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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Deux têtes viriles d'Entremont Author(s): Marcel Renard Source: Latomus, T. 7, Fasc. 1/2 (Janvier/Juin 1948), pp. 9-22 Published by: Societe d’Etudes Latines de Bruxelles Stable URL: http://www.jstor.org/stable/41516609 . Accessed: 12/06/2014 22:40 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Societe d’Etudes Latines de Bruxelles is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Latomus. http://www.jstor.org This content downloaded from 195.78.108.81 on Thu, 12 Jun 2014 22:40:44 PM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

Deux têtes viriles d'Entremont

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Societe d’Etudes Latines de Bruxelles

Deux têtes viriles d'EntremontAuthor(s): Marcel RenardSource: Latomus, T. 7, Fasc. 1/2 (Janvier/Juin 1948), pp. 9-22Published by: Societe d’Etudes Latines de BruxellesStable URL: http://www.jstor.org/stable/41516609 .

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Deux tetes yiriles d'Entremont

Jusqu'il y a un lustre a peine, il nous etait peut-etre malaise de juger sans parti-pris de la sculpture gauloise. A defaut de documents suffisants, on avait discute le texte de Cesar d'apres lequel Mer- cure, le dieu le plus honore des Gaulois, etait egalement celui dont les << simulacres » etaient les plus nombreux chez eux (1). Salomon Reinach pensait qu'il s'agissait des pierres levees et des menhirs (2) tandis que Joseph Dechelette retrouvait les simulacra de Cesar dans les chenets a tetes de belier (3). En realite, il apparaitrait plutdt que Cesar a fait allusion a toute espece d'objet ayant pu etre con^u comme un support de l'etre divin (4) et que le passage des Commen- taires n'a rien a voir avec la sculpture proprement dite. La question pouvait done se poser de savoir si les Gaulois, en possession au vrai des arts industriels, avaient egalement connu la sculptura sinon la statuaria.

De fait, beaucoup des documents que le hasard nous avait livres etaient posterieurs a la conqu£te.

Le guerrier de Vacheres (Basses Alpes) (5), le bras gauche pose sur son bouclier et portant au cou le torques , tandis que sur sa cotte de mailles a baudrier est jete un manteau, date des environs de l'ere chretienne.

Pareillement le guerrier, d'ailleurs acephale, de Mondragon (Vau- cluse) (6), nu sous le say on, appuye sur un grand bouclier qui le dero-

(1) B. G., VI, 17, 1 : Deum maxime Mercurium colunt : huius sunt plurima simulacra.

(2) Cf. Rev. Celt. (1890), pp. 224 sqq. et 467. (3) J. Dechelette, Manuel d'arch. prehist., celt, ct gallo-rom ., t. IV, 2e ed.

(Paris, 1927), pp. 905-918 et Le belier consacre aux divinitis domestiques sur les chenets gaulois dans Rev. Arch. (1898), II, pp. 63 et 245.

(4) A. Grenier, Les Gaulois, 2e 6d. (Paris, 1945), pp. 270-271. (5) Au Mus6e lapidaire d' Avignon. A. Grenier, op. cit.y pl. VII, 1 et F. Be-

noit, L'art primitif miditerranten de la vallie du Rhone. La sculpture (Paris, 1945), pll. XL IV, 1 et XLV.

(6) Au Mus6e lapidaire d' Avignon. A. Grenier, op. cit ., pl. IV et F, Be- noit, op. cit., pl. XLIV, 2.

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10 M. HEN ARD

be en partie et dont le rebord est garni des franges du manteau, est a peu pres de la meme epoque.

D'epoque romaine egalement : le dieu accroupi de Bouray (Seine-et-Oise) (1), fait de plaques de

cuivre fondues ou repoussees et soudees, et qui ainsi s'avere encore un « travail de chaudronnerie » ;

la tete de la collection Danicourt (2), en bronze fondu, qui a ete trouvee a proximite de Lyon ;

le buste de femme de Beaumont-le-Roger (fivreux) (3), egalement en bronze fondu, a la fois conventionnel - par le traitement de la chevelure aux boucles symetriques, les yeux dessines en amande, le nez triedrique - , et en meme temps individuel par une certaine verite humaine particuliere et personnelle.

Ou bien encore les temoins dont nous disposions etaient d'une chronologie incertaine : ainsi non seulement les effigies de metal de Vieil-fivreux, de la foret de Compiegne, de Notre-Dame d'Alen- £on qui revelent quelques tentatives de modelage, mais aussi le masque viril de bronze repousse et cisele du Musee de Tarbes (4). A la suite duquel se trouvent les images precedentes. Ce masque de Tarbes, produit non classique, marque d'influences iberes peu sur- prenantes dans ce district aquitain est tout de schematisme dans ses lignes geometriques, tout de convention dans sa ciselure : c'est une oeuvre dont le style et la technique sont bien celtiques. Mais s'il est tres propable que cet ouvrage et les precedents datent d'apres la conquete, il n'est toutefois pas absolument exclu qu'ils soient anterieurs : si interessants qu'ils s'averent a differents points de vue, 11 leur manque done jusqu'a present une chronologie indiscutable.

De la sorte, en dehors de documents trop mutiles ou plus interes- sants au point de vue des idees religieuses qu'au point de vue artis- tique, nous n'avions guere a notre disposition que quelques oeuvres importantes pour illustrer la sculpture « humaniste » (5) de la Gaule

(1) Au Mus6e de Saint-Germain. A. Grenier, op. cit pl. IX, 3 et R. Lan- tier, Le dieu celtique de Bouray dans Mon. Piot , XXXIV (1934).

(2) Au M*us6e de Saint-Germain. A. Grenier, op. cit., pl. IX, 1-2. (3) Au Mus6e de Saint-Germain. A. Grenier, op. cit., frontispice. (4) Sur ces documents, cf. R. Lantier, Masques celtiques en mital dans

Mon. Piot, t. XXXVII, pp. 104-119 ; le masque de Tarbes est reproduit dans A. Grenier, op. cit., pl. VIII, 1-2.

(5) Sur les figurations zoomorphes, cf. F. Benoit, op. cit., p. 22 sqq. et Des chevaux de Mouriis aux chevaux de Roquepertuse dans Prihistoire , t. X,

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DEUX TETES VIRILES D 'ENTREMONT 11

independante : les deux statues malheureusement acephales du dieu assis, jambes croisees, dans la pose dite bouddhique, qui ornaient le portique du sanctuaire de Roquepertuse (Velaux pres de Ro- gnac) (x) ; un hermes bicephale du m&me endroit (2) ; les piliers aux cavaliers et aux « tetes coupees » des portiques d'Entremont (Aix- en-Provence) (3) ; les linteaux egalement ornes de chevaux et de « tetes coupees » de Nages et de Nimes (Gard) (4) ; le guerrier fort mutile de Grezan (Gard) (5), portant casque et cuirasse ; les deux bustes de Sainte-Anastasie (Gard) (6) bien frustes et si curieux par le grand casque, sans doute de cuir, qui leur encapuchonne la tete ; enfin la tete de Substantion (Murviel) (7).

Or voici que, depuis 1943 (8), le hasard d'abord, les fouilles de M. Benoit ensuite, nous ont revele a Entremont, sanctuaire des Salyens, une riche serie de documents qui sont d'un interet vraiment capital pour la connaissance de la sculpture dans cette region de la Gaule, ou au ive siecle avant notre ere l'element celtique s'etait superpose au substrat « ligure » (9). Le musee d'Aix-en-Provence s'est ainsi enrichi du « refief des adorants » sur lequel un homme et une femme aux vetements peints en rouge levent le bras gauche dans un geste de priere tandis que dans la droite ils tiennent un lievre a la hauteur de la poitrine (10) ; de « tetes coupees » sur lequelles pose une main (n) ; de tetes viriles et feminines diverses qui sont des

p. 137 sqq. Voir aussi notre 6tude sur Les « tetes coupees » d'Entremont dans L'AntiquiU Classique , t. 16 (1947).

(1) A Marseille, Mus6e Borely. F. Benoit, L'art primitif , pll. XXV et XXXIII-XXXV et A. Grenier, op. cit., pl. V. (2) A Marseille, Musee Borely. F. Benoit, L'art primitif , pll. XXVI, 1-

XXVII. Notre fig. 3. (3) Au Mus6e d'Aix. F. Benoit, L'art primitif , pll. XV, XXIII, 2, XXIX et

A. Grenier, op. cit., pl. VI, 2. (4) Au Mus6e de Nimes. F. Benoit, L'art primitif, pll. XIV, XXII, XXIII, 1. (5) Au Mus6e de Nimes. F. Benoit, L'art primitif, pl. XXI et A. Grenier,

op. cit., pl. VII, 1. (6) Au Mus6e de Nimes. F. Benoit, L'art primitif. pl. XXX et A. Grenier,

pl. VI, 1. (7) Au MusSe de la Soci6te Arch6ol. de Montpellier. F. Benoit, L'art pri-

mitif, pl. XXVIII, 1-2. Notre fig. 7. (8) Cf. F. Benoit, L'art primitif, p. 36, n. 1 et Revue d'itudes ligures, t. XIII,

(1947), p. 67 sqq. Gf. Rev. arch., 20 (1942-43), II, pp. 141-151 (R. Lantier). (9) Gf. F. Benoit, L art primitif , p. 9 et Fretiisioire , t. A, pp. lbd-lb4.

(10) F. Benoit, L'art primitif, pl. V. (11) F, Benoit, Le Cerbere d,e Genes et les « tetes couples » (fe la Narbonnaise

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12 M. RENARD

portraits 0 ; de bustes de guerriers avec le torques et dont la poi- trine est protegee par une cuirasse a masque de Gorgone, mais dont le ventre est nu (2) ; de statues ou de fragments de statues du type bouddhique (3) ; d'un groupe representant un cavalier et sa monture, de membra disiecta enfin, tels un bras muscle, une main droite avec bague et bracelet, une autre main dans laquelle est menage un trou destine peut-etre a recevoir les foudres.

Ajoutons que la ceramique et les monnaies marseillaises fournies par Texploration de la voie sacree du sanctuaire d'Entremont four- nissent des reperes chronologiques voisins des debuts du ne siecle avant notre ere (4).

Aussi, bien que ces decouvertes appartiennent au Midi de la Gaule et bien qu'elles n'affectent qu'un centre, est-on quelque peu surpris de trouver dans l'ouvrage au reste riche en aper^us originaux qu'un eminent historien a publie en 1947 une execution aussi com- maire que celle-ci : « Peu de chose a dire sur l'Art des Gaulois. lis ne nous ont laisse aucun monument d'architecture ni statuaire, en dehors de figurines et de quelques bas-reliefs d'autels tres frustes. Encore sont-ils du debut de l'ere romaine » (5).

Nous voudrions, a propos de deux tetes viriles recemment exhu- mees et dont M. Benoit nous a gracieusement fourni la photographie, montrer l'interet primordial des decouvertes d'Entremont. Nous tenterons aussi de caracteriser et de preciser, a la suite del'inven- teur, quelques uns des aspects de cette sculpture celto-ligure des

Salyens, d'ailleurs deja partiellement publiee par Tarcheologue fran- ^ais (6).

De meme que les autres sculptures d'Entremont, ces deux tetes viriles sont en calcaire du pays. Leurs dimensions correspondent a

peu pres a la realite. Elles ont subi des epaufrures diverses, mais ce sont surtout les parties saillantes qui ont souffert : le nez, les joues, le menton. En fait, ces dommages resultent en bonne partie d'une

dans Riv. di Studi Liguri , t. XII (1946), p. 81, figg. 2-4 et M. Renard, Les dtites couples* d'Entremont, figg. 6-9.

(1) F. Benoit, L'art primitif, pll. XL-XL III. Nos figg. 1-2 et 4-6. (2) Ibid., pll. XXXVIII-XXXIX. (3) Ibid., pl. XXXVIII, 2. (4) Cf. F. Benoit, Entremont, capitate cetto- ligure de la Provence dans Rho-

dania , Congrds d' Avignon, t. XXII (1946), p. 2 du t.-^-p. (5) F. Lot, La Gaule (Paris, 1947), p. 102. (6) Cf. les ouvrages pr6cit£s.

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PLANCHE I

Fig. 1

Fig. 3

Fig. 2

Fig. 4

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Fig. 5

PLANCHE II

Fig. 6

Fig. 7

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DEUX TETES VIRILES D'ENTREMONT 13

tentative de destruction systematique, comme le prouvent par exem- ple les eclats qu'on a fait sauter de la partie droite d'un des visages, mais qui ont heureusement pu etre remis en place. Au total cepen- dant l'etat de conservation est assez bon, du moins si on le compare aux autres documents de la serie, souvent plus mutiles.

La premiere effigie (fig. 1) (3), celle dont la chevelure est traitee en spirales, presente l'aspect general d'un ovale ; le crane est eleve et rond, le front haut, nu et large. Les yeux en amande saillent assez fort et sont hordes par le trait epais des paupieres ; leur enfoncement dans l'orbite est encore accentue par la proemi- nence des fortes arcades sourcilieres dont Tasymetrie correspond a celle des yeux ; les arcades se rattachent brusquement, un peu dure- ment, a la base du nez avec lequel elles dessinent meme un angle legerement aigu. Le nez est trianglaire, massif ; les ailes en sont rectilignes et de leur base un pli profond, rendant plus considerable encore la proeminence des pommettes, descend vers chacune des commissures des levres. Celles-ci, minces et serrees, legerement de travers, s'avancent un peu. La machoire est forte, le menton plein. Les oreilles grandes et plates apparaissent a peine quand on consi- dere l'image de face. Le cou puissant est cylindrique, mais il es- quisse deja quelque peu le jeu des muscles et la saillie de la pomme d'Adam. Dans l'ensemble, cette oeuvre ou se manifeste un evident souci de traduire avec precision et de maniere accentuee les details de l'ossature et des chairs, presente des contours et des lignes nets, plutot durs, les transitions etant seches et insuffisamment mena- gees.

L'autre tete (fig. 2) offre un ovale plus aminci vers le has. Sous la chevelure traitee par petites masses, le front apparait bas. Le nez est triedrique comme dans l'exemplaire precedent, mais ici son aile dessine avec 1' arcade sourciliere qui la continue une sorte de crosse bien arrondie. Sous les sourcils toujours epais, les paupieres et Toeil, moins globuleux pour autant que les mutilations permettent d'en juger, se revelent mieux traites. Les pommettes et les ma- choires sont moins accusees tandis que le dessin de la bouche aux levres un peu effacees ne manque pas de verite. L'oreille aplatie contre la tempe est grande et conventionnelle. Au total, les passages d'un plan a l'autre se font ici moins durement, Toeuvre est moins rigide et moins lineaire. Elle apparait plus evoluee.

(1) Cf. Revue d' 6tud.es ligures , t. XIII (1947), p. 68.

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14 M. RENARD

Ces sculptures devaient etre polychromees comme le prouvent les traces de couleur qui subsistent sur d'autres ouvrages d'Entre- mont et d'ailleurs (x). Ainsi, le regard, notamment, devait prendre quelque vie dont ne permet plus de juger aujourd'hui Tceil globuleux ou n'est encore incisee aucune prunelle.

La date a attrihuer a ces deux tetes comme a plusieurs autres d'Entremont peut etre fixee de fa^on assez sure. Ce que nous avons dit plus haut du materiel archeologique decouvert a l'emplacement de la voie sacree fournit deja quelque approximation. En outre, comme on l'a note (2), ces ceuvres apparaissent plus recentes que la statuaire de Grezan ou de Roquepertuse datant de la Tene II, tout en etant plus proches de Roquepertuse. Enfin, etant donne que les mutilations de toutes ces statues ne sont pas accidentelles, mais resultent d'une destruction volontaire et systematique, il est nor- mal de voir la les consequences de la prise de l'oppidum des Salyens par C. Sextius Calvinus en 123 avant J.-C. (3). Nous avons done des chances de ne pas nous tromper de beaucoup en datant ces deux oeuvres du milieu du ne siecle avant notre ere ou d'un peu avant.

Nos deux tetes viriles presentent entre elles des ressemblances, ne serait-ce que la forme amigdaloi'de des yeux, l'aspect triedrique du nez, l'accentuation de l'ossature, bien que celle-ci soit plus mar- quee d'un c6te et moins de l'autre. Mais les divergences ne sont pas moins evidentes. II suffit pour s'en rendre compte de comparer par exemple, outre le traitement des chevelures, la forme et l'as- pect des cranes et du front, le dessin de la bouche et, comme nous 1'avons deja note, la fa<jon differente dont l'arcade sourciliere se rattache a la base du nez.

Des similitudes analogues comme de pareilles differences se con- statent d'ailleurs si nous comparons nos deux sculptures aux autres oeuvres d'Entremont et a celles des diverses regions du Midi de la Gaule qui en ont fourni de plus ou moins contemporaines. La plu- part presentent evidemment Taccentuation des traits, l'ceil globu- leux, le sourcil saillant, et le nez triangulaire, qui sont des caracteres communs a toute cette sculpture et qui sont deja visibles dans le

(1) F. Benoit, L'art primitif, pp. 32, 33, 38. (2) Ibid., p. 38. (3) Gf. Rev. d'dtudes ligures, t.XIII (1947), p. 68 (F. Benoit) : «Surle terrain

mSme des fouilles la presence de nombreux boulets de basalte lanc6s par cata- pulte, de traits de baliste et de pointes de pilum * illustre la destructionde la capitale salyenne. Voir Rev,, arch., 20 (1942-43), II, pp. 147-148 (R. Lantier).

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double herm&s de Roquepertuse (fig. 3). Mais il convient de noter plutdt que l'effigie a chevelure en spirales (fig. 1) se rapproche du guerrier casque d'Entremont (fig. 4) et dans une certaine mesure du guerrier de Grezan pour la forme generate du crane ; de deux tetes feminines (fig. 5) et d'une tete virile d'Entremont (fig. 6) encore pour le traitement des machoires carrees et des pommettes saillan- tes ; de la premiere de ces tetes feminines egalement ainsi que de la tete aux yeux clos de Substantion (fig. 7) et d'oeuvre posterieures, comme le guerrier de Vacheres et la, tete Danicourt, pour le raccord brutal du sourcil a la ligne du nez ; enfin de la tete virile diademee d'Entremont (fig. 6) pour le dessin des levres avancees que presente d'ailleurs aussi le double hermes de Roquepertuse (fig. 3).

De son cdte, l'autre tete virile (fig. 2) rappelle la tete casquee d'Entremont (fig. 4) pour l'ovale du visage et, pour le peu de hau- teur du front, la tete de Substantion (fig. 7) - trait qui se retrou- vera d'ailleurs plus tard dans le dieu de Bouray, la tete Danicourt et celle de Beaumont-le-Roger. Quant au dessin arrondi de la ligne du nez et des sourcils qu'offre ce dernier document, la jeune tete virile ici presentee l'avait deja en commun avec la tete cas- quee qui vient d'etre citee.

Ainsi done, des rapprochements auxquels nous venons de nous livrer il apparait que tel document que nous avons invoque a titre de comparaison presente simultanement des traits que nous retrou- vons tant6t dans l'une, tantdt dans l'autre de nos deux effigies : si la tete virile diademee d'Entremont (fig. 6) rappelle par exemple notre figure 1 par le dessin des machoires et des levres, elle evoque en meme temps par d'autres elements notre figure 2 ; cette derniere est a rapprocher, avons-nous dit, d'une tete casquee (fig. 4) pour la forme du visage, mais cette meme tete casquee rap- pelle d'autre part la figure 1 pour l'aspect du crane ; par ailleurs la tete de Substantion (fig. 7) presente des paralleles avec la premiere de nos effigies, mais elle rappelle en meme temps la seconde a d'au- tres points de vue. Des constatations semblables s'imposent aussi pour la comparaison avec des documents posterieurs comme la tete Danicourt, a la fois similaire par certains details du premier de nos documents et du second par d'autres.

Dans ces oeuvres celtiques dela Gaule meridionale apparait done un melange complexe d'elements varies, amalgames selon des pro- cedes divers de contamination. Mais avant de determiner les sources de ces sculptures d'Entremont, quelques remarques sont necessaires, car la prudence s'impose.

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16 M. RENARD

En effet,il ne faudrait pas se laisser abuser par des comparaisons factices avec les oeuvres d'autres regions dans lesquelles semblerait se retrouver le schematisme de nos sculptures, leur aspect negroide, la convention de certaines de leurs chevelures stylisees, leur repre- sentation de l'oeil en amande, leur dessin de l'oreille. Ce sont la des traits fort ordinaires de la plupart des « primitivismes ». Les conclusions basees a priori sur des comparaisons elaborees a Taide de ces seuls elements seraient fallacieuses, car l'identite des con- ventions « primitivistes » n'implique pas necessairement une derivation historique. Les analogies peuvent n'etre que des similitudes issues de recommencements dans une certaine mesure a peu pres partout semblables.

Mais, ces observations faites, il apparait qu'elles sont loin de suffire a expliquer la genese de la sculpture celto-ligure de la Gaule meridionale. Ces oeuvres, en effet, presentent des traits bien par- ticuliers : leur « primitivisme » offre indeniablement des caracteres propres, qui en font des productions differentes de ce qu'ont pro- duit les autres archaismes. Que des influences diverses aient d'ailleurs agi pour susciter la naissance de cette sculpture, cela ne fait nul doute puisqu'elle est limitee a ce district meridional de la Gaule. litant donne la situation de cette region au carrefour de voies de terre et de voies d'eau, il n'est pas surprenant qu'il en ait ete ainsi.

Et tout d'abord, le rayonnement hellenique a du se manifester directement, du moins dans une certaine mesure. L'influence de Marseille s'est surement exercee sur les Salyens avec lesquels la metropole phoceenne se trouvait en conflit. Mais il serait sim-

pliste et faux de se limiter a cette observation, car Tart massa- liote du me siecle justifierait difficilement les caracteres si parti- culiers des sculptures d'Entremont, meme si Ton considere que Tart grec d'apres Alexandre a parfois remis en honneur des principes et des donnees de Tarchaisme. Les influences helleniques qui ont mar- que les sculptures d'Entremont se sont sans doute moins manifes- toes par le fait de Marseille que par Tintermediaire d'autres regions (x) dont Fart avait garde de nombreux elements issus de Farchai'sme hellenique, et dont le niveau esthetique correspondait ainsi bien mieux a la mentalite artistique des Salyens.

(1) Renard, Les fragments de bucchero dicouverls en Gaule meridionale et leur signification dans Latomus , t. VI (1947), p. 309 sqq.

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En ce sens, l'influence etrusque a ete vraiment considerable et elle a ete reconnue des l'abord (x). A la fois marchands et pirates, les Tyrrheniens frequentaient toute la cote de la Gaule meridionale (2) et les tendances archai'santes de leur art sont bien connues. On a fort bien pu de la sorte assigner un prototype d'Orvieto a l'hermes bicephale de Roquepertuse (3) et on a justement fait observer que la facture des sourcils epais des sculptures d'Entremont paraissait deriver de l'art etrusque de la terre cuite et du bronze (4). Tout recemment, les fouilles du site salyen n'ont-elles pas revele au sur- plus que le plan des maisons de la ville haute, au voisinage du sanc- tuaire, presentait des similitudes non seulement avec les methodes de l'urbanisme hellenique, mais aussi avec les habitations italo- etrusques (5) ? Et est-il necessaire de rappeler tout ce que l'imagerie funeraire celto-ligure, a commencer par les representations du mons- tre devorant, doit a l'fitrurie (6)?

En ce qui concerne plus particulierement les images humaines dont il est ici question, le realisme dont elles sont empreintes (et ceci n'exclut pas d'autre part que bien des elements demeurent conven- tionnels) s'explique le mieux par Faction de l'art etrusque. C'est le gout etrusco-italique pour les images realistes qui a trouve un echo chez les Celtes de la vallee du Rh6ne, bien plus que Fidealisme grec. C'est pour beaucoup de Tart etrusque que releve la propension que decelent ces productions rhodaniennes pour l'accentuation des traits, le souci qu'elles montrent des volumes et des masses. En outre sans recourir aux sculptures du tumulus de la Pietrera (Vetulo- nia), un peu lointaines dans le temps, ni - pour expliquer la styli- sation de la chevelure de notre figure 1 - au Jupiter de Conca, nous ne manquons pas de paralleles precis entre les documents d'Entre- mont et ceux d'fitrurie. Le guerrier dont nous avons deja parle (fig. 4) porte un casque de type italique et son aspect n'est pas sans rappeler par exemple le combattant d'un revetement de columen

(1) F. Benoit, L'art primitif , passim . Gf. Tar ticle cite a la note pr6c6dente, pp. 314-315.

(2) M. Renard, Les fragments de bucchero , p. 313 sqq. (3) F. Benoit, L'art primitif, pp. 31-32 et Prfliistoire , t. X, p. 208. (4) Id., L'art primitif, p. 39. (5) Revue d'ttudes ligures, t. XIII (1947), p. 68. (6) Cf. F. Benoit, L'art primitif , passim et les 6tudes du m6me auteur dans

Riv. di St. Liguri, t. XII (1946), p. 80 sqq. et dans Prihistoire , t. X, pp. 137- 210, passim .

Latomus VII. - 2.

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de Conca (1). Le bandeau de cheveux ondules de la tete feminine egalement citee plus haut (fig. 5) fait songer a la coiffure des femmes etrusques etendues sur les sarcophages et les urnes de Toscane, a Larthia Seianthi entre autres (2) ; ses cheveux vermicules se re- trouvent non seulement en Grece, mais aussi dans la tete feminine d'une antefixe de Seggiano (3). Le diademe de la tete virile que reproduit la figure 6 evoque egalement de nombreuses oeuvres etrus- ques : une statuette de Monteguragazza (4), le defunt d'un sarco- phage de Chianciano (5) et un autre de Chiusi (6). Sa chevelure aux stries paralleles est deja celle de l'Apollon de Veies (7). De meme la courbe dessinee par l'aile du nez et Tarcade sourciliere de notre figure 2 est celle de cet Apollon encore. Voila quelques exemples qu'il serait facile de multiplier.

Un autre facteur doit peut-etre entrer en ligne de compte. Des similitudes, en effet, ont ete decelees entre les statues funeraires de la necropole de Nesazio pres de Pola et les sculptures de Roque- pertuse (8). Les parallelismes sont a etendre aux recentes decou- vertes d'Entremont. Mais il faut toutefois se demander s'il y eu ici des rapports plus ou moins directs - ce qui est fort possible - ou bien si nous nous trouvons en presence de deux regions dont 1'evolution artistique s'est faite de fa^on assez identique sous Tac- tion de pareilles influences. II se pourrait aussi que les deux expli- cations soient a retenir simultanement, car souvent les phenomenes de civilisation protohistorique sont deja fort complexes.

Enfin des influences iberes se sont sans doute manifestoes surtout en tant que vehicule d'inspirations grecques et etrusques (9). Mais elles sont moins nettes dans les sculptures d'Entremont dont nous parlons ici que dans le bestiaire funeraire. En ce qui regarde les figurations humaines, les influences venues d'Espagne sembleraient

(1) Giglioli, L'arte etrusca (Milan, 1935), fig 167, 2. (2) Ibid., fig. 394. (3) Ibid., fig. 176, 3. (4) Ibid., fig. 220, 1. (5) Ibid., fig. 235. (6) Ibid., fig. 393. (7) Ibid., fig. 193. (8) H. de Gerin-Kicard, Kapport entre t arcneoiogie prowmsionque ae la

Provence et de I'Istrie dans Bull. Arch . C1934) et dans Provincia (1937) ; F. Be- noit, L'art primitif, p. 32 et Prihistoire , t. X, p. 208.

(9) Cf. M. Renard, Les fragments de bucchero , p. did.

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avoir moins marque les sculptures d'Entremont et de Roquepertuse que celles des centres situes a l'Ouest du Rh6ne (1).

S'il faut a present porter un jugement de valeur sur les sculptures d'Entremont dont nous venons de parler, on reconnaitra sans peine - toute consideration sur les conventions inherentes a l'archalsme mises a part - les maladresses que presentent encore ces documents. Toutes les inexperiences n'y sont certes pas vaincues et l'unite plas- tique n'est pas toujours atteinte. Des defauts de composition de- meurent evidents et apparaissent notamment dans la maniere de- fectueuse dont la chevelure est rattachee au front. C'est que nos sculpteurs gaulois ne sont pas encore capables de realiser pleinement les syntheses, parce qu'ils en sont encore pour beaucoup a l'analyse. lis decomposent encore, de meme que leur art ornemental par exemple dissocie les elements de la palmette ou de meme que leurs monnaies scindent les elements des images qu'elles empruntent : procedes qui trahissent la fantaisie de 1' imagination, sans doute, mais egalement des preoccupations analytiques. On releve aussi dans nos sculptures du schematisme, de la lourdeur et de la rigidite dans les traits encore trop figes, trop inertes. Le modele ne va pas suffisamment chercher la vie sous l'epiderme du marbre. Les fa- Connements sont encore ceux de sculpteurs asservis aux traditions d'un art qui recemment etait surtout lineaire. D'autre part, nos artistes demeurent aussi trop a la suite de leurs modeles etrangers : ils cherchent moins a rendre leur sujet qu'a retrouver sur l'effigie de celui-ci les procedes de leurs prototypes, un peu comme Feleve inexperimente s'attache a retrouver dans le texte authentique la traduction dont il se sert plutdt qu'a tirer sa propre version de Tori- ginal.

II s'en faut pourtant que tout s'avere ici defectueux. Au contraire, ces ouvrages portent dej& la marque d'un certain savoir-faire, ils montrent le souci de vaincre la pierre pour lui donner la vie, le de- sir d'atteindre les formes en soutenant les chairs au moyen d'une ossature solidement elaboree. Sans doute, ces images ne sont-elles pas degagees de toute inertie, mais il ne leur manque plus tellement pour palpiter d'une veritable vie. Moins rigide que celle de Roque- pertuse, cette sculpture est franche et drue, traitee d'une main ferme et vigoureuse. Exception faite pour les chevelures, peu de details

(1) Voir des observations parallfcles k propos des « tdtes coupees » dans Prfhistoire, t. X, p. 206 (F. Benoit).

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anecdotiques. La matiere est traitee par grandes masses, en volu- mes simples, a grands plans comme dans 1* art etrusque. Et les proce- des encore un peu frustes n'excluent pas que nous trouvions de bons cheminements de lumiere et que certains rythmes soient deja heu- reusement rendus.

D'autre part, tout en cherchant a tirer parti des apports que leur fournissait l'exterieur, nos sculpteurs obeissaient a des tendances profondes et aussi a des gouts inherents a leurs origines ou tout au moins propres au stade auquel ils etaient parvenus de 1' evolution artistique. Et d'abord plusieurs de ces effigies ne manquent pas d'une exuberance pleine de saveur et de jeunesse. Ensuite, si les accents lineaires y sont marques parfois avec durete, parfois avec justesse, n'est-ce pas un reste evident de la propension que l'art celtique montrait pour la ligne ? Jusque dans certains details, nos sculptures se revelent bien gauloises meme si elles ont ces details en commun avec d'autres arts qui leur en ont fourni le modele. Ainsi, s'il est vrai qu'on pourrait facilement citer des precedents aux bou- cles en spirales de Tune des tetes viriles d'Entremont (fig. 1), ces rapprochements seraient en grande partie fallacieux, car c'est la un motif devenu reellement celtique, un procede dont on sait que les Gaulois firent un emploi extremement frequent, particulierement a l'epoque de la Tene. Ces spirales simples ou en forme d'S des che- velures sont l'expression de leur evidente tendance au style decora- tif et se retrouvent non seulement dans le repertoire ornemental, mais aussi dans bien des images et des effigies. C'est de ce gout pour la ligne courbe, en particulier pour la spire, uni a la fantaisie que procede aussi par exemple le vase de Betheny (Marne) avec son cheval dont la queue se termine en spirale I1).

Les sculptures d'Entremont nous offrent encore un curieux essai de fusion entre cet esprit lineaire de l'art celtique et le realisme du portrait etrusco-italique. C'est la, on ne saurait trop y insister, l'une des donnees les plus interessantes que fournissent ces nouvelles ceuvres. Nos sculpteurs, nous l'avons dit, ont ete plus sensibles au realisme etrusco-italique qu'a des creations ideales. Encore qu'il s'agisse de sculptures funeraires representant, au voisinage du sanc- tuaire, les princes salyens sans doute heroi'ses (2), il est k peine besoin

(l) J. D£chelette, Manuel, fig. 661, 3, p. 971. (2) F. Benoit, L'art primitif , p. 36 et Rev . d'6t. ligures, t. XIII (1947),

p. 68.

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d'insister sur le fait que chacune de ces figures est concrete, person- nels, individuelle. Ici, rien d'abstrait, de spiritualise. Chaque vi- sage presente un type vrai, bien particularise. La pensee n'anime peut-etre pas autant qu'il le faudrait ces tres curieuses sculptures, mais elles se differencient physiquement les unes des autres et sont ou du moins veulent etre deja d'authentiques portraits.

Pour que naisse cette sculpture sur le sol gaulois il a fallu l'etin- celle des influences exterieures cheminant par les voies terrestres au moins autant sinon plus que par les routes de la mer (x). Mais quel art ne s'est pas forme et enrichi d'emprunts? Du reste, les recentes decouvertes d'Entremont consacrent de fa$on desormais incontestable l'originalite de la production sculpturale surgie au cours des decades qui ont precede la conquete dans cette province de l'art mediterraneen que constitue le Midi de la Gaule. Cet art, archaisant au second degre pourrait-on dire, puisque, tout en s'in- spirant plus ou moins directement de Tart grec, il procede en bonne partie de l'art etrusque dont les tendances sont elles-memes archai'santes par rapport a Tart hellenique, presente une fraicheur juvenile et, par-dela les influences subies, off re des caracteres bien specifiques, extremement originaux

Les sculptures d'Entremont, par leur nombre, leur variete, leur prestigieux interet, reduisent a neant mieux que ne pourraient faire celles des autres centres de la Gaule meridionale le dogme de la soi-disant impuissance congenitale des Celtes a acceder aux formes superieures de la vie artistique. Elles revelent que sous de fecondes influences un art veritale etait en train de naitre dans cette partie de la Celtique situee au point de convergence des voies de FOcci- dent mediterraneen peu d'annees avant que se produisit la con- quete romaine. Celle-ci allait d'une part empecher l'extension a tout le territoire gaulois de cette naissance a la grande sculpture et d'autre part interdire aux Celtes et plus particulierement a ceux du Midi de poursuivre leur evolution artistique et de realiser leur classicisme. Avec la conquete romaine s'introduira tout le reper- toire des types et des episodes de la mythologie greco-romaine. Les solutions toutes faites et les recettes seront accueillies par facilite et les promesses que donnait la sculpture celto-ligure tourneront court. Jullian avait done tres justement pressenti que la Gaule in-

(1) M. Renard, Les fragments de bucchero, p. 315,

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dependante eut pu creer un art original si le temps lui en avait ete laisse : les ceuvres d'Entremont le prouvent aujourd'hui. Sans doute faut-il regretter qu'il n'ait pu en etre ainsi, mais il ne conviendrait pourtant pas d'oubliertout ce que la Gaule a gagne a devenir romaine. Et d'ailleurs le gout pour la sculpture que nous y constatons sous l'Empire n'est-il pas Texpression des memes tendances qui ont permis a la sculpture celto-ligure de naitre si brillamment des le temps de l'independance? Une statue comme la jeune captive de Saint-Bertraciid-de-Comminges representee alors « le chef d'oeuvre d'un art... qui peut etre dit vraiment gallo-romain », en unissant « a un type classique une naivete d'expression et de modele encore primitive » (x), c'est-a-dire le modele greco-romain et la saveur de Fesprit celtique.

Marcel Renard.

(1) Memorial des etudes lalines offert a J. Marouzeau (Paris, 1943), p. 615, (A. Grenier).

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