et celle de la médecine, confrontantplongée en archives et étude sur le terrain, il dé -voile une entreprise tout à la fois architecturale,mondaine et hydrophile.

David Ripoll (dir.), Champel-les-Bains.Textes de Christine Amsler, Vincent Barras, Alain Etienne, Mariama Kaba, Pierre Monnoyeur,Sabine Nemec-Piguet et David Ripoll Photographies d’Olivier Zimmermann Editions Infolio, 2011, 208 pages

Vente en librairie ou par commande écrite à :Office du patrimoine et des sites de l’Etat deGenève, case postale 22, 1211 Genève 8Prix : CHF 49.– l’unité (+ CHF 7.– de frais d’envoi)

de la vitesse et jaillir puissamment: àcet égard, les bains de Champel doi-vent plus au robinet qu’au pontonou à la plage.

Comme toutes les autres stationsbalné aires, Champel-les-Bains a bienplus à offrir qu’un arsenal de douches.Les curistes peuvent naturellement y loger, pour autant qu’ils en aientles moyens. L’hôtellerie se développede façon ramifiée, à partir du noyauformé par une maison de maître duXVIIIe siècle. Bientôt, c’est un véri-table palace que l’on voit s’élever à proximité. Des villas sont bâties en un temps record, dans le goût envogue dans les villes d’eaux fran-çaises. N’oublions pas que pour atti-rer le curiste, et le fidéliser, il n’y apas que l’eau qui compte: il faut uncadre agréable, pittoresque, varié dansses cheminements et homogènesocialement – même si l’on vient dumonde entier, on doit être sûr d’êtreentre soi. Il faut aussi que le bai-gneur puisse se distraire, chasser lespleen qui hante les stations de cegenre. Que faire après la douche? Auprogramme: promenade sous les mar-ronniers, montée au sommet de laTour de Champel et halte au «localde rafraîchissements» qui se trou-vait à son pied. Et le soir, concert enplein air, avant un souper bien arrosé.Le restaurant de l’hôtel est réputé; sacave – en 1895, elle contient 23 000bouteilles – représente alors une sé -rieuse concurrence pour les établisse-ments genevois. On boit donc beau-coup à Champel-les-Bains, peut-êtrepour oublier les maux et les douchesquotidiennes.

DAVID RIPOLL

Bains, hôtels, villas : une image condensée. Affiche de E. Jeanmaire, vers 1885.

L’établissement de Mme Renard, à l’extrémité du chemin des Bains, vers 1870.

Journal des Bains 7 · été 201216 LE CHAT DES BAINS

DANIEL SUTER www.studio-gds.ch

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L’art des ricochets«Je dors chaque nuit avec un galet sous l’oreiller.»

JOURNAL DES BAINSnuméro 7 · été 2012

THIERRY MERTENAT

Une giclure violacée. Sous la giclure,un nid de galets. A cet endroit, unfêtard a vomi son trop-plein d’al-cool. Les éclats ont durci avec lefroid, donnant du relief à cette fin

de nuit difficile. « C’est dommage. J’avais re-péré un galet de bonne taille, lisse et plat. Jecomptais l’utiliser pour mon entraînementmatinal », lance un homme sans âge, le sac àdos rempli de cailloux. Le jour vient à peinede se lever sur les Bains des Pâquis. Saisonmorte, crachin breton. Notre Sisyphe affec-tionne ce ciel décourageant, cette météo sar-trienne, celle des grands solitaires.

« Je vis seul, irréductiblement, et je ne sorsdans l’espace public que par mauvais temps. »C’est dit, d’une voix ferme et convaincue. Misan -thrope par choix, le lève-tôt qui parle auxhiboux confesse une passion sans limite – cen’est pas surprenant – pour l’écrivain et philo-sophe Jean-Paul Sartre. « La Nausée est monroman de chevet. Je me sens proche de sonnarrateur, Antoine Roquentin. Comme lui, je

chausse des lunettes de myope pour regarderles choses ; comme lui, j’aime me promener ledimanche après-midi au bord de la mer, quandla ville entière digère son repas. Comme lui, jedéteste la nature et je n’y connais rien. Saufces fragments de roches qui se frottent les unsaux autres, ces chutes de pierres ballottéespar les courants et les vagues qui, au final, ser-vent de petit reposoir à la souillure humaine.Oui, j’aime les galets. Ils ont quelque chosed’irréductible et de contingent. Face à eux, cequi existe existe, sans raison, presque sauvage-ment, et rien ne peut faire que ça n’existe pas.»

Voilà pour la leçon d’existentialisme. Cen’est pas vraiment le sujet, mais bon, l’aubeencourage la politesse, la patience et cette sortede disposition contemplative nécessaire à l’en -traînement qui va suivre. L’homme aux caillouxet à la pensée vaguement circulaire est d’abordle roi des ricochets. Avant les mots, les rebondssur l’eau. Le Roquentin des Bains a le poignetvirtuose. Sa souplesse impressionne. «Le relâ-chement de l’articulation de la main est néces -saire pour faire tourner la pierre comme unetoupie. Cette petite pichenette permet demaintenir le galet bien à plat. Un objet qui

tourne bien et vite tend à garder le même axede rotation. Ce phénomène scientifique a étédécouvert au milieu du XIXe siècle. C’est cequ’on appelle l’effet gyroscopique. J’ai mis dutemps à le maîtriser. Je dors chaque nuit avecun galet sous mon oreiller. Je le prends dansla main en sortant de ma nuit : c’est mon pre-mier acte de réveil.»

Le reste est affaire de comptage visuel. Passi simple, lorsque l’on s’obstine à vouloir s’en-traîner seul. «L’accélération du nombre derebonds sur la fin du jet est la conséquencedirecte de la diminution de la vitesse. N’im -porte qui peut en faire l’observation. Direcombien de fois la pierre a rebondi est en effetplus compliqué. Dépasser les quarante rico-chets rapproche du record du monde, homo-logué outre-Atlantique. J’en suis encore loin.De toute façon, je ne vise pas le podium. Mon plaisir, je le tire de cette accélération des re bonds précédant l’instant où coule lecaillou.»

Jouissance d’avant la chute: la petite mort,quoi. Elle a son histoire et ses traités. Dans lalittérature grecque et latine on trouve la des-cription écrite de jeux se pratiquant au bord

de la mer en lançant des coquilles (ostrakia)abandonnées sur la plage ou des tessons depoterie oubliés sur le sable. Beaucoup plus tard,un apprenti physicien rédige une dissertationde cinquante pages intitulée De lapidibus ab aqua resilientibus («Des pierres qui rebon-dissent sur l’eau»). Il se nomme LazzaroSpallanzani et s’intéresse à l’élasticité de l’eauen plein siècle (le XVIIIe) de dynamique desfluides.

Retour sur le stand de tir aquatique desBains. L’entraînement touche à sa fin. Dernièrequestion: «Et dans votre casque, vous écou-tez quelle musique?» La réponse s’accompagned’un haussement d’épaule amusé: «Rollin’Stone dans la version de 1950, enregistrée parMuddy Waters. Mais aussi, bien sûr, GeorgesBrassens, chantant à la guitare Les Ricochets.»Extrait : «La belle tâchait d’faire des ricochetsd’une main malhabile. Tu m’donnes un baiser,ai-je proposé à la demoiselle ; et moi, sans re -tard, je t’apprends de cet art toutes les ficelles.Affaire conclue. En une heure elle eut l’adresserequise. En change, moi, je cueillis plein d’émoi,ses lèvres exquises, ses lèvres exquises.» Deuxfois, les lèvres exquises. Ricochet amoureux.

Dessin Gérald Herrmann

Journal des Bains 7 · été 201218 HISTOIRES NATURELLES

Le rêve du pêcheur du néolithique«Je fus tout d’abord frappé par l’épaisseur de l’air, qui masquait sans douceur le paysage, comme un rideau de brume.»

Lests de filet en forme de papillotes : petits galets disposés en ligne, emballés dans une bande d’écorce de bouleau, elle-même ligaturée à l’aide d’un lien en fibres végétales. Site lacustre du néolithique moyen (vers –4000 à –3500).

COLETTE GRAND

Cet air piquait mon nez et ma gorge,mes yeux coulaient comme si quel -que chose brûlait, mais de feu je nevis trace; ce que je vis me frappaplus encore, car tous les chemins qui

mènent au village avaient disparu, remplacéspar de larges routes grandes comme des rivières,recouvertes d’un tapis gris et dur, où courentdans un terrible vacarme des chars non pastractés, mais guidés par une force in visible.Tout alentour, des édifices de pierre très hautset plus aucune vie, sauf quel ques arbres ché-tifs et de l’herbe captive émergeant parfois dece dur tapis qui recouvre partout le sol. Je visaussi que le fleuve s’était élargi et avait toutenglouti pour toucher les collines de part etd’autre, comme lors des grandes crues dontparlent les vieux du village. Les forêts avaientdisparu pour faire place à une grande quantitéde maison blanches et carrées, comme seméessur le flanc des collines. Et c’était bien mescol lines que je voyais par delà les eaux, re -connais sables entre toutes par leur silhouette,plus loin encore les grandes montagnes, maisd’elles et de tout le pays ne subsistait que lemodelé, tout le reste avait terriblement changé.

Effrayé, peiné par ce que percevaient messens, guidé par un besoin de réconfort, j’allaien direction du village, et je crus d’abord qu’ilavait disparu lui aussi, englouti par la crue; jem’approchai de la berge et de l’eau qui avaitgardé son habituel aspect bienfaisant, d’où jevis à l’emplacement du village comme un îlotsur l’eau, mais je dus pour l’atteindre suivreun chemin de pierre, puis passer un pontconstitué d’un étrange matériau, gris aussi, durcomme pierre et paraissant moulé.

Passé ce pont, je me retrouvai sur l’îlot, où jeconstatai tout d’abord avec soulagement qu’au -cun de ces bruyants chariots sans équipagen’étaient présents, que l’air s’était comme allégéet ne piquait plus mes yeux. Un instant, je crusêtre de retour au village, où seuls vibrent leschants d’oiseaux et les voix humaines, surtoutles joyeux éclats des voix d’enfants. Je continuaid’avancer vers ce qui m’apparut comme unrassemblement assez considérable d’humainsde tous âges, certains couchés sur les galets,d’autres nageant, beaucoup en grande conversa-tion. Je pensai que voilà un surprenant villageoù seule l’oisiveté est de mise. En me rappro-chant de ses nonchalants habitants, je m’aperçusqu’ils étaient tous vêtus de curieuses piècesde tissu qui enserraient leurs fesses, leur sexeet couvraient les seins des femmes. De même

les enfants allaient ainsi couverts, et personnene quittait ce costume, y compris pour nager.

Je continuai l’exploration de ce curieuxvillage et je découvris plus avant des rangéesde maisonnettes toutes identiques, si petitesqu’un homme couché sur le flanc en occupetout l’espace. Au centre se trouvent des bas-sins et tout autour, je reconnus des pilotisenfoncés dans le sable, non pas faits de troncscomme les nôtres, mais moulés à l’identiquedans ce matériau dont est construit le pontqui mène à l’îlot. Au milieu du village est unegrande maison vers laquelle tous convergent,et je vis en m’approchant qu’à l’intérieur s’ydéroulait un rituel d’échange, d’abord de sourires et de paroles, puis de boissons ou denourriture contre de petits disques sur lesquelsfigurent des signes inconnus et parfois desvisages très précisément dessinés. Comme jene disposais d’aucun de ces disques, je dus mecontenter de l’eau qui jaillissait directementd’une paroi, dont je remplis un récipient trans-lucide, très léger et miraculeusement étanche.

A cet instant précis, lorsque je goûtai cetteeau légèrement amère, j’eus la sensation deme retrouver dans un autre temps, parmi mesdescendants. Je m’aperçus alors que ma pré-sence au milieu de ces gens faisait l’objet deregards amusés et, bien que je n’en comprisse

pas le sens, de commentaires. Il est vrai quemon costume – un pagne et des sandales depeau, mon carquois, ma hache et mon couteaude silex – n’était en rien comparable au leur,que dire aussi de mes longs cheveux tressés etde mon collier de dents d’ours? Je tentai dem’extraire de leur bienveillante curiosité enme couchant sur la plage de galets et c’est làque je m’endormis.

Au réveil, comprendre que j’avais rêvé mesoulagea. J’étais à nouveau parmi vous, dansla calme réalité de ma vie de pêcheur, songeantà réparer les filets pour la pêche du soir. Ehbien, sachez-le, ce rêve m’a poursuivi tout lejour et me poursuit encore. Mes amis, ce mondede demain que j’ai visité, bien que surprenantpar ses multiples inventions, est un cauchemarde bruit et de fureur, et je ne vous dirai jamaisassez le bonheur de vivre aujourd’hui et main-tenant, car ceux que j’ai pu observer en rêvesont ingénieux et œuvrent sans relâche, maisavec une telle avidité qu’ils broient tout surleur passage. Les seuls qui échappent à cettefrénésie, je les ai trouvés sur l’emplacement denotre village, c’est un peuple préservé et non-chalant qui passe son temps couché sur lesplages. Les rencontrer, les observer me sauva del’étouffement et du désespoir, car sans eux jeserais mort de peur, de tristesse et de dégoût.

19Journal des Bains 7 · été 2012

TEXTE ET PHOTOGRAPHIES YVES NARDINI

Les différentes couches du lac sontdominées par les poissons de qualitésupérieure et de bon goût, dont lachair est saumonée par l’effort d’unevie en eaux libres. Jusque là, les pois -

sons blancs restent dans les bas-fonds, parfai-tement intégrés à l’écosystème; nécrophages,coprophages, microphages, phytophages, xylo -phages ou piscivores, c’est la diversité de tousles âges.

Mais, impensable catastrophe, les nutri-ments viennent à surabonder soudainement.L’équilibre est rompu. Tout le monde se met

au devoir de consommer cette malbouffe jus-qu’à la lie. Le pétrole vert, ou les algues, ceuxqui les mangent et ceux qui mangent ceux quiles mangent règnent tour à tour et fondentune chape d’opacité sur le toit du monde duLiquide. L’oxygène vient à manquer. Cer tainesespèces de poissons blancs, taillées pour cesconditions opportunistes, se mettent à domi-ner si puissamment que les autres poissonsblancs s’éteignent lentement, faute de place.Le poisson noble, quant à lui, a disparu ensuivant l’oxygène.

Mis à part quelques niches exceptionnellesoù d’autres populations peuvent survivre, latotalité du domaine piscicole est surchargéepar une chaîne alimentaire en cercle vicieux dequelques espèces seulement, maillons auto -

suffisants, chacun se nourrissant de l’autre.Cette opulence oligarchique produit un trop-plein d’excréments et de corps en putréfac-tion qui viennent s’accumuler en une coucheprofonde, épaisse, obscure, anoxique et ré -ductrice, créant un milieu de vie dans lequelpullulent des organismes parmi les moinsévolués de la planète, seuls capables de pros-pérer dans un tel environnement et produi-sant en masse un sulfureux moisi.

Cette trop forte richesse de nourriture etpourriture influence toutes les strates du lacet tous les organismes y vivant. Non contentsd’évoluer dans des eaux puantes, les espècesindigènes entrent en compétition avec cellesintroduites par la pisciculture à but lucratif etpar erreur. Ces espèces envahissantes, comme

nous les nommons, colonisent à outrance sansvouloir et sans savoir les niches écologiquesdes populations locales.

Pourtant, ô miraculeuse surprise de la vie,il existe encore une petite zone du lac où lafaune et la flore respirent tranquillement. Unhavre écologique pour les poissons lémaniques,toutes espèces, couches ou origines confon-dues, qui peuvent y barboter sans risquerdevenir repas ou mourir d’asphyxie. Un bold’oxygène, une bulle de liberté, située exac -tement entre les derniers bras du lac. Toutesles images présentées ici proviennent de cepetit îlot limnologique, dernier bastion d’uneeau vivable dans le miasme omnipotent despoissons du Léman.

Le poisson blanc du LémanDans un lac péri-alpin, l’eau est généralement cristalline, pauvre en nutriments, riche en oxygène. La faune piscicole est diverse et colorée…

Journal des Bains 7 · été 201220 CORRESPONDANCE

JEAN FIRMANN

C’est ce que m’a mi -naudé, lyophilisée &mécanique, la faussevoix de la faussefemme qui parle tou -

jours la même à tous quand, sur lepetit clavier vertical de plastique etde tôle froide, j’ai heurté de l’indexles quatre chiffres 3612 m’avait-ondit qu’il fallait juste taper lors quej’allais simplement pour lui dire laglorieuse & vandale histoire de bainsque ci-dessous je vais vous racontervisiter ma si haute & si belle cou-sine qui se nommait en ces temps-là Claudine et que j’aimais dans matête & mes nerfs doux lui apportantdes fleurs exquises en un petit bou-quet terriblement beaucoup. 3612tapé «vous pouvez entrer» oui m’adit sans broncher et d’un aplombterrible la fausse voix de la faussedame qui parle sans honte à tous,tant & si bien que j’ai pu entrer dansla maison Claudine. Clouc, a gémibien huilée aussitôt la porte qu’ainsipar 3612 d’un seul doigt de ma maingauche à peine effleurés j’ai pu(humilié par l’exiguïté sadique &post-moderne qui est aujourd’huila nôtre) sans peine pousser. Sic’est pas de la magie ça, je vousparlerai une autre fois du magiciendu progrès qui est trop con pourqu’on l’arrête. Car il y en a tous lesmatins de chaque jour des magi-ciens gonflés de certitudes par laterre qui pourtant sous nos yeuxson désespéré feu dou loureux brûle.Notam ment pour aller 27 rue desDeux-Lilas à Genève chez ma sibelle & si haute cousine raconterjuste cette histoire de bains que jetiens de première main.

C’était pleine lune dans lesannées 1960 ce soir de juin-là etl’acrobate avait lampé de l’alcoolde pomme pomme pomme dansdes verres sans pied cette soiréed’il y a tant d’hiers, dans un bistrotbourré d’armaillis qui, au comble del’insulte, se traitaient de vieux che-vreuils dans les alleluia menteurs& et les cris rouges d’ambulance desmachines à sous. Faut dire que danssa crouille ville, il y avait une rivière,un torrent plutôt qui nourrissaitune piscine. Et que les catholiquesallaient aux bains. On n’avait pasencore inventé le mot convivial maisles trois pharmacies du gros bourgvendaient déjà des costumes de bain.D’une seule pièce tricotés main, avecdes volants & des rubans crochetéstout aussi main, le tout de pur cotonabstinent de toute ardeur & sinistre en diable.

Faut dire aussi que ça m’exaspère à monbel âge, d’avoir toujours tant et tant à faire àdes menteurs. Depuis le temps que les bou-chers nous vendent pour bœuf de la vache, dutaureau, de la génisse ; pour agneau du mou-ton, du pré-salé, du Sisteron; pour poulet de lapoule, voici qu’ils s’en sont pris aux poissons(du lac je veux dire) car pour le poisson desmers par l’homme à filets d’acier monstrestorturées, il y a longtemps que pour vendreon actionne la pompe à verbe: la morue sebalance ainsi sous les noms de cabillaud,èglefin, haddock, prostituée ou putain. Ce nesont-là que des synonymes et c’est bon pourla fructification joyeuse de la langue mais,passant au lac, on triche carrément sur lamarchandise. Car j’ai vu pas plus tard qu’hierd’helvétiques grandes surfaces marchandes,bourrées de denrées à coller diarrhée de bouffi

oui ! qu’elle était haute et gorgéede lumière large & pâle la lunedans le ciel noir des Préalpes. L’acro -bate en fut ébloui tant que du dosl’une après l’autre des deux mains,il essuya délicatement ses larmes.Enfin seul en ce lieu, ayant aussitôtôté de ses pieds chaussettes &chaussures, il sentit la rosée druecaresser telluriquement ses planteset vit soudain dans le brouillardd’amour d’être vivant debout parle monde, en contrebas le grandbassin olympique et sur le haut,portes grand’ouvertes en leur mili-taire alignement les quatre-vingt-deux cabines. Où se calfeutraientde jour les baigneurs pour enfilerdans la moiteur intime leur cos-tume de bain tricoté main de purcoton sinistre en diable. Il pénétradans la première et sursauta, giflépar le reflet trouble de sa face quelui renvoyait cloué d’un gros clounoir au mur un miroir d’Uniprixbordé vulgaire de plastique jaune.Alors l’acrobate en colère contrel’exiguïté du monde & de ses pas-sagers soumis, arracha au gros clounoir le miroir jaune de la cabine une.Le clou et le miroir se laissèrentfaire si aisément que l’acrobate,concentré et fronçant de passion lesourcil, passa à la cabine deux où ilarracha d’un coup si beau d’un seul,le clone Prisunic à cadre jaune dumiroir un. Et l’acrobate à qui unami fou d’être & premier violon là-bas vers Saint-Gall avait appris quela vie ne tient qu’à une âme de boisblanc & à quatre boyaux de chat,passa de cabine en cabine, arrachantd’un coup les miroirs de Prisunic àcadre jaune des quatre-vingt deuxcabines fermées à clé le jour etouvertes la nuit à toute lune pouréviter (sainte horreur) que n’y pro-lifèrent les champignons bleus &sacrément poilus des moisissures.Alors debout sur ses pieds nus &les yeux grand’ouverts dans la nuitivre de lune, l’acrobate, tenant enses bras nus un grand bouquet demiroirs, au cœur même de la pis-cine municipale, souverainementdéserte à cette si belle heure avan-cée de la nuit, comme seul enfin auvolant même du monde, sous lehaut feu d’argent de la lune ronde,s’agenouilla sous le plongeoir desdix mètres et défiant à jamais sesdits maîtres, un à un, très lente-ment, en le geste doux qu’amorcentles papillons quand ils se lancentquittant la fleur pour le grand ciel,oui l’acrobate un à un largua dansles profondeurs solitaires creuséespar Caterpillar sous le haut plon-

geoir municipal, les petits miroirs dans l’eaubleue. Un à un, pages effrontées du plus ar -dent des livres, les quatre-vingt-deux miroirsdescendirent au gouffre d’eau et c’est peu direque c’était beau. A genoux, je les égrenai, unà un les offrant à la profondeur de l’eau soupleet souriant aux larmes comme jamais plus. Ilscoulaient en dansant comme feuille d’érableà l’automne fauve qui tombe. Ils voletaient endouces et aléatoires saccades jusqu’au finfond du grand bassin. Et loterie divine, de laplus cinglante des lumières, de la plus vive desvisuelles brûlures, parfois, un miroir plongeantgaiement aux profondeurs me renvoyait l’éclat – ô si mystérieux, si pénétrant – de la lune.Deux ans plus tard, les Américains (parlantdu nez l’anglais) marchaient dessus.

Vous pouvez entrer

aux trente-six tiers mondes, vendre sur lit deglace de la féra. Elle, la si belle et nerveusecorégone qui disparut à jamais du Léman audébut des années 1950 par surpêche (déjà !) etpar cochonneries tueuses venues des tornadesblanches ménagères aux aveuglées chiottesbleues d’hygiène & aux lessives à mort diablepur coton pire blanc que blanc en toute bonneconscience lavé jusqu’à la délavure. La javelau goulot ! Le gel canard en intraveineuses!Exit dès lors à jamais de tous nos lacs, dites-levous bien, la féra espèce toute éteinte et queles pêcheurs du lac de Neuchâtel purent heureusement remplacer par une lointainefrangine nommée palée. Mais allez donc de -mander entrecôte de vache à votre boucherou filet de palée à votre poissonnier ! Sanscompter l’insipide vengeron vendu triché sanspeau pour du filet de perche. Par tous cesmenteurs tétanisés par l’oseille, artisans fédé-

raux des trois piliers. Compteurs desséchésd’assassins petits sous. Vendeurs de leur mèreet de la photographie-même de leur mère.Pétochards d’exister. Assurés en nappes deflouze contre tout.

Alors je lui ai raconté à Claudine, la véritéun peu mystique & bien vandale que dans ce Journal des Bains, sans honte je vais aussivous dire: Il faisait nuit quand l’acrobate par-vint au bord du torrent face aux hauts mursqui défendaient municipalement la piscinetoute neuve. Mais comme il était leste etjeune l’acrobate qui cette nuit de pleine lunerôdait à l’unisson par sa trop petite ville,comme vraiment il voulait dans la beautélibre vivre, franchit l’enceinte d’un seul bondd’homme, opéra un gracieux rétablissementau faîte de la palissade (comme Bill Ballantinedans les Bob Morane) et sauta debout sur lesgazons neufs de la piscine municipale. Ah

Dans les Préalpes, on peut surprendre encore, mi-mars, roue déployée rentrant des lieux de ponte, quelques splendides spécimensdu crapaud-gazelle ou crapaud-lyre que familièrement l’on nomme «gazouillis ». Photographie Jean Firmann, printemps 2012.

21Journal des Bains 7 · été 2012 VOL AU VENT

Hissez les drapeaux

Les Bains des Pâquis affichent la couleur haut et fort: trois nouveaux drapeaux vont bientôt flotter au-dessus des installations balnéaires et seront visibles loin à la ronde. Ces joyeux étendardssont le fruit d’une collaboration entre l’AUBP et le Centre de formation professionnelle Arts appliqués (CFPAA). Un concours de drapeaux, deuxième du genre, a été proposé à différentes classesde graphisme: design-objet, illustration-narration et typographie-communication.Les projets de 50 élèves, sur les 90 qui ont

participé à l’aventure, sont reproduits ci-dessus. Un jury formé d’enseignants et de représentants del’AUBP en a retenu trois. Les drapeaux de MelinaHumberset (1er prix), Basile de Saussure (2e prix) etMoran Robellaz (3e prix) seront donc im primés. Ilssignaleront au loin la couleur des jours… et des Bains.

Journal des Bains 7 · été 201222 AUX BAINS

JANVIER

Bains ducourage!Dès la Saint-Sylvestre, l’année commence parun bain froid et glacial que l’on pratique quasiquotidiennement quand on s’appelle «baigneurd’hiver». L’air est clair, gorgé de bise, de froiddans le dos, de cuisses marbrées et de halosde vapeur autour des corps rougis. C’est lesprint du sang dans les veines et des brasséesvigoureuses. On les voit enfin ressortir de l’eausur une jetée désertée, repeinte par Bruegel et Turner tout à la fois. C’est l’aube de la saisondes sports.

MARS

L’autre SalonComme chaque année en mars, lors du Salonde l’auto, « l’autre Salon» vient faire un touraux Bains. Sur la jetée, quelques personnesenfourchent leur vélo. On assiste alors à unspectacle bien étrange où ces pédaleurs secontorsionnent, arrêtent presque de respireret parcourent quelques vingt mètres dansune sorte de court métrage au ralenti. Cettemobilité, douce à souhait, n’a que faire dumoteur à explosion. Nous vous donnons doncrendez-vous à l’année prochaine, aux mêmesdates que le Palexpo de nos transports nocifs,pour cette course de la lenteur, à pied ou àvélo, suivie d’une fête du muscle virile avecroulement des mécaniques!

AVRIL

La Vivicittà vaC’est sous l’impulsion du Satus Genève, clubconnu des sportifs pour ses 60 éditions ducross du Bout-du-Monde, qu’est né le diman -che 3 avril 2012, pour la première fois enSuisse, à Genève, la Vivicittà. Cette course àpied a pour particularité de fédérer au niveaumondial 70 villes dans 22 pays en se déroulantle même jour, à la même heure, et sur lamême distance! Les 220 participants et parti-cipantes de notre canton se sont mêlés vir-tuellement aux 70 000 concur rents des autrescités. Si les juniors, vétérans et seniors ont eul’opportunité de se mesurer sur la distancephare de 12 km d’un parcours inédit, les éco-liers et cadets n’ont pas pour autant étéoubliés sur des distances plus courtes, maisdans l’environnement privilégié de la Perledu lac. Les sportifs et parfaits organisateursde cette première Vivacité ont été accueillis et restaurés aux Bains des Pâquis. Rendez-vous est pris pour l’an prochain, le premierdimanche d’avril, à la même heure, au mêmeendroit, et avec le même temps radieux!

JUILLET

Le masque et la crevette Les 10, 12, 17 et 19 juillet, dans l’après-midi, desenfants nageurs et masqués plongeront pourdébusquer les fonds lacustres. La libellule, lesoleil et la crevette ont donc rendez-vousavec un tuba et un microscope en ban-douillère pour sonder les mystères du mondetrouble et aquatique du Léman. Toute cettejeunesse sera encadrée par des moniteurs etdes sauveteurs aussi stimulants qu’attentifs.Cet événement sera annoncé comme un éco-lomoment donnant droit à un sirop et à uneglace… à l’eau comme de juste.

Le Triathl’eauEn 2011, un temps mitigé, voir mi-tigré maispas franchement mauvais a ac cueilli lesépreuves du triathlon international. Cettecompétition lancée en 1987 à Genève-Plageest venue, dès 1995, se fixer sur les Bains desPâquis. Cette importante manifestation spor-tive comprend, comme son nom l’indique,trois épreuves modulées selon les catégoriesde sportifs. De 500 à 1500 m pour la natation,de 5 à 10 km pour la course à pied et de 20 à60 km à vélo. Cette année, le départ aura lieule 22 juillet sur la jetée des Pâquis, un départspectaculaire et ébouriffant. Qui a déjà assistéà l’élan conjugué de quelque 800 nageurs quise lancent à l’eau en même temps, dans unbruit de roue à aube? Le public ne s’y est pastrompé en 2011, impressionné par les écla-boussures innombrables de ces concurrentsendiablés !

Le 1er Août aux Bains des Pâquis se fête unmercredi cette année! Il vous suffira d’être làavec vos culottes de lutte, votre as de piquedans une main et la pierre d’Unspunnen dansl’autre… Venez tôt le matin vous inscrire, à labu vette pour le traditionnel tournoi de cartes.Vous passerez alors une matinée encouragéepar quelques valets et de jolies reines avec ousans rois. L’après-midi, il vous faudra enfilerles belles vraies culottes de lutte, vous cram-ponner à celles de votre adversaire, pour enfin

le plaquer au lac, au milieu d’un grand dés -ordre de gerbes d’eau comme un canard effa-rouché. Séchez-vous vite et allez directementsous les platanes où vous lancerez les trèslourdes pierres suisses et bleues, au moins àun mètre de votre ombre portée, tandis queles enfants iront faire des ronds à la surface del’eau. Une fois les récompenses attribuées auxparticipants, vous pourrez déguster en débutde soirée la fondue toute AOC des Bains…

Animations sportives

Le 1er août se fêtesans feu maisavec flamme

AOÛT

23Journal des Bains 7 · été 2012

AOÛT

La 15e courseautour du phareIl fallait l’inventer cette course! Oser contour -ner les rochers massés au pieds du grandphare blanc, braver le chenal séparant les deuxrives de la rade et son courant puissant, virersur la droite pour rejoindre en aval la zone dupolo à l’abri des platanes. Il fallait une dose detémérité qu’une bande de joyeux compèresont su vaincre et maîtriser. Les uns craignaientde se retrouver à Verbois, les autres happéspar les bateaux à vapeur. Cette course, impro-bable à l’origine, prit alors le nom de celuiqu’il fallait vaincre, amadouer, domestiquer :le Phare. Chaque année, le dernier dimanched’août, la course autour du Phare s’est dérou-lée sans aucune peur, avec un éclat renouvelé,comme une vraie fête annoncée avec ses af -fiches. On y a vu des sportifs à grandes bras-sées ruisselantes, gagner l’arrivée avec unbonnet rouge, bleu et vert luisant. On y a vu,lors des grandes cuvées, des baigneurs rivali-sant d’imagination, déguisés en tortues géantes,en sirènes et même en joueurs de cartes. Ona même aperçu des petits enfants baigneurssur le dos de leur papa nageur… Rappelons ladate de cette course mythique: le 26 août 2012.

SEPTEMBRE

Fête du jubiléavec les jouteslanguedociennes

Nous fêtons en 2012 les 140 ans des Bains desPâquis, les 80 ans de leur construction enbéton, les 25 ans de la création de l’AUBP etles 15 ans de la course autour du phare! L’asso -ciation fêtera ces quatre jubilés en faisantremonter jusqu’à Genève l’écho des fêtes duRhône qui s’accordent si bien avec la célé -bration de Jean-Jacques, défenseur de l’ap-prentissage de la nage. De véritables jouteslanguedociennes se dérouleront ainsi sur leplan d’eau des Bains les 1er et 2 septembre,

grâce à la venue en force de la Jeune Lancemézoise, du Bassin de Thaux. Un très beauspectacle en perspective, puisque la joutenautique voit se rencontrer deux adversairesmunis d’une lance et d’un bouclier perché àl’arrière de leur embarcation respective. L’unerouge, l’autre bleue, propulsée par huit à dixrameurs et guidés par deux barreurs. Le touten musique, bien sûr. Une prestation excep-tionnelle. Jubilons!

SEPTEMBRE

Triplette etc’est à Odettede jouer!En automne reviennent les feuilles mortes etles équipes de femmes et d’hommes. Alorscommence l’empoignade de la boule lourde,pleine et brillante. Comme une étoile filantecette ronde s’envole pour retomber, et pour lebonheur de quelques uns, tout près du petitcochonnet doux et discret. Mais voilà que cecouple va être disloqué par une boule rageuseet revancharde qui va essayer, elle aussi, deséduire la petite boule en bois, de la toucher.On va donc assister à une suite de coupleséphémères de sphères argentées, accompagnéedurant des heures de sifflets, d’applaudis -sements, d’encouragements, du fameux «tutires ou tu pointes», tradition joyeuse toutemarseillaise. Vive la pétanque, les boules et lepastis. Cette prochaine réjouissance aura lieule 16 ou le 23 septembre de cette année, saufen cas de boules mouillées…

DÉCEMBRE

Un dimanchede l’AventUne délégation d’otaries vous fait vivre sa«sous-coupe de Noël», sans forcément boirela tasse. On peut la disputer dans de l’eau à 4 degrés, course dûment chronométrée, sanstambours ni trompettes (quoique…), et ce enmarge de la grande et officielle «coupe deNoël». Aux Bains, on a juste à descendre dansl’eau par les escaliers et plouf.

pour le groupe animations sportives:Françoise Othenin‐Girard

24 AUX BAINS

Les dessous des BainsTEXTE ET PHOTOGRAPHIES PHILIPPE CONSTANTIN

25Journal des Bains 7 · été 2012

C’est un monde en miroir qu’uneAlice ou une autre doit un jourtraverser. L’œil ne s’est que de -puis trop longtemps habitué àla ligne basse de l’architecture,

comme fondue dans l’étendue du lac. Il y a un monde sous le monde connu. Une

vie sous la surface des dalles en béton. Nos peursviennent de la fausse idée que l’inconnu recèledes monstres ou des dieux infernaux.

Heureusement, il y a des puits de lumièrepartout où l’on avance. Il ne fait finalementpas si sombre qu’on aurait pu le craindre.

Ce sont les enfants les plus téméraires à cejeu-là. Souvent, la journée, traversant une ter-

rasse ou un couloir suspendu au-dessus del’eau, on les entend rire, pataugeant quelquepart là-dessous, entre cette forêt de pilotislacustres en béton. Ils guignent entre les fentesdes cabines, espérant surprendre le geste fu -gace d’un sous-vêtement qu’une femme troquecontre un maillot de bain. Souvent aussi, onles devine à leurs cris de joie quand ils décou-vrent la bril lance d’une pièce d’argent dans lerayon oblique de la lumière tamisée.

L’enchevêtrement de tuyaux, de câbles, defosses n’est rien. Ni la vase, ni les cailloux ni lesminuscules moules tranchantes comme desrasoirs. Au pire, on s’effraierait de l’ombre d’unecarpe qui frôle un mollet, ou d’une foulque

agressive qui défend son nid. Ce sont les refletsmouvants de l’eau qui rendent le lieu vivant.On comprend mieux ici que la lumière estliquide et qu’elle est cet intangible matériaudont usent les peintres pour donner vie àleurs œuvres.

La magie est là. Toujours. Même quand leregard se tourne pour observer la ville alen-tour ou le lac à travers des points de fuite qui re mettent le monde en perspective. Oui,de ce nouveau monde, inconnu autrefois, onredécouvre et on réenchante l’ancien, celuide la terre ferme, celui que l’on croyait êtreimmuable et qui nous gardait de nos craintesinfondées.

Journal des Bains 7 · été 201226 PORTRAITS LACUSTRES

Des artistes aux fourneauxMontse, Ardian et Césarœuvrent à l’abri des regards,derrière les fenêtres grillagéesde la buvette. Dans cettecuisine de poche, ils mitonnentdes plats du jour inventifs,goûteux et généreux qui font le bonheur des Bains.

FRANÇOISE NYDEGGER

Habits noirs pour les deux mes-sieurs, tenue blanche pour ladame. Question de coquetterie.Comme le montrent ces deuxphotos, les cuisiniers ne sont pas

tous en même temps aux fourneaux. L’espaceest bien trop exigu pour tourner à trois là-dedans. Ils se marcheraient dessus. Et puis ilfaut aussi assurer le roulement des équipes :les clients mangent aux Bains tous les jours del’an. Alors ces employés s’arrangent entre euxpour qu’il y ait toujours en cuisine un chefavec l’apprenti. Ou un aide de cuisine. Et à euxseuls, ils régalent les foules.

La cuisine, Montse n’y songeait guère quandelle était petite. Celle qui chante toujours entravaillant est née Montserrat Sadurni, il y a41 ans, dans un petit village près de Barcelone.Dans les terres, précise-t-elle. Là-bas, tous l’ap -pellaient «Montse del Parramon». Du nomdu bistrot tenu par ses parents. «On ne faisaitpas restaurant. Juste le café, le petit-déjeuneret les boissons. Le Parramon rassem blait alorstoutes les générations. Les villageois venaientpour taper le carton et regarder des matchesde foot à la télé. Les plus jeunes pour le baby-foot et le billard.»

A 18 ans et des poussières, cette jeune fille«atypique et indépendante» décide de mettrequelques kilomètres entre sa famille et elle.Après des séjours linguistiques en Belgique eten Angleterre, des aller-retours à Barcelone,elle débarque Genève en 1992. Monste s’y établira définitivement en 1995, après sonmariage. Elle cumule les petits emplois. Aidecuisinière à l’Usine, organisatrice de soiréesculturelles, popote pour les centres aérés desenfants. Elle qui n’avait aucune culture culi-naire se prend au jeu. Cela devient même viteun plaisir.

La jeune femme commence aux Bainscomme aide de cuisine. Un jour, Raymondentre dans la cuisine. Il lui dit alors, et Montses’en souvient encore: «Fini la rigolade. De -main, c’est toi le plat du jour!» Message reçu.Elle se lance dans la préparation du plat dujour le soir. Puis le midi. Petit à petit, elleprend sa place et grandit dans le métier. «Lachance que j’ai eue, c’est d’avoir rencontré de bons chefs, comme Mathieu. Il m’a toutappris. Il m’a surtout transmis cet amour de lacuisine.» Le plus beau cadeau qui soit.

«Ce métier, c’est vraiment ce que tu enfais. Depuis douze ans que je suis ici, j’aimetoujours autant travailler avec mes collèguespour trouver ce qu’on va bien pouvoir pro -poser aux clients de plus et de mieux que ladernière fois, tester de nouveaux produits,oser des mélanges de saveurs. Ce qui me rendheureuse, c’est d’être capable de sortir entre80 et 500 plats du jour, selon la météo, et debien le gérer. Dans la bonne humeur et le res-pect des autres.»

Mais pour assurer, il faut qu’elle soit calme.Que tout soit là à temps, en début de journée.Si le légumier arrive trop tard, si la vianden’est pas celle souhaitée, ça peut vite devenircompliqué. Tout se joue finalement à peu dechose.

«Je ne suis pas née cuisinière. C’est quel -que chose qui est venu à moi par la vie, et je le

fais du mieux que je le peux, avec une bonneénergie et de l’amour. Les plats n’en sont quemeilleurs…» Et Montse éclate de rire.

Ardian Avdullahi, lui, est un gosse desPâquis. Il a vu le jour en 1985 et a grandi ruePlantamour, à un jet de galet des Bains. Labuvette, c’est un peu le prolongement de samaison. A 14 ans déjà, il y travaille en terrasse,à côté de sa scolarité. C’est un débrouillard.Mais un beau jour, l’école post-obligatoire neveut plus vraiment de lui. L’un des cuisiniers,Raphaël, lui propose alors un stage pour voirsi le métier l’intéresse. Le garçon y prend goût.Il effectue son apprentissage de 2003 à 2006.Et depuis, il y est resté. Comme chef.

«J’aime la philosophie des Bains. Si tu asune idée à apporter, tu peux prendre ta place.Moi en tout cas, je l’ai prise! Et puis on travaillesur la confiance. Les patrons ne sont pas der-rière toi à te surveiller, ils te responsabilisent.»

«La cuisine, c’est 80% d’organisation. Icipeut-être plus qu’ailleurs. Car la place faitdéfaut : il n’y a pas de stockage pour des ré -serves, pas de congélateur, pas de lieu prévupour peler ou couper une patate. Or, notrebut est de travailler des produits frais. Ondevient donc vite de bons gestionnaires deproduits. Ça tourne. Parfois trop vite ! Les lé -gumes par exemple nous sont livrés frais à 6h

du matin et se trouvent à midi déjà dans leventre des clients.»

Le reste du métier est question de savoiret de pratique. De créativité aussi. «Pour êtrecuistot, il faut un bon palais. Après, c’estcomme pour tout. Il faut s’y intéresser à fondpour progresser. Etre curieux. Aller regarderce qui se passe dans les autres restaurants,voir comment les autres chefs procèdent.»

Ardian n’a pas peur de dire que les platsdu jour des Bains sont les meilleurs de laRépublique. Rapport qualité-prix, mais passeulement. «Les clients qui viennent ici tousles jours de l’année le savent bien. Ceux duweek-end, c’est autre chose. Ils ne voient quela file d’attente et ne regardent pas forcémentce qu’il y a dans leur assiette. Les fidèles appré-cient aussi que nous pratiquions toutes lescuisines du monde.»

«Cuisinier, c’est un métier magnifique quiexiste pour répondre à un besoin primaire :manger! Tout le monde cuisine à sa manière.Selon sa culture, son histoire, ses envies. Ici,nous aimons particulièrement jouer sur lescouleurs, pour que le plat flatte autant lesyeux que les papilles.»

Le plus jeune de l’équipe, César Theurillat,19 ans, a grandi au Petit-Lancy. Il venait sou-vent en famille prendre le petit-déjeuner aux

Bains. «L’endroit m’est familier. On arrivaitlà pour passer un bon moment et apprécier le paysage: être au milieu, mais en dehors dela ville. Et puis j’adorais déjà le bircher et lesgrosses tartines de cenovis !»

Le rêve de sa vie n’était pas pour autant dedevenir cuisinier. Même si le jeune homme atoujours aimé concocter des petits plats avecsa mère et sa grand-mère. Mais d’ici à en faireson métier… Il attaque donc le collège. Aprèsdeux ans, il bifurque. Essaie d’entrer aux Artsdéco, hésite à se lancer dans une formationd’assistant socio-éducatif. C’est dans cette pé -riode de flottement qu’Ardian lui propose unstage en cuisine en avril 2010. Bien vu! Césarcommencera son apprentissage peu après.«Je n’ai pas hésité une seconde. L’ambiancede travail, la beauté du lieu, l’attitude desgens m’ont marqué positivement.»

Il est aussi séduit par le boulot. «La cuisine,c’est un art, même s’il est éphémère! Sitôt leplat cuisiné, il est mangé. Mais au niveau desa beauté, de son harmonie, il va rester enmémoire! J’aime également ce sentiment dudevoir accompli, quand tu vois tous ces clientsqui mangent et qui ont l’air contents.» Chaquejour pourtant, il faut recommencer. «Commeil n’y a pas de carte, on est libre de faire ce quel’on veut.»

«Quand je dis autour de moi que je faismon apprentissage à la buvette des Bains, jerencontre beaucoup de préjugés. Les gensentendent “buvette” et pensent tout de suitesandwiches et salades. Or, on fait de la gas-tronomie ici. Ce lieu est très formateur car tupeux faire preuve d’initiative et tu touchestout. En cuisine, il existe plusieurs façons deréaliser la même chose. J’apprends de Montseet d’Ardian, pour ensuite essayer de trouverma propre manière de faire.»

Après son apprentissage, César aimeraitdans un premier temps approfondir sesconnais sances en pâtisserie. C’est un bec sucre,ce garçon! D’ailleurs, il ne cesse de vanter lesmérites du millefeuille maison, «spécialementbon» et du fondant au chocolat !

A voir ses yeux s’allumer quand il en parle,on sent qu’il a trouvé son métier : «Quand onest cuisinier, on se met au service des autres.C’est bien d’être serviable. Et puis apprendreà gérer le stress du coup de feu, prendre durecul pour rester calme, c’est un très bonapprentissage pour la vie !»

Ardian et César Photographies Fausto Pluchinotta

Montse

27Journal des Bains 7 · été 2012

S’inspirant librement de l’ambiance si particulière que dégagent les Bains des Pâquis, Charlotte de Perrot traduit avec sensibilité et humour les ébats scintillants d’une improbable diversité d’espècessubaquatiques. J’adresse mes remerciements chaleureux à cette élève talentueuse pour l’image qu’elle a réalisée, à l’ensemble des candidats et candidates qui ont participé au concours, ainsi qu’auxenseignants et enseignantes du CFP Arts appliqués. Mes vifs remerciements à l’équipe des Bains pour cette stimulante collaboration. Guy Mérat, directeur CFPAA

CHARLOTTE DE PERROT

Journal des Bains 7 · été 201228

Papa prévoit tout!

4.- 5.50 14.508.- 11.- 29.-

12.- 16.50 43.5016.- 22.- 58.-

250.-500.-750.-

1000.-

Rentesmensuellespar enfant

Cotisations mensuelles

Par personne et par enfant.Les deux parents peuvent cotiser.

-35 ans 35-45 45-55AGES D’ENTRÉE

Chloé

FSMO : 130 ans de solidarité.C’est parce que “ça n’arrive pasqu’aux autres ” que plus de 4000parents adhèrent à la FondationFSMO créée en 1872. Aujourd’hui,une équipe de bénévoles compé-tents poursuit cette œuvre parcequ’elle croit à la solidarité queseule une mutuelle sans but lucratifpeut être en mesure d’offrir à desconditions accessibles à tous.

Même lepire...

Si l’un de mes parents

venait à disparaître ou devenait invalide,

avec la rente FSMO je pourrais

poursuivre mes projets d’avenir .

Rente jusqu’à

1000 frs par mois!Ça n’arrive pas qu’aux autres.Vous aussi, cotisez dès maintenant auprès de la Fondation FSMO.

SANS BUT LUCRATIF022 530 00 50

FONDATION DE SECOURS MUTUELS AUX ORPHELINS

DBÉLIER \ Vous irez ventre à terre pour pouvoir garderles pieds sur terre. Ayez plusde circonspection pour biencirconvenir votre entourage.

ETAUREAU \ Bourré d’aimants,le pot de terre lancé contrele pot de fer ne se briserapas. Gardez la confiance envotre puissante attraction etne doutez plus de vos forces.

FGÉMEAUX \ Un brusqueretour sur terre vous feraapprécier la terre d’asile qui vous accueille bienautrement que vousl’envisagez vous-même.

GCANCER \ Lorsqu’unepanthère s’attaque à un homme à terre, installez-vous entre eux et examinez lequeldes deux se rapproche le plus rapidement de vous. Soyez héroïque à bon escient.

HLION \ On finit soudain sous terre en terre inconnue.Evitez les déplacements quivous seront avantageu se mentproposés.

IVIERGE \ Mieux vautdemeurer assis sur un nuageque de remuer ciel et terreen tapant des mains et des pieds. Patience!

JBALANCE \ Terre Neuve etTerre de Feu sont des terresétrangères qui accroissentvos fièvres des semelles.Partez sans tarder d’un bout à l’autre du continent reliantdeux mondes au vôtre.

KSCORPION \ La terre de vos ancêtres est celle des damnés de la terre. Osez retourner là-bas pourchanger vos idées noires.

LSAGITTAIRE \ Nul n’est surterre sans voir ou revoir la terre sainte et la couvrirde baisers (proverbe mono -théiste). Ne soyez pas si terre à terre lorsque vous évoquez le ciel.

ACAPRICORNE \ Une prise de terre manquante risquede vous procurer desfrayeurs exagérées. Coupezle courant et retrouvez-leuniquement lorsque vousserez rassuré sur son emploijudicieux.

BVERSEAU \ Le manchot sur la banquise est mieuxreconnu par les siens que le cul-de-jatte engagé dansl’armée de terre. Sachezdistinguer les voix qui vous convoquent avant de vous rendre ici ou là.

CPOISSON \ Cessez de balancer entre néant et chimère selon la direction que l’euphonie du titre de cette traversée zodia -cale vous inspire: Vise ets’enterre ou visée sans terre.

Vis et s’enterreENNEMOND NEAUSARDE

N E L L A S U EE O T E D TT S R R R A R OI R T I T A A LV E O S V M H EM A C P I A C P

R R S TO O L E

S E I A H I P P I S M E U E U Q I S Y H PE E N N O D N A R O S E N R E E S R U O C I E

E T N E C S E D R L L Q N N P N E K A R T I N G UN B R K A I A L O U A O D R B I E G A I NO C E N M S P A P A D I U N R O L P O G K EI Y G O P C E B R S E S H E O O B O D L E S TT C L I A I N D E H S S C L F A N E D F LA L E S G P T N T U T E T C E C G G I O NT I M N N L E A A U T F A H E O I P P OI S E E E I R H W U O C E G U T T A C IU M N C X N C G A U P R O P A R A R L TQ E T S O E D E L T A P L A N E F R U AE L L A B N B A B M U T Y R I U N B C

G R N O T M U M A T R I UA G T L I E B P C A A DG N I L R U C I H P E PA I N U P Q U V T TL G O T S U T N O I T A I V AO G I T E E I C R I C K E TP O T E X U S A U L T VA J A N C E M N G I I ED L T N U J E O B R LE L A I R D E Y OM A N S SI B O I IR T L M OC O L P NS O A LE F B E E

Le coureur mystérieuxTHIERRY OTT

Lorsque vousaurez découvert tous lesmots qui se cachent danscette grille, il vous restera

21 lettres avec lesquelles vouspourrez former le coureur

mystérieux. La lecture des noms,dans la grille, peut se faire horizon -

talement, verticalement oudiagonalement, à l’endroit ou à

l’envers. Attention! Chaquelettre peut être utilisée

plusieurs fois.

Solution en page 31

(3) Air – Art – Bob – But – Jeu– Lob – Ski – Tir – VTT

(4) Boxe – Char – Club – Dope – Fond – Golf – Nage – Pied –Vélo – Vite

(5) Balle – Canoé – Catch – Cross – Gagne – Géant – Haies – Lutte – Paume – Rugby –Salle – Sport – Stade – Tenue – Voile

(6) Aviron – Ballon – Beauté – Course – Esprit – Hockey – Marche – Mètres –Pelote – Rapide – Simple – Squash – Tennis

(7) Amateur – Article – Coureur – Cricket– Curling – Escrime – Jogging – Karting

(8) Aviation – Campagne – Cyclisme – Descente – Football – Galopade – Handball – Hippisme –Natation – Patinage – Physique – Ping-pong

(9) Ascension – Education – Excursion – Olympique – Parapente – Promenade – Randonnée –Règlement – Water-polo

(10) Chaussures – Deltaplane – Discipline – Equitation

(11) Infatigable

(12) Parachutisme

(14) Professionnels

29Journal des Bains 7 · été 2012 AUX BAINS

La féra est un animal dodu et pai-sible, qui vit pépère dans les pro-fondeurs du lac Léman. Membrede la famille des salmonidés, elleoffre, une fois passée à la casserole,

une chair d’une délicatesse inouïe. Inouï, oui.Le monde entier nous envie notre chère féra.

Le saumon à l’oseille est une recette crééeil y a trois bonnes décennies (voire plus) parJean Troisgros à Roanne. Recette devenuepresto l’un des classiques du répertoiregastronomique occidental. On s’agne-nouille. On se signe.

Ben, nous, on a fait notre petite cuisine en touillant tout ça. Voilà doncdes filets de féra à l’oseille, plat dechoix, plat de roi, réalisable en seizepetites minutes montre en main, quine nécessite guère qu’un peu de crèmefleurette et de vin blanc. Plus une écha-lote. Plus des filets de féra tout frais,gentiment levés par la poissonnière, quiest brune et lutine. Plus un bouquetd’oseille.

Démonstration chronométrée.0-3e minute. Hachez une échalote, puis

balancez-la dans une casserole avec une noi-sette de beurre à feu cool.

3-7e minute. Pen -dant que l’échalote fondtranquilou, préparez undéci de blanc sec. Puislavez, ôtez la tige cen-trale et détailler en fineslanières une dizaine defeuilles d’oseille.

7-11e mi nute. Ajou -tez le vin blanc dans la

casserole, laissezréduire. Fa ri nezmollo le pois-son, salez et poivrez-le. Faites chauf-fer une poêle anti adhésive.

11-12e minute. Ajoutez une lou-chée de crème fleurette à la sauce etdouze gouttes de citron. Assaison nezavec une certaine véhémence de bon aloi (mais kesk’il raconte???). Re -muez. Puis incorporez doucementl’oseille. Goûtez, réservez la sauce auchaud.

12-15e minute. Poêlez le poisson,d’abord côté peau, dans un petit mix

huile d’olive-beurre, à feu medium dru. Uneminute et demie de chaque côté (ou deuxminutes, en cas de féra superventrue). Il faut

Top Slurp

La féra à l’oseille en16 minutes chronoJÉRÔME ESTÈBE

Avez-vous déjà expérimenté ce parfum de liberté, ce goût de vacances qui vousenvahit dès qu’on franchitl’entrée des Bains des Pâquis?Offrons-nous de respirer à fond cet air de fête et de tolérance qui flotte sur les Bains, même par temps humide et froid. Même par temps gris.

ESTHER ALDER*

Aujourd’hui, le temps est printanier.Radieux et venteux. Il n’y a pas lafoule des dimanches de canicule.Quelques familles cependant. Pasles flots d’élèves en course d’école

ou de collégiens en pause. Mais de nombreuxemployés des banques du centre-ville qui ontdéjà posé leur cravate car nous sommes vendredi ! A proximité, et cela ne choque personne, il y a tous ceux que notre sociétélaisse au bord de l’eau, exclus et marginaux…Ainsi que des groupes d’aînés qui délaissentCité seniors pour quelques parties de cartesendiablées… Sans oublier les habitués, Pâqui -sards, qui retrouvent au cœur de leur quartierun havre de paix qu’ils regrettent d’avoirperdu ailleurs.

Les touristes? Ils sont là. Ils n’ont pas peurde la bise. Ils ont déniché ce «bon plan», hautlieu du nouveau tourisme urbain. Aux Bains,on mange bien et pas cher! Avec eux, goûtonsdonc un moment hors du stress et du tempsmillimétré qui est le nôtre.

En plein cœur de la ville, en marge d’undes quartiers les plus multiculturels de Suisse,les Bains permettent à une grande diversité

de personnes, de toutes les générations, detous les statuts, de toutes les nationalités,les cultures, les religions… de se côtoyersur une petite bande de terre largementouverte sur le monde. Cette diversitéconstitue une formidable richesse pour la société et pour la ville tout en tière.Mais elle n’est pas, dans les faits, que lejoyeux melting pot dont on peut rêver.Dans les préaux, dans les parcs et dans lesrues, cette cohabitation pose question et,parfois, pose problème. Aux Bains, riende tout cela. Est-ce la magie de l’eau?

Ici, la diversité est assumée, réussie.Les individus se croisent, les parcours defemmes, d’hommes et d’enfants, Genevois,Confédérés, résidents étrangers de longuedate, pendulaires, expatriés professionnels,victimes de régimes politiques ou réfugiéséconomiques… s’entremêlent. Aux Bainsdes Pâquis, on découvre toutes les facettesde la Genève d’aujourd’hui lors d’exposi-tions, d’activités ludiques et de weekendsthématiques.

Réunir les uns et les autres, favoriserles rencontres, tisser des liens: c’est la basedu bien-être de toute la communauté.C’est pour cela que j’aime les Bains. Pource qu’ils font pour notre ville dans undomaine très disputé, très discuté, celuide la tolérance. Avec le Département dela cohésion sociale et la solidarité, quandje mets en place une nouvelle politique, jeparle de cette tolérance-là. Nous sommesappelés à vivre ensemble: les travailleurs,les personnes en situation précaire, lesjeunes en rupture nous tendent un miroirsur le monde d’aujourd’hui.

Les Bains ont été vigoureusement dé -fendus par une poignée d’audacieux témé-raires. Puis timidement soutenus par lesautorités, avant d’être affectueusementadoptés par tous. Pour ma part, je salueles Bains comme un lieu unique, popu-laire. A préserver absolument.

Bains d’ailleurs? J’aime ces Bains qui,au départ des Pâquis, nous permettent devoyager dans le monde entier.

*Conseillère administrative de la Ville de Genève,en charge du Département de la cohésion socialeet de la solidarité. La parole sera donnée aux autres magistrats dans les prochains numéros.

Les magistrats parlent des Bains

Visiter le monde entier sans quitter Genève

Photographie Aurélien Bergot / whitebalance.ch

ÉRIC BAUER

Poème de la merLa souris dit en pissant dans l’océantant pis c’est toujours ça, Je me senssi sole ce soir, allons aux buttessaumon, fréquentons les bars.

Je vous prie de changer de thon, vous n’êtes qu’un aiglefin, j’en appelle au gardien du squale.

Ne lâchons pas lamproie pour l’omble, gardon notre sang froid, jouons-lacarpe sur table, on s’en paye une tanche et je tire le mérou.

Poisson fraisA pied sur le quai j’entre en scène, la rive à

cour le lac à jardin, sortir du port, le phare le jetd’eau, quitter la ville, un peu de nuit un peude jour, le vent frais de surface, des brouillardsmatinaux comme dit la météo, les cormorans sibeaux les cols verts, les mouettes sur le triangled’eau parler, se taire c’est encore mieux, rêver deFracasse ou Crochet, et pourquoi pas des deux.

Les lignes en attente, le bruit du moteur, lepatron pour râler s’arrêter, ici ça va cartonner,hier c’était bien mais hier c’est toujours mieux.

Lancer le plomb jusqu’au fond.Attendre, impatient, le premier poisson.

L’ombreCe soir, sur la plage,mon ombre me fait signe,de la main…viens, suis-moi,me dit-elle,je ne peux rien faire sans toi.

que la chair garde sa structure, sans virer auvieux coton mouillé.

16e minute. Respirez, mais pas trop. Nap -pez le poisson, débouchez presto un salvagninautochtone, classe et ciselé, par exemple celuide Philippe Villard à Anières. Et servez avecun sourire modeste à la tablée extatique. Enfanfaronnant: «Z’avez vu les gulus, ce que jevous ai tambouillé en un quart d’heure?»

Un zeste de forfanterie ne nuit jamais lesoir au dîner.

http://jeromeestebe.blog.tdg.ch

Journal des Bains 7 · été 201230 AGENDA

Bris de verre, mégots de cigarette,pique-niques abandonnés, détritusen tous genres, piles ou vieux télé-phones portables, papier gras, in -civilités quotidiennes: tel est le lot

d’un des lieux les plus accueillants et les plusbeaux, flottant entre deux eaux au centre dela ville et si cher au cœur de la population.

Autant les services de voirie que les jardi-niers, ou encore les employés des Bains, setrouvent aujourd’hui submergés et débordésen tous lieux par ces excès toujours plusmanifestes de détritus jetés aux quatre vents,sans souci de recyclage ou de respect pourl’environnement, sans parler du respect de lapersonne.

L’envie était donc forte de revaloriser ledéchet autant que l’espace social que nouspartageons tous, de même qu’évoquer le tra-vail parfois peu gratifiant de tous ces acteursqui, chaque matin, nous rendent une ville etses divers lieux aussi propre qu’un sou neuf.

Ainsi les Bains des Pâquis, en partenariatavec le service Voirie-Ville propre de la Villede Genève, ont-ils décidé de mettre sur pieddurant le mois de mai, mois du déchet, ungrand week-end autour de ce thème.

Communiquer et informer de façon lu -dique et festive semblait donc le meilleur moyende se faire entendre. Pour endiguer ces com-portements insouciants face aux déchets,objets sales et à cacher par définition, dont onse débarrasse presque honteusement, emme-ner les visiteurs avec nous pour leur montrerla beauté dont ceux-ci peuvent se revêtir, estun pari que nous espérons joyeux et porteur.

Ainsi, durant tout le week-end des 19 et 20 mai 2012, aurons-nous la joie de partagerde nombreux stands tenus par des institu-tions ou des associations de la protection del’environnement, de participer à des ateliersde recyclage, d’écouter des musiciens jouerleur partition sur des déchets, de concourir à la fabuleuse chasse au trésor entre des

véhicules de la Voirie, de regarder nombred’artistes, de photographes, de stylistes s’ex-primer sur le sujet, ou encore de danser le soirau son d’un bal déguisé.

Sans vouloir dévoiler ici l’ensemble duprogramme, nous retiendrons la présence duMusée du Léman qui nous emmènera sur latrace des micro-polluants, de l’Associationpour la sauvegarde du Léman, de Greenpeace,des afficionados du paddle board dont baladeaquatique rime avec récolte de déchets, ouencore d’Inobat, avec lequel nous partironstraquer les piles cachées que, malheureusement,nous jetons si fréquemment par ignorance oupar inadvertance simplement, souvent inca-pable de les déceler.

Outre ces nombreuses activités, le serviceVoirie-Ville propre tiendra un stand d’anima-tion et d’information en collaboration avecTerre des Hommes sur la problématique durecyclage des déchets. Vous pourrez partici-per concrètement à la récupération des télé-phones portables qui dorment souvent au fonddes tiroirs, en rapportant vos vieux appareilssur le stand. Les téléphones de seconde mainen bon état favoriseront l’accès à la commu-nication dans des pays où les lignes fixes sontrares et coûteuses.

Peut-être, entre nous tous, arriverons-nousà réenchanter la magie de ces matins clairs etlumineux sur la rade de Genève, et faire vivreencore longtemps la ligne épurée d’un siteurbain si adapté à son environnement naturel,dans le respect de tous et de chacun.

La Fête aux déchets, aux Bains des PâquisSamedi 19 mai de 11h à 17hdès 20h, bal déguisé du déchetDimanche 20 mai de 10h à 16hInfo : www.bainsdespaquis.ch

Affiche : Sylvie Wibaut

19-20 mai: la Fête aux déchets A leur ouverture en 1932 déjà, en deux mois d’exploitation à peine, les premiers bains publics en béton des Pâquis reçurent plus de 325 000clients, initiant ainsi un succès jamais démenti. A l’instar de tant de parcs, de jetées, de lieux publics, les Bains des Pâquis voient défileraujourd’hui près d’un million de visiteurs par an et se trouvent confrontés de manière éloquente au problème des déchets et de leur tri.

pré-aubesVENDREDI 22, SAMEDI 23, DIMANCHE 24 JUINGrande fantaisie zoologique. Musique de CamilleSaint-Saëns, texte de Francis Blanche Vincent Aubert (l’Auguste), Christian Robert-Charrue (Monsieur Loyal), les Pianistes, les Musiciens du Chausse-Coqs, direction Eric Bauer

VENDREDI 29, SAMEDI 30 JUINDIMANCHE 1er JUILLETCarte blanche au Conservatoire populaire demusique, danse et théâtre (CPMDT)

aubesmusicalesdu 22 juillet au 2 septembre tous les jours

de 06h00 à 07h00

DIMANCHE 22 JUILLETAérobic Zumba

LUNDI 23 JUILLETSabir Khan et Prabhu Edouard

MARDI 24 JUILLETCave 12

MERCREDI 25 JUILLETAtman Project Trio: Guillaume Barraud, bansouri, Marc Liebeskind, sit guitar, Prabhu Edouard, tablas

JEUDI 26 JUILLETDanse grecque

VENDREDI 27 JUILLETTrio Guarino

SAMEDI 28 JUILLETHyren

DIMANCHE 29 JUILLETMrDame, Gabriel Tejedor

LUNDI 30 JUILLETElina Duni

MARDI 31 JUILLETJessica Brouzes trio, chant jazz

MERCREDI 1er AOÛTCors des Alpes et autres surprises traditionnelles

JEUDI 2 AOÛTDanse africaine, Filibert Tologo

VENDREDI 3 AOÛTCoco de roda, groupe de Casco, six personnes et une professeure de danse

SAMEDI 4 AOÛTKtotam quartet

DIMANCHE 5 AOÛTGypson Five

LUNDI 6 AOÛTPaulo Santos Sousa, musique traditionnellebrésilienne

MARDI 7 AOÛTJazz Lyon

MERCREDI 8 AOÛTAntony Hequet quartet

JEUDI 9 AOÛTLe groupe Paul K et l'association «Pour le Bal»,bal folk

VENDREDI 10 AOÛTHiacynthe Reish, chanson spectaculaire

SAMEDI 11 AOÛTMaud Brulhart, trio flamenco

DIMANCHE 12 AOÛTHommage au paysage, musique classique

LUNDI 13 AOÛTIndrani Mukherjee

MARDI 14 AOÛTQuartet Schmaltz

MERCREDI 15 AOÛTSophie solo

JEUDI 16 AOÛTFrançoise Atlan + GendeRevolution,avec Marc Liebeskind, Sukhdev Mishra,Nabankur Bhattacharia

VENDREDI 17, SAMEDI 18, DIMANCHE 19 AOÛTCarte blanche à l’AMR

LUNDI 20 AOÛTMarc Etienne Besson quartet

MARDI 21 AOÛTChristophe Sturzenegger, ensemble de cuivresmusique classique

MERCREDI 22 AOÛTMusique chinoise

JEUDI 23 AOÛTJazz trio Pascal Schaer, trombone, guitare,contrebasse

VENDREDI 24, SAMEDI 25, DIMANCHE 26 AOÛTLa Tasse, spectacle musicalEtienne Privat, chant, Julien Paillard, accordéonLuis Alberte, Jacques Vincenti, Philippe Clerc,saxophonesJean-Luc Riesen, contrebasseAlain Brunner, percussions

LUNDI 27 AOÛTChristophe Erard, musique mongole

MARDI 28 AOÛTAmnésia Mémor, chansons roms de l’Europe de l’Est

MERCREDI 29 AOÛTTania Muller, calligraphie et flûtes

JEUDI 30 AOÛTThe National Fanfare of Kadebostany

VENDREDI 31 AOÛT,SAMEDI 1er ET DIMANCHE 2 SEPTEMBRECarte blanche aux Ateliers d’ethnomusicologie (ADEM)

31Journal des Bains 7 · été 2012 AGENDA

JOURNAL DES BAINS

Le journal de l’AUBPAssociation d’usagers des Bains des PâquisQuai du Mont-Blanc 30, 1201 Genèvetél. 022 732 29 74www.bains-des-paquis.ch

Rédactrice responsable Françoise [email protected]

Rédaction Armand Brulhart, Philippe Constantin,Serge Arnauld, Fausto Pluchinotta

Conception graphiquePierre Lipschutz, www.promenade.ch

Finances et administrationHugues Richard

Ont collaboré à ce numéroEsther Alder, Eric Bauer, Jérôme Estèbe, Frédéric Favre, Jean-Claude Ferrier, Jean Firmann, Colette Grand, Maya Guidi, Laurent Guiraud,Antony Hequet, Gérald Herrmann, Johny Hunt,Aloys Lolo, Thierry Mertenat, Guy Mérat, Fred Merz, Yves Nardini, Ennemond Neausarde,Françoise Othenin-Girard, Thierry Ott, Charlotte de Perrot, Plonk & Replonk, David Ripoll, Daniel Suter, Sylvain Thévoz

Publicité Helena de Freitas [email protected]

ImpressionCIE Centre d’impression Lausanne SA

Tirage: 10000 exemplaires

Journal imprimé sur du papier certifié FSC®

© 2012, les auteurs et l’AUBPISSN 1664-3003

Prochaine parution: automne 2012Délai rédactionnel: 14 septembre 2012

PLONK & REPLONK

J’vais viderl’eau!Dixit Roger Dumuid, dit pépé,qui ne viendra plus joueraux cartes.

En cette fin d’année 1950, ma -nèges et guinguettes s’instal-lent à Nyon. Pépé, célibataire,va taquiner la belle. En effet,pépé est bel homme et char-

meur. Il l’est d’ailleurs resté toute sa vie.Ses yeux croisent alors le regard de Marthe-Andrée, dite mémé. Il ne l’invite pas à dan-ser. La danse, pour lui, c’était une connerie.Ils boivent un verre et il finit par la sé -duire. Ils se marient en 1952, naissance deRaymond en 1953 puis de Christiane en 1955.

La vie de cet homme est simple: bou-lot, bistrot, cartes. Surtout les cartes ! Il ypasse des nuits entières en fin de semaine.

Pour mémé, la vie ne s’annonce pastout rose. Pépé ne cause guère, est difficileen cuisine: peu de viande, pas d’arêtes,pas de salade. Il est plutôt dessert au cho-colat. Et comme bricoleur, il a dû changerune fois l’ampoule mais avant, il a enlevéles plombs… N’étant pas le dernier à payerla tournée, son mariage a failli capoter.

En visite un jour chez son médecin,pépé est mis devant un choix. «Si tu n’ar-rêtes pas tout de suite l’alcool et le tabac,va t’inscrire à la Flamme, et ne reviensplus me voir.» A partir de ce jour-là, ilstoppa tout ou presque. Car il garda sapassion, les cartes. A sa retraite, tous lesmatins dès 9h, il était aux Bains des Pâquis,attendant les autres joueurs, et cela par-fois jusqu’à 14h. Son jeu, le chibre, 7 decarreau, pique double et rubicon. Il ai -mait un 514, mais quand il en prenait un,il montrait légè rement ses dents, signed’un agacement évident. Son joueur pré-féré était connu sous le pseudo de Fanfan,presque un frère pour lui.

Généreux, il distribuait bonbons etdouceurs à tous les joueurs. Les samedis,c’étaient des plaques entières de chocolatqu’il offrait à ses enfants et petits-enfants,et le plat du jour à sa fille Christiane.

Avec Raymond, son fils aîné, les rela-tions étaient plus animées. Mais commedit mémé, les chiens ne font pas des chats.

Pépé rappelait souvent l’anniversaired’un copain et demandait à mémé de luipréparer un de ses délicieux gâteaux.

Un jour, pépé est venu aux Bains avecune canne. Il rentrait plus tôt chez lui, dès15h, et s’endormait devant la télé. Puis celong séjour à l’hôpital. Ses enfants et petits-enfants l’ont suivi et entouré tous les jours,jusqu’à son dernier atout, ce 26 février.

Il n’ira plus jamais vider l’eau.Les comptes? Il devra désormais en

rendre à Dieu. Il est même capable de lesjouer aux cartes et de le mettre rubicon.

Ta place aux Bains est désormais vide.Personne ne saura te remplacer. Mais untournoi de cartes portera ton nom. Adieu,pépé! Johny Hunt

SAMEDI 5 MAI

ÙBAL BRETONOn danse avec Yves Leblan de 10h à 12h

JEUDI 17 MAI

ÙSONOPACK FAIT SON ASCENSIONSilent Party de 15h à 3h du mat’Info: www.sonopack.ch

SAMEDI 19 ET DIMANCHE 20 MAI

ÙFÊTE AUX DÉCHETS � voir page ci-contre

VENDREDI 22, SAMEDI 23 ET DIMANCHE 24 JUIN

ÙPRÉ-AUBES MUSICALES dans le cadre de la Fête de la Musique � voir page ci-contre

JEUDI 28 JUIN

ÙJOURNÉE DES ÉCOLES DES PÂQUISET DES EMS VILLE DE GENÈVE Bains fermés au public jusqu’à 17h

VENDREDI 29, SAMEDI 30 JUIN ET DIMANCHE 1er JUILLET

ÙPRÉ-AUBES MUSICALES � voir page ci-contre

LES MARDIS 10 ET 17 JUILLET, LES JEUDIS 12 ET 19 JUILLET

ÙÀ LA DÉCOUVERTE DU BIOTOPE AVEC LA LIBELLULEdès 14h. Inscriptions à la Rotonde

DIMANCHE 22 JUILLET

ÙTRIATHLON INTERNATIONAL DE GENÈVE

TOUS LES JOURS DU 22 JUILLET AU 2 SEPTEMBRE

Ù6e ÉDITION DES AUBES MUSICALESChaque matin à 6h00 par tous les temps.Entrée libre. Cafés, thés offerts � voir page ci-contre

MERCREDI 1er AOÛT

ÙFÊTE NATIONALE Dès l’aube: concert, tournoi de cartes, lutte à la culotte, lancer de la pierre. Inscriptions le jour même à la Rotonde

JEUDI 2 AOÛT

ÙINAUGURATION OFFICIELLE DES FÊTES DE GENÈVEBains fermés côté femmes dès 17h

DIMANCHE 26 AOÛT

ÙCOURSE AUTOUR DU PHAREdès 14h. Inscription sur place dès 11h

SAMEDI 1er ET DIMANCHE 2 SEPTEMBRE

ÙFÊTE DES JUBILÉS DES BAINSDÉMONSTRATION DE JOUTES SÉTOISESMusique et animations du samedi 11h au dimanche 17h

DU 6 AU 9 SEPTEMBRE

ÙFÊTE AGENDA 21 VILLE DE GENÈVE

2e SEMAINE DE SEPTEMBRE

ÙCOMÉDIE MUSICALE GASTRONOMIQUEDES EMPLOYÉS DE LA BUVETTE

SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 SEPTEMBRE

ÙTOURNOIS, DÈS 10hJass le samedi, pétanque le dimanche

DU 1er AU 24 DÉCEMBRE

ÙCALENDRIER DE L’AVENT«Ap eau calypse»

VENDREDI 21 DÉCEMBRE

ÙBAL DE LA FIN DU MONDE AUX BAINS

Solution du jeu de la page 28

USAIN BOLT, COUREUR RAPIDE

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